Si le déroulé du scénario - une aventure développant la relation entre deux personnages et leurs lots de traumas - rappelle d'autres oeuvres, et si l'aventure n'est pas aussi dense que la taille de la BD pouvait l'espérer, le mélange de contexte historique et conte folklorique est original. Mais c'est surtout visuellement que la bd marque. Le mélange de techniques graphiques, le jeu de couleurs, la mise en page : tout claque l'oeil. Quand on sait que l'intégral a mis du temps à se boucler, ne boudons pas le plaisir : une bd qui mérite d'être plus soutenue, après une sortie plutôt confidentielle dans ma ville. Merci pour cette sortie !
Dans Alouette, Andréa Delcorte nous entraîne aux côtés d’une héroïne livrée à elle-même sur une île inconnue et inhospitalière. En quête de Pilou, elle doit affronter un environnement oppressant : une nature qui semble toxique, des créatures menaçantes, et surtout des visions troublantes. Peu à peu, des fragments de son passé resurgissent, entremêlant souvenirs douloureux et hallucinations.
À travers ce récit, l’auteur explore avec finesse la mémoire traumatique. Alouette, marquée par une enfance difficile et des épreuves brutales, se retrouve confrontée à ses propres démons dans un monde où la frontière entre illusion et réalité se fait de plus en plus floue. Comme elle, le lecteur avance en terrain incertain, pris dans un labyrinthe sensoriel jusqu’au dénouement.
Le dessin, sombre et immersif, accentue cette atmosphère suffocante, renforçant le sentiment de perte de repères. Alouette est une œuvre marquante, à la fois crue et poétique, qui nous happe jusqu’à la dernière page.
J'ai passé un très agréable moment de lecture avec cette série. Le fantastique et le thriller sont deux genres qui se marient bien comme le prouve le scénario de Lapière et Alibert. La narration est précise avec différents niveaux d'investigations qui s'imbriquent parfaitement. Entre les mystères du passé et ceux du présent la très attachante Rose doit faire preuve de beaucoup de pugnacité et de courage pour y voir clair. Elle est bien aidée par trois sympathiques fantômes. Dédoublement de personnalité, fantômes, sorcières du passé, j'ai tout d'abord cru que la série visait un public assez jeune mais certaines propositions s'adressent à un public plus averti.
Le graphisme de Valérie Vernay m'avait aussi orienté vers un lectorat assez jeune. Le trait est simple mais efficace, il rend bien dans les scènes d'intériorité de Rose. Grâce à son dessin l'autrice parvient parfaitement à nous faire passer d'une scène réaliste à une scène surnaturelle sans heurt.
Une lecture très plaisante pour un large public.
De la fantasy dans un décor qui présente un soupçon de post-apocalyptique, voilà qui est original et surtout très bien réalisé.
Tempérance est une jeune ogresse qui a été recueillie et élevée par une communauté de vieilles sorcières attachantes. Toutes se protègent de la Brume, un brouillard noir qui parait doté de volonté et a détruit la civilisation humaine il y a longtemps. Quand les sbires de celle-ci parviennent un jour à abattre leurs protections magiques (en fait, des courges), Tempérance est obligée de se rebiffer et de montrer qu'elle est capable de voir dans la Brume et de combattre ses créatures avec son... kung-fu.
Oui, il y a de l'humour dans cette BD, mais il s'intègre parfaitement bien et rien ne parait loufoque. On est dans de la bonne fantasy humaniste, avec surtout d'excellents personnages. Le discours est un peu féministe et écologique, avec une communauté de femmes qui voient les hommes comme une menace et prônent le retour à la Nature, mais il est discret et naturellement appuyé, ne présentant aucun pamphlet agaçant. Et surtout on s'en fiche tant chacune de ces femmes est attachante, amusante ou intéressante : ce sont les personnages et l'histoire qui comptent, pas un éventuel message caché derrière. Il y a une vraie intrigue, une vraie menace et deux vrais mystères : l'origine et les intentions de la Brume d'une part, et l'origine et les pouvoirs cachés de Tempérance. En outre, les assez rares éléments postapocalyptiques apportent une touche d'originalité dans ce qui aurait pu être une simple histoire de fantasy. Le tout est mis en scène avec le dessin très sympathique de Stéphane Fert, dont le style, les couleurs et les ambiances brumeuses sont parfaitement adaptées à l'histoire.
J'ai passé un excellent moment et j'ai hâte de lire la suite, avec un peu d'appréhension toutefois car la décision que prend Tempérance en fin de premier tome me laisse craindre une suite un peu plus convenue et moins attachante. Je croise les doigts pour me tromper.
Mais que fait la police des avis impatients ? En voilà un troisième alors que le tome deux n'est, dixit les deux auteurs, qu'en cours d'achèvement. En même temps impossible d'attendre vu la qualité tant du récit que du dessin.
Soyons clairs, mon avis ne sera pas objectif, un j'aime beaucoup le travail de Corentin Rouge et Caryl Ferey fait partie de mon top trois des auteurs de thrillers. C'est vous dire mon plaisir en apprenant que les deux seraient présents à Angoulême cette année. C'est ainsi qu'avec une joie de midinette j'ai pu échanger (au grand dam des gens pressés derrière moi) avec les auteurs.
Quelle histoire, surfant sur des thèmes très actuels, immigration, dérèglement climatique C.Ferey nous embarque dans un lieu peu exploré en bandes dessinées, l'Islande pays propice aux grands espaces plutôt magnifiques. Non ce scénariste n'est pas le frère de C.Bec, ici point de théories conspirationnistes, point de forces cosmiques ou que sais-je. Seulement un récit riche et dense qui tient en haleine de la première à la dernière case. Le dessin de C.Rouge n'est pas en reste dans un style expressif du meilleur goût, certaines planches sont absolument splendides et ne sont pas sans me rappeler le style de W.Vance.
Ai-je dit que je conseillais l'achat, non alors c'est fait et pour Yann135 pas de tome trois, l'an prochain Caryl Ferey part en immersion pour plusieurs mois aux Etats-Unis auprès de la nation Sioux partie intégrante de son prochain roman.
Par les dieux que c'est bien, que c'est beau. Comme certains de mes petits camarades dans les avis précédents, lorsque je vois une BD signée Jean Baptiste Andreae je ne réfléchis pas une seconde et fébrilement je prends le dit objet avec un mélange de joie contenue et de fébrilité, quand vais-je enfin pouvoir me poser pour lire la chose ?
Depuis MangeCoeur et Azimut je voue à Mr Andreae et à son dessin une sorte de culte. Richesse des décors, foisonnement des détails, à tel point que j'ai lu la BD deux fois de suite. La première pour découvrir et la deuxième pour me concentrer sur tous ces petits détails dont je parlais plus haut. Voilà quelqu'un qui sait ce que veut dire remplissage d'une case ; ce terme de remplissage pourrait paraitre péjoratif, mais pour moi il n'en est rien tant cela concourt à la magnificence du rendu final.
Pour ce qui est de l'histoire en elle même l'univers du conte ainsi présenté répond parfaitement aux critères du genre, un savant mélange de passages "qui font peur" : le hachoir géant et puis des plages d'une grande poésie.
Parfaite alchimie entre le merveilleux, le fantastique et la noirceur cet album ravira les grands comme les plus petits. Un seul regret j'aurais aimé que cela soit plus long. Encore une réussite.
Aussi frappadingue qu'irrésistible
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Ce tome contient une histoire complète qui nécessite une petite connaissance du personnage pour pouvoir en apprécier tous les détails. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2020, coécrits par Jimmy Palmiotti & Amanda Conner, dessinés et encrés par cette dernière, avec une mise en couleurs réalisée par Paul Mounts (épisode 1) puis par Alex Sinclair pour les épisodes 2 à 4. Conner a également réalisé les couvertures. Les couvertures variantes ont été réalisées par Derrick Chew (superbe dans le genre affiche pour film d'action dans une veine réaliste), Art Adams (imparable avec un dessin très comics), Ian MacDonald, Terry & Rachel Dodson. Il contient également une histoire courte de 8 pages, en noir, blanc et rouge, écrite par Palmiotti & Conner, et dessinée par Chad Hardin.
Sur une plage paradisiaque, Harley Quinn est en train de se dorer au soleil en dégustant une grappe de raisin, avec Pamela Isley, allongée à ses côtés, et Red Tool tenant la grappe de raisin. Ce dernier déclare qu'il a soif. Superman apparaît avec un plateau sur lequel se trouvent des rafraîchissements. Ayant accompli la volonté de Harley, il lui demande de dire où elles détiennent Jimmy Olsen. Harley va pour reprendre quelques grains sur la grappe, mais ils ont comme une odeur de fromage. Elle se réveille dans son petit immeuble de Coney Island, sur son lit, avec sept autres personnes, le pied de l'une d'elle étant sous sa narine. Elle se lève discrètement sans réveiller personne en tenant toujours Bernie son castor en peluche, dans ses bras. Elle monte sur le toit en terrasse pour profiter de l'air de la nuit. Elle voit la fumée d'un incendie au loin, et Power Girl passe la saluer avec des sacs de nourriture pour chat dans les bras. Harley se jette dans ses bras, lui demande ce qu'elle fait avec autant de nourriture pour chat dans les bras, et lui dit qu'elle a besoin d'une faveur. Elle souhaite que Kara lui fasse des diamants avec des morceaux de charbon pressurisés dans ses mains, parce qu'elle doit payer des créanciers, et qu'ainsi ça lui évitera de commettre des crimes pour disposer de l'argent. Sans surprise, Kara n'accède pas à sa demande.
En fait tout a commencé il y a quelques semaines quand Pamela et Harley passait des vacances en amoureuses sur une minuscule île avec un unique cocotier. Égale à elle-même, Harley avait fait exprès de ne pas jeter l'ancre du bateau pour qu'il soit emporté par l'océan, et qu'elles passent ainsi plus de temps toutes seules en amoureuses. Étrangement, Pamela l'avait mal pris, surtout en découvrant que son amante s'était goinfrée en dévorant toutes les maigres provisions. Cette situation avait été de courte durée, car Sy Borgman et Zena étaient venus les chercher en hélicoptère. De retour à New York, Pamela avait pris ses distances avec la fofolle. Pendant leur absence, le cabinet de prêts Defeo était venu réclamer ses traites et ses nervis avaient passé Big Tony à tabac pour bien montrer l'obligation de payer les traites en retard. Puis ils avaient mis le feu à l'hôtel, obligeant Harley à abriter tous ses amis qui y étaient logés. Kara ayant refusé, il ne reste plus à Harley qu'à aller rendre visite à Big Tony à l'hôpital, puis à mettre à exécution un plan devant lui rapporter beaucoup d'argent, de quoi éponger ses dettes.
En 2013, l'éditeur DC Comics lance une nouvelle série Harley Quinn en la confiant à Amanda Conner & Jimmy Palmiotti. En 2016, il relance sa ligne de comics dans une opération appelée Rebirth, et c'est à nouveau le même duo de coscénaristes qui écrit sa nouvelle série. Ensemble, ils ont coécrit une centaine d'épisodes avec ce personnage. Du coup, le lecteur régulier a déjà une petite idée de l'approche du personnage qu'il va trouver. Son intérêt augmente encore un peu en ayant conscience qu'Amanda Conner dessine elle-même cette histoire. Effectivement, il retrouve bien les éléments développés par le couple de créateurs dans la série mensuelle : son petit immeuble à Coney Island, la catapulte pour se rendre à Manhattan, Bernie son castor en peluche en fort mauvais état, le gang des Harley (Antonia Moore, Carlita Alvarez, Erica Zhang, Harvey Quinn, Shona Choudhury), Sy Borgman et Zena, sans oublier son gérant Big Tony, Egg-Fu, et sa relation avec Pamela Isley. S'il a lu les séries mensuelles, le lecteur éprouve la sensation de revenir à la maison, sinon il est possible qu'il s'interroge sur certains de ces éléments souvent très décalés et bizarres (par exemple la peluche à moitié brûlée qui converse avec Harley). Dans le premier cas, il se demande alors l'intérêt de publier cette histoire dans la branche Black Label. Au bout de quelques séquences, il ressent le fait que l'histoire se déroule de manière plus fluide, et que les auteurs peuvent mettre en scène la personnalité du personnage, sans filtre, sans avoir à se soucier du langage ou de la moralité de certaines actions. Elle apparaît beaucoup plus cohérente et consistante que dans la série mensuelle, sans effet de dilution.
Dans un premier temps, le lecteur peut se dire que les coscénaristes choisissent l'option de facilité pour Harley Quinn : jeune femme de moins de 30 ans, irresponsable, avec une compréhension de la réalité bien faussée, à la fois trop mignonne pour être vraie (avec ses petits chats, sa peluche, ses amies, ses élans du cœur) et trop criminelle pour pouvoir être laissée en liberté ou tolérée par les superhéros. En outre, l'artiste s'en donne à cœur joie pour les expressions de visage et les poses un peu théâtrales. Petit à petit, il devient difficile de résister à cette personne entière, avec des émotions honnêtes, des réactions de gamine, aussi bien quand elle montre son attachement émotionnel, que quand elle s'en prend physiquement à un ennemi. Ça donne lieu à des scènes totalement schizophréniques allant de Harley se jetant dans les bras de Kara l'expression d'un élan du cœur authentique, et quelques pages plus loin elle assassine un agresseur en lui enfonçant un crayon noir dans chaque oreille. Elle peut aussi bien être câlinée par Pamela que physiquement torturée par Joker qui entaille sa peau avec un couteau. Là non plus, la dessinatrice ne fait pas les choses à moitié et dose savamment ses dessins entre simplification comique et représentation réaliste, faisant que le lecteur ne puisse éprouver aucun doute sur le sadisme cruel de Joker pour son ancienne amante. Là aussi, le choix du Black Label fait sens pour pouvoir montrer franchement de tels actes, même sans tomber dans le gore, chose qui n'aurait pas été possible dans la série mensuelle, plus tout public.
Dans l'horizon d'attente du lecteur, figure également des situations loufoques et énormes, reflétant le comportement de l'héroïne. Il en a rapidement pour son content, car les coscénaristes se sont visiblement bien amusés à créer et à imaginer des événements improbables : un nervi mourant en tombant le crâne contre une batte de baseball hérissée de clous de charpentier, Renée Montoya qui aide Harley à attacher son soutien-gorge, Harley qui a fait exploser les toilettes, Alfred Pennyworth qui s'occupe de Bernie, Oswald Cobblepot qui se retrouve avec le caleçon sur les chevilles en faisant face à Batgirl, Huntress, Montoya, Red Tool et quelques autres, etc. Un peu plus marqué que dans la série mensuelle, Harley aime bien l'humour en dessous de la ceinture et l'humour scatologique : si le lecteur y est allergique, il ne tiendra pas bien longtemps dans ces épisodes. En particulier, elle aime bien les sous-entendus d'ordre sexuel avec Kara et Renée, et elle utilise souvent son castor avec un double sens, en anglais ce mot pouvant désigner le sexe féminin. Pour les lecteurs peu familiers du personnage, cet aspect de la personnalité de Harley fait sens, avec ses réactions régulières d'adolescente provocatrice.
L'entrain des auteurs est rapidement communicatif, et le lecteur ressent que Harley doit beaucoup au caractère d'Amanda qui peut ainsi laisser aller sa propre personnalité en profitant de la liberté que peu donner un tel personnage. Le lecteur est vite sous le charme innocent et malsain de Harley et il accepte facilement la structure du scénario dans lequel Harley Quinn va rencontrer fort opportunément plusieurs superhéroïnes en activité à Gotham. Il trouve plutôt élégant qu'elle ne se retrouve pas face à Batman, mais qu'elle puisse croiser le chemin de plusieurs personnages rattachés à sa mythologie. C'est légitime et logique car l'adversaire naturel de cette dame a les cheveux verts et aime bien porter des vêtements à dominante violet. Alors que les péripéties se succèdent rapidement, avec des dialogues apportant de la consistance aux personnages et aux événements sans devenir envahissants, cette jeune femme frappadingue acquiert une épaisseur psychologique inattendue, une partie de son comportement étant l'expression d'un syndrome de stress post traumatique, son passé de psychologue étant même évoqué avec pertinence.
Franchement, une histoire de Harley Quinn avec le sceau Black Label, réalisée par les auteurs de sa série mensuelle, il y a de quoi s'interroger sur le pourquoi. Rapidement à la lecture, l'intention apparaît : Amanda Conner & Jimmy Palmiotti bénéficient d'une plus grande liberté de ton et ils s'en servent pour aller plus loin dans la provocation pour étoffer leur personnage. Il est visible que les deux auteurs sont très investis dans le personnage et dans le récit, et c'est un régal de découvrir les planches soignées d'Amanda Conner, avec sa touche comique et fantasque inimitable.
Un petit album de format allongé, à l'italienne, réalisé par le belge Brecht Evens que je ne connaissais pas dans sa bibliographie. On y retrouve son dessin haut en couleurs et pour une fois c'est une suite de strips. De plus l'auteur y fait preuve de beaucoup d'humour, avec certaines chutes parfois sombres et morbides. Idulfania doit être une sorte de village onirique quelque peu moyenâgeux peuplé de personnages acteurs de ces petits strips, indépendants mais liés par ce monde qu'on voit en couverture mâtiné de Fantasy, où l'on trouve des nains, des géants, des chevaliers en armure, des oiseaux qui parlent faisant preuve d'inventivité, ou encore des gardiens de porte philosophes munis de hallebardes. J'ai appris par ailleurs que cela avait été publié à un rythme hebdomadaire dans le magazine belge Bruzz. Assez court et vite lu.
Voilà un bon p'tit vent de fraîcheur qui souffle avec ce premier album de la nouvelle collection Young Adult de chez Delcourt : Wave.
Alors ok, c'est effectivement ciblé, mais en trouvant un bon équilibre entre divertissement et problèmes sociétaux. Almudena est une ado qui va sur ses quinze ans ; elle habite avec sa mère aux Etats-Unis et n'a jamais connu son père. Mais voilà que sa mère doit partir faire une tournée de danse en Europe et va donc confier sa fille à son père pour 3 mois... Si le fait de rencontrer son père pour la première fois à cet âge est déjà compliqué, la barrière linguistique ne va pas améliorer les choses. En effet, le père d'Almudena est guatémaltèque et ne pipe pas un mot d'anglais... et Almudena pas un d'espagnol... Ajoutez à cela un logement en pleine rénovation : l'été s'annonce looooong et fastidieux ! Mais voilà, l'entourage de son père et le quartier même sont plein de surprises et de vie. La sinistrose annoncée va vite laisser place à un tourbillon de vie pétillant, à l'image de notre ado pleine de ressources.
Ça parle famille, gentrification, homosexualité, dans ce milieu des années 90', sans se prendre la tête et ça passe bien. Le tout est servi par un dessin assez simple mais expressif, qui valorise les nombreux personnages de cette tribu recomposée et explosive ; la mise en couleur est tout aussi peps, ce qui colle parfaitement avec le tout !
C'est à hauteur d'enfants que Marion Achard nous replonge dans l'horreur de la seconde guerre mondiale. Ce premier tome est axé sur le récit de Lilou qui a réussi à s'enfuir et se cacher après septembre 1943 pour échapper aux rafles. Le deuxième tome devrait nous raconter ce que sa soeur Mylaine a vécu après leur séparation à cette même période, arrêtée par les nazis.
On sent que Marion Achard a le goût du récit et de ce côté documenté/documentaire. J'avais déjà apprécié son travail avec ses albums Tamba l'enfant soldat et Le Zizi de l'ange - Chroniques d'un spectacle vivant. Après les enfants soldats et les intermittents, c'est donc du côté de sa propre famille qu'elle est allée creuser pour nous proposer ce récit formidablement mis en dessin par Toni Galmès, que je ne connaissais pas. Son trait rond et fin superbement mis en couleur à l'aquarelle colle à merveille avec cette vision d'enfant qui nous servira de focale.
Sans être ni trop mièvre ni trop dure dans les détails, l'histoire de cette guerre et des saletés qu'elle colporte est réaliste et juste, sans être édulcorée pour autant.
Voilà un album qui devrait plaire à un large public tant pour son contenu que son esthétique léchée.
Je suis curieux de découvrir le second volet de cette série
*** Tome 2 ***
Après le récit de Lilou dans le premier tome, c'est au tour de sa grande soeur Mylène de nous dévoiler ce qui lui est arrivé après cette descente de l'armée allemande dans leur planque. Si Lilou et ses parents ont pu être prévenus à temps et échapper à la rafle, ce n'est pas le cas de Mylène. Arrestation, interrogatoires, violences, puis déportation vers un camp de concentration... Le regard de Mylène nous plonge dans l'horreur nazi à hauteur d'enfant...
Comme dans le premier tome, le récit est réaliste et n'édulcore en rien le tragique de cette période et de l'horreur des camps de concentration. Plus dur que le premier tome, il n'en reste pas moins pétri de tendresse et d'humanité malgré l'horreur traversée.
Côté dessin Toni Galmès est toujours aussi doué et efficace, rendant cette histoire moins âpre à digérer. Son trait et sa mise en couleur à l'aquarelle sont juste magnifiques !
Un témoignage familial à travers des regards d'enfants qui auront survécu au pire traité de façon remarquable !
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Le Rêve du Tchernobog (La Révolution des damnés)
Si le déroulé du scénario - une aventure développant la relation entre deux personnages et leurs lots de traumas - rappelle d'autres oeuvres, et si l'aventure n'est pas aussi dense que la taille de la BD pouvait l'espérer, le mélange de contexte historique et conte folklorique est original. Mais c'est surtout visuellement que la bd marque. Le mélange de techniques graphiques, le jeu de couleurs, la mise en page : tout claque l'oeil. Quand on sait que l'intégral a mis du temps à se boucler, ne boudons pas le plaisir : une bd qui mérite d'être plus soutenue, après une sortie plutôt confidentielle dans ma ville. Merci pour cette sortie !
Alouette
Dans Alouette, Andréa Delcorte nous entraîne aux côtés d’une héroïne livrée à elle-même sur une île inconnue et inhospitalière. En quête de Pilou, elle doit affronter un environnement oppressant : une nature qui semble toxique, des créatures menaçantes, et surtout des visions troublantes. Peu à peu, des fragments de son passé resurgissent, entremêlant souvenirs douloureux et hallucinations. À travers ce récit, l’auteur explore avec finesse la mémoire traumatique. Alouette, marquée par une enfance difficile et des épreuves brutales, se retrouve confrontée à ses propres démons dans un monde où la frontière entre illusion et réalité se fait de plus en plus floue. Comme elle, le lecteur avance en terrain incertain, pris dans un labyrinthe sensoriel jusqu’au dénouement. Le dessin, sombre et immersif, accentue cette atmosphère suffocante, renforçant le sentiment de perte de repères. Alouette est une œuvre marquante, à la fois crue et poétique, qui nous happe jusqu’à la dernière page.
Rose
J'ai passé un très agréable moment de lecture avec cette série. Le fantastique et le thriller sont deux genres qui se marient bien comme le prouve le scénario de Lapière et Alibert. La narration est précise avec différents niveaux d'investigations qui s'imbriquent parfaitement. Entre les mystères du passé et ceux du présent la très attachante Rose doit faire preuve de beaucoup de pugnacité et de courage pour y voir clair. Elle est bien aidée par trois sympathiques fantômes. Dédoublement de personnalité, fantômes, sorcières du passé, j'ai tout d'abord cru que la série visait un public assez jeune mais certaines propositions s'adressent à un public plus averti. Le graphisme de Valérie Vernay m'avait aussi orienté vers un lectorat assez jeune. Le trait est simple mais efficace, il rend bien dans les scènes d'intériorité de Rose. Grâce à son dessin l'autrice parvient parfaitement à nous faire passer d'une scène réaliste à une scène surnaturelle sans heurt. Une lecture très plaisante pour un large public.
La Marche Brume
De la fantasy dans un décor qui présente un soupçon de post-apocalyptique, voilà qui est original et surtout très bien réalisé. Tempérance est une jeune ogresse qui a été recueillie et élevée par une communauté de vieilles sorcières attachantes. Toutes se protègent de la Brume, un brouillard noir qui parait doté de volonté et a détruit la civilisation humaine il y a longtemps. Quand les sbires de celle-ci parviennent un jour à abattre leurs protections magiques (en fait, des courges), Tempérance est obligée de se rebiffer et de montrer qu'elle est capable de voir dans la Brume et de combattre ses créatures avec son... kung-fu. Oui, il y a de l'humour dans cette BD, mais il s'intègre parfaitement bien et rien ne parait loufoque. On est dans de la bonne fantasy humaniste, avec surtout d'excellents personnages. Le discours est un peu féministe et écologique, avec une communauté de femmes qui voient les hommes comme une menace et prônent le retour à la Nature, mais il est discret et naturellement appuyé, ne présentant aucun pamphlet agaçant. Et surtout on s'en fiche tant chacune de ces femmes est attachante, amusante ou intéressante : ce sont les personnages et l'histoire qui comptent, pas un éventuel message caché derrière. Il y a une vraie intrigue, une vraie menace et deux vrais mystères : l'origine et les intentions de la Brume d'une part, et l'origine et les pouvoirs cachés de Tempérance. En outre, les assez rares éléments postapocalyptiques apportent une touche d'originalité dans ce qui aurait pu être une simple histoire de fantasy. Le tout est mis en scène avec le dessin très sympathique de Stéphane Fert, dont le style, les couleurs et les ambiances brumeuses sont parfaitement adaptées à l'histoire. J'ai passé un excellent moment et j'ai hâte de lire la suite, avec un peu d'appréhension toutefois car la décision que prend Tempérance en fin de premier tome me laisse craindre une suite un peu plus convenue et moins attachante. Je croise les doigts pour me tromper.
Islander
Mais que fait la police des avis impatients ? En voilà un troisième alors que le tome deux n'est, dixit les deux auteurs, qu'en cours d'achèvement. En même temps impossible d'attendre vu la qualité tant du récit que du dessin. Soyons clairs, mon avis ne sera pas objectif, un j'aime beaucoup le travail de Corentin Rouge et Caryl Ferey fait partie de mon top trois des auteurs de thrillers. C'est vous dire mon plaisir en apprenant que les deux seraient présents à Angoulême cette année. C'est ainsi qu'avec une joie de midinette j'ai pu échanger (au grand dam des gens pressés derrière moi) avec les auteurs. Quelle histoire, surfant sur des thèmes très actuels, immigration, dérèglement climatique C.Ferey nous embarque dans un lieu peu exploré en bandes dessinées, l'Islande pays propice aux grands espaces plutôt magnifiques. Non ce scénariste n'est pas le frère de C.Bec, ici point de théories conspirationnistes, point de forces cosmiques ou que sais-je. Seulement un récit riche et dense qui tient en haleine de la première à la dernière case. Le dessin de C.Rouge n'est pas en reste dans un style expressif du meilleur goût, certaines planches sont absolument splendides et ne sont pas sans me rappeler le style de W.Vance. Ai-je dit que je conseillais l'achat, non alors c'est fait et pour Yann135 pas de tome trois, l'an prochain Caryl Ferey part en immersion pour plusieurs mois aux Etats-Unis auprès de la nation Sioux partie intégrante de son prochain roman.
La Cuisine des ogres
Par les dieux que c'est bien, que c'est beau. Comme certains de mes petits camarades dans les avis précédents, lorsque je vois une BD signée Jean Baptiste Andreae je ne réfléchis pas une seconde et fébrilement je prends le dit objet avec un mélange de joie contenue et de fébrilité, quand vais-je enfin pouvoir me poser pour lire la chose ? Depuis MangeCoeur et Azimut je voue à Mr Andreae et à son dessin une sorte de culte. Richesse des décors, foisonnement des détails, à tel point que j'ai lu la BD deux fois de suite. La première pour découvrir et la deuxième pour me concentrer sur tous ces petits détails dont je parlais plus haut. Voilà quelqu'un qui sait ce que veut dire remplissage d'une case ; ce terme de remplissage pourrait paraitre péjoratif, mais pour moi il n'en est rien tant cela concourt à la magnificence du rendu final. Pour ce qui est de l'histoire en elle même l'univers du conte ainsi présenté répond parfaitement aux critères du genre, un savant mélange de passages "qui font peur" : le hachoir géant et puis des plages d'une grande poésie. Parfaite alchimie entre le merveilleux, le fantastique et la noirceur cet album ravira les grands comme les plus petits. Un seul regret j'aurais aimé que cela soit plus long. Encore une réussite.
Harley Quinn & Birds Of Prey
Aussi frappadingue qu'irrésistible - Ce tome contient une histoire complète qui nécessite une petite connaissance du personnage pour pouvoir en apprécier tous les détails. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2020, coécrits par Jimmy Palmiotti & Amanda Conner, dessinés et encrés par cette dernière, avec une mise en couleurs réalisée par Paul Mounts (épisode 1) puis par Alex Sinclair pour les épisodes 2 à 4. Conner a également réalisé les couvertures. Les couvertures variantes ont été réalisées par Derrick Chew (superbe dans le genre affiche pour film d'action dans une veine réaliste), Art Adams (imparable avec un dessin très comics), Ian MacDonald, Terry & Rachel Dodson. Il contient également une histoire courte de 8 pages, en noir, blanc et rouge, écrite par Palmiotti & Conner, et dessinée par Chad Hardin. Sur une plage paradisiaque, Harley Quinn est en train de se dorer au soleil en dégustant une grappe de raisin, avec Pamela Isley, allongée à ses côtés, et Red Tool tenant la grappe de raisin. Ce dernier déclare qu'il a soif. Superman apparaît avec un plateau sur lequel se trouvent des rafraîchissements. Ayant accompli la volonté de Harley, il lui demande de dire où elles détiennent Jimmy Olsen. Harley va pour reprendre quelques grains sur la grappe, mais ils ont comme une odeur de fromage. Elle se réveille dans son petit immeuble de Coney Island, sur son lit, avec sept autres personnes, le pied de l'une d'elle étant sous sa narine. Elle se lève discrètement sans réveiller personne en tenant toujours Bernie son castor en peluche, dans ses bras. Elle monte sur le toit en terrasse pour profiter de l'air de la nuit. Elle voit la fumée d'un incendie au loin, et Power Girl passe la saluer avec des sacs de nourriture pour chat dans les bras. Harley se jette dans ses bras, lui demande ce qu'elle fait avec autant de nourriture pour chat dans les bras, et lui dit qu'elle a besoin d'une faveur. Elle souhaite que Kara lui fasse des diamants avec des morceaux de charbon pressurisés dans ses mains, parce qu'elle doit payer des créanciers, et qu'ainsi ça lui évitera de commettre des crimes pour disposer de l'argent. Sans surprise, Kara n'accède pas à sa demande. En fait tout a commencé il y a quelques semaines quand Pamela et Harley passait des vacances en amoureuses sur une minuscule île avec un unique cocotier. Égale à elle-même, Harley avait fait exprès de ne pas jeter l'ancre du bateau pour qu'il soit emporté par l'océan, et qu'elles passent ainsi plus de temps toutes seules en amoureuses. Étrangement, Pamela l'avait mal pris, surtout en découvrant que son amante s'était goinfrée en dévorant toutes les maigres provisions. Cette situation avait été de courte durée, car Sy Borgman et Zena étaient venus les chercher en hélicoptère. De retour à New York, Pamela avait pris ses distances avec la fofolle. Pendant leur absence, le cabinet de prêts Defeo était venu réclamer ses traites et ses nervis avaient passé Big Tony à tabac pour bien montrer l'obligation de payer les traites en retard. Puis ils avaient mis le feu à l'hôtel, obligeant Harley à abriter tous ses amis qui y étaient logés. Kara ayant refusé, il ne reste plus à Harley qu'à aller rendre visite à Big Tony à l'hôpital, puis à mettre à exécution un plan devant lui rapporter beaucoup d'argent, de quoi éponger ses dettes. En 2013, l'éditeur DC Comics lance une nouvelle série Harley Quinn en la confiant à Amanda Conner & Jimmy Palmiotti. En 2016, il relance sa ligne de comics dans une opération appelée Rebirth, et c'est à nouveau le même duo de coscénaristes qui écrit sa nouvelle série. Ensemble, ils ont coécrit une centaine d'épisodes avec ce personnage. Du coup, le lecteur régulier a déjà une petite idée de l'approche du personnage qu'il va trouver. Son intérêt augmente encore un peu en ayant conscience qu'Amanda Conner dessine elle-même cette histoire. Effectivement, il retrouve bien les éléments développés par le couple de créateurs dans la série mensuelle : son petit immeuble à Coney Island, la catapulte pour se rendre à Manhattan, Bernie son castor en peluche en fort mauvais état, le gang des Harley (Antonia Moore, Carlita Alvarez, Erica Zhang, Harvey Quinn, Shona Choudhury), Sy Borgman et Zena, sans oublier son gérant Big Tony, Egg-Fu, et sa relation avec Pamela Isley. S'il a lu les séries mensuelles, le lecteur éprouve la sensation de revenir à la maison, sinon il est possible qu'il s'interroge sur certains de ces éléments souvent très décalés et bizarres (par exemple la peluche à moitié brûlée qui converse avec Harley). Dans le premier cas, il se demande alors l'intérêt de publier cette histoire dans la branche Black Label. Au bout de quelques séquences, il ressent le fait que l'histoire se déroule de manière plus fluide, et que les auteurs peuvent mettre en scène la personnalité du personnage, sans filtre, sans avoir à se soucier du langage ou de la moralité de certaines actions. Elle apparaît beaucoup plus cohérente et consistante que dans la série mensuelle, sans effet de dilution. Dans un premier temps, le lecteur peut se dire que les coscénaristes choisissent l'option de facilité pour Harley Quinn : jeune femme de moins de 30 ans, irresponsable, avec une compréhension de la réalité bien faussée, à la fois trop mignonne pour être vraie (avec ses petits chats, sa peluche, ses amies, ses élans du cœur) et trop criminelle pour pouvoir être laissée en liberté ou tolérée par les superhéros. En outre, l'artiste s'en donne à cœur joie pour les expressions de visage et les poses un peu théâtrales. Petit à petit, il devient difficile de résister à cette personne entière, avec des émotions honnêtes, des réactions de gamine, aussi bien quand elle montre son attachement émotionnel, que quand elle s'en prend physiquement à un ennemi. Ça donne lieu à des scènes totalement schizophréniques allant de Harley se jetant dans les bras de Kara l'expression d'un élan du cœur authentique, et quelques pages plus loin elle assassine un agresseur en lui enfonçant un crayon noir dans chaque oreille. Elle peut aussi bien être câlinée par Pamela que physiquement torturée par Joker qui entaille sa peau avec un couteau. Là non plus, la dessinatrice ne fait pas les choses à moitié et dose savamment ses dessins entre simplification comique et représentation réaliste, faisant que le lecteur ne puisse éprouver aucun doute sur le sadisme cruel de Joker pour son ancienne amante. Là aussi, le choix du Black Label fait sens pour pouvoir montrer franchement de tels actes, même sans tomber dans le gore, chose qui n'aurait pas été possible dans la série mensuelle, plus tout public. Dans l'horizon d'attente du lecteur, figure également des situations loufoques et énormes, reflétant le comportement de l'héroïne. Il en a rapidement pour son content, car les coscénaristes se sont visiblement bien amusés à créer et à imaginer des événements improbables : un nervi mourant en tombant le crâne contre une batte de baseball hérissée de clous de charpentier, Renée Montoya qui aide Harley à attacher son soutien-gorge, Harley qui a fait exploser les toilettes, Alfred Pennyworth qui s'occupe de Bernie, Oswald Cobblepot qui se retrouve avec le caleçon sur les chevilles en faisant face à Batgirl, Huntress, Montoya, Red Tool et quelques autres, etc. Un peu plus marqué que dans la série mensuelle, Harley aime bien l'humour en dessous de la ceinture et l'humour scatologique : si le lecteur y est allergique, il ne tiendra pas bien longtemps dans ces épisodes. En particulier, elle aime bien les sous-entendus d'ordre sexuel avec Kara et Renée, et elle utilise souvent son castor avec un double sens, en anglais ce mot pouvant désigner le sexe féminin. Pour les lecteurs peu familiers du personnage, cet aspect de la personnalité de Harley fait sens, avec ses réactions régulières d'adolescente provocatrice. L'entrain des auteurs est rapidement communicatif, et le lecteur ressent que Harley doit beaucoup au caractère d'Amanda qui peut ainsi laisser aller sa propre personnalité en profitant de la liberté que peu donner un tel personnage. Le lecteur est vite sous le charme innocent et malsain de Harley et il accepte facilement la structure du scénario dans lequel Harley Quinn va rencontrer fort opportunément plusieurs superhéroïnes en activité à Gotham. Il trouve plutôt élégant qu'elle ne se retrouve pas face à Batman, mais qu'elle puisse croiser le chemin de plusieurs personnages rattachés à sa mythologie. C'est légitime et logique car l'adversaire naturel de cette dame a les cheveux verts et aime bien porter des vêtements à dominante violet. Alors que les péripéties se succèdent rapidement, avec des dialogues apportant de la consistance aux personnages et aux événements sans devenir envahissants, cette jeune femme frappadingue acquiert une épaisseur psychologique inattendue, une partie de son comportement étant l'expression d'un syndrome de stress post traumatique, son passé de psychologue étant même évoqué avec pertinence. Franchement, une histoire de Harley Quinn avec le sceau Black Label, réalisée par les auteurs de sa série mensuelle, il y a de quoi s'interroger sur le pourquoi. Rapidement à la lecture, l'intention apparaît : Amanda Conner & Jimmy Palmiotti bénéficient d'une plus grande liberté de ton et ils s'en servent pour aller plus loin dans la provocation pour étoffer leur personnage. Il est visible que les deux auteurs sont très investis dans le personnage et dans le récit, et c'est un régal de découvrir les planches soignées d'Amanda Conner, avec sa touche comique et fantasque inimitable.
Idulfania
Un petit album de format allongé, à l'italienne, réalisé par le belge Brecht Evens que je ne connaissais pas dans sa bibliographie. On y retrouve son dessin haut en couleurs et pour une fois c'est une suite de strips. De plus l'auteur y fait preuve de beaucoup d'humour, avec certaines chutes parfois sombres et morbides. Idulfania doit être une sorte de village onirique quelque peu moyenâgeux peuplé de personnages acteurs de ces petits strips, indépendants mais liés par ce monde qu'on voit en couverture mâtiné de Fantasy, où l'on trouve des nains, des géants, des chevaliers en armure, des oiseaux qui parlent faisant preuve d'inventivité, ou encore des gardiens de porte philosophes munis de hallebardes. J'ai appris par ailleurs que cela avait été publié à un rythme hebdomadaire dans le magazine belge Bruzz. Assez court et vite lu.
Almudena - Le Temps d'un été
Voilà un bon p'tit vent de fraîcheur qui souffle avec ce premier album de la nouvelle collection Young Adult de chez Delcourt : Wave. Alors ok, c'est effectivement ciblé, mais en trouvant un bon équilibre entre divertissement et problèmes sociétaux. Almudena est une ado qui va sur ses quinze ans ; elle habite avec sa mère aux Etats-Unis et n'a jamais connu son père. Mais voilà que sa mère doit partir faire une tournée de danse en Europe et va donc confier sa fille à son père pour 3 mois... Si le fait de rencontrer son père pour la première fois à cet âge est déjà compliqué, la barrière linguistique ne va pas améliorer les choses. En effet, le père d'Almudena est guatémaltèque et ne pipe pas un mot d'anglais... et Almudena pas un d'espagnol... Ajoutez à cela un logement en pleine rénovation : l'été s'annonce looooong et fastidieux ! Mais voilà, l'entourage de son père et le quartier même sont plein de surprises et de vie. La sinistrose annoncée va vite laisser place à un tourbillon de vie pétillant, à l'image de notre ado pleine de ressources. Ça parle famille, gentrification, homosexualité, dans ce milieu des années 90', sans se prendre la tête et ça passe bien. Le tout est servi par un dessin assez simple mais expressif, qui valorise les nombreux personnages de cette tribu recomposée et explosive ; la mise en couleur est tout aussi peps, ce qui colle parfaitement avec le tout !
Quand la nuit tombe
C'est à hauteur d'enfants que Marion Achard nous replonge dans l'horreur de la seconde guerre mondiale. Ce premier tome est axé sur le récit de Lilou qui a réussi à s'enfuir et se cacher après septembre 1943 pour échapper aux rafles. Le deuxième tome devrait nous raconter ce que sa soeur Mylaine a vécu après leur séparation à cette même période, arrêtée par les nazis. On sent que Marion Achard a le goût du récit et de ce côté documenté/documentaire. J'avais déjà apprécié son travail avec ses albums Tamba l'enfant soldat et Le Zizi de l'ange - Chroniques d'un spectacle vivant. Après les enfants soldats et les intermittents, c'est donc du côté de sa propre famille qu'elle est allée creuser pour nous proposer ce récit formidablement mis en dessin par Toni Galmès, que je ne connaissais pas. Son trait rond et fin superbement mis en couleur à l'aquarelle colle à merveille avec cette vision d'enfant qui nous servira de focale. Sans être ni trop mièvre ni trop dure dans les détails, l'histoire de cette guerre et des saletés qu'elle colporte est réaliste et juste, sans être édulcorée pour autant. Voilà un album qui devrait plaire à un large public tant pour son contenu que son esthétique léchée. Je suis curieux de découvrir le second volet de cette série *** Tome 2 *** Après le récit de Lilou dans le premier tome, c'est au tour de sa grande soeur Mylène de nous dévoiler ce qui lui est arrivé après cette descente de l'armée allemande dans leur planque. Si Lilou et ses parents ont pu être prévenus à temps et échapper à la rafle, ce n'est pas le cas de Mylène. Arrestation, interrogatoires, violences, puis déportation vers un camp de concentration... Le regard de Mylène nous plonge dans l'horreur nazi à hauteur d'enfant... Comme dans le premier tome, le récit est réaliste et n'édulcore en rien le tragique de cette période et de l'horreur des camps de concentration. Plus dur que le premier tome, il n'en reste pas moins pétri de tendresse et d'humanité malgré l'horreur traversée. Côté dessin Toni Galmès est toujours aussi doué et efficace, rendant cette histoire moins âpre à digérer. Son trait et sa mise en couleur à l'aquarelle sont juste magnifiques ! Un témoignage familial à travers des regards d'enfants qui auront survécu au pire traité de façon remarquable !