Les derniers avis (30668 avis)

Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série La Mythologie Viking
La Mythologie Viking

Un album au format comics avec une jolie jaquette, c'est elle qui a attiré mon regard. Les noms de Neil Gaiman et de Philip Craig Russel ont fini de me convaincre de repartir avec l'album. Deux noms associés à de nombreux comics. J'ai un faible pour tout ce qui touche à la mythologie, par contre je dois reconnaître être un peu creux sur la mythologie nordique. Évidemment je connais quelques dieux et les grandes lignes de leurs aventures. Je profite donc de l'adaptation du roman du même nom de Gaiman pour combler mes lacunes. Gaiman s'est appuyé sur des textes historiques pour réinterpréter avec malice ces contes et ces légendes. Et le résultat dépasse mes espérances. J'ai pris un grand plaisir à suivre les péripéties d'Odin, Thor, Freya, Tyr.... et du facétieux Loki. Un Loki bien différent de celui de l'univers Marvel. Une lecture captivante et enrichissante qui rétablira quelques vérités. Vous apprendrez pourquoi Odin est borgne, pourquoi le manche du marteau de Thor est si court, vous saurez tout sur les enfants de Loki et plus encore. Chaque chapitre se concentre sur une légende, des dieux qui ressemblent à de grands enfants, le tout sur un ton léger avec un soupçon d'humour. Jouissif ! Visuellement, c'est très beau. De Philip Craig Russel à Jill Thompson en passant par Mike Mignola ou Jerry Ordway, dans des styles très différents, ils font preuves de maîtrise tout en gardant une certaine harmonie graphique. Des couleurs lumineuses. Une mise en page dynamique. Que demander de plus ? En cadeau les superbes couvertures alternatives de David Mack. Vous voulez tout savoir sur la mythologie viking ? Alors cette série est faite pour vous. Une série qui commence par les origines du monde et qui se terminera par le ragnarök. Vivement la suite ! Tome 2. Un tome deux toujours aussi jouissif avec "l'hydromel des poètes" ou encore "les pommes d'immortalité". Un album au ton un peu moins léger, le ragnarök approche. Mais toujours aussi captivant à lire, sans oublier la petite pointe d'humour. Toujours cette harmonie graphique avec Matt Horak, Mark Buckingham, Gabriel Hernandez et Sandy Jarrel. Très beau dans des styles différents. Et toujours en bonus les magnifiques couvertures alternatives de David Mack Tome 3. Ce dernier volume conclut de bien belle manière les aventures des dieux nordiques avec la mort de Balder et le Ragnarök. C'est toujours aussi plaisant à lire, tout en s'instruisant. Visuellement, j'ai pris plaisir à retrouver David Rubin et Philip Craig Russel ainsi que de voir débarquer Colleen Doran. Un cahier graphique en fin d'album avec entre autres les superbes couvertures alternatives de David Mack. Malgré les nombreux dessinateurs aux styles différents, l'harmonie graphique est conservé pour mon plus grand plaisir. Très beau. Je ne peux que recommander chaudement cette série à ceux qui veulent découvrir la mythologie nordique.

05/07/2024 (MAJ le 15/11/2024) (modifier)
Par Emka
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Jours de sable
Jours de sable

Une BD qui prend le temps de raconter, de poser une ambiance, et de nous immerger dans une époque. L’histoire se déroule pendant les années 1930, en plein Dust Bowl, cette période où les tempêtes de sable ont ravagé les grandes plaines des États-Unis. On suit John, un jeune photographe envoyé par une administration fédérale US pour documenter la misère des fermiers, et très vite, son regard change. Ce qu’il pensait être un simple reportage devient quelque chose de plus personnel. Graphiquement, c’est superbe. Les dessins alternent entre des couleurs terreuses, presque étouffantes, et des moments de clarté qui donnent de l’air. Aimée de Jongh joue beaucoup sur les textures et la lumière pour retranscrire cette poussière omniprésente, cette lourdeur qui colle à la peau. Les portraits qu’elle croque sont saisissants, remplis d’humanité, et on sent son admiration pour les photographes de l’époque, comme Dorothea Lange, qui ont inspiré l’histoire. Le récit, lui, avance doucement mais sûrement. Ce n’est pas une BD qui mise sur les rebondissements, mais sur une progression intérieure. John commence par observer, puis il se heurte à des dilemmes : comment rendre justice à ces gens ? Comment raconter leur histoire sans les trahir ? Ces questions donnent toute sa force à l’album, en écho à notre rapport actuel aux images et à leur impact. C’est une lecture qui marque par sa sincérité. Elle ne cherche pas à faire grandiloquent, juste à raconter quelque chose de vrai, avec des personnages qui sonnent justes et des émotions qui restent. Une belle réussite, à la fois visuellement et narrativement.

15/11/2024 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5
Couverture de la série Sa Majesté des Mouches
Sa Majesté des Mouches

Note 3,5 J'ai découvert Aimée de Jongh avec le très bon Jours de sable et la pensais bien en mesure de relever le challenge de cette adaptation graphique d'un texte culte. Assez fidèle au roman de Golding (dont elle a d'ailleurs gardé les textes tels quels, sans tous les prendre bien sûr), elle s’approprie le récit tout en jouant sur l’impact visuel, avec des dessins qui passent doucement d’une ambiance lumineuse et naïve à des tonalités sombres, rouges, pour accompagner la descente vers le chaos. Le trait est fluide, aéré, et rend la lecture facile sans pour autant simplifier le propos. Certaines planches marquent. C’est brutal sans en faire trop, laissant la violence s’installer sans la surjouer. De Jongh privilégie les non-dits, les silences, et ça fonctionne, même si je regrette un peu un côté édulcoré par rapport à l'original. Le choix de conserver certaines phrases clés du roman, tout en élaguant les passages les plus denses, donne une version allégée, qui perd un peu son essence, forcément. On retrouve les grandes questions sur la nature humaine du récit : la fragilité de l’ordre, et cette idée que, livrés à eux-mêmes, les hommes – même des enfants – peuvent sombrer. Mais l'ensemble perd quand même en tension dramatique par rapport à l'original, il faut bien le dire. C’est une adaptation fluide et efficace, qui permet de redécouvrir le texte sous un autre angle. Moins cru que le roman, mais une belle porte d’entrée dans cette histoire.

15/11/2024 (modifier)
Couverture de la série Oleg
Oleg

J'ai beaucoup aimé ce récit intimiste à caractère autobiographique de Frederik Peeters. Je dois dire que je me retrouve dans un grand nombre des observations que l'auteur fait à propos de la société qui l'entoure. J'ai particulièrement apprécié ses réflexion sur cette société sans limite qui s'infantilise dans une immédiateté éphémère. J'ai trouvé la construction du récit très fine et intelligente passant de l'imaginaire créatif à une réalité réduite et souvent déprimante. Peteers observe sans illusion cette accélération du changement de codes qui fragilise le socle commun. L'auteur a l'intelligence de ne pas porter de vain jugements de valeur mais au contraire se met au centre d'épisode humoristiques dans une autodérision très drôle ( la classe, les dédicaces). Les récits intimistes de certains auteurs de BD peuvent vite se montrer ennuyeux quand il s'agit d'une succession de beuveries, de soirée et de malheurs sentimentaux. Au contraire Peeters prend le contrepied de cette tendance en proposant la durée, la routine constructive ou la résilience devant l'adversité. Cela fait de lui et sa famille un ensemble de personnages très attachants et souvent touchants dans leurs tentatives de faire coïncider leurs aspirations existentielles aux contradictions issues de leur présence au monde. L'auteur nous propose un graphisme en N&B très travaillé incluant de nombreuses références en fonction des situations évoquées. Cette narration visuelle équilibre parfaitement le texte . C'est incisif et dynamique dans les deux cas comme si l'auteur avait eu le souci de ne pas privilégier l'une par rapport à l'autre. Il se présente ainsi comme une troisième voie entre un passé où l'écrit dominait et un avenir redouté où on ne saura plus faire trois phrases de suite. Cette narration graphique m'a paru un peu sombre en feuilletant le livre mais à la lecture cela correspond bien aux interrogations internes d'Oleg/Peeters. In fine c'est plutôt un beau message optimiste qui se dégage de cette étude sur l'amour long. Une belle lecture qui m'a touché.

15/11/2024 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5
Couverture de la série L'Aigle sans orteils
L'Aigle sans orteils

L’Aigle sans orteils, c’est l’histoire d’une époque autant que celle d’un homme. Christian Lax nous plonge au début du XXe siècle, dans un monde où le vélo est encore une aventure, une folie réservée aux audacieux. On suit Amédée Fario, ouvrier sur les chantiers de haute montagne, qui décide de se lancer dans le Tour de France, porté par une ambition presque naïve mais terriblement humaine. Ce qui marque, c’est l’équilibre entre la petite histoire et la grande. Lax raconte l’évolution du Tour, ses débuts épiques où chaque étape ressemblait plus à une épreuve de survie qu’à une compétition. Mais il raconte aussi l’ouvrier, la rudesse de son quotidien, et ce besoin d’évasion qui passe par un vélo. C’est une BD qui parle de dépassement, mais aussi d’une époque qui bascule lentement vers la modernité. Graphiquement, c’est magnifique. Les traits sont précis, expressifs, et les paysages alpins, tout comme les scènes de peloton, prennent vie dans des tons doux, presque nostalgiques. On sent la poussière des routes, l’effort dans chaque coup de pédale, et la camaraderie comme les rivalités qui traversent le peloton. Lax a ce talent rare de raconter sans en faire trop. Les dialogues sont simples, justes, et l’émotion passe souvent par les regards ou les silences. Ce n’est pas une histoire grandiloquente, mais une chronique humaine, où chaque victoire, chaque défaite résonne avec quelque chose de plus profond. L’Aigle sans orteils, c’est une ode au cyclisme, mais aussi un hommage aux hommes de cette époque, à leur force, leur courage, et leur fragilité. Une BD qui laisse une belle empreinte, comme un dernier virage avant la ligne d’arrivée.

15/11/2024 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5
Couverture de la série Pain d'Alouette
Pain d'Alouette

Suite de L'Aigle sans orteils que j'ai beaucoup aimé, je n'ai pas été déçu par le changement de décor qui nous fait passer des Pyrénées au plaines du Nord. On plonge dans une France d’après-guerre où tout semble en reconstruction : les vies, les rêves, et même l’espoir. Christian Lax, avec son style mêlant finesse graphique et ancrage historique, nous emmène dans un récit où se croisent le souffle du Tour de France, la poussière des mines et les drames humains d’une époque. Ce n’est pas juste une BD sur le vélo ou sur le Nord : c’est une histoire de transmission, de courage et de résilience. Le récit suit plusieurs trajectoires : un ancien coureur gazé à la guerre, son jeune neveu qui rêve de vélo, et Reine, une orpheline enfermée dans un orphelinat austère, symbole d’une époque qui peine à prendre soin de ses enfants. Lax mélange tout cela avec une justesse désarmante, jamais dans l’emphase, toujours au plus près des émotions. Il montre autant la rudesse du quotidien que l’échappée qu’offre le cyclisme, ce sport qui fascine les classes populaires par son effort brut et sa beauté simple. Les dessins aquarellés de Lax captent parfaitement l’ambiance : des tons gris et ocres qui évoquent la sueur, la terre, et la lumière rare d’un jour de fête où le peloton passe. Les scènes de mine sont oppressantes, le bruit des barres de fer semble résonner à chaque page. À l’inverse, les moments de vélo offrent une légèreté qui tranche avec la dureté du reste, comme une respiration dans un monde qui peine à avancer. Ce qui frappe, c’est le regard porté sur ceux qu’on oublie souvent. Lax raconte une époque marquée par les blessures visibles et invisibles, avec une attention particulière aux relations humaines, à la transmission de valeurs dans un monde en miettes. Il ne force jamais le trait, et c’est là toute sa force. C’est une lecture qui touche, sans jamais appuyer. Pain d’alouette, c’est une fresque humaine qui parle autant d’histoire que de destin. Une belle œuvre, à la fois sobre et lumineuse.

15/11/2024 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Monsieur Mardi-Gras Descendres
Monsieur Mardi-Gras Descendres

Une traversée unique, un mélange de grotesque et de métaphysique qui ne ressemble à rien d’autre. On suit un héros mort, réduit à l’état de squelette, qui explore un purgatoire aussi absurde que déprimant, avec ses lois alambiquées et ses absurdités bureaucratiques. Dès les premières pages, l’univers impressionne. Le trait est sec, précis, presque clinique, et chaque détail des décors – ces villes faites de bric et de broc, ces squelettes rafistolés – donne vie à ce monde désespérément désorganisé. L’histoire, elle, avance doucement, mais ce n’est pas là le cœur de l’expérience. Ce qui fascine, c’est cette ambiance d’ennui oppressant et d’humour noir. Tout semble désespéré, mais on ne peut s’empêcher de sourire face aux dialogues absurdes et aux situations improbables. Ce mélange entre réflexion sur la condition humaine et loufoquerie pure fonctionne étonnamment bien. C’est à la fois une quête initiatique et une satire qui joue avec les codes religieux, philosophiques et sociaux. Certains passages traînent un peu, c’est vrai. C'est ce qui m'empêche d'aller jusqu'aux 5 étoiles. L’intrigue prend des détours qui peuvent sembler inutiles, mais dans cet univers, même l’ennui a un sens. Le récit nous force à nous poser, à nous imprégner, et finalement, on se rend compte que c’est précisément ce flottement qui m'a fait entrer dans ce purgatoire étrange. Une BD qui demande de la patience et un certain goût pour l’absurde. Mais pour ceux qui acceptent de se perdre dans ce monde, Monsieur Mardi-Gras des Cendres offre une expérience rare, entre contemplation et dérision, le tout dans un cadre visuel impressionnant. Une belle découverte.

15/11/2024 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5
Couverture de la série Maurice et Patapon
Maurice et Patapon

C'est bête et complètement assumé, mais avec une intelligence derrière chaque pet. Oui, c’est pipi-caca, mais du pipi-caca pensé, travaillé, et efficace. Charb balance ses deux lascars – un chien et un chat – dans un univers où tout est prétexte à déconner sur les instincts les plus basiques. Ça éructe, ça flatule, ça balance des absurdités, et ça enchaîne les punchlines avec un talent que peu de bandes dessinées ont dans ce registre. Ce qui marche, c’est cette capacité à être aussi cru que fin. Chaque strip est un doigt bien enfoncé dans l’œil du politiquement correct. Ça va chercher des réflexions pseudo-philosophiques sur les déjections, des débats existentiels sur le pet, et tout ça avec une telle absurdité qu’on en redemande (enfin quand on aime). C’est régressif au possible, mais jamais gratuit : derrière la crasse, il y a une critique du monde, une façon de démonter nos petits travers humains en les collant dans la gueule d’un chien et d’un chat. Graphiquement, c’est minimaliste, et ça suffit largement. Le dessin est là pour servir les dialogues, rien de plus. C’est sec, direct, sans chichi, et c’est pile ce qu’il faut pour que l’humour fonctionne. Charb savait exactement où placer la limite, et surtout quand la franchir. Résultat : on rigole, mais on se sent un peu sale en le faisant. Et c’est bien ça le plaisir de Maurice et Patapon. Une BD qui pue la connerie, mais de la bonne connerie, celle qui fait réfléchir une fois le rire passé. Tu nous manques Charb.

15/11/2024 (modifier)
Couverture de la série Une histoire dessinée de la danse
Une histoire dessinée de la danse

Cet album est un documentaire sur l'histoire de la danse occidentale, retraçant son évolution à travers les époques en suivant deux personnages, Camille et Andréa, deux êtres quasiment immortels. Le parti pris est original (en tout cas à mes yeux) mais il est en fait source du seul gros défaut de cette œuvre selon moi. Nos deux personnages ne pouvant être ubiquistes, on ne nous parle finalement que d'une certaine histoire de la danse. On ne nous parle que trop peu des danses asiatiques, africaines, américaines (pré-colombiennes), moyen-orientales, ... On commence un peu à nous en parler à l'acte 8 mais en se concentrant sur leurs influences en europe. Après cela, on parlera bien de la danse américaine mais toujours pas vraiment du reste du monde. Encore une fois, c'est un défaut inhérent au parti pris d'avoir romancé cette histoire, donc je ne jette pas totalement la pierre. Mais cela reste dommageable quand l’œuvre nous promettait l'histoire de la danse (ou alors c'était peut-être pour cela que le titre était "UNE histoire dessinée de la danse"). Mais trêve de défauts, parlons des qualités ! (C'est tout moi ça, commencer par parler des défauts au risque de dégoûter les gens). L'idée d'avoir à suivre deux personnages, chacun représentant un extrême de la vision artistique, est bonne. L'une est désireuse de maîtrise, d'ordre et d'excellence, l’autre cherche plus la liberté, le chaos et le vivant. Les suivre parfois dans leurs séparations idéologiques permet d'aborder certains chiismes artistiques lors d'évènements clés. On nous bombarde d'informations. Elles sont paradoxalement à la fois nombreuses et maigres. En fait, pour faire visualiser ce que je veux dire, je vais comparer cet album aux séries animées « Il était une fois » : c’est plein de noms, de dates et d’informations nommés à la volée et replacés dans un petit contexte pour aider à la visualisation, mais ça ne rentrera pas dans les détails. En fait, c’est un peu comme une aide pour mémoriser son cours ou pour se donner envie de creuser le sujet ailleurs. Un défaut pour certain-e-s, moi je trouve que c'est un bon choix sachant qu'il aurait fallu sinon produire une vingtaine d'albums de taille similaire pour vraiment plus creuser. Ayant moi-même étudier l'histoire du théâtre et de l'expression scénique de l'Antiquité à l'époque moderne, je sais que certaines périodes auraient mérité plus d'informations (notamment l'influence de l’Église au Moyen-Âge à l'acte 3) mais j'invite fortement les personnes ne s'y connaissant pas et ayant été intrigué-e-s par certaines périodes à pousser leurs recherches à côté. Je trouve le dessin de Thomas Gilbert beau. Il illustre bien les différentes époques, les différents costumes, et se permet quelques petites libertés pour l'illustration du "ressenti" du mouvement par les artistes. Bref, si vous ne vous y connaissez pas en danse, cet album sera une introduction très fournies et les différents noms et techniques nommés et montrés vous permettront de pousser vos recherches si vous le désirez. Si vous vous y connaissez déjà en danse, vous pourrez l'utiliser pour visualiser et mémoriser certaines informations clés. (Note réelle 3,5)

15/11/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Ambroise et Louna
Ambroise et Louna

J’ai balancé d’une rive à l’autre sans m’autoriser à t’aimer. - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Elle a été réalisée par Anaïs Halard pour le scénario, et par Amélie Clavier pour les dessins et les couleurs. Elle comprend quatre-vingt-dix-neuf pages de bande dessinée. Un oiseau passe haut dans le ciel bleu constellé de nuages blancs. Une petite chaumière nichée dans une clairière, à côté, un homme le torse nu s’active à enlever les plantes et la mousse qui ont partiellement recouvert la roulotte. Il tire d’un coup sec en y mettant toute sa force, pour arracher une longue liane. Il se redresse et s’éponge le front du revers de la main, en regardant le résultat. Depuis la fenêtre de la chambre, une femme l’observe. Elle se détourne et regarde la valise vide sur le lit, avec ses affaires autour. Elle a pris une fleur en tissu dans un coffret. Elle la contemple. Elle se souvient quelques années plutôt quand l’une des deux sœurs fixait cette même fleur dans ses cheveux, devant la porte de leur roulotte. Monsieur Loyal l’appelle : elle doit se dépêcher, c’est bientôt à elle et à sa sœur. Elle sourit : il l‘a appelé Paula, et il l’a encore confondu avec sa sœur Louna. Elle ouvre la porte de la roulotte et appelle sa sœur. Celle-ci lui répond qu’elle a entendu. Louna entre dans la roulotte et voit que sa sœur Paula n’est toujours pas habillée. Cette dernière explique qu’elle n’arrivait pas à sortir de sa sieste, elle faisait un rêve. Elle était allongée sur la scène, robe remontée, les yeux bandés, les rideaux baissés. Deux hommes étaient allongés là. Sa sœur jumelle l’interrompt en lui disant qu’elle fait exprès, et elle l’aide à se préparer. Sous le chapiteau, Monsieur Loyal souhaite la bienvenue aux spectateurs, leur promettant qu’ils vont rire et vibrer, avec des numéros jamais égalés, célèbres dans toute la France. Et il annonce Paula et Louna, les oiseaux du chapiteau. Celles-ci montent dans les cordes pour rejoindre les plateformes à partir desquelles elles s’élancent dans le vide, uniquement accrochées à leur trapèze. Paula surprend sa sœur en effectuant un triplé non prévu. Tout le monde les regarde en silence, bouche née, pendant toute la durée de leur numéro. Une fois celui-ci terminé, elles rejoignent la femme à barbe et les sœurs siamoises et quelques autres saltimbanques, pour le dîner autour d’une longue table. La soirée s’avançant, les uns et les autres rentrent dans leur roulotte. Paula et Louna décident de danser jusqu’à tard dans la nuit, discrètement observée par Ambroise, le lanceur de couteaux. Le lendemain, Paula se réveille après une belle cuite, encore attablée. Les forains abaissent le chapiteau, Ambroise vient maladroitement saluer Louna, et les roulottes reprennent la route vers leur prochaine destination. En cours de voyage, le chef du cirque décide d’arrêter le convoi dans le prochain village : il y a une rivière pour se rafraîchir. Paula reprend une conversation habituelle avec sa sœur : leur numéro mérite mieux que ce cirque. Louna ne souhaite pas qu’elle lui parle de nouveau de la Russie. Ambroise s’approche pour parler à Louna. Une époque pas explicitée : fin dix-neuvième siècle, peut-être début vingtième, pas d’automobile, des trains à vapeur et la Russie qui fait rêver en tant que nation semi-exotique. Un récit qui se cantonne à la campagne, à proximité de petites villes sans qu’elles ne soient montrées, à des roulottes, à une maison isolée, et à cinq courtes scènes sous le chapiteau. Le lecteur partage la vie et l’intimité de Paula et de Louna, puis du couple avec Ambroise et de leur fille Joséphine. L’histoire se focalise sur ce noyau familial et sur son évolution romantique. La narration visuelle s’avère très facile d’accès : des dessins aux contours un peu simplifiés, avec une touche parfois de naïveté, tout en présentant une bonne densité d’informations visuelles. Une mise en couleurs de type aquarelle venant apporter des textures aux formes détourées par un trait encré, et une ambiance lumineuse souvent un peu sombre. Le lecteur remarque quelques séquences silencieuses, quatorze pages en tout, trois dessins en pleine page et un en double page. Tout le texte se présente sous forme de dialogue, à l’exception de deux lettres lues à chaque fois par un personnage. Le récit est exempt de scène de violence, il ne s’agit pas d’un roman d’aventure ou d’une histoire d’action. Cette histoire d’amour rencontre des obstacles de différente nature, dont un décès et une naissance, sans virer au romantisme ou au drame sensationnaliste. Sans même en avoir conscience, le lecteur se laisse prendre au charme doux de la narration visuelle, effectuant des interprétations et des projections, par pur automatisme, se retrouvant ainsi tout naturellement impliqué dans la vie de ces jumelles. Il commence par partager un moment de connivence organique. Louna se fait la remarque qu’une fois de plus monsieur Loyal les a confondues : le lecteur peut voir l’acceptation, avec une pointe d’amusement sur le visage de Louna, car elle en a pris l’habitude depuis des années, et elle sait que ce sera sans fin. Elle rentre dans la roulotte : la lumière a déjà commencé à décliner, et l’éclairage assez faible est dispensé par une lanterne avec une bougie, et deux ou trois autres bougies à l’intérieur de la roulotte. Dans cette semi-pénombre, les deux jeunes femmes papotent, Paula se montrant facétieuse, Louna se montrant attentionnée envers elle. Au long de cette séquence, le lecteur observe les nombreux détails dans la roulotte : le miroir accroché au mur au-dessus de la table pour se maquiller et se démaquiller avec ses flacons, la petite alcôve avec le lit et les coussins, les deux crucifix accrochés au mur, le fauteuil, la petite table avec une lampe à huile et une statuette de la vierge, et un pot de fleurs sur une autre petite table. Louna porte déjà sa tenue de spectacle : des bas noirs, une culotte noire bouffante, un justaucorps blanc et un gilet ouvragé. Alors que sa sœur est encore en tenue de sommeil, une large culotte noire elle aussi et un haut sans manche. Le lecteur partage ce moment de complicité en toute simplicité, ressentant la tendresse existant entre ces deux sœurs, et la prévenance de l’une envers l’autre, née de nombreuses années vécues ensemble et de leur gémellité. Quelques pages plus loin, le lecteur est à nouveau le témoin privilégié d’un moment d’intimité délicat et doux. Alors que les deux sœurs se sont assises sur la berge de la rivière pour y tremper leurs pieds et ainsi se rafraîchir, Ambroise arrive et tend gentiment la main à Louna pour qu’elle se lève et qu’ils fassent quelques pas ensemble pour parler un peu. Les dessins font des merveilles : l’artiste dose avec sensibilité les contours encrés, la mise en couleur, celle-ci oscillant entre couleur directe et simple évocation des grandes masses en arrière-plan. D’une manière générale, la dessinatrice se montre économe en traits encrés, utilisés surtout pour détourer les silhouettes et la forme général des objets ou des éléments de décor. Cela contribue à la légèreté des images et à la douceur des personnages. La mise en couleur vient alors représenter d’autres éléments, dans cette séquence il s’agit des arbres et des plantes, des couleurs des vêtements et leur plis et ondulations. Elle rend également compte de la texture de la terre, du feuillage des végétaux, et de simples zones vertes ou marron viennent rappeler l’arrière-plan par des camaïeux abstraits. Ce mode de représentation induit que le rapprochement entre Ambroise et Louna se fait sans heurts, sans inquiétude, tout naturellement. En page soixante-dix-huit, le lecteur assiste au numéro de trapèze, en tant que spectateur assis dans les gradins. Pour cette planche, la dessinatrice se départit des compositions en bandes à base de cases rectangulaire, pour une image ronde centrale, et des images comme en rayon autour montrant les mouvements de la trapéziste, et la réaction d’un jeune garçon qui l’admire depuis le sol. Le lecteur peut lire la concentration sur le visage de la jumelle, son contentement exprimé par un léger sourire. La direction d’acteurs reste naturaliste dans ces moments. Le lecteur est confiant quant à la réussite du numéro car les autrices ne jouent pas sur la dramatisation ou le spectaculaire, et dans le même temps il est conscient de la profondeur des enjeux émotionnels pour les principaux personnages, Ambroise, Louna, Paula. Leur situation induit une tension affective qui les contraint à s’adapter. Les autrices jouent avec les éléments implicites. Louna et Paula étant jumelles, le lecteur commence par se dire qu’elles sont proches à en être identiques : la première scène le détrompe d’entrée de jeu, avec l’une plus sérieuse que l’autre, l’une plus nomade que l’autre, etc. Il existe donc une tension dès le départ entre Louna et Paula qui n’envisagent pas la suite de leur vie de la même manière. L’arrivée d’Ambroise ne se réduit donc pas à un artifice pour mettre un grain de sable dans une relation fusionnelle, puisqu’elles présentent déjà deux caractères différents, et des aspirations similaires mais pas identiques. La vie continue et Joséphine naît, modifiant à nouveau la dynamique relationnelle entre ces trois êtres humains, dans une configuration surprenante. La maladie soudaine du nourrisson génère une prise conscience brutale de ce qui leur tient à cœur, conduisant à des résolutions fermes. Le cours de la vie confronte les personnages au temps qui passe, à l’éloignement, au rapprochement, à la naissance de la vie nouvelle, aux aspirations professionnelles, à l’impermanence des choses, à la vie propre du sentiment amoureux pouvant évoluer, tout comme pouvant rester immuable. Une histoire simple de jumelles trapézistes dans un cirque à la fin du dix-neuvième siècle : à un moment chacune souhaitera vivre sa propre vie. Une narration visuelle au dosage parfaitement équilibré entre description et sensation, qui fait ressentir les émotions des personnages, au lecteur, de manière organique, en douceur. Sans dramatisation romantique, l’amour prend des formes différentes pour chaque personnage, plus ou moins malléables. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.

15/11/2024 (modifier)