Une lecture qui m'a beaucoup plu. Je pensais retrouver une biographie de grand-mère juive comme pour Idiss Badinter. En effet les points de départ sont similaires : même époque, même pogrom dans le même pays la Bessarabie (Moldavie actuelle). Le parallèle s'arrête là car si Idiss connaît un parcours de réussite et de combats à Paris, Malka se retrouve dans un environnement argentin bien plus difficile que prévu. J'ai beaucoup aimé l'ambiance créée par les auteurs en ce début de récit. J'y trouve un côté historique dans un texte qui rappelle cette migration peu connue en France avec le soutien du baron Hirsch mais aussi la difficulté de passer de l'état d'artisan à celui de paysan. Ensuite personnellement j'ai aimé cette surprenante suite avec cette rupture brutale de la narration qui nous entraine dans un récit fantastique et mystique sur fond de Golem et de croyances.
Pour ne rien gâcher la narration visuelle de Pellejero est vraiment très belle. J'ai préféré la partie chronique villageoise où l'artiste donne une véritable âme à ce groupe de déracinés. Des pratiques quotidiennes aux préparatifs du mariage tout sonne juste dans les propositions du dessinateur. Comme les couleurs appuient avec bonheur cette narration visuelle j'y ai trouvé un très agréable moment de lecture.
Une vérité qui dérange
-
Ce tome contient une histoire complète ne nécessitant qu'une connaissance superficielle de Captain America pour pouvoir être appréciée. Il contient les épisodes 1 à 7 de la minisérie, initialement parus en 2003, écrits par Robert Morales, dessinés, encrés et mis en couleurs par Kyle Baker. Ce tome comprend également la couverture variante réalisée par Joe Quesada, ainsi qu'un appendice de 4 pages rédigé par Robert Morales explicitant ses sources et les références aux événements historiques.
En 1940, Isaiah et Faith Bradley se rendent à la grande fête foraine de New York, en espérant pouvoir aller écouter un discours de William Edward Burghardt Du Bois (W. E. B. Du Bois, 1868-1963). Lors de l'accès à une attraction, ils se heurtent au racisme ordinaire qui fait des citoyens noirs, des citoyens de seconde classe. Dans un bar, Dallas Huxley retrouve son ancien sergent Lucas Evans et ils entament une partie de billard dans un bar fréquenté uniquement par les noirs. Maurice Canfield rentre chez lui, ou plutôt dans la luxueuse demeure de ses parents, les vêtements déchirés et une belle ecchymose au visage, après s'être battu contre des blancs ayant fait preuve de condescendance vis-à-vis de lui et son ami juif.
Le 07 décembre 1941, l'armée japonaise effectue une attaque sur Pearl Harbor, et les États-Unis entrent en guerre peu de temps après. Isaiah Bradley se retrouve dans la même section que Maurice Canfield, Dallas Huxley, Lucas Evans et Larsen. Peu de temps après, le commandant de leur base reçoit la visite de Tully et du docteur Reinstein (2 civils) leur indiquant qu'ils souhaitent disposer de plusieurs soldats noirs. Quelques jours plus tard, il est relevé de ses fonction par le colonel Walker Price qui l'abat froidement devant ses troupes. 200 soldats dont Bradley et les autres sont conduits dans un autre camp disposant d'un laboratoire. Ils deviennent des cobayes pour des expériences génétiques. Au temps présent, Captain America (Steve Rogers est amené à rencontrer un ancien soldat de la seconde guerre mondiale dénommé Philip Merritt, en détention pour de nombreux crimes. Il apprend qu'il n'a pas été le premier Captain America.
Le début des années 2000 fut une époque de renouveau pour Marvel, avec des projets sortant des sentiers battus de la production industrielle de comics. Truth s'inscrit dans cette veine, même s'il ne jouit pas d'une aussi grande renommée que la gamme Ultimate ou la gamme Marvel Knights. Dans des interviews, Robert Morales a déclaré qu'il avait était approché par des responsables éditoriaux pour effectuer une proposition de récit, et qu'il avait décidé d'en soumettre un le plus noir possible avec la conviction qu'il serait refusé. Non seulement Alex Alonso a accepté son projet en l'état mais a insisté pour l'inclure dans la continuité de Captain America. D'ailleurs pour les 2 éditions en recueils, le nom du superhéros a été apposé devant le titre initial. Du coup, le lecteur aborde cette histoire comme une histoire de superhéros, voire il a peut-être déjà entendu parler d'Isaiah Bradley au travers d'Elijah Bradley (Patriot, voir Young Avengers d'Allan Heinberg & Jim Cheung). Il a la surprise de découvrir un récit assez prévisible dans lequel un afro-américain reçoit le sérum de Captain America et s'en va combattre les nazis, rencontrant même Adolf Hitler le temps d'une séquence. Il trouve que les dessins sont curieusement enfantins, avec des exagérations des visages ou des morphologies qui en deviennent comiques et totalement à contretemps du récit. Il ressort de sa lecture content d'avoir découvert les origines de cette itération de Captain america, et en même temps déçu par un récit linéaire, pas si héroïque que ça, et desservi par des dessins presqu'amateurs et trop dans la caricature.
Effectivement, il est un peu difficile de prendre cette histoire au premier degré du fait des dessins. Kyle Baker est un artiste à la très forte personnalité graphique, avec un don pour la caricature, au travers d'exagération anatomique et de d'expressions du visage exagérées. Ce choix génère une forte empathie chez le lecteur, pour les émotions éprouvées par les personnages, et ce dès la quatrième page quand Faith Bradley se moque d'un discours de W.E.B. Dubois et que son mari lui lance un regard noir. Les expressions du soldat Philip Merritt apparaissent dénuées de tout filtre développé par un individu mature, montrant sa personnalité enfantine. Les regards blasés de Tully et du docteur Reinstein attestent de leur immoralité et de leur suffisance nées d'un sentiment de supériorité. Mais dans le contexte d'un récit de superhéros, ce mode narratif fait plutôt penser à un récit pour un jeune public qu'à un récit adulte, à une narration appuyée de manière comique. Il en va de même pour les morphologies ahurissantes des soldats dépassant largement les exagérations habituelles des musculatures des superhéros classiques et même des années 1990. Kyle Baker ne recherche à aucun moment la véracité, ou même l'augmentation musculaire. Il dessine des muscles gonflés comme des ballons, des crânes déformés de manière ridicule et grotesque. Il ne dessine pas non plus avec un degré descriptif élevé. Il détoure des silhouettes à la va-vite. Il n'a que faire des textures. Il esquisse à gros traits les décors. Il recourt souvent à des cases dépourvues d'arrière-plan, qu'il remplit avec des aplats de couleurs simplistes. Si le lecteur persiste à considérer ce récit sous l'angle de vue du genre superhéros, c'est un travail à peine digne d'un amateur qui anéantit toute tension dramatique.
Un lecteur qui a déjà lu d'autres ouvrages de Kyle Baker interprète les dessins d'une manière différente. Cet artiste s'est fait connaître pour son humour dépréciateur et sarcastique perspicace et absurde : Why I hate Saturn, The Cowboy Wally show, ou encore les aventures hallucinées du Shadow écrit par Andrew Helfer. Il sait que cet auteur ne peut pas prendre les superhéros au premier degré, et glorifier bêtement leur suprématie physique et leur manière de régler tous leurs problèmes par la force. L'identité même du dessinateur lui indique qu'il ne s'agit pas d'un récit de superhéros au sens traditionnel du terme, et qu'il ne doit pas s'attendre à des prouesses physiques transformées en un spectacle pyrotechnique admirable, ou à une glorification de la virilité triomphante. Sous réserve de pouvoir recalibrer sa sensibilité en conséquence, il se rend compte que la narration visuelle de Kyle Baker apporte une dimension tragique au récit. Les exagérations des expressions des visages permettent au lecteur de ressentir le degré d'implication des personnages. Les exagérations morphologiques traduisent la souffrance physique engendrée par des expérimentations inhumaines. Même la tête d'ahuri crétin de Captain America écoutant les révélations haineuses de Philip Merritt traduit l'énormité des horreurs accomplies et l'incapacité du citoyen moyen à les appréhender. Il est vrai qu'il reste quelques moments où la force comique des dessins reprend le dessus, à contretemps de la gravité du récit.
Alors que le récit met en scène des horreurs malheureusement bien réelles et souvent représentées, ces dessins si particuliers donnent l'impression de les voir débarrassés de toute impression d'innocuité, ne permettant pas au lecteur de se retrancher derrière une attitude blasée. Il s'en rend compte à plusieurs reprises, par exemple lors de la scène se déroulant dans une chambre à gaz. Les dessins ont perdu toute dimension comique, conférant toute l'horreur abjecte de ces exécutions. Ils révèlent leur dimension expressionniste qui implique le lecteur quel que soit le nombre de fois où il a vu des représentations de ces pratiques. Le détachement émotionnel n'est pas possible du fait des dessins grotesques de l'artiste, de leur caractère brut et sans fioriture. À la lecture, il apparaît que la narration graphique de Kyle Baker se révèle plus efficace que des dessins simplement descriptifs pour transcrire les intentions du scénariste.
Le récit s'ouvre avec la semaine nègre de la fête foraine de 1940 à New York, et une évocation de W.E.B. Dubois (1868-1963), un sociologue, historien, militant pour les droits civiques, militant panafricain, éditorialiste et écrivain américain. Par la suite, le scénariste insère d'autres références à des événements historiques comme la campagne du Double V pendant la seconde guerre mondiale (débutée en 1942), les chambres à gaz, les émeutes raciales du 19 juillet 1919 (Red Summer) à Washington DC, Francis Galton (1822-1911) et les thèses de l'eugénisme, etc. Cette histoire n'est pas une étude de caractère, même s'il est facile pour le lecteur d'éprouver de l'empathie pour le personnage principal, pour Steve Rogers, et même pour l'odieux Philip Merritt. Il s'agit plus d'une mise en scène de réalités socioculturelles peu confortables dans les États-Unis du vingtième siècle. C'est avec consternation que le lecteur constate que l'origine de ce Captain America noir s'intègre parfaitement dans l'Histoire, et que qu'elle reflète une facette de l'histoire de la communauté noire. Dans l'appendice, Robert Morales prend soin d'expliciter les faits historiques réels, et ceux qu'il a adapté pour les besoins de son récit. L'expérimentation médicale sur des sujets à qui on a caché la vérité renvoie directement l'Étude de Tuskegee (1932-1972) substituant le sérum du supersoldat à la syphilis.
Avec ce point de vue en tête, le lecteur découvre ou retrouve le point de vue d'une catégorie de la population considérée comme de seconde classe, et la manière dont elle est utilisée par la nation. Captain America est effectivement estomaqué par ce qu'il découvre, et ses gros muscles ne peuvent rien pour redresser ces torts, pour apporter réparation. Les auteurs réussissent le tour de force de mettre le symbole de la nation face à la réalité d'une partie de son Histoire. Ils utilisent les conventions d'un récit de superhéros (affrontements physiques, costume chamarré, méchant symbolique) en les respectant, pour évoquer la condition des afro-américains, luttant pour défendre leur pays en prenant part à la guerre, tout en étant traité comme des sous-citoyens. À la fin du récit, le lecteur a bien compris que Steve Rogers a bénéficié des expérimentations menés sur des individus non-consentants, et qu'il a récolté toute la gloire, alors que la souffrance des cobayes a été effacée des livres d'histoire. La métaphore s'avère puissante et bien menée, sans jamais tourner à la leçon de morale désincarnée. Ils se permettent même de terminer sur une note relativement positive en rendant un hommage à plusieurs afro-américains ayant milité pour la cause des noirs. Morales n'hésite pas à se montrer pince-sans-rire en mettant en scène une femme portant la burqa, sous-entendant qu'il existe encore des formes de discriminations plus ou moins reconnues aux États-Unis.
Parti avec l'a priori d'une histoire de superhéros un peu plus sophistiquée que d'habitude, le lecteur découvre d'abord un récit convenu, avec des dessins très éloignés de l'esthétique des comics Marvel. Il lui faut un peu de temps pour se rendre compte de la nature véritable du récit, d'envisager les enjeux sous un autre angle, et de ressentir la force des dessins. Impliqué par les émotions des personnages, il découvre un commentaire engagé sur la condition afro-américaine qui conserve la forme d'une histoire poignante et intelligente. Robert Morales a également écrit les épisodes 21 à 28 de la série Captain America.
Arf 3 ou 4* mon cœur balance, on est sur du bon blockbuster divertissant et bien réalisé. Le fameux 3,5 ;)
Un diptyque pas bien profond mais qui joue habilement avec un petit côté amoral. La lecture ne réserve pas de grandes surprises mais se révèle plaisante malgré quelques clichés, ça déroule et ça va rapidement au but.
La partie graphique est toujours très bonne, on ne présente plus le savoir faire de Sylvain Vallée. C’est parfaitement orchestré.
Un fond un peu trop léger à mon goût mais ça reste le seul vrai défaut decelé. Il faut dire que je ne suis pas archi fan d’histoires de truands à la française mais celle-ci a su me convaincre, je bonifie ma note.
Ceux qui aiment le genre se régaleront.
Chevrotine, c'est l'histoire d'une sorcière élevant seule sa marmaille, une flopée d'enfants issus de pères différents, vivant une vie très atypique, avançant et bravant les obstacles avec un flegme à toute épreuve. Ah, et aussi elle tue parfois des touristes pour les manger ensuite, et le chien parle, et il y a des histoires de voyages dans le temps, de tueurs à gages télépathes, de personnages quasiment immortels, … Vous l'aurez compris, ici le récit tend vers l'absurde.
Ici, les prospecteurs creusent pour trouver le sens de la vie, le cancer est littéralement un crabe parlant et parfaitement insupportable, la poétesse se déplace de ville en ville pour livrer ses poèmes avec l'aide de son cafard. On mélange les genres, le fantastique, la SF, le comique, le tragique, avec un brin de poésie pour la forme. C'est con, mais les dialogues assez bien construits, vraiment toniques, font marcher le tout et donnent une très belle forme à l'œuvre.
Beaucoup de jeux de mots, quelques métaphores, une pincée de références, des répliques qui s'enchaînent avec peps et rythme, une désinvolture presque absurde face aux évènements, … Il n'y a pas à dire, la formule est atypique mais marquante.
Il y a aussi le dessin de Nicolas Gaignard, que je ne connaissais pas avant cela, mais que j'ai trouvé très joli. Les personnages ont tous une apparence marquée et le joli travail de noir et blanc contrasté avec quelques touches de pastel est vraiment beau.
Allez, coup de cœur !
(Note réelle 3,5)
Une BD qui ravive en moi l'intérêt pour ces explorateurs, savants et hommes de sciences qui partirent explorer le monde sur des coques de noix, faisaient avant tout fonctionner leurs cervelles mais devaient également composer avec l'environnement naturel sauvage et hostile.
Cette BD est à la fois une sorte d'hommage à cette période et ces personnes, mais aussi un aperçu du monde colonial de l'Amérique Latine alors qu'elle n'est pas encore cartographiée. Le récit dépeint plusieurs personnages de ce voyage étrange, empreint de bonne volonté scientifique, contrarié par des intérêts privés, enrayé par des accidents, des tensions, des catastrophes. L'ensemble révèle à la fois les caractères des personnages mais aussi un peu plus ce qu'était ce Pérou, source de richesse de l'Espagne catholique mais également mouroir de milliers d'indiens, nouveauté vivante pour une Europe qui ne peut tout appréhender ... La BD découpe l'ensemble (qui s'étale sur près de dix ans) en scénettes qui permettent de saisir ce que furent ces expéditions. A la fois politiquement, socialement, scientifiquement et culturellement. Il est étonnant de voir comment chacun finira lors de ces diverses opérations, de la mort à la folie en passant par le succès et l'infortune.
Le trait de Briac m'a surpris par son utilisation des couleurs et des visages taillés, aisément reconnaissable, tandis que le trait charbonneux permet de jouer sur les aspects de la jungle, de la montagne mais aussi de la maladie et de la vie. C'est une très belle BD, le genre qui donne envie de regarder à nouveau les pages, tandis qu'elle détaille son monde.
Amateurs de récits d'exploration, curieux qui veut s'intéresser aux sciences, lecteur occasionnel, tout le monde peut se retrouver dans cette BD. Elle interroge beaucoup par des procédés habiles (considérations des personnages, dialogues mais aussi animaux qui apportent un éclairage plus contemporain), tout en restant sur l'expédition et tout ce qu'elle provoqua. Une remarquable mise en scène de ce que furent les découvertes, dans le meilleur et le pire de l'humain. Saisissant !
Joie et bonheur de retrouver Gess et ses contes de la pieuvre avec des histoires complexes mais parfaitement maitrisées ou le lecteur évolue dans un monde de fin XIXème siècle un brin fantasmé. Nous y croisons de sacrées gueules pas si caricaturales qu'un coup d’œil rapide pourrait laisser supposer. Depuis le début de ces aventures je suis un grand fan de Gess notamment grâce à la précision de son trait( son travail fait de multiples dessins en plongée dans l'album "Celestin et le cœur de Vendrezanne" est de toute beauté).
Un très bel univers, je suis déçu d'avoir déjà lu les quatre tomes de cette série, je voudrais les découvrir comme j'invite le plus grand nombre à plonger dans ce Paris de mystères rempli de talents plus surprenant les uns que les autres.
Que voila une fort bonne surprise, et non je n'ai pas lu "la disquette molle", dont j'entends dire le plus grand bien. Ce qui m'a plu dans ce récit c'est tout d'abord le dessin qui a mon sens rend bien compte de l'immensité de la planète ou nos deux héros déambulent. L'espace y est rendu de belle manière et l'on sent bien la solitude, le côté interminable de cette quête à la recherche de morceau de vaisseau spatial.
L'histoire est extrêmement bien construite et nous amène à ce dénouement pour le moins surprenant, mais qui est en accord parfait avec des thématiques fort actuelles. Pour moi une belle surprise que je ne saurais trop conseiller
Il a fallu beaucoup de temps pour que la réalité de l'univers concentrationnaire soviétique soit pleinement dévoilé. En 2008, quand Lapière et Pellejero proposent ce " Tour de valse" les révélations authentiques se sont multipliées et le secret n'est plus de mise. Toutefois j'ai trouvé cette série très intéressante pour les jeunes générations dans un devoir de mémoire sur la nocivité d'un régime totalitaire basée sur la délation et la terreur. Denis Lapière ne cherche pas le voyeurisme ni dans la violence ni dans le sexe malgré les nombreuses possibilités que lui offre le scénario. Ici les auteurs mettent en avant les non-dits, les interprétations fallacieuses utilisées par les mauvaises oreilles mais aussi la résilience des valeurs nobles qui sont les seules à pouvoir vaincre l'injustice. L'amour du couple Katia/Vitor simples ouvriers écrasés par une délation abjecte. La fraternité des anciens Zek vivants mais brisés.
Les auteurs ont choisi la période du début des années 50. Toutefois la série ne prend pas de hauteur historique mais reste au niveau e l'intime.
Le trait épais et souple de Pellejero donne une belle profondeur aux sentiments exprimés par ses personnages. La narration visuelle est fluide avec un beau dynamisme corporel. Les extérieurs sont soignés pour rendre l'ambiance de ces camps sibériens très crédible.
Une belle lecture qui participe au devoir de mémoire pour ces malheureux qui ont subi les Goulags.
Jane est enrobée, Jane a des tâches de rousseurs, Jane n'est pas considérée comme très jolie, et comble du malheur son horrible cousin compte bien la déposséder de la propriété de ses parents suite à la mort de ces derniers. Sa seule chance est de trouver quelqu'un qui accepte de l'épouser, car une femme seule ne peut toucher d'héritage. Jane pense demander à Peter, le beau garçon du village, s'il accepterait bien, mais ce dernier se fait mystérieusement enlever par une très jolie… sirène ?!
Vous l'aurez sans doute compris à mon résumé, l'album tourne autour du sujet de l'apparence. On oppose la gentille Jane, rejetée par les autres pour son apparence et manquant de confiance en elle, aux sirènes, des beautés parfaites parfaitement obnubilées par leur apparence et à la personnalité beaucoup moins sympathique. Une héroïne hors des canons de beautés, une antagoniste vaniteuse, un beau garçon ignorant l'héroïne, un garçon plus simple l'appréciant à sa juste valeur, ... Le fond est classique, mais je trouve que Vera Brosgol arrive à redonner à cette formule un certain vent de fraîcheur. Je trouve même que la réflexion et le propos sur l'apparence physique est plus poussée, ou en tout cas moins préchi-précha, que ce que j'ai pu voir dans d'autres œuvres tout public comme celle-ci. Ici, on aborde le fait que, bien que l'apparence physique ne devrait pas être un argument de sympathie ou de succès, tant que les gens continueront de se forger des opinions basées sur les apparences, cette règle restera malheureusement en vigueur. Cela n'a l'air de rien mais j'ai sincèrement rarement vu ce propos mis à disposition de la jeunesse (et je n'aurais pas craché dessus dans ma propre jeunesse...).
Au-delà de la beauté et de la vanité, l'album aborde également la question féminine, malheureusement liée à l'apparence dans nos sociétés. Jane ne peut hériter de ses parents car elle est une femme, la société la pousse au mariage pour avoir des droits, son propre corps est jugé et critiqué à longueur de journée, les gens lui font souvent la réflexion qu'elle devrait sans doute tout bonnement arrêter de manger pour perdre du poids, … Le sujet de la nourriture et des privations concerne aussi les sirènes, d'ailleurs.
Je ne rentrerais pas davantage dans les détails de l'intrigue, mais je dirais tout de même que la conclusion de l'histoire est simple et touchante, que ce qu'il faut retenir est que, non seulement l'apparence ne fait pas tout, mais aussi qu'il faut savoir se relâcher et mettre de côté certaines pressions sociales pour se sentir bien dans sa peau. J'ai d'ailleurs particulièrement aimé la scène et la discussion devant le miroir (quand vous y serez, vous verrez de quoi je parle).
J'ai personnellement beaucoup aimé cette histoire, même si elle était simple, même si le message me paraissait évident. Comme dit plus haut, j'ai trouvé l'histoire fraîche et plaisante à lire, les dessins de Vera Brosgol sont très jolis (j'aime particulièrement ses visages), les personnages sont attachants, le message sous-jacent est simple et bénéfique, ...
Simple donc, mais efficace.
Je conseille la lecture de l'album.
(Note réelle 3,5)
De Lou Lubie scénariste je n'ai lu que Eurydice, avec cet album je vais découvrir une autre facette de cette autrice.
Je n'étais pas très attiré par le graphisme de Lou Lubie lors de mes nombreux feuilletages des albums où elle officiait en tant que dessinatrice. J'ai donc décidé de passer outre ma première impression. Et j'ai bien fait. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il m'a enthousiasmé, mais je lui reconnais beaucoup de charme avec son trait fin, précis et tout en rondeur. Un dessin qui amène une certaine douceur au récit. Une mise en page soignée et de belles couleurs complètent le tableau.
Du bon boulot et une agréable surprise.
Je ne m'attendais pas à lire quelque chose d'aussi instructif et captivant avec un sujet aussi futile - à première vue - que les cheveux. Mais des cheveux crépus.
Et là, Lou Lubie m'a bluffé par la richesse de son scénario. Pour le personnage de Rose, on sent qu'elle pioche dans sa vie personnelle, elle est de La Réunion, elle a des parents créoles, elle a la peau blanche et une tignasse crépue, tout comme Rose. Je ne m'imaginais pas les conséquences que peuvent occasionner de tels cheveux dans la vie quotidienne et dans le regard des autres. Un récit qui saura démêler les nœuds de cette discrimination capillaire par la qualité de sa narration. Elle est passionnante, enrichissante et drôle.
J'aime beaucoup le titre de cet album, le mot < racines > peut avoir plusieurs sens.
Lecture conseillée.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Le Silence de Malka
Une lecture qui m'a beaucoup plu. Je pensais retrouver une biographie de grand-mère juive comme pour Idiss Badinter. En effet les points de départ sont similaires : même époque, même pogrom dans le même pays la Bessarabie (Moldavie actuelle). Le parallèle s'arrête là car si Idiss connaît un parcours de réussite et de combats à Paris, Malka se retrouve dans un environnement argentin bien plus difficile que prévu. J'ai beaucoup aimé l'ambiance créée par les auteurs en ce début de récit. J'y trouve un côté historique dans un texte qui rappelle cette migration peu connue en France avec le soutien du baron Hirsch mais aussi la difficulté de passer de l'état d'artisan à celui de paysan. Ensuite personnellement j'ai aimé cette surprenante suite avec cette rupture brutale de la narration qui nous entraine dans un récit fantastique et mystique sur fond de Golem et de croyances. Pour ne rien gâcher la narration visuelle de Pellejero est vraiment très belle. J'ai préféré la partie chronique villageoise où l'artiste donne une véritable âme à ce groupe de déracinés. Des pratiques quotidiennes aux préparatifs du mariage tout sonne juste dans les propositions du dessinateur. Comme les couleurs appuient avec bonheur cette narration visuelle j'y ai trouvé un très agréable moment de lecture.
Captain America - La Vérité
Une vérité qui dérange - Ce tome contient une histoire complète ne nécessitant qu'une connaissance superficielle de Captain America pour pouvoir être appréciée. Il contient les épisodes 1 à 7 de la minisérie, initialement parus en 2003, écrits par Robert Morales, dessinés, encrés et mis en couleurs par Kyle Baker. Ce tome comprend également la couverture variante réalisée par Joe Quesada, ainsi qu'un appendice de 4 pages rédigé par Robert Morales explicitant ses sources et les références aux événements historiques. En 1940, Isaiah et Faith Bradley se rendent à la grande fête foraine de New York, en espérant pouvoir aller écouter un discours de William Edward Burghardt Du Bois (W. E. B. Du Bois, 1868-1963). Lors de l'accès à une attraction, ils se heurtent au racisme ordinaire qui fait des citoyens noirs, des citoyens de seconde classe. Dans un bar, Dallas Huxley retrouve son ancien sergent Lucas Evans et ils entament une partie de billard dans un bar fréquenté uniquement par les noirs. Maurice Canfield rentre chez lui, ou plutôt dans la luxueuse demeure de ses parents, les vêtements déchirés et une belle ecchymose au visage, après s'être battu contre des blancs ayant fait preuve de condescendance vis-à-vis de lui et son ami juif. Le 07 décembre 1941, l'armée japonaise effectue une attaque sur Pearl Harbor, et les États-Unis entrent en guerre peu de temps après. Isaiah Bradley se retrouve dans la même section que Maurice Canfield, Dallas Huxley, Lucas Evans et Larsen. Peu de temps après, le commandant de leur base reçoit la visite de Tully et du docteur Reinstein (2 civils) leur indiquant qu'ils souhaitent disposer de plusieurs soldats noirs. Quelques jours plus tard, il est relevé de ses fonction par le colonel Walker Price qui l'abat froidement devant ses troupes. 200 soldats dont Bradley et les autres sont conduits dans un autre camp disposant d'un laboratoire. Ils deviennent des cobayes pour des expériences génétiques. Au temps présent, Captain America (Steve Rogers est amené à rencontrer un ancien soldat de la seconde guerre mondiale dénommé Philip Merritt, en détention pour de nombreux crimes. Il apprend qu'il n'a pas été le premier Captain America. Le début des années 2000 fut une époque de renouveau pour Marvel, avec des projets sortant des sentiers battus de la production industrielle de comics. Truth s'inscrit dans cette veine, même s'il ne jouit pas d'une aussi grande renommée que la gamme Ultimate ou la gamme Marvel Knights. Dans des interviews, Robert Morales a déclaré qu'il avait était approché par des responsables éditoriaux pour effectuer une proposition de récit, et qu'il avait décidé d'en soumettre un le plus noir possible avec la conviction qu'il serait refusé. Non seulement Alex Alonso a accepté son projet en l'état mais a insisté pour l'inclure dans la continuité de Captain America. D'ailleurs pour les 2 éditions en recueils, le nom du superhéros a été apposé devant le titre initial. Du coup, le lecteur aborde cette histoire comme une histoire de superhéros, voire il a peut-être déjà entendu parler d'Isaiah Bradley au travers d'Elijah Bradley (Patriot, voir Young Avengers d'Allan Heinberg & Jim Cheung). Il a la surprise de découvrir un récit assez prévisible dans lequel un afro-américain reçoit le sérum de Captain America et s'en va combattre les nazis, rencontrant même Adolf Hitler le temps d'une séquence. Il trouve que les dessins sont curieusement enfantins, avec des exagérations des visages ou des morphologies qui en deviennent comiques et totalement à contretemps du récit. Il ressort de sa lecture content d'avoir découvert les origines de cette itération de Captain america, et en même temps déçu par un récit linéaire, pas si héroïque que ça, et desservi par des dessins presqu'amateurs et trop dans la caricature. Effectivement, il est un peu difficile de prendre cette histoire au premier degré du fait des dessins. Kyle Baker est un artiste à la très forte personnalité graphique, avec un don pour la caricature, au travers d'exagération anatomique et de d'expressions du visage exagérées. Ce choix génère une forte empathie chez le lecteur, pour les émotions éprouvées par les personnages, et ce dès la quatrième page quand Faith Bradley se moque d'un discours de W.E.B. Dubois et que son mari lui lance un regard noir. Les expressions du soldat Philip Merritt apparaissent dénuées de tout filtre développé par un individu mature, montrant sa personnalité enfantine. Les regards blasés de Tully et du docteur Reinstein attestent de leur immoralité et de leur suffisance nées d'un sentiment de supériorité. Mais dans le contexte d'un récit de superhéros, ce mode narratif fait plutôt penser à un récit pour un jeune public qu'à un récit adulte, à une narration appuyée de manière comique. Il en va de même pour les morphologies ahurissantes des soldats dépassant largement les exagérations habituelles des musculatures des superhéros classiques et même des années 1990. Kyle Baker ne recherche à aucun moment la véracité, ou même l'augmentation musculaire. Il dessine des muscles gonflés comme des ballons, des crânes déformés de manière ridicule et grotesque. Il ne dessine pas non plus avec un degré descriptif élevé. Il détoure des silhouettes à la va-vite. Il n'a que faire des textures. Il esquisse à gros traits les décors. Il recourt souvent à des cases dépourvues d'arrière-plan, qu'il remplit avec des aplats de couleurs simplistes. Si le lecteur persiste à considérer ce récit sous l'angle de vue du genre superhéros, c'est un travail à peine digne d'un amateur qui anéantit toute tension dramatique. Un lecteur qui a déjà lu d'autres ouvrages de Kyle Baker interprète les dessins d'une manière différente. Cet artiste s'est fait connaître pour son humour dépréciateur et sarcastique perspicace et absurde : Why I hate Saturn, The Cowboy Wally show, ou encore les aventures hallucinées du Shadow écrit par Andrew Helfer. Il sait que cet auteur ne peut pas prendre les superhéros au premier degré, et glorifier bêtement leur suprématie physique et leur manière de régler tous leurs problèmes par la force. L'identité même du dessinateur lui indique qu'il ne s'agit pas d'un récit de superhéros au sens traditionnel du terme, et qu'il ne doit pas s'attendre à des prouesses physiques transformées en un spectacle pyrotechnique admirable, ou à une glorification de la virilité triomphante. Sous réserve de pouvoir recalibrer sa sensibilité en conséquence, il se rend compte que la narration visuelle de Kyle Baker apporte une dimension tragique au récit. Les exagérations des expressions des visages permettent au lecteur de ressentir le degré d'implication des personnages. Les exagérations morphologiques traduisent la souffrance physique engendrée par des expérimentations inhumaines. Même la tête d'ahuri crétin de Captain America écoutant les révélations haineuses de Philip Merritt traduit l'énormité des horreurs accomplies et l'incapacité du citoyen moyen à les appréhender. Il est vrai qu'il reste quelques moments où la force comique des dessins reprend le dessus, à contretemps de la gravité du récit. Alors que le récit met en scène des horreurs malheureusement bien réelles et souvent représentées, ces dessins si particuliers donnent l'impression de les voir débarrassés de toute impression d'innocuité, ne permettant pas au lecteur de se retrancher derrière une attitude blasée. Il s'en rend compte à plusieurs reprises, par exemple lors de la scène se déroulant dans une chambre à gaz. Les dessins ont perdu toute dimension comique, conférant toute l'horreur abjecte de ces exécutions. Ils révèlent leur dimension expressionniste qui implique le lecteur quel que soit le nombre de fois où il a vu des représentations de ces pratiques. Le détachement émotionnel n'est pas possible du fait des dessins grotesques de l'artiste, de leur caractère brut et sans fioriture. À la lecture, il apparaît que la narration graphique de Kyle Baker se révèle plus efficace que des dessins simplement descriptifs pour transcrire les intentions du scénariste. Le récit s'ouvre avec la semaine nègre de la fête foraine de 1940 à New York, et une évocation de W.E.B. Dubois (1868-1963), un sociologue, historien, militant pour les droits civiques, militant panafricain, éditorialiste et écrivain américain. Par la suite, le scénariste insère d'autres références à des événements historiques comme la campagne du Double V pendant la seconde guerre mondiale (débutée en 1942), les chambres à gaz, les émeutes raciales du 19 juillet 1919 (Red Summer) à Washington DC, Francis Galton (1822-1911) et les thèses de l'eugénisme, etc. Cette histoire n'est pas une étude de caractère, même s'il est facile pour le lecteur d'éprouver de l'empathie pour le personnage principal, pour Steve Rogers, et même pour l'odieux Philip Merritt. Il s'agit plus d'une mise en scène de réalités socioculturelles peu confortables dans les États-Unis du vingtième siècle. C'est avec consternation que le lecteur constate que l'origine de ce Captain America noir s'intègre parfaitement dans l'Histoire, et que qu'elle reflète une facette de l'histoire de la communauté noire. Dans l'appendice, Robert Morales prend soin d'expliciter les faits historiques réels, et ceux qu'il a adapté pour les besoins de son récit. L'expérimentation médicale sur des sujets à qui on a caché la vérité renvoie directement l'Étude de Tuskegee (1932-1972) substituant le sérum du supersoldat à la syphilis. Avec ce point de vue en tête, le lecteur découvre ou retrouve le point de vue d'une catégorie de la population considérée comme de seconde classe, et la manière dont elle est utilisée par la nation. Captain America est effectivement estomaqué par ce qu'il découvre, et ses gros muscles ne peuvent rien pour redresser ces torts, pour apporter réparation. Les auteurs réussissent le tour de force de mettre le symbole de la nation face à la réalité d'une partie de son Histoire. Ils utilisent les conventions d'un récit de superhéros (affrontements physiques, costume chamarré, méchant symbolique) en les respectant, pour évoquer la condition des afro-américains, luttant pour défendre leur pays en prenant part à la guerre, tout en étant traité comme des sous-citoyens. À la fin du récit, le lecteur a bien compris que Steve Rogers a bénéficié des expérimentations menés sur des individus non-consentants, et qu'il a récolté toute la gloire, alors que la souffrance des cobayes a été effacée des livres d'histoire. La métaphore s'avère puissante et bien menée, sans jamais tourner à la leçon de morale désincarnée. Ils se permettent même de terminer sur une note relativement positive en rendant un hommage à plusieurs afro-américains ayant milité pour la cause des noirs. Morales n'hésite pas à se montrer pince-sans-rire en mettant en scène une femme portant la burqa, sous-entendant qu'il existe encore des formes de discriminations plus ou moins reconnues aux États-Unis. Parti avec l'a priori d'une histoire de superhéros un peu plus sophistiquée que d'habitude, le lecteur découvre d'abord un récit convenu, avec des dessins très éloignés de l'esthétique des comics Marvel. Il lui faut un peu de temps pour se rendre compte de la nature véritable du récit, d'envisager les enjeux sous un autre angle, et de ressentir la force des dessins. Impliqué par les émotions des personnages, il découvre un commentaire engagé sur la condition afro-américaine qui conserve la forme d'une histoire poignante et intelligente. Robert Morales a également écrit les épisodes 21 à 28 de la série Captain America.
Habemus Bastard
Arf 3 ou 4* mon cœur balance, on est sur du bon blockbuster divertissant et bien réalisé. Le fameux 3,5 ;) Un diptyque pas bien profond mais qui joue habilement avec un petit côté amoral. La lecture ne réserve pas de grandes surprises mais se révèle plaisante malgré quelques clichés, ça déroule et ça va rapidement au but. La partie graphique est toujours très bonne, on ne présente plus le savoir faire de Sylvain Vallée. C’est parfaitement orchestré. Un fond un peu trop léger à mon goût mais ça reste le seul vrai défaut decelé. Il faut dire que je ne suis pas archi fan d’histoires de truands à la française mais celle-ci a su me convaincre, je bonifie ma note. Ceux qui aiment le genre se régaleront.
Chevrotine
Chevrotine, c'est l'histoire d'une sorcière élevant seule sa marmaille, une flopée d'enfants issus de pères différents, vivant une vie très atypique, avançant et bravant les obstacles avec un flegme à toute épreuve. Ah, et aussi elle tue parfois des touristes pour les manger ensuite, et le chien parle, et il y a des histoires de voyages dans le temps, de tueurs à gages télépathes, de personnages quasiment immortels, … Vous l'aurez compris, ici le récit tend vers l'absurde. Ici, les prospecteurs creusent pour trouver le sens de la vie, le cancer est littéralement un crabe parlant et parfaitement insupportable, la poétesse se déplace de ville en ville pour livrer ses poèmes avec l'aide de son cafard. On mélange les genres, le fantastique, la SF, le comique, le tragique, avec un brin de poésie pour la forme. C'est con, mais les dialogues assez bien construits, vraiment toniques, font marcher le tout et donnent une très belle forme à l'œuvre. Beaucoup de jeux de mots, quelques métaphores, une pincée de références, des répliques qui s'enchaînent avec peps et rythme, une désinvolture presque absurde face aux évènements, … Il n'y a pas à dire, la formule est atypique mais marquante. Il y a aussi le dessin de Nicolas Gaignard, que je ne connaissais pas avant cela, mais que j'ai trouvé très joli. Les personnages ont tous une apparence marquée et le joli travail de noir et blanc contrasté avec quelques touches de pastel est vraiment beau. Allez, coup de cœur ! (Note réelle 3,5)
Méridien
Une BD qui ravive en moi l'intérêt pour ces explorateurs, savants et hommes de sciences qui partirent explorer le monde sur des coques de noix, faisaient avant tout fonctionner leurs cervelles mais devaient également composer avec l'environnement naturel sauvage et hostile. Cette BD est à la fois une sorte d'hommage à cette période et ces personnes, mais aussi un aperçu du monde colonial de l'Amérique Latine alors qu'elle n'est pas encore cartographiée. Le récit dépeint plusieurs personnages de ce voyage étrange, empreint de bonne volonté scientifique, contrarié par des intérêts privés, enrayé par des accidents, des tensions, des catastrophes. L'ensemble révèle à la fois les caractères des personnages mais aussi un peu plus ce qu'était ce Pérou, source de richesse de l'Espagne catholique mais également mouroir de milliers d'indiens, nouveauté vivante pour une Europe qui ne peut tout appréhender ... La BD découpe l'ensemble (qui s'étale sur près de dix ans) en scénettes qui permettent de saisir ce que furent ces expéditions. A la fois politiquement, socialement, scientifiquement et culturellement. Il est étonnant de voir comment chacun finira lors de ces diverses opérations, de la mort à la folie en passant par le succès et l'infortune. Le trait de Briac m'a surpris par son utilisation des couleurs et des visages taillés, aisément reconnaissable, tandis que le trait charbonneux permet de jouer sur les aspects de la jungle, de la montagne mais aussi de la maladie et de la vie. C'est une très belle BD, le genre qui donne envie de regarder à nouveau les pages, tandis qu'elle détaille son monde. Amateurs de récits d'exploration, curieux qui veut s'intéresser aux sciences, lecteur occasionnel, tout le monde peut se retrouver dans cette BD. Elle interroge beaucoup par des procédés habiles (considérations des personnages, dialogues mais aussi animaux qui apportent un éclairage plus contemporain), tout en restant sur l'expédition et tout ce qu'elle provoqua. Une remarquable mise en scène de ce que furent les découvertes, dans le meilleur et le pire de l'humain. Saisissant !
Fannie la renoueuse
Joie et bonheur de retrouver Gess et ses contes de la pieuvre avec des histoires complexes mais parfaitement maitrisées ou le lecteur évolue dans un monde de fin XIXème siècle un brin fantasmé. Nous y croisons de sacrées gueules pas si caricaturales qu'un coup d’œil rapide pourrait laisser supposer. Depuis le début de ces aventures je suis un grand fan de Gess notamment grâce à la précision de son trait( son travail fait de multiples dessins en plongée dans l'album "Celestin et le cœur de Vendrezanne" est de toute beauté). Un très bel univers, je suis déçu d'avoir déjà lu les quatre tomes de cette série, je voudrais les découvrir comme j'invite le plus grand nombre à plonger dans ce Paris de mystères rempli de talents plus surprenant les uns que les autres.
L'Héritage fossile
Que voila une fort bonne surprise, et non je n'ai pas lu "la disquette molle", dont j'entends dire le plus grand bien. Ce qui m'a plu dans ce récit c'est tout d'abord le dessin qui a mon sens rend bien compte de l'immensité de la planète ou nos deux héros déambulent. L'espace y est rendu de belle manière et l'on sent bien la solitude, le côté interminable de cette quête à la recherche de morceau de vaisseau spatial. L'histoire est extrêmement bien construite et nous amène à ce dénouement pour le moins surprenant, mais qui est en accord parfait avec des thématiques fort actuelles. Pour moi une belle surprise que je ne saurais trop conseiller
Le Tour de Valse
Il a fallu beaucoup de temps pour que la réalité de l'univers concentrationnaire soviétique soit pleinement dévoilé. En 2008, quand Lapière et Pellejero proposent ce " Tour de valse" les révélations authentiques se sont multipliées et le secret n'est plus de mise. Toutefois j'ai trouvé cette série très intéressante pour les jeunes générations dans un devoir de mémoire sur la nocivité d'un régime totalitaire basée sur la délation et la terreur. Denis Lapière ne cherche pas le voyeurisme ni dans la violence ni dans le sexe malgré les nombreuses possibilités que lui offre le scénario. Ici les auteurs mettent en avant les non-dits, les interprétations fallacieuses utilisées par les mauvaises oreilles mais aussi la résilience des valeurs nobles qui sont les seules à pouvoir vaincre l'injustice. L'amour du couple Katia/Vitor simples ouvriers écrasés par une délation abjecte. La fraternité des anciens Zek vivants mais brisés. Les auteurs ont choisi la période du début des années 50. Toutefois la série ne prend pas de hauteur historique mais reste au niveau e l'intime. Le trait épais et souple de Pellejero donne une belle profondeur aux sentiments exprimés par ses personnages. La narration visuelle est fluide avec un beau dynamisme corporel. Les extérieurs sont soignés pour rendre l'ambiance de ces camps sibériens très crédible. Une belle lecture qui participe au devoir de mémoire pour ces malheureux qui ont subi les Goulags.
Jane face aux Sirènes
Jane est enrobée, Jane a des tâches de rousseurs, Jane n'est pas considérée comme très jolie, et comble du malheur son horrible cousin compte bien la déposséder de la propriété de ses parents suite à la mort de ces derniers. Sa seule chance est de trouver quelqu'un qui accepte de l'épouser, car une femme seule ne peut toucher d'héritage. Jane pense demander à Peter, le beau garçon du village, s'il accepterait bien, mais ce dernier se fait mystérieusement enlever par une très jolie… sirène ?! Vous l'aurez sans doute compris à mon résumé, l'album tourne autour du sujet de l'apparence. On oppose la gentille Jane, rejetée par les autres pour son apparence et manquant de confiance en elle, aux sirènes, des beautés parfaites parfaitement obnubilées par leur apparence et à la personnalité beaucoup moins sympathique. Une héroïne hors des canons de beautés, une antagoniste vaniteuse, un beau garçon ignorant l'héroïne, un garçon plus simple l'appréciant à sa juste valeur, ... Le fond est classique, mais je trouve que Vera Brosgol arrive à redonner à cette formule un certain vent de fraîcheur. Je trouve même que la réflexion et le propos sur l'apparence physique est plus poussée, ou en tout cas moins préchi-précha, que ce que j'ai pu voir dans d'autres œuvres tout public comme celle-ci. Ici, on aborde le fait que, bien que l'apparence physique ne devrait pas être un argument de sympathie ou de succès, tant que les gens continueront de se forger des opinions basées sur les apparences, cette règle restera malheureusement en vigueur. Cela n'a l'air de rien mais j'ai sincèrement rarement vu ce propos mis à disposition de la jeunesse (et je n'aurais pas craché dessus dans ma propre jeunesse...). Au-delà de la beauté et de la vanité, l'album aborde également la question féminine, malheureusement liée à l'apparence dans nos sociétés. Jane ne peut hériter de ses parents car elle est une femme, la société la pousse au mariage pour avoir des droits, son propre corps est jugé et critiqué à longueur de journée, les gens lui font souvent la réflexion qu'elle devrait sans doute tout bonnement arrêter de manger pour perdre du poids, … Le sujet de la nourriture et des privations concerne aussi les sirènes, d'ailleurs. Je ne rentrerais pas davantage dans les détails de l'intrigue, mais je dirais tout de même que la conclusion de l'histoire est simple et touchante, que ce qu'il faut retenir est que, non seulement l'apparence ne fait pas tout, mais aussi qu'il faut savoir se relâcher et mettre de côté certaines pressions sociales pour se sentir bien dans sa peau. J'ai d'ailleurs particulièrement aimé la scène et la discussion devant le miroir (quand vous y serez, vous verrez de quoi je parle). J'ai personnellement beaucoup aimé cette histoire, même si elle était simple, même si le message me paraissait évident. Comme dit plus haut, j'ai trouvé l'histoire fraîche et plaisante à lire, les dessins de Vera Brosgol sont très jolis (j'aime particulièrement ses visages), les personnages sont attachants, le message sous-jacent est simple et bénéfique, ... Simple donc, mais efficace. Je conseille la lecture de l'album. (Note réelle 3,5)
Racines (Delcourt)
De Lou Lubie scénariste je n'ai lu que Eurydice, avec cet album je vais découvrir une autre facette de cette autrice. Je n'étais pas très attiré par le graphisme de Lou Lubie lors de mes nombreux feuilletages des albums où elle officiait en tant que dessinatrice. J'ai donc décidé de passer outre ma première impression. Et j'ai bien fait. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il m'a enthousiasmé, mais je lui reconnais beaucoup de charme avec son trait fin, précis et tout en rondeur. Un dessin qui amène une certaine douceur au récit. Une mise en page soignée et de belles couleurs complètent le tableau. Du bon boulot et une agréable surprise. Je ne m'attendais pas à lire quelque chose d'aussi instructif et captivant avec un sujet aussi futile - à première vue - que les cheveux. Mais des cheveux crépus. Et là, Lou Lubie m'a bluffé par la richesse de son scénario. Pour le personnage de Rose, on sent qu'elle pioche dans sa vie personnelle, elle est de La Réunion, elle a des parents créoles, elle a la peau blanche et une tignasse crépue, tout comme Rose. Je ne m'imaginais pas les conséquences que peuvent occasionner de tels cheveux dans la vie quotidienne et dans le regard des autres. Un récit qui saura démêler les nœuds de cette discrimination capillaire par la qualité de sa narration. Elle est passionnante, enrichissante et drôle. J'aime beaucoup le titre de cet album, le mot < racines > peut avoir plusieurs sens. Lecture conseillée.