Oh bah ça c’est du chouette comics !!
J’ai une petite crainte que la suite devienne plus classique mais en l’état ce premier tome est assez terrible. 6 chapitres qui m’ont tenu en haleine de la première à la dernière pages.
J’avais déjà croisé les auteurs mais sans qu’ils retiennent mon attention. Chose réparée maintenant, ils livrent ici du superbe boulot.
Ce qui saute indéniablement aux yeux, est bien sûr le talent graphique déployé. J’ai bloqué 2 secondes sur une tête du pigeon avant d’être vite emporté. C’est détaillé, magnifiquement colorié et agencé, le charac design fait le reste pour nous dépayser. Les couvertures sont toutes excellentes (comme les bonus en fin d’album). Bref du très bon à mes yeux, un plaisir de lecture décuplé.
L’histoire n’est pas en reste, je n’ai pas été vraiment surpris de la tournure des événements mais je ne l’avais pas pour autant deviné. Tout est bien amené, univers, personnages et enjeux pour une suite qui me tarde déjà de connaître.
De la bonne Fantasy, je n’en dis pas trop, le titre et la description vendant bien le bousin. En gros, notre héros/grain de sable va chambouler un petit monde bien établi.
Il y a un certain savoir faire pour faire du neuf avec du vieux. J’ai trouvé ça très cool à suivre, une excellente entame de série.
Un album exigeant – en termes de temps de lecture, mais aussi parce que, sans avoir un texte très abondant, il propose quelque chose de très dense. Exigeant car riche en thèmes abordés.
Le clonage, les thérapies géniques, voire l’eugénisme et donc aussi des questions d’éthique. Et la notion d’identité, de personne (et le dédoublement de personnalité). L’idée de beauté ou de laideur, etc. On le voit, des thèmes importants, qui ne peuvent laisser indifférents.
Comme le traitement graphique d’ailleurs, puisque Claytan Daniels (que je découvre avec cet album) a choisi de mettre en avant des personnages proches de freaks, que ce soit à la suite de l’expérience « d’augmentation des performances » ratée (en tout cas pour certains objectifs), ou pour la jeune Lina (c’est pour trouver une solution à ses malformations – du visage entre autres – que son père s’est lancé dans l’expérience dont les héros, Hank et Molly, ont servi de cobayes). Cela donne quelque chose de dérangeant.
Surtout que les plus laids ne sont pas toujours ceux qu’on croit. La laideur de l’âme, intérieure, ou la laideur physique ?
Il y a du Cronenberg ou du Tod Browning au niveau de certains aspects de l’histoire et du dessin. On peut aussi penser aux romans « L’ile du docteur Moreau » de Wells, ou « Le professeur Mortimer » de Boule.
Plusieurs passages sont bouleversants (comme quand Hank et Molly vieillissants et en pleine dégénérescence sont confrontés à leurs alter-egos difformes, mais aux performances intellectuelles sans limites). La pagination est conséquente, et régulièrement l’intrigue est relancée, de nouvelles questions (dans les thèmes évoqués plus haut) se posent, et jamais on ne range définitivement ou complètement les personnages dans la case « gentils » ou la case « méchants ».
Une œuvre ambitieuse (l’auteur dit avoir mis près de 20 ans à finaliser ce projet), mais qui se révèle agréable à lire. Une belle réussite, pour lecteurs curieux.
Même s’il peut éventuellement se lire comme un one-shot (pour peu qu’on ne soit pas trop regardant quant à cette fin très ouverte), White Knight est à mes yeux le premier tome d’une série qui se prolonge avec Curse of the White Knight et Beyond the White Knight. Batman –White Knight : Harley Quinn peut, lui, être vu comme un spin-off de cette série.
Ce White Knight est très réussi. Sean Murphy met en place un univers intéressant et introduit le personnage de Jack Napier, seconde personnalité d’un Joker schizophrène. Ce personnage permet à l’auteur de s’attarder à certaines incohérences du personnage même de Batman : sa violence, son immunité alors même que les résultats obtenus sont discutables, la manière dont il emploie sa fortune.
L’histoire est prenante, bien menée et agréablement dessinée. L’univers de Batman est toujours aussi sombre. Les seconds rôles sont essentiels à la construction du récit (mention spéciale à Jack Napier, bien sûr mais aussi aux Harley Quinn). L’ensemble est cohérent et jette de nouvelles bases sur l’univers de Gotham. Des bases qui seront bien plus développées dans le deuxième tome de la série (Curse of the White Knight).
Malgré cette fin trop ouverte à mon goût (mais ce n’est vraiment pas grave si on part du principe qu’il s’agit d’un tome 1), Batman – White Knight est sans doute l’album de Batman que j’ai préféré jusqu’à présent.
« Is my hobby weird ? » est un hentaï de type yuri. Il met en scène trois jeunes lesbiennes qui vont se trouver un intérêt commun et, surtout, des envies très complémentaires.
Contrairement à une grosse majorité de la production pornographique, ce récit se caractérise par le respect qui existe entre les différents personnages. Chacune s’inquiète de l’autre et cherche autant le plaisir de sa (ses) partenaire(s) que le sien. Ce qui n’empêche pas plusieurs scènes bien émoustillantes. Le récit étant relativement long, les personnages ont le temps d’évoluer et le fil narratif offre plusieurs scènes explicites dans des contextes variés (même si, très logiquement, on reste sur un certain fil conducteur puisque les personnages principaux forment un couple voyeur/exhib).
Franchement, j’ai été très agréablement surpris. Le récit est léger, parfois drôle, parfois touchant tout en étant avant tout axé sur le sexe. De plus, le dessin est tout à fait correct et ne souffre pas de la censure.
Un deuxième récit, bien moins intéressant, complète ce manga. Récit dans lequel on retrouve malheureusement le cliché de la domination d’une protagoniste sur une autre.
Le merci à Calcal se confirme. J'avais manqué l'avis de Noir Desir mais vu celui de Calcal, très justement mis en avis de la semaine. Heureusement que BDTheque existe, je serais passé à côté.
Les planches visibles ici m'avaient intrigué, si en plus le scénario suit... Et c'est le cas. C’est dense, bien ficelé, et visuellement saisissant. On suit Marv, ancien inventeur qui a tout perdu, relégué à un boulot de livreur dans une société dystopique où la frontière entre les nantis et les déclassés semble infranchissable. La mission paraît simple : remettre une lettre à Olympe, épouse du tout-puissant Carlus Traitruss. Mais ce qui devait être un simple aller-retour se transforme en un parcours du combattant dans une usine labyrinthique où chaque détour amène dans un nouvel environnement kafkaïen.
Dalin signe tout – scénario, dessin et couleurs, et ca aussi c'est impressionnant. Ce qui frappe en premier, c’est la mise en page, à la fois créative et exigeante. On est parfois un peu perdu, surtout au début : les doubles pages qui s’étirent sur plusieurs temps différents surprennent, mais ce n’est clairement pas de l’innovation pour l’innovation. Il y a du sens derrière ces choix. Chaque composition participe à l’atmosphère de cet univers mécanique et oppressant, un peu à la Horologiom. Certaines pages sont de vraies claques graphiques par la précision des détails, la créativité de l'univers et la richesse de la palette de couleurs.
Le scénario tient la route, ce qui est loin d’être toujours le cas dans ce genre d’univers visuellement ambitieux. Ici, l’histoire avance avec des révélations progressives, un mystère bien dosé et des personnages qui prennent corps. Les dialogues sont ciselés, et les non-dits entre Marv et Olympe donnent une profondeur inattendue à cette intrigue qui pourrait sembler classique sur le papier. L’usine devient presque un personnage à part entière, écrasante, hostile, et symbolique de toutes les barrières sociales que Marv n’a jamais réussi à franchir.
Jean Dalin livre une œuvre qui mélange réflexion sociale, créativité graphique et un récit prenant. L’ambiance, les surprises et cette façon de jouer avec la narration créent quelque chose de nouveau et solide à la fois. Je commence par un 4/5 en attendant le 2e tome, compliqué de dire qu'une oeuvre est culte avant d'en avoir lu l'intégrale. Bravo M. Dalin et encore merci aux précédents aviseurs.
Ah mais qu’est-ce qu’elle est bien cette BD ! Tout est bon, scénar, dessins, personnages, ambiance… et tout cela sans souffrir de faiblesse majeure.
Le dessin apparait dans la « simple » expression du noir et blanc. Il est très maitrisé, retranscrit parfaitement les postures, traduit bien les expressions. On aimera (ou pas) la manière dont il représente les scènes nocturnes, mais en ce qui me concerne, j’ai trouvé ça bien vu. Les rares cases colorisées le sont avec des couleurs choisies qui s’accordent ensemble de manière à nous plonger dans les années 60.
Le scénario file droit et s’ancre fortement dans le réel, ce qui permet à Nicolas Spitz de créer des personnages forts et empathiques, et d’assoir la crédibilité de l’ensemble. Certes, il s’agit d’une adaptation littéraire, mais à tout le moins, le travail est réussi. Le lecteur est réellement aux côtés des personnages, dans une petite ville minable des Etats-Unis à la fin des années 60. C’est aussi réussi que dans le génial film de Rob Reiner Stand By Me. J'ajoute qu'il est largement fait mention de Jean-Jacques Audibon, or j'adore justement son travail sur les oiseaux. Le travail d'une vie !
Les personnages sont travaillés. La plupart du temps, ils échappent à ce manichéisme souvent si préjudiciable dans les histoires, à part peut-être le personnage du père qui concentre toute la détestation que le lecteur pourra ressentir.
Quant à l’aspect historique, c’est encore une fois quelque chose de soigné. En outre, le choix d’avoir arc-bouté cette histoire entre la désillusion du Viêt-Nam et l’espoir qu’a pu représenté le premier pas sur la Lune est tout à fait judicieux.
Sans nécessairement être un coup de cœur, Jusqu’ici tout va bien est une excellente BD, solide et sans défaut, qui plaira aux ados comme aux adultes, car il serait dommage de la cantonner à un jeune public. Ça ne l'empêchera pas de figurer dans ma liste des meilleures titres de l'année.
L’événement deviendra célèbre en tant qu’exposition du vide.
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Ce tome contient une biographie d’Yves Klein (1928-1962), artiste plasticien, qui ne nécessite pas de connaissance préalable de son œuvre. L’édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Julian Voloj pour le scénario, par Wagner Willian pour les dessins et les couleurs, la traduction étant de Laure Picard-Philippon. Il comprend cent-vingt-cinq pages de bande dessinées, en noir & blanc, avec des touches de couleur, essentiellement de bleu. Il se termine par un dossier de dix pages, une chronologie consacrée à l’artiste.
Un homme en costume noir marche résolument à travers la double page blanche. Il traverse la page de gauche, puis celle de droite. Arrivé au bord extrême droit, il le saisit à deux mains et déchire la feuille. Derrière apparaît du bleu. Il continue de déchirer la page en s’y prenant à deux mains. Il déchire entièrement la page et se tient devant ainsi devant le bleu mis à nu en s’exclamant qu’il doit libérer la prison de la ligne. Nice, France. Yves Klein naît le 28 avril 1928. Ses parents, Fred et Marie, sont tous deux peintres. Sa mère, Marie Raymond, est une figure de proue du mouvement de l’Art Informel. Elle crée des œuvres abstraites et est célèbre pour sa méthode d’improvisation et sa technique hautement gestuelle. Son père, Fred Klein, peint des personnages et des paysages caractéristiques du postimpressionnisme. Bien qu’Yves grandisse au sein d’une famille très créative, il ne reçoit pas vraiment d’enseignement artistique. Le petit Yves plonge les mains dans la peinture et barbouille le mur, sous le regard amusé de ses parents. Ils déménagent à Paris alors qu’Yves est encore très jeune. Ils y vivent une vie de bohème, en esprits libres. La famille passe les mois d’été avec des amis artistes à Cagnes-sur-Mer, où Yves est laissé à la garde de sa tante Rose, la sœur de Marie. Tante Rose, divorcée et sans enfant, est une fervente catholique. Elle l’inscrit dans une école privée pour essayer de lui apporter un cadre.
Paradoxalement, la seconde guerre mondiale apporte un semblant d’équilibre dans l’existence d’Yves. Ses parents s’installent dans le sud de la France, où ils vivent une vraie vie de famille pendant la plus grande partie de la guerre. Ils jouent aux pirates avec ses copains. À l’adolescence, Yves se découvre une passion pour le Judo. Au club de judo, il rencontre Claude Pascal, un poète, et Armand Fernandez, qui deviendra plus tard le célèbre peintre Arman. Après une séance d’entraînement, les trois jeunes hommes discutent entre eux : ils décident d’aller à la plage. Assis sur le sable, regardant la mer, ils décident de se partager le monde : l’un prend l’air qu’on respire, l’autre régnera sur la Terre et ses richesses. Yves décide que le ciel et son infini lui reviennent. Ils s’allongent sur le sable : Yves contemple le ciel et il s’imagine écrire son prénom sur le bleu du ciel, avec le blanc des nuages. Mais voilà qu’un vol de mouettes vient tout déchirer et mélanger. Yves se lamente à haute voix que les oiseaux détruisent son chef d’œuvre, et il agite les bras pour les faire fuir, sous les rires de ses deux amis.
Le lecteur apprécie de suite le mode narratif choisi par les auteurs : des dessins avec un degré de simplification qui les rend immédiatement lisibles pour l’œil. Des formes discrètement arrondies, une densité d’informations visuelles très mesurée par case, régulièrement des pages avec deux ou trois cases, des dessins en pleine page ou en double page, beaucoup place laissée au blanc de la feuille : une lecture aérée et aisée, jolie et agréable. Le narrateur omniscient égraine un à un les faits marquants de la vie de l’artiste, en toute simplicité et avec toute l’évidence de l’effet rétroactif généré par la connaissance de ce qu’il est advenu de Klein, jusqu’à sa mort. Les auteurs conservent une forme de distance par rapport à leur sujet : peu de moments d’intimité, peu de dialogues, pas de monologue explicatif, pas de flux de pensées. Les dessins respectent également cette forme de distance : une belle silhouette sans forme de romantisme, une expressivité de type naturaliste avec une petite poignée d’exagération pour un effet discrètement comique. Entre les nuances de gris, il y a l’usage ponctuel de la couleur. Le lecteur se focalise sur les nuances de bleu, leur apparition, leur fonction dans la narration, figurative pour la mer ou le ciel ou conceptuelle pour une œuvre d’art. L’effet de surprise est ainsi maximalisé quand une autre couleur surgit au détour d’une page tournée, soit pour une autre expérience de l’artiste, soit pour un effet comme celui d’un baiser entre Yves et son épouse Rotraut Uecker.
Une entrée en la matière qui brise le quatrième mur et une convention majeure de la bande dessinée : Yves Klein se retourne vers le lecteur pour expliciter son intention (Libérer la couleur de la ligne) et le personnage déchire la page pour montrer ce qu’il y a derrière. Puis tout rentre en ordre : des cases rectangulaires alignées, un commentaire explicatif, des phylactères, des personnages, la représentation des lieux. Dès la page suivante, la notion de case a disparu au profit de deux dessins juxtaposés en décalage, chacun agrémenté d’une reproduction de l’artiste correspondant, la mère, puis le père. Le lecteur se retrouve en alerte, enclin à relever l’usage de dispositifs bédéiques qui sortent d’une mise en forme académique. En effet, page vingt-huit, la tête d’Yves dépasse de la case pour déborder sur celle du dessus, et il en va de même pour son corps en pleine prise de judo qui déborde sur la rangée supérieure. La mise en page est pensée sur les planches en vis-à-vis, trente-quatre & trente-cinq, avec deux cases de la hauteur de la page, et le doigt d’Yves qui dessine directement avec le blanc des nuages sur le bleu du ciel. Page trente-huit et trente-neuf, c’est une portée qui se déploie en arabesque d’une page à l’autre en vis-à-vis, et Yves qui intervient directement pour en resserrer les lignes en un endroit, y écrire une note (mais en lettres) à un autre. D’ailleurs en page quarante, il tient à bout de bras les mots Ré majeur, entre ses mains. Page quarante-trois, il applique des taches de peinture, et c’est la planche elle-même qui est tachée, par-dessus les dessins dans les cases. Page quarante-sept, des lettres flottent entre les invités d’un vernissage, formant l’expression : Le fils de Marie, comme une rumeur circulant d’un invité à l’autre. Page quatre-vingt-cinq, une petite silhouette d’Yves marche à la surface d’une mappemonde, bleue forcément. Le dessinateur joue également avec la couleur bleue qui s’invite dans des formes significatives ou révélatrices, qui remplit progressivement une silhouette au fil des cases, etc.
Les auteurs savent donc utiliser les possibilités graphiques de la bande dessinée pour montrer des concepts ou des émotions, plutôt que de les expliciter par les mots en commentaire ou dans des dialogues. En cela, ils adoptent une démarche similaire à celle de l’artiste : conceptuelle. Pour autant, ils exposent bien les principaux événements de sa vie, en respectant scrupuleusement un ordre chronologique. 1928 : naissance d’Yves Klein, puis son enfance avec ses parents, et les séjours au bord de la mer chez sa tante Rose. Jeux sur la plage avec ses amis. Apprentissage du judo. 1948 : création de sa symphonie monotone silence. Apprentissage du métier chez l’encadreur Robert Savage. 22 août 1952 : départ pour la Japon. Retour en France, et choix d’un métier. Invention du bleu plus bleu avec l’aide des laboratoires Rhône-Poulenc, et dépôt de sa marque IKB. Avril 1958 : exposition à la galerie Iris Clert, et inauguration avec l’illumination en bleu de l’obélisque de la place de la Concorde, surnommée l’Exposition du vide. Rencontre avec Rotraut Uecker. Etc. La forme de l’autobiographie est respectée à la lettre.
Quant à l’esprit, il appartient aux auteurs de choisir un point de vue : il peut être factuel avec un degré de précision plus ou moins maniaque en fonction du niveau de détail et de la pagination, ou il peut être orienté, c’est-à-dire à partir d’un point de vue politique, social ou artistique. Les auteurs adoptent une narration très C’est comme ça : Yves Klein suit sa trajectoire de vie, implacable, sans surprise, sans écart, sans doute. Il ne s’agit pas tant d’une destinée à accomplir ou prophétisée, que plutôt d’une vie toute tracée. Le lecteur remarque que l’artiste bénéficie d’une aisance matérielle tout du long de sa vie, grâce à ses parents, puis par l’argent de sa tante, puis par les revenus générés par ses productions artistiques. Ce qui intéresse les auteurs et ce qu’ils mettent en scène s’apparentent à une recherche et une explication de la démarche d’artiste d’Yves Klein et de ce qui l’a nourrie. En fonction du doigté des auteurs, cela peut apparaître très mécanique, faisant fi des complexités de l’être humain, et de l’intrication de la ramure de l’arbre des causes, ou plus élégant avec uniquement des pistes plutôt que des certitudes. La démarche de Voloj & Willian correspond à la deuxième manière de faire. Ils rapprochent des similitudes, laissant le lecteur se faire sa propre opinion quant au degré de force dans la relation de cause à effet. Par exemple, ils évoquent le fait que Klein est un judoka ceinture noire 2e dan. L’atteinte de ce niveau induit une pratique régulière et rigoureuse des katas, un mouvement chorégraphié qui doit être mémorisé et parfaitement réalisé par le judoka. Cette pratique fait partie de la vie d’Yves Klein : elle a donc eu une incidence sur sa façon de penser, sur ses habitudes physiques et intellectuelles. Le lecteur reste libre de choisir ce qu’il estime être raisonnable comme conséquence sur la conception et la pratique de l’art développée par Yves Klein.
Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’IKB ? les auteurs réalisent une bande dessinée très accessible, à la lecture facile et simple. L’artiste combine une lecture évidente avec des effets de bande dessinée travaillés, lui offrant toute la liberté nécessaire à mettre en scène la démarche artistique conceptuelle d’Yves Klein. Le scénariste déroule linéairement la vie de l’artiste, notant en passant des influences culturelles propices à sa démarche. Une fois la dernière page tournée, le lecteur en ressort avec une idée claire des œuvres de l’artiste et de leur caractère innovant, ainsi qu’avec des pistes de réflexion sur ce qui a nourri sa démarche si singulière. Mission accomplie.
J’ai beaucoup aimé l’histoire d’Axel et de son groupe, Perkeros. Ce mélange de musique, d’amitié et de magie est vraiment original. L’idée que la musique peut avoir des pouvoirs surnaturels m’a tout de suite intrigué. L’intrigue avance bien, avec des moments drôles, émouvants et parfois surprenants. On suit Axel dans sa lutte contre ses doutes, mais aussi dans sa quête pour unir son groupe. La touche fantastique, avec les pouvoirs magiques de la musique, donne une belle profondeur au récit. On se sent transporté dans cet univers où tout peut arriver.
Perkeros parle de musique, bien sûr, mais aussi d’amitié, de confiance en soi et de dépassement de ses peurs. J’ai trouvé le sujet du bégaiement d’Axel très bien traité : on sent à quel point cela le freine, mais aussi comment il apprend à en faire une force grâce à son amour pour la musique. Les liens entre les membres du groupe montrent bien les hauts et les bas qu’on peut rencontrer en travaillant en équipe. Et le mélange entre le quotidien (comme les répétitions, les relations de couple ou la recherche de succès) et le surnaturel (avec la magie de la musique) rend le tout encore plus passionnant.
Chaque personnage est unique et apporte quelque chose de spécial. Axel, avec ses doutes et son évolution, est un héros attachant. J’ai adoré Lily, la claviériste débrouillarde, et Kervinen, le bassiste complètement perché. Et que dire d’Aydin, avec sa voix incroyable et son histoire touchante ? Même le batteur-ours, complètement absurde, m’a fait sourire. Ces personnages sont tous différents, mais on sent une vraie énergie et une belle dynamique entre eux. Ça donne envie de faire partie du groupe, même avec tous leurs problèmes.
Les illustrations sont magnifiques. Elles sont pleines d’énergie et donnent vraiment vie à la musique et à l’univers du groupe. Les scènes où la magie et la musique se rencontrent sont impressionnantes : on ressent presque le son à travers les pages ! Le style est à mi-chemin entre le comics et la BD franco-belge, ce qui est très original. Les couleurs, les expressions des personnages, les décors… tout est soigné et agréable à regarder.
Etrange album, que je croyais au départ réservé à un jeune, voire très jeune public, mais qui passe la barrière de l’âge (même si cela cible prioritairement je pense les adolescents).
J’ai trouvé le récit original, et globalement intéressant, sur le fond comme sur la forme.
C’est une sorte de huis-clos, l’essentiel de l’action se déroulant dans et autour du sous-marin du capitaine Nemo (mais dans un lointain futur !). Outre Nemo, plusieurs robots, et surtout Arona, une gamine – qui devient une jeune femme à la fin – recueillie par Nemo. Elle serait la dernière survivante de l’humanité, qui a sombré – dans tous les sens du terme.
Nemo recueille, éduque Arona, pour qui il se prend d’affection, au point d’envisager qu’elle prenne sa succession à la tête du Nautilus. Les discussions entre Nemo et Arona sont l’occasion de questionnements philosophiques parfois, en particulier à propos de la fin des civilisations. C’est aussi l’occasion d’évoquer des problèmes contemporains (la soif de puissance, la pollution, etc.).
Malgré l’absence d’action, on ne s’ennuie pas, la narration est fluide et agréable.
Mais c’est aussi que le travail graphique de Juni Ba (auteur que je découvre avec cet album) est très sympathique. Le style est assez épuré, presque stylisé parfois, avec une colorisation que j’ai elle aussi appréciée.
Bref, un album tout public, avant surtout destiné aux ados, mais que j’ai trouvé plaisant à lire.
Note réelle 3,5/5.
J'ai bien apprécié cette biographie "à valeur universelle" comme le voulait Robert Badinter. Ce récit mêle intimisme et histoire comme c'est souvent le cas pour les histoire de migrants. A travers cette lecture centrée sur la grand-mère, Idiss, je me suis attaché à cette famille juive d'origine Moldave, qui a connu les grands tourments du siècle dernier. A travers la vie d'Idiss les auteurs suivent les hauts et les bas de beaucoup de familles de migrants d'hier et d'aujourd'hui: pauvreté, pogroms, rêve républicain d'une égalité en droits, ascension sociale puis chute pour cause de racisme assassin. C'est la difficile partition vécue par de nombreuses familles que nous suivons dans un scénario clair et bien construit. La lecture est aisée avec une ambiance souvent optimiste et positive portée par le caractère d'Idiss. La fin est brutale comme si la disparition de la grand-mère en 1942 avait laissé ouverte la porte des malheurs.
Les auteurs ont terminé leur série en rappelant en annexes les ordonnances scélérates du régime de Vichy.
Le graphisme est très coloré et dynamique donnant un ton enjoué à l'ensemble du récit. Les visages se sont éloignés d'un réalisme photographique pour souligner le côté universel du récit. On a même par moment l'impression d'être dans une série jeunesse comme pour rappeler tous les bons moments de cette riche vie.
Une lecture plaisante qui m'a souvent touché. 3.5
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Sacrifice
Oh bah ça c’est du chouette comics !! J’ai une petite crainte que la suite devienne plus classique mais en l’état ce premier tome est assez terrible. 6 chapitres qui m’ont tenu en haleine de la première à la dernière pages. J’avais déjà croisé les auteurs mais sans qu’ils retiennent mon attention. Chose réparée maintenant, ils livrent ici du superbe boulot. Ce qui saute indéniablement aux yeux, est bien sûr le talent graphique déployé. J’ai bloqué 2 secondes sur une tête du pigeon avant d’être vite emporté. C’est détaillé, magnifiquement colorié et agencé, le charac design fait le reste pour nous dépayser. Les couvertures sont toutes excellentes (comme les bonus en fin d’album). Bref du très bon à mes yeux, un plaisir de lecture décuplé. L’histoire n’est pas en reste, je n’ai pas été vraiment surpris de la tournure des événements mais je ne l’avais pas pour autant deviné. Tout est bien amené, univers, personnages et enjeux pour une suite qui me tarde déjà de connaître. De la bonne Fantasy, je n’en dis pas trop, le titre et la description vendant bien le bousin. En gros, notre héros/grain de sable va chambouler un petit monde bien établi. Il y a un certain savoir faire pour faire du neuf avec du vieux. J’ai trouvé ça très cool à suivre, une excellente entame de série.
Âme Augmentée
Un album exigeant – en termes de temps de lecture, mais aussi parce que, sans avoir un texte très abondant, il propose quelque chose de très dense. Exigeant car riche en thèmes abordés. Le clonage, les thérapies géniques, voire l’eugénisme et donc aussi des questions d’éthique. Et la notion d’identité, de personne (et le dédoublement de personnalité). L’idée de beauté ou de laideur, etc. On le voit, des thèmes importants, qui ne peuvent laisser indifférents. Comme le traitement graphique d’ailleurs, puisque Claytan Daniels (que je découvre avec cet album) a choisi de mettre en avant des personnages proches de freaks, que ce soit à la suite de l’expérience « d’augmentation des performances » ratée (en tout cas pour certains objectifs), ou pour la jeune Lina (c’est pour trouver une solution à ses malformations – du visage entre autres – que son père s’est lancé dans l’expérience dont les héros, Hank et Molly, ont servi de cobayes). Cela donne quelque chose de dérangeant. Surtout que les plus laids ne sont pas toujours ceux qu’on croit. La laideur de l’âme, intérieure, ou la laideur physique ? Il y a du Cronenberg ou du Tod Browning au niveau de certains aspects de l’histoire et du dessin. On peut aussi penser aux romans « L’ile du docteur Moreau » de Wells, ou « Le professeur Mortimer » de Boule. Plusieurs passages sont bouleversants (comme quand Hank et Molly vieillissants et en pleine dégénérescence sont confrontés à leurs alter-egos difformes, mais aux performances intellectuelles sans limites). La pagination est conséquente, et régulièrement l’intrigue est relancée, de nouvelles questions (dans les thèmes évoqués plus haut) se posent, et jamais on ne range définitivement ou complètement les personnages dans la case « gentils » ou la case « méchants ». Une œuvre ambitieuse (l’auteur dit avoir mis près de 20 ans à finaliser ce projet), mais qui se révèle agréable à lire. Une belle réussite, pour lecteurs curieux.
Batman - White Knight
Même s’il peut éventuellement se lire comme un one-shot (pour peu qu’on ne soit pas trop regardant quant à cette fin très ouverte), White Knight est à mes yeux le premier tome d’une série qui se prolonge avec Curse of the White Knight et Beyond the White Knight. Batman –White Knight : Harley Quinn peut, lui, être vu comme un spin-off de cette série. Ce White Knight est très réussi. Sean Murphy met en place un univers intéressant et introduit le personnage de Jack Napier, seconde personnalité d’un Joker schizophrène. Ce personnage permet à l’auteur de s’attarder à certaines incohérences du personnage même de Batman : sa violence, son immunité alors même que les résultats obtenus sont discutables, la manière dont il emploie sa fortune. L’histoire est prenante, bien menée et agréablement dessinée. L’univers de Batman est toujours aussi sombre. Les seconds rôles sont essentiels à la construction du récit (mention spéciale à Jack Napier, bien sûr mais aussi aux Harley Quinn). L’ensemble est cohérent et jette de nouvelles bases sur l’univers de Gotham. Des bases qui seront bien plus développées dans le deuxième tome de la série (Curse of the White Knight). Malgré cette fin trop ouverte à mon goût (mais ce n’est vraiment pas grave si on part du principe qu’il s’agit d’un tome 1), Batman – White Knight est sans doute l’album de Batman que j’ai préféré jusqu’à présent.
Is my hobby weird ?
« Is my hobby weird ? » est un hentaï de type yuri. Il met en scène trois jeunes lesbiennes qui vont se trouver un intérêt commun et, surtout, des envies très complémentaires. Contrairement à une grosse majorité de la production pornographique, ce récit se caractérise par le respect qui existe entre les différents personnages. Chacune s’inquiète de l’autre et cherche autant le plaisir de sa (ses) partenaire(s) que le sien. Ce qui n’empêche pas plusieurs scènes bien émoustillantes. Le récit étant relativement long, les personnages ont le temps d’évoluer et le fil narratif offre plusieurs scènes explicites dans des contextes variés (même si, très logiquement, on reste sur un certain fil conducteur puisque les personnages principaux forment un couple voyeur/exhib). Franchement, j’ai été très agréablement surpris. Le récit est léger, parfois drôle, parfois touchant tout en étant avant tout axé sur le sexe. De plus, le dessin est tout à fait correct et ne souffre pas de la censure. Un deuxième récit, bien moins intéressant, complète ce manga. Récit dans lequel on retrouve malheureusement le cliché de la domination d’une protagoniste sur une autre.
La Trahison d'Olympe
Le merci à Calcal se confirme. J'avais manqué l'avis de Noir Desir mais vu celui de Calcal, très justement mis en avis de la semaine. Heureusement que BDTheque existe, je serais passé à côté. Les planches visibles ici m'avaient intrigué, si en plus le scénario suit... Et c'est le cas. C’est dense, bien ficelé, et visuellement saisissant. On suit Marv, ancien inventeur qui a tout perdu, relégué à un boulot de livreur dans une société dystopique où la frontière entre les nantis et les déclassés semble infranchissable. La mission paraît simple : remettre une lettre à Olympe, épouse du tout-puissant Carlus Traitruss. Mais ce qui devait être un simple aller-retour se transforme en un parcours du combattant dans une usine labyrinthique où chaque détour amène dans un nouvel environnement kafkaïen. Dalin signe tout – scénario, dessin et couleurs, et ca aussi c'est impressionnant. Ce qui frappe en premier, c’est la mise en page, à la fois créative et exigeante. On est parfois un peu perdu, surtout au début : les doubles pages qui s’étirent sur plusieurs temps différents surprennent, mais ce n’est clairement pas de l’innovation pour l’innovation. Il y a du sens derrière ces choix. Chaque composition participe à l’atmosphère de cet univers mécanique et oppressant, un peu à la Horologiom. Certaines pages sont de vraies claques graphiques par la précision des détails, la créativité de l'univers et la richesse de la palette de couleurs. Le scénario tient la route, ce qui est loin d’être toujours le cas dans ce genre d’univers visuellement ambitieux. Ici, l’histoire avance avec des révélations progressives, un mystère bien dosé et des personnages qui prennent corps. Les dialogues sont ciselés, et les non-dits entre Marv et Olympe donnent une profondeur inattendue à cette intrigue qui pourrait sembler classique sur le papier. L’usine devient presque un personnage à part entière, écrasante, hostile, et symbolique de toutes les barrières sociales que Marv n’a jamais réussi à franchir. Jean Dalin livre une œuvre qui mélange réflexion sociale, créativité graphique et un récit prenant. L’ambiance, les surprises et cette façon de jouer avec la narration créent quelque chose de nouveau et solide à la fois. Je commence par un 4/5 en attendant le 2e tome, compliqué de dire qu'une oeuvre est culte avant d'en avoir lu l'intégrale. Bravo M. Dalin et encore merci aux précédents aviseurs.
Jusqu'ici tout va bien (Pitz)
Ah mais qu’est-ce qu’elle est bien cette BD ! Tout est bon, scénar, dessins, personnages, ambiance… et tout cela sans souffrir de faiblesse majeure. Le dessin apparait dans la « simple » expression du noir et blanc. Il est très maitrisé, retranscrit parfaitement les postures, traduit bien les expressions. On aimera (ou pas) la manière dont il représente les scènes nocturnes, mais en ce qui me concerne, j’ai trouvé ça bien vu. Les rares cases colorisées le sont avec des couleurs choisies qui s’accordent ensemble de manière à nous plonger dans les années 60. Le scénario file droit et s’ancre fortement dans le réel, ce qui permet à Nicolas Spitz de créer des personnages forts et empathiques, et d’assoir la crédibilité de l’ensemble. Certes, il s’agit d’une adaptation littéraire, mais à tout le moins, le travail est réussi. Le lecteur est réellement aux côtés des personnages, dans une petite ville minable des Etats-Unis à la fin des années 60. C’est aussi réussi que dans le génial film de Rob Reiner Stand By Me. J'ajoute qu'il est largement fait mention de Jean-Jacques Audibon, or j'adore justement son travail sur les oiseaux. Le travail d'une vie ! Les personnages sont travaillés. La plupart du temps, ils échappent à ce manichéisme souvent si préjudiciable dans les histoires, à part peut-être le personnage du père qui concentre toute la détestation que le lecteur pourra ressentir. Quant à l’aspect historique, c’est encore une fois quelque chose de soigné. En outre, le choix d’avoir arc-bouté cette histoire entre la désillusion du Viêt-Nam et l’espoir qu’a pu représenté le premier pas sur la Lune est tout à fait judicieux. Sans nécessairement être un coup de cœur, Jusqu’ici tout va bien est une excellente BD, solide et sans défaut, qui plaira aux ados comme aux adultes, car il serait dommage de la cantonner à un jeune public. Ça ne l'empêchera pas de figurer dans ma liste des meilleures titres de l'année.
Yves Klein - Immersion
L’événement deviendra célèbre en tant qu’exposition du vide. - Ce tome contient une biographie d’Yves Klein (1928-1962), artiste plasticien, qui ne nécessite pas de connaissance préalable de son œuvre. L’édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Julian Voloj pour le scénario, par Wagner Willian pour les dessins et les couleurs, la traduction étant de Laure Picard-Philippon. Il comprend cent-vingt-cinq pages de bande dessinées, en noir & blanc, avec des touches de couleur, essentiellement de bleu. Il se termine par un dossier de dix pages, une chronologie consacrée à l’artiste. Un homme en costume noir marche résolument à travers la double page blanche. Il traverse la page de gauche, puis celle de droite. Arrivé au bord extrême droit, il le saisit à deux mains et déchire la feuille. Derrière apparaît du bleu. Il continue de déchirer la page en s’y prenant à deux mains. Il déchire entièrement la page et se tient devant ainsi devant le bleu mis à nu en s’exclamant qu’il doit libérer la prison de la ligne. Nice, France. Yves Klein naît le 28 avril 1928. Ses parents, Fred et Marie, sont tous deux peintres. Sa mère, Marie Raymond, est une figure de proue du mouvement de l’Art Informel. Elle crée des œuvres abstraites et est célèbre pour sa méthode d’improvisation et sa technique hautement gestuelle. Son père, Fred Klein, peint des personnages et des paysages caractéristiques du postimpressionnisme. Bien qu’Yves grandisse au sein d’une famille très créative, il ne reçoit pas vraiment d’enseignement artistique. Le petit Yves plonge les mains dans la peinture et barbouille le mur, sous le regard amusé de ses parents. Ils déménagent à Paris alors qu’Yves est encore très jeune. Ils y vivent une vie de bohème, en esprits libres. La famille passe les mois d’été avec des amis artistes à Cagnes-sur-Mer, où Yves est laissé à la garde de sa tante Rose, la sœur de Marie. Tante Rose, divorcée et sans enfant, est une fervente catholique. Elle l’inscrit dans une école privée pour essayer de lui apporter un cadre. Paradoxalement, la seconde guerre mondiale apporte un semblant d’équilibre dans l’existence d’Yves. Ses parents s’installent dans le sud de la France, où ils vivent une vraie vie de famille pendant la plus grande partie de la guerre. Ils jouent aux pirates avec ses copains. À l’adolescence, Yves se découvre une passion pour le Judo. Au club de judo, il rencontre Claude Pascal, un poète, et Armand Fernandez, qui deviendra plus tard le célèbre peintre Arman. Après une séance d’entraînement, les trois jeunes hommes discutent entre eux : ils décident d’aller à la plage. Assis sur le sable, regardant la mer, ils décident de se partager le monde : l’un prend l’air qu’on respire, l’autre régnera sur la Terre et ses richesses. Yves décide que le ciel et son infini lui reviennent. Ils s’allongent sur le sable : Yves contemple le ciel et il s’imagine écrire son prénom sur le bleu du ciel, avec le blanc des nuages. Mais voilà qu’un vol de mouettes vient tout déchirer et mélanger. Yves se lamente à haute voix que les oiseaux détruisent son chef d’œuvre, et il agite les bras pour les faire fuir, sous les rires de ses deux amis. Le lecteur apprécie de suite le mode narratif choisi par les auteurs : des dessins avec un degré de simplification qui les rend immédiatement lisibles pour l’œil. Des formes discrètement arrondies, une densité d’informations visuelles très mesurée par case, régulièrement des pages avec deux ou trois cases, des dessins en pleine page ou en double page, beaucoup place laissée au blanc de la feuille : une lecture aérée et aisée, jolie et agréable. Le narrateur omniscient égraine un à un les faits marquants de la vie de l’artiste, en toute simplicité et avec toute l’évidence de l’effet rétroactif généré par la connaissance de ce qu’il est advenu de Klein, jusqu’à sa mort. Les auteurs conservent une forme de distance par rapport à leur sujet : peu de moments d’intimité, peu de dialogues, pas de monologue explicatif, pas de flux de pensées. Les dessins respectent également cette forme de distance : une belle silhouette sans forme de romantisme, une expressivité de type naturaliste avec une petite poignée d’exagération pour un effet discrètement comique. Entre les nuances de gris, il y a l’usage ponctuel de la couleur. Le lecteur se focalise sur les nuances de bleu, leur apparition, leur fonction dans la narration, figurative pour la mer ou le ciel ou conceptuelle pour une œuvre d’art. L’effet de surprise est ainsi maximalisé quand une autre couleur surgit au détour d’une page tournée, soit pour une autre expérience de l’artiste, soit pour un effet comme celui d’un baiser entre Yves et son épouse Rotraut Uecker. Une entrée en la matière qui brise le quatrième mur et une convention majeure de la bande dessinée : Yves Klein se retourne vers le lecteur pour expliciter son intention (Libérer la couleur de la ligne) et le personnage déchire la page pour montrer ce qu’il y a derrière. Puis tout rentre en ordre : des cases rectangulaires alignées, un commentaire explicatif, des phylactères, des personnages, la représentation des lieux. Dès la page suivante, la notion de case a disparu au profit de deux dessins juxtaposés en décalage, chacun agrémenté d’une reproduction de l’artiste correspondant, la mère, puis le père. Le lecteur se retrouve en alerte, enclin à relever l’usage de dispositifs bédéiques qui sortent d’une mise en forme académique. En effet, page vingt-huit, la tête d’Yves dépasse de la case pour déborder sur celle du dessus, et il en va de même pour son corps en pleine prise de judo qui déborde sur la rangée supérieure. La mise en page est pensée sur les planches en vis-à-vis, trente-quatre & trente-cinq, avec deux cases de la hauteur de la page, et le doigt d’Yves qui dessine directement avec le blanc des nuages sur le bleu du ciel. Page trente-huit et trente-neuf, c’est une portée qui se déploie en arabesque d’une page à l’autre en vis-à-vis, et Yves qui intervient directement pour en resserrer les lignes en un endroit, y écrire une note (mais en lettres) à un autre. D’ailleurs en page quarante, il tient à bout de bras les mots Ré majeur, entre ses mains. Page quarante-trois, il applique des taches de peinture, et c’est la planche elle-même qui est tachée, par-dessus les dessins dans les cases. Page quarante-sept, des lettres flottent entre les invités d’un vernissage, formant l’expression : Le fils de Marie, comme une rumeur circulant d’un invité à l’autre. Page quatre-vingt-cinq, une petite silhouette d’Yves marche à la surface d’une mappemonde, bleue forcément. Le dessinateur joue également avec la couleur bleue qui s’invite dans des formes significatives ou révélatrices, qui remplit progressivement une silhouette au fil des cases, etc. Les auteurs savent donc utiliser les possibilités graphiques de la bande dessinée pour montrer des concepts ou des émotions, plutôt que de les expliciter par les mots en commentaire ou dans des dialogues. En cela, ils adoptent une démarche similaire à celle de l’artiste : conceptuelle. Pour autant, ils exposent bien les principaux événements de sa vie, en respectant scrupuleusement un ordre chronologique. 1928 : naissance d’Yves Klein, puis son enfance avec ses parents, et les séjours au bord de la mer chez sa tante Rose. Jeux sur la plage avec ses amis. Apprentissage du judo. 1948 : création de sa symphonie monotone silence. Apprentissage du métier chez l’encadreur Robert Savage. 22 août 1952 : départ pour la Japon. Retour en France, et choix d’un métier. Invention du bleu plus bleu avec l’aide des laboratoires Rhône-Poulenc, et dépôt de sa marque IKB. Avril 1958 : exposition à la galerie Iris Clert, et inauguration avec l’illumination en bleu de l’obélisque de la place de la Concorde, surnommée l’Exposition du vide. Rencontre avec Rotraut Uecker. Etc. La forme de l’autobiographie est respectée à la lettre. Quant à l’esprit, il appartient aux auteurs de choisir un point de vue : il peut être factuel avec un degré de précision plus ou moins maniaque en fonction du niveau de détail et de la pagination, ou il peut être orienté, c’est-à-dire à partir d’un point de vue politique, social ou artistique. Les auteurs adoptent une narration très C’est comme ça : Yves Klein suit sa trajectoire de vie, implacable, sans surprise, sans écart, sans doute. Il ne s’agit pas tant d’une destinée à accomplir ou prophétisée, que plutôt d’une vie toute tracée. Le lecteur remarque que l’artiste bénéficie d’une aisance matérielle tout du long de sa vie, grâce à ses parents, puis par l’argent de sa tante, puis par les revenus générés par ses productions artistiques. Ce qui intéresse les auteurs et ce qu’ils mettent en scène s’apparentent à une recherche et une explication de la démarche d’artiste d’Yves Klein et de ce qui l’a nourrie. En fonction du doigté des auteurs, cela peut apparaître très mécanique, faisant fi des complexités de l’être humain, et de l’intrication de la ramure de l’arbre des causes, ou plus élégant avec uniquement des pistes plutôt que des certitudes. La démarche de Voloj & Willian correspond à la deuxième manière de faire. Ils rapprochent des similitudes, laissant le lecteur se faire sa propre opinion quant au degré de force dans la relation de cause à effet. Par exemple, ils évoquent le fait que Klein est un judoka ceinture noire 2e dan. L’atteinte de ce niveau induit une pratique régulière et rigoureuse des katas, un mouvement chorégraphié qui doit être mémorisé et parfaitement réalisé par le judoka. Cette pratique fait partie de la vie d’Yves Klein : elle a donc eu une incidence sur sa façon de penser, sur ses habitudes physiques et intellectuelles. Le lecteur reste libre de choisir ce qu’il estime être raisonnable comme conséquence sur la conception et la pratique de l’art développée par Yves Klein. Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’IKB ? les auteurs réalisent une bande dessinée très accessible, à la lecture facile et simple. L’artiste combine une lecture évidente avec des effets de bande dessinée travaillés, lui offrant toute la liberté nécessaire à mettre en scène la démarche artistique conceptuelle d’Yves Klein. Le scénariste déroule linéairement la vie de l’artiste, notant en passant des influences culturelles propices à sa démarche. Une fois la dernière page tournée, le lecteur en ressort avec une idée claire des œuvres de l’artiste et de leur caractère innovant, ainsi qu’avec des pistes de réflexion sur ce qui a nourri sa démarche si singulière. Mission accomplie.
Perkeros - Les Notes fantômes
J’ai beaucoup aimé l’histoire d’Axel et de son groupe, Perkeros. Ce mélange de musique, d’amitié et de magie est vraiment original. L’idée que la musique peut avoir des pouvoirs surnaturels m’a tout de suite intrigué. L’intrigue avance bien, avec des moments drôles, émouvants et parfois surprenants. On suit Axel dans sa lutte contre ses doutes, mais aussi dans sa quête pour unir son groupe. La touche fantastique, avec les pouvoirs magiques de la musique, donne une belle profondeur au récit. On se sent transporté dans cet univers où tout peut arriver. Perkeros parle de musique, bien sûr, mais aussi d’amitié, de confiance en soi et de dépassement de ses peurs. J’ai trouvé le sujet du bégaiement d’Axel très bien traité : on sent à quel point cela le freine, mais aussi comment il apprend à en faire une force grâce à son amour pour la musique. Les liens entre les membres du groupe montrent bien les hauts et les bas qu’on peut rencontrer en travaillant en équipe. Et le mélange entre le quotidien (comme les répétitions, les relations de couple ou la recherche de succès) et le surnaturel (avec la magie de la musique) rend le tout encore plus passionnant. Chaque personnage est unique et apporte quelque chose de spécial. Axel, avec ses doutes et son évolution, est un héros attachant. J’ai adoré Lily, la claviériste débrouillarde, et Kervinen, le bassiste complètement perché. Et que dire d’Aydin, avec sa voix incroyable et son histoire touchante ? Même le batteur-ours, complètement absurde, m’a fait sourire. Ces personnages sont tous différents, mais on sent une vraie énergie et une belle dynamique entre eux. Ça donne envie de faire partie du groupe, même avec tous leurs problèmes. Les illustrations sont magnifiques. Elles sont pleines d’énergie et donnent vraiment vie à la musique et à l’univers du groupe. Les scènes où la magie et la musique se rencontrent sont impressionnantes : on ressent presque le son à travers les pages ! Le style est à mi-chemin entre le comics et la BD franco-belge, ce qui est très original. Les couleurs, les expressions des personnages, les décors… tout est soigné et agréable à regarder.
Mobilis - Ma vie avec le Capitaine Nemo
Etrange album, que je croyais au départ réservé à un jeune, voire très jeune public, mais qui passe la barrière de l’âge (même si cela cible prioritairement je pense les adolescents). J’ai trouvé le récit original, et globalement intéressant, sur le fond comme sur la forme. C’est une sorte de huis-clos, l’essentiel de l’action se déroulant dans et autour du sous-marin du capitaine Nemo (mais dans un lointain futur !). Outre Nemo, plusieurs robots, et surtout Arona, une gamine – qui devient une jeune femme à la fin – recueillie par Nemo. Elle serait la dernière survivante de l’humanité, qui a sombré – dans tous les sens du terme. Nemo recueille, éduque Arona, pour qui il se prend d’affection, au point d’envisager qu’elle prenne sa succession à la tête du Nautilus. Les discussions entre Nemo et Arona sont l’occasion de questionnements philosophiques parfois, en particulier à propos de la fin des civilisations. C’est aussi l’occasion d’évoquer des problèmes contemporains (la soif de puissance, la pollution, etc.). Malgré l’absence d’action, on ne s’ennuie pas, la narration est fluide et agréable. Mais c’est aussi que le travail graphique de Juni Ba (auteur que je découvre avec cet album) est très sympathique. Le style est assez épuré, presque stylisé parfois, avec une colorisation que j’ai elle aussi appréciée. Bref, un album tout public, avant surtout destiné aux ados, mais que j’ai trouvé plaisant à lire. Note réelle 3,5/5.
Idiss
J'ai bien apprécié cette biographie "à valeur universelle" comme le voulait Robert Badinter. Ce récit mêle intimisme et histoire comme c'est souvent le cas pour les histoire de migrants. A travers cette lecture centrée sur la grand-mère, Idiss, je me suis attaché à cette famille juive d'origine Moldave, qui a connu les grands tourments du siècle dernier. A travers la vie d'Idiss les auteurs suivent les hauts et les bas de beaucoup de familles de migrants d'hier et d'aujourd'hui: pauvreté, pogroms, rêve républicain d'une égalité en droits, ascension sociale puis chute pour cause de racisme assassin. C'est la difficile partition vécue par de nombreuses familles que nous suivons dans un scénario clair et bien construit. La lecture est aisée avec une ambiance souvent optimiste et positive portée par le caractère d'Idiss. La fin est brutale comme si la disparition de la grand-mère en 1942 avait laissé ouverte la porte des malheurs. Les auteurs ont terminé leur série en rappelant en annexes les ordonnances scélérates du régime de Vichy. Le graphisme est très coloré et dynamique donnant un ton enjoué à l'ensemble du récit. Les visages se sont éloignés d'un réalisme photographique pour souligner le côté universel du récit. On a même par moment l'impression d'être dans une série jeunesse comme pour rappeler tous les bons moments de cette riche vie. Une lecture plaisante qui m'a souvent touché. 3.5