Les derniers avis (91 avis)

Couverture de la série Voro
Voro

Tenter de faire un univers d’Heroic Fantasy accessible et intéressant pour les enfants ET les adultes sans perte d’intérêt pour l’un ou l’autre, c’est tout de même un beau pari. Et un pari réussi ! Le monde, tout du moins la partie qui nous en est présentée dans ces trois cycles, semble vaste et vivant. Le récit, sur sa forme, est simple, mais suffisamment maîtrisé pour que tout paraisse fluide et logique. Les personnages sont bien définis et les scènes d’action s’enchaînent bien. L'évolution de la protagonistes est intéressante, elle gagne progressivement en maturité (il faut dire qu'avec ce qu'elle fait et ce qui lui arrive...) mais conserve jusqu'au bout son petit côté de tête brûlée. J'ai énormément apprécié le dernier cycle, surtout ses propos sur le libre-arbitre, le potentiel humain (tant positif que négatif) et l'apport des divinités sur ce monde. J'ai vraiment trouvé très intéressante cette vision pessimiste que l'on développe tout au long du récit et qui trouve son point d'orgue lors du combat final et des questionnements qui l'entourent. Le dessin, lui aussi simple, est très agréable à l’œil. Et, même s’il semble enfantin, on note quand-même la présence d’une violence graphique non censurée (il y a du sang et des tripes à quelques moments). Vraiment une très agréable série. Une lecture jeunesse plus que recommandée (même pour les plus très jeunes).

26/10/2024 (MAJ le 21/12/2024) (modifier)
Couverture de la série Perséphone
Perséphone

Oh chic, une réécriture du mythe de Perséphone qui ne tourne pas la relation Perséphone/Hadès en romance ! Pas qu'il y ait de mal nécessairement à réécrire ce mythe ainsi, mais à force de voir fleurir des histoires prenant ce parti on en oublierait presque que le mythe d'origine raconte avant tout l'histoire d'un kidnapping et d'un mariage forcé (incestueux de surcroit, mais bon c'est la mythologie grecque, on n'est plus à ça prêt), et que son but était de préparer les mères à voir leurs filles se faire marier de force et se faire "enlever". Oui, car on rappelle que les mythes et légendes servent toujours, implicitement ou non, à inculquer des valeurs et des principes propres aux cultures dans lesquelles iels voient le jour. Donc, bien que tout angle de réécriture peut être pertinent si bien écrit, ça me met toujours un peu mal à l'aise de réaliser que, pour beaucoup aujourd'hui, le mythe de Perséphone évoque davantage une romance interdite que l'abject produit d'une société purement patriarcale et objectifiant les femmes qu'il était à la base. Mais bon, trêve de discours féministes, ici la réécriture prend une approche bien différente et la relation Perséphone/Hadès n'a rien à voir avec le mythe d'origine ou ses nombreuses réécritures romantiques modernes. Ici, le mythe est réécrit façon récit de fantasy, avec ses pays étranges, sa magie et ses intrigues politiques simples (mais claires dans leur approche) typiques des récits adolescents du genre. Cet album, justement, s'adresse davantage à un public adolescent. Un public plus âgé sera sans doute moins emporté par l'intrigue (un peu trop classique par moment), même si les très beaux dessins et la jolie relation mère/fille entre Perséphone et Déméter, eux, restent appréciables universellement. L'album vaux 3,5 à mes yeux, d'un regard adulte je l'arrondirais sans doute à 3 étoiles (bon mais trop convenu) mais je préfère privilégier le point de vue du public cible et l'arrondir à 4 étoiles.

21/12/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Nietzsche
Nietzsche

Quelle dose de vérité l’homme peut-il supporter ? - Ce tome contient une biographie du philosophe Friedrich Nietzsche (1844-1900) qui s’apprécie mieux avec une connaissance superficielle de son œuvre. La première édition date de 2010. Il a été réalisé par Maximilien Le Roy pour les dessins et l’adaptation, d’après le script cinématographique L’innocence du devenir, la vie de Frédéric Nietzsche, de Michel Onfray. Pour réaliser ce projet, le bédéiste a effectué un voyage en train à travers l’Allemagne, la Suisse et l’Italie, sur les traces du philosophe allemand. Naumburg, en Allemagne, en 1896, Friedrich Nietzsche est confortablement installé dans une chaise longue sur la terrasse, les yeux ouverts droit devant lui, protégés par ses épais sourcils, comme des rappels de son épaisse moustache. Röcken, en Allemagne, en 1844, Karl-Ludwig Nietzsche joue du piano, écouté par son fils. Quelque temps a passé, les enfants jouent dans la cour sous le regard attentif de leur mère Franziska. Le père sort de la maison en titubant. Il se tient au bouton de la porte, mais la douleur au crâne est trop forte et il tombe au sol. Le trente juillet 1849, le père est allongé sur son lit de mort, veillé par son épouse ; leur jeune fils regarde le défunt avec calme et curiosité. Dans l’église, il éprouve la sensation que le monde est en noir et blanc et qu’une ombre menaçante vient le chercher, s’insinue dans son esprit. Un peu plus tard, le garçon raconte son cauchemar à sa mère : Papa a pris Joseph dans ses bras, puis il l’a emporté avec lui dans sa tombe. La maman lui conseille de ne plus y penser : c’est un mauvais rêve, un vilain cauchemar. Elle porte son fils sur le bras droit, et sa fille sur le bras gauche, et elle les emmène jouer dans le jardin. Le quatre janvier 1850, la famille se recueille devant un autre lit de mort. En 1851, le petit garçon commence à son tour à jouer du piano. En 1853, la famille a déménagé à Porta. À l’école, Friedrich discute avec un camarade de classe de l’histoire de Mucius Scaevola, qui aurait mis sa main dans le feu pour montrer à ses ennemis qu’il n’a pas peur de la mort et de ce qu’ils pourront lui faire. Friedrich indique qu’il y croit, que ce n’est pas une fable. Pour lui, les Romains n’aimaient pas les fables, ils aimaient l’héroïsme, et puis la grandeur d’âme. Pour appuyer ses affirmations, il saisit un charbon dans le poêle. Le maitre intervient en lui disant qu’il n’a rien dans la tête. Un autre jour, par une belle après-midi, le maître emmène la classe se baigner dans la rivière proche. Quelque temps plus tard, le jeune Friedrich indique à sa mère qu’il ne voudrait pas lui faire de peine, mais il a bien réfléchi et il croit qu’il ne sera pas pasteur. Il croit toujours en Dieu, mais il préfèrerait être compositeur. Sa mère lui répond que ce n’est pas un métier, lui fait observer qu’il peut être pasteur et que rien ne l’empêchera de composer de la musique et d’en jouer en plus de sa charge. Elle le convainc de continuer ses études. Tout jeune homme, il prend l’habitude de se promener dans les bois, parfois assailli par un terrible mal de crâne. Dans le court paragraphe de présentation de l’artiste, il est indiqué que Maximilien Le Roy s’est demandé deux ans durant comme effectuer la jonction entre l’univers de ce philosophe et le dessin, et que l’opportunité s’est présentée sous la forme du script de Michel Onfray. Il se retrouve ainsi sous la double pression de faire honneur à Nietzsche et de ne pas déformer la pensée d’Onfray au travers de la présentation du philosophe. Le lecteur s’interroge sur le dosage que le bédéiste va effectuer entre des faits purement biographiques et la présentation des concepts du philosophe. Mis à part la première page, la narration suit rigoureusement l’ordre chronologique de la naissance à la mort de Nietzsche. Elle le suit à chaque nouvelle étape : à partir de Röcken en 1844, puis Pforta en 1853, Bonn en 1868, Cologne, chez les Wagner à Tribschen en Suisse en 1870, dans le canton des Grisons en Suisse, à Bâle en février 1875, à Engadine en Suisse, à Naumburg en Allemagne, à Venise en mars 1880, un nouveau séjour à Naumburg, à Gênes en Italie, dans la pension de famille à Sils-Maria dans la Haute-Engadine en Suisse en août 1881, au théâtre Politeama à Gênes en novembre 1881, à Rome en avril 1882, à Sorrente en Italie, de nouveaux séjours à Venise, à Naumburg, à Sils-Maria, à Leipzig en Allemagne, à Nice en février 1888, à Turin en janvier 1889, et enfin dans une clinique psychiatrique de Bâle en Suisse. L’artiste a l’art et la manière de représenter chaque endroit en quelques traits, avec une ambiance lumineuse différente à chaque fois. Le lecteur suit donc le philosophe dans ses pérégrinations au fur et à mesure de sa carrière. L’enjeu pour les auteurs réside dans le fait de faire s’incarner un individu qui pour la majorité se résume à un nom et une philosophie radicale, pas forcément accessible sans passeur, tout en étant toujours d’actualité. La première page permet de rattacher la suite à l’image retenue par la postérité : en particulier cette moustache si abondante. Suivent cinq pages silencieuses, où la narration est portée par les images. L’artiste montre quatre moments significatifs ou emblématiques dans la vie de Friedrich. Son père jouant du piano, et souffrant déjà de maux de tête, un signe annonciateur de ce qui attend son fils. La fascination du jeune garçon pour un papillon dans la cour. Le père chutant lourdement en sortant de la maison, et son lit de mort. Le dessinateur détoure les éléments graphiques par un trait fin, un peu tremblé, ajoutant des textures soit par l’encrage avec des zones irrégulières, soit avec des traits secs, ou encore des traces de crayon à papier. Il en découle une sensation assez organique, et directe, avec la capacité de saisir des moments fugaces. Il réussit ainsi un dosage élégant entre le descriptif et l’impression donnée. Par exemple, il réalise une vue globale et éloignée d’une ville dans le canton des Grisons en Suisse : le lecteur perçoit bien les maisons étalées dans la vallée, les montagnes aux pentes douces, les sapins. S’il regarde de plus près il constate que le détourage se fait par des traits rapides, non repassés ou lissés, que les maisons correspondent plus à une impression, habilement rehaussée par les touches de couleurs, qu’à une représentation minutieuse et fidèle. Progressivement, il s’avère que le bédéiste met en œuvre de nombreuses techniques graphiques pour donner plusieurs dimensions à son récit. Il a pris le parti de montrer ses personnages, sans texte explicatif, laissant le lecteur comprendre par lui-même ce qui leur arrive, ou s’interrogeant sur le sens qu’il faut donner à un regard à une attitude. Il voit le père de Friedrich se prendre la tête entre les mains et chuter : il se doute qu’il s’agit d’une douleur fulgurante au cerveau, s’il est familier avec la santé du philosophe, il fait le lien avec ses violents maux de tête et ses troubles visuels. Tout du long de la bande dessinée, le motif des maux de tête revient régulièrement, toujours sous forme visuelle, le lecteur pouvant voir Nietzsche se tenant la tête entre les mains, ou prostré par la douleur. L’intensité de la crise peut également être soulignée par la mise en couleur : naturaliste, ou en noir & blanc pour montrer la perte de nuances, ou encore avec un envahissement des cases par le jaune avec un peu de rouge pour évoquer l’intensité de la souffrance. À d’autres moments, le lecteur peut se perdre en conjectures quant à ce que pense un personnage : dans la première planche quand Nietzsche regarde au loin, en page cinq quand la mère regarde ses enfants jouer. L’artiste utilise également d’autres types de changements de registres graphiques, par exemple en passant en noir & blanc en 1850 quand le frère de Friedrich meurt et qu’il rêve qu’une tombe s'ouvre rapidement et que mon père apparaît marchant dans son linceul, traverse l'église et revient bientôt avec un petit enfant dans les bras. Il peut recourir également à des éléments graphiques comme une portée de musique courant en arabesque d’une case à l’autre pour indiquer qu’un personnage joue du piano. Dans un premier temps, le lecteur se trouve rassuré par cette narration très factuelle, les dessins montrant clairement chaque action, chaque situation. Toutefois il se rend compte que l’auteur fait usage de quelques raccourcis, s’appuyant sur la connaissance préalable du lecteur. Ainsi, en page dix, Friedrich se recueille devant un autre lit de mort, sans précision explicite de qui il s’agit, étant entendu que le lecteur doit en déduire par lui-même qu’il s’agit du petit frère. En page vingt et vingt-et-un, il se rend dans une maison de tolérance, dans deux pages dépourvues de mots ; le lecteur en fait une interprétation assez différente en fonction de ce qu’il sait de cet épisode au préalable. La page vingt-deux est également dépourvue de mots : Nietzsche entreprend la lecture de Le monde comme volonté et comme représentation (1818, Die Welt als Wille und Vorstellung), d’Arthur Schopenhauer (1788-1860), sans développement sur le fond de cet ouvrage, juste quelques observations de Nietzsche après coup. Sur le même plan, l’auteur ne précise pas toujours les noms des personnages, charge au lecteur d’être capable de replacer Heinrich Köselitz (1854-1918, Peter Gast) et Richard Wagner (1813-1883). Au vu de l’ampleur des ellipses, la relation entre le philosophe et le compositeur ne se devine qu’en pointillé. Il ne donne que le prénom de la petite Russe : Lou, à nouveau la compréhension du récit s’en trouve améliorée quand on sait qu’il s’agit de Lou Andreas-Salomé (1861-1937). Il en va de même avec la composition de la biographie. Michel Onfray fait se relier des situations de la vie de Nietzsche avec des éléments de sa philosophie à venir. L’observation du papillon renvoie à une citation devenue célèbre, dans ses œuvres. Les principaux concepts du philosophe sont rapidement évoqués au fur et à mesure de sa vie, et de la rédaction de ses ouvrages : le rejet du dogme catholique, l’éternel retour, le surhumain, le chaos à porter en soi pour pouvoir donner naissance à une étoile dansante, etc. Le lecteur néophyte peut saisir le cheminement qui aboutit à ces notions, elles ne font toutefois pas l’objet d’un développement ou d’une explication. L’objectif de cette bande dessinée réside dans la mise en scène de la vie du philosophe, et la formulation chronologique de ses principales théories, pas dans un cours de philosophie présentant et expliquant la notion d’Éternel Retour par exemple. Le lecteur s’attache à cet homme taciturne et tourmenté, en souffrance chronique, qui se définit comme un sismographe d’émotions. Se familiariser avec l’œuvre de Friedrich Nietzsche peut apparaître intimidant pour le néophyte. Cette bande dessinée a été adaptée d’un script écrit par Michel Onfray qui a consacré trois ouvrages au philosophe : La Sagesse tragique - Du bon usage de Nietzsche (2005), L'Innocence du devenir : La Vie de Frédéric Nietzsche (2008), Bestiaire nietzschéen : Les Animaux philosophiques (2014). Le bédéiste effectue un travail d’adaptation élégant et sophistiqué, aboutissant à une vraie bande dessinée, aérée, tout en tenant un propos dense. Cette lecture s’apprécie mieux avec un minimum de connaissance préalable sur Nietzsche ou en se référant, pendant ou après coup, à une encyclopédie.

21/12/2024 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série La Famille Vieillepierre
La Famille Vieillepierre

Les histoires de la Famille Vieillepierre sont prétextes à raconter les aventures de jeunes aventuriers à chaque fois différents aux quatre coins du monde et à toutes les époques dans des cadres de légendes mythologiques. Mythes scandinaves, mythologie égyptiennes ou grecques, légendes chinoises ou dieux aztèques, chaque album nous transporte dans un environnement différent mais tous partagent la même ambiance positive et les mêmes messages de bienveillance. Les albums offrent de belles planches dans des couleurs chaudes et une mise en scène qui se rapproche tantôt du livre jeunesse illustré, avec une narration en bas ou de page, tantôt de vraies bandes dessinées avec narration séquentielle et bulles de dialogues. C'est très joli et d'une lecture facile et bien rythmée. Les histoires mélangent allègrement les éléments de chacune des mythologies abordées mais ne dénaturent pas leur esprit. On y est plongés comme dans un voyage dépaysant au cœur des légendes de tel ou tel pays. Les héros y sont gentils mais pas bêtes, les histoires douces mais pas idiotes. Ce sont de belles lectures, très adaptées à de jeunes lecteurs de 10 ans et moins à qui elles feront découvrir ces éléments de mythologies diverses aux côtés de sympathiques héros qui dégagent de belles valeurs.

20/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Ladyboy vs Yakuzas - L'ïle du désespoir
Ladyboy vs Yakuzas - L'ïle du désespoir

Alors ça c’est un gros délire !! Ça ne plaira clairement pas à tout le monde, le pitch est improbable mais ça a su rester sur le fil pour moi. L’auteur y allant à fond, je me suis bien marré, trouvant ça tellement con. Le récit démarre sur la même idée que Corps et Âme, un mec a fait chier la mauvaise personne, du coup cette dernière se venge en transformant notre gaffeur en gaffeuse. Voilà fin des similitudes, la suite et traitement seront bien différents. Je ne vais pas trop détailler l’intrigue puisqu’il n’y en a quasiment pas, tout est dit dans le titre et dans la description. Précisons juste que les 100 « habitants » de l’île ont été sélectionnés spécialement pour notre héroïne, ceux sont tous des pervers en puissance, et qu’on leur a promis le pardon et la libération en cas de coït hétérosexuel. Je ne vous fais pas un dessin sur les péripéties, notre héroïne passera son temps à fuir. Voilà no comment, on est franchement à la limite et pourtant ça fonctionne plutôt pas mal, cinq tomes qui se tiennent avant l’overdose. Alors c’est sûr, c’est pas bien profond et pour public averti (pas celui de hentaï, ici rien d’émoustillant) mais il y a un truc tellement invraisemblable et qui marche que je surnote un peu. Le dessin m’a également bien plu, bien moins stéréotypé que ce que j’ai l’habitude de lire en manga (et pourtant on n’y croise que des mecs en slip ^^

19/12/2024 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Les Navigateurs
Les Navigateurs

Fidèle à son sacerdoce, consistant à réintégrer la tradition littéraire « fantastique » européenne dans la pop-culture mondiale, Serge Lehman a mis en lumière une mouvance marginale dans l’art du XIXe siècle, celle de la peinture symboliste et ésotérique. Pour ce faire, il s’est centré plus particulièrement sur Odilon Redon, artiste tourmenté et décalé qui eut sa période noire, où il représentait des chimères cauchemardesques, avant de s’orienter vers des thèmes plus sobres, plus lumineux. Partant de là, Lehman, scénariste érudit à l’imagination féconde, va tisser un univers fictif et original en évoquant des courriers imaginaires du grand Jean Cocteau, des œuvres disparues, des artistes obscurs ou inventés tel ce Ferdinand Krebs, auteur supposé de la fresque dans la chambre d’une des protagonistes, Neige Agopian. Et si Serge Lehman se réfère à Cocteau, ce n’est pas totalement par hasard, puisqu’avec « Les Navigateurs », il reprend le credo de l’artiste de mêler le rêve à la réalité. Par la découverte d’une fresque dissimulée sous un vieux papier peint, va naître, comme si une porte avait été ouverte sur l’inconnu, une aventure étrange, entraînant les protagonistes vers une dimension onirique parallèle à la réalité plus familière. Particulièrement bien ficelé et d’une originalité rare, ce récit nous entraîne en région parisienne, où trois potes d’enfance vont mener leur propre enquête pour retrouver leur amie Neige revenue récemment de l’étranger, celle-ci ayant disparu corps et biens dans la maison familiale où elle venait de s’installer, de façon très mystérieuse. La psychologie des personnages, principaux comme secondaires, est très bien dessinée, et c’est le point fort de cet auteur. Il y a d’abord Max Faubert, écrivain technophobe amoureux de la poésie, rédac-chef d’une petite maison d’édition héritée par Sébastien, fils à papa stylé et faux snob très cultivé, aux opinions bien tranchées. Vivant sa vie un peu à l’écart, Arthur est le rebelle du trio, l’aventurier un brin asocial qui a fait les 400 coups depuis l’enfance, doté d’une prothèse de tibia qui lui donne de faux airs de pirate. Celui-ci, vivant toujours avec ses deux tantes, console sans modération ses douleurs diverses avec l’alcool ou l’herbe. Quant à Max, cette aventure lui permettra-t-elle d’exorciser des traumatismes très enfouis, qui s’accrochent à sa psyché comme le sparadrap qu’il porte sur sa joue ? Tout au long de ces captivantes 200 pages, les indices vont s’accumuler pour reconstituer peu à peu toutes les pièces d’un puzzle incroyable, jusqu’à ce point de bascule vers une dimension parallèle aux accents oniriques, où une étonnante poésie horrifique échappe à tous les repères temporels, une poésie magnifiée par l’excellent dessin de Caneva. Et comme le suggère le titre, « Les Navigateurs » ont à voir avec le monde de la mer, d’une portée symbolique très riche qui part des mythes ancestraux jusqu’à Freud, pour qui elle représente l’inconscient du rêveur dans son immensité, ce que Lehman va exploiter abondamment ici. Ce fameux « monde de la vieille mer » décrit dans le livre s’appuie sur les recherches hydrologiques du XIXe siècle de l’ingénieur Belgrand, qui avait découvert que le Bassin parisien était complètement submergé par les eaux à la préhistoire, que Montmartre était une île et Montreuil une ville côtière… N’était-ce pas le sujet rêvé pour l’amateur de mythes et de mystères qu’est Serge Lehman ? Ainsi, comme on le verra, cette aventure vers une réalité maritime alternative donnera à Max l’opportunité de laver son âme blessée… Stéphane de Caneva, qui en est à sa troisième collaboration avec Serge Lehman, nous livre un dessin maîtrisé qui évoquerait les comics US, mais dans un style écartant la violence souvent inhérente au genre. Il y adjoint une jolie touche poétique qui atteint son summum dans la dernière phase de l’histoire, avec une étonnante variation graphique pour signifier le basculement dans une dimension parallèle. Véritable invitation au rêve, qui plus est bénéficiant d’une édition soignée pour mettre en valeur la très belle couverture, « Les Navigateurs » s’impose comme une des meilleures aventures fantastiques de l’année, avec en filigrane une quête initiatique plus psychologique sur la façon d’échapper à des traumatismes culpabilisants. Par une documentation poussée qui sert de socle à son imaginaire foisonnant, Serge Lehman parvient à réenchanter un pays qui en a bien besoin (le nôtre !), faisant que ses citoyens n’en finissent pas d’être désabusés par l’absence de perspectives politiques. Depuis le début, Lehman s’inscrit en passeur — moderniste et non nostalgique — d’une tradition littéraire fantastique délaissée en France et en Europe, souvent au profit des productions américaines ou japonaises. Et ça, c’est extrêmement précieux.

19/12/2024 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série BRZRKR - Bloodlines
BRZRKR - Bloodlines

Après la série mère développée sur 3 tomes, revoici BRZRKR ; une série spin-off qui revient sur les nombreux passés de notre immortel. Ce recueil est composé de deux récits : le premier nous narre son passé de gardien de l'Atlantide ; le second revient sur son amour pour la femme du Roi Arnak. Dans les deux cas, on ne va pas faire dans la dentelle, mais plutôt dans le puzzle... C'est ce petit côté "too much" assumé qui fait la saveur de cette série ; "Oui allo bonjour, ça serait pour coller une branlée à Chtullu." "Voilà c'est fait". Faut pas chercher à réfléchir, juste profiter du spectacle. Après les récits sont quand même bien amenés et construits, on est pas dans la série Z non plus. La deuxième histoire en est le meilleur exemple. Côté dessin, idem, les auteurs ont bien bossé et se sont fait plaisir pour ces scènes de boucherie ou de batailles où l'adjectif "épique" parait bien dérisoire. On est dans le dantesque et dans la démesure. Une petite envie de pause gore/pop corn ? Cet série est faite pour vous !

19/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Jérôme K. Jérôme Bloche
Jérôme K. Jérôme Bloche

Je ne connaissais pas cette ancienne série. Je la découvre à travers les douze premiers opus que possède ma BM. C'est de la bonne série jeunesse qui peut s'ouvrir à un public plus large. J'ai eu un peu de mal à accrocher à cet pseudo détective naïf , pateau qui tient plus du lieutenant Colombo que du Magnum excepté pour son succès auprès des très jolies filles (Babette en premier lieu). Avec son prénom impossible et son allure à la Bogart à contre emploi, il fait "idiot de service" dont on ne se méfie pas assez. Cela permet d'introduire une dose d'humour autour de ses habitudes alimentaires , sa nonchalance ou son permis de conduire. J'ai même eu quelques réserves quand sa bonhomie arrange certaines scènes où il n'est pas trop à son avantage ( jeu de trois). Les enquêtes relèvent souvent du drame familial intime mais font quelquefois appel à des thématiques assez pointues pour la jeunesse ( viol, justice, enfant illégitime…). Par contre j'ai apprécié la galerie de personnages qui gravitent autour de lui. C'est surtout Babette qui apporte avec un charme fou (parfois coquin) et des voisines hautes en couleurs. Les scénarii se renouvèlent bien avec un schéma à la Colombo efficace. Graphiquement j'aime bien le travail de Dodier. Dans un style semi réaliste classique, l'auteur crée de très belles ambiances que ce soit à Paris, en banlieue ou dans les petites villes de province. C'est toujours très bien travaillé avec une belle précision. Dodier réussit très bien à rendre les atmosphères nocturnes ou brumeuse qui ajoutent à l'ambiance de mystère qui plane sur le récit. Une bonne lecture récréative pour tous.

19/12/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Wilderman
Wilderman

J’étais curieux de voir Gatignol seul à la barre après la très étonnante série Petit. Le dessin était plutôt engageant, sinon carrément séduisant. De fait, le ramage est à l’image de son plumage. En tout cas moi, je suis tombé sous le charme de cette histoire, qui devra certes se trouver confirmée par la suite. Mais à en juger par ce seul premier volume, on tient là une petite pépite. Graphiquement, c’est splendide, mais je ne m’étendrai pas sur le sujet car celzéceux qui connaissent Petit seront convaincus : trait fin, précis, expressif. Sur Wilder Man, l’usage de la couleur apporte tout le dynamisme qui sied à cette folle aventure. Comme pour Furieuse de Monde et Burniat, on a affaire à un truc totalement déjanté qui déboule à cent à l’heure. En outre, comme pour la BD précitée, la recette est peu ou prou la même : Gatignol fait une grosse salade avec plein d’ingrédients épars puisés dans la culture populaire. Un peu de conte traditionnel avec Le Petit Chaperon rouge, Baba Yaga, La Pomme d’Or… Du manga avec des références à Dragonball ou Pokemon. Un peu de loup-garou aussi, sans oublier un brin de références historiques (l'Inquisition, les Templiers)… Bref ! A ce stade, on pourrait légitimement se dire qu'il y a risque d'indigestion, voire de surcharge cognitive, à l’image du personnage de Patoune qui se retrouve complètement amorphe à force d’avoir ingéré une telle quantité de nourriture. Mais bien au contraire, cette surenchère galvanise le lecteur et s'accorde parfaitement avec le caractère explosif de ce début de série. Et quand arrive la fin de ce premier tome, sa curiosité est piquée au vif. Pour moi, ce seul premier tome est une promesse totalement jouissive, et pour peu, j'en serais presque le premier surpris. Mais je dois bien le reconnaitre, j'ai enquillé la lecture comme un mort de faim. Oui, c'est jouissif, c'est vraiment le mot. Et prometteur aussi !

19/12/2024 (modifier)
Couverture de la série Sacrifice
Sacrifice

Oh bah ça c’est du chouette comics !! J’ai une petite crainte que la suite devienne plus classique mais en l’état ce premier tome est assez terrible. 6 chapitres qui m’ont tenu en haleine de la première à la dernière pages. J’avais déjà croisé les auteurs mais sans qu’ils retiennent mon attention. Chose réparée maintenant, ils livrent ici du superbe boulot. Ce qui saute indéniablement aux yeux, est bien sûr le talent graphique déployé. J’ai bloqué 2 secondes sur une tête du pigeon avant d’être vite emporté. C’est détaillé, magnifiquement colorié et agencé, le charac design fait le reste pour nous dépayser. Les couvertures sont toutes excellentes (comme les bonus en fin d’album). Bref du très bon à mes yeux, un plaisir de lecture décuplé. L’histoire n’est pas en reste, je n’ai pas été vraiment surpris de la tournure des événements mais je ne l’avais pas pour autant deviné. Tout est bien amené, univers, personnages et enjeux pour une suite qui me tarde déjà de connaître. De la bonne Fantasy, je n’en dis pas trop, le titre et la description vendant bien le bousin. En gros, notre héros/grain de sable va chambouler un petit monde bien établi. Il y a un certain savoir faire pour faire du neuf avec du vieux. J’ai trouvé ça très cool à suivre, une excellente entame de série.

18/12/2024 (modifier)