Toto l'ornithorynque, c'est une série que j'avais découverte quand j'étais au collège. J'avais été attirée par la couverture, je m'y étais essayée, et même si la série s'adressait à de jeunes enfants, je me rappelle que j'avais trouvé ça très bon.
Des années après, je retombe dessus et je décide de re-tenter l'aventure Toto.
Verdict ? Bah c'est bien, très bien même, mais j'avoue avoir été un chouïa déçue (on ne se refait pas, que voulez-vous). Il est fort probable que cela soit dû à mes attentes de relecture, j'avais gardé d'excellent souvenirs de ma découvertes il y a près de dix ans, donc sans la surprise, avec un bagage de connaissance bédéesques plus conséquent et des attentes sans doutes trop grandes, je risquais forcément la déception.
L'œuvre reste bonne cependant. On y suit les aventures de Toto, ornithorynque de son état, et de ses ami-e-s, Wawa le koala, Chichi l'échidné, Riri la chauve-souris et Fafa la phalanger. Chaque aventure portent des messages simples mais bénéfiques pour les jeunes lecteur-ice-s, et même si c'est leçon sont souvent classiques elles gardent tout de même leur force par la mise en scène assez poétique des récits.
Les dessins de Yoann sont jolis, pas forcément mon style préféré mais objectivement joli.
J'ai hésité entre mettre 3 et 4 étoiles, je pense partir sur 4, mes réserve viennent sans doute de ma déception susmentionnée. Celle-ci ne pouvant être entièrement imputée à la série je préfère arrondir au supérieur.
(Note réelle 3,5)
Je vais juste terminer mon avis par un petit point (qui n'est pas un reproche si ce n'est un simple détail qui m'a fait rire) : je trouve ça bizarre que le résumé de la série et les deuxièmes et troisièmes de couvertures oublient que c'est une bande de cinq ami-e-s... et non quatre.
RIP Fafa la phalanger, il n'y a visiblement pas que Toto qui ne fait pas attention à toi.
Oh, c'est mignon tout plein !
Chaque album raconte l'histoire d'un-e ancêtre de la famille Vieillepierre, illustre famille de grands héros. Tous racontent et apprennent une morale aux jeunes lecteur-ice-s : vaincre ses peurs, faire ce qui nous semble juste, choisir de changer lorsque l'on se comporte mal, ... Tous, aussi, se basent sur une mythologie existante : nordique, égyptienne, taoïste, grecque et aztèque pour les cinq albums sortis à ce jour.
Les histoires sont courtes mais très divertissantes. Les dessins, sans doute l'une des plus belles forces de cette série, sont adorables, tout en rondeurs et pleins de couleurs. Vraiment, c'est du bonbon pour les yeux.
Et les textes, simples mais jolis, servent bien les histoires. Histoires qui d'ailleurs sont toujours très positives, même le cinquième album se centrant sur "la plus maléfique des Vieillepierre" reste dans une ambiance bienveillante. J'aurais presque envie de dire que le tout fait très chaleureux. Ce sont des histoires chaleureuses, à lire sous la couette.
La lecture n'est pas désagréable, même quand on a passé l'âge du public cible.
Une très bonne série jeunesse.
(Note réelle 3,5)
Au contraire de Noirdésir, j'ai préféré l'intrigue au contexte historique. Pas que le contexte historique soit inintéressant, mais j'ai toujours eu un faible pour les histoires traitant le sujet des histoires en elles-mêmes, de l'impact et des enjeux des récits qui se transmettent et qui perdurent. Donc bon, pas que les conflits idéologiques, théologiques et commerciaux de l'Angleterre du XVIème siècle ça m'ennui, mais ça ne me fait pas autant rêver en comparaison.
Bon, du coup, de quoi ça parle tout ça ?
L'histoire est celle de Pitt et Matilde, deux orphelins recueillis dans leur enfance par l'ecclésiastique du coin. Matilde est une jeune femme fougueuse, un brin mythomane (si peu) et assoiffée de renommée ; Pitt, lui, est le conteur local, plus calme que sa comparse et désireux de liberté. L'une cherche la gloire et la postérité, l'autre à le pouvoir de les lui donner mais n'en a pas vraiment l'envie. Un duo intéressant et prometteur en somme.
Sauf que voilà, un beau jour, alors que Matilde tentait une nouvelle magouille pour faire parler d'elle (et accessoirement faire parler de l'église où elle travaille), le Diable en personne semble venir lui couper l'herbe sous le pied, faisant sauter l'église et déclarant prendre possession de la colline où elle se trouvait. Matilde, accompagnée de Pitt, n'aura donc que quelques jours pour retrouver une sainte relique pouvant, parait-il, terrasser la bête.
L'histoire est intéressante, le dessin est beau (classique mais tout de même agréable), le discours sur les récits et les légendes déformant les histoires leur ayant donné naissance m'a beaucoup plu, j'ai particulièrement apprécié la morale que retire Matilde de son aventure (bien illustrée dans le discours et la symbolique du marteau), ... Bref, c'est du bon. Seulement voilà, l'album n'est pas sans défauts. Il y a plusieurs passages qui m'ont semblés un peu longs, un peu trop verbeux aussi.
J'avoue aussi être restée un peu dubitative face à l'intrigue dans le monde moderne. En fait, le récit de Matilde et de Pitt est régulièrement entrecoupé de scènes entre un homme et une psychologue venant lui rendre visite pour établir ou non s'il doit être placé en maison de retraite. On comprend rapidement que l'histoire que nous lisons est en fait celle que l'homme raconte à la psychologue, prétextant qu'à la fin elle comprendra tout ce qu'il y a à savoir sur lui. Et en effet, à la fin nous comprenons que tout ce récit était en réalité un parallèle avec sa vie (notamment avec la photo de Matilde et Pitt à la toute fin). Mais je ne suis pas sûre d'avoir pleinement saisie la métaphore/comparaison. Ce qui est légèrement frustrant car j'ai l'impression que c'est là-dedans que réside ce que l'album essai vraiment de raconter.
Après, je reconnais que dans la postface, l'auteur exprime sa volonté de laisser une liberté d'interprétation, ça devait donc être voulu. Et puis, même si je n'ai pas encore saisi le sens de ces passages, je ne les boude pas forcément.
Une bonne histoire, assez classique et non sans défauts, mais je garde davantage souvenir du positif après ma lecture que du négatif.
(Note réelle 3,5)
Une série vraiment étonnante que j'ai découverte par hasard l'an dernier. Personne autour de moi n'en a chez lui, personne n'en parle, les albums ne sont pas mis en avant dans les bibliothèques. Il faut dire que son nom est trop plan-plan et les couvertures un peu vides. Le trait ligne clair donne un côté vieillot qui n'accrochera pas au premier regard.
Et pourtant une fois la lecture du premier tome lancée, on veut découvrir les suivants. Car les points positifs s'accumulent :
- des personnages tous bien détaillés et crédible qui évoluent au fil des histoires
- des réflexions accessibles pour les ados sur des sujets plutôt scientifiques ou sociologiques
- pas d'infantilisation du lectorat ado
- les tomes se renouvellent tous, les environnements et situations sont bien différenciés (on saute de la SF au drame familial, chapeau)
En résumé, si vous ne connaissiez pas, direction la librairie ou la bibliothèque et demandez où se cache cette belle série.
Larcenet refait le coup de Le Rapport de Brodeck : une adapation difficile d'une oeuvre marquante et un trait noir et blanc magnifique.
Et comme pour cette série, je ressens la même chose: une noirceur, un désespoir mais qui oublie la réflexion du roman, qui ne parvient pas à créer l'empathie avec le personnage principal même s'il est fidèlement reproduit. Les réactions sont parfaitement dépeintes mais il manque l'étincelle que couchait MacCarthy sur papier et que Viggo Mortensen arrivait à jouer dans le film éponyme. Eh oui pas facile avec le support BD. Bess a réussi à me scotcher avec Dracula (Bess), Larcenet m'a convaincu à 90% ewt c'est sur ces petits derniers 10% que tout se joue lorsqu'on est un grand auteur comme lui (mais j'attendrai évidemment avec impatience sa prochaine oeuvre).
C’est un papou ! Son chef spirituel c’est la reine d’Angleterre !
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Ce tome contient un récit complet, indépendant de tout autre, présentant plus de saveurs pour un lecteur familier des récits d’aventure. Sa parution originale date de 2019. Il a été réalisé par Hughes Micol pour le scénario et les dessins, et par Isabelle Merlet pour les couleurs. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée.
Une immense propriété au bord de la mer, avec un magnifique manoir, Hughes Micol pousse la grille de l’enceinte, et mache jusqu’à la porte d’entrée, où il sonne à la porte de l’immense battant. Motte Piquet lui ouvre : le bédéaste se présente, il a rendez-vous avec Santorin Saint Rose, Investigations & Péripéties. Le mousse le fait entrer, lui disant qu’il trouve que la BD c’est sympa, et il lui demande s’il fait les histoires ou les dessins. Tout en traversant un gigantesque hall décoré avec d’immenses plantes exotiques en pot, Hughes répond qu’il peut faire les deux, ou alors il lui arrive de collaborer avec un scénariste, parfois ce n’est ni l’un ni l’autre. Ils passent par un vestibule avec de nombreux objets en exposition et une multitude de tableaux accrochés. Hughes s’arrête devant un squelette exposé sur un cadre : le majordome lui explique qu’il s’agit d’un véritable poisson-chien péché dans le lac Okavongo par Santorin Saint Rose en personne. Puis l’invité remarque une grande botte sur un meuble bas : il comprend qu’il s’agit d’une véritable botte de sept lieues, et demande si elle fonctionne. Le guide répond qu’ils le sauront quand ils auront trouvé la deuxième. Enfin, ils pénètrent dans un salon où le maître de maison est en tenue d’escrimeur en train de s’entraîner contre une machine sophistiquée.
Saint Rose porte la botte décisive, puis il retire son casque et souhaite la bienvenue à son hôte. Il note que Motte Piquet ne porte toujours pas de souliers. Puis il trouve qu’il fait soif, et il crie un grand : Comment ?! Son maître queux, un papou civilisé, apporte deux verres sur un plateau. Saint Rose demande à Hughes ce qu’il peut faire pour lui. Son invité explique : La nuit dernière, il était dans une boîte de nuit pour un extra payé par une marque de champagne. Une soirée privée sur le thème des impressionnistes. Il faisait le Van Gogh au milieu des fêtards. La nuit déjà bien avancée, il décidait de dessiner pour lui, plus personne ne faisant attention à lui. Et là, porté par la fatigue ? Le costume ? Miracle ! Un trait nouveau, une piste graphique pleine de promesses, bref, une épiphanie ! Euphorique, mais épuisé, il s’accordait une petite pause. À son retour, sa planche avait disparu et la boîte s’était vidée de ses derniers noceurs. Restait juste une plume sur son établi. Hughes la sort de la poche intérieure de son veston car il l’a encore avec lui. Il la montre à Motte Piquet, Saint Rose et Comment. Mais soudain il ressent une forte douleur au mollet gauche : il a été mordu par Poule ; Saint Rose intervient pour qu’elle le lâche. Un cochon anthropomorphe intervient pour indiquer qu’il s’agit d’une plume de Cigogne noire. Elle a été teinte avec un vert safran de chez Winsor et Newton. Saint Rose indique que la saison est bien avancée et que le volatile a dû migrer vers le sud. Il ajoute qu’ils doivent lever l’ancre, direction Macao.
En route pour l’aventure… avec une mise en abîme. Le lecteur accompagne un groupe d’aventuriers à la recherche d’un trésor. Un dessinateur vient solliciter un individu chic et valeureux, dont l’occupation se dénomme Investigations & Péripéties. De fait, le lecteur identifie tous les marqueurs de ce genre littéraire Un héros courageux, parfois intrépide, beau et quelque peu ténébreux, sachant toujours comment se sortir de chaque situation, disposant de connaissances visiblement acquises par une longue expérience, inventif et imaginatif pour trouver des solutions quelle que soit la situation, habillé avec goût, inspirant la confiance aux membres de son équipe, sachant raconter des anecdotes pleines de péripéties merveilleuses et exotiques. Lesdits membres valent le déplacement par leur originalité. Motte Piquet, un mousse et majordome à la forte carrure, aux fières rouflaquettes, avec un léger embonpoint, se déplaçant pied nu. Comment, un papou tout à fait civilisé, son chef spirituel c’est la reine d’Angleterre ! Poule, une vraie poule, même pas anthropomorphe et qui ne parle pas, mais qui semble douée de conscience, puisqu’elle tient la barre du navire. Enfin un cochon anthropomorphe, Conchobhar O’Muc, compagnon d’aventure et grand ami de Saint Rose, fin lettré, malin comme un singe et fort comme un bœuf. L’aventure emmène cette troupe à Macao, puis à Los Angeles, et sur une île privée.
La narration visuelle emmène également le lecteur dans l’aventure, en en reprenant les codes traditionnels. Le lecteur jouit du spectacle : le magnifique manoir en surplomb au-dessus de l’océan à la fin d’une large allée bordée de beaux arbres, la collection d’objets exotiques dans les différentes pièces, la traversée en mer, la vision en élévation du port de Macao avec ses casinos à l’architecture et l’ornementation chinoises, la course-poursuite dans le casino jusqu’en montant sur les tables, puis une course-poursuite sur les toits, une fuite dans les rues de Los Angeles en étant poursuivi par la police, jusqu’à l’assaut d’une île privée avec affrontement contre une armée privée. L’artiste impressionne le lecteur avec son sens de la mise en scène et son application pour les détails : les trouvailles sur les étagères d’exposition dans le manoir, l’aménagement de la cuisine à bord du bateau, les différentes espèces d’oiseau dans le casino, la vue du ciel de Los Angeles entre gratte-ciels au centre, quartiers denses à perte de vue, échangeurs labyrinthiques, le magnifique jardin de la résidence luxueuse de l’acteur célèbre, la tenue paramilitaire et l’armement des employés sur l’île privée. La metteuse en couleurs adopte un parti pris tranché avec une palette assombrie, tout en établissant des ambiances bien distinctes pour chaque environnement. Par exemple : une sensation crépusculaire et chaude pour le manoir de Saint Rose, une ambiance bleutée et nocturne pour la première traversée en bateau, des tons jaune, rouge et vert pour Macao entre l’environnement aqueux et les éclairages artificiels, on encore des couleurs plus claires pour la journée à Los Angeles, etc.
Dans le même temps, ce parti pris de couleurs tranche avec les habitudes des bandes dessinée d’aventure, généralement dans des tons plus clairs, plus réalistes tout en étant plus lumineux. Il en va de même pour les dessins : leur registre n’est pas celui de la ligne claire, avec des traits de contour et de texture plus épais et plus denses, une approche plus tactile de la représentation, des expressions de visage moins épurées tout en pouvant aller vers l’exagération des émotions, des variations de registre à dessein (par exemple les vagues de la mer démontée en page onze, ou un dessin plus comics pour représenter Captain America en pages trente et trente-et-un). Globalement le registre graphique évoque plus une bande dessinée réaliste qu’une bande dessinée tout public. Dès la première page, le lecteur comprend d’ailleurs que ce récit comprend plusieurs niveaux de lecture : l’auteur se met en scène créant ainsi une mise en abîme. Il est à la recherche d’un de ses propres dessins qui revêt une importance cruciale pour lui. Devenu un personnage de bande dessinée, il utilise des conventions du récit d’aventure, qu’il enrichit ou qu’il détourne, qu’il rapproche entre elles. En fonction de sa culture et de sa sensibilité, le lecteur peut en identifier certaines sans peine : le héros tourmenté par un traumatisme originel (Saint Rose utilisant l’aventure comme un baume pour apaiser le traumatisme du décès de son épouse), l’intervention de Captain America, la recherche d’un volatile (pouvant faire penser à un volatile d’une autre nature comme le Faucon Maltais), etc.
Le récit constitue une aventure en bonne et due forme, un hommage sincère et respectueux du genre, tout en présentant d’autres facettes. Le lecteur peut relever quelques criques ponctuelles comme le comportement de Basile de Hûre plein aux as qui estime que le monde lui appartient, ou des voleurs déguisés en Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre qui expliquent leur choix (ils cultivent cette ressemblance dans un effort de réappropriation de leur corpus en adéquation avec un substrat synchronique dans un dessin post-moderniste. Ce que Sartre résume en Gloire & Pognon), ou encore un groupe de jeunes femmes prisonnières et blasées dont le premier réflexe est de faire un selfie lors de l’attaque armée de l’île, etc. Arrivé à la fin, le lecteur se rend compte que pour un peu, il en aurait oublié le personnage central du récit, celui qui fournit la dynamique de l’intrigue, à la recherche du dessin ultime, l’auteur lui-même ou son avatar. Celui-ci établit qu’il sait réaliser un récit d’aventure haut en couleurs, et dans le même temps sa vie apparaît bien plus prosaïque que celle de ses personnages, et même terne. Ainsi lors d’un repas à bord du bateau entre lui et l’équipe de Saint Rose, chacun évoque des souvenirs d’aventures et Micol se lance : Angoulême n’est pas une ville très glamour certes, mais un soir pendant le festival Killofer monte sur une tale et… Conchobhar O’Muc l’interrompt évoquer la jungle du Costa Rica où ils avaient partagé le campement des botanistes suédoises, ça c’était glamour. Le quotidien s’avère incapable de se mesurer à la séduction et au charme de l’imaginaire. La conclusion de l’aventure s’avère encore plus critique quand Hughes porte un jugement sur la qualité de son dessin retrouvé. Dans le même temps, Hughes se livre à une profession de foi quant à son métier en deux phrases concises et éclairantes.
Une couverture qui promet une aventure exotique et haute en couleurs : un récit qui tient ces promesses, emmenant le lecteur dans des endroits spectaculaires, avec des péripéties classiques et surprenantes. L’investissement de l’artiste de la metteuse en couleurs donnent à voir ces tribulations au premier degré. En arrière-plan, l’histoire charrie également des réflexions sociales, et une mise en scène de la tâche sans cesse renouvelée de créer de nouveaux dessins, un métier dont le plaisir se trouve dans le fait de continuer à chercher à réaliser le dessin ultime.
Très très bel album.
Avec comme cadre temporel la crise sanitaire du Covid, Jose Antonio Pérez Ledo nous conte l'histoire d'Omar, un jeune réfugié originaire du Maroc, qui es mis à la porte du foyer où il était hébergé le jour de ses 18ans. Il galère quelques temps, avant de trouver une activité, puis un abri providentiel, jusqu'au jour où Vicente, son bienfaiteur, fait un malaise dû au coronavirus...
deux mondes, deux modes de vie se rencontrent, avec carol qui elle choisit de s'isoler, et évite de rendre visite à son père pendant cette période si particulière... Tout en délicatesse, le scénariste nous fait d'abord suivre Carol, puis Omar, une fois qu'ils se sont rencontrés. C'est très finement amené, il y a de nombreuses plages de silence qui nous permettent de saisir la sidération, l'émerveillement ou juste la compassion dans les regards et les attitudes d'Omar, de Carole et de son père. Le contexte est dramatique (aujourd'hui encore, cinq ans après le début de la pandémie, on ignore le nombre exact de victimes au niveau mondial), mais nous faisons la rencontre de personnes ordinaires, isolées et bienveillantes. L'amitié et la solidarité vont sauver, quelque part, la vie de ces deux jeunes gens. Aucun misérabilisme, aucune fatalité, et même les agents de la guardia civil, qui doivent effectuer la tâche ingrate de contrôler toute personne trainant dehors pendant le confinement, n'est pas montrée comme une force de coercition. Ces nuances donnent à ce one shot une qualité rare, mais certaine.
Alex Orbe est le talentueux dessinateur, qui a d'ailleurs déjà travaille avec Pérez Ledo. Dans une ligne claire bicolore et des cases pleines de vie, il propose une impression visuelle quasi parfaite de cette histoire ordinaire.
Je découvre seulement (enfin) cet album et c’est toujours vachement bien.
On ne présente plus Lou Lubie, je trouve son travail tout simplement formidable. Goupil ou face est l’œuvre qui la fait connaître, on retrouve déjà l’ADN de son style, du roman graphique autour d’un sujet précis qui déborde d’énergie. C’est drôle, instructif, super fluide et bien raconté …
Bref n’en jetez plus, elle se met cette fois en scène avec beaucoup de courage et toujours autant de talent (l’idée du renard est géniale).
Après Ce que le vent apporte, deuxième album que je lis de cet auteur (j’ai fait l’impasse sur sa période biographie) et je retrouve les mêmes qualités tout en ayant quelques réserves mineures.
Mon ressenti tend vers le 3,5 mais j’arrondis de bon cœur au supérieur, tant ma lecture a été assez captivante.
Même si le sujet est bien différent, je trouve cet album assez similaire à La Fleur au fusil, la couverture déjà mais surtout l’approche. On continue ainsi d’explorer la campagne profonde du XIXème siècle, après l’Italie place à l’Espagne et plus particulièrement la Catalogne montagnarde.
Une époque et une localisation assez originale qui apporte beaucoup au charme de l’album, j’ai aimé me perdre dans ce petit microcosme entre rebouteuse et peuple « piégé » de leur village. Le récit ne fait pas preuve d’une originalité folle mais j’ai été happé par les ingrédients : historique/polar et fantastique.
En plus la partie graphique suit, c’est d’une fluidité à toute épreuve, les couleurs bien que sombres m’ont paru très réussi et installent parfaitement l’ambiance, le trait me fait penser à du Pellejero (et j’aime bien Pellejero). Bref plutôt solide sur ce point, j’adore que l’on me raconte une histoire avec ce style (mais seulement historique, je tiquerai plus dans un autre genre).
Mon seul reproche ira sur la partie fantastique, si elle m’a tenu durant tout l’aventure, ça s’écroule un peu vers la fin ou alors je n’ai peut être pas tout saisi ?! Les explications préalables étant assez rationnelles.
Ça reste quand même un bon tome, une bonne pioche dans la collection, j’ai bien aimé mon voyage.
On embarque ici pour un voyage sans retour, à bord du Jakarta, navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. L’ambiance est lourde, le huis clos oppressant, et la tension entre les personnages monte dès les premiers instants. Dorison signe ici un scénario brut et sans concession, tiré d’un fait historique glaçant. La mécanique du pouvoir, les manipulations et la folie s’entrelacent pour peindre une véritable descente aux enfers.
Ne connaissant pas l'histoire au préalable, je me suis renseigné a posteriori sur l'histoire du Batavia, qui sert ici de support. La récit est bien documenté, a priori assez fidèle à l'Histoire, même si je ne suis pas sûr que le décor du trône de Cornelius sur les îles soit vraiment documenté comme cela, mais qui en voudrait au scénariste ? Reste que l'on ne se perd pas dans le didactique. Au prix de quelques libertés historiques, on gagne en tension de scénario. L’intrigue avance avec un rythme implacable, où chaque décision semble nous rapprocher d’une inévitable catastrophe. J’ai particulièrement apprécié le personnage de Jéronimus Cornélius, particulièrement bien développé, et aussi terrifiant que crédible. C’est un récit où l’homme devient loup, dans un contexte où la survie écrase toute morale.
Timothée Montaigne accompagne ce beau scénario par la précision et la puissance de son dessin. Ses scènes maritimes, les intérieurs du navire et les visages marqués des protagonistes finissent de nous immerger dans l'histoire. A grand scenariste, grand dessinateur.
C’est une lecture qu’on ne traverse pas facilement. La violence, omniprésente, est parfois difficile à encaisser. Mais elle est essentielle au propos. On n’est pas là pour être conforté, et c’est aussi ce qui fait la force de cette BD. Alors oui, le scénario n'est pas tendre (mais l'histoire originelle non plus) et l’horreur est là, mais j'en viens à me demander si elle n'aurait pu être encore plus viscérale. Peut-être que le choix d’un diptyque limite le temps passé à approfondir certains personnages ou à explorer davantage les dilemmes moraux.
Quand on a autant de qualité au dessin et au scénario, on devient pointilleux. Pour ma part, j’ai ressenti une petite frustration : la mécanique narrative, très bien huilée, manque par moments d’un souffle plus humain. Tout est maîtrisé, peut-être trop. Mais c'est la critique que l'on peut faire à une BD de grande classe, bravo Mrs Dorison et Montaigne !
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Toto l'ornithorynque
Toto l'ornithorynque, c'est une série que j'avais découverte quand j'étais au collège. J'avais été attirée par la couverture, je m'y étais essayée, et même si la série s'adressait à de jeunes enfants, je me rappelle que j'avais trouvé ça très bon. Des années après, je retombe dessus et je décide de re-tenter l'aventure Toto. Verdict ? Bah c'est bien, très bien même, mais j'avoue avoir été un chouïa déçue (on ne se refait pas, que voulez-vous). Il est fort probable que cela soit dû à mes attentes de relecture, j'avais gardé d'excellent souvenirs de ma découvertes il y a près de dix ans, donc sans la surprise, avec un bagage de connaissance bédéesques plus conséquent et des attentes sans doutes trop grandes, je risquais forcément la déception. L'œuvre reste bonne cependant. On y suit les aventures de Toto, ornithorynque de son état, et de ses ami-e-s, Wawa le koala, Chichi l'échidné, Riri la chauve-souris et Fafa la phalanger. Chaque aventure portent des messages simples mais bénéfiques pour les jeunes lecteur-ice-s, et même si c'est leçon sont souvent classiques elles gardent tout de même leur force par la mise en scène assez poétique des récits. Les dessins de Yoann sont jolis, pas forcément mon style préféré mais objectivement joli. J'ai hésité entre mettre 3 et 4 étoiles, je pense partir sur 4, mes réserve viennent sans doute de ma déception susmentionnée. Celle-ci ne pouvant être entièrement imputée à la série je préfère arrondir au supérieur. (Note réelle 3,5) Je vais juste terminer mon avis par un petit point (qui n'est pas un reproche si ce n'est un simple détail qui m'a fait rire) : je trouve ça bizarre que le résumé de la série et les deuxièmes et troisièmes de couvertures oublient que c'est une bande de cinq ami-e-s... et non quatre. RIP Fafa la phalanger, il n'y a visiblement pas que Toto qui ne fait pas attention à toi.
La Famille Vieillepierre
Oh, c'est mignon tout plein ! Chaque album raconte l'histoire d'un-e ancêtre de la famille Vieillepierre, illustre famille de grands héros. Tous racontent et apprennent une morale aux jeunes lecteur-ice-s : vaincre ses peurs, faire ce qui nous semble juste, choisir de changer lorsque l'on se comporte mal, ... Tous, aussi, se basent sur une mythologie existante : nordique, égyptienne, taoïste, grecque et aztèque pour les cinq albums sortis à ce jour. Les histoires sont courtes mais très divertissantes. Les dessins, sans doute l'une des plus belles forces de cette série, sont adorables, tout en rondeurs et pleins de couleurs. Vraiment, c'est du bonbon pour les yeux. Et les textes, simples mais jolis, servent bien les histoires. Histoires qui d'ailleurs sont toujours très positives, même le cinquième album se centrant sur "la plus maléfique des Vieillepierre" reste dans une ambiance bienveillante. J'aurais presque envie de dire que le tout fait très chaleureux. Ce sont des histoires chaleureuses, à lire sous la couette. La lecture n'est pas désagréable, même quand on a passé l'âge du public cible. Une très bonne série jeunesse. (Note réelle 3,5)
Gospel
Au contraire de Noirdésir, j'ai préféré l'intrigue au contexte historique. Pas que le contexte historique soit inintéressant, mais j'ai toujours eu un faible pour les histoires traitant le sujet des histoires en elles-mêmes, de l'impact et des enjeux des récits qui se transmettent et qui perdurent. Donc bon, pas que les conflits idéologiques, théologiques et commerciaux de l'Angleterre du XVIème siècle ça m'ennui, mais ça ne me fait pas autant rêver en comparaison. Bon, du coup, de quoi ça parle tout ça ? L'histoire est celle de Pitt et Matilde, deux orphelins recueillis dans leur enfance par l'ecclésiastique du coin. Matilde est une jeune femme fougueuse, un brin mythomane (si peu) et assoiffée de renommée ; Pitt, lui, est le conteur local, plus calme que sa comparse et désireux de liberté. L'une cherche la gloire et la postérité, l'autre à le pouvoir de les lui donner mais n'en a pas vraiment l'envie. Un duo intéressant et prometteur en somme. Sauf que voilà, un beau jour, alors que Matilde tentait une nouvelle magouille pour faire parler d'elle (et accessoirement faire parler de l'église où elle travaille), le Diable en personne semble venir lui couper l'herbe sous le pied, faisant sauter l'église et déclarant prendre possession de la colline où elle se trouvait. Matilde, accompagnée de Pitt, n'aura donc que quelques jours pour retrouver une sainte relique pouvant, parait-il, terrasser la bête. L'histoire est intéressante, le dessin est beau (classique mais tout de même agréable), le discours sur les récits et les légendes déformant les histoires leur ayant donné naissance m'a beaucoup plu, j'ai particulièrement apprécié la morale que retire Matilde de son aventure (bien illustrée dans le discours et la symbolique du marteau), ... Bref, c'est du bon. Seulement voilà, l'album n'est pas sans défauts. Il y a plusieurs passages qui m'ont semblés un peu longs, un peu trop verbeux aussi. J'avoue aussi être restée un peu dubitative face à l'intrigue dans le monde moderne. En fait, le récit de Matilde et de Pitt est régulièrement entrecoupé de scènes entre un homme et une psychologue venant lui rendre visite pour établir ou non s'il doit être placé en maison de retraite. On comprend rapidement que l'histoire que nous lisons est en fait celle que l'homme raconte à la psychologue, prétextant qu'à la fin elle comprendra tout ce qu'il y a à savoir sur lui. Et en effet, à la fin nous comprenons que tout ce récit était en réalité un parallèle avec sa vie (notamment avec la photo de Matilde et Pitt à la toute fin). Mais je ne suis pas sûre d'avoir pleinement saisie la métaphore/comparaison. Ce qui est légèrement frustrant car j'ai l'impression que c'est là-dedans que réside ce que l'album essai vraiment de raconter. Après, je reconnais que dans la postface, l'auteur exprime sa volonté de laisser une liberté d'interprétation, ça devait donc être voulu. Et puis, même si je n'ai pas encore saisi le sens de ces passages, je ne les boude pas forcément. Une bonne histoire, assez classique et non sans défauts, mais je garde davantage souvenir du positif après ma lecture que du négatif. (Note réelle 3,5)
Une épatante aventure de Jules
Une série vraiment étonnante que j'ai découverte par hasard l'an dernier. Personne autour de moi n'en a chez lui, personne n'en parle, les albums ne sont pas mis en avant dans les bibliothèques. Il faut dire que son nom est trop plan-plan et les couvertures un peu vides. Le trait ligne clair donne un côté vieillot qui n'accrochera pas au premier regard. Et pourtant une fois la lecture du premier tome lancée, on veut découvrir les suivants. Car les points positifs s'accumulent : - des personnages tous bien détaillés et crédible qui évoluent au fil des histoires - des réflexions accessibles pour les ados sur des sujets plutôt scientifiques ou sociologiques - pas d'infantilisation du lectorat ado - les tomes se renouvellent tous, les environnements et situations sont bien différenciés (on saute de la SF au drame familial, chapeau) En résumé, si vous ne connaissiez pas, direction la librairie ou la bibliothèque et demandez où se cache cette belle série.
La Route
Larcenet refait le coup de Le Rapport de Brodeck : une adapation difficile d'une oeuvre marquante et un trait noir et blanc magnifique. Et comme pour cette série, je ressens la même chose: une noirceur, un désespoir mais qui oublie la réflexion du roman, qui ne parvient pas à créer l'empathie avec le personnage principal même s'il est fidèlement reproduit. Les réactions sont parfaitement dépeintes mais il manque l'étincelle que couchait MacCarthy sur papier et que Viggo Mortensen arrivait à jouer dans le film éponyme. Eh oui pas facile avec le support BD. Bess a réussi à me scotcher avec Dracula (Bess), Larcenet m'a convaincu à 90% ewt c'est sur ces petits derniers 10% que tout se joue lorsqu'on est un grand auteur comme lui (mais j'attendrai évidemment avec impatience sa prochaine oeuvre).
Saint Rose - À la recherche du dessin ultime
C’est un papou ! Son chef spirituel c’est la reine d’Angleterre ! - Ce tome contient un récit complet, indépendant de tout autre, présentant plus de saveurs pour un lecteur familier des récits d’aventure. Sa parution originale date de 2019. Il a été réalisé par Hughes Micol pour le scénario et les dessins, et par Isabelle Merlet pour les couleurs. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée. Une immense propriété au bord de la mer, avec un magnifique manoir, Hughes Micol pousse la grille de l’enceinte, et mache jusqu’à la porte d’entrée, où il sonne à la porte de l’immense battant. Motte Piquet lui ouvre : le bédéaste se présente, il a rendez-vous avec Santorin Saint Rose, Investigations & Péripéties. Le mousse le fait entrer, lui disant qu’il trouve que la BD c’est sympa, et il lui demande s’il fait les histoires ou les dessins. Tout en traversant un gigantesque hall décoré avec d’immenses plantes exotiques en pot, Hughes répond qu’il peut faire les deux, ou alors il lui arrive de collaborer avec un scénariste, parfois ce n’est ni l’un ni l’autre. Ils passent par un vestibule avec de nombreux objets en exposition et une multitude de tableaux accrochés. Hughes s’arrête devant un squelette exposé sur un cadre : le majordome lui explique qu’il s’agit d’un véritable poisson-chien péché dans le lac Okavongo par Santorin Saint Rose en personne. Puis l’invité remarque une grande botte sur un meuble bas : il comprend qu’il s’agit d’une véritable botte de sept lieues, et demande si elle fonctionne. Le guide répond qu’ils le sauront quand ils auront trouvé la deuxième. Enfin, ils pénètrent dans un salon où le maître de maison est en tenue d’escrimeur en train de s’entraîner contre une machine sophistiquée. Saint Rose porte la botte décisive, puis il retire son casque et souhaite la bienvenue à son hôte. Il note que Motte Piquet ne porte toujours pas de souliers. Puis il trouve qu’il fait soif, et il crie un grand : Comment ?! Son maître queux, un papou civilisé, apporte deux verres sur un plateau. Saint Rose demande à Hughes ce qu’il peut faire pour lui. Son invité explique : La nuit dernière, il était dans une boîte de nuit pour un extra payé par une marque de champagne. Une soirée privée sur le thème des impressionnistes. Il faisait le Van Gogh au milieu des fêtards. La nuit déjà bien avancée, il décidait de dessiner pour lui, plus personne ne faisant attention à lui. Et là, porté par la fatigue ? Le costume ? Miracle ! Un trait nouveau, une piste graphique pleine de promesses, bref, une épiphanie ! Euphorique, mais épuisé, il s’accordait une petite pause. À son retour, sa planche avait disparu et la boîte s’était vidée de ses derniers noceurs. Restait juste une plume sur son établi. Hughes la sort de la poche intérieure de son veston car il l’a encore avec lui. Il la montre à Motte Piquet, Saint Rose et Comment. Mais soudain il ressent une forte douleur au mollet gauche : il a été mordu par Poule ; Saint Rose intervient pour qu’elle le lâche. Un cochon anthropomorphe intervient pour indiquer qu’il s’agit d’une plume de Cigogne noire. Elle a été teinte avec un vert safran de chez Winsor et Newton. Saint Rose indique que la saison est bien avancée et que le volatile a dû migrer vers le sud. Il ajoute qu’ils doivent lever l’ancre, direction Macao. En route pour l’aventure… avec une mise en abîme. Le lecteur accompagne un groupe d’aventuriers à la recherche d’un trésor. Un dessinateur vient solliciter un individu chic et valeureux, dont l’occupation se dénomme Investigations & Péripéties. De fait, le lecteur identifie tous les marqueurs de ce genre littéraire Un héros courageux, parfois intrépide, beau et quelque peu ténébreux, sachant toujours comment se sortir de chaque situation, disposant de connaissances visiblement acquises par une longue expérience, inventif et imaginatif pour trouver des solutions quelle que soit la situation, habillé avec goût, inspirant la confiance aux membres de son équipe, sachant raconter des anecdotes pleines de péripéties merveilleuses et exotiques. Lesdits membres valent le déplacement par leur originalité. Motte Piquet, un mousse et majordome à la forte carrure, aux fières rouflaquettes, avec un léger embonpoint, se déplaçant pied nu. Comment, un papou tout à fait civilisé, son chef spirituel c’est la reine d’Angleterre ! Poule, une vraie poule, même pas anthropomorphe et qui ne parle pas, mais qui semble douée de conscience, puisqu’elle tient la barre du navire. Enfin un cochon anthropomorphe, Conchobhar O’Muc, compagnon d’aventure et grand ami de Saint Rose, fin lettré, malin comme un singe et fort comme un bœuf. L’aventure emmène cette troupe à Macao, puis à Los Angeles, et sur une île privée. La narration visuelle emmène également le lecteur dans l’aventure, en en reprenant les codes traditionnels. Le lecteur jouit du spectacle : le magnifique manoir en surplomb au-dessus de l’océan à la fin d’une large allée bordée de beaux arbres, la collection d’objets exotiques dans les différentes pièces, la traversée en mer, la vision en élévation du port de Macao avec ses casinos à l’architecture et l’ornementation chinoises, la course-poursuite dans le casino jusqu’en montant sur les tables, puis une course-poursuite sur les toits, une fuite dans les rues de Los Angeles en étant poursuivi par la police, jusqu’à l’assaut d’une île privée avec affrontement contre une armée privée. L’artiste impressionne le lecteur avec son sens de la mise en scène et son application pour les détails : les trouvailles sur les étagères d’exposition dans le manoir, l’aménagement de la cuisine à bord du bateau, les différentes espèces d’oiseau dans le casino, la vue du ciel de Los Angeles entre gratte-ciels au centre, quartiers denses à perte de vue, échangeurs labyrinthiques, le magnifique jardin de la résidence luxueuse de l’acteur célèbre, la tenue paramilitaire et l’armement des employés sur l’île privée. La metteuse en couleurs adopte un parti pris tranché avec une palette assombrie, tout en établissant des ambiances bien distinctes pour chaque environnement. Par exemple : une sensation crépusculaire et chaude pour le manoir de Saint Rose, une ambiance bleutée et nocturne pour la première traversée en bateau, des tons jaune, rouge et vert pour Macao entre l’environnement aqueux et les éclairages artificiels, on encore des couleurs plus claires pour la journée à Los Angeles, etc. Dans le même temps, ce parti pris de couleurs tranche avec les habitudes des bandes dessinée d’aventure, généralement dans des tons plus clairs, plus réalistes tout en étant plus lumineux. Il en va de même pour les dessins : leur registre n’est pas celui de la ligne claire, avec des traits de contour et de texture plus épais et plus denses, une approche plus tactile de la représentation, des expressions de visage moins épurées tout en pouvant aller vers l’exagération des émotions, des variations de registre à dessein (par exemple les vagues de la mer démontée en page onze, ou un dessin plus comics pour représenter Captain America en pages trente et trente-et-un). Globalement le registre graphique évoque plus une bande dessinée réaliste qu’une bande dessinée tout public. Dès la première page, le lecteur comprend d’ailleurs que ce récit comprend plusieurs niveaux de lecture : l’auteur se met en scène créant ainsi une mise en abîme. Il est à la recherche d’un de ses propres dessins qui revêt une importance cruciale pour lui. Devenu un personnage de bande dessinée, il utilise des conventions du récit d’aventure, qu’il enrichit ou qu’il détourne, qu’il rapproche entre elles. En fonction de sa culture et de sa sensibilité, le lecteur peut en identifier certaines sans peine : le héros tourmenté par un traumatisme originel (Saint Rose utilisant l’aventure comme un baume pour apaiser le traumatisme du décès de son épouse), l’intervention de Captain America, la recherche d’un volatile (pouvant faire penser à un volatile d’une autre nature comme le Faucon Maltais), etc. Le récit constitue une aventure en bonne et due forme, un hommage sincère et respectueux du genre, tout en présentant d’autres facettes. Le lecteur peut relever quelques criques ponctuelles comme le comportement de Basile de Hûre plein aux as qui estime que le monde lui appartient, ou des voleurs déguisés en Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre qui expliquent leur choix (ils cultivent cette ressemblance dans un effort de réappropriation de leur corpus en adéquation avec un substrat synchronique dans un dessin post-moderniste. Ce que Sartre résume en Gloire & Pognon), ou encore un groupe de jeunes femmes prisonnières et blasées dont le premier réflexe est de faire un selfie lors de l’attaque armée de l’île, etc. Arrivé à la fin, le lecteur se rend compte que pour un peu, il en aurait oublié le personnage central du récit, celui qui fournit la dynamique de l’intrigue, à la recherche du dessin ultime, l’auteur lui-même ou son avatar. Celui-ci établit qu’il sait réaliser un récit d’aventure haut en couleurs, et dans le même temps sa vie apparaît bien plus prosaïque que celle de ses personnages, et même terne. Ainsi lors d’un repas à bord du bateau entre lui et l’équipe de Saint Rose, chacun évoque des souvenirs d’aventures et Micol se lance : Angoulême n’est pas une ville très glamour certes, mais un soir pendant le festival Killofer monte sur une tale et… Conchobhar O’Muc l’interrompt évoquer la jungle du Costa Rica où ils avaient partagé le campement des botanistes suédoises, ça c’était glamour. Le quotidien s’avère incapable de se mesurer à la séduction et au charme de l’imaginaire. La conclusion de l’aventure s’avère encore plus critique quand Hughes porte un jugement sur la qualité de son dessin retrouvé. Dans le même temps, Hughes se livre à une profession de foi quant à son métier en deux phrases concises et éclairantes. Une couverture qui promet une aventure exotique et haute en couleurs : un récit qui tient ces promesses, emmenant le lecteur dans des endroits spectaculaires, avec des péripéties classiques et surprenantes. L’investissement de l’artiste de la metteuse en couleurs donnent à voir ces tribulations au premier degré. En arrière-plan, l’histoire charrie également des réflexions sociales, et une mise en scène de la tâche sans cesse renouvelée de créer de nouveaux dessins, un métier dont le plaisir se trouve dans le fait de continuer à chercher à réaliser le dessin ultime.
L'Envahisseur
Très très bel album. Avec comme cadre temporel la crise sanitaire du Covid, Jose Antonio Pérez Ledo nous conte l'histoire d'Omar, un jeune réfugié originaire du Maroc, qui es mis à la porte du foyer où il était hébergé le jour de ses 18ans. Il galère quelques temps, avant de trouver une activité, puis un abri providentiel, jusqu'au jour où Vicente, son bienfaiteur, fait un malaise dû au coronavirus... deux mondes, deux modes de vie se rencontrent, avec carol qui elle choisit de s'isoler, et évite de rendre visite à son père pendant cette période si particulière... Tout en délicatesse, le scénariste nous fait d'abord suivre Carol, puis Omar, une fois qu'ils se sont rencontrés. C'est très finement amené, il y a de nombreuses plages de silence qui nous permettent de saisir la sidération, l'émerveillement ou juste la compassion dans les regards et les attitudes d'Omar, de Carole et de son père. Le contexte est dramatique (aujourd'hui encore, cinq ans après le début de la pandémie, on ignore le nombre exact de victimes au niveau mondial), mais nous faisons la rencontre de personnes ordinaires, isolées et bienveillantes. L'amitié et la solidarité vont sauver, quelque part, la vie de ces deux jeunes gens. Aucun misérabilisme, aucune fatalité, et même les agents de la guardia civil, qui doivent effectuer la tâche ingrate de contrôler toute personne trainant dehors pendant le confinement, n'est pas montrée comme une force de coercition. Ces nuances donnent à ce one shot une qualité rare, mais certaine. Alex Orbe est le talentueux dessinateur, qui a d'ailleurs déjà travaille avec Pérez Ledo. Dans une ligne claire bicolore et des cases pleines de vie, il propose une impression visuelle quasi parfaite de cette histoire ordinaire.
Goupil ou face
Je découvre seulement (enfin) cet album et c’est toujours vachement bien. On ne présente plus Lou Lubie, je trouve son travail tout simplement formidable. Goupil ou face est l’œuvre qui la fait connaître, on retrouve déjà l’ADN de son style, du roman graphique autour d’un sujet précis qui déborde d’énergie. C’est drôle, instructif, super fluide et bien raconté … Bref n’en jetez plus, elle se met cette fois en scène avec beaucoup de courage et toujours autant de talent (l’idée du renard est géniale).
Un sombre manteau
Après Ce que le vent apporte, deuxième album que je lis de cet auteur (j’ai fait l’impasse sur sa période biographie) et je retrouve les mêmes qualités tout en ayant quelques réserves mineures. Mon ressenti tend vers le 3,5 mais j’arrondis de bon cœur au supérieur, tant ma lecture a été assez captivante. Même si le sujet est bien différent, je trouve cet album assez similaire à La Fleur au fusil, la couverture déjà mais surtout l’approche. On continue ainsi d’explorer la campagne profonde du XIXème siècle, après l’Italie place à l’Espagne et plus particulièrement la Catalogne montagnarde. Une époque et une localisation assez originale qui apporte beaucoup au charme de l’album, j’ai aimé me perdre dans ce petit microcosme entre rebouteuse et peuple « piégé » de leur village. Le récit ne fait pas preuve d’une originalité folle mais j’ai été happé par les ingrédients : historique/polar et fantastique. En plus la partie graphique suit, c’est d’une fluidité à toute épreuve, les couleurs bien que sombres m’ont paru très réussi et installent parfaitement l’ambiance, le trait me fait penser à du Pellejero (et j’aime bien Pellejero). Bref plutôt solide sur ce point, j’adore que l’on me raconte une histoire avec ce style (mais seulement historique, je tiquerai plus dans un autre genre). Mon seul reproche ira sur la partie fantastique, si elle m’a tenu durant tout l’aventure, ça s’écroule un peu vers la fin ou alors je n’ai peut être pas tout saisi ?! Les explications préalables étant assez rationnelles. Ça reste quand même un bon tome, une bonne pioche dans la collection, j’ai bien aimé mon voyage.
1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
On embarque ici pour un voyage sans retour, à bord du Jakarta, navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. L’ambiance est lourde, le huis clos oppressant, et la tension entre les personnages monte dès les premiers instants. Dorison signe ici un scénario brut et sans concession, tiré d’un fait historique glaçant. La mécanique du pouvoir, les manipulations et la folie s’entrelacent pour peindre une véritable descente aux enfers. Ne connaissant pas l'histoire au préalable, je me suis renseigné a posteriori sur l'histoire du Batavia, qui sert ici de support. La récit est bien documenté, a priori assez fidèle à l'Histoire, même si je ne suis pas sûr que le décor du trône de Cornelius sur les îles soit vraiment documenté comme cela, mais qui en voudrait au scénariste ? Reste que l'on ne se perd pas dans le didactique. Au prix de quelques libertés historiques, on gagne en tension de scénario. L’intrigue avance avec un rythme implacable, où chaque décision semble nous rapprocher d’une inévitable catastrophe. J’ai particulièrement apprécié le personnage de Jéronimus Cornélius, particulièrement bien développé, et aussi terrifiant que crédible. C’est un récit où l’homme devient loup, dans un contexte où la survie écrase toute morale. Timothée Montaigne accompagne ce beau scénario par la précision et la puissance de son dessin. Ses scènes maritimes, les intérieurs du navire et les visages marqués des protagonistes finissent de nous immerger dans l'histoire. A grand scenariste, grand dessinateur. C’est une lecture qu’on ne traverse pas facilement. La violence, omniprésente, est parfois difficile à encaisser. Mais elle est essentielle au propos. On n’est pas là pour être conforté, et c’est aussi ce qui fait la force de cette BD. Alors oui, le scénario n'est pas tendre (mais l'histoire originelle non plus) et l’horreur est là, mais j'en viens à me demander si elle n'aurait pu être encore plus viscérale. Peut-être que le choix d’un diptyque limite le temps passé à approfondir certains personnages ou à explorer davantage les dilemmes moraux. Quand on a autant de qualité au dessin et au scénario, on devient pointilleux. Pour ma part, j’ai ressenti une petite frustration : la mécanique narrative, très bien huilée, manque par moments d’un souffle plus humain. Tout est maîtrisé, peut-être trop. Mais c'est la critique que l'on peut faire à une BD de grande classe, bravo Mrs Dorison et Montaigne !