Oui, on prend les mêmes et on continue !
Pourquoi se gêner si la recette fonctionne bien, et si l'auteur peut se laisser aller à sa passion des armes à feu et des voitures ?
Mais il convient de lire la 1ère partie avant (Gunsmith Cats), sinon on risque d'être vite paumé.
Je trouve que cette suite est un poil moins sordide (à moins que je me sois habitué), mais ce n'est toujours pas à mettre dans les mains d'une âme pure et innocente.
Je possède les 2 éditions, celle en 8 volumes et celle en 4, ce qui me permet de faire un comparatif, la 1ère étant censurée par rapport à l'autre.
Cette lecture n'est pas à mettre sous le nez de tout le monde, il faut avoir l'esprit assez large avec tous ces cartels, ces magouilles, ces psychopathes, ces barjots, ces meurtres et autres amusements du même style. Néanmoins, c'est plutôt enjoué et plein d'action, avec des dessins plutôt mignons (ce qui détonne un tantinet par rapport à la noirceur ambiante). Si vous n'y connaissez rien en armes à feu, ce manga fera votre éducation.
Même si ça se passe aux USA, on a souvent l'impression d'être au Japon, quant aux personnages et à certains points de détail. Tout ce petit monde possède souvent des caractéristiques surhumaines. C'est tout juste si on ne vous fait pas avaler qu'on peut tirer à travers un trou de serrure, à 100 mètres de distance, installé dans un véhicule lancé à fond en train de se faire canarder. Et avec une seule main, puisque l'autre tient le volant :)
Si jamais vous n'avez pas eu votre dose, il existe une suite Gunsmith Cats Burst : on reprend les mêmes et on continue. Bien sûr, je possède aussi cette suite.
J'aurais pu mettre ''culte'', mais certains aspects me dérangent quand même un peu.
Nota : dans l'édition révisée en 4 volumes, on y découvre aussi la série inachevée Riding Bean (le magazine ayant fait faillite), série qui a donné ensuite naissance à Gunsmith Cats, avec quelques remaniements.
Il y a beaucoup à dire sur cette nouvelle production du label 619. Déjà, l'album a des allures de mangas de part son format et son style graphique, du noir et blanc et des personnages aux traits japanisans. Ce choix est on ne peu plus normal puisque l'histoire que nous raconte les deux auteurs est celle d'un groupe de Sentai. De quoi ? Mais si, rappelez vous les bioman et les power rangers... Des jeunes gens qui s'habillent en fluo pour combattre des méchants monstres qui veulent du mal à la population. Force jaune et force rose, vous l'avez ?
Oui, sauf qu'à notre époque c'est plus trop la mode. Aujourd'hui on vit dans une société de consommation, on scrolle sur notre téléphone, on commande à manger sur celui-ci et on attend sagement qu'un livreur Uber vous livre votre commande, pour laquelle on lui attribuera quelques étoiles si on est satisfaits du service.
Et là l'idée merveilleuse des auteurs est d'avoir fusionné les Sentai et Uber ! Bienvenue dans un monde ou vous pouvez commander un super héros pour faire le vigile dans votre commerce, ou pour chasser les gamins qui dealent en bas de votre immeuble. Franchement rien que pour ce concept cet album vaut le coup d'oeil !
La pagination est importante (comme dans un manga), cela permet de poser les bases de cet univers. Les personnages sont nombreux, mais on ne s'y perd pas. L'histoire prend le temps de les présenter. On nous parle aussi pas mal du passé, lorsque les Sentai avaient plus la cote, qu'ils n'étaient pas cantonnés à des missions sans intérêt.
Tout cela fonctionne bien, le rythme est plaisant. Et surtout une fois qu'on s'est amusé à découvrir cet univers un peu barré, l'intrigue arrive à décoller. C'est avec curiosité qu'on lit les derniers chapitres de ce premier tome, où les péripéties amènent ce qu'il faut de tension et de suspens pour donner envie de lire la suite.
Si j’étais membre du jury à Angouleme, Christophe Bec et Stefano Raffaele recevraient une distinction méritée pour leur énormissime contribution à la BD. Vous l’avez compris je suis un fan absolu de ce duo incroyable. Je me procure leurs albums les yeux fermés. Et jamais je n’ai été déçu. Avec la terre vagabonde encore une fois nous sommes sur une véritable pépite alliant la plume brillante de Christophe Bec et les talents visuels de Stefano Raffaele. Les compères ont réussi une nouvelle fois à créer une œuvre captivante qui ne peut que vous transporter dans un univers riche et intrigant.
Christophe Bec est connu pour son habileté à tisser des histoires complexes et immersives. Il ne déçoit pas avec ce scénario inspiré de l’œuvre de Liu Cixin publiée en 2000. Il mélange habilement science-fiction et aventure, tout en explorant des thèmes profonds comme la survie, l'humanité et l'inconnu. L'intrigue est fascinante dès les premières pages. Christophe réussit à maintenir une tension narrative qui va vous garder en haleine jusqu'à la fin. Les personnages sont bien développés et nuancés, offrant une profondeur émotionnelle qui résonne longtemps après la dernière page tournée. Une lecture d’une traite s’imposera naturellement à vous.
En parallèle les dessins de Stefano Raffaele sont tout simplement spectaculaires. Chaque planche est un chef-d'œuvre en soi, débordant de détails et d'expressions qui donnent vie à l'histoire. Stefano maîtrise parfaitement les scènes d'action dynamiques autant que les moments de calme introspectifs. Son style visuel unique complète parfaitement le récit de Christophe Bec, créant une harmonie entre le texte et les images qui est rare dans le genre. C’est magnifique avec en bonus des posters visuels incroyables.
Cerise sur le gâteau avec cet album vous pouvez intellectualiser l’histoire en vous posant des questions philosophiques … tout en divertissant bien évidemment. Le duo va vous pousser à réfléchir sur notre place dans l'univers et les implications de nos actions collectives. Ce n’est pas génial ça ?
Je ne peux que recommander cette BD remarquable qui mérite une place dans votre bibliothèque. Je vous invite à courir chez votre libraire adoré pour vous la procurer.
Le poète est semblable au prince des nuées qui hante la tempête et se rit de l’archer.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, consacrée à une visite atypique du musée d’Orsay. Son édition originale date de 2017. Il a été réalisé par Stéphane Levallois, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-neuf pages de bande dessinée. À la fin se trouve une liste des œuvres du musée d’Orsay (et d’ailleurs) citées dans le livre, soit environ soixante-quinze œuvres différentes, et un peu moins d’artistes. Cette liste s’intercale entre cinq portraits en pleine page : Dante Alighieri (d’après William Bouguereau), Heraklès (d’après Émile Antoine Burdelle, Henri de Toulouse-Lautrec), la Petite danseuse de 14 ans (d’après Edgar Degas), Johann Wolfgang Goethe (d’après Pierre-Jean David d’Angers).
Virgile Gautrey, un agent de surveillance, vient de se lever, et il s’habille méthodiquement. Il finit par lacer ses souliers, et passer la lanière qui tient son badge, autour du cou. Il est le gardien du musée d’Orsay. Il se rend tranquillement à son lieu de travail, passe son badge dans la liseuse et pénètre à l’intérieur. Il passe devant le buste de Johann Wolfgang von Goethe, sculpté par Pierre-Jean David d’Angers. Il monte à l’étage. Il prend une chaise et il s’installe devant Naissance de Vénus, de William Bouguereau. En lui-même, il pense au conseil à donner à un visiteur : quand on visite un musée, ne pas faire comme les autres, changer de rythme, traverser les salles d’un pas pressé, n’adresser à chaque œuvre qu’un regard furtif. À coup sûr, cela divertira les gardiens, brisera un instant la monotonie de leur quotidien. Il continue en son for intérieur ; avaler les salles toujours plus vite, jusqu’à ce que peut-être une œuvre arrête le visiteur. Et que pour la première fois de sa vie, il ressente une émotion si forte qu’il lui soit désormais impossible de se passer d’elle.
Totalement absorbé dans sa contemplation du tableau, Virgile Gautrey s’imagine voir Vénus courir nue devant lui, cherchant à atteindre un train sur le départ, le ratant, alors que lui reste de l’autre côté d’une vitre, incapable de la traverser, de rattraper cette femme. Le temps s’écoule à la grande horloge du musée et un autre gardien regarde le même tableau. Virgile Gautrey se réveille en sursaut dans son lit. Peu de temps après, il est le premier à arriver au musée. Il passe devant le buste de Goethe. Il passe devant le tableau La source, de Jean-Auguste Dominique Ingres, et il se fait la réflexion que la muse n’est plus là. Il se rend compte de l’impossibilité de ce qu’il vient de dire. Il continue de progresser dans la galerie et constate avec affolement que les jeunes filles ont disparu des autres tableaux. Il court jusqu’à la salle où se trouve Naissance de Vénus, elle n’est plus dans le tableau, il s’écroule à terre victime d’un malaise. Il gît sur le sol inconscient. Il reprend ses esprits, allongé sur un lit, le buste de Goethe lui parle. Il lui dit que le temps presse, que les muses ont disparu des œuvres, que ce musée pourrait être celui de la mémoire de Gautrey, et qu’il incombe à ce dernier de partir à leur recherche et de les ramener pour la célébration des trente ans.
Le musée d’Orsay a été inauguré en 1986, et cette bande dessinée a été publiée en 2017, un hommage à ses trente ans d’existence. Le texte de présentation indique qu’elle constitue : un Jeu de piste alerte et poétique à Orsay, une nouvelle visite atypique du musée parisien, un conte irrévérencieux et léger pour la collection Futuropolis/Musée d’Orsay. En effet, comme l’indique le titre, plusieurs muses, la plupart dénudées, ont disparu de tableaux célèbres, et la quête du gardien est de les retrouver, et par là-même d’identifier leur ravisseur. Il s’appelle Virgile Gautrey, bien évidemment en référence à Virgile (-70 à -19), le poète latin auteur de l'Énéide, les Bucoliques et les Géorgiques. Durant son voyage, il rencontre Dante Alighieri (1265/67-1321, poète et écrivain) qui va lui servir de guide pendant plusieurs séquences, en hommage à La Divine Comédie (1307-1321), avec une inversion des rôles puisqu’ici Dante guide Virgile. En effet, Gautrey finit par arriver dans un endroit qu’il identifie comme étant l’Enfer. En fonction de sa culture, et de sa familiarité avec les collections du musée d’Orsay, l’illustration de couverture dit peut-être quelque chose au lecteur, plus ou moins vaguement. En arrivant à la fin de l’ouvrage, il découvre donc la liste des œuvres citées visuellement. La couverture est inspirée du tableau Les Oréades (1902) de William Bouguereau (1825-1905). Par la suite, il peut juste reconnaître l’architecture caractéristique du musée, ou bien quelques-uns des tableaux réinterprétés.
Aussi le ressenti de lecture dépend fortement du niveau de familiarité avec les œuvres du musée d’Orsay (et d’ailleurs). L’auteur explicite cette mention d’autres endroits : il s’agit de la galerie internationale d’art moderne à Venise, du musée de l’Orangerie, du musée du Louvre, de la fondation Beyeler à Bâle, du musée Rodin à Paris, même si cela ne concerne que quelques œuvres parmi toutes celles auxquelles il est rendu hommage. Sa lecture peut alors prendre une dimension ludique, en jouant à identifier chaque référence, chaque tableau intégré à la narration visuelle, ou bien rester au niveau de l’intrigue, tout en se disant qu’il ira consulter plus en détail la liste en fin d’ouvrage pour telle ou telle image qui l’a plus frappé. Il n’en est peut-être pas au niveau de Virgile Dautrey qui a vécu l’expérience de ressentir une émotion si forte qu’il lui soit désormais impossible de se passer de telle œuvre, mais il y a fort à parier qu’il éprouvera l’envie d’en voir plusieurs pour de vrai. Au fil des pages, une composition ou une autre le prend par surprise : la perspective des Raboteurs de Parquet (1875) de Gustave Caillebotte (1848-1894), la richesse d’un tableau à la manière de Gustav Klimt (1862-1918), le pointillisme de La voilette (vers 1883) de Georges Seurat (1859-1891), les splendides couleurs de Londres Le parlement trouée de soleil dans le brouillard (1904) de Claude Monet (1840-1926), l’eau calme et visqueuse de Le pauvre pêcheur (1881) de Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898), ou encore bien d’autres.
L’artiste accomplit la prouesse de rendre hommage à ces quelques soixante-quinze œuvres d’art différentes en évoquant pour chacune l’exécution particulière de chaque créateur, tout en maintenant une unité graphique à sa narration visuelle, ce qui constitue un défi remarquable en soi. Tout commence avec une technique classique : des formes détourées par un trait de contour, un peu lâche, un peu fin, conservant un soupçon de spontanéité, avec une mise en couleurs de type aquarelle apportant des informations sur les teintes de chaque élément, comme ternies, et rehaussant le relief des surfaces, ainsi que le jeu d’ombres. Les traits de contour se font plus droits et plus secs pour représenter le hall central du musée d’Orsay avec ses murs bien droits, et ses arches bien rondes. Les premiers tableaux sont évoqués dans leur cadre, accrochés au mur, avec des touches de couleurs un peu plus vives, les faisant ressortir du reste de la case, sans pour autant qu’ils ne jurent avec la réalité banale de Virgile Gautrey. La vraie première prise de liberté (après la disparition des muses) survient avec une scène spectaculaire en quatre cases page treize : une transposition de L’accident gare de l’Ouest (aujourd’hui Gare Montparnasse) le 22 octobre 1895, célèbre photographie de Léopold Louis Mercier (1866-1913).
S’il y est sensible, le lecteur peut relever les fluctuations dans les techniques de dessins mises en œuvre par Stéphane Levallois qui lui permettent de s’aventurer vers les chefs d’œuvres picturaux, sans perdre le fil de son propre récit. Il peut jouer avec les lignes de contours en les rendant plus malléables ou plus floues, utiliser des couleurs plus vives pour un élément de la réalité banale de Virgile Gautrey en écho ou en annonce d’un tableau, utiliser le dispositif de l’ouverture d’une porte pour découvrir un autre monde ou une autre réalité derrière, diminuer le ratio de traits encrés au profit d’une plus grande importance accordée à la couleur directe, adapter des caractéristiques picturales telles que le pointillisme ou l’impressionnisme, jouer avec les aplats de noir, etc. Ainsi l’intégration des peintures se fait de manière organique, l’artiste gérant le degré de contraste en fonction de la séquence.
L’intrigue fonctionne sur le principe d’une enquête : quelle est la cause de la disparition des muses ? Quel est le coupable ? L’utilisation d’un voyage en train permet de voir défiler les paysages, et donne également l’impression d’une course-poursuite, une scène ou deux donnant l’impression que le gardien peut peut-être rattraper celui qui les enlevées. Conscient de la nature anniversaire du récit, le lecteur ressent l’impression d’un passage en revue un peu mécanique des œuvres emblématiques du musée d’Orsay, et dans le même temps il éprouve également le fait que ce dispositif fonctionne aussi comme une exploration d’hypothèses, de pistes, comme dans une enquête. Il voit que l’auteur met en scène deux enquêteurs : Virgile Gautrey d’un côté, le buste de Johann Wolfgang von Goethe de l’autre qui cherche avec ses propres moyens (il est muni de six jambes mécaniques) au sein même du musée d’Orsay, y compris dans les réserves. Le lecteur peut y voir un deuxième niveau de lecture : le constat que les disparitions concernent exclusivement des muses, le plus souvent des femmes nues, ce qui induit de manière sous-jacente un questionnement sur la nature du rapport de séduction entre muse et créateur, sur ce qui peut s’avérer séduisant pour la muse chez le créateur, et ce qui peut prendre sa place dans le cœur de sa muse.
Un livre anniversaire et hommage qui l’assume en égrainant les œuvres les plus célèbres du musée d’Orsay, sur la base d’un scénario linéaire. Virgile Gautrey se retrouve face à une toile après l’autre, essayant de comprendre pourquoi les muses ont disparu des œuvres. L’auteur parvient à remplir ce contrat de passage en revue, grâce à une narration visuelle qui sait accommoder chaque toile juste assez pour l’intégrer dans les dessins de l’histoire, sans dénaturer l’œuvre originelle. Accompagnant cette énumération, l’intrigue recèle plus de substance : un regard personnel sur l’importance ou le sens de chaque toile pour l’auteur, une mise en correspondance de la notion de muse et du jeu de séduction réciproque que cette fonction suppose avec le créateur. Ludique et enrichissant.
Pas mal de bonnes choses dans ce premier tome, à commencer par la couverture. Composition superbe, le personnage avec son bras bio-mécanique contraste avec la guitare en bois, c'est du meilleur effet. Très belle mise en bouche, qui va se poursuivre dans une ville futuriste : un Lyon transformé en mégalopole glauque et sombre, il faut avouer que c'est amusant et séduisant. L'ambiance est très réussie, entre les véhicules volants quais de Sâone, et les bas fonds underground où on deale à tout bout de champ. Pour ne rien gâcher, c'est parfaitement mis en images par le dessin et la mise en couleur de Jef. Son style colle tout à fait à cet univers.
Coté scénario, c'est classique mais efficace. Il y a plusieurs protagonistes qui vont se croiser. L'intrigue tourne autour d'une drogue de synthèse, de sa distribution, et du contrôle des quartiers. Politiques et mafieux se partage le gâteau. Comme c'est de rigueur on ne sait pas initialement ce qui motive les différents personnages, ce qu'ils cherchent à faire exactement, ou pour le compte de qui ils agissent. L'histoire se met en place doucement, elle donne envie d'en savoir plus même si pour le moment ça reste introductif, et ce petit flou ambiant mérite d'être développé.
Les rouages de l'histoire sont en place, il ne reste plus qu'à ce que ça décolle vraiment pour transformer l'essai. En tout cas, l'envie de connaitre la suite est bien présente en fin de lecture.
Je ne serai pas long car les précédents aviseurs ont été dithyrambiques à propos de ce récit, moi aussi. Je me suis laissé embarquer dans cette longue épopée qui effectivement de prime abord peut rebuter plus d'un, mais une fois l'arbre généalogique digéré, le récit est d'une limpidité.
Je dois quand même avouer que les noms hindous ne sont pas évidents à retenir, il faut d'abord bien les graver dans un coin de la tête et ça passe comme une lettre à la poste.
Si je devais porter un jugement négatif, c'est concernant les scènes de batailles, je les trouve molles du genou, elles manquent cruellement d'intensité,
elles sont trop vite expédiées, pas assez épiques. Je n'ai pas ressenti le choc des armures. Malgré ce petit "moins" le Mahâbhârata reste une TRÈS bonne lecture.
Je remonte la côte de cette série, certainement la plus dispensable de l’univers (avant les antipodes) mais tout à fait recommandable et sympathique.
Les scenarii se situent tous entre le tome 1 et 2 de Zénith, on suit les aventures de Marvin et Herbert avant que ce dernier ne sache se battre.
Forcément cette temporalité ne fera pas évoluer les enjeux de la série, mais j’aime beaucoup cette période où Herbert se la joue encore poule mouillée, et sa relation avec Marvin est encore pleine de camaraderie.
C’est très anecdotique (trop pour certains) mais rempli d’humour et de péripéties légères.
Il me semble que cette série à vue le jour après la non adaptation en dessin animée de l’univers. Le ton est donc assez accès jeunesse et les aventures se lisent vites, une trentaine de pages par album, mais je ne boude pas mon plaisir.
Un 1er tome gentillet mais la suite décolle bien plus, il y a franchement des passages cultes (la boucle temporel, les vampires, le peuple de Grogro...).
Les 5 premiers albums sont sous le pinceau de Larcenet, école Bill Baroud, ça convient parfaitement à l’ambiance de la série, la couverture du tome 3 l’illustre très bien, j’adore.
Le tome 6 marque un sacré changement sur le plan graphique, Alexis Nesme a un dessin bien plus léché mais on perd en mimiques et spontanéité (j’ai un peu de mal avec la tête de Herbert et ses yeux noirs, manque d’expressivité), mais l’histoire est réussie et comporte ses bons moments, les rafistolages d’Horous sont très drôles.
Je continuerai à suivre sans hésitation.
3,5+
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Petite MàJ
Donjon Parade fait peau neuve en 2025. Pas sur le fond, qui restera le même (aventures légères et humoristiques toujours dans la même temporalité), mais bien sur la partie graphique qui se rapprochera dorénavant de Donjon Monster.
Chaque album se verra confier à un dessinateur différent, au moins 6 sont annoncés cette année (avec Delaf, Burniat …).
L’idée me plaît bien mais j’avoue être sorti sans hype particulière avec les 2ers (ceux avec Tebo et Surcouf). La faute aux récits bien trop légers, ça m’a bien plus sauté aux yeux qu’avec les précédents. Ici ça va trop vite et si c’est divertissant, ce n’est pas bien marquant, voir trop facile. Je n’ai pas retrouvé l’équilibre des scenarii passés.
Je ne bouge pas ma côte (je suis tombé dans la marmite de l’univers) mais j’espère mieux pour les prochains. Même si je pense que contrairement à Monster, les invités auront ici beaucoup plus de mal à imprimer leurs pattes et à sortir des albums mémorables.
Le concept parade m’apparaît plus limité, il faudrait augmenter la pagination pour un meilleur développement et adapter l’humour déployé en fonction de l’auteur.
Livre 1
Cette bande dessinée, premier volet d’un diptyque, est clairement la sensation du moment chez Glénat, et on comprend pourquoi. A commencer par le magnifique travail éditorial : livre en grand format doté d’une couverture luxueuse avec vernis sélectif doré et marque-page en tissu. Au-delà de ce bel emballage qui pourrait s’avérer trompeur, le contenu est tout à fait à la hauteur…
Alors certes, graphiquement, on a affaire à ce style commun à toutes les grandes séries commerciales au long cours. Cela n’a rien d’original mais c’est très bien fait, avec cette touche cinématographique qui immerge le lecteur dans l’histoire : pleines pages spectaculaires, cadrages de haute volée, incrustation de petites cases en plans serrés pour un rendu hyper dynamique. Timothée Montaigne est doué, c’est incontestable, et le travail sur la couleur de Clara Tessier ne fait qu’en rehausser la qualité visuelle. Sans compter les mappemondes de l’époque et le plan en coupe du bateau au début qui confèrent au livre un côté « archive ». De la belle ouvrage, comme disaient les anciens.
Le scénario de Xavier Dorison, inspiré d’une histoire vraie, n’est pas en reste. La narration est totalement maîtrisée, Dorison ayant conçu ici un véritable « page turner » qui vous happe sans plus vous lâcher jusqu’à la fin…de ce premier tome — dommage pour les impatients ! De même, les personnages principaux ont des personnalités bien marquées, ce qui ne gâche rien. Si le neuvième art regorge de récits sur les « Vieux gréements », un genre presque à lui seul, celui-ci nous met dans la peau des occupants du navire Batavia, rebaptisé ici Jakarta, qui tous sans exception endurèrent des conditions de vie extrêmement difficiles durant un périple depuis les Pays-Bas jusqu’à l’Indonésie, ancienne colonie hollandaise.
En préface, Dorison nous avertit, cette aventure va nous montrer que l’Homme est capable de la pire barbarie, avec « arrêt complet de l’empathie », ce qui ne fait que renforcer notre curiosité, pour ne pas dire, toute honte bue, notre fascination pour le sordide ou le voyeurisme. Ce qui laisse penser que le second tome ira encore plus loin dans l’horreur, ce premier tome restant finalement assez « sage », toute proportion gardée. Heureusement, l’histoire ne se limitera pas à cette accroche, dans la mesure où elle se fait l’excellente métaphore — et c’est là tout son intérêt — du capitalisme financier moderne, le même qui aujourd’hui mène le monde à sa perte. Les Hollandais semblaient être précurseurs en la matière, le navire étant détenu par la première « multinationale » de l’Histoire, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, contrôlée par des actionnaires dont la puissance financière imposait des règles inhumaines d’une cruauté inégalée au sein de l’équipage. La tournure que va prendre l’aventure confirmera l’inadéquation totale d’un tel système avec la réalité la plus triviale.
C’est du grand spectacle pour une épopée maritime qui le méritait bien, avec ce paradoxe d’être certes une invitation au voyage, mais plus sûrement un voyage vers l’enfer, laissant le lecteur entre l’émerveillement et la sidération face à l’horreur vécue par ces hommes. Il est rare qu’une œuvre dans sa première partie nous laisse avec une si forte envie de connaître sa conclusion, que les auteurs ne devraient pas manquer, espérons-le, d’amener à bon port…
Livre 2
Loin de décevoir, le deuxième tome de cette épopée maritime reste dans la ligne du premier. Au-delà de l’aspect divertissant de cette aventure et de son écrin somptueux (oui, l’objet « livre » est vraiment magnifique), « 1629 – Livre II » est une réflexion saisissante sur le pouvoir, dans un contexte où les règles du monde dit civilisé n’ont plus cours. Dès lors, comme le montre cet ouvrage inspiré d’un fait historique, ce sont les réflexes les plus primitifs, les plus cruels, qui reprennent le dessus. Mais il questionne aussi les méthodes fallacieuses auxquelles est prêt à recourir un pouvoir afin de maintenir l’ordre. Sous des dehors policés, des méthodes parfois brutales et sanguinaires, le plus souvent arbitraires, qui n’ont rien à envier à la barbarie la plus féroce. Un ordre certes, mais au service de qui ? Des puissants ou des citoyens ?
Dans le rôle du « méchant », Cornélius est le type même du personnage odieux et revanchard. Le trait est à peine forcé. Erudit, beau parleur, il a parfaitement compris comment son éloquence lui permettrait de manipuler la « plèbe » pour mieux imposer son pouvoir. A l’instar de certains politiciens, hélas trop nombreux, qui semblent souvent plus au service de leurs intérêts que ceux de leurs administrés. Face à Cornélius, le commandant Pelsaert n’est guère plus sympathique, bien qu’il soit dans le camp des « gentils.
Mais la figure la plus intéressante ici est celle de Lucrétia Hans. A l’occasion de ce qui pour elle fera office d’expérience initiatique, la jeune femme à la forte personnalité va se révéler en découvrant des ressources en elle qu’elle ne soupçonnait pas. En passant du statut d’épouse fortunée à celui de naufragée en haillons, seule présence féminine parmi une meute d’hommes livrés à eux-mêmes, pas forcément bien intentionnés et « en manque d’affection », elle va devoir défendre sa peau et faire preuve de courage. Dépossédée de ses privilèges mais féministe avant l’heure, elle ne se montrera pas pour autant disposée à céder si facilement aux avances de Cornélius, et s’opposera même à lui en prenant la défense des plus vulnérables face aux nervis de ce dernier.
Le dessin réaliste de Montaigne reste toujours efficace et maîtrisé, mais on retiendra surtout la grande expressivité des visages. Dans sa tournure académique, il est tout à fait adapté à ce genre d’histoire, même si, on ne va pas se mentir, ce type de proposition est destinée à faire un carton auprès du public. Mais l’essentiel est que, comme on peut souvent le vérifier, cela ne soit pas au détriment de la qualité. Force est de constater que le duo Dorison/Montaigne a très bien fonctionné dans cette aventure.
Très bien accueillie par la critique et le public, la seconde partie de ce diptyque, également recommandée par l’auteur de ces lignes, recueillera fort logiquement une place de choix sur le tableau d’honneur des albums parus en 2024.
Impressionnant ! On ne peut qu’être bluffé par la somme de travail nécessaire pour produire cette œuvre plus qu’ambitieuse !
Je n’ai lu pour le moment que l’imposant premier tome, ALPHA, qui nous présente ni plus ni moins que la période allant de la création de l’univers jusqu’à l’apparition des hominidés. Une ambition énorme, mais qui s’appuie sur des qualités toutes aussi importantes pour nous proposer quelque chose de captivant.
Car jamais le lecteur n’est mis de côté par les connaissances ou termes scientifiques (noms de période, de phénomènes, d’espèces, de réactions chimiques, etc.). C’est fluide et on n’est jamais perdu. Et on ne s’ennuie jamais non plus !
C’est en effet très rythmé, la narration mêlant didactisme et moments plus planant, laissant vagabonder l’imagination du lecteur.
L’autre originalité et qualité de ce projet hors du commun, c’est son traitement graphique, que j’ai trouvé excellent, et pour une bonne part garant du plaisir de lecture.
Le dessin est à la fois minutieux et agréable, dynamique et fluide. Et la colorisation, usant de diverses bichromies, accompagne très bien l’ensemble. Certaines planches illustrant les convulsions terrestres m’ont fait penser à au travail de Clément Vuillier (en particulier dans son album L'Année de la Comète).
Surtout, Harder, que ce soit dans ses cases muettes ou dans celles accompagnées d’un texte – généralement placés en dessous des cases – va bien sûr dessiner de façon réaliste (et très réussi !) animaux, végétaux et matières organiques. Mais il va aussi utiliser une iconographie d’une grande richesse, puisant dans l’imagerie issue de toutes les civilisations. Européenne bien sûr – proximité oblige – mais aussi américaine, australienne, etc. Il ajoute aussi de nombreuses références issues de la BD, du cinéma. Tout ceci passe très bien et ne fait jamais artificiel, au contraire, tout fait sens et s’agrège naturellement au récit central, tout en l’aérant.
Une pagination imposante, mais cela se dévore rapidement.
Dès que je le pourrai, je lirai Civilisation. Même si a priori je crains que le procédé marche moins bien qu’avec ce premier album, duquel les hommes sont absents. Mais si la suite est du même acabit, je remonterai sans aucun doute ma note.
Un album brillant en tout cas.
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Je poursuis ma lecture de cette œuvre fleuve avec les deux tomes de « BETA », et je suis toujours impressionné par le travail de Jens Harder. Travail de recherche des connaissances historiques et scientifiques. Mais aussi un énorme travail pour assembler la documentation qui sert d’illustration à cette histoire du monde !
Ce travail graphique est toujours aussi bluffant, captivant. Encore avec des bichromies, métallisées cette fois-ci. Le rendu est très chouette. Surtout qu’Harder mêle encore reproduction de photos, de gravures, de BD, d’encyclopédies, d’œuvres d’art, etc. C’est éclectique, il use parfois d’anachronismes, de clins d’œil en mélangeant images d’époques différentes. Mais ça fonctionne toujours aussi bien.
Je suis donc toujours admiratif et conquis. Mais j’ai été un chouia moins enthousiaste que pour ma lecture d’ « Alpha ». Pour plusieurs raisons je pense. D’abord ici ont est sur du temps moins long, moins lointain. C’est-à-dire que tout s’enchaine plus rapidement, les changements sont plus brusques (à l’échelle du temps long quand même, mais finalement de moins en moins).
On est aussi sans doute moins émerveillé, car BETA traite d’époque que nous connaissons mieux – voire que nous vivons pour la fin du second tome (ces deux tomes traitent des hominidés, puis des premiers hommes jusqu'à la période contemporaine). Et du coup, notre proximité avec le sujet, le fait aussi que je connaisse beaucoup plus de choses dessus (je suis professeur d’histoire) a sans doute joué pour mon ressenti.
Pour finir, Harder – qui ne prétend pas faire œuvre scientifique (voir les textes de postface) – est un peu victime du fait qu’il est Européen et qu’il a sans doute eu accès davantage à des sources « occidentales ». Mais il ne tombe pas non plus dans le récit uniquement européocentré.
Bref, un projet toujours aussi audacieux (et bien soutenu par l’éditeur, avec une belle maquette et des paginations importantes pour tous les albums), qui tient le pari d’informer et de divertir sur la durée.
J’attends avec un peu d’appréhension – mais aussi de plaisir à venir – la dernière partie, « Gamma », où Harder se lancera un peu dans l’inconnu.
Une œuvre à lire en tout cas !
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Gunsmith Cats Burst
Oui, on prend les mêmes et on continue ! Pourquoi se gêner si la recette fonctionne bien, et si l'auteur peut se laisser aller à sa passion des armes à feu et des voitures ? Mais il convient de lire la 1ère partie avant (Gunsmith Cats), sinon on risque d'être vite paumé. Je trouve que cette suite est un poil moins sordide (à moins que je me sois habitué), mais ce n'est toujours pas à mettre dans les mains d'une âme pure et innocente.
Gunsmith Cats
Je possède les 2 éditions, celle en 8 volumes et celle en 4, ce qui me permet de faire un comparatif, la 1ère étant censurée par rapport à l'autre. Cette lecture n'est pas à mettre sous le nez de tout le monde, il faut avoir l'esprit assez large avec tous ces cartels, ces magouilles, ces psychopathes, ces barjots, ces meurtres et autres amusements du même style. Néanmoins, c'est plutôt enjoué et plein d'action, avec des dessins plutôt mignons (ce qui détonne un tantinet par rapport à la noirceur ambiante). Si vous n'y connaissez rien en armes à feu, ce manga fera votre éducation. Même si ça se passe aux USA, on a souvent l'impression d'être au Japon, quant aux personnages et à certains points de détail. Tout ce petit monde possède souvent des caractéristiques surhumaines. C'est tout juste si on ne vous fait pas avaler qu'on peut tirer à travers un trou de serrure, à 100 mètres de distance, installé dans un véhicule lancé à fond en train de se faire canarder. Et avec une seule main, puisque l'autre tient le volant :) Si jamais vous n'avez pas eu votre dose, il existe une suite Gunsmith Cats Burst : on reprend les mêmes et on continue. Bien sûr, je possède aussi cette suite. J'aurais pu mettre ''culte'', mais certains aspects me dérangent quand même un peu. Nota : dans l'édition révisée en 4 volumes, on y découvre aussi la série inachevée Riding Bean (le magazine ayant fait faillite), série qui a donné ensuite naissance à Gunsmith Cats, avec quelques remaniements.
Shin Zero
Il y a beaucoup à dire sur cette nouvelle production du label 619. Déjà, l'album a des allures de mangas de part son format et son style graphique, du noir et blanc et des personnages aux traits japanisans. Ce choix est on ne peu plus normal puisque l'histoire que nous raconte les deux auteurs est celle d'un groupe de Sentai. De quoi ? Mais si, rappelez vous les bioman et les power rangers... Des jeunes gens qui s'habillent en fluo pour combattre des méchants monstres qui veulent du mal à la population. Force jaune et force rose, vous l'avez ? Oui, sauf qu'à notre époque c'est plus trop la mode. Aujourd'hui on vit dans une société de consommation, on scrolle sur notre téléphone, on commande à manger sur celui-ci et on attend sagement qu'un livreur Uber vous livre votre commande, pour laquelle on lui attribuera quelques étoiles si on est satisfaits du service. Et là l'idée merveilleuse des auteurs est d'avoir fusionné les Sentai et Uber ! Bienvenue dans un monde ou vous pouvez commander un super héros pour faire le vigile dans votre commerce, ou pour chasser les gamins qui dealent en bas de votre immeuble. Franchement rien que pour ce concept cet album vaut le coup d'oeil ! La pagination est importante (comme dans un manga), cela permet de poser les bases de cet univers. Les personnages sont nombreux, mais on ne s'y perd pas. L'histoire prend le temps de les présenter. On nous parle aussi pas mal du passé, lorsque les Sentai avaient plus la cote, qu'ils n'étaient pas cantonnés à des missions sans intérêt. Tout cela fonctionne bien, le rythme est plaisant. Et surtout une fois qu'on s'est amusé à découvrir cet univers un peu barré, l'intrigue arrive à décoller. C'est avec curiosité qu'on lit les derniers chapitres de ce premier tome, où les péripéties amènent ce qu'il faut de tension et de suspens pour donner envie de lire la suite.
La Terre Vagabonde
Si j’étais membre du jury à Angouleme, Christophe Bec et Stefano Raffaele recevraient une distinction méritée pour leur énormissime contribution à la BD. Vous l’avez compris je suis un fan absolu de ce duo incroyable. Je me procure leurs albums les yeux fermés. Et jamais je n’ai été déçu. Avec la terre vagabonde encore une fois nous sommes sur une véritable pépite alliant la plume brillante de Christophe Bec et les talents visuels de Stefano Raffaele. Les compères ont réussi une nouvelle fois à créer une œuvre captivante qui ne peut que vous transporter dans un univers riche et intrigant. Christophe Bec est connu pour son habileté à tisser des histoires complexes et immersives. Il ne déçoit pas avec ce scénario inspiré de l’œuvre de Liu Cixin publiée en 2000. Il mélange habilement science-fiction et aventure, tout en explorant des thèmes profonds comme la survie, l'humanité et l'inconnu. L'intrigue est fascinante dès les premières pages. Christophe réussit à maintenir une tension narrative qui va vous garder en haleine jusqu'à la fin. Les personnages sont bien développés et nuancés, offrant une profondeur émotionnelle qui résonne longtemps après la dernière page tournée. Une lecture d’une traite s’imposera naturellement à vous. En parallèle les dessins de Stefano Raffaele sont tout simplement spectaculaires. Chaque planche est un chef-d'œuvre en soi, débordant de détails et d'expressions qui donnent vie à l'histoire. Stefano maîtrise parfaitement les scènes d'action dynamiques autant que les moments de calme introspectifs. Son style visuel unique complète parfaitement le récit de Christophe Bec, créant une harmonie entre le texte et les images qui est rare dans le genre. C’est magnifique avec en bonus des posters visuels incroyables. Cerise sur le gâteau avec cet album vous pouvez intellectualiser l’histoire en vous posant des questions philosophiques … tout en divertissant bien évidemment. Le duo va vous pousser à réfléchir sur notre place dans l'univers et les implications de nos actions collectives. Ce n’est pas génial ça ? Je ne peux que recommander cette BD remarquable qui mérite une place dans votre bibliothèque. Je vous invite à courir chez votre libraire adoré pour vous la procurer.
Les Disparues d'Orsay
Le poète est semblable au prince des nuées qui hante la tempête et se rit de l’archer. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, consacrée à une visite atypique du musée d’Orsay. Son édition originale date de 2017. Il a été réalisé par Stéphane Levallois, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-neuf pages de bande dessinée. À la fin se trouve une liste des œuvres du musée d’Orsay (et d’ailleurs) citées dans le livre, soit environ soixante-quinze œuvres différentes, et un peu moins d’artistes. Cette liste s’intercale entre cinq portraits en pleine page : Dante Alighieri (d’après William Bouguereau), Heraklès (d’après Émile Antoine Burdelle, Henri de Toulouse-Lautrec), la Petite danseuse de 14 ans (d’après Edgar Degas), Johann Wolfgang Goethe (d’après Pierre-Jean David d’Angers). Virgile Gautrey, un agent de surveillance, vient de se lever, et il s’habille méthodiquement. Il finit par lacer ses souliers, et passer la lanière qui tient son badge, autour du cou. Il est le gardien du musée d’Orsay. Il se rend tranquillement à son lieu de travail, passe son badge dans la liseuse et pénètre à l’intérieur. Il passe devant le buste de Johann Wolfgang von Goethe, sculpté par Pierre-Jean David d’Angers. Il monte à l’étage. Il prend une chaise et il s’installe devant Naissance de Vénus, de William Bouguereau. En lui-même, il pense au conseil à donner à un visiteur : quand on visite un musée, ne pas faire comme les autres, changer de rythme, traverser les salles d’un pas pressé, n’adresser à chaque œuvre qu’un regard furtif. À coup sûr, cela divertira les gardiens, brisera un instant la monotonie de leur quotidien. Il continue en son for intérieur ; avaler les salles toujours plus vite, jusqu’à ce que peut-être une œuvre arrête le visiteur. Et que pour la première fois de sa vie, il ressente une émotion si forte qu’il lui soit désormais impossible de se passer d’elle. Totalement absorbé dans sa contemplation du tableau, Virgile Gautrey s’imagine voir Vénus courir nue devant lui, cherchant à atteindre un train sur le départ, le ratant, alors que lui reste de l’autre côté d’une vitre, incapable de la traverser, de rattraper cette femme. Le temps s’écoule à la grande horloge du musée et un autre gardien regarde le même tableau. Virgile Gautrey se réveille en sursaut dans son lit. Peu de temps après, il est le premier à arriver au musée. Il passe devant le buste de Goethe. Il passe devant le tableau La source, de Jean-Auguste Dominique Ingres, et il se fait la réflexion que la muse n’est plus là. Il se rend compte de l’impossibilité de ce qu’il vient de dire. Il continue de progresser dans la galerie et constate avec affolement que les jeunes filles ont disparu des autres tableaux. Il court jusqu’à la salle où se trouve Naissance de Vénus, elle n’est plus dans le tableau, il s’écroule à terre victime d’un malaise. Il gît sur le sol inconscient. Il reprend ses esprits, allongé sur un lit, le buste de Goethe lui parle. Il lui dit que le temps presse, que les muses ont disparu des œuvres, que ce musée pourrait être celui de la mémoire de Gautrey, et qu’il incombe à ce dernier de partir à leur recherche et de les ramener pour la célébration des trente ans. Le musée d’Orsay a été inauguré en 1986, et cette bande dessinée a été publiée en 2017, un hommage à ses trente ans d’existence. Le texte de présentation indique qu’elle constitue : un Jeu de piste alerte et poétique à Orsay, une nouvelle visite atypique du musée parisien, un conte irrévérencieux et léger pour la collection Futuropolis/Musée d’Orsay. En effet, comme l’indique le titre, plusieurs muses, la plupart dénudées, ont disparu de tableaux célèbres, et la quête du gardien est de les retrouver, et par là-même d’identifier leur ravisseur. Il s’appelle Virgile Gautrey, bien évidemment en référence à Virgile (-70 à -19), le poète latin auteur de l'Énéide, les Bucoliques et les Géorgiques. Durant son voyage, il rencontre Dante Alighieri (1265/67-1321, poète et écrivain) qui va lui servir de guide pendant plusieurs séquences, en hommage à La Divine Comédie (1307-1321), avec une inversion des rôles puisqu’ici Dante guide Virgile. En effet, Gautrey finit par arriver dans un endroit qu’il identifie comme étant l’Enfer. En fonction de sa culture, et de sa familiarité avec les collections du musée d’Orsay, l’illustration de couverture dit peut-être quelque chose au lecteur, plus ou moins vaguement. En arrivant à la fin de l’ouvrage, il découvre donc la liste des œuvres citées visuellement. La couverture est inspirée du tableau Les Oréades (1902) de William Bouguereau (1825-1905). Par la suite, il peut juste reconnaître l’architecture caractéristique du musée, ou bien quelques-uns des tableaux réinterprétés. Aussi le ressenti de lecture dépend fortement du niveau de familiarité avec les œuvres du musée d’Orsay (et d’ailleurs). L’auteur explicite cette mention d’autres endroits : il s’agit de la galerie internationale d’art moderne à Venise, du musée de l’Orangerie, du musée du Louvre, de la fondation Beyeler à Bâle, du musée Rodin à Paris, même si cela ne concerne que quelques œuvres parmi toutes celles auxquelles il est rendu hommage. Sa lecture peut alors prendre une dimension ludique, en jouant à identifier chaque référence, chaque tableau intégré à la narration visuelle, ou bien rester au niveau de l’intrigue, tout en se disant qu’il ira consulter plus en détail la liste en fin d’ouvrage pour telle ou telle image qui l’a plus frappé. Il n’en est peut-être pas au niveau de Virgile Dautrey qui a vécu l’expérience de ressentir une émotion si forte qu’il lui soit désormais impossible de se passer de telle œuvre, mais il y a fort à parier qu’il éprouvera l’envie d’en voir plusieurs pour de vrai. Au fil des pages, une composition ou une autre le prend par surprise : la perspective des Raboteurs de Parquet (1875) de Gustave Caillebotte (1848-1894), la richesse d’un tableau à la manière de Gustav Klimt (1862-1918), le pointillisme de La voilette (vers 1883) de Georges Seurat (1859-1891), les splendides couleurs de Londres Le parlement trouée de soleil dans le brouillard (1904) de Claude Monet (1840-1926), l’eau calme et visqueuse de Le pauvre pêcheur (1881) de Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898), ou encore bien d’autres. L’artiste accomplit la prouesse de rendre hommage à ces quelques soixante-quinze œuvres d’art différentes en évoquant pour chacune l’exécution particulière de chaque créateur, tout en maintenant une unité graphique à sa narration visuelle, ce qui constitue un défi remarquable en soi. Tout commence avec une technique classique : des formes détourées par un trait de contour, un peu lâche, un peu fin, conservant un soupçon de spontanéité, avec une mise en couleurs de type aquarelle apportant des informations sur les teintes de chaque élément, comme ternies, et rehaussant le relief des surfaces, ainsi que le jeu d’ombres. Les traits de contour se font plus droits et plus secs pour représenter le hall central du musée d’Orsay avec ses murs bien droits, et ses arches bien rondes. Les premiers tableaux sont évoqués dans leur cadre, accrochés au mur, avec des touches de couleurs un peu plus vives, les faisant ressortir du reste de la case, sans pour autant qu’ils ne jurent avec la réalité banale de Virgile Gautrey. La vraie première prise de liberté (après la disparition des muses) survient avec une scène spectaculaire en quatre cases page treize : une transposition de L’accident gare de l’Ouest (aujourd’hui Gare Montparnasse) le 22 octobre 1895, célèbre photographie de Léopold Louis Mercier (1866-1913). S’il y est sensible, le lecteur peut relever les fluctuations dans les techniques de dessins mises en œuvre par Stéphane Levallois qui lui permettent de s’aventurer vers les chefs d’œuvres picturaux, sans perdre le fil de son propre récit. Il peut jouer avec les lignes de contours en les rendant plus malléables ou plus floues, utiliser des couleurs plus vives pour un élément de la réalité banale de Virgile Gautrey en écho ou en annonce d’un tableau, utiliser le dispositif de l’ouverture d’une porte pour découvrir un autre monde ou une autre réalité derrière, diminuer le ratio de traits encrés au profit d’une plus grande importance accordée à la couleur directe, adapter des caractéristiques picturales telles que le pointillisme ou l’impressionnisme, jouer avec les aplats de noir, etc. Ainsi l’intégration des peintures se fait de manière organique, l’artiste gérant le degré de contraste en fonction de la séquence. L’intrigue fonctionne sur le principe d’une enquête : quelle est la cause de la disparition des muses ? Quel est le coupable ? L’utilisation d’un voyage en train permet de voir défiler les paysages, et donne également l’impression d’une course-poursuite, une scène ou deux donnant l’impression que le gardien peut peut-être rattraper celui qui les enlevées. Conscient de la nature anniversaire du récit, le lecteur ressent l’impression d’un passage en revue un peu mécanique des œuvres emblématiques du musée d’Orsay, et dans le même temps il éprouve également le fait que ce dispositif fonctionne aussi comme une exploration d’hypothèses, de pistes, comme dans une enquête. Il voit que l’auteur met en scène deux enquêteurs : Virgile Gautrey d’un côté, le buste de Johann Wolfgang von Goethe de l’autre qui cherche avec ses propres moyens (il est muni de six jambes mécaniques) au sein même du musée d’Orsay, y compris dans les réserves. Le lecteur peut y voir un deuxième niveau de lecture : le constat que les disparitions concernent exclusivement des muses, le plus souvent des femmes nues, ce qui induit de manière sous-jacente un questionnement sur la nature du rapport de séduction entre muse et créateur, sur ce qui peut s’avérer séduisant pour la muse chez le créateur, et ce qui peut prendre sa place dans le cœur de sa muse. Un livre anniversaire et hommage qui l’assume en égrainant les œuvres les plus célèbres du musée d’Orsay, sur la base d’un scénario linéaire. Virgile Gautrey se retrouve face à une toile après l’autre, essayant de comprendre pourquoi les muses ont disparu des œuvres. L’auteur parvient à remplir ce contrat de passage en revue, grâce à une narration visuelle qui sait accommoder chaque toile juste assez pour l’intégrer dans les dessins de l’histoire, sans dénaturer l’œuvre originelle. Accompagnant cette énumération, l’intrigue recèle plus de substance : un regard personnel sur l’importance ou le sens de chaque toile pour l’auteur, une mise en correspondance de la notion de muse et du jeu de séduction réciproque que cette fonction suppose avec le créateur. Ludique et enrichissant.
La Mécanique
Pas mal de bonnes choses dans ce premier tome, à commencer par la couverture. Composition superbe, le personnage avec son bras bio-mécanique contraste avec la guitare en bois, c'est du meilleur effet. Très belle mise en bouche, qui va se poursuivre dans une ville futuriste : un Lyon transformé en mégalopole glauque et sombre, il faut avouer que c'est amusant et séduisant. L'ambiance est très réussie, entre les véhicules volants quais de Sâone, et les bas fonds underground où on deale à tout bout de champ. Pour ne rien gâcher, c'est parfaitement mis en images par le dessin et la mise en couleur de Jef. Son style colle tout à fait à cet univers. Coté scénario, c'est classique mais efficace. Il y a plusieurs protagonistes qui vont se croiser. L'intrigue tourne autour d'une drogue de synthèse, de sa distribution, et du contrôle des quartiers. Politiques et mafieux se partage le gâteau. Comme c'est de rigueur on ne sait pas initialement ce qui motive les différents personnages, ce qu'ils cherchent à faire exactement, ou pour le compte de qui ils agissent. L'histoire se met en place doucement, elle donne envie d'en savoir plus même si pour le moment ça reste introductif, et ce petit flou ambiant mérite d'être développé. Les rouages de l'histoire sont en place, il ne reste plus qu'à ce que ça décolle vraiment pour transformer l'essai. En tout cas, l'envie de connaitre la suite est bien présente en fin de lecture.
Le Mahâbhârata
Je ne serai pas long car les précédents aviseurs ont été dithyrambiques à propos de ce récit, moi aussi. Je me suis laissé embarquer dans cette longue épopée qui effectivement de prime abord peut rebuter plus d'un, mais une fois l'arbre généalogique digéré, le récit est d'une limpidité. Je dois quand même avouer que les noms hindous ne sont pas évidents à retenir, il faut d'abord bien les graver dans un coin de la tête et ça passe comme une lettre à la poste. Si je devais porter un jugement négatif, c'est concernant les scènes de batailles, je les trouve molles du genou, elles manquent cruellement d'intensité, elles sont trop vite expédiées, pas assez épiques. Je n'ai pas ressenti le choc des armures. Malgré ce petit "moins" le Mahâbhârata reste une TRÈS bonne lecture.
Donjon Parade
Je remonte la côte de cette série, certainement la plus dispensable de l’univers (avant les antipodes) mais tout à fait recommandable et sympathique. Les scenarii se situent tous entre le tome 1 et 2 de Zénith, on suit les aventures de Marvin et Herbert avant que ce dernier ne sache se battre. Forcément cette temporalité ne fera pas évoluer les enjeux de la série, mais j’aime beaucoup cette période où Herbert se la joue encore poule mouillée, et sa relation avec Marvin est encore pleine de camaraderie. C’est très anecdotique (trop pour certains) mais rempli d’humour et de péripéties légères. Il me semble que cette série à vue le jour après la non adaptation en dessin animée de l’univers. Le ton est donc assez accès jeunesse et les aventures se lisent vites, une trentaine de pages par album, mais je ne boude pas mon plaisir. Un 1er tome gentillet mais la suite décolle bien plus, il y a franchement des passages cultes (la boucle temporel, les vampires, le peuple de Grogro...). Les 5 premiers albums sont sous le pinceau de Larcenet, école Bill Baroud, ça convient parfaitement à l’ambiance de la série, la couverture du tome 3 l’illustre très bien, j’adore. Le tome 6 marque un sacré changement sur le plan graphique, Alexis Nesme a un dessin bien plus léché mais on perd en mimiques et spontanéité (j’ai un peu de mal avec la tête de Herbert et ses yeux noirs, manque d’expressivité), mais l’histoire est réussie et comporte ses bons moments, les rafistolages d’Horous sont très drôles. Je continuerai à suivre sans hésitation. 3,5+ ———————————————- Petite MàJ Donjon Parade fait peau neuve en 2025. Pas sur le fond, qui restera le même (aventures légères et humoristiques toujours dans la même temporalité), mais bien sur la partie graphique qui se rapprochera dorénavant de Donjon Monster. Chaque album se verra confier à un dessinateur différent, au moins 6 sont annoncés cette année (avec Delaf, Burniat …). L’idée me plaît bien mais j’avoue être sorti sans hype particulière avec les 2ers (ceux avec Tebo et Surcouf). La faute aux récits bien trop légers, ça m’a bien plus sauté aux yeux qu’avec les précédents. Ici ça va trop vite et si c’est divertissant, ce n’est pas bien marquant, voir trop facile. Je n’ai pas retrouvé l’équilibre des scenarii passés. Je ne bouge pas ma côte (je suis tombé dans la marmite de l’univers) mais j’espère mieux pour les prochains. Même si je pense que contrairement à Monster, les invités auront ici beaucoup plus de mal à imprimer leurs pattes et à sortir des albums mémorables. Le concept parade m’apparaît plus limité, il faudrait augmenter la pagination pour un meilleur développement et adapter l’humour déployé en fonction de l’auteur.
1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
Livre 1 Cette bande dessinée, premier volet d’un diptyque, est clairement la sensation du moment chez Glénat, et on comprend pourquoi. A commencer par le magnifique travail éditorial : livre en grand format doté d’une couverture luxueuse avec vernis sélectif doré et marque-page en tissu. Au-delà de ce bel emballage qui pourrait s’avérer trompeur, le contenu est tout à fait à la hauteur… Alors certes, graphiquement, on a affaire à ce style commun à toutes les grandes séries commerciales au long cours. Cela n’a rien d’original mais c’est très bien fait, avec cette touche cinématographique qui immerge le lecteur dans l’histoire : pleines pages spectaculaires, cadrages de haute volée, incrustation de petites cases en plans serrés pour un rendu hyper dynamique. Timothée Montaigne est doué, c’est incontestable, et le travail sur la couleur de Clara Tessier ne fait qu’en rehausser la qualité visuelle. Sans compter les mappemondes de l’époque et le plan en coupe du bateau au début qui confèrent au livre un côté « archive ». De la belle ouvrage, comme disaient les anciens. Le scénario de Xavier Dorison, inspiré d’une histoire vraie, n’est pas en reste. La narration est totalement maîtrisée, Dorison ayant conçu ici un véritable « page turner » qui vous happe sans plus vous lâcher jusqu’à la fin…de ce premier tome — dommage pour les impatients ! De même, les personnages principaux ont des personnalités bien marquées, ce qui ne gâche rien. Si le neuvième art regorge de récits sur les « Vieux gréements », un genre presque à lui seul, celui-ci nous met dans la peau des occupants du navire Batavia, rebaptisé ici Jakarta, qui tous sans exception endurèrent des conditions de vie extrêmement difficiles durant un périple depuis les Pays-Bas jusqu’à l’Indonésie, ancienne colonie hollandaise. En préface, Dorison nous avertit, cette aventure va nous montrer que l’Homme est capable de la pire barbarie, avec « arrêt complet de l’empathie », ce qui ne fait que renforcer notre curiosité, pour ne pas dire, toute honte bue, notre fascination pour le sordide ou le voyeurisme. Ce qui laisse penser que le second tome ira encore plus loin dans l’horreur, ce premier tome restant finalement assez « sage », toute proportion gardée. Heureusement, l’histoire ne se limitera pas à cette accroche, dans la mesure où elle se fait l’excellente métaphore — et c’est là tout son intérêt — du capitalisme financier moderne, le même qui aujourd’hui mène le monde à sa perte. Les Hollandais semblaient être précurseurs en la matière, le navire étant détenu par la première « multinationale » de l’Histoire, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, contrôlée par des actionnaires dont la puissance financière imposait des règles inhumaines d’une cruauté inégalée au sein de l’équipage. La tournure que va prendre l’aventure confirmera l’inadéquation totale d’un tel système avec la réalité la plus triviale. C’est du grand spectacle pour une épopée maritime qui le méritait bien, avec ce paradoxe d’être certes une invitation au voyage, mais plus sûrement un voyage vers l’enfer, laissant le lecteur entre l’émerveillement et la sidération face à l’horreur vécue par ces hommes. Il est rare qu’une œuvre dans sa première partie nous laisse avec une si forte envie de connaître sa conclusion, que les auteurs ne devraient pas manquer, espérons-le, d’amener à bon port… Livre 2 Loin de décevoir, le deuxième tome de cette épopée maritime reste dans la ligne du premier. Au-delà de l’aspect divertissant de cette aventure et de son écrin somptueux (oui, l’objet « livre » est vraiment magnifique), « 1629 – Livre II » est une réflexion saisissante sur le pouvoir, dans un contexte où les règles du monde dit civilisé n’ont plus cours. Dès lors, comme le montre cet ouvrage inspiré d’un fait historique, ce sont les réflexes les plus primitifs, les plus cruels, qui reprennent le dessus. Mais il questionne aussi les méthodes fallacieuses auxquelles est prêt à recourir un pouvoir afin de maintenir l’ordre. Sous des dehors policés, des méthodes parfois brutales et sanguinaires, le plus souvent arbitraires, qui n’ont rien à envier à la barbarie la plus féroce. Un ordre certes, mais au service de qui ? Des puissants ou des citoyens ? Dans le rôle du « méchant », Cornélius est le type même du personnage odieux et revanchard. Le trait est à peine forcé. Erudit, beau parleur, il a parfaitement compris comment son éloquence lui permettrait de manipuler la « plèbe » pour mieux imposer son pouvoir. A l’instar de certains politiciens, hélas trop nombreux, qui semblent souvent plus au service de leurs intérêts que ceux de leurs administrés. Face à Cornélius, le commandant Pelsaert n’est guère plus sympathique, bien qu’il soit dans le camp des « gentils. Mais la figure la plus intéressante ici est celle de Lucrétia Hans. A l’occasion de ce qui pour elle fera office d’expérience initiatique, la jeune femme à la forte personnalité va se révéler en découvrant des ressources en elle qu’elle ne soupçonnait pas. En passant du statut d’épouse fortunée à celui de naufragée en haillons, seule présence féminine parmi une meute d’hommes livrés à eux-mêmes, pas forcément bien intentionnés et « en manque d’affection », elle va devoir défendre sa peau et faire preuve de courage. Dépossédée de ses privilèges mais féministe avant l’heure, elle ne se montrera pas pour autant disposée à céder si facilement aux avances de Cornélius, et s’opposera même à lui en prenant la défense des plus vulnérables face aux nervis de ce dernier. Le dessin réaliste de Montaigne reste toujours efficace et maîtrisé, mais on retiendra surtout la grande expressivité des visages. Dans sa tournure académique, il est tout à fait adapté à ce genre d’histoire, même si, on ne va pas se mentir, ce type de proposition est destinée à faire un carton auprès du public. Mais l’essentiel est que, comme on peut souvent le vérifier, cela ne soit pas au détriment de la qualité. Force est de constater que le duo Dorison/Montaigne a très bien fonctionné dans cette aventure. Très bien accueillie par la critique et le public, la seconde partie de ce diptyque, également recommandée par l’auteur de ces lignes, recueillera fort logiquement une place de choix sur le tableau d’honneur des albums parus en 2024.
Alpha... directions / Beta... civilisations
Impressionnant ! On ne peut qu’être bluffé par la somme de travail nécessaire pour produire cette œuvre plus qu’ambitieuse ! Je n’ai lu pour le moment que l’imposant premier tome, ALPHA, qui nous présente ni plus ni moins que la période allant de la création de l’univers jusqu’à l’apparition des hominidés. Une ambition énorme, mais qui s’appuie sur des qualités toutes aussi importantes pour nous proposer quelque chose de captivant. Car jamais le lecteur n’est mis de côté par les connaissances ou termes scientifiques (noms de période, de phénomènes, d’espèces, de réactions chimiques, etc.). C’est fluide et on n’est jamais perdu. Et on ne s’ennuie jamais non plus ! C’est en effet très rythmé, la narration mêlant didactisme et moments plus planant, laissant vagabonder l’imagination du lecteur. L’autre originalité et qualité de ce projet hors du commun, c’est son traitement graphique, que j’ai trouvé excellent, et pour une bonne part garant du plaisir de lecture. Le dessin est à la fois minutieux et agréable, dynamique et fluide. Et la colorisation, usant de diverses bichromies, accompagne très bien l’ensemble. Certaines planches illustrant les convulsions terrestres m’ont fait penser à au travail de Clément Vuillier (en particulier dans son album L'Année de la Comète). Surtout, Harder, que ce soit dans ses cases muettes ou dans celles accompagnées d’un texte – généralement placés en dessous des cases – va bien sûr dessiner de façon réaliste (et très réussi !) animaux, végétaux et matières organiques. Mais il va aussi utiliser une iconographie d’une grande richesse, puisant dans l’imagerie issue de toutes les civilisations. Européenne bien sûr – proximité oblige – mais aussi américaine, australienne, etc. Il ajoute aussi de nombreuses références issues de la BD, du cinéma. Tout ceci passe très bien et ne fait jamais artificiel, au contraire, tout fait sens et s’agrège naturellement au récit central, tout en l’aérant. Une pagination imposante, mais cela se dévore rapidement. Dès que je le pourrai, je lirai Civilisation. Même si a priori je crains que le procédé marche moins bien qu’avec ce premier album, duquel les hommes sont absents. Mais si la suite est du même acabit, je remonterai sans aucun doute ma note. Un album brillant en tout cas. ********************************* Je poursuis ma lecture de cette œuvre fleuve avec les deux tomes de « BETA », et je suis toujours impressionné par le travail de Jens Harder. Travail de recherche des connaissances historiques et scientifiques. Mais aussi un énorme travail pour assembler la documentation qui sert d’illustration à cette histoire du monde ! Ce travail graphique est toujours aussi bluffant, captivant. Encore avec des bichromies, métallisées cette fois-ci. Le rendu est très chouette. Surtout qu’Harder mêle encore reproduction de photos, de gravures, de BD, d’encyclopédies, d’œuvres d’art, etc. C’est éclectique, il use parfois d’anachronismes, de clins d’œil en mélangeant images d’époques différentes. Mais ça fonctionne toujours aussi bien. Je suis donc toujours admiratif et conquis. Mais j’ai été un chouia moins enthousiaste que pour ma lecture d’ « Alpha ». Pour plusieurs raisons je pense. D’abord ici ont est sur du temps moins long, moins lointain. C’est-à-dire que tout s’enchaine plus rapidement, les changements sont plus brusques (à l’échelle du temps long quand même, mais finalement de moins en moins). On est aussi sans doute moins émerveillé, car BETA traite d’époque que nous connaissons mieux – voire que nous vivons pour la fin du second tome (ces deux tomes traitent des hominidés, puis des premiers hommes jusqu'à la période contemporaine). Et du coup, notre proximité avec le sujet, le fait aussi que je connaisse beaucoup plus de choses dessus (je suis professeur d’histoire) a sans doute joué pour mon ressenti. Pour finir, Harder – qui ne prétend pas faire œuvre scientifique (voir les textes de postface) – est un peu victime du fait qu’il est Européen et qu’il a sans doute eu accès davantage à des sources « occidentales ». Mais il ne tombe pas non plus dans le récit uniquement européocentré. Bref, un projet toujours aussi audacieux (et bien soutenu par l’éditeur, avec une belle maquette et des paginations importantes pour tous les albums), qui tient le pari d’informer et de divertir sur la durée. J’attends avec un peu d’appréhension – mais aussi de plaisir à venir – la dernière partie, « Gamma », où Harder se lancera un peu dans l’inconnu. Une œuvre à lire en tout cas !