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Couverture de la série Les Guerres de Lucas
Les Guerres de Lucas

J’avais plutôt aimé à l’époque les premiers Star Wars (au passage je n’ai toujours pas compris pourquoi le titre français avait changé l’originel Guerres de l’étoile – que reprend d’ailleurs le titre de cet album), beaucoup moins les suivants. Plus généralement, je suis en grande partie revenu de mon intérêt initial (modéré il est vrai). Mais cet album m’a quand même captivé. Les auteurs se sont énormément documentés (ce que confirme l’importante bibliographie finale), et sont visiblement des fans de la saga. Qui a marqué sans doute – qu’on le veuille ou non – la culture pop mondiale. Le principal intérêt de cet album est de montrer la genèse du film, dans la tête de Lucas, puis tous les aléas ayant failli tuer dans l’œuf son projet. Le fonctionnement des studios (avec des dirigeants uniquement focalisés sur les retours immédiats sur investissements qui, voulant gagner sans prendre de risque, vont se retrouver en position de faiblesse dans leurs négociations avec Lucas), tous les détails de la fabrication du premier film (ses différentes moutures, le choix du casting – des acteurs et des « techniciens »), tout ceci est très intéressant. Comme l’est la présentation de Lucas lui-même, personnage très réservé, peu sociable et communicatif (mais qui a tôt eu de sacrés copains et conseillers dans le « milieu » - Coppola, Spielberg…). Un roman graphique aux airs de documentaire bien fichu et captivant. Une belle réussite du genre.

28/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Itchi et les 1000 yôkai
Itchi et les 1000 yôkai

Je ne suis pas du tout connaisseur de la mythologie japonaise et j'ai trouvé dans cette série jeunesse une excellente porte d'entrée pour combler mes grandes lacunes et attiser mon intérêt pour cet univers. Stéphane Melchior propose un scénario à deux niveaux de lecture. On suit l'aventure initiatique et épique de la jeune Itchi qui doit apprendre à combattre le Tengu personnage maléfique du folklore japonais. Pour ce faire et réparer sa maladresse bien involontaire, elle doit se rapprocher des yôkai pour utiliser leurs pouvoirs magiques avant qu'ils ne tombent entre les mains du Tengu. Le récit est très fluide et dynamique avec un T1 qui pose très bien les personnages de cet univers lointain pour les non initiés. En effet le plus de ce tome est d'introduire la découverte de la mythologie japonaise en douceur et de façon très accessible pour les ignorants dont je fais partie. Je me suis immédiatement senti à l'aise avec la narration qui s'adresse à un large lectorat. C'est simple mais instructif et l'on sort de la lecture avec le sentiment d'un temps agréable où l'on apprend de la culture. Le graphisme manga de Loïc Locatelli convient parfaitement au récit. C'est du manga mais en construction franco-belge tant dans le découpage que dans le graphisme et la dynamique des personnages. Pour un lecteur comme moi très réticent aux visages androgynes, lisses et clonés de la littérature japonaise cela me convient parfaitement. De plus j'ai trouvé la mise en couleur extrêmement réussie. Ce contraste des couleurs chaudes et de couleurs froides accompagne idéalement cette lutte entre forces du bien et du mal. Un premier tome très prometteur, j'attends la suite qui ne devrait tarder (je l'espère).

28/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Boule à zéro
Boule à zéro

C'est en découvrant la polémique sur certaines représentations de Ernst que je me suis aperçu ne pas avoir avisé cette série que je connaissais. J'ai donc réemprunté les six numéros de ma BM que j'ai complété par le T11 pour voir les évolutions possibles des personnages graphiquement ou psychologiquement. Pour ce qui est de la série en général, je tire mon chapeau aux auteurs. Zidrou et Ernst ont pris un vrai risque en abordant cette thématique. Un échec à la suite de maladresses qui auraient blessé des familles ayant vécu ces situations auraient été probablement très mortifère pour l'intégrité morale des auteurs. On ne fait pas de l'humour avec la santé des enfants comme on peut en faire avec des profs ou des cancres. Zidrou est immédiatement dans la justesse du propos et il ne s'écartera jamais de cette ligne qui mixte humour et empathie dans une atmosphère dramatique mais pas larmoyante. Pourtant les auteurs on su me tirer quelques larmes de-ci de-là. Il faut dire que le T4 est particulièrement fort en émotion. Les petits personnages de Zidrou et Ernst renvoient souvent à des situations vécues directement ou indirectement et qui restent ancrées en vous pour la vie durant quelque soit l'âge où vous y étiez confrontés. Les auteurs ont su introduire quelques running gags pour alléger (comme les mugs) une ambiance trop lourde. Les personnages sont cohérents avec une galerie où même les "méchants" (comme la mère d'Evelyne) deviennent gentils. On suit donc Zita pendant un an (entre 13 et 14 ans) pour la retrouver au collège en 3ème dans une scolarité non adaptée. Zidrou s'en sort très bien pour parachuter sa petite Zita dans cet autre univers qui propose d'autres difficultés. Cet ouvrage forme une boucle puisqu'il reprend la correspondance du T1 que Zita faisait à la Mort mais ici pour s'adresser à la Vie. Perso j'aimerais bien que la série s'arrête ici, cela lui donnerait une vraie force d'ensemble. Ernst propose son graphisme humoristique qu'on lui connait. C'est bien adapté à l'esprit de la série qui met en avant la vie tourbillonnante et bouillonnante de la petite leucémique et de ses copains. La série a induit la création d'une association qui donne un moment de plaisir aux petits malades et là encore bravo aux auteurs. Je ne peux pas conclure sans quelques mots sur la polémique qui vise certains dessins de Ernst et ses stéréotypes de la bouche africaine. Personnellement je trouve difficile d'accuser les auteurs de racisme pour plusieurs raisons. Les quatre premiers tomes travaillent sur cette thématique forte avec la maman d'Evelyne. Le discours des auteurs me semble sans ambiguïté dans ce domaine d'autant plus qu'ils proposent une galerie de personnages multi ethnique et multiculturelle très rafraichissante. Toutefois oui, Ernst utilise des représentations d'un autre âge sur certains de ses personnages noirs (la baronne de la serpillère, l'infirmier dans l'ascenseur, certains enfants jusqu'à Mo dans le T11), c'est regrettable et aurait pu facilement être évité. Ce n'est d'ailleurs pas le cas pour tous comme le prouve le graphisme de Jellilah, de Debrah ou de la maman d'Ayat dans le T5 dont les portraits ne me posent aucun souci. J'aurais préféré que Ernst fasse plus attention à ce point. Pour finir je trouve cette série audacieuse, originale et elle ne peut pas laisser insensible. Une belle lecture

28/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Thanos - Le Samaritain
Thanos - Le Samaritain

Une rédemption est possible, mais ça va prendre du temps. - Ce tome comprend les 12 épisodes de la série de 2004/2005. - - Thanos: Epiphany : épisodes 1 à 6, initialement parus en 2004, écrits et dessinés par Jim Starlin, avec un encrage d'Al Milgrom, et une mise en couleurs de Christie Scheele. Il est fait mention à plusieurs reprises des événements de Infinity Abyss. Thanos est assis, au milieu des décombres de la planète Rigel-3 qui était habitée avant qu'il ne la détruise (pour la bonne cause). Il est sur le point de se faire attaquer par une grosse bestiole ailée par commode, quand celle-ci est détruite par Adam Warlock (qui passait par là bien sûr). Les 2 compagnons d'armes ont une discussion à cœur ouvert, au cours de laquelle Thanos rappelle ses origines, et l'histoire commune qui le lie à Warlock. Il déclare vouloir faire amende honorable, et se racheter, en commençant par présenter ses excuses aux rigelliens des autres planètes. Adam Warlock se propose de l'accompagner. Thanos se rend sur New Rigel-3 où il n'est pas particulièrement bien reçu. Après quelques explications houleuses et brutales, les rigelliens constatent qu'ils ne sont pas en mesure de dissuader Thanos, ni même de le faire payer pour ses crimes. Ils acceptent donc son offre d'aide et l'envoient sur Rigel-18 qui a le déplaisir d'accueillir Galactus sur son sol. Étrangement, le dévoreur de monde n'a pas encore anéanti Rigel-18, se livrant à des préparatifs d'une nature indéterminée. Jim Starlin a créé Thanos en 1973, et a été son principal auteur pendant quelques années avant de le tuer. Après une brève apparition à l'occasion de la Mort de Captain Marvel, Starlin a fait revenir Thanos à la vie, ainsi que le personnage d'Adam Warlock (les 2 étant liés d'une bien étrange manière, comme les 2 faces d'une même pièce), à l'occasion de The Infinity gauntlet en 1991. Après une période de désamour avec l'éditeur Marvel, Jim Starlin revient à son, ou plutôt ses personnages fétiches en 2002, aboutissant à cette histoire en 6 épisodes, avant de repartir à nouveau fâché. Le lecteur appréciant les œuvres de Jim Starlin est aux anges, car le créateur est dans une grande forme. Il s'agit donc de la phase suivante dans l'évolution de Thanos qui a définitivement tourné la page de sa volonté de puissance, pour passer à autre chose. Il est mû à la fois par une volonté de faire amende honorable (pas facile quand on se rappelle le nombre d'individus qu'il a occis) et d'augmenter ses connaissances. Dans le premier épisode, Thanos évoque son histoire personnelle, dans le deuxième c'est au tour d'Adam Warlock, et dans le troisième Galactus se souvient de la sienne. Bien sûr il s'agit d'une obligation narrative que de présenter les personnages aux nouveaux lecteurs. Mais même pour les lecteurs plus anciens c'est une source de plaisir étonnante de voir l'aisance et l'élégance avec laquelle Jim Starlin lie les mythologies de ces 3 personnages pour qu'elles fusionnent en un tout harmonieux qui fait sens. Il a l'art et la manière de mettre en valeur ces personnages, en mettant à profit la riche histoire de l'univers partagé Marvel (alors qu'il n'a créé ni Adam Warlock, ni Galactus). À la rigueur le lecteur peut tiquer devant les modalités narratives utilisées : les personnages se parlent à eux-mêmes ou soliloquent à voix haute pour évoquer leur histoire. Le lecteur n'est pas dupe des modalités artificielles de cette exposition, mais elles restent didactiques, synthétiques et éclairantes. Dès le début, le lecteur se doute bien que l'enjeu du récit ne se limitera pas à voir Thanos tenter la voie de l'humilité, en demandant pardon. Effectivement, dès le deuxième épisode, Galactus intervient, établissant que l'enjeu est au minimum du niveau de la survie de quelques planètes. Sans grande surprise, il apparaît dès le deuxième épisode, qu'en fait l'enjeu est celui de la survie de notre réalité car il y a une autre menace tapie dans l'ombre. Starlin s'amuse un peu quant à son apparition, car ses premières manifestations sont des carrés noirs superposés à une case de temps en temps. Il jouera encore avec le lecteur quand cette entité s'adresse directement à lui en brisant le quatrième mur. Le lecteur sent bien que Starlin s'amuse, et se montre facétieux, sans pour autant obérer l'intensité dramatique de la narration. Du début à la fin, le lecteur se régale de voir le scénariste jouer avec ses personnages et avec les attentes du lecteur, tout en respectant la thématique principale de Thanos. Pour commencer, la menace à l'échelle de toute la réalité est bien présente, et c'est une nouvelle, comme si Starlin en avait une réserve inépuisable à sa disposition. Ensuite ses personnages préférés sont bien présents : Thanos, Adam Warlock Pip le troll, et même un autre membre de l'Infinity Watch pour une courte séquence. Certes Pip sert à nouveau de bouffon à l'humour bien lourd (et pas très drôle), mais cette fois-ci Thanos y ajoute une couche de sarcasmes bien secs qui révèlent une saveur inattendue chez Pip. Oui, il y a bien une baston homérique entre Galactus et Thanos, à grands coups de poing et de décharges d'énergie, mais là encore avec un sens inattendu qui la rend moins primaire. Et bien sûr, Thanos reste un stratège pour lequel il convient de créer une catégorie à part entière. Le lecteur apprécie de pouvoir anticiper certains de ses coups, et de se faire surprendre par les 2 ou 3 suivants qu'il n'avait pas vu venir. La narration est rendue encore plus savoureuse par une forme d'humilité moqueuse que Thanos pratique sur sa propre personne, loin de toute autocritique, encore plus loin de toute humiliation. Jim Starlin tient la distance pour les dessins des 6 épisodes, sans signe de fatigue. De la même manière qu'il dispose d'une verve manifeste pour l'intrigue et les soliloques, il s'est investi dans les dessins. Là aussi le lecteur retrouve les spécificités attendues : le corps massif de Thanos, son visage de pierre peu expressif, ses décharges d'énergie balancées par les poings, ou au niveau des yeux. Galactus est régalien dans sa stature. D'un point de vue visuel, Starlin s'amuse également à jouer sur sa taille (ou plutôt sur celle de Thanos qui se met à sa hauteur), et il ose lui ôter son casque, le faisant descendre ainsi de son piédestal. Pip le troll est toujours aussi ridicule avec son gilet à poche et sa trogne peu avenante. Adam Warlock a conservé sa drôle de coupe de cheveux de Infinity Abyss, ainsi que son costume toujours un peu ténébreux, rehaussé de rouge et d'or. Le temps d'une page, Starlin le redessine même avec son costume d'origine, comme au bon vieux temps (au début de l'épisode 2 pour l'évocation de ses origines). Ainsi le vieux lecteur a droit à ses moments de nostalgie, sans qu'ils n'en deviennent un prétexte. Le dessinateur a conçu une apparence des plus simples pour la nouvelle entité dévorante, et très efficace. Il joue donc avec quelques petits rectangles noirs pour signifier sa présence, pas encore matérialisée dans la dimension 616 de l'univers Marvel. Lorsque les décors sont représentés, ils sont dessinés avec minutie, et Al Milgrom s'est appliqué pour réaliser un encrage tout aussi minutieux. Lorsqu'ils ne sont pas représentés, c'est que la scène se déroule soit dans l'espace, soit sur le plan astral. Contrairement à ses œuvres pour des éditeurs indépendants de la même époque, Starlin bénéficie du travail d'une coloriste professionnelle, aidée par le studio Heroic Age disposant d'une bonne maitrise de l'outil infographique. Ainsi les cieux étoilés sont rehaussés de camaïeux transcrivant les effets de lumière, la dimension psychique présente un fond psychédélique élaboré. Lorsque Galactus met son appareil en fonctionnement, les dessins et les effets infographiques s'amalgament et se complètent pour des effets hypnotisants, peut-être un peu kitchs pour les couleurs, mais transcrivant bien le concept. Lorsque vient le moment pour Thanos d'affronter Galactus sur le plan psychique, Starlin sort un effet visuel qu'il a déjà employé, mais reconditionné pour cette série, toujours aussi efficace. Quand vient le moment pour Thanos d'affronter Galactus sur le plan physique, Starlin met en scène deux titans et des décharges d'énergie gigantesques (qui suffiraient à alimenter New York pendant une année) attestant de la taille et de la puissance de ces 2 adversaires. Ce n'est pas massif et primordial comme du Jack Kirby, mais c'est tout aussi puissant. Ce n'est pas aussi élancé que du Neal Adams, mais c'est tout aussi cinétique. En ouvrant ce tome, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il a conscience que les plans de Jim Starlin pour la série ont été coupés courts au terme de la première histoire (la suite étant écrite par Keith Giffen). Il éprouve un grand plaisir à découvrir un auteur pleinement investi, avec un humour plus détendu et plus efficace que d'habitude. Les dessins n'ont rien perdu de leur majesté, les mises en page s'adaptent à chaque séquence. Thanos est parfait de bout en bout, stratège dominant la bataille, avec quand même de réelles mises en difficultés. L'enjeu est à l'échelle de la réalité 616, et Adam Warlock se retrouve dans une position inédite qui permet à Thanos de tenir le premier rôle (normal, car c'est sa série). 5 étoiles. - - Thanos: Samaritan : épisodes 7 à 12, initialement parus en 2004, écrits par Keith Giffen, dessinés par Ron Lim, encrés par Al Milgrom, et mis en couleurs par Chrisie Scheele et Krista Ward. Par la suite, Keith Giffen donnera un rôle secondaire à Thanos dans Annihilation. Sur une planète isolée (très loin dans l'univers), Thanos arrive à pied dans une ville paumée appelée Frontline, et se rend dans le bureau de la société Omega Core. Les 3 employés présents (Cole, Swad et Kika) réagissent immédiatement en déchargeant leurs armes de service sur lui. Une fois les esprits apaisés, Cole comprend qu'il n'a d'autre choix que d'accepter la requête de Thanos : lui permettre de se rendre sur Kyln. Kyln est constitué d'un ensemble de satellites artificiels reliés entre eux, servant à capter l'énergie d'une singularité spatiale appelée The Crunch, servant également de prison pour les criminels dangereux (obligés de travailler pour capter ladite énergie), et plus récemment de lieu de pèlerinage pour une religion obscure. Sur place, Thanos rencontre un avatar de la Mort, Gladiator (Kallark, de la Garde Impériale), Peter Quill (qui n'est plus Star-Lord) et une manifestation particulière du Beyonder. Pour les fans de Jim Starlin, la nouvelle est dure : le créateur de Thanos est parti faire d'autres choses, et il a abandonné sa créature dans les mains d'un autre scénariste. Non seulement, ce ne sera pas du Starlin (oui, il y a des puristes), mais en plus les précédentes occurrences où ce personnage a été pris en main par quelqu'un d'autre l'ont invariablement ramené au statut de supercriminel basique, juste un peu plus puissant que la moyenne, et juste un peu plus cosmique. Cependant Keith Giffen (au départ un dessinateur) dispose déjà en 2004 d'une longue expérience de scénariste sortant des sentiers battus, qu'il s'agisse de son travail avec Paul Levitz sur la Légion des SuperHéros (par exemple The great darkness saga), sur une itération que l'on dit pudiquement différente de la Justice League (Justice League International, avec John-Marc DeMatteis), ou encore tout un tas de miniséries plus inventives les unes que les autres comme Lobo: Portrait of a bastich, The Heckler, Ambush Bug, etc. Dès le départ, Keith Giffen choisit de ramener Thanos à une dimension plus terre à terre : il est à pied, il a besoin de l'aide d'un être humain (Cole) pour accéder à Kyln, il intègre un groupe de touristes devant The Crunch, il est accompagné par une sorte de petite fée (appelée Skreet) à la langue bien pendue. Effectivement il dispose d'une puissance supérieure quasiment à tout le monde, et il est le personnage central d'une aventure cosmique. Par contre Keith Giffen abandonne le thème sous-jacent de la quête de l'amélioration personnelle, d'ailleurs le lecteur a bien du mal à cerner les motivations de Thanos pour aller voir The Crunch qu'il surnomme la cascade de la Genèse. Il se soumet à la nécessité d'évoquer la personnification de la Mort qui fait une courte apparition. De fait Keith Giffen développe son récit sur d'autres axes. Dans un premier temps, il pioche dans la mythologie de l'univers partagé Marvel pour nourrir son intrigue. Le lecteur doit disposer d'une connaissance exhaustive des Beyonders (bien au-delà des premières Secret Wars de Jim Shooter) pour espérer comprendre quoi que ce soit à cette histoire de Maker qui est une forme d'incarnation de Beyonder. Il lui est plus facile de reconnaître Gladiator de La Garde Impériale des Shi'ar. À l'issue de cette première partie, le lecteur reste dubitatif quant aux motivations de Thanos, ou à l'aide de Peter Quill. Il est plus intéressé par Skreet, un étrange personnage qualifié de mite du chaos, étant déjà apparue dans un épisode de Marvel Comics Presents numéro 172 de janvier 1995. Une petite recherche lui permet d'avoir la confirmation de ce qu'il subodorait : ce personnage a été créé par Keith Giffen (on n'est jamais mieux servi que par soi-même). Les épisodes 11 & 12 se placent dans la continuité de la première partie, quand Thanos s'enquiert de savoir quel était l'autre prisonnier détenu dans une cellule d'aussi haute sécurité que Maker. Le scénariste fait preuve d'une bonne connaissance de l'univers partagé Marvel, en allant farfouiller du côté de Galactus pour y trouver une source de développement. Son imagination débridée lui permet de trouver des degrés de liberté dans cette mythologie, sans contredire des éléments passés, sans nécessité que le lecteur ait acquis un savoir encyclopédique en la matière pour apprécier l'aventure. Cette deuxième partie confirme également que Giffen ne souhaite pas faire du sous-Starlin. Il évoque une conséquence de la rencontre entre Thanos et Galactus dans les épisodes 1 à 6, mais Adam Warlock n'est pas de retour et la Mort ne revient pas. Au fil des pages, le lecteur ressent une étrange impression. Certes Thanos est bien le personnage central du récit, il est également le plus fort, et il fait preuve à une ou deux reprises de ses talents de stratège. Il ne fonce pas dans le tas avant de savoir ce qui se passe (pas comme le premier superhéros venu). Il planifie ses actions avec un ou deux coups d'avance. Néanmoins il a abandonné sa combinaison violette habituelle, et il évolue au milieu de nombreux autres personnages. Skreet (la mite du chaos) lui donne la réplique, permettant au scénarise d'exposer ainsi des informations et des intentions ou des jugements de valeur. Il y a une forme d'humour sarcastique qui s'installe entre eux, rendant Thanos un peu plus accessible que précédemment. Il y a donc les pensionnaires de Kyln, Gladatior et Peter Quill qui disposent d'un temps d'exposition confortable. Giffen en profite aussi pour faire apparaître Oracle, une autre membre de la Garde Impériale Shi'ar. Enfin le lecteur éprouve l'impression que Giffen accorde beaucoup de temps au trio d'Omega Core (Cole, Swad et Kika) comme s'il les destinait à devenir des personnages récurrents. Le nouveau dessinateur est Ron Lim, un artiste qui a souvent travaillé avec Jim Starlin, à commencer par la trilogie Infinity : The Infinity Gautlet,The Infinity War et The Infinity Crusade. Il dessine un Thanos massif à souhait, avec un visage de pierre peu expressif comme il est d'usage. Il lui a conçu une tenue de pèlerin (à défaut de samaritain) qui mélange une grande étoffe pour la discrétion, avec des éléments plus fonctionnels comme les gants ou les lourdes bottes, sans qu'ils n'en deviennent ostentatoires. Le personnage conserve bien sa présence physique imposante, son sérieux, sa sévérité, son cou de taureau et son nez minuscule. Il semble un peu moins maniaque et psychorigide que quand il est dessiné par Starlin. Dès la première page, les spécificités de l'approche graphique de Ron Lim sont apparentes. Il ne s'attache pas à dessiner des contours de forme propres sur eux, avec des courbes délicates pour les rendre plus agréables à l'œil. Il préfère des traits de contour un peu plus grossiers, pour leur conserver une sorte de spontanéité. Le résultat n'atteint qu'à moitié son objectif car effectivement les contours apparaissent un peu heurtés, avec des angles disgracieux, mais Lim et Milgrom rajoutent de nombreux traits aussi bien épais que très fins à l'intérieur des surfaces leur donnant un aspect chargé qui va à l'encontre de la volonté de spontanéité. De fait, la narration visuelle raconte très bien le récit, sans problématique de lisibilité ou de compréhension. Ron Lim intègre un bon niveau de détails que ce soit pour les arrière-plans (permettant de donner du caractère à chaque endroit), pour les accessoires (armes ou accessoires à bord du vaisseau de Galactus), ou pour l'apparence des personnages, tous facilement reconnaissables. Sa façon de dessiner repose sur un degré de simplification qui lui permet de dessiner Skreet nue comme un ver pendant 2 épisodes, sans que cela ne soit indécent, encore moins vulgaire. Le lecteur éprouve donc l'impression que l'artiste s'adresse à de jeunes adolescents plus qu'à des adultes, ses dessins ne sont pas là pour faire apparaître des éléments supplémentaires, mais juste pour donner corps au scénario. Cela se remarque par exemple dans les expressions des visages, dessinées à la va-vite, sans nuance. Keith Giffen et Ron Lim ont l'intelligence de ne pas essayer de faire du Jim Starlin. Ils respectent les principales caractéristiques du personnage et l'extraient de la mythologie spécifique à Starlin, pour le placer dans une autre bien enracinée dans l'univers partagé Marvel. Ils conservent la dimension cosmique, tout en inventant de nouveaux concepts. À ce titre la prison Kyln connecté à la cascade de la Genèse (The Crunch) en impose à la fois par son originalité et par sa représentation massive. Ils racontent une histoire dont Thanos est bien la figure centrale, intégrant de nombreux autres personnages dont certains (par exemple Cole) disposent d'un temps d'exposition qui semble disproportionné par rapport à leur importance dans l'intrigue. Cela donne à la fois une aventure qui en impose par son ampleur et son inventivité, et aussi une sensation de prologue à ce qui vient par la suite (à savoir Annihilation). 4 étoiles.

28/02/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Une histoire du nationalisme Corse
Une histoire du nationalisme Corse

Un autre documentaire intéressant tiré de La Revue dessinée. Ici, on parle d'un sujet politique et c'est un domaine qui m'intéresse. Le sujet est un historique sur le nationalisme corse. L'action commence dans le milieu des années 2010 lorsque les indépendantistes ont enfin obtenu le pouvoir politique en Corse après que les clans corses qui ont régné pendant des décennies ont fini complètement discrédité. Pour expliquer comment le nationalisme corse a fini par s'imposer comme première force politique sur l'ile, on retourne aux années 70 et on va voir l'évolution politique de la Corse jusqu'à la victoire des indépendantistes dans les années 2010. On va voir que si les premières revendications des nationalistes pouvaient être justes (L’État français avait distribué des terres agricoles et privilégié les pieds noirs par rapport aux jeunes corses), cela va vite dégénérer lorsque le FLNC va se former et prendre les armes. Ce mouvement va finir par se déchirer et tomber dans le grand banditisme. Si on connait déjà l'histoire de la Corse, je pense que les événements décrits dans la BD ne vont pas trop surprendre. Moi qui connait la Corse sur certains aspects (les attentats politiques et les règlements de compte), j'ai tout de même appris des choses et notamment sur les différents mouvements indépendantistes qui existent ou on existé en Corse. On peut regretter que certains aspects ne soient qu'effleurés, comme la mafia corse, qui a prospéré parce que la police était trop occupée avec le FLNC. Un truc que j'ai bien aimé est qu'on suit tout le long de l'album la statue de Pascal Paoli qui se promène à toutes les époques et fait des remarques intéressantes. Le dessin est sympathique.

26/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Soeurs d'Ys - La malédiction du royaume englouti
Soeurs d'Ys - La malédiction du royaume englouti

Je ne connais la légende d'Ys que de très loin (en tout cas suffisamment pour reconnaître des points clés), mais je dois dire que cet album m'a vraiment plu. Déjà, le dessin est beau. Il colle parfaitement au cadre celte du récit, le côté très "crayonné" donne un cachet à l'aspect "légende ancienne". Ensuite, il y a l'histoire. Simple dans sa forme, complexe dans ses enjeux (comme le sont souvent les mythes et légendes). La séparation des sœurs, leur lien qui les unis malgré tout, ce père autrefois aimant qui se révèle cruel, un sordide secret, des pouvoirs et des contrats, le tout prenant rapidement des aspects de tragédie. L'histoire est prenante, la narration vive et agréable, les personnages plus complexes qu'il n'y paraît, … C'est du bon, vraiment. L'album était rangé au rayon enfants de ma bibliothèque, j'avoue que je conseillerais quand même la lecture à des pré-ados au minimum. Après cela, évidemment, j'invite toute personne de tout âge à tenter la lecture. (Note réelle 3,5)

26/02/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série Milady ou Le Mystère des Mousquetaires
Milady ou Le Mystère des Mousquetaires

Ouh, j'ai beaucoup beaucoup apprécié cette lecture ! Je n'ai jamais lu l'original des trois mousquetaires, mais j'ai les grandes lignes du roman et j'ai déjà tenté de le lire une première fois (j'ai abandonné à un moment, frisant l'indigestion). Le récit ici me semble encore une fois aller dans un certain sens, la relecture d'histoires faisant partie de notre patrimoine pour en tirer de nouvelles visions et lectures (je pense à Eurydice, Le Feu de Thésée et autres réappropriations de contes et mythes). Les auteurs décident de présenter ici le point de vue de l'une des rares femmes présentes dans le livre d'origine, en commençant avec un épisode que je me rappelle avoir lu dans le livre et qui est, rétrospectivement, bien violent ! Le personnage est présenté comme une intrigante pour le compte de Cardinal, mais cette fois-ci c'est franchement bien plus les mousquetaires qui deviennent des personnages détestables. D'Artagnan devient un petit con prétentieux et ses camarades ne font pas forcément meilleure figure. Il est intéressant de noter ce que le récit accorde comme place à la femme à l'origine, lorsqu'on remet bout-à-bout tout ce qu'il contient en essence. D'ailleurs j'ai trouvé que la façon de l'arranger finit par clairement faire ressortir ce qu'elle est : une femme qui tente de s'en sortir, intelligente et sachant user de ses charmes. La façon dont elle s'oppose aux mousquetaires devient finalement bien plus une opposition logique (et provoquée par leurs bêtises répétées aussi). C'est le genre de BD qui est intéressante dès lors qu'on connait l'histoire des Mousquetaires. Servie par un dessin qui fonctionne très bien, on sent que les auteurs sont un peu à charge sur certains aspects du récit (la pauvre fille s'est quand même pris pas mal dans la figure dès le premier chapitre), tandis que l'introduction et la conclusion éclairent à la fois les motivations et la façon dont l'arrangement est rendu possible. C'est original et bien trouvé, je recommande la lecture !

26/02/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série Lucky Luke vu par Mathieu Bonhomme (L'Homme qui tua Lucky Luke / Wanted Lucky Luke)
Lucky Luke vu par Mathieu Bonhomme (L'Homme qui tua Lucky Luke / Wanted Lucky Luke)

Voila une excellente reprise qui apporte un intérêt certain au personnage lisse et trop propre sur lui de Lucky Luke. S'inscrivant dans la time-line de la série-mère entre le moment où Lucky Luke fume et le moment où il arrête, le premier tome est un hommage clair et assumé à l'homme qui tire plus vite que son ombre. J'avais souvenir de l'avoir lu une première fois mais la relecture n'a rien perdu de son charme : l'histoire se dévoile petit à petit, entre foule excitée, coupables idéaux, méchants assez vite caractérisés ... Et puis tout change un peu, va plus loin que ce qui était supposé : Luke n'a plus de tabac est se sent irritable. La ville n'est pas idéal, et puis les méchants ne le sont peut-être pas tant que ça. L'histoire se tourne vers une critique sociale légère mais bien tenue. Et je suis assez surpris à la relecture du ton mélancolique et triste de la fin. C'est bien senti, inattendu mais franchement une bonne utilisation du personnage. Le dessin de Mathieu Bonhomme convient tout à fait au récit, avec la part belle aux paysages magnifiques et retranscrivant la boue, la crasse, les personnages longilignes qui contrastent avec les décors. C'est parfaitement maitrisé, dans la couleur et dans le traitement. Je lirais le second volume dès qu'il me tombera sous la main, c'est de l'excellent travail ! Le deuxième tome m'a légèrement moins convaincu. Je dirais qu'il est un peu trop rapide et facile dans certaines exécutions. Luke est toujours dans sa situation de non-fumeur, rencontre trois femmes qui semblent très intéressées par lui tout en ayant des ennuis. L’exécution de l'histoire tourne autour de quelques figures mythiques des albums du cow-boy, mais j'ai trouvé sa résolution plus simple et facile avec l'arrivé de la cavalerie. Il manque cette petite part de retournement final bien tenu qui apporte une réflexion plus large. La dernière page par contre propose quelque chose de bien intéressant en terme de développement de personnage. Dommage, j'aurais voulu plus apprécier !

13/02/2025 (MAJ le 26/02/2025) (modifier)
Couverture de la série 1984 (Coste)
1984 (Coste)

Avec pas moins de cinq albums sortis la même année pour adapter en BD le chef d’œuvre d’Orwell, aucun éditeur n’a semble-t-il voulu rater l’opportunité de profiter de l’arrivée dans le « domaine public » du roman. Ça fait donc un sacré embouteillage – et cela a sans doute dû poser quelques soucis de rentabilité à la plupart des albums ! Des trois que j’ai lus pour le moment, c’est avec le Nesti celle qui m’a le plus plu. Essentiellement par ses partis pris graphiques. En effet, Coste – qui utilise différentes bichromies – et, avec un dessin très sombre (parfois à la limite du lisible – sans franchir cette limite toutefois), il parvient à « montrer », autant que faire se peut, l’horreur du roman. Même si, il faut bien la reconnaitre, aucune adaptation ne donnera autant de force aux mots d’Orwell que lorsqu’ils sont jetés bruts pour nourrir l’imagination et les cauchemars des lecteurs. En tout cas, dans les limites du médium BD, Coste s’en sort bien. Pour mettre en place ce système totalitaire froid et implacable, puis pour décrire ce qui arrive à Winston une fois celui-ci arrêté. En lisant ce type d’œuvre, on ne peut que frémir en pensant à l’évolution des sociétés actuelles, qui se rapprochent par plusieurs aspects de celles qui avaient servi de « modèle » à Orwell (les dizaines de milliers de pages effacées des serveurs de certaines administrations américaines sou l’impulsion de Trump et de Musk récemment m’y ont fait penser. En tout cas, pour revenir à l’adaptation de Coste, par-delà le texte lui-même, forcément réduit et moins impactant que le roman, j’ai trouvé que sa force visuelle compensait en partie cette infériorité du médium, et qu’elle méritait à elle seule de lire cet album, plutôt réussi.

26/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Cahier bleu
Le Cahier bleu

Mon avis concerne l'opus Après la pluie de cette série un peu bancale avec deux albums très distants dans le temps, dans le scénario et dans les personnages. Juillard propose un thriller au scénario bien ficelé à base de manipulation et avec une belle fausse piste qui provoque un final réaliste, intéressant mais un peu expéditif. Le personnages d'Abel est très attachant et très bien travaillé dans sa personnalité . J'ai aussi apprécié le personnage de Eve qui m'a renvoyé quelques années en arrière avec le personnage d'Elsa dans "Marathon Man". Le trait de Juillard est toujours aussi précis et réaliste. Ses personnages sont bien dans leur rôle avec des expressions adéquates même si je pourrais reprocher une certaine fixité voire rigidité comportementale. Les extérieurs et paysages sont précis et très travaillés.Le rythme est assez lent mais cela convient bien au personnage d'Abel réfléchi et raisonnable. La narration graphique est fluide avec un réalisme parfois brutal mais non voyeur dans la scène du viol. Une lecture détente bien agréable dans un thriller au final classique mais bien construit. 3.5

26/02/2025 (modifier)