Les derniers avis (31279 avis)

Par Blue boy
Note: 4/5
Couverture de la série Impénétrable
Impénétrable

Avec ce titre bref et bien senti, Alix Garin nous livre un récit autobiographique pour un sujet rarement abordé parce qu’un peu tabou il faut bien le dire : la perte du désir sexuel provoqué par un trouble féminin assez méconnu (pour nous les hommes en tous cas…), le vaginisme (une contraction du vagin qui bloque l’orgasme, à ne pas confondre avec la frigidité). Elle y raconte comment, depuis le jour difficile de la révélation à son partenaire, elle a entamé un processus long et compliqué, tel un véritable chemin de croix psychique, parsemé d’échecs et de traitements inopérants, avant de trouver le salut à force de courage et de détermination. On saluera au passage la patience bienveillante de son compagnon qui a toujours été à ses côtés. Ce qui fait la force du récit, c’est la façon très « cash » et authentique avec laquelle l’autrice se livre, balayant toutes les critiques quant à une éventuelle complaisance sur un sujet tout de même assez délicat. Mais Alix Garin, consciente qu’elle marchait sur des œufs, a évité tous les pièges, reconnaissant elle-même en fin d’ouvrage la terreur qui l’habitait lorsqu’elle prit la décision de raconter son histoire. Pourtant selon elle, ce fut la seule manière d’expurger définitivement le mal, même si à ce moment elle se sentait « guérie ». Il lui fallait juste trouver « le courage »… Fort heureusement, elle possédait déjà le talent, qu’elle avait eu le loisir d’exprimer avec Ne m'oublie pas, sa première bande dessinée sortie en 2021 où elle évoquait avec délicatesse les liens entre une jeune fille et sa grand-mère atteint de la maladie d’Alzheimer. Pour « Impénétrable », Alix Garin confirme qu’elle n’a pas son pareil pour retranscrire en dessin les émotions et les sentiments, avec un sens de la métaphore et du découpage accompli. Le récit se dévore avec plaisir, avec un très bon équilibre entre le texte et l’image, évitant trop de bavardages inutiles qui, pour une telle thématique, auraient pu être tentants… Le niveau de sincérité avec lequel elle traite la question est tel qu’il arrive à nous toucher en plein cœur, en remplaçant le pathos inhérent à ce type de récit par un humour salvateur qui imprègne tout le livre. Le traitement graphique est très original, vivant et coloré, et montre bien l’approche positive de son autrice malgré le poids psychologique lié à sa souffrance. Alix Garin révèle son côté battant, refusant de céder à la fatalité d’une façon qui pourrait être inspirante non seulement dans son cas, mais pour toute autre forme de pathologie. « Impénétrable » est une très belle lecture, jamais plombante, et qui, pour un peu donnerait même une joyeuse patate à tous ceux qui souhaiteraient éviter de sombrer dans l’auto-apitoiement. Le jury ne s’y est pas trompé en lui décernant le prix du public. A ce titre, il apparaît totalement impossible de le contredire.

13/05/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série L'Abbé Pierre - Un homme engagé
L'Abbé Pierre - Un homme engagé

Mais le coupable le plus grand, c’est l’inactif. - Il s’agit d’un ouvrage mêlant éléments biographiques, réflexions sur la spiritualité et ressenti de l’auteur. Son édition originale date de 1994, et il a bénéficié d’une réédition en 2024, après que la vérité ait été exposée concernant les crimes sexuels commis par l’abbé Pierre. Il a été réalisé par Edmond Baudoin, pour le scénario et les dessins. Il s’agit d’un ouvrage en noir & blanc. Il comporte cinquante-neuf pages de bande dessinée. Cet ouvrage ne fait pas état des accusations de violences sexuelles sur des femmes, y compris sur des mineurs. C’est en 1992-93 qu’Edmond Baudoin a été contacté pour faire une bande dessinée dont le héros serait l’abbé Pierre. Il était honoré et étonné. Étonné parce qu’à son avis, il était difficile de trouver plus mécréant dans le monde de la B.D. En effet, de plus loin que Baudoin se souvienne, jamais l’existence de Dieu ne l’a effleuré. À l’époque, l’abbé voulait laisser quelque chose de son testament philosophique en trois livres. L’un avec Bernard Kouchner, un livre pour le grand public. Un autre avec le professeur Albert jacquard, plus intellectuel. Et le troisième en bandes dessinées pour les enfants. Pour les enfants !!? Edmond n’était pas le bon cheval. Il était donc étonné qu’on le choisisse pour ce travail. Alors il a demandé pourquoi ? Et l’explication était : Son illustration de Théorème de Pier Paolo Pasolini, chez Futuropolis–Gallimard. Les chemins qui mènent à Dieu sont impénétrables. En 1993, dans les rues de Paris, Céline, une jeune femme accompagnée de son amie, remarque une personne à la rue allongée à même le sol sur le trottoir, face contre terre. Elle s’en approche, et s’agenouille, mais n’ose pas la toucher. Elle se relève, son amie lui demande s’il est mort, Céline ne sait pas. 1949. C’était il y a plus de quarante ans, c’était un suicidé… rescapé. C’était un assassin. Vingt ans avant, il avait tué son père dans un moment de colère désespéré. Gracié après vingt ans de bagne, la situation familiale qu’il retrouvait était atroce. Il tenta de se tuer. On appela l’abbé Pierre à l’aide. C’est alors que leur Emmaüs est né. Parce que dans la réflexion, l’abbé a agi au-delà de la bienfaisance. Au lieu de dire à l’autre qu’il était malheureux et qu’il allait lui donner un logement, du travail et de l’argent, les circonstances ont fait dire à l’abbé exactement le contraire. Il ne put dire au suicidé que ce dernier était horriblement malheureux, et que lui, l’abbé, ne pouvait rien lui donner car il n’avait que des dettes. Il a donc proposé à son interlocuteur de donner son aide pour aider les autres. Ce fut la naissance d’Emmaüs. 28 mars 1993, résultats des élections législatives françaises, l’abbé Pierre effectue un discours à la télévision. Il déclare qu’il est français, mais il est aussi européen et planétaire. Si on pouvait faire l’unanimité sur l’inventaire des souffrances de ces neuf pourcents de mal-logés et de ces trois millions de chômeurs, quatre cent mille sans-abri… C’est dingue ! Et il est malheureux que douze pourcents des Français se fassent duper par quelqu’un qui éditait des chants nazis. Il y en a marre ! Une étrange idée de rééditer cette bande dessinée, juste après la révélation au grand public des exactions commises par Henry Grouès (1912-2008), dit l’abbé Pierre. Le lecteur remarque que les noms de Georges Carpentier et d’Alain Royer ont disparu de l’ouvrage, ils ne sont plus cités comme auteurs. En revanche le texte de la quatrième couverture a été conservé en l’état, identique à la première édition, rendant hommage aux valeurs d’humilité et de partage de l’abbé Pierre, surtout ses combats pour protéger les plus démunis. Le lecteur peut s’interroger sur ce qui a motivé l’éditeur à proposer une nouvelle édition de cet ouvrage, forcément lu différemment à la lumière des agissements de l’individu dont l’auteur brosse un portrait respectueux et admiratif. En fonction de son seuil de tolérance, la tolérance du lecteur est soumise à plus ou moins grande épreuve à (re)découvrir ces déclarations et ces pensées philosophiques, en contradiction avec une partie des actes de ce monsieur, et en phase avec une autre partie de sa vie. Cela génère un effet contradictoire, entre la répulsion contre l’hypocrisie de ses propos, et l’admiration sincère d’un homme comme Edmond Baudoin, réellement en empathie avec le vieil homme, impressionné par la cohérence entre ses actes et ses valeurs, alors même que l’auteur se présente comme le premier des mécréants. Sous réserve qu’il puisse faire fi de cette contradiction, le lecteur côtoie un homme pour le moins singulier. Dès la première page, la liberté de ton narrative saute aux yeux du lecteur : du texte manuscrit avec des lettres en capitale, trois illustrations sans bordure, quatre phylactères avec du texte en lettres en minuscule. Puis une forme narrative classique : des cases rectangulaires alignées en bande. Et dans le même temps, des représentations à base de traits de contour très gras, de visages esquissés, de dessins pouvant aller vers l’expressionnisme, des phylactères en cartouche de textes tapés à la machine à écrire, avec des modifications apportées à l’écriture manuscrite, et quelques panoramas prenant la forme de dessins en double page. La personnalité d’Edmond Baudoin exsude de chaque case, de chaque trait, et de chaque phrase, aussi bien dans la forme que dans le contenu. Pour autant, il se plie à l’exercice biographique, réalisant des segments intégrés dans d’autres composantes de la narration. Ainsi le lecteur voit apparaître l’abbé Pierre en planche quatre pour sa déclaration à l’issue des élections législatives françaises de 1993, puis le premier entretien entre lui et l’auteur en août 1993 à Esteville jusqu’à la prière devant un autel improvisé avec une lampe de poche, l’été 1942 en Suisse et l’aide apportée à deux Juifs pour fuir, l’engagement dans la Résistance, le travail dans la maison de retraite d’Esteville en 1993, l'appel du premier février 1954. Dans chaque situation, le lecteur y regarde à deux fois tellement la ressemblance de l’abbé Pierre est frappante : lorsqu’il s’y arrête il voit un assemblage de traits de pinceau donnant une sensation d’esquisse, et dans le même temps un tout d’une incroyable justesse, tellement vivant. De la même manière, les éléments visuels faisant œuvre de reconstitution historique semblent épars, parfois dissociés, parfois fondus ensemble, et pris dans leur ensemble ils deviennent un lieu singulier et une autre époque. L’auteur l’annonce dès la première page : il est vraisemblablement le plus grand des mécréants des bédéastes. Il enfonce le clou quelques pages plus lors d’un dialogue avec l’abbé : l’idée de l’existence de Dieu ne l’a jamais effleuré, même enfant. Plus loin il écrit qu’il n’aime pas beaucoup les religions, qu’il les déteste même quelquefois. Or il converse avec un homme qui a prononcé ses vœux, et qui croit en Dieu. Baudoin respecte cet aspect de la personnalité de celui dont il brosse le portrait, et il l’inclut dans sa bande dessinée, tout en conservant sa propre sensibilité. Il rend donc compte de la spiritualité de l’abbé Pierre, dans la mesure de ce dont il perçoit, en effet Baudoin n’éprouve pas de doute sur la sincérité de son interlocuteur lors de leurs entretiens. Il est donc question de religion : la prière à genou devant l’hostie pour une demi-heure quotidienne d’adoration, les sept années passées chez les Capucins, le fait que l’abbé emploie rarement le mot de Dieu, parlant plutôt de l’éternel qui est amour, l’esprit (Spiritus) qu’il voit comme le vent (Le vent, c’est ce qui n’est rien s’il cesse de bouger, s’il cesse d’aller.), la possibilité d’un vrai œcuménisme, etc. À nouveau, la narration visuelle reste à un niveau pragmatique, descriptif, parfois avec de simples têtes en train de parler. Dans le même temps, les dessins contiennent en eux la sensibilité d’Edmond Baudoin, son empathie pour ses interlocuteurs qui lui permet d’en saisir la personnalité, son regard sur le monde et sa propre personnalité. Le récit contient également l’exposé de valeurs, celles de la morale chrétienne bien sûr, exprimées par l’abbé Pierre. Aussi, cela dépasse les simples notions de partage et d’amour. L’abbé raconte cette rencontre avec une personne ayant tenté de se suicider, à qui il n’a rien à donner, et à qui il propose d’aider plus démuni que lui. Cette forme d’entraide constitue le cœur de ses valeurs (celles qu’il affiche), une démarche ultime qui fonde sa démarche publique. L’abbé évoque également sa conviction que l’humain va vers du Un. Bien sûr, Edmond Baudoin, étant ce qu’il est, raconte, lui aussi à sa manière, intégrant un exemple très actuel (à la date de réalisation de la bande dessinée) d’entraide. Au travers de Céline et de ses amis, il commence par opposer la vie aliénante dans les cités de béton, et la sérénité générée par la contemplation de la mer, dans un milieu naturel. Il devient beaucoup plus simple d’être aimant dans ce cadre apaisant. Pour autant, les sentiments de Céline vont l’amener plus loin que cette amélioration procurée par le changement d’environnement. La narration comprend encore d’autres expressions très personnelles de la sensibilité de l’auteur, de sa façon d’habiter le monde, de la forme de relation qu’il lie avec autrui. Le lecteur peut être déconcerté par une page dans laquelle Baudoin parle à une vache, pour autant un moment révélateur de sa relation au monde, tout comme il peut être enchanté par ces dessins en double page où l’abbé marche dans un paysage de campagne, illustrations magnifiques de naturel et d’évidence. Si sa sensibilité lui permet de lire un ouvrage non critique sur l’abbé Pierre, le lecteur peut garder à l’esprit les crimes qu’il a commis et prendre cette bande dessinée comme un témoignage de l’engagement public de cet homme et de ce qu’il irradiait. Il découvre alors un récit qui comprend des composantes biographiques, religieuses, spirituelles, d’engagement, philosophiques, dans une narration visuelle qui est l’expression même de la personnalité d’Edmond Baudoin, d’une justesse et d’une force incroyables. Une expérience de lecture très étrange, entre voyage spirituel pragmatique et effarement de la dichotomie entre personnage public et individu méprisable. Choquant.

13/05/2025 (modifier)
Par Josq
Note: 4/5
Couverture de la série Alex - Gentleman détective
Alex - Gentleman détective

Un petit one shot tout à fait désuet, et pourtant si agréable à lire ! Dimberton s'essaye ici au récit policier type Gil Jourdan et c'est vraiment très réussi. L'album souffre probablement un peu de son aspect "comme Tillieux", qui tend parfois à s'approcher trop de son modèle, et à en perdre nécessairement un peu de personnalité. Malgré tout, ça se lit très agréablement, et quand on aime comme moi la bande dessinée policière typique des années 60, c'est un vrai plaisir de voir un auteur reprendre avec un tel succès les codes de ce genre de récit. Les personnages sont très typés, les dialogues et les péripéties semblent toutes droit sorties d'un Gil Jourdan ou assimilé, c'est parfois légèrement plombé par quelques facilités, mais l'ensemble tient bien debout. Et le dessin achève de nous ramener à cette époque bénie de la BD policière et humoristique à la Tillieux. Donc oui, c'est certes une habile reprise de Gil Jourdan qui ne dit pas son nom, mais la reprise est très fidèle à l'original, et ça se lit tellement agréablement que je ne saurais le reprocher vraiment à Dimberton. En tous cas, c'est frais, enlevé et plutôt bien ficelé. Quel que soit le degré de copie, on déguste ça sans retenue, avec un immense plaisir !

13/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Alerte
Alerte

On est là dans un polar/thriller très classique, autour d’un scandale lié à l’expérimentation menée par un grand laboratoire pharmaceutique. Par le plus grand des hasards, Cathy, l’une de ses meilleures chercheuses se trouve informée d’un gros problème, que le laboratoire cherche à étouffer. Elle se transforme peu à peu en enquêtrice, et va devenir une lanceuse d’alerte. Difficile de ne pas penser à l’affaire Mediator/Servier, et au rôle joué par Irène Frachon, qui a sans aucun doute dû inspirer Johan Massez pour son personnage de Cathy – et pour une partie de l’intrigue générale. Intrigue qui, sans être hyper originale ni trop rythmée, se révèle très plaisante à suivre. Le dessin est plutôt minimaliste et un peu stylisé, le tout accompagné d’une colorisation tranchée et un peu froide (presque bichromique). Là aussi, j’ai plutôt bien aimé ce travail, qui donne un ensemble très fluide et agréable. C’est un diptyque, donc la conclusion viendra rapidement. En l’état, c’est une série dont la lecture est recommandée. ************************* Après lecture du second tome, j'arrondis au niveau supérieur. En effet, si l'album est dans la lancée du précédent, il est aussi plus rythmé (presque trop parfois - voir la course poursuite sur la fin où notre héroïne s'en sort quand même un peu facilement). La lutte de cette lanceuse d'alerte contre un gros laboratoire pharmaceutique qui manque plus de scrupules que de moyens est intense, doublée d'une scission familiale: on ne s'ennuie vraiment pas (le scénario était au départ prévu pour un téléfilm). J'ai bien aimé la conclusion relativement ouverte - et inquiétante, qui évite le traditionnel happy end artificiel. Et on montre bien ici le danger, les risques encourus par les lanceurs d'alerte (il n'y a qu'à voir les cas célèbres - d'ailleurs évoqués par la journaliste d'investigation qui accompagne notre héroïne - qui ont dû tout sacrifier, pour ne jamais être sûrs d'obtenir des résultats). En tout cas c'est un thriller sans esbroufe mais bien mené, avec un dessin ligne clair simple et une colorisation tranchés au rendu plutôt agréable (même s'il est un peu statique). Note réelle 3,5/5.

10/06/2024 (MAJ le 13/05/2025) (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Shubeik Lubeik
Shubeik Lubeik

Un excellent album qui donne vraiment envie de connaitre le travail d'autre auteurs et autrices arabes ! L'autrice imagine un monde où les vœux existent et sont très règlementés. À travers le parcours de trois personnages différents, elle dénonce les travers de la société égyptienne d'hier et aujourd'hui et aussi un peu de la civilisation occidentale. On va donc voir des protagonistes souvent prisonniers d'un univers très traditionaliste et ne savent pas comment s'en sortir. J'ai bien aimé suivre leurs parcours et les bonus à la fin des chapitres qui développent plus cet univers sont bien fait. Tout semble crédible et bien pensé de manière intelligente. Certes, il y a quelques longueurs et parfois j'ai eu l'impression que l'autrice tournait parfois en rond, mais je pense que c'est du en parti au fait que c'est paru en français en intégrale alors qu'originalement c'était publié en 3 tomes. J'imagine que c'était plus digeste lorsque les chapitres étaient séparés. J'avoue que j'ai parfois hésité sur mon ressentiment et ce qui m'a fait définitivement basculé dans le camp qui ont adoré l'album est la dernière partie qui est la meilleur et qui développe deux personnages qu'on croise depuis les premières pages. Il y a des scènes dans cette partie qui m'ont grandement émue et c'était passionnant à lire. Une BD riche qui traite de beaucoup de thèmes servit par un dessin magnifique.

13/05/2025 (modifier)
Par Brodeck
Note: 4/5
Couverture de la série Champs de Bataille - L'histoire enfouie du remembrement
Champs de Bataille - L'histoire enfouie du remembrement

C'est franchement difficile de passer après ces excellents avis ! C'est un peu comme si les 4 fantastiques se réunissaient pour parler BD ;-). On entre sur cette page en mettant les patins, mais je me lance quand même. Si le dessin est selon moi sans grand intérêt, cette BD documentaire (pas vraiment ce que j'aime de prime abord) est particulièrement instructive sur une période comme il est dit en préambule peu documentée et l'on comprend rapidement pourquoi... Ses auteurs s'appuient sur des témoignages et des reproductions d'archives qui montrent factuellement comment les petits paysans ont été victimes du remembrement décidé par l'état (politique mise en place au milieu du XXème siècle qui consiste à former des champs immenses en absorbant les petites parcelles des fermiers, en détruisant les bocages, les haies pour rendre les terres carrossables, en drainant les zones humides, en redessinant les cours d'eau...). Ces petits paysans sont la plupart du temps spoliés au profit de quelques grands exploitants et des agents de l'état qui s'enrichissent sur leur dos. Cette redistribution des terres est souvent le fruit du népotisme, les petits fermiers qui ont perdu les terres familiales sont contraints de cultiver de grandes surfaces peu fertiles. A l'arrivée, catastrophe environnementale, mal-être profond des paysans et vie qui se retire peu à peu des villages (plus besoin de main-d'œuvre remplacée par le tracteur, disparition des commerces, endettement colossal et recours massif aux engrais industriels et pesticides, exode des fermiers qui aimaient leur métier et qui se voient contraints de devenir ouvriers dans les grandes villes). Le constat est évidemment sans appel et c'est navrant. C'est clair, pédagogique (le dossier final est très complet) et édifiant. Mais il n'y a pas, selon moi, de qualités artistiques notables, ce qui est dommage pour une BD, à la différence par exemple de Saison brune qui reste dans le genre une oeuvre très importante dans laquelle Squarzoni parvient à tirer je trouve le meilleur de ce que peut offrir ce medium en alliant fond et forme avec un grand talent. En conclusion, " Champs de bataille " n'est pas une grande bd, mais cela reste une très bonne lecture. Un peu sonné en refermant le bouquin... Note réelle : 3,5 /5. 4/5 si vous aimez particulièrement ce genre de BD avec un contenu didactique.

13/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Dans les yeux de Lya
Dans les yeux de Lya

Une BD touchante et prenante, portée par une héroïne forte en quête de vérité après un accident suspect. Le récit mêle enquête, émotions et justice avec justesse. Les dessins colorés contrastent habilement avec la gravité du sujet. Une lecture à la fois accessible et engagée.

12/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Moi, Fadi - Le Frère volé
Moi, Fadi - Le Frère volé

Je suis un grand admiratif du travail de l’auteur sur son œuvre autobiographique "L’Arabe du futur". J’avoue que j’avais commencé à la lire un peu mollement avant de succomber à la formule, l’histoire de son petit frère m’avait d’ailleurs particulièrement touché. Après s’être raconté, Riad Sattouf a l’altruisme de raconter le parcours de ce frère disparu. On retrouve avec plaisir la narration de l’auteur, simple et parfaite pour le sujet, comme le fait qu’il ne cherche pas à se mette en valeur en grand frère modèle. Il y a du rythme et toujours ce côté léger qui se dégage malgré des événements pas spécialement drôles à suivre. Une série que je n’attendais pas mais que je ne bouderai pas à lire. J’ai énormément de sympathie pour Fadi. A noter que l’auteur continuera d’explorer l’histoire familiale en mettant à l’honneur sa mère, j’ai lu des planches en prépublication dans je ne sais plus quelle revue.

12/05/2025 (modifier)
Par KcsGreg
Note: 4/5
Couverture de la série Autopsie
Autopsie

Un réalisme viscéral qui captive dès la première page : L'atout majeur d "Autopsie" réside incontestablement dans son ancrage profond dans la réalité de la médecine légale. Antoine Tracqui ne se contente pas de saupoudrer son récit de quelques termes techniques ; il nous immerge littéralement dans les procédures d'autopsie avec une précision chirurgicale. La description méticuleuse des examens, des prélèvements et des analyses confère à la série une authenticité rare dans le genre. On sent que l'auteur maîtrise son sujet, et cette expertise transparaît à chaque page, rendant l'horreur d'autant plus palpable et crédible. Loin des clichés édulcorés des séries télévisées, "Autopsie" nous confronte à la crudité de la mort et à la complexité scientifique nécessaire pour en déchiffrer les secrets.

12/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Au cœur des solitudes
Au cœur des solitudes

Muir, comme Thoreau ou d’autres, a représenté une certaine vision de l’homme en symbiose avec lui-même, avec la nature, dans une attitude en grande partie contemplative. C’est un personnage intéressant, avec une trajectoire à rebours de l’évolution de la société américaine dans laquelle il a en grande partie vécu : un « retour à la nature », un refus du progrès pour le progrès qui en ont peut-être fait un inadapté au monde moderne, mais qui en ont fait quelqu’un d’estimable, et finalement un des phares qui peuvent encore guider pas mal de monde. Lomig a déjà montré son attirance pour la nature, et pour les idées proches du romantisme américain incarné par Thoreau ou Muir (voir Dans la forêt - d'après le roman de Jean Hegland). On sent bien que le personnage de Muir et ses choix de vie lui plaisent. Et il donne ici une belle résonance à la trajectoire décalée de Muir, poète géologue et naturaliste qui renonce à son travail, pour se lancer dans un très long voyage au cœur d’une partie des États-Unis (il va même jusqu’à Cuba sur la fin), pour admirer la nature. Un passage est presque amusant, en tout cas ironique. Au milieu de son long voyage, alors qu’il essuie de nombreux refus, Muir est accueilli et logé une nuit dans une famille, dont le patriarche lui fait l’éloge de l’électricité, de l’exploitation de la nature, de l’efficacité capitaliste et de la recherche de rendement – tout ce contre quoi Muir se positionne ! Il est aussi singulier qu’à la fin des années 1860 (le voyage se déroule peu de temps après la fin de la guerre de Sécession) les Indiens sont totalement absents du grand Est américain, déjà évaporés de l’espace qu’ils occupaient – et des mémoires… le seul Indien apparaissant ici est croisé en Californie ou Oregon, sur la fin du voyage, et il alimente une discussion où Muir se sent curieux de leurs cultures, là aussi… C’est aussi là qu’il a le coup de foudre pour la Yosemite Valley, déclaration d’amour qui clôt ce bel album (Muir sera ensuite à l’origine du Parc du Yosemite, un des plus anciens parcs naturels au monde). Enfin, le ressenti du lecteur ne serait pas aussi bon sans le très beau dessin de Lomig. Agréable et dynamique pour les décors et les personnages, il est carrément superbe dans pas mal de planches « naturalistes » (les animaux sont franchement réussis !), et fait honneur aux idées de Muir.

12/05/2025 (modifier)