Les derniers avis (30662 avis)

Par pol
Note: 4/5
Couverture de la série Les Notes rouges
Les Notes rouges

Voilà un bel album tout en sensibilité et en mélancolie. Le dessin est accompagné d'une colorisation aux tons peu variés, globalement assez sombre : noir, gris clair, gris foncé et quelques teintes de rouge... Triste ? comme cette histoire de frère et soeur, orphelins, séparés pendant la guerre. Mais malgré cette palette de couleurs monotone au premier abord, le dessin illumine bel et bien l'histoire. La jeune fille va grandir, sans jamais cessé de penser à son frère. L'espoir de le retrouver l'anime sincèrement. Elle lui écrit de nombreuse lettres. Ce sont d'ailleurs ces correspondances qui racontent le récit, car, par ailleurs celui-ci est assez peu bavard. Au gré des lettres et des flashbacks on découvre la vie de ces deux jeunes enfants frappés par l'horreur de la guerre. C'est poétique et mélancolique, et parfois le rythme est un peu lent, voire même assez mou. Mais si on aimerait que l'histoire avance un peu plus vite, c'est aussi parce qu'on est pressé d'en connaitre la fin... qu'est devenu le petit garçon ? Se retrouveront-il ? Et si on est pressé c'est bien qu'on s'est attaché aux personnages, que leur destinée ne laisse pas indifférent. Un album qui se lit tout seul, le ton est juste, sensible, et le dessin sert de belle manière l'histoire.

07/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Mickey contre l'alliance maléfique
Mickey contre l'alliance maléfique

Perso j'aime bien ce nouvel opus de la collection Glénat/Mickey, le dix-septième. Un opus qui revient aux fondamentaux car on y retrouve tous les ennemis traditionnels de Mickey. Les auteurs installent nos héros dans une atmosphère SF qui oscille entre Star Trek et le 5eme élément. D'ailleurs la mise en couleur sur des planches "pointillées" va dans le sens d'un hommage aux vieilles séries américaines de SF. Comme les autres auteurs Nicolas Pothier remplit parfaitement le cahier des charges de la maison mère. Les bons et les méchants sont très facilement identifiables , à l'ancienne sans ambiguïté. Avec un récit aussi classique, Pothier tire son épingle grâce à beaucoup d'humour gentil autour d'innombrables jeux de mots qui travaillent sur le vocabulaire à sens multiple. C'est peut-être très bon enfant mais j'ai bien aimé les constructions qui amènent à ces dialogues humoristiques. C'est accessible à un très large public qui peut se familiariser avec les homonymes ou calembours non vulgaires. Derrière sa présentation vintage le dessin de Johan Pilet reste moderne et dynamique avec un Mickey et un Pat inhabituels Un visuel classique qui reprend beaucoup de codes anciens de la SF. Une lecture pour tous très distrayante même si je suis un converti de cette collection.

06/12/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Eurydice
Eurydice

Encore un bon cru 2024. Un nectar corsé, qui tient longtemps en bouche, issus de deux cépages de qualité. Un Lou Lubie que toutes les bonnes librairies exposent en bonne place en rayonnage, et une nouvelle arrivée dans le domaine du neuvième art : Solen Guivre. Bon, je fais le mariole, mais c'est la première fois que je goûte un Lou Lubie. Elle nous propose une réécriture du mythe d'Orphée et Eurydice et pour le coup, c'est une belle réussite. La trame vertébrale est conservée, par contre quelques modifications y sont apportées et pas des moindres, comme la présence de Pygmalion, elles apportent une nouvelle dimension au mythe. Une intrigue dense et féministe où l'amour sera évidemment au centre du récit, mais des sujets de société vont s'y glisser au fil des pages : La précarité des femmes, le diktat de la beauté, l'indépendance, le droit de choisir l'être aimé et la place de l'art. Un récit mené de main de maître, une narration fluide et intelligente avec son lot de surprises. J'ai particulièrement aimé la fin (le choix d'Eurydice). Une revisite moderne de cette tragédie. Pour Solen Guivre c'est la première incursion dans le domaine de la BD, et c'est grâce à une annonce de Lou Lubie sur Instagram qu'elle a été choisi pour mettre en image cette histoire. Un dessin au très beau rendu qui convient parfaitement à ce récit mythologique, il est d'une richesse folle, aussi bien dans les décors que pour les costumes des personnages, mais aussi dans la diversité des corps et des visages. J'ai été conquis par la mise en page et par les couleurs numériques. La visite des enfers est inquiétante à souhait. De l'excellent travail. Une très agréable lecture que je recommande, forcément.

05/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Paul dans le Nord
Paul dans le Nord

Mon 2eme Paul et encore une franche réussite !! Paul a un travail d'été m’avait déjà agréablement interpellé, mais là l’auteur enfonce le clou. J’ai retrouvé avec plaisir l’univers de Michel Rabagliati, la période explorée est plus ou moins la même, à savoir son adolescence. Cette fois, la structure est légèrement différente puisqu’à la place d’une longue histoire nous aurons droit à un ensemble de saynètes/portraits/expériences qui forme petit à petit un beau tableau. Si ce n’est pour le langage, une œuvre pas bien dépaysante (on a tous été jeune) mais il y a eu clairement un truc à ma lecture. Indépendamment les histoires sont sympas mais c’est leur cohésion qui fait tout le sel. Je tire encore une fois mon chapeau à l’auteur, j’aime l’intelligence de sa narration, sa sincérité, la maîtrise de son dessin (grandement améliorée en 13 ans) et comment avec « rien » il arrive à me passionner. Ses fins d’album sont à chaque fois très réussies. Je découvre son style sur le tard mais j’en suis assez fan. Plus qu’à lire les autres :)

05/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Dieu qui pue, Dieu qui pète
Dieu qui pue, Dieu qui pète

Passons sur ce titre provocateur et racoleur qui ne ressemble ni à l'esprit de la série ni à la maison Milan. L'histoire qui lui correspond est en outre bien drôle mais un tel titre ne serait probablement pas accepté dans la majorité des pays africains. Pour le reste Vehlmann et Duchazeau proposent quelques histoires courtes de 4 planches bien dans l'esprit du continent. C'est tonique et diversifié alternant l'humour, la sagesse ou la poésie. Le vocabulaire et l'humour qu'utilisent Vehlmann a une musique très européenne ce qui nuit à la l'authenticité mais ouvre à un plus large public. Le graphisme très moderne de Duchazeau s'adresse plus à un public adulte à mon avis. Cela produit une narration visuelle très dynamique et bien élaborée assez formatrice pour un public assez jeune. Enfin , je veux souligner une mise en couleur très réussie qui apporte beaucoup à l'ambiance de ces contes. Une lecture sympathique accessible à un large public.

04/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Les Vies de Charlie
Les Vies de Charlie

Oh, c'est dommage, j'aurais sincèrement voulu aimer davantage ce récit. C'est du très bon, hein, pas de panique, mais c'est typiquement le genre de récit que j'adore et je me retrouve donc déçue de ne trouver qu'un résultat très bon alors que cela aurait pu être excellent. L'histoire est celle de Charlie employé modèle au sein d'une gigantesque entreprise chargée de "recycler les morts". Tout va pour le mieux dans sa vie jusqu'au jours ou un enfant l'appel pour savoir ce qu'il était advenu de l'âme de sa mère. Ne sachant quoi lui répondre, Charlie va partir en quête de réponse sur ce qu'il advient des âmes après la mort. Ce n'est pas forcément nouveau, mais j'ai beaucoup apprécié ce contraste entre l'univers très carré et froid d'une entreprise et les questionnements spirituels et plus joyeux autour de la question de l'âme. L'œuvre, comme beaucoup d'œuvres traitant le sujet de la mort, parle en réalité beaucoup de la vie et de ce qui en fait le sel. Les choix visuel de représenter le monde des vivants en noir et blanc et celui des morts et des âmes par des couleurs vives (et presque chaleureuses) n'est, là encore, pas nouveau mais très bon. Les dessins de Guarino sont très jolis, d'ailleurs. Vraiment, ignorez volontiers mon petit ronchonnement de début d'avis, j'ai vraiment bien aimé cet album, j'ai simplement été déçue sur la forme et le changement de ton de la résolution qui aurait pu être étoffée. Cela reste une œuvre très sympathique. (Note réelle 3,5)

04/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Black Dog - Les Rêves de Paul Nash
Black Dog - Les Rêves de Paul Nash

Comme Alix je n’ai pas forcément tout saisi. Mais avec ce genre d’œuvre j’accepte aisément de laisser des questions sans réponse. Ne pas comprendre n’empêche en effet pas d’être « pris » par une œuvre, qu’elle nous transporte – jusqu’où ? Inspiré de la personne et des œuvres de Paul Nash, cet album permet surtout à McKean de laisser libre cours à son imagination. On est ici embarqué dans un univers très poétique (textes et images), auquel j’ai été sensible. Il faut dire que le travail de McKean est ici mis en valeur par un format très très grand. Cela permet d’apprécier toutes les techniques qu’il utilise. En effet, on a droit à des dessins – avec des styles différents, une colorisation très changeante aussi –, de la peinture, des collages, le tout se mariant très bien. Surréalisme, expressionnisme et cubisme se succèdent, et donnent une vision de la guerre où parfois seule la folie permet de sortir de l’horreur quotidienne. Un album parfois plus livre illustré que BD, que j’ai davantage regardé que lu. Mais c’est une agréable découverte. Note réelle 3,5/5.

04/12/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
Couverture de la série Alan Turing
Alan Turing

Malgré cette couverture assez quelconque, difficile de ne pas ouvrir cette BD. Turing est une légende, et il y a deux ans, il se trouve que j'étais à Manchester, devant le monument célébrant sa mémoire. Bien m'en a pris puisque j'ai été enthousiasmé par le dessin d'Aleksi Cavaillez. Si ses lignes noires ne font pas dans l'épat', qu'est-ce que c'est soigné ! Réduit à la simple expression d'un trait crayeux, il donne une assise forte à cette histoire, et à un personnage qui ne l'est pas moins. On pourra toujours ergoter sur les visages tous assez peu dissemblables (ce n'est cependant pas très gênant au cours de la lecture), mais Cavaillez a de l'or dans les doigts, c'est indéniable. Au passage, je réalise que c'est lui qui avait déjà illustré la BD sur Célestin Freinet que je m'étais promis de lire (sans en avoir eu l'opportunité jusqu'à présent - un truc de plus à mettre sur la To Do List). Bref ! Pour le reste, même si j'émettrais quelques réserves sur le scénario, c'est une bonne BD qui se lit d'une traite (même si parfois on s'attarde un peu trop dans l'anecdotique). Je m'attendais néanmoins à quelque chose de moins poétique. Notez que je n'ai absolument rien contre la poésie, bien au contraire, mais connaissant un peu l'homme (Alan Turing) et son œuvre, j'aurais aimé quelque chose de plus historique, et de plus scientifique. Or, les scénaristes passent relativement brièvement sur son invention (la fameuse machine qui a permis le décryptage d'Enigma) et le titre de sauveur du monde qu'il est en droit de recevoir. En tout, c'est à peine une trentaine de pages sur 250 que comporte cette BD qui lui est consacrée. Cela aurait à mon sens mérité qu'on y consacrât d'avantage de temps, car sans lui encore une fois, l'Europe serait probablement tombée aux mains des nazis, et ce n'est pas moi qui le dis. (au passage, le film Imitation Game s'étend quant à lui un peu trop sur l'aspect technique et néglige certains éléments biographiques qui auraient pour le coup mérités d'être mis en perspective. Rhooooo, il est jamais content celui-là, hein ?) Turing était gay, et il a à ce titre été traité comme un chien et ne reçut pour toute reconnaissance de son travail qu'un traitement médical immonde censé le détourner de ses penchants "contre nature", et il était difficile de passer toute cette affaire sous silence. Au contraire, il était nécessaire de le faire. Mais je trouve dommage de réduire le personnage à une "simple" histoire de sexualité qui aurait tout aussi bien pu être celle d'un quidam lambda. Son homosexualité prend un peu trop de place. Non pas que ça me pose problème, loin de là, mais cela relève à mon sens de la sphère intime, et j'aurais probablement écrit exactement la même chose s'il se fut agit de sexualité hétérosexuelle (purée ! je ne sais pas ce que j'ai avec la concordance des temps aujourd'hui !). Par exemple, j'ai adoré Anora, le dernier film de Sean Baker, mais les scènes de cul du début prennent beaucoup trop de place, et il s'agit bien là d'hétérosexualité... Bref ! Nulle homophobie de ma part, mais faut être un peu prudent en ce moment avec ce sujet. Revenons à nos moutons : Turing est tout sauf un quidam lambda, il est encore une fois THE sauveur du monde, en même temps que le père de l'informatique ! Et puis pas un mot non plus (ou alors cela m'a échappé) sur son affection pour Blanche Neige et la fameuse pomme... Mais à part ça, il y a de bonnes choses, voire de très bonnes choses, telles les dernières pages où on voit notre homme sombrer dans les hallucinations sans aucun doute dues à la "thérapie de conversion" que le tribunal lui a infligée. Ce Alan Turing est une excellente alternative à une biographie écrite en offrant à la fois un panorama assez complet de qui il fut, mais également de quoi se rincer l'œil graphiquement parlant.

04/12/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Borges - Le Labyrinthe de l'infini
Borges - Le Labyrinthe de l'infini

Comment imaginait-il son rédempteur ? - Ce tome contient une évocation biographique de l’écrivain Jorge Luis Borges (1899-1986). L’édition originale en langue espagnole date de 2017 en Colombie. Il a été réalisé par Õscar Pantoja pour le scénario, par Nicolás Castell pour les dessins et les couleurs. La traduction a été effectuée par Benjamine des Courtils, et l’adaptation française par Emmanuel Proust. Il compte cent-trente-cinq pages. 1926, la maison de la rue Tronador : Anglaise, innombrable et un ange. Jorge Luis Borges et sa petite sœur Norah Lange arrivent à pied de nuit vers une grande demeure. Elle fait observer que les lumières sont éteintes, il en déduit qu’ils sont sûrement sortis. Elle propose de passer par la porte de derrière. La porte du sous-sol est béante : ils y descendent, bien que Jorge ait des problèmes de vue. Ils remontent à l’intérieur par l’escalier. Il n’y a personne, Norah se demande ce qu’elle va pouvoir se mettre. Elle rétorque à son frère que c’est la réception la plus élégante du mois, elle doit porter quelque chose de spécial. Il ne l’écoute que distraitement, il admire la maison, elle est devenue son refuge. Elle va se préparer et elle choisit une belle robe de soirée verte. Pendant ce temps-là, il observe les livres dans la bibliothèque, puis il prend une photographie de de sa sœur dans un cadre, posée sur une étagère. Elle revient dans la pièce, magnifique dans sa tenue de soirée. Elle lui demande comment il la trouve, il répond qu’elle est un ange. Il lui propose d’aller à pied à la soirée. Il aime bien se promener dans Buenos Aires, ses rues ressemblent à de vieux patios, mais c’est elle qui l’inspire. Il pense que tout écrivain a une muse, un univers dont il s’inspire. Elle rétorque que ce n’est pas elle, elle écrit aussi, et elle ne veut inspirer personne. Ils reprennent leur marche. Jorge et Norah arrivent à l’adresse où se tient la soirée. Ils rentrent dans la demeure. Dans la grande salle, le poète Girondo se tient debout devant l’assemblée attablée et il fanfaronne : La littérature est un prétexte ! Une imposture ! Ce qui compte, c’est vivre, jouir, bomber le torse. Il continue : il est un ivrogne, et aussi un génie, mais un génie avant tout. Norah demande à son frère de lui présenter le poète, ce qu’il fait. Elle est sous le charme. Après quelques verres et de la musique, Girondo et Norah sortent et prennent la voiture du poète. Jorge les voit partir et il reste en arrière. 1900, la bibliothèque du père. Le tout jeune Jorge est sur les genoux de sa mère, qui tient un livre. Son père indique à Jorge que voilà où est sa place dans cette maison, il sera écrivain, dans le meilleur des cas ils le seront tous les deux. Quelques années plus tard, le jeune Jorge va prendre un tome dans la bibliothèque : Les Aventures de Huckleberry Finn, de Mark Twain. Il lit le livre posé sur une table, avec à côté une assiette de gâteaux et une boisson chaude. Sa petite sœur vient lui demander ce qu’il est en train de faire. Il répond qu’il veut traduire un conte, l’histoire d’un prince et d’une hirondelle, écrit par Oscar Wilde. Elle aime bien cet auteur. Un peu plus tard, elle revient lui demander d’arrêter de lire, pour aller jouer avec Quilos et Moulin-à-vent, leurs deux amis imaginaires. Découvrir un écrivain par une bande dessinée biographique : une proposition aguichante, surtout si les auteurs s’aventurent un peu au-delà d’un déroulé chronologique factuel, et mettent en lumière le lien entre la vie et l’œuvre de l’auteur. Les titres des dix chapitres montrent en effet une chronologie légèrement réarrangée : 1926 La maison de la rue Tronador, 1900 La bibliothèque du père, 1954 Un coucher de soleil singulier, 1927 La blessure infinie, 1934 L’hôtel à Adrogué, 1934 Le rêve, 1939 La divine comédie, 1944 L’univers infini, 1960 Les grands-mères, 1960 La bibliothèque. Les auteurs font en sorte que Jorge Luis Borges soit immédiatement identifiable du début à la fin, quel que soit son âge. D’un autre côté, le lecteur ressent rapidement que la narration s’appuie sur une connaissance préalable de l’écrivain. Les auteurs n’évoquent pas son œuvre, ni par ses titres d’ouvrage, ni par leurs thèmes. Il vaut mieux disposer d’une connaissance superficielle de son recueil Fictions (1944, et des nouvelles Tlön Uqbar Orbis Tertius, Les ruines circulaires, La Bibliothèque de Babel), et le recueil L’Aleph (1967, en particulier les nouvelles La demeure d’Asterion, L’Aleph), pour saisir certains passages comme celui sur le Minotaure, l’obsession pour les bibliothèques, ou encore le concept de possibilités infinies. Pour autant, le lecteur ne se sent pas trop intimidé pour débuter sa lecture. Les auteurs ont choisi de mettre en exergue une citation très explicite sur leur approche de la vie de l’auteur, en s’appuyant sur ses propres mots : En définitive, toute littérature est autobiographique, tout est poétique lorsqu’il est question de destin et qu’il se laisse entrevoir. D’un certain point de vue, ils montrent des moments clé de la vie de Jorge Luis Borges : sa relation possessive avec sa sœur Norah et l’abandon qu’il ressent quand elle vit sa vie à elle. Les différentes bibliothèques qui ont laissé une marque indélébile dans son esprit, influençant son imaginaire à jamais, à commencer par celle de son père. La liberté de son imagination en inventant deux amis imaginaires avec sa sœur, et en inventant des aventures avec eux. Les vacances familiales dans la pampa. Le jouet Kaléidoscope. La cécité qui s’installe progressivement. En revanche, il faut être familier de sa biographie pour reconnaître une bibliothèque municipale quand il y travaille en 1938, puis la bibliothèque nationale quand il en devient le directeur en 1955. Toujours de ce premier point de vue, la narration visuelle facilite l’accès au récit. L’artiste réalise des dessins descriptifs et réalistes. Il utilise un trait de contour assez fin, et assuré pour détourer chaque forme. Il s’investit dans la représentation des environnements pour leur donner une réelle consistance : les différentes habitations, aussi bien vues de l’extérieur que les pièces en intérieur. Le lecteur regarde aussi bien cette grande maison avec un étage que l’ameublement de son salon, une vue du ciel du quartier de Buenos Aires traversé à pied que la décoration de la grande salle ou se tient la réception donnée en l’honneur de Girondo, les automobiles garées dans la rue, le tigre dans sa cage, une grande gare avec une ligne de tramway devant, le paysage ouvert et désertique de la pampa, les quais bondés d’une gare, une armurerie où Borges va acheter un revolver, l’intérieur d’une voiture de tramway, l’immense salle de lecture de la bibliothèque nationale, etc. Les personnes sont également représentées de manière réaliste, sans exagération anatomiques, si ce n’est des silhouettes parfois un peu allongées. La mise en couleurs montre un monde un peu terne, ou plutôt un peu assombri, à l’exception de belles journées ensoleillées comme à la campagne pour les vacances, ou en pleine rue. D’un autre point de vue, le récit de cette vie porte la marque des thèmes principaux de l’écrivain, y compris des éléments fantastiques. Le mode de représentation du dessinateur se prête très bien à ces éléments : l’imagination des enfants alors qu’ils accompagnent leurs deux amis imaginaires, la révélation de la nuée infinie des anges alors que Jorges s’apprête à se suicider, le cadavre du Minotaure dans son labyrinthe, la découverte de la cité des immortels et d’Argos, l’apparition de Norah en plein désert, la vision de l’Aleph, la perception de l’immensité de l’univers par Jorge Luis encore enfant. Ainsi les auteurs réussissent à faire apparaître le lien organique entre la vie de l’auteur et son œuvre, la nature autobiographique de celle-ci. D’une certaine manière, ils mettent en lumière quelques-unes de ses sources d’inspiration, illustrant le fait que personne ne crée à partir de rien, tout en faisant également ressortir le caractère unique de ce que l’écrivain a fait de ces matériaux. D’une autre manière, il est possible de considérer que les auteurs sont partis à rebours : en ayant connaissance de l’œuvre de Jorge Luis Borges, ils interprètent les éléments biographiques connus pour leur faire porter un sens prédéterminé. Par ce truchement, ils font ressortir les circonstances de la vie qui leur semblent avoir le plus de poids sur l’individu qu’est Borges. Cela amène le lecteur à considérer ces circonstances à s’interroger sur leurs conséquences, sur l’impact qu’elles auraient pu avoir sur sa propre vie. Le lien très fort qui unit Jorge Luis à sa petite sœur, jusqu’à la voir comme sa muse, et à devenir possessif. La valeur que son père donne aux livres au travers de la taille imposante des meubles de sa bibliothèque aux étagères chargées de livres, empreinte psychique et émotionnelle renforcée par les propos de sa mère. La perception que la vie ne tient qu’à des détails, qu’elle pourrait être différente, partir dans de nombreuses autres directions si les circonstances étaient différentes. Dans le même temps, cela implique que le déroulement de la vie vécue écarte toutes ces autres potentialités, qu’il convient de découvrir ce cheminement unique comme au travers d’un labyrinthe. Les auteurs parviennent même à faire ressentir le trouble généré par la répétition des caractères MCV : chaque lettre pouvait influencer la suivante, et la valeur de MCV sur la troisième ligne de la page 23 n’était pas la même que si elle se trouvait sur la première ligne de la page 71… Pour évoquer la vie de Jorge Luis Borges, les auteurs prennent le parti de partir des éléments contenus dans son œuvre, pour interpréter sa biographie à travers ses thèmes de prédilection. S’il n’est pas familier de l’œuvre de l’écrivain, le lecteur pourra rester dubitatif devant des scènes dont certains éléments semblent parachutés, avec une narration visuelle parfois planplan. S’il connaît quelques-uns des thèmes de l’écrivain, le lecteur ressent immédiatement une familiarité avec cet éclairage qui fait sens, et la cohérence de la narration visuelle lui apparaît, tout à fait adaptée pour mettre sur le même plan les faits concrets et la vie intérieure de l’écrivain.

04/12/2024 (modifier)
Par Alex_WT
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sombre Sel
Sombre Sel

En tant que scénariste de cette BD, je conseille cet ouvrage aux adeptes d'histoires d'aventure avec une pointe de fantastique. Le personnage principal est Eryn, une jeune femme à la recherche de son frère disparu. L'intrigue est sous forme d'enquête, où vous accompagnerez Eryn dans son périple à travers un mystérieux village et son inquiétante mine de sel. C'est en explorant les profondeurs de cette mine qu'Eryn découvrira l'étrange minerais de Sombre Sel ! Cette BD a été développée sur le thème des ombres qui existent tout autour de nous. Que ce soient les ombres imaginaires, celles tapies dans les recoins les plus obscurs, ou encore les ombres enfouies en chacun de nous… Ce qui nous nuit le plus est parfois en nous-même, et le plus effrayant est souvent ce que l'on ne peut voir... Le récit de la BD permet d’explorer différentes facettes de ce thème grâce au mystère qui plane autour du Sombre Sel... Les planches sont réalisées par Nicolas en technique traditionnelle, c'est-à-dire que tout est fait sur papier, avec les dessins au crayon et la couleur à l'aquarelle. Le premier tiers des planches de la BD est en couleurs, et le reste est en noir et blanc (toujours à l'aquarelle). C'est un choix graphique pour mettre en valeur certains aspects de la narration de la BD. Bonne lecture ! Alexandre

04/12/2024 (modifier)