La fin ne livre pas forcément toutes les clés. Ou alors je n’ai pas tout saisi, je ne sais pas. Mais qu’importe ! C’est une lecture que j’ai bien aimée. Un voyage original et angoissant, dans les méandres d’un vaisseau gigantesque.
Nous suivons un personnage solitaire, Lupo, qui erre et nous sert de guide, dans un univers aux airs post-apocalypse, peuplé de monstres et de bestioles mutantes dangereuses, de drones qui ne le sont pas moins. Et de quelques humains énigmatiques. Et surtout de vide, de couloirs sans fin, de coursives infinies : Amaury Bündgen a su mettre en place une ambiance étrange et originale. C’est le voyage en lui-même, plus que son objectif, qui nous prend aux tripes.
Le dessin use judicieusement du Noir et Blanc, adapté à cet univers froid et désespérant. Souvent avare de détails, et parfois hyper détaillé pour des plans larges de couloirs, je l’ai trouvé agréable et très fluide.
Je découvre cet auteur avec cet album, et je pense aller voir ce qu’il a fait depuis.
C’est la seconde série en peu de temps que je lis où l’intrigue se déroule en partie dans un monde virtuel parallèle, après Bolchoi arena. Mais ici pas de space opéra, mais plutôt un simple monde parallèle, proche d’un paradis virtuel (même si je ne connais pas trop et si je n’y suis jamais allé, ça m’a fait penser à « Second life », dont j’avais entendu parler il y a pas mal d’années – je ne sais pas si ce « monde parallèle » existe encore).
Ici, par-delà les problématiques liées à ces deux mondes parallèles, le scénario nous livre des histoires d’amour relativement originales. En particulier autour de Marsu, qui vit une union très libre avec son copain (qui a couché avec une copine lesbienne voulant avoir un enfant avec l’approbation de Marsu), en même temps qu’elle vit une histoire d’amour avec un architecte créateur du monde virtuel dans lequel leurs alter-ego/avatars se retrouvent.
Tout est traité avec sensibilité, et les personnages comme leurs relations sont assez fouillés, jamais monolithiques. On en oublie aisément les éventuels doutes quant à la crédibilité de ce genre de « monde ». Même si sur la fin l’apparition des enfants m’a moins convaincu.
Une histoire originale et plaisante. Avec un dessin très agréable – comme la colorisation.
Note réelle 3,5/5.
Un one-shot assez déroutant.
Je pensais lire un polar classique : un type meurt et comme il était détesté par tous, il y a une longue liste de suspects et le détective en imperméable va résoudre le meurtre.
Puis tout d'un coup il y a par moments des choses étranges qui se passent, notamment lorsqu'un personnage racontait sa vie. J'ai tout de suite mieux apprécié ce récit parce que son originalité était bien maitrisée. L'auteur pouvait faire n'importe quoi et je comprenais tout ce qui se passait et j'ai complètement embarqué dans son délire alors que dans d'autres cas j'aurais sans doute refermé l'album en me disant que c'est du gros n'importe quoi. Il faut dire aussi que le scénario reste cohérent et que les éléments fantastiques/absurdes ont un sens. Souvent, j'ai l'impression qu'un auteur part dans un délire en faisant n'importe quoi qui lui passe par la tête et ce n'est pas du tout le cas ici. Tout est maitrisé du début jusqu'à la fin et le scénario est intelligent et prenant.
Ajoutons que le dessin est très bon et que la mise en scène est époustouflante.
Je ne suis pas toujours en phase avec les scenarii de Rodolphe mais ici j'ai été séduit par l'ambiance vintage du commissaire Raffini.
Pourtant les premiers opus m'ont assez déçu. En effet, je trouve que Ferrandez n'est pas à son avantage. J'ai cru à une copie de Tardi sur les deux premiers numéros et j'ai trouvé la villa ténèbres brouillonne dans son graphisme. Comme les scenarii correspondants sont un malheureux mélange des genres, j'ai cru laisser tomber la série. Heureusement l'arrivée de Maucler au graphisme m'a bien plus séduit. On revient à du classique bien travaillé dans les deux domaines. Les scenarii s'inspirent d'un univers très cinématographique dans des ambiances qui suintent le Simenon. Les profils psychologiques sont de mieux en mieux travaillés à la fois pour Raffini que pour les autres personnages, victimes ou coupables. Il n'y a ni action violente ni déduction géniale à la Sherlock mais une progression minutieuse dans des enquêtes bien conventionnelles.
J'ai beaucoup aimé le travail très détaillé de Maucler pour recréer cette ambiance interlope des années 50. On se croirait très souvent dans un film de Melville ou de Verneuil avec Gabin, Bourvil ou Delon au programme. Raffini en possède la prestance de force tranquille.
Une belle lecture d'ambiance qui se déguste un bon verre à la main.
Une très bonne surprise que cette nouvelle série !
Je ne partais pourtant pas conquis avec pour pitch un prof d'économie un peu excentrique qui ne cherche qu'à prouver ses théories par la mise en pratique et en situation. Dit comme ça, ça ne vend pas du rêve... Mais pourtant j'ai été rapidement conquis par le personnage et ses méthodes ; surtout que notre Yohei Kamo se la joue un peu Robin des Bois des temps modernes en retournant contre eux les armes économiques que les puissants utilisent contre les petites gens.
Le scénario de Takeshi Natsuhara est bien ficelé, et porte tranquillement son lecteur de façon assez jubilatoire. Il est en ça parfaitement porté par le trait fin et élégant de Shinobu Kaitani.
J'attends la suite avec une certaine impatience.
Je connais un peu la période de la prohibition du côté des mafieux, notamment avec l'excellente biographie (très orientée mais très instructive) de Lucky Luciano, "Testament". Dans l'ouvrage, Luciano mentionne Al Capone qu'il n'a que peu rencontré et qu'il laisse "gérer" Chicago.
Si je fais le parallèle, c'est qu'ici le récit prend la même tournure que dans l'autobiographie de Luciano : de petit mafieux dans les quartiers pauvres, Al Capone va s'intégrer dans la mafia à l'adolescence, pris sous l'aile de gros bonnets, prendra de l'ascendant avec ses méthodes brutales et modernes (il tient une comptabilité, gère l'ensemble comme une entreprise...) jusqu'à prendre le contrôle de la mafia d'une ville (voire prendre le contrôle DE la ville). Et ensuite, la chute inexorable, pour fraude fiscale... Le parcours de Al Capone est assez ressemblant à celui d'autres mafieux de son époque, qui va connaitre deux changements majeurs de la mafia : l'arrivée d'une nouvelle génération de mafieux, inspirée de l'entreprise et avec la volonté de réconcilier les nations (Juifs, Irlandais, Italiens, Anglais...) pour ne faire plus qu'un seul syndicat du crime ; mais aussi la prohibition, source d'enrichissement encore mal mesurée de cette mafia.
La BD se propose donc de brosser un portrait de truand, gangster assumé mais en utilisant un procédé habile : Al Capone raconte toute l'histoire à sa petite maman, expliquant à quel point il a été un bon garçon, gentil, travailleur et certes hors-la-loi mais jamais violent sans nécessité (hum hum...). Le procédé permet de souligner les écarts entre ce qui est montré et son discours, soulignant l’ambiguïté qui traverse la vie de ces gangsters : princes du crime persuadés d'être les gentils de leur histoire. Lucky Luciano a eu recours au même procédé dans son ouvrage biographique, soulignant à quel point il fut respectable.
Le dessin colle bien à l'ambiance et à l'idée : mignon et tout en rondeurs dans les personnages, mais sanglant et sombre dans les représentations de la réalité. L'ensemble est plaisant à lire jusqu'au final, et j'en recommande la lecture pour peu que le sujet de la mafia américaine vous intéresse. Elle apprend beaucoup de choses sur ce que sont prêts à faire des gens dans la misère, et à quel point la mafia a su profiter d'un système qui encourage l'entreprenariat...
3.5
Des années après 'Kobane Calling', Zerocalcare retourne au Moyen-Orient et cette fois-ci il rencontre les Ézidis, une minorité religieuse méconnue vivant en Irak et qui après avoir vécu les horreurs de Daech, a réussi à créer une enclave automne en prenant exemple sur ce qu'ont fait les Kurdes. Évidemment, ce n'est pas au goût de tous, à commencer par les gouvernements irakien et turque, et donc l'existence des Ézidis est très précaire et semble avoir empiré depuis le voyage de Zerocalcare si je me fie à la postface... qui a été écrite il y a plus de 2 ans alors je n’ose imaginer c'est quoi l'état actuel de la situation.
Le début est un peu long et je m'ennuyais un peu de voir l'auteur faire les préparatifs pour le voyage, mais dès qu'on arrive en Irak cela devient intéressant. On va voir les difficultés du groupe dont fait partie l'auteur pour avoir les autorisations pour aller à l'enclave sans problèmes, des témoignages sur les atrocités commises par Daech et comment fonctionne la vie dans cette enclave. C'est vraiment passionnant à lire même si la narration manque de dynamisme. Il faut dire aussi que Zerocalcare n'est pas Joe Sacco et donc il ne faut pas s'attendre à du très grand journalisme, c'est juste le témoignage de quelqu'un qui a rencontré des gens dont le reste du monde et les médias n'ont rien à foutre (je ne savais même pas que les Ézidis existaient avant de lire ce one-shot).
À lire si on aime ce type de documentaire.
Depuis trois ans et l'"Opération spéciale" se résumant en l'invasion de l'Ukraine par les forces armées russes, et alors que peut-être une issue est proche (mais à quel prix ?), le pays vit sous les bombes. Cet album est l'un des premiers à nous venir d'Ukraine même, réalisé par un trio d'auteurs locaux. Marian Naiem a par exemple essayé d'expliquer de manière didactique et attrayante les origines du conflit séculaire entre les deux nations, un ancien empire et un ancien dominion, comme elle le dit elle-même. Depuis le Moyen-Âge l'Ukraine a en effet été la cible de ses voisins, pour ses terres fertiles, ses ressources minières considérables, ou encore sa position stratégique sur la Mer Noire. Pendant plusieurs décennies le pays a d'ailleurs fait partie de la grande Russie, puis de l'URSS, une entité que Vladimir Poutine ambitionne de recréer. Pendant cette période l'Ukraine a subi une sorte de nettoyage culturel et linguistique, les autorités tentant d'imposer le russe à la place de l'ukrainien. Mais le peuple ukrainien, fier, a fait preuve de résistance tout au long de son histoire, et plus récemment avec la Révolution orange, la Révolution de la Dignité, et depuis trois ans en faisant preuve d'une solidarité hors du commun (bien aidé par la communauté internationale également) face à l'agresseur. Constitution du Rus' de Kyiv, annexion de la Crimée, tentative de séparatisme des provinces russophones du Donbass, tout nous est expliqué, et on y voit beaucoup plus clair dans cette guerre aux portes de l'Europe.
Le duo de dessinateurs nous montre dans une bichromie aux limites de l'expressionnisme parfois, les horreurs que peuvent vivre les Ukrainiens au fil du temps. Leur style graphique est un peu naïf, peut-être hérité d'une certaine imagerie post-soviétique, mais il ne dessert absolument pas le propos, qui se veut didactique et factuel. Plusieurs pages en annexe proposent d'ailleurs une longue liste d'ouvrages permettant de compléter les faits racontés dans l'album. Le message assumé par les auteurs est qu'en temps de guerre, les images et les mots peuvent aussi devenir des armes, comme l'a prouvé par ailleurs la propagande russe lorsqu'elle contrôlait le pays.
Un album essentiel pour comprendre ce conflit déchirant.
Une trilogie rondement menée et de bonne tenue.
En tout cas, je n’ai rien à dire de méchant sur ma lecture. Ça n’atteint certes pas le niveau d’un Murena mais ce voyage dans la Rome antique reste très agréable et s’est avéré une bonne surprise.
Pour faire court, l’histoire prend un peu la tournure d’un Roméo et Juliette, amour contrarié au programme … En guise de protagonistes principaux, nous aurons une belle Romaine qui devra frayer avec les us et coutumes de la capitale, et un esclave gaulois qui devra jouer du sabre pour devenir gladiateur.
L’ambiance et l’atmosphère sont parfaitement rendues : politique, intrigues de cours, ludus … nous découvrirons de nombreux personnages sans être jamais perdu.
Trif, aux dessins, soigne sa partition. Un beau trait réaliste pour des albums très fluides et ce malgré l’ajout des passages coquins (limite soft d’ailleurs), ces derniers ne prennent jamais le dessus sur le fond et s’intègrent très bien pour l’époque.
Une conclusion tendance tragédie un peu inéducable mais réussie. Bref franchement sympa comme lecture.
J'aime beaucoup les dystopies et bien souvent les univers qui y sont accolés et que nous proposent ici les auteurs (que le futur est beau !). Dans une ambiance très sombre à la "Blade Runner" nous assistons à une guerre de pouvoir au sommet d'une dictature dont l'enjeu est le contrôle d'une drogue. Dans ce monde particulièrement sombre deux personnages principaux se démènent, sans encore se croiser dans ce tome introductif.
Le talent des auteurs et plus particulièrement de Jef au dessin est indéniable, il nous construit un monde très noir ou des humains? créatures améliorées par la machine rivalisent entre elles pour s'octroyer le plus de pouvoir possible. Le rendu est excellent, très cinématographique avec des plans assez vertigineux.
Pour ce qui est du scénario les choses se mettent en place et ce premier tome met bien en place les enjeux futurs. Puissant, sombre, visionnaire (je n'espère pas). Non ce n'est pas un avis impulsif, si la suite est du même niveau, et pour cela je fais toute confiance aux auteurs, je ne peux que conseiller l'achat de ce premier tome.
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Ion Mud
La fin ne livre pas forcément toutes les clés. Ou alors je n’ai pas tout saisi, je ne sais pas. Mais qu’importe ! C’est une lecture que j’ai bien aimée. Un voyage original et angoissant, dans les méandres d’un vaisseau gigantesque. Nous suivons un personnage solitaire, Lupo, qui erre et nous sert de guide, dans un univers aux airs post-apocalypse, peuplé de monstres et de bestioles mutantes dangereuses, de drones qui ne le sont pas moins. Et de quelques humains énigmatiques. Et surtout de vide, de couloirs sans fin, de coursives infinies : Amaury Bündgen a su mettre en place une ambiance étrange et originale. C’est le voyage en lui-même, plus que son objectif, qui nous prend aux tripes. Le dessin use judicieusement du Noir et Blanc, adapté à cet univers froid et désespérant. Souvent avare de détails, et parfois hyper détaillé pour des plans larges de couloirs, je l’ai trouvé agréable et très fluide. Je découvre cet auteur avec cet album, et je pense aller voir ce qu’il a fait depuis.
Le Champ des possibles
C’est la seconde série en peu de temps que je lis où l’intrigue se déroule en partie dans un monde virtuel parallèle, après Bolchoi arena. Mais ici pas de space opéra, mais plutôt un simple monde parallèle, proche d’un paradis virtuel (même si je ne connais pas trop et si je n’y suis jamais allé, ça m’a fait penser à « Second life », dont j’avais entendu parler il y a pas mal d’années – je ne sais pas si ce « monde parallèle » existe encore). Ici, par-delà les problématiques liées à ces deux mondes parallèles, le scénario nous livre des histoires d’amour relativement originales. En particulier autour de Marsu, qui vit une union très libre avec son copain (qui a couché avec une copine lesbienne voulant avoir un enfant avec l’approbation de Marsu), en même temps qu’elle vit une histoire d’amour avec un architecte créateur du monde virtuel dans lequel leurs alter-ego/avatars se retrouvent. Tout est traité avec sensibilité, et les personnages comme leurs relations sont assez fouillés, jamais monolithiques. On en oublie aisément les éventuels doutes quant à la crédibilité de ce genre de « monde ». Même si sur la fin l’apparition des enfants m’a moins convaincu. Une histoire originale et plaisante. Avec un dessin très agréable – comme la colorisation. Note réelle 3,5/5.
Meurtre télécommandé
Un one-shot assez déroutant. Je pensais lire un polar classique : un type meurt et comme il était détesté par tous, il y a une longue liste de suspects et le détective en imperméable va résoudre le meurtre. Puis tout d'un coup il y a par moments des choses étranges qui se passent, notamment lorsqu'un personnage racontait sa vie. J'ai tout de suite mieux apprécié ce récit parce que son originalité était bien maitrisée. L'auteur pouvait faire n'importe quoi et je comprenais tout ce qui se passait et j'ai complètement embarqué dans son délire alors que dans d'autres cas j'aurais sans doute refermé l'album en me disant que c'est du gros n'importe quoi. Il faut dire aussi que le scénario reste cohérent et que les éléments fantastiques/absurdes ont un sens. Souvent, j'ai l'impression qu'un auteur part dans un délire en faisant n'importe quoi qui lui passe par la tête et ce n'est pas du tout le cas ici. Tout est maitrisé du début jusqu'à la fin et le scénario est intelligent et prenant. Ajoutons que le dessin est très bon et que la mise en scène est époustouflante.
Commissaire Raffini
Je ne suis pas toujours en phase avec les scenarii de Rodolphe mais ici j'ai été séduit par l'ambiance vintage du commissaire Raffini. Pourtant les premiers opus m'ont assez déçu. En effet, je trouve que Ferrandez n'est pas à son avantage. J'ai cru à une copie de Tardi sur les deux premiers numéros et j'ai trouvé la villa ténèbres brouillonne dans son graphisme. Comme les scenarii correspondants sont un malheureux mélange des genres, j'ai cru laisser tomber la série. Heureusement l'arrivée de Maucler au graphisme m'a bien plus séduit. On revient à du classique bien travaillé dans les deux domaines. Les scenarii s'inspirent d'un univers très cinématographique dans des ambiances qui suintent le Simenon. Les profils psychologiques sont de mieux en mieux travaillés à la fois pour Raffini que pour les autres personnages, victimes ou coupables. Il n'y a ni action violente ni déduction géniale à la Sherlock mais une progression minutieuse dans des enquêtes bien conventionnelles. J'ai beaucoup aimé le travail très détaillé de Maucler pour recréer cette ambiance interlope des années 50. On se croirait très souvent dans un film de Melville ou de Verneuil avec Gabin, Bourvil ou Delon au programme. Raffini en possède la prestance de force tranquille. Une belle lecture d'ambiance qui se déguste un bon verre à la main.
La Fin du Système... - Cours d'humanomique du professeur Kamo
Une très bonne surprise que cette nouvelle série ! Je ne partais pourtant pas conquis avec pour pitch un prof d'économie un peu excentrique qui ne cherche qu'à prouver ses théories par la mise en pratique et en situation. Dit comme ça, ça ne vend pas du rêve... Mais pourtant j'ai été rapidement conquis par le personnage et ses méthodes ; surtout que notre Yohei Kamo se la joue un peu Robin des Bois des temps modernes en retournant contre eux les armes économiques que les puissants utilisent contre les petites gens. Le scénario de Takeshi Natsuhara est bien ficelé, et porte tranquillement son lecteur de façon assez jubilatoire. Il est en ça parfaitement porté par le trait fin et élégant de Shinobu Kaitani. J'attends la suite avec une certaine impatience.
Al Capone
Je connais un peu la période de la prohibition du côté des mafieux, notamment avec l'excellente biographie (très orientée mais très instructive) de Lucky Luciano, "Testament". Dans l'ouvrage, Luciano mentionne Al Capone qu'il n'a que peu rencontré et qu'il laisse "gérer" Chicago. Si je fais le parallèle, c'est qu'ici le récit prend la même tournure que dans l'autobiographie de Luciano : de petit mafieux dans les quartiers pauvres, Al Capone va s'intégrer dans la mafia à l'adolescence, pris sous l'aile de gros bonnets, prendra de l'ascendant avec ses méthodes brutales et modernes (il tient une comptabilité, gère l'ensemble comme une entreprise...) jusqu'à prendre le contrôle de la mafia d'une ville (voire prendre le contrôle DE la ville). Et ensuite, la chute inexorable, pour fraude fiscale... Le parcours de Al Capone est assez ressemblant à celui d'autres mafieux de son époque, qui va connaitre deux changements majeurs de la mafia : l'arrivée d'une nouvelle génération de mafieux, inspirée de l'entreprise et avec la volonté de réconcilier les nations (Juifs, Irlandais, Italiens, Anglais...) pour ne faire plus qu'un seul syndicat du crime ; mais aussi la prohibition, source d'enrichissement encore mal mesurée de cette mafia. La BD se propose donc de brosser un portrait de truand, gangster assumé mais en utilisant un procédé habile : Al Capone raconte toute l'histoire à sa petite maman, expliquant à quel point il a été un bon garçon, gentil, travailleur et certes hors-la-loi mais jamais violent sans nécessité (hum hum...). Le procédé permet de souligner les écarts entre ce qui est montré et son discours, soulignant l’ambiguïté qui traverse la vie de ces gangsters : princes du crime persuadés d'être les gentils de leur histoire. Lucky Luciano a eu recours au même procédé dans son ouvrage biographique, soulignant à quel point il fut respectable. Le dessin colle bien à l'ambiance et à l'idée : mignon et tout en rondeurs dans les personnages, mais sanglant et sombre dans les représentations de la réalité. L'ensemble est plaisant à lire jusqu'au final, et j'en recommande la lecture pour peu que le sujet de la mafia américaine vous intéresse. Elle apprend beaucoup de choses sur ce que sont prêts à faire des gens dans la misère, et à quel point la mafia a su profiter d'un système qui encourage l'entreprenariat...
No sleep till Shengal
3.5 Des années après 'Kobane Calling', Zerocalcare retourne au Moyen-Orient et cette fois-ci il rencontre les Ézidis, une minorité religieuse méconnue vivant en Irak et qui après avoir vécu les horreurs de Daech, a réussi à créer une enclave automne en prenant exemple sur ce qu'ont fait les Kurdes. Évidemment, ce n'est pas au goût de tous, à commencer par les gouvernements irakien et turque, et donc l'existence des Ézidis est très précaire et semble avoir empiré depuis le voyage de Zerocalcare si je me fie à la postface... qui a été écrite il y a plus de 2 ans alors je n’ose imaginer c'est quoi l'état actuel de la situation. Le début est un peu long et je m'ennuyais un peu de voir l'auteur faire les préparatifs pour le voyage, mais dès qu'on arrive en Irak cela devient intéressant. On va voir les difficultés du groupe dont fait partie l'auteur pour avoir les autorisations pour aller à l'enclave sans problèmes, des témoignages sur les atrocités commises par Daech et comment fonctionne la vie dans cette enclave. C'est vraiment passionnant à lire même si la narration manque de dynamisme. Il faut dire aussi que Zerocalcare n'est pas Joe Sacco et donc il ne faut pas s'attendre à du très grand journalisme, c'est juste le témoignage de quelqu'un qui a rencontré des gens dont le reste du monde et les médias n'ont rien à foutre (je ne savais même pas que les Ézidis existaient avant de lire ce one-shot). À lire si on aime ce type de documentaire.
Ukraine
Depuis trois ans et l'"Opération spéciale" se résumant en l'invasion de l'Ukraine par les forces armées russes, et alors que peut-être une issue est proche (mais à quel prix ?), le pays vit sous les bombes. Cet album est l'un des premiers à nous venir d'Ukraine même, réalisé par un trio d'auteurs locaux. Marian Naiem a par exemple essayé d'expliquer de manière didactique et attrayante les origines du conflit séculaire entre les deux nations, un ancien empire et un ancien dominion, comme elle le dit elle-même. Depuis le Moyen-Âge l'Ukraine a en effet été la cible de ses voisins, pour ses terres fertiles, ses ressources minières considérables, ou encore sa position stratégique sur la Mer Noire. Pendant plusieurs décennies le pays a d'ailleurs fait partie de la grande Russie, puis de l'URSS, une entité que Vladimir Poutine ambitionne de recréer. Pendant cette période l'Ukraine a subi une sorte de nettoyage culturel et linguistique, les autorités tentant d'imposer le russe à la place de l'ukrainien. Mais le peuple ukrainien, fier, a fait preuve de résistance tout au long de son histoire, et plus récemment avec la Révolution orange, la Révolution de la Dignité, et depuis trois ans en faisant preuve d'une solidarité hors du commun (bien aidé par la communauté internationale également) face à l'agresseur. Constitution du Rus' de Kyiv, annexion de la Crimée, tentative de séparatisme des provinces russophones du Donbass, tout nous est expliqué, et on y voit beaucoup plus clair dans cette guerre aux portes de l'Europe. Le duo de dessinateurs nous montre dans une bichromie aux limites de l'expressionnisme parfois, les horreurs que peuvent vivre les Ukrainiens au fil du temps. Leur style graphique est un peu naïf, peut-être hérité d'une certaine imagerie post-soviétique, mais il ne dessert absolument pas le propos, qui se veut didactique et factuel. Plusieurs pages en annexe proposent d'ailleurs une longue liste d'ouvrages permettant de compléter les faits racontés dans l'album. Le message assumé par les auteurs est qu'en temps de guerre, les images et les mots peuvent aussi devenir des armes, comme l'a prouvé par ailleurs la propagande russe lorsqu'elle contrôlait le pays. Un album essentiel pour comprendre ce conflit déchirant.
Thrace (Tabou)
Une trilogie rondement menée et de bonne tenue. En tout cas, je n’ai rien à dire de méchant sur ma lecture. Ça n’atteint certes pas le niveau d’un Murena mais ce voyage dans la Rome antique reste très agréable et s’est avéré une bonne surprise. Pour faire court, l’histoire prend un peu la tournure d’un Roméo et Juliette, amour contrarié au programme … En guise de protagonistes principaux, nous aurons une belle Romaine qui devra frayer avec les us et coutumes de la capitale, et un esclave gaulois qui devra jouer du sabre pour devenir gladiateur. L’ambiance et l’atmosphère sont parfaitement rendues : politique, intrigues de cours, ludus … nous découvrirons de nombreux personnages sans être jamais perdu. Trif, aux dessins, soigne sa partition. Un beau trait réaliste pour des albums très fluides et ce malgré l’ajout des passages coquins (limite soft d’ailleurs), ces derniers ne prennent jamais le dessus sur le fond et s’intègrent très bien pour l’époque. Une conclusion tendance tragédie un peu inéducable mais réussie. Bref franchement sympa comme lecture.
La Mécanique
J'aime beaucoup les dystopies et bien souvent les univers qui y sont accolés et que nous proposent ici les auteurs (que le futur est beau !). Dans une ambiance très sombre à la "Blade Runner" nous assistons à une guerre de pouvoir au sommet d'une dictature dont l'enjeu est le contrôle d'une drogue. Dans ce monde particulièrement sombre deux personnages principaux se démènent, sans encore se croiser dans ce tome introductif. Le talent des auteurs et plus particulièrement de Jef au dessin est indéniable, il nous construit un monde très noir ou des humains? créatures améliorées par la machine rivalisent entre elles pour s'octroyer le plus de pouvoir possible. Le rendu est excellent, très cinématographique avec des plans assez vertigineux. Pour ce qui est du scénario les choses se mettent en place et ce premier tome met bien en place les enjeux futurs. Puissant, sombre, visionnaire (je n'espère pas). Non ce n'est pas un avis impulsif, si la suite est du même niveau, et pour cela je fais toute confiance aux auteurs, je ne peux que conseiller l'achat de ce premier tome.