C’est un témoignage très factuel, assez froid, clinique, tout ceci étant la force, et sans doute la faiblesse de cet album. Mais il décrit un événement et une situation scandaleux, mais représentatifs de l’univers carcéral américain des années 1970. En effet, j’avais lu Panthers in the hole il y a quelques temps, et il y a de fortes similitudes dans le traitement inhumain et raciste des détenus noirs dans les prisons américaines, avec d’énormes abus de pouvoir, et une vision des « droits de l’homme » plus que cynique (voir ici les actions et propos du gouverneur Rockefeller, pétri de préjugés racistes et de classe, qui pense uniquement à son éventuelle nomination comme vice-président – on ne parle pas de Nixon…).
Bâti autour du témoignage d’un des principaux protagonistes, cet album commence par montrer les traitements racistes, sadiques, subis par les détenus du pénitencier d’Attica (près de New-York), puis comment cette poudrière s’est brusquement enflammée, suite à un événement finalement quelconque.
Et surtout on nous montre la réaction disproportionnée de l’armée, qui a froidement abattu – dans ce qui s’apparente quand même à du tir au pigeons ou, comme certaines victimes l’ont signalé, à une « chasse aux nègres » – plusieurs dizaines de détenus, mais aussi de matons otages. Tous abattus froidement, d’une balle dans la tête, voire de plusieurs dans le dos, dans une violence d’autant plus hallucinante que les détenus avaient réussi à calmer les plus excités d’entre eux et gardaient les otages dans des conditions très sereines.
La suite est classique, puisque, à la suite de témoignages farfelus de matons racistes (et Blancs), dirigeants politiques (Blancs) et médias vont justifier cette tuerie en en masquant le bilan, et en accusant les détenus révoltés d’actes de barbarie imaginaires.
Heureusement, quelques médecins et avocats intègres vont in-extremis parvenir à sauvegarder quelques preuves, et mener ensuite un long combat de plusieurs dizaines d’années pour obtenir vérité et « réparations » (difficiles pour les morts, mais aussi ceux qui ont survécu et qui, comme Frank Smith, ont été par la suite torturés).
Je ne suis pas forcément fan du dessin d’Ameziane, mais il fait le boulot, et c’est très lisible. Le récit manque peut-être de souffle romanesque. Mais ça n'était pas son but, et ce témoignage glaçant est à lire. En plus de l’album cité plus haut, j’ai aussi pensé en le lisant à Kent State, quatre morts dans l'Ohio. Tous ces témoignages et documentaires montrent comment un pays prétendument démocratique traitait ses « opposants » (ou « parias ») dans les années 1970. On ne voit pas trop de différences avec certaines dictatures (et on voit bien le prolongement avec les dictatures sud-américaines soutenues par les États-Unis à la même époque).
Si la situation a heureusement évolué, la violence et le racisme (qui s’ajoute aux préjugés de classe) frappent encore durement les systèmes judiciaires et carcéraux américains (de nombreuses affaires le rappellent encore récemment – voire le mouvement « Black lives matter »).
Un témoignage/documentaire dur, mais à lire.
Je ne suis pas très polar. Bien que j'aime les mystères et les enquêtes j'ai souvent du mal avec les poncifs du genre.
Pourtant, Blacksad est une excellente exception selon moi !
Déjà, ce qui saute aux yeux : c'est beau ! Le dessin de Guarnido est magnifique et colle parfaitement aux décors et à cette ambiance recherché de polar noir.
Ensuite, les histoires : elles sont très bonnes. Les intrigues sont entraînantes, les personnages charismatiques et fascinants, les situations sombres et tragiques, ... Bref, ça donne envie d'être lu ! Les intrigues prenantes et souvent glauques prennent vraiment aux tripes. Du dramatique qui sait ne jamais en faire trop.
Si je ne devais conseiller qu'un seul des albums, sans aucune hésitation (et sans grande originalité) je citerais sans doute le second, Arctic Nation. Bien que, polar noir oblige, tous les albums de cette série nous dépeignent les pires traits de l'âme humaine (comment ça se sont des animaux ?), c'est véritablement celui-ci qui m'a marqué dans son aspect terrifiant.
Bon après, comme défaut personnel, j'avoue que l'hypersexualisation quasi-constante des corps féminins me gène un peu, mais on va dire que c'est quasiment un cliché du genre désormais.
Je n'ai malheureusement pas encore pu lire les tomes 6 et 7 mais je compte bien rattraper cela dès que possible.
(Note réelle 3,5)
Les parents n’ont pas porté plainte, mais essayez de vous contrôler.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, à caractère autobiographique. Sa parution date de 2023. Il a été réalisé par Albert Algoud pour le scénario, et par Florence Cestac pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-neuf pages de bande dessinée.
Florence Cestac a commencé à dessiner la première page, et elle demande à Albert à quoi correspond ce titre : Le prof qui a sauvé sa vie. Elle trouve que c’est plutôt lui qui a sauvé la vie à bien des élèves. Il répond que certes, mais il a bien failli y laisser sa peau. Et il commence son histoire : Septembre 1978, sa première affectation, à Bruyère, dans la vallée de la Vologne. Il est assis sur le lit d’une chambre d’hôtel, accablé, ses valises pas encore défaites, et étant sûr qu’il va crever d’ennui dans ce bled maudit, maudit car plus tard c’est ici qu’éclatera l’affaire du petit Grégory en 1984. Heureusement, trois mois plus tard, il reçoit une lettre du rectorat lui indiquant qu’il est titularisé : il va être prof de français au collège Tom-Morel de Roc-les-Forges, en Haute-Savoie. Son père s’était livré à une imposture auprès du ministère : il les avait appelés en se faisant passer pour Jean-Jacques Chaban-Delmas, et en exigeant qu’ils reçoivent rapidement le jeune Albert Algoud. Il fut convoqué très vite par un conseiller peu aimable. Pendant l’entretien, Albert remarque qu’il y a un journal de gauche sur le bureau du conseiller, et il sort son propre exemplaire du même journal ; l’entretien devient immédiatement cordial. Après un interminable périple en train et en autocar, il se retrouve dans une riante bourgade savoyarde, sous une pluie battante.
Le lendemain matin, c’est le jour de la rentrée. Albert commence par passer à la boulangerie pour acheter un croissant. La boulangère lui dit ne pas s’encoubler à cause qu’elle a laissé la panosse. Devant l’air ahuri du client, elle traduit : ne pas se prendre les pieds dans la serpillère. Elle lui demande s’il faut mettre le croissant dans un cornet… Elle explique : un sachet. Au collège, il est accueilli par le principal : surnommé le Hareng, à cause de sa forte ressemblance au fourbe Acidenitrix, dans Le grand fossé, de René Goscinny & Albert Urderzo. Il se présente : Jacques Dacaure, le principal. Puis il lui présente ses collègues. Entre autres, il y avait Fanfoulé, prof de français et latin, personnage hors du commun. Pierre prof de gym, fumeur, laïc résolu, mélomane, sarcastique et grand lecteur. Mme Y, prof de maths, il s’est toujours demandé si elle n’était pas un homme. Jean-Paul, prof d’anglais, chanteur et joueur de saxo. Mme Tambet, prof de maths, dite la Vénus, acariâtre et terreur des nuls. Albéric, prof de dessin, toujours sympa et enthousiaste. Mlle M., prof d’histoire, chahutée, elle menace régulièrement ses élèves de se suicider. M. Z, prof de techno, sympa mais très porté sur la boutanche. M. D, alias la Science, prof de Sciences Nat, cordial, diplomate. Le jour suivant, rentrée des élèves et premier jour de classe. Les élèves de cette classe de sixième le dévisagent d’une façon incrédule.
Un titre qui retourne une expression, puisque ici, c’est le professeur qui doit sauver sa vie, plutôt que de sauver la vie de ses élèves. Le lecteur peut avoir été attiré par la dessinatrice également autrice de Harry Mickson, Les Déblok, Le Démon de midi, ou encore Ginette. Elle est également la co-fondatrice de la maison d’édition Futuropolis avec Étienne Robial. Il peut aussi avoir envie d’en savoir plus sur les circonstances qui ont amené l’auteur à quitter l’éducation nationale pour devenir humoriste et travailler avec Antoine de Caunes et Karl Zéro dans Nulle Part Ailleurs, puis faire connaissance avec le professeur Choron, puis l’équipe d’Hara Kiri (Charlie Schlingo, Vuillemin, Jackie Berroyer, Gourio, Gébé, Cabu, Cavanna, Wolinski). Le titre indique également que l’auteur ne s’épanouissait pas dans son métier initial, et que l’ouvrage va donc être à charge contre le système éducatif en France, tout du moins tel qu’il existait à son époque. Ce parti pris apparaît dès la première page, dans laquelle Albert Algoud répond à l’artiste qu’il a bien failli y laisser sa vie. Puis il effectue un rapprochement entre le lieu de son affection et le fait qu’il sera le siège de l’affaire du petit Grégory six ans plus tard, établissant ainsi une curieuse relation de cause à effet à rebours de l’ordre chronologique. La description de ses collègues s’avère également très orientée : d’un côté les gens originaux et sympathiques, de l’autre les conformistes forcément névrosés et mortifères.
Bien sûr, la tonalité de la narration s’inscrit dans un registre humoristique du fait des caractéristiques des dessins. L’artiste dessine ses personnages avec des gros nez, de type bande dessinée humoristique franco-belge et des mains ne comprenant que quatre doigts. Elle exagère les expressions de visage pour en faire des mimiques, avec le double effet de rendre apparent l’état d’esprit de chaque personnage et d’obtenir un effet comique doux. Le lecteur remarque d’ailleurs que le volume imposant de ces nez arrondis induit un décalage de côté un peu particulier de la bouche pour qu’elle puisse être visible. Pour autant, la direction d’acteurs reste dans un registre exprimant des nuances, sans tomber dans la caricature. Le lecteur éprouve ainsi de l’empathie pour chaque personnage : l’air sérieux du père d’Albert se faisant passer pour Chaban-Delmas, l’accueil souriant de la boulangère, le caractère acariâtre de Mme Tambet, la posture dépressive de Mlle M, les émotions plus intenses des adolescents, l’énergie mise par le prof quand il joue littéralement les scènes lors de la lecture à voix haute à ses élèves, l’insolence inébranlable de Félix qui imite Roland Magdane, le rire sans retenue des élèves devant un tableau de Joan Miró, la curiosité naturelle de ces mêmes élèves lors de la sortie à la foire aux bestiaux chaude en septembre, l’énervement du fonctionnaire de police découvrant que les lettres dénonçant les émissions de radio d’Albert Algoud ont été écrites par lui-même, la haine viscérale des skins comprenant qu’ils ont été moqués lors de leur propre défilé, sans oublier toutes les fois où Albert lui-même perd son contrôle de soi et explose.
Le lecteur se retrouve en pleine empathie avec ce jeune professeur, avec ses amis, avec ses élèves, complètement de son côté. Il comprend qu’il voit les personnes et les lieux avec le point de vue subjectif d’Albert. Quand il arrive à Roc-les-Forges, le dessin montre une ville morose avec une couleur terne, et une pluie incessante, ce qui reflète l’état d’esprit dans lequel se trouve le professeur. Quand il entre s’acheter un croissant, la boulangère est tout sourire, le prof étant rasséréné par ce contact humain souriant et chaleureux. Lorsqu’il se trouve pour la première fois dans sa classe, les murs sont nus et sans identité, comme ceux d’une cellule. En revanche, lorsqu’il se trouve devant les rayonnages d’une bibliothèque, les dos sont colorés, un décor beaucoup plus attirant. Lors de la sortie scolaire à la foire aux bestiaux, les cases semblent pleines à craquer, pleines de nouvelles choses à découvrir. Lorsqu’il projette des diapositives d’œuvres d’art contemporaines, tous les élèves deviennent indistincts dans la pénombre, comme rendus anonymes par l’originalité des œuvres d’art de Paul Klee, Jackson Pollock, Joan Miró, René Magritte.
Albert Algoud raconte cette période de sa vie de manière chronologique : l’annonce de sa titularisation en Haute-Savoie (où il semble se rendre tout seul, sans son épouse, ni sa fille), sa prise de contact avec les élèves et les autres professeurs, ses accrochages avec les élèves, ses échanges avec ses collègues sur ses difficultés pédagogiques, ses innovations pédagogiques (à cette époque, et dans cette région de la France), sa gaffe avec l’expression Crétin des Alpes (et le fond de vérité historique), ses relations extra-professionnelles avec certains collègues, avec certains élèves (tout en ayant conscience du risque), et enfin d’autres activités, à commencer par l’animation d’une émission sur une radio-libre, jusqu’à démissionner de l’éducation nationale. Le lecteur est de tout cœur avec lui pour cet investissement à trouver le bon mode d’intéressement des élèves, pour son côté redresseur de torts, pour son inventivité et son énergie lui permettant d’exprimer sa personnalité en sortant du cadre rigide de l’éducation nationale. De temps à autre, le lecteur ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur une facette ou une autre de ce qui est raconté. Il a bien noté qu’Albert tient un nourrisson dans ses bras en page 4, et qu’il doit être marié ou en couple, mais il n’est plus jamais fait mention d’eux par la suite, le jeune professeur ayant certainement dû se délocaliser seul en Haute-Savoie. Il ne peut pas s’empêcher non plus de penser de temps à autre à ses collègues. Albert semble plein de respect pour le prof de français et pour ses citations latines peu communes, en revanche les autres n’ont pas le droit à sa considération. Il indique à plusieurs reprises qu’il dérobe des livres dans des librairies pour les intégrer dans la bibliothèque de sa classe. Ces attitudes renvoient à la mission affichée dans le titre : sauver sa vie, en s’échappant d’un système trop strict.
Une bande dessinée autobiographique pétrie de bonne humeur. Les dessins font voir le monde par les yeux du scénariste : des personnages pleins d’entrain, sauf pour quelques adultes morts à l’intérieur, l’énergie inépuisable des adolescents, les emportements du professeur, soit d’enthousiasme, soit d’indignation. Le scénariste revient sur cette période de sa vie : une solide motivation pour exercer son métier de professeur, mais un système éducatif qui perpétue l’injustice sociale, et qui exige que pour enseigner il faut avoir la foi dans sa vocation. En prime, une anecdote savoureuse avec Fabrice Luchini découvrant que son chauffeur de taxi connaît Albert Algoud.
Ha ba là moi, je craque ! Des histoires de mômes, un dessin meûgnon comme tout, et un petit humour frais comme la brise de printemps : il y a tout pour me plaire.
Déjà le dessin. Il est top ! Vaguement passéiste (ce qui n'est pas pour me déplaire), terriblement expressif, il est tout entier dédié à l'innocence de l'enfance, ou disons à sa spontanéité. Le choix des couleurs est à l'avenant, et évoque la palette de Camille Jourdy pour sa BD Pépin et Olivia, une autre BD sur l'enfance, tiens.
L'humour est finaud. Cécile file la métaphore du Far West, avec dans le rôle du coboye une petite fille choupinette dont le caractère fait songer à Mafalda ou Pico Pogue. Et dans celui du shérif, la mère, un peu dépassée par ce "tron de l'air" d'enfant ! Et oui ! Le héros est une héroïne. A ce titre, on appréciera tout particulièrement ce gag où la petite est perchée sur une branche, observant de loin la nouvelle voisine (entourée de ses deux jeunes garçons) discuter avec sa shérif de mère pour lui dire : "Ah oui ! Tu as deux filles, toi... Remarque, il faut bien des filles pour les fils des autres !". Le dessin est assorti de ce commentaire : "Dans l'Ouest sauvage, on rencontre toutes sortes d'esprit agités. Le coboye sait garder ses distances...
Petit topo féministe au passage...
Cécile porte un regard tendre sur l'enfance échevelé des gosses de la campagne. C'est juste et touchant, parfois même un peu triste (la saynète finale, très Douce amère). En un mot, cette BD, c'est un vrai bonbec !
"La Reine de Saba" est l’adaptation du roman du même nom de Marek Halter par Jean-Marie Michaud. La vie romancée de Makéda, de sa jeunesse à Maryab à sa rencontre avec le roi Salomon.
Une préface qui fait le point entre légende et réalité, ainsi qu'une carte géographique représentant les différents royaumes. Instructif.
Autant le dire d'entrée, j'ai été conquis par cette femme d'exception (et peut-être un peu amoureux). Une femme gâtée par dame nature, ou par son dieu Almaqah, elle est élancée, gracieuse, belle, cultivée, curieuse, intelligente et au fort caractère. Elle sera femme de guerre et femme d'amour. Mais surtout une femme moderne, elle sera s'adapter aux circonstances (politique, alliance, commerce et religion) pour le bien de son royaume. Une main de fer dans un gant de velours.
Un récit captivant et bien construit, j'ai eu l'impression de lire un récit Historique : la vraie vie de Makéda, reine de Saba. 260 pages de bonheur.
Un dessin envoûtant qui m'a plongé trois mille ans en arrière. Il retranscrit superbement cette période historique avec le grand soin apporté aux décors et aux personnages. Un dessin somptueusement rehaussé par de magnifiques couleurs à l'aquarelle.
Quelques planches dans un style moyenâgeux pour les récits hébraïques qui jalonnent le récit et pour les extraits du "Cantique des cantiques" (relation charnelle entre Makéda et Salomon), mais avec une touche exotique en plus pour ces derniers.
Très, très beau !
Une reine charismatique que je vous conseille de découvrir.
Dans mon top 5 des BD 2024.
Il ne me reste plus qu'à lire Le Mahâbhârata.
Okay, je retrousse mes manches, je vais essayer d'augmenter la note de cette série qui le mérite.
Giant Days, c'est une série tranche de vie autour de trois jeunes adultes en pleines années fac qui se démarque avant tout par la forme de sa narration. Autant le dire tout de suite, même si le fond est assez souvent sérieux (bons nombres de sujets de sociétés sont abordés) la forme elle est on ne peux plus loufoque. A grands coups de longues tirades mélodramatiques et de punchlines pince-sans-rire, les trois jeunes femmes et leurs entourages tentent de refaire le monde, de se chercher, de grandir tout simplement. C'est principalement un humour que j'appellerais verbeux : il repose justement sur le fait de produire des phrases absurdement longues et/ou complexes, des métaphores alambiquées et des réparties cinglantes. Pour en avoir souvent parlé avec des gens, je constate que cet humour est loin d'être universel, mais quand, comme moi, on sait l'apprécier, cette série fait mouche. On ne pourrait pas aborder l'humour de cette série sans rappeler qu'elle est d'origine britannique et que les amateur-ice-s de blagues à froids ne seront pas non plus dépaysé-e-s.
Comme dit plus haut, c'est avant tout un récit autour de jeunes adultes, des individus se trouvant à cet âge presque ingrat où l'on n'est plus vraiment jeune mais où l'on ne se sent pas encore vraiment adulte pour autant. Les personnages grandissent, évoluent, se cherchent et on s'attache facilement à tout ce beau monde.
Tiens, d'ailleurs, on ne les a pas encore présenté-e-s !
Il y a d'abord Esther, la gothique drama queen et férue de beaux garçons, puis Daisy, la gentille fille naïve et sérieuse, et enfin Susan, l'intellectuelle n'hésitant pas à relever ses manches et rentrer dans le lard.
Autour de nos trois héroïnes, on retrouve toute une flopée de personnages secondaires. Deux d'entre eux pourraient même facilement être considérés comme des personnages principaux à par entière : j'ai nommé Ed, le garçon éperdument amoureux d'Esther et extrêmement malchanceux, et McGraw, véritable machine humaine à la moustache constamment impeccable.
Les dessins de Max Sarin et Lisa Treiman sont tous deux très jolis. J'ai une préférence pour le style de Lisa Treiman (artiste que j'aimerais beaucoup voir dans d'autres projets), mais j'avoue que, lorsque l'on me dit "Giant Days", ce sont tout de même les dessins de Max Sarin que j'imagine (sans aucun doute car ce sont eux qui illustrent le plus d'albums de cette série).
Mention spéciale pour les dessins et chapitres bonus de John Allison disponibles dans la réédition.
Après, c'est sûr que si l'on n'aime pas les récits tranche de vie, les problématiques typiques des jeunes adultes et l'humour que je vous ai décris plus haut, la série n'est pas vraiment faite pour vous.
La conseillerais-je à tout le monde ? Non. Mais je la conseille tout de même aux amateur-ice-s de récits du quotidien pleins de bons sentiments et sous forme comique.
Une bonne série, surtout pour de jeunes adultes ou des adolescents.
(Note réelle 3,5)
Un bel hommage au Joker que ce "Killing Joke" de Moore et Bolland !
Le dessin de Brian Bolland, tout d'abord, est vraiment magnifique avec une mise en page et des cadrages très réussis. A lui seul, comme le souligne Présence, il justifie l'achat de cet ouvrage. Avec les différentes versions du joker qui existent à présent, je reste également plutôt fan de la gueule, relativement traditionnelle, que lui a conféré le dessinateur. Si la colorisation est assistée par ordinateur, elle reste toutefois relativement agréable à l’œil et les flashbacks en N&B et sépia participent à l'immersion du lecteur.
Côté scénario, Alan Moore ne révolutionne pas le genre et nous sert une histoire classique d'évasion du Joker et de duel à mort avec son meilleur ennemi, Batman. La surprise vient plutôt dans le côté réaliste et malaisant de l’agression et de la torture que fait subir le Joker à Gordon et sa fille. J'avais rarement vu un tel niveau de réalisme trash dans une BD de Batman... Alan Moore se permet également de réinventer le mythe du Joker en tentant d'expliquer comment il est devenu le gangster le plus fou de Gotham. Si sa biographie reste relativement classique, elle n'en est pas moins intéressante à découvrir.
Concernant l'ouvrage en lui-même, comme toute bonne édition Urban DC Comics, la préface de Tim Sale et la post-face de Brian Bolland ainsi que les annexes apportent une réelle plus-value à la lecture. Une très belle édition en somme!
Ma seule déception concerne la brièveté de l'histoire. Elle se lit bien trop vite à mon goût et elle n'est constituée que d'un seul arc narratif, relativement classique, m'empêchant de mettre la note suprême de 5/5. Mais elle reste tout de même sans nul doute parmi les meilleurs histoires du Joker jusqu'à présent.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 7/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 9/10
NOTE GLOBALE : 16/20
Un album passé sous mon radar lors de sa sortie et c’est bien dommage, tant il aurait mérité les honneurs en 2023. Je me joins de mon cœur à la note de mes prédécesseurs.
Alors attention rien de fou, on est dans le pur roman graphique. L’histoire se présente sous la forme d’un Road movie avec moult rencontres. On suit un mec un peu paumé parti sur les traces de son père décédé, la narration alternant les 2 parcours.
Sauf que tout est réussi, la localisation amène un certain dépaysement, les interrogations/doutes/thématiques m’ont paru fines comme pertinentes, et enfin une réalisation de haut vol (trait, découpages, couleurs …). Le tout apparaît très soigné.
Je ne sais pas s’il y a un lien entre les auteurs (même nom de famille) mais il y a une certaine osmose avec cette adaptation. Je découvre l’artiste qui livre ici du superbe boulot. Tout est là pour nous embarquer, je ne peux que vous inviter à monter à bord.
Une chouette balade.
J'avoue que j'étais assez circonspect en voyant cette "rural fantasy" (l'invention de cette catégorie est trait humoristique mais à lire un commentaire précédent, il semble que tout le monde ne soit pas perméable à cet humour :)) aussi bien classée ici. Le nom de Lupano et les critiques précédentes m'ont décidé à sauter le pas, étant amateur de fantasy plus "traditionnelle". On est ici loin des héros classiques des grandes épopées, et c’est bien là tout l’intérêt. Pistolin, berger et fromager, se retrouve entraîné dans une quête improbable, motivée par une simple envie de vengeance. Plus de troupeau, plus de village, tout a été réduit en cendres par des mages qui se chamaillent sans se soucier des conséquences. Il décide alors de partir en guerre contre eux, accompagné de Myrtille, une brebis peureuse, et de Pâquerette, une fée alcoolique et grande gueule.
Le scénario de Lupano détourne avec brio les codes de l’heroic fantasy pour les ancrer dans un univers campagnard. Rien de grandiloquent ici, tout est décalé, des dialogues pleins de verve aux situations absurdes qui s’enchaînent. On sent que Lupano s’amuse à dynamiter le genre, avec une ironie qui rappelle parfois l’esprit de Kaamelott. Les répliques fusent, l’humour est pince-sans-rire, et chaque personnage apporte son lot de moments mémorables.
Le dessin de Relom complète bien cet univers. Les visages sont expressifs à souhait, oscillant entre caricature et réalisme. On y retrouve un parfum de terroir, un peu rustique, mais toujours soigné. Le trait est précis, parfois exagéré juste ce qu’il faut pour appuyer les situations les plus loufoques. Et les couleurs, discrètes mais bien choisies, servent le ton sans jamais l’éclipser.
Une BD qui revisite le genre avec un regard irrévérencieux et rafraîchissant. Pas besoin d’être fan de fantasy pour apprécier cette aventure déjantée. J'ai suivi ce trio avec plaisir, mais je suis bon public, je ne sais pas si ce genre d'humour correspondra à tous. En tous cas pour moi c'est un grand oui et un coup de coeur. Merci encore à BDThèque.
Je trouve qu'il y a quelque chose d’intrigant dans ce choix de tout plaquer pour vivre dans un arbre. Peut être tout simplement que ce choix résonne chez moi. Pas pour fuir, mais pour retrouver. Le récit s’ouvre sur cette cabane (joliment) bricolée à la main, perchée au milieu des bois. C’est là que Dominique Mermoux, ancien berger, va passer des semaines à écouter le bruissement des feuilles, à observer le temps qui s’étire, à apprivoiser une solitude choisie. Rien d’extraordinaire à première vue, et pourtant, tout se joue dans cette simplicité. Loin du tumulte, chaque détail devient important.
Le dessin suit cette idée. Dominique Mermoux ne cherche pas l’esbroufe. C’est sobre, des aquarelles qui laissent la lumière et les espaces s’exprimer. L’approche est posée, comme si les pages respiraient avec le récit. Ce n’est pas un livre qui cherche à éblouir, mais à inviter à regarder autrement. Le rythme est lent, presque contemplatif, mais jamais lourd. Il y a des flashbacks, quelques retours sur une vie d’avant qui apportent un contrepoint à la sérénité actuelle. Ils ancrent le personnage dans une réalité qu’il a choisie de quitter, mais qu’il n’oublie pas.
Le ton n’est jamais moralisateur. Pas de grandes leçons sur la nature ou sur la société (qui en tente beaucoup d'autres, souvent pour un résultat qui tombe un peu à côté de la plaque je trouve), juste une expérience partagée, une réflexion à voix basse sur ce qu’on perd et ce qu’on gagne quand on décide de ralentir. Pas de grandes scènes marquantes, mais une atmosphère qui reste. On referme l’album avec l’envie de prendre un peu de recul, de chercher son propre arbre, même si ce n’est qu’un moment.
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Big Black - Stand at Attica
C’est un témoignage très factuel, assez froid, clinique, tout ceci étant la force, et sans doute la faiblesse de cet album. Mais il décrit un événement et une situation scandaleux, mais représentatifs de l’univers carcéral américain des années 1970. En effet, j’avais lu Panthers in the hole il y a quelques temps, et il y a de fortes similitudes dans le traitement inhumain et raciste des détenus noirs dans les prisons américaines, avec d’énormes abus de pouvoir, et une vision des « droits de l’homme » plus que cynique (voir ici les actions et propos du gouverneur Rockefeller, pétri de préjugés racistes et de classe, qui pense uniquement à son éventuelle nomination comme vice-président – on ne parle pas de Nixon…). Bâti autour du témoignage d’un des principaux protagonistes, cet album commence par montrer les traitements racistes, sadiques, subis par les détenus du pénitencier d’Attica (près de New-York), puis comment cette poudrière s’est brusquement enflammée, suite à un événement finalement quelconque. Et surtout on nous montre la réaction disproportionnée de l’armée, qui a froidement abattu – dans ce qui s’apparente quand même à du tir au pigeons ou, comme certaines victimes l’ont signalé, à une « chasse aux nègres » – plusieurs dizaines de détenus, mais aussi de matons otages. Tous abattus froidement, d’une balle dans la tête, voire de plusieurs dans le dos, dans une violence d’autant plus hallucinante que les détenus avaient réussi à calmer les plus excités d’entre eux et gardaient les otages dans des conditions très sereines. La suite est classique, puisque, à la suite de témoignages farfelus de matons racistes (et Blancs), dirigeants politiques (Blancs) et médias vont justifier cette tuerie en en masquant le bilan, et en accusant les détenus révoltés d’actes de barbarie imaginaires. Heureusement, quelques médecins et avocats intègres vont in-extremis parvenir à sauvegarder quelques preuves, et mener ensuite un long combat de plusieurs dizaines d’années pour obtenir vérité et « réparations » (difficiles pour les morts, mais aussi ceux qui ont survécu et qui, comme Frank Smith, ont été par la suite torturés). Je ne suis pas forcément fan du dessin d’Ameziane, mais il fait le boulot, et c’est très lisible. Le récit manque peut-être de souffle romanesque. Mais ça n'était pas son but, et ce témoignage glaçant est à lire. En plus de l’album cité plus haut, j’ai aussi pensé en le lisant à Kent State, quatre morts dans l'Ohio. Tous ces témoignages et documentaires montrent comment un pays prétendument démocratique traitait ses « opposants » (ou « parias ») dans les années 1970. On ne voit pas trop de différences avec certaines dictatures (et on voit bien le prolongement avec les dictatures sud-américaines soutenues par les États-Unis à la même époque). Si la situation a heureusement évolué, la violence et le racisme (qui s’ajoute aux préjugés de classe) frappent encore durement les systèmes judiciaires et carcéraux américains (de nombreuses affaires le rappellent encore récemment – voire le mouvement « Black lives matter »). Un témoignage/documentaire dur, mais à lire.
Blacksad
Je ne suis pas très polar. Bien que j'aime les mystères et les enquêtes j'ai souvent du mal avec les poncifs du genre. Pourtant, Blacksad est une excellente exception selon moi ! Déjà, ce qui saute aux yeux : c'est beau ! Le dessin de Guarnido est magnifique et colle parfaitement aux décors et à cette ambiance recherché de polar noir. Ensuite, les histoires : elles sont très bonnes. Les intrigues sont entraînantes, les personnages charismatiques et fascinants, les situations sombres et tragiques, ... Bref, ça donne envie d'être lu ! Les intrigues prenantes et souvent glauques prennent vraiment aux tripes. Du dramatique qui sait ne jamais en faire trop. Si je ne devais conseiller qu'un seul des albums, sans aucune hésitation (et sans grande originalité) je citerais sans doute le second, Arctic Nation. Bien que, polar noir oblige, tous les albums de cette série nous dépeignent les pires traits de l'âme humaine (comment ça se sont des animaux ?), c'est véritablement celui-ci qui m'a marqué dans son aspect terrifiant. Bon après, comme défaut personnel, j'avoue que l'hypersexualisation quasi-constante des corps féminins me gène un peu, mais on va dire que c'est quasiment un cliché du genre désormais. Je n'ai malheureusement pas encore pu lire les tomes 6 et 7 mais je compte bien rattraper cela dès que possible. (Note réelle 3,5)
Le Prof qui a sauvé sa vie
Les parents n’ont pas porté plainte, mais essayez de vous contrôler. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, à caractère autobiographique. Sa parution date de 2023. Il a été réalisé par Albert Algoud pour le scénario, et par Florence Cestac pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-neuf pages de bande dessinée. Florence Cestac a commencé à dessiner la première page, et elle demande à Albert à quoi correspond ce titre : Le prof qui a sauvé sa vie. Elle trouve que c’est plutôt lui qui a sauvé la vie à bien des élèves. Il répond que certes, mais il a bien failli y laisser sa peau. Et il commence son histoire : Septembre 1978, sa première affectation, à Bruyère, dans la vallée de la Vologne. Il est assis sur le lit d’une chambre d’hôtel, accablé, ses valises pas encore défaites, et étant sûr qu’il va crever d’ennui dans ce bled maudit, maudit car plus tard c’est ici qu’éclatera l’affaire du petit Grégory en 1984. Heureusement, trois mois plus tard, il reçoit une lettre du rectorat lui indiquant qu’il est titularisé : il va être prof de français au collège Tom-Morel de Roc-les-Forges, en Haute-Savoie. Son père s’était livré à une imposture auprès du ministère : il les avait appelés en se faisant passer pour Jean-Jacques Chaban-Delmas, et en exigeant qu’ils reçoivent rapidement le jeune Albert Algoud. Il fut convoqué très vite par un conseiller peu aimable. Pendant l’entretien, Albert remarque qu’il y a un journal de gauche sur le bureau du conseiller, et il sort son propre exemplaire du même journal ; l’entretien devient immédiatement cordial. Après un interminable périple en train et en autocar, il se retrouve dans une riante bourgade savoyarde, sous une pluie battante. Le lendemain matin, c’est le jour de la rentrée. Albert commence par passer à la boulangerie pour acheter un croissant. La boulangère lui dit ne pas s’encoubler à cause qu’elle a laissé la panosse. Devant l’air ahuri du client, elle traduit : ne pas se prendre les pieds dans la serpillère. Elle lui demande s’il faut mettre le croissant dans un cornet… Elle explique : un sachet. Au collège, il est accueilli par le principal : surnommé le Hareng, à cause de sa forte ressemblance au fourbe Acidenitrix, dans Le grand fossé, de René Goscinny & Albert Urderzo. Il se présente : Jacques Dacaure, le principal. Puis il lui présente ses collègues. Entre autres, il y avait Fanfoulé, prof de français et latin, personnage hors du commun. Pierre prof de gym, fumeur, laïc résolu, mélomane, sarcastique et grand lecteur. Mme Y, prof de maths, il s’est toujours demandé si elle n’était pas un homme. Jean-Paul, prof d’anglais, chanteur et joueur de saxo. Mme Tambet, prof de maths, dite la Vénus, acariâtre et terreur des nuls. Albéric, prof de dessin, toujours sympa et enthousiaste. Mlle M., prof d’histoire, chahutée, elle menace régulièrement ses élèves de se suicider. M. Z, prof de techno, sympa mais très porté sur la boutanche. M. D, alias la Science, prof de Sciences Nat, cordial, diplomate. Le jour suivant, rentrée des élèves et premier jour de classe. Les élèves de cette classe de sixième le dévisagent d’une façon incrédule. Un titre qui retourne une expression, puisque ici, c’est le professeur qui doit sauver sa vie, plutôt que de sauver la vie de ses élèves. Le lecteur peut avoir été attiré par la dessinatrice également autrice de Harry Mickson, Les Déblok, Le Démon de midi, ou encore Ginette. Elle est également la co-fondatrice de la maison d’édition Futuropolis avec Étienne Robial. Il peut aussi avoir envie d’en savoir plus sur les circonstances qui ont amené l’auteur à quitter l’éducation nationale pour devenir humoriste et travailler avec Antoine de Caunes et Karl Zéro dans Nulle Part Ailleurs, puis faire connaissance avec le professeur Choron, puis l’équipe d’Hara Kiri (Charlie Schlingo, Vuillemin, Jackie Berroyer, Gourio, Gébé, Cabu, Cavanna, Wolinski). Le titre indique également que l’auteur ne s’épanouissait pas dans son métier initial, et que l’ouvrage va donc être à charge contre le système éducatif en France, tout du moins tel qu’il existait à son époque. Ce parti pris apparaît dès la première page, dans laquelle Albert Algoud répond à l’artiste qu’il a bien failli y laisser sa vie. Puis il effectue un rapprochement entre le lieu de son affection et le fait qu’il sera le siège de l’affaire du petit Grégory six ans plus tard, établissant ainsi une curieuse relation de cause à effet à rebours de l’ordre chronologique. La description de ses collègues s’avère également très orientée : d’un côté les gens originaux et sympathiques, de l’autre les conformistes forcément névrosés et mortifères. Bien sûr, la tonalité de la narration s’inscrit dans un registre humoristique du fait des caractéristiques des dessins. L’artiste dessine ses personnages avec des gros nez, de type bande dessinée humoristique franco-belge et des mains ne comprenant que quatre doigts. Elle exagère les expressions de visage pour en faire des mimiques, avec le double effet de rendre apparent l’état d’esprit de chaque personnage et d’obtenir un effet comique doux. Le lecteur remarque d’ailleurs que le volume imposant de ces nez arrondis induit un décalage de côté un peu particulier de la bouche pour qu’elle puisse être visible. Pour autant, la direction d’acteurs reste dans un registre exprimant des nuances, sans tomber dans la caricature. Le lecteur éprouve ainsi de l’empathie pour chaque personnage : l’air sérieux du père d’Albert se faisant passer pour Chaban-Delmas, l’accueil souriant de la boulangère, le caractère acariâtre de Mme Tambet, la posture dépressive de Mlle M, les émotions plus intenses des adolescents, l’énergie mise par le prof quand il joue littéralement les scènes lors de la lecture à voix haute à ses élèves, l’insolence inébranlable de Félix qui imite Roland Magdane, le rire sans retenue des élèves devant un tableau de Joan Miró, la curiosité naturelle de ces mêmes élèves lors de la sortie à la foire aux bestiaux chaude en septembre, l’énervement du fonctionnaire de police découvrant que les lettres dénonçant les émissions de radio d’Albert Algoud ont été écrites par lui-même, la haine viscérale des skins comprenant qu’ils ont été moqués lors de leur propre défilé, sans oublier toutes les fois où Albert lui-même perd son contrôle de soi et explose. Le lecteur se retrouve en pleine empathie avec ce jeune professeur, avec ses amis, avec ses élèves, complètement de son côté. Il comprend qu’il voit les personnes et les lieux avec le point de vue subjectif d’Albert. Quand il arrive à Roc-les-Forges, le dessin montre une ville morose avec une couleur terne, et une pluie incessante, ce qui reflète l’état d’esprit dans lequel se trouve le professeur. Quand il entre s’acheter un croissant, la boulangère est tout sourire, le prof étant rasséréné par ce contact humain souriant et chaleureux. Lorsqu’il se trouve pour la première fois dans sa classe, les murs sont nus et sans identité, comme ceux d’une cellule. En revanche, lorsqu’il se trouve devant les rayonnages d’une bibliothèque, les dos sont colorés, un décor beaucoup plus attirant. Lors de la sortie scolaire à la foire aux bestiaux, les cases semblent pleines à craquer, pleines de nouvelles choses à découvrir. Lorsqu’il projette des diapositives d’œuvres d’art contemporaines, tous les élèves deviennent indistincts dans la pénombre, comme rendus anonymes par l’originalité des œuvres d’art de Paul Klee, Jackson Pollock, Joan Miró, René Magritte. Albert Algoud raconte cette période de sa vie de manière chronologique : l’annonce de sa titularisation en Haute-Savoie (où il semble se rendre tout seul, sans son épouse, ni sa fille), sa prise de contact avec les élèves et les autres professeurs, ses accrochages avec les élèves, ses échanges avec ses collègues sur ses difficultés pédagogiques, ses innovations pédagogiques (à cette époque, et dans cette région de la France), sa gaffe avec l’expression Crétin des Alpes (et le fond de vérité historique), ses relations extra-professionnelles avec certains collègues, avec certains élèves (tout en ayant conscience du risque), et enfin d’autres activités, à commencer par l’animation d’une émission sur une radio-libre, jusqu’à démissionner de l’éducation nationale. Le lecteur est de tout cœur avec lui pour cet investissement à trouver le bon mode d’intéressement des élèves, pour son côté redresseur de torts, pour son inventivité et son énergie lui permettant d’exprimer sa personnalité en sortant du cadre rigide de l’éducation nationale. De temps à autre, le lecteur ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur une facette ou une autre de ce qui est raconté. Il a bien noté qu’Albert tient un nourrisson dans ses bras en page 4, et qu’il doit être marié ou en couple, mais il n’est plus jamais fait mention d’eux par la suite, le jeune professeur ayant certainement dû se délocaliser seul en Haute-Savoie. Il ne peut pas s’empêcher non plus de penser de temps à autre à ses collègues. Albert semble plein de respect pour le prof de français et pour ses citations latines peu communes, en revanche les autres n’ont pas le droit à sa considération. Il indique à plusieurs reprises qu’il dérobe des livres dans des librairies pour les intégrer dans la bibliothèque de sa classe. Ces attitudes renvoient à la mission affichée dans le titre : sauver sa vie, en s’échappant d’un système trop strict. Une bande dessinée autobiographique pétrie de bonne humeur. Les dessins font voir le monde par les yeux du scénariste : des personnages pleins d’entrain, sauf pour quelques adultes morts à l’intérieur, l’énergie inépuisable des adolescents, les emportements du professeur, soit d’enthousiasme, soit d’indignation. Le scénariste revient sur cette période de sa vie : une solide motivation pour exercer son métier de professeur, mais un système éducatif qui perpétue l’injustice sociale, et qui exige que pour enseigner il faut avoir la foi dans sa vocation. En prime, une anecdote savoureuse avec Fabrice Luchini découvrant que son chauffeur de taxi connaît Albert Algoud.
Coboye
Ha ba là moi, je craque ! Des histoires de mômes, un dessin meûgnon comme tout, et un petit humour frais comme la brise de printemps : il y a tout pour me plaire. Déjà le dessin. Il est top ! Vaguement passéiste (ce qui n'est pas pour me déplaire), terriblement expressif, il est tout entier dédié à l'innocence de l'enfance, ou disons à sa spontanéité. Le choix des couleurs est à l'avenant, et évoque la palette de Camille Jourdy pour sa BD Pépin et Olivia, une autre BD sur l'enfance, tiens. L'humour est finaud. Cécile file la métaphore du Far West, avec dans le rôle du coboye une petite fille choupinette dont le caractère fait songer à Mafalda ou Pico Pogue. Et dans celui du shérif, la mère, un peu dépassée par ce "tron de l'air" d'enfant ! Et oui ! Le héros est une héroïne. A ce titre, on appréciera tout particulièrement ce gag où la petite est perchée sur une branche, observant de loin la nouvelle voisine (entourée de ses deux jeunes garçons) discuter avec sa shérif de mère pour lui dire : "Ah oui ! Tu as deux filles, toi... Remarque, il faut bien des filles pour les fils des autres !". Le dessin est assorti de ce commentaire : "Dans l'Ouest sauvage, on rencontre toutes sortes d'esprit agités. Le coboye sait garder ses distances... Petit topo féministe au passage... Cécile porte un regard tendre sur l'enfance échevelé des gosses de la campagne. C'est juste et touchant, parfois même un peu triste (la saynète finale, très Douce amère). En un mot, cette BD, c'est un vrai bonbec !
La Reine de Saba
"La Reine de Saba" est l’adaptation du roman du même nom de Marek Halter par Jean-Marie Michaud. La vie romancée de Makéda, de sa jeunesse à Maryab à sa rencontre avec le roi Salomon. Une préface qui fait le point entre légende et réalité, ainsi qu'une carte géographique représentant les différents royaumes. Instructif. Autant le dire d'entrée, j'ai été conquis par cette femme d'exception (et peut-être un peu amoureux). Une femme gâtée par dame nature, ou par son dieu Almaqah, elle est élancée, gracieuse, belle, cultivée, curieuse, intelligente et au fort caractère. Elle sera femme de guerre et femme d'amour. Mais surtout une femme moderne, elle sera s'adapter aux circonstances (politique, alliance, commerce et religion) pour le bien de son royaume. Une main de fer dans un gant de velours. Un récit captivant et bien construit, j'ai eu l'impression de lire un récit Historique : la vraie vie de Makéda, reine de Saba. 260 pages de bonheur. Un dessin envoûtant qui m'a plongé trois mille ans en arrière. Il retranscrit superbement cette période historique avec le grand soin apporté aux décors et aux personnages. Un dessin somptueusement rehaussé par de magnifiques couleurs à l'aquarelle. Quelques planches dans un style moyenâgeux pour les récits hébraïques qui jalonnent le récit et pour les extraits du "Cantique des cantiques" (relation charnelle entre Makéda et Salomon), mais avec une touche exotique en plus pour ces derniers. Très, très beau ! Une reine charismatique que je vous conseille de découvrir. Dans mon top 5 des BD 2024. Il ne me reste plus qu'à lire Le Mahâbhârata.
Giant Days
Okay, je retrousse mes manches, je vais essayer d'augmenter la note de cette série qui le mérite. Giant Days, c'est une série tranche de vie autour de trois jeunes adultes en pleines années fac qui se démarque avant tout par la forme de sa narration. Autant le dire tout de suite, même si le fond est assez souvent sérieux (bons nombres de sujets de sociétés sont abordés) la forme elle est on ne peux plus loufoque. A grands coups de longues tirades mélodramatiques et de punchlines pince-sans-rire, les trois jeunes femmes et leurs entourages tentent de refaire le monde, de se chercher, de grandir tout simplement. C'est principalement un humour que j'appellerais verbeux : il repose justement sur le fait de produire des phrases absurdement longues et/ou complexes, des métaphores alambiquées et des réparties cinglantes. Pour en avoir souvent parlé avec des gens, je constate que cet humour est loin d'être universel, mais quand, comme moi, on sait l'apprécier, cette série fait mouche. On ne pourrait pas aborder l'humour de cette série sans rappeler qu'elle est d'origine britannique et que les amateur-ice-s de blagues à froids ne seront pas non plus dépaysé-e-s. Comme dit plus haut, c'est avant tout un récit autour de jeunes adultes, des individus se trouvant à cet âge presque ingrat où l'on n'est plus vraiment jeune mais où l'on ne se sent pas encore vraiment adulte pour autant. Les personnages grandissent, évoluent, se cherchent et on s'attache facilement à tout ce beau monde. Tiens, d'ailleurs, on ne les a pas encore présenté-e-s ! Il y a d'abord Esther, la gothique drama queen et férue de beaux garçons, puis Daisy, la gentille fille naïve et sérieuse, et enfin Susan, l'intellectuelle n'hésitant pas à relever ses manches et rentrer dans le lard. Autour de nos trois héroïnes, on retrouve toute une flopée de personnages secondaires. Deux d'entre eux pourraient même facilement être considérés comme des personnages principaux à par entière : j'ai nommé Ed, le garçon éperdument amoureux d'Esther et extrêmement malchanceux, et McGraw, véritable machine humaine à la moustache constamment impeccable. Les dessins de Max Sarin et Lisa Treiman sont tous deux très jolis. J'ai une préférence pour le style de Lisa Treiman (artiste que j'aimerais beaucoup voir dans d'autres projets), mais j'avoue que, lorsque l'on me dit "Giant Days", ce sont tout de même les dessins de Max Sarin que j'imagine (sans aucun doute car ce sont eux qui illustrent le plus d'albums de cette série). Mention spéciale pour les dessins et chapitres bonus de John Allison disponibles dans la réédition. Après, c'est sûr que si l'on n'aime pas les récits tranche de vie, les problématiques typiques des jeunes adultes et l'humour que je vous ai décris plus haut, la série n'est pas vraiment faite pour vous. La conseillerais-je à tout le monde ? Non. Mais je la conseille tout de même aux amateur-ice-s de récits du quotidien pleins de bons sentiments et sous forme comique. Une bonne série, surtout pour de jeunes adultes ou des adolescents. (Note réelle 3,5)
Killing Joke (Batman - The Killing Joke/Rire et Mourir/Souriez !)
Un bel hommage au Joker que ce "Killing Joke" de Moore et Bolland ! Le dessin de Brian Bolland, tout d'abord, est vraiment magnifique avec une mise en page et des cadrages très réussis. A lui seul, comme le souligne Présence, il justifie l'achat de cet ouvrage. Avec les différentes versions du joker qui existent à présent, je reste également plutôt fan de la gueule, relativement traditionnelle, que lui a conféré le dessinateur. Si la colorisation est assistée par ordinateur, elle reste toutefois relativement agréable à l’œil et les flashbacks en N&B et sépia participent à l'immersion du lecteur. Côté scénario, Alan Moore ne révolutionne pas le genre et nous sert une histoire classique d'évasion du Joker et de duel à mort avec son meilleur ennemi, Batman. La surprise vient plutôt dans le côté réaliste et malaisant de l’agression et de la torture que fait subir le Joker à Gordon et sa fille. J'avais rarement vu un tel niveau de réalisme trash dans une BD de Batman... Alan Moore se permet également de réinventer le mythe du Joker en tentant d'expliquer comment il est devenu le gangster le plus fou de Gotham. Si sa biographie reste relativement classique, elle n'en est pas moins intéressante à découvrir. Concernant l'ouvrage en lui-même, comme toute bonne édition Urban DC Comics, la préface de Tim Sale et la post-face de Brian Bolland ainsi que les annexes apportent une réelle plus-value à la lecture. Une très belle édition en somme! Ma seule déception concerne la brièveté de l'histoire. Elle se lit bien trop vite à mon goût et elle n'est constituée que d'un seul arc narratif, relativement classique, m'empêchant de mettre la note suprême de 5/5. Mais elle reste tout de même sans nul doute parmi les meilleurs histoires du Joker jusqu'à présent. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 7/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 9/10 NOTE GLOBALE : 16/20
Ivo a mis les voiles
Un album passé sous mon radar lors de sa sortie et c’est bien dommage, tant il aurait mérité les honneurs en 2023. Je me joins de mon cœur à la note de mes prédécesseurs. Alors attention rien de fou, on est dans le pur roman graphique. L’histoire se présente sous la forme d’un Road movie avec moult rencontres. On suit un mec un peu paumé parti sur les traces de son père décédé, la narration alternant les 2 parcours. Sauf que tout est réussi, la localisation amène un certain dépaysement, les interrogations/doutes/thématiques m’ont paru fines comme pertinentes, et enfin une réalisation de haut vol (trait, découpages, couleurs …). Le tout apparaît très soigné. Je ne sais pas s’il y a un lien entre les auteurs (même nom de famille) mais il y a une certaine osmose avec cette adaptation. Je découvre l’artiste qui livre ici du superbe boulot. Tout est là pour nous embarquer, je ne peux que vous inviter à monter à bord. Une chouette balade.
Traquemage
J'avoue que j'étais assez circonspect en voyant cette "rural fantasy" (l'invention de cette catégorie est trait humoristique mais à lire un commentaire précédent, il semble que tout le monde ne soit pas perméable à cet humour :)) aussi bien classée ici. Le nom de Lupano et les critiques précédentes m'ont décidé à sauter le pas, étant amateur de fantasy plus "traditionnelle". On est ici loin des héros classiques des grandes épopées, et c’est bien là tout l’intérêt. Pistolin, berger et fromager, se retrouve entraîné dans une quête improbable, motivée par une simple envie de vengeance. Plus de troupeau, plus de village, tout a été réduit en cendres par des mages qui se chamaillent sans se soucier des conséquences. Il décide alors de partir en guerre contre eux, accompagné de Myrtille, une brebis peureuse, et de Pâquerette, une fée alcoolique et grande gueule. Le scénario de Lupano détourne avec brio les codes de l’heroic fantasy pour les ancrer dans un univers campagnard. Rien de grandiloquent ici, tout est décalé, des dialogues pleins de verve aux situations absurdes qui s’enchaînent. On sent que Lupano s’amuse à dynamiter le genre, avec une ironie qui rappelle parfois l’esprit de Kaamelott. Les répliques fusent, l’humour est pince-sans-rire, et chaque personnage apporte son lot de moments mémorables. Le dessin de Relom complète bien cet univers. Les visages sont expressifs à souhait, oscillant entre caricature et réalisme. On y retrouve un parfum de terroir, un peu rustique, mais toujours soigné. Le trait est précis, parfois exagéré juste ce qu’il faut pour appuyer les situations les plus loufoques. Et les couleurs, discrètes mais bien choisies, servent le ton sans jamais l’éclipser. Une BD qui revisite le genre avec un regard irrévérencieux et rafraîchissant. Pas besoin d’être fan de fantasy pour apprécier cette aventure déjantée. J'ai suivi ce trio avec plaisir, mais je suis bon public, je ne sais pas si ce genre d'humour correspondra à tous. En tous cas pour moi c'est un grand oui et un coup de coeur. Merci encore à BDThèque.
Par la force des arbres
Je trouve qu'il y a quelque chose d’intrigant dans ce choix de tout plaquer pour vivre dans un arbre. Peut être tout simplement que ce choix résonne chez moi. Pas pour fuir, mais pour retrouver. Le récit s’ouvre sur cette cabane (joliment) bricolée à la main, perchée au milieu des bois. C’est là que Dominique Mermoux, ancien berger, va passer des semaines à écouter le bruissement des feuilles, à observer le temps qui s’étire, à apprivoiser une solitude choisie. Rien d’extraordinaire à première vue, et pourtant, tout se joue dans cette simplicité. Loin du tumulte, chaque détail devient important. Le dessin suit cette idée. Dominique Mermoux ne cherche pas l’esbroufe. C’est sobre, des aquarelles qui laissent la lumière et les espaces s’exprimer. L’approche est posée, comme si les pages respiraient avec le récit. Ce n’est pas un livre qui cherche à éblouir, mais à inviter à regarder autrement. Le rythme est lent, presque contemplatif, mais jamais lourd. Il y a des flashbacks, quelques retours sur une vie d’avant qui apportent un contrepoint à la sérénité actuelle. Ils ancrent le personnage dans une réalité qu’il a choisie de quitter, mais qu’il n’oublie pas. Le ton n’est jamais moralisateur. Pas de grandes leçons sur la nature ou sur la société (qui en tente beaucoup d'autres, souvent pour un résultat qui tombe un peu à côté de la plaque je trouve), juste une expérience partagée, une réflexion à voix basse sur ce qu’on perd et ce qu’on gagne quand on décide de ralentir. Pas de grandes scènes marquantes, mais une atmosphère qui reste. On referme l’album avec l’envie de prendre un peu de recul, de chercher son propre arbre, même si ce n’est qu’un moment.