Les derniers avis (30760 avis)

Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série Rhâ-Gnagna
Rhâ-Gnagna

Ya'bon Gotlib. C'est vrai, il y a les mirrifiques Rubrique-à-Brac ou les très bons Les Dingodossiers. Mais il y a aussi des compilations plus salaces comme Rhââ Lovely ou cette série qui est un poil devant Rhââ Lovely car le contenu est plus homogène. Plus loufoque et décomplexé que jamais (Goscinny aurait peut-être tirer le frein à main à plusieurs reprises), Gotlib se lâche et tape dans tout ce qu'il s'interdisait auparavant: les enfants ne sont vraiment plus aussi sages. Il faut qu'il avait la notoriété et donc un champ plus libre pour offrir à ses nommmmbreux fans des scènes qui ne demandaient qu'à littéralement éclater les cases. Son dessin est toujours au zénith et son amour pour son travail bien présent. Bref, 2 tomes à rajouter à votre étagère consacrée à Gotlib (qui prend de la place mine de rien).

02/01/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Tuez la grande Zohra !
Tuez la grande Zohra !

C’est puéril ! Personne n’est innocent dans une guerre ! - Ce tome est le premier d’un diptyque constituant une histoire indépendante de toute autre. Il vaut mieux disposer de quelques connaissances basiques sur l’époque des faits (1962) pour pleinement apprécier le récit. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Yann (Yann Le Pennetier) pour le scénario, et par Jérôme Phalippou pour les dessins, la mise en couleurs étant l’œuvre de Fabien Alquier. Il comprend cinquante-quatre pages de bande dessinée. Il se clôt par un dossier de six pages, composée d’un entretien avec le scénariste sur la genèse du projet, de crayonnés du dessinateur, et de photographies sur les attentats de cette époque-là. Canal d’Orthies, près de Lille, au printemps 1988, un coup de feu retentit dans une péniche amarrée sur le bord. Un groupe de trois jeunes hommes écoute de la musique non loin de là en fumant, ils vont voir ce qu’il en est. Ils montent à bord, et entendent le refrain d’une chanson d’Édith Piaf sur un disque rayé. Ils appellent, mais personne ne répond. Ils découvrent une affiche OAS veille sur un mur, une photographie de El Beida, l’un d’eux comprend que l’occupant doit être un pied-noir. Ils trouvent l’homme assis sur son fauteuil, s’étant fait sauter le caisson avec un pistolet. Sur son bureau devant lui, la photographie d’une jeune fille défigurée à la suite d’une explosion. Ils finissent par se rendre compte qu’ils n’auraient pas dû toucher aux objets. Ils effacent rapidement leurs empreintes, et ils mettent le feu à la péniche, avec la lampe tempête à pétrole. Le feu se propage, ravageant tout à l’intérieur, et la péniche se consume. À Paris en 1983, Martine Goupil est en train de se faire examiner par une ophtalmologiste. Celle-ci l’informe qu’elle sera aveugle d’ici un an ou deux, cinq maximum. Il n’y a rien à faire pour retirer l’éclat logé dans son œil, au contraire une intervention risquerait d’accélérer l’inéluctable. Elle lui conseille plutôt de profiter de ce répit pour préparer sa future existence. La docteure va lui donner l’adresse d’une association qui procure des chiens d’accompagnement pour non-voyants. Le plus tôt, la patiente et le chien s’habitueront l’un à l’autre, plus facile sera la cohabitation. Ensuite, elle lui prescrit du Bradotex, un collyre anti-inflammatoire. Enfin, elle lui conseille de prendre toutes les dispositions nécessaires à régler toutes les choses prioritaires, qu’elle ne pourra plus accomplir lorsqu’elle sera privée de la vue. Martine Goupil se lève, le visage déterminé, en indiquant que l’ophtalmologue a raison : il y a une chose prioritaire qu’elle doit régler avant. Le premier janvier 1968, dans les studios de l’Office de radiodiffusion-télévision française, Brigitte Bardot est en train d’enregistrer un Scopitone pour la chanson Harley Davidson. Puis, elle est interrogée par un journaliste dans la loge où elle se prépare pour tourner une scène de film : A-t-elle peur de la mort ? Pourquoi a-t-elle refusé de céder au chantage de l’OAS ? En tant que maman, pourquoi a-t-elle refusé de payer malgré les menaces de ces tueurs ? Et même après une lettre de l’OAS, menaçant de la défigurer au vitriol si elle continuait à refuser de céder ? Pas très facile de se figurer la tonalité de la narration de ce récit d’après la couverture : l’appellation dérivative du président Charles de Gaulle (la grande Zohra), le rendu un peu enfantin de la fillette (laissant supposer une bande dessinée pour un jeune public), la réalité de l’attentat rendu visible par les bris de verre et le souffle de l’explosion, le slogan prometteur de violences aveugles. Le lecteur découvre la première séquence, la plus longue, qui semble correspondre à la fin du récit, à son terme : la mort d’un individu membre de l’Organisation de l'armée secrète (créée le onze février 1961), qui s’est vraisemblablement suicidé, et la photographie de la fillette défigurée, vraisemblablement celle de la couverture. Les trois jeunes hommes ne sont pas très futés, mais la violence est bien réelle avec cette destruction par le feu. La narration visuelle est de nature descriptive et réaliste, avec un degré de simplification dans les représentations, et une forme d’entrain humoristique dans le langage corporel des adolescents. Sans oublier la touche ironique du refrain répété inlassablement, Édith Piaf chantant avec assurance qu’elle se fout du passé. Surprise, la séquence suivante revient dans le passé en 1983, avec la même expressivité des regards, et un diagnostic très dur. Encore plus loin dans le passé, en 1968, avec cette fois-ci Brigitte Bardot (1934-) qui aspire à laisser le passé (OAS et guerre d’Algérie) derrière. De fait, le lecteur a tôt fait de constater que le scénariste a conçu une structure très particulière pour son récit : vingt-quatre scénettes de une à six pages, passant d’une époque à l’autre, d’un lieu à un autre. Ce montage confère un rythme rapide et soutenu au récit, et incite le lecteur à rester attentif. En effet, il doit suivre la succession de dates pour comprendre lesquelles sont rattachées par un lien chronologique de cause à effet, et lesquelles relèvent plus d’une explication à rebours. En prenant par le commencement, le récit passe ainsi de 1988 à 1983, puis 1968, puis 1964, puis 1961, pour repasser en 1978, puis 1962, 1978, 1962, puis 1987, puis 1962, 1987, 1962, 1964, etc. En fonction de son état d’esprit, le lecteur peut y voir un maniérisme artificiel allant de pénible à insupportable, ou à une présentation inventive propice à rapprocher des faits et établir des liens qu’une simple narration chronologique n’aurait pas mis en lumière. Dans l’entretien avec le scénariste, le journaliste lui demande pourquoi il a fait le choix d’une structure fragmentée en une myriade de séquences temporellement mélangées. Le scénariste répond que : Le récit supposait de suivre le destin de Martine de l’âge de quatre ans jusqu’en 1988 en parallèle avec les attentats commis par l’OAS, ce qui aurait été rapidement déséquilibré puisque ces attentats se situent dans leur grande majorité en 1962. Il continue en indiquant qu’il a alors pensé à s’inspirer de l’éclatement d’un pain de plastic projetant des débris dans toutes les directions… et il trouve que ça fonctionne plutôt bien. Le lecteur ressent une empathie de bon aloi pour ces trois jeunes gens pas très futés, mais débrouillard. Il comprend bien que les auteurs l’accrochent ainsi avec une scène d’action, une mort violente et un incendie pyrotechnique, il ne demande qu’à découvrir l’enchaînement d’événements dont cette scène semble constituer la résolution. La narration visuelle séduit par la vie qu’elle insuffle dans les personnages, par l’attention portée aux choix des détails dans les éléments de la péniche et les affaires personnelles. L’intégration du refrain qui se répète inlassablement dans la gouttière entre deux bandes de cases fonctionne très bien. Les auteurs sont confrontés aux choix nécessaires pour représenter la violence. Pour l’attentat du huit septembre 1961, ils montrent l’explosion de la bombe et la DS présidentielle sortir d’un mur de flammes. Le résultat est spectaculaire, montrant l’intensité de l’acte terroriste, sans aucune forme d’admiration au vu de l’expression de terreur se lisant sur le visage de tante Yvonne (1900-1979). Le premier attentat est d’abord évoqué rétrospectivement par Djamila Pellazza, puis montré alors que la porteuse de feu dépose la bombe dans le Milk Bar. Le lecteur tourne la page et il voit l’explosion se produire pulvérisant et déchiquetant les consommateurs représentés en ombre chinoise : une vision pudique et terrifiante. Deux pages plus loin, il observe une jeune femme chercher les siens dans les décombres recouverts de cendres, une case déchirante. Les deux occurrences suivantes sont plus désincarnées : le bruit d’une explosion entendu dans un appartement proche par le couple Raymond et Monique, une image consacrée au bâtiment principal d’une très grande propriété qui explose vu de l’extérieur. Enfin il y a la charge des CRS et la mêlée qui s’en suit contre les manifestants en mai 68, le temps d’une fine case de la hauteur de la page. Cette approche remplit sa mission de montrer la violence, de la faire ressentir au lecteur sans l’esthétiser, sans la rendre belle. Le dessinateur a également pris le parti d’introduire une légère touche d’exagération dans les expressions des visages, dans la taille des yeux, dans leurs mimiques : à nouveau ce dispositif visuel fonctionne bien pour les rendre plus vivants et plus faillibles pour le lecteur. Les séquelles physiques dont souffre Martine Goupil constituent une condamnation sans appel des actes terroristes. Ce qui n’empêche pas les auteurs de développer le fait que c’est plus compliqué que ça. Cette femme ne souffre pas que dans sa chair, mais aussi dans son esprit. Le scénariste le montre par une réflexion anodine en apparence, mais horrible quant à ce qu’elle révèle : quand Martine Goupil épèle son nom. Elle choisit de ne pas se référer au Renard, mais à la goupille de grenade, en précisant sans le L et sans le E à la fin. De la page vingt-et-un à la page vingt-trois, Djamila Pellazza (la poseuse de bombe dans le Milk Bar) intervient dans une conférence, interrogée sur l’estrade par l’animateur, et Martine Goupil se lève dans la salle pour dénoncer la posture qui consiste à se faire passer pour courageuse alors que Pellazza a déposé lâchement des explosifs dans un lieu public pour tuer et mutiler des civils innocents. Nina Chicheportiche intervient à son tour pour accuser la porteuse de feu d’avoir tué sa petite sœur et mutilé son petit frère. La moudjahida répond que personne n’est innocent dans une guerre, que le seul responsable de cette tragédie est l’état français qui a envoyé ses troupes envahir son pays, et qu’elle n’a fait que son devoir de patriote en prenant les armes pour son pays. Les auteurs savent incorporer des touches d’humour discrètes en phase avec le récit : deux lettres grattées sur un cendrier (pour raccourcir Oasis en OAS), la bêtise des conspirationnistes, un massacre de canetons pour des besoins télévisuels, ou encore un couple de français très moyens (Raymond & Monique) qui ne sont autres que les personnages créés par Didier Tronchet en 1984 pour sa série Raymond Calbuth. Une nouvelle bande dessinée sur les attentats contre le grand Charles, après par exemple Tuez De Gaulle, de Simon Treins & Munch ? Pas vraiment, car le point de vue est celui d’une fillette qui a été victime de l’explosion d’une bombe dans un café à Alger, et qui a grandi. Sous réserve qu’il parvienne à s’adapter à la chronologie sciemment fragmentée, le lecteur profite d’une narration visuelle dure sans être larmoyante, avec une reconstitution solide et discrète (parfois des affiches de concert sur les murs). Il constate rapidement que le récit prend une approche adulte, à la fois en restituant la complexité des décisions pour chaque combattant, à la fois en montrant les conséquences à long terme, aussi bien physiques que psychologiques.

02/01/2025 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série Le Loup
Le Loup

Je ne connaissais Rochette que par son Le Transperceneige, que je n'ai pas encore lu. Et puis un ami m'a prêté cette BD qui donne de suite l'envie de le suivre. Son univers est sensible, respectueux de l'homme et de la nature qui coexiste parfois contre chacun leur gré. Le loup est une bête, l'homme aussi. Chacun a ses raisons, c'est donc à l'autre de laisser sa place. La relation entre le montagnard et le loup est loin d'être simpliste, un mélange de haine et de respect cité par les autres lecteurs ci-dessous. Et puis le dessin, ces scènes alternant l'aube, la nuit et le crépuscule... c'est magnifique, le choix des couleurs est parfait. Je lis que cette belle aventure fait partie d'une trilogie sur la montagne, je vais immédiatement y grimper car ce Mr Rochette a de sacrés atouts.

01/01/2025 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série Joe Bar Team
Joe Bar Team

Litteul Kévin ça me gonfle, mais "Joe Bar Team" m'a éclaté lorsqu'un pote me l'a fait découvrir au collège. Les 2 premiers tomes sont énormes, tant au niveau du dessin rappelant celui de Franquin que des gags qui ne se renouvelaient pas encore vraiment. Bref de la vraie barre de rigolade. Les personnages ont des trognes, des expressions, une personnalité, personne n'est relégué au second rang. Et quel amour pour la mécanique. Je n'y connais rien en bécanes mais je raffole des descriptions des montures d'Ed, Jeannot et les ordre, presqu'envie de passer le permis moto tiens! Je suis loin d'être axé sur la vitesse et le mépris du code de la route mais cette bande m'a fait kiffé et encouragé ces fous furieux. Et puis, chapeau à Fane pour l'idée d'introduire une nouvelle bande d'une autre génération avec d'autres codes et d'autres cylindrées. Du grand art de recyclage. J'avoue que la deuxième moitié des tomes a vraiment du mal à se renouveler, c'est pour ça que j'attribue sans hésitation 5 aux 2 premiers tomes, 3 aux 4 derniers => 4/5 pour l'ensemble.

01/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Cœurs insolents
Les Cœurs insolents

Un album très intéressant, sur plusieurs registres. D’abord c’est une belle autobiographie – partielle bien sûr, mais sincère et sans tabou. Ensuite parce qu’Ovidie réussit très bien, au travers de son expérience personnelle, à traiter de sujets de société hélas toujours d’actualité (le viol), mais aussi des conflits de générations, des relations mère/fille, puisque nous la voyons à la fois à l’âge de l’adolescence et à celui de mère d’une adolescente. Ovidie parvient à parler d’elle-même et de ses expériences – sexuelles par exemple – à la fois avec pudeur et avec force. Son propos est clair, touchant, et la nuance employée pour dénoncer ce dont elle a été victime (un viol) et tout un tas de stéréotypes sexistes ne rend que plus efficace sa démonstration. Je mettrais juste un petit bémol concernant un point (et je ne suis donc pas entièrement d’accord sur ce point avec l’avis précédent) : si je suis d’accord que ce sont des hommes qui sont responsables de la quasi-totalité des viols et que les tabous et stéréotypes sociétaux placent souvent la femme en position de faiblesse, je ne pense pas que tout homme est un violeur en puissance. Indépendamment de mon cas, je ne connais pas dans mon entourage de personne ayant été acteur d’un tel crime (même si évidemment je ne suis pas forcément au courant de tout). En tout cas le sujet de cet album m’intéresse beaucoup. Je suis enseignant en collège, côtoie beaucoup d’adolescents et adolescentes donc, et je sais ce que les réseaux sociaux, l’accès à la pornographie (10 ans et demi en moyenne pour la première fois !) et la pression du groupe peuvent engendrer en matière de comportement. De plus, j’interviens depuis une douzaine d’années dans les classes pour l’Éducation à la vie Affective Relationnelle et Sexuelle, je trouve donc important que les jeunes soient informés, qu’ils sachent décrypter certaines normes et comportements illégaux, et que le consentement soit une des bases de relations sexuelles sereines. Et les récentes interventions des surgeons de la Manif pour tous (relayés par la droite – pas uniquement extrême) contre ces interventions (qui par ailleurs n’ont jamais été réellement financées et qui risquent de disparaitre simplement par manque de moyens) ne font que renforcer ma volonté de poursuivre dans cette voie. Pour revenir à l’album, Ovidie nous propose ici une lecture qui questionne hommes et femmes, mais qui le fait intelligemment, y compris lorsqu’elle avance un discours féministe très engagé. Mais certaines vérités n’ont pas de sexe… Une lecture fortement recommandée donc. Le dessin est agréable et accompagne bien ce récit souvent dur et douloureux, même si Ovidie prend quand même le temps de distiller de l’optimisme (dans ses interventions en lycée, mais aussi avec sa fille).

01/01/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Nos âmes oubliées
Nos âmes oubliées

Voilà, c'est ma première BD de l'année. Et je suis très heureux que ce soit celle -là précisément, d'abord parce que je suis Stéphane Allix depuis des années et que je suis tout à fait en phase avec ses recherches, et ensuite parce que ça me réconcilie avec Grégory Panaccione. Pas que je sois faché, non, mais disons que j'étais resté sur une BD un peu médiocre de cet auteur que j'aime bien. Cette BD est donc une adaptation d'un récit autobiographique de Stéphane Allix que je n'ai pas lu. Mais tout ce que Panaccione en retranscrit, je le comprends. Il utilise des raccourcis graphiques pour synthétiser des émotions, ou, plus difficile, pour relater des expériences psychédéliques qui sont tout à fait convaincants. On sent que Panaccione a tout à fait compris les enjeux et les ressorts d'une telle expérience, peut-être pour en avoir vécues lui même de semblables ?... Quoiqu'il en soit, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est à l'écoute de son sujet. Son dessin, on le connait : il vibre, tout entier dédié à son sujet, et ici peut-être plus qu'auparavant, tout en étant plus ancré dans le réel. Cet étrange paradoxe, du moins en apparence, apporte une touche tout à fait vivante. Quant aux faits relatés, ils sont pour le moins troublants, et pourraient très bien passer pour des affabulations. Or rien ne serait plus faux que d'affirmer une telle chose. Allix explore la conscience depuis tellement d'années que renvoyer son récit aux orties d'un simple revers de main confinerait au déni le plus primaire. De toute façon, cellezéceux qui ont pu vivre de telles choses, ne serait-ce que de manière fugitive, savent... Mais bref ! Au delà de la simple "croyance", on ne peut qu'être saisi devant cette mise à nu profonde de l'auteur (je parle de Stéphane Allix). Il se livre sans fard, et on sent que son témoignage est porté par une volonté farouche de dire le vrai. L'auteur se livre crument, et qu'on le croit ou non, on reste stupéfait devant tant d'honnêteté, et les émotions parfois sauvages et contradictoires qui agitent Stéphane Allix, illustrées à merveille par Panaccione, acquièrent une densité et une force palpable. C'est une belle histoire sur la puissance du pardon. C'est une porte ouverte sur la conscience, une petite chance offerte à tous ceux qui cherchent sans trouver, en tournant en rond, souvent sans même savoir qu'il y a à chercher. C'est un très beau livre, pétri d'amour, susceptible de pas mal solliciter les glandes lacrymales de ses lecteurs et trices.

01/01/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Le Petit Théâtre des opérations - Toujours prêtes !
Le Petit Théâtre des opérations - Toujours prêtes !

Toutes deux s’étaient dévouées à une mission aussi simple que grande : aider les autres. - Le titre en deux parties de ce tome indique qu’il peut être considéré comme une série dérivée de Le Petit Théâtre des opérations (trois tomes de parus en 2022), toutefois il peut se lire indépendamment, sans avoir lu les autres. Sa première édition date de 2023. Il a été réalisé par Julien Hervieux (alias l’odieux C., également scénariste de la série initiale) pour le scénario, et par Virginie Augustin pour les dessins et les couleurs. Il comporte huit récits, chacun complété par une page de texte développant un pan des circonstances afférentes. Marie Marvingt : la fiancée du danger. En Lorraine, en 1885, deux garçons sont en train de courir de toutes leurs forces, ils s’arrêtent à bout de souffle, demandant d’arrêter à Marie, 10 ans. Depuis toute petite, Marie Marvingt a une passion le sport. Pas un. Non, tous les sports. Forcément elle finit dans un cirque : écuyère, funambule, etc. Bon, en fait, Marie est le cirque à elle seule. Marie décroche même son permis de conduire, le brevet de pilotage de ballon aérien. Et est même la première femme à piloter un avion seule. Elle tente la traversée de la Manche en ballon avec un autre pilote. Elle le fait. Elle s’écrase à l’arrivée. Elle a aimé ça. Marie apprécie aussi le cyclisme, à la pratique duquel elle s’adonne en pantalon, ce qui lui vaut d’être arrêtée par la maréchaussée car le port des pantalons est interdit aux femmes par un arrêté de 1800. Elle invente la jupe-culotte. En 1908, elle tente de prendre le départ du tour de France. Le règlement lui interdit de prendre le départ avec du tour avec les hommes. Marie part donc après les hommes. Sur les 114 coureurs au départ, seuls 36 bouclent le tour… dont Marie. En 1910, Marie est aussi devenue une alpiniste de renommée internationale, patineuse, skieuse. Elle reçoit des médailles d’or pour quantité de sports. Elle en a en fait plus d’une vingtaine. Et puis arrive la première guerre mondiale. Elle s’engage dans l’armée en se faisant passer pour un homme. Nancy Wake : une souris et des hommes. En 1935, Nancy Wake, une jeune journaliste australienne travaillant pour un journal parisien, est parvenue à décrocher une interview d’Adolf Hitler. Peu après elle assiste à un lynchage de juifs dans la rue, ce qui la révolte. En 1939, Nancy, mariée à un millionnaire en France, apprend que la guerre est là. Elle décide de s’engager comme ambulancière pour s’opposer aux nazis. Après l’armistice, elle s’engage dans la résistance et, sous le nom de la souris blanche, elle aide les soldats étrangers à sortir de la zone occupée. Milunka Savi? : Mulan en Serbie. 1913, en Macédoine : la deuxième guerre des Balkans oppose serbes et Bulgares. Le soldat Milun est touché et opéré dans un hôpital militaire de campagne : c’est une femme. À la sortie de l’hôpital, son supérieur lui fait comprendre qu’il ne peut lui proposer qu’une petite place d’infirmière. Elle insiste : elle est promue sergent et lorsque la première guerre mondiale éclate, elle est en première ligne pour combattre les austro-hongrois à coup de grenades. S’il n’a pas mis le nez dans la série-mère Le petit théâtre des opérations (il est encore temps de le faire, et cette lecture lui en donnera l’envie irrépressible), le lecteur commence par éprouver un choc déstabilisant. Les auteurs ne se prennent pas au sérieux, et ils ne chantent pas les louanges de l’âme patriotique, ni les exploits militaires de ces dames, comme des exemples de bravoure et de virilité (ah oui, pour ce dernier point, c’est compréhensible). Le scénariste adopte un ton entre sarcasme et raillerie, alimentant un fond de dérision dont il ne se départit jamais. Les cyclistes du tour de France s’exhortent les uns les autres à aller plus vite parce que Marie Marvingt se rapproche derrière eux. Lorsque Nancy Wake l’interviewe, l’explication d’Adolf Hitler est commentée par C’est pour ça qu’il a arrêté la peinture, évoquant son échec à intégrer les Beaux-Arts par deux fois. Concernant Milunka Savi?, le scénariste écrit : Comme elle est dangereuse, de près, les Autrichiens décident de l’avoir de loin avec l’artillerie. Pour le combat de la Rougemare et des Flamants, il tourne ridicule les Français incapables de reconnaitre l’uniforme militaire allemand. Il n’hésite pas à faire revêtir un bonnet d’âne par Yoshiko Kawashima. Avec ses mots, Marie Curie fait observer à son époux qu’avec deux prix Nobel, révolutionner les soins en temps de guerre, elle n’est plus à ça près. Etc. la narration visuelle est tout aussi enlevée, avec de nombreux gags purement visuels : des Lego pour réaliser un prototype de skis pour avion, un foyer de cheminée avec un parachute pour accompagner la descente d’un parachutiste britannique, un passage au noir & blanc avec une imitation de manga shojo pour Yosjiko Kawashima, un portrait de Staline avec un petit arc-en-ciel et des petits cœurs dans le bureau d’un gradé militaire, Donald Trump au milieu d’une foule américaine lors d’un colloque. Etc. Une fois qu’il s’est adapté au ton persifleur des auteurs, le lecteur peut apprécier chaque récit, chaque héroïne et ses accomplissements. En effet, l’humour ne vient jamais diminuer ou ridiculiser lesdits accomplissements. Marie Marvingt (1875-1963) place la barre très haut avec ses exploits sportifs, ses inventions pour améliorer l’évacuation des blessés, l’invention également d’un type de suture plus efficace, et après la guerre le pilotage d’hélicoptère à quatre-vingts ans passés. Le scénariste a ainsi retenu huit femmes s’étant impliquées dans les deux guerres mondiales (cinq pour la première, trois pour la seconde) : Marie Marvingt, Nancy Wake (1912-2011), Milunka Savi? (1890-1973), Octavie Delacour (1858-1937), Yoshiko Kawashima (1907-1948), Marie Curie (1867-1937), Sofiya Ozerkova (1912-?) et Marie Depage (1872-1915). En fonction de sa culture, le lecteur peut être familier de l’histoire de l’une ou plusieurs d’entre elles, peut-être pas de tous leurs accomplissements (quand même, Marie Curie avec deux prix Nobel à son actif). Il découvre ainsi leurs réalisations pour la plupart dans la société civile, et pour toutes dans une guerre mondiale, que ce soit pour un fait spécifique (Octavie Delacour) ou tout du long du conflit. Chaque histoire compte entre cinq et sept pages ce qui oblige le scénariste à se montrer sélectif, et pour autant leurs exploits ressortent avec force. Ils peuvent être complétés dans la page de texte qui se trouve après chaque bande dessinée. La narration visuelle reprend les codes de la série-mère : des dessins dans un registre humoristique avec des personnages qui sourient, et des exagérations. Là encore, une fois passé le nécessaire moment d’adaptation, ces choix conduisent le lecteur à se focaliser sur le caractère extraordinaire des actions accomplies, et la force vitale intense de chacune de ces femmes. Le lecteur sourit en voyant Marie se retourner vers les trois garçons à bout de force, en faisant l’écuyère équilibriste debout sur le dos d’un cheval, en sautant du ballon qui s’écrase au sol, en accueillant un alpiniste sur un sommet qu’elle a atteint bien avant lui, blasée dans son fauteuil avec son chat sur les genoux, et ses médailles d’or et trophées accrochés au mur, s’amusant de la surprise de son cousin découvrant qu’elle se fait passer pour un soldat homme, s’amusant avec un hydravion en Lego, rayonnant de plaisir en pilotant un hélicoptère. L’une après l’autre, leur énergie et leur bonne humeur emportent la conviction du lecteur : Nancy Wake avec le visage tuméfié raillant le manque de force physique de son tortionnaire, Milunka Savi? s’élançant vers l’ennemi avec une grenade dégoupillée dans chaque main, Octavie Delacour balançant une charentaise sur le maire qui ne la croit pas, Yoshiko Kawashima enjôleuse en femme fatale, Marie Curie se mettant du cambouis sur le visage en s’essuyant, Sofiya Ozerkova manquant de place sur son uniforme pour accrocher encore une nouvelle médaille, Marie Depage arrivant avec ses valises à la main pour sauver une nouvelle situation. La narration visuelle s’avère pleine d’entrain, irrésistible, avec un petit degré de simplification dans les personnages et les objets, rendant immédiate la lecture de chaque case. La dessinatrice arrondit un peu plus ses contours que Monsieur Chien pour Le petit théâtre des opérations, rendant chaque case agréable à l’œil. Comme lui, elle dose avec soin le niveau de densité d’informations visuelles. Elle peut aussi bien investir le temps nécessaire pour représenter les nombreux éléments d’un unique décor, que réaliser une bande de cases à fond vide. Elle sait trouver le bon dosage pour que le lecteur n’éprouve pas de doute sur l’endroit où se déroule l’action, et sur l’époque concernée. Ses dessins portent la preuve de ses recherches de référence, que ce soient pour les vêtements civils, les uniformes, les armes, les véhicules militaires et les lieux divers. Elle n’opte pas pour un degré photographique de représentation, pour autant l’attention du lecteur se maintient sans solution de continuité car il voit tout le temps où se trouvent les personnages, la continuité dans leur action, les marqueurs temporels qui permettent de savoir quand se déroule récit. Comme le scénariste, elle choisit de ne pas s’appesantir sur les horreurs de la guerre, sur les blessés et leurs souffrances, sur les privations et les brutalités. Ces récits n’abordent pas la dimension meurtrière des conflits, les conséquences pour les civils, et les syndromes de stress post-traumatique pour les combattants. Cette anthologie consacrée à des femmes combattantes permet de réparer l’oubli dont elles ont été victimes, une forme de féminisme relativisé par le fait que les hommes évoqués dans la série mère n’ont pas tous bénéficié non plus d’une reconnaissance à la hauteur de leurs exploits que ce soit par l’institution militaire ou la société civile. Une narration gentiment moqueuse, que ce soient les dialogues ou les dessins, sans rien retirer de la valeur et de l’héroïsme de ces femmes. Le lecteur sourit tout du long, tout en éprouvant un sentiment de respect et d’admiration pour leur courage et leur humanité.

01/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Cœurs insolents
Les Cœurs insolents

Très bon album documentaire sur la construction féministe et la jeunesse d'Ovidie dans les années 90. Pas seulement sur le sujet du féminisme, une part importante de l'album traite également des différences générationnelles (entre Ovidie et sa fille mais aussi un peu avec sa mère à elle à la toute fin). Le propos reste tout de même féministe concernant ces différences, puisque le récit est né de la réflexion d'une mère quand aux dangers (mais aussi les joies) que sa fille peut et pourra rencontrer dans sa vie à elle. J'ai trouvé la préface assez intéressante (étant personnellement née en 1999 et ayant du coup vécu mon adolescence durant les années 2010) mais aurait apprécié qu'elle soit davantage développée. J'ai bien aimé le dessin d'Audre Lainé. Une scène en particulier m'a néanmoins semblée un peu bâteau/maladroite, c'est celle de la discussion à table sur les hommes étant tous des violeurs en puissance. Pas parce que je ne sois pas d'accord, au contraire, je rejoins et plussoie le propos, mais la forme de la discussion m'a vraiment parue peu naturelle (alors que tout le reste de l'album me semblait très concret). Sans doute une simple question de sensibilité. Ou alors moi et mes ami-e-s parlons tout simplement très différemment. Album documentaire très intéressant en tout cas. J'en profite d'ailleurs pour conseiller le reste du travail d'Ovidie (comme la série de podcast LIBRES ! disponible gratuitement sur la chaîne youtube d'Arte par exemple).

31/12/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Souffler sur le feu - Violences passées et à venir en Inde
Souffler sur le feu - Violences passées et à venir en Inde

Joe Sacco revient avec un reportage qui est encore une fois excellent. On retrouve les qualités de ses autres albums du même genre à savoir une bonne vulgarisation d'un événement et des témoignages venant de tous bords qui montre bien la complexité de la situation et les différentes mentalités. Cette fois-ci, il va dans une région de l'Inde qui a connu des émeutes violentes entre des musulmans et des hindous. Je connaissais un peu les débordements du nationalisme hindou en Inde et la tragédie de la partition de l'Inde selon les croyances des gens qui ont menés à creuser du ressentiment entre hindous et musulmans, mais c'est la première fois que je vois le problème en profondeur. On voit que la situation en Inde est complexe avec ses castes, ses différents gouvernements et les situations qui varient de villages en villages. Sacco explique tout cela sans perdre un lecteur qui ne connait rien à l'Inde. Il donne la parole à des gens venant de milieux différents ce qui permet d'avoir une vue d'ensembles sur la situation, mais aussi la version des faits qui évidemment n'est jamais le même selon le groupe d'appartenance. Ce que l'auteur montre est révoltant: communautarisme qui finit par créer des frictions entre la majorité et les minorités, violences sexuelles contre les femmes, vieux tuer gratuitement....Bref ce qui malheureusement est arrivé des milliers de fois avant et qui va continuer longtemps si on se fit à l'actualité. Sacco montre tout cela en restant le plus neutre possible et sans être moralisateur. Il ne fait que poser des questions légitimes sur la violence en général et si c'est possible de l'arrêter un jour. Il reste le dessin de Sacco qui est pas très beau et qui risque de ne pas envie de lire l'album à plusieurs lecteurs. Je ne suis pas trop fan, mais au moins c'est lisible et dans un documentaire l'important selon moi vient du scénario et ici il est captivant du début jusqu’à la fin.

30/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Havana connection
Havana connection

Très beau travail éditorial (papier épais, filet marque-pages) de Glénat, pour un album à forte pagination qui réussit très bien le mélange d’aventures de gangsters et d’histoire politique, le tout ancré dans la Révolution cubaine qui a fait basculer la pouvoir à Cuba dans la deuxième moitié des années 1950. Les auteurs se sont très sérieusement documentés (voir l’imposant dossier biographique et bibliographique en fin de volume !), et cela donne quelque chose de très solide en matière historique. Mais la narration est aussi agréable, fluide, et la partie « gangsters » passe très bien au milieu du contexte révolutionnaire. J’y ai retrouvé l’ambiance vue dans l’excellent « Parrain II » de Coppola. Les amateurs de ce genre de récit, où l’on croise la French Connection, Meyer Lansky et quelques pointures de la mafia américaine, mais aussi un bon gros dictateur (Batista), Fidel Castro et le Che, seront servis. Au milieu de ce panier de crabe explosif, le héros est un mafieux québécois, Lucien Rivard. J’ai longtemps cru que c’était une créature fictive, mais en fait non, Michel Viau n’a finalement rien inventé, et il n’a fait qu’utiliser personnages réels et contexte historique précis, pour développer une intrigue intéressante. Quant au dessin de Morisette-Phan, dans un style réaliste classique, il accompagne très bien le récit (tout juste lui reprocherais-je certains visages trop changeants parfois). C’est en tout cas un album réussi, et une lecture recommandée pour les amateurs du genre. Une bonne reconstitution du Cuba des alentours de la révolution castriste.

30/12/2024 (modifier)