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Couverture de la série L'Incroyable Histoire de la Médecine
L'Incroyable Histoire de la Médecine

Cette série a bien du mérite. En effet elle permet de mettre un visage et une histoire sur un grand nombre de noms qui patronnent les plus grands hôpitaux français: Necker, Bichat, Laënnec et les autres ne seront plus des noms vides après la lecture de cette intéressante encyclopédie. Il faut dire que le Pr Fabiani a un certain talent de conteur et que son récit sait capter l'attention de son lectorat. Sa construction chronologique et thématique est très dynamique. Les chapitres sont introduits par un texte très concis ( souvent une demi page) qui va à l'essentiel et laisse la place à un texte plus fourni qui accompagne la partie BD. Il y a un bon équilibre entre le dessin de Bercovici qui amène du dynamisme à travers un trait humoristique. Le récit propose beaucoup d'anecdotes dans leur contexte historique et qui donnent du sens à certains épisodes dramatiques du passé. Le Pr Fabiani met en lumière certains passages mal connus comme la relation difficile entre la Révolution de 89 et l'Hôpital ou la mise au point d'outils incontournables ( les gants, le stéthoscope). Le métier de médecin s'est beaucoup féminisée ces dernières décennies et la série n'oublie pas le rôle majeur des femmes dans l'histoire des soins ( un chapitre sur les infirmières et un sur les sages-femmes entre autres). Une lecture instructive et distrayante traitée d'une façon à être accessible à un très large public.

21/02/2025 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série Le Sommeil du Monstre
Le Sommeil du Monstre

Alors là, j'en veux à Mr Bilal. Il nous offre avec le premier tome ce que je considère un album magistral, un 6/5. Chaque planche est une oeuvre d'art mélangeant les techniques. La narration est riche, chaque bribe d'information fait tourner l'imagination d'un monde dont on ne sait pas s'il est futuriste ou une adaptation de l'actuel. Le ton est sombre (y sont abordés les thèmes de l'hyper-sécurisation, le fanatisme, les villes sont froides...), les personnages sont durs mais l'espoir et les sentiments tapis au fond des âmes. Et puis, comme pour les autres séries de cet auteur unique, les tomes suivants sont moins ambitieux, plus bavards, plus épurés. D'une trilogie, on passe à une tétralogie sortant à une cadence interminable. Alors je relis le tome 1 en attendant que la conclusion puisse me donner le même uppercut. Et finalement, non. La série n'est pas mauvaise, loin de là, mais le sommet atteint au début laisse peu de chances à ce qui n'est "que" bon.

21/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Le Temps perdu
Le Temps perdu

Décrivez le monde où vous vivez en insistant sur ses aspects les plus pittoresques. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2013. Il a été réalisé par Rodolphe (scénario, de son vrai nom Rodolphe Daniel Jacquette), Vink (dessins et couleurs, de son vrai nom Vinh Khoa), et Cine (couleurs, l'épouse de Vink). Il comprend 56 pages de bande dessinée en couleurs. Il se termine par 12 pages d'études graphiques allant du croquis à l'illustration peinte en double page, et par un court texte de remerciements rédigé par Vink. Ce dernier est également l'auteur de la série Le Moine fou et de sa suite Les Voyages de He Pao. Guillaume Romain est un auteur de bande dessinée, en train de revenir au volant de sa voiture, du Salon de Cursac, un festival de bande dessinée. En ce dimanche soir, la route lui semble encore trop longue pour terminer son voyage, et il décide de s'arrêter à une auberge appelée Le temps perdu. Il est accueilli par l'hôtelière Marie Brune, à qui il demande une chambre. Elle lui tend les clés de la numéro 11, avec douche et WC. Guillaume Romain monte à l'étage et ouvre la porte. Il éprouve une vague impression de déjà-vu. Il pose son sac et se dirige vers la salle de bain pour se laver les dents. Il passe devant une gravure intitulée La pays du temps perdu, qui montre un bûcheron tenant une hache levée et s'apprêtant à cogner un tronc, dans une forêt. En tant que dessinateur, Guillaume Romain apprécie la composition de la gravure et la touche du doigt. Il se retrouve aspiré à l'intérieur de la gravure, se tenant dans la forêt, à côté du bûcheron qui lui adresse la parole. Guillaume lui demande où il peut se diriger ; le bûcheron lui indique la direction du bourg et lui confirme qu'ils sont bien dans une gravure. Le bûcheron est bien content de pouvoir poser sa hache ; Guillaume Romain se met en marche vers le bourg. Il croise un garçon assis sur une branche, essayant de trouver des éléments pittoresques dans ce qui l'entoure pour faire sa rédaction. Il s'appelle Yoyo. L'adulte et l'enfant décident de faire chemin ensemble vers le bourg. Le garçon demande à Guillaume de se taire car il a entendu un groupe de soldats devant eux. Le garde champêtre indique aux 4 soldats, 3 autres soldats qui sont en train de sortir de terre. Les quatre premiers aident les autres à s'extirper de la terre et à se nettoyer. Le sergent Plume prend leur tête et commence à marcher au pas, en levant bien haut la jambe. Guillaume et Yoyo sortent du bois et arrive à proximité du bourg. Ils entendent des notes de musique. Il s'agit du colporteur qui joue de la vielle, des notes vertes et bleues. Yoyo indique à Guillaume de se boucher les oreilles car ces notes ravissent et ensorcellent, ce qui lui permet de voler les enfants, de les emmener et de les revendre à l'autre bout du monde. Un garçon et une fillette qui jouent dans le jardin tombent sous le charme des notes, et suivent le colporteur en changeant de couleur, lui en bleu, elle en vert. Le lecteur peut aussi bien être attiré par le scénariste à la carrière impressionnante, que par le dessinateur à la sensibilité remarquable, que par le programme du titre ou de la couverture. Dès le départ, les auteurs proposent une mise en abîme, avec la mise en scène d'un personnage principal, lui-même auteur de bandes dessinées. La situation banale de la nuit d'hôtel bascule dès la page 5 dans la situation fantastique où Guillaume Romain peut pénétrer dans le monde des gravures, demandant une suspension consentie d'incrédulité au lecteur. Sous réserve qu'il accepte d'y consentir, l'intrigue se révèle charmante, facile à suivre. Guillaume Romain est fasciné par ces gravures, et par ce qu'il découvre en accompagnant Yoyo. Ces séquences à l'intérieur des gravures se parent d'onirisme, qu'il s'agisse des soldats en train de pousser en terre, ou de l'arrachage d'une maison. Le lecteur y repère facilement des allusions à des contes, comme le joueur de flûte de Hamelin, ou la belle figure de proue d'un navire de pirates. Mais ces contes sont comme gauchis, avec un déroulement ou une fin bizarre et non-conforme à la forme classique. Certaines séquences reposent sur des caractéristiques macabres, telles les photographies de Ciao qui révèlent les individus dont la mort est proche, où le conteur dont la cervelle se vide et qui se creuse littéralement la tête pour chercher des traînées d'histoires, des lambeaux de rêves, dans une image littérale assez dérangeante. Il est vraisemblable que le lecteur comprenne le fin mot de l'histoire assez rapidement, mais cela ne l'empêche pas d'apprécier cette bande dessinée. S'il est tombé amoureux des pages de Vink dans la série Le moine fou, il hâte de retrouver cet artiste. Si son regard a été arrêté par la couverture, il a feuilleté la BD et il a pu constater que les pages intérieures présentent un même niveau de qualité. Vink dessine dans un registre descriptif et réaliste, avec un détourage léger des différentes formes, un trait discret noir ou brun. Les formes ainsi détourées sont ensuite nourries par la peinture de Cine qui vient elle aussi représenter les éléments, comme une technique de couleur directe. Cette technique de représentation marie la précision des traits encrés, avec la richesse de la peinture. L'intégration des traits et de la peinture atteint un niveau fusionnel qui fait que le lecteur ne peut imaginer à quoi ressemblerait une case sans la peinture ou sans les traits. Dans la postface, Vink précise qu'il a dessiné les personnages d'après des modèles et le lecteur peut constater la cohérence parfaite des traits de leur visage tout du long de la bande dessinée, ce qui leur donne une forte personnalité visuelle. L'artiste a choisi une approche naturaliste, avec des gestes posés pour les différents protagonistes, des expressions variées et nuancées, des tenues vestimentaires réalistes et différentes suivant les occupations. Certains des personnages dans le monde des gravures présentent des caractéristiques sortant plus de l'ordinaire, à commencer par les étranges soldats qui poussent comme des champignons, Beau qui semble souffrir de nanisme, la silhouette déformée du plus grand conteur de tout le pays et son habit de ménestrel, ou encore Rose et sa forte poitrine. Pour tous, le lecteur apprécie l'impression de vie qui se dégage d'eux, la manière dont la couleur directe apporte des reliefs à leurs vêtements, la texture de la peau, leur langage corporel. La première page commence par une case de la largeur de la page, montrant un panoramique d'une grande zone herbue, avec un village dans le lointain, et quelques arbres. L'attention du lecteur est également retenue par les belles couleurs ciel. Il y a visiblement de longues bandes de nuages éthérés qui retiennent les derniers rayons du soleil, avec des teintes jaune, orangée, violette. Vink & Cine n'appliquent pas des teintes vives ou agressives, mas des teintes pastel, l'aquarelle s'avérant parfaite pour rendre compte des nuances délicates. Dans une case en dessous sur la même page, le ciel a viré vers des teintes plus violettes, attestant de la diminution de la luminosité. S'il y est sensible, le lecteur peut alors prêter attention aux différents rendus du ciel au fil des séquences : un beau ciel bleu de printemps en page 8, un ciel dans une nouvelle teinte de violet en page 13, un ciel bleu avec des nuages plus consistants dans un nouveau panorama en page 18, un ciel menaçant d'orage en page 24, un ciel étoilé en page 40, un ciel d'été en page 58. Vink représente les différents environnements de manière réaliste. Le lecteur éprouve l'impression de repérer l'hôtel et d'y pénétrer avec Guillaume Romain, de regarder l'accueil, la chambre, les gravures, etc. Il regarde les différentes façades de maisons et de bâtiments, que ce soit l'alignement dans la rue où habite Romain, ou celles du village dans la première gravure. L'artiste sait aussi bien décrire une chambre d'hôtel, qu'une chambre noire, ou une salle aménagée pour un banquet de mariage. Vink & Cine sont encore meilleurs pour transcrire l'impression qui se dégage des environnements naturels. Guillaume Romain avance dans un sous-bois, avec de très belles couleurs pour les feuillages, le ruisseau, les feuilles tombées au sol, etc. Un peu plus loin (en page 18), il piquenique avec Yoyo et Beau, et le lecteur s'installerait bien à leurs côtés, sur l'herbe accueillante, à l'ombre d'un bel arbre, avec une vue dégagée sur le village. Vers la fin, Guillaume Romain est train de passer la débroussailleuse, et le lecteur peut identifier les différentes plantes formant la végétation. Il constate aussi que Vink n'a pas oublié d'équiper Guillaume avec ses équipements de protection individuelle. Le lecteur se laisse gentiment emmener dans ce récit sur le temps perdu, celui que Guillaume Romain perd en voyageant dans les gravures, et bien sûr celui qu'il retrouve. Il se laisse prendre au jeu des contes un peu bizarres et décalés pour essayer de comprendre la métaphore. Il prend plaisir à côtoyer ces personnages bienveillants et constructifs. Il ne sait trop comment réagir quand l'auteur explicite chaque séquence onirique à la fin tome, partagé entre la découverte de la solution qui lui indique s'il avait bien deviné, et une pointe de regret à voir ainsi l'onirisme s'évanouir au profit du réel. En revanche, il a pu se plonger dans des endroits pleinement matérialisés, avec une sensibilité d'artiste pour les décrire, et assister à une forme de remémoration très plaisante.

21/02/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Sphères
Sphères

J'attends cette série de pied ferme depuis plusieurs semaines. Alain Brion est un auteur de grand talent, j'ai adoré son travail sur le tome 10 d'Androïdes et sur L'Epopée de Gilgamesh. Je suis toujours à la recherche d'Excalibur - Chroniques. Nous sommes en 2544 et le monde a changé. Je vais te faire un petit topo succinct de la situation : - 2055 _ Création de la station Mars-One. - 2123 _ Mars-One devient une colonie de peuplement. - 2138 _ Exploration de Vénus et Mercure. - 2203 _ Exploration de Jupiter et rencontre avec les sphères. - 2205 _ Découverte des axolotls sous la glace d'Europe. - 2494 _ La "Pax Ultimata" de la religion de l'Ultime et du Consortium spatial s'impose. L'album commence par une présentation des 8 personnages principaux et d'une chronologie de la conquête spaciale (plus complète que celle ci-dessus). Alain Brion nous dépeint un monde sous l'emprise d'une religion unique et d'un consortium, deux entités qui font la pluie et le beau temps sur Terre et dans l'espace. Un pouvoir qui pourrait être mis à mal par un petit animal découvert sur un satellite de Jupiter : l'axolotl, aux propriétés surprenantes. En parallèle, on va suivre le retour du colonel Prax'x après 300 ans de cryogénisation, il n'a pas oublié les 3 sphères disparues dans la tache rouge de Jupiter et de la navigatrice Nell'o, une jeune femme mal dans sa peau qui trouve du réconfort dans une substance psychoactive. Un récit qui démarre sur des bases qui ne sont pas novatrices, mais Brion a le savoir-faire pour rendre son récit captivant. Il impose un rythme lent qui permet de cerner les personnages et de poser les premières pierres aux fondations de l'intrigue, tout en nous faisant naviguer de la Terre à la station Mars-One en passant par le satellite Europe. Un scénario qui tient la route, la narration est maîtrisée et les protagonistes sont crédibles et charismatiques. Un premier tome qui met l'eau à la bouche. Le trait de Brion a un grain à nul autre pareil, une texture réaliste pour une immersion dans ce space opéra aux décors soignés, que ce soit la ville futuriste, les vaisseaux spatiaux ou la station orbitale. Les personnages ne sont pas en reste. Il faut prendre son temps, le moindre détail est un ravissement. La mise en couleur est magnifique. Une mise en page non académique. Un rendu époustouflant ! Impatient de savoir ce qui se cache derrière ces 3 sphères.

20/02/2025 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série Lanfeust de Troy
Lanfeust de Troy

Un bonheur pour ado de fin de collège: un univers exotique, des bourrins sanguinaires, des seconds rôles comiques, des méchants vraiment méchants et des bombasses. Tout ce que le JDR proposait de mieux dans les années 90 est plaqué sur image. Le charadesign est sympa, les détails des vêtements, accessoires et bâtiments sont immersifs, rien à redire. Mais avec le temps, on voit de plus en plus le côté mysogine et graveleux et. Alors forcément ça relativise la note pour une BD qui se lit et relit sinon sans ennui. Edit: je viens de lire qu'il a remporté l'Alph-Art jeunesse des 9-12 ans. Franchement pour l'exemple et le côté gore de certains combats, je ne le conseillerai sûrement pas à un gamin ou une gamine de 9 ans. ------------------------------------- MàJ après relecture des 8 tomes: Je passe la note de 3 à 4 car l'alchimie entre les personnages est exemplaire, chacun est bien fouillé mais ne prend pas la couverture vers lui. De temps à temps à autres, la scène sera dédiée à Hébus et ses mouches, à Cian et son plan mariage, à Nicolède gérant ce qu'il peut encore gérer, à Cixi et son tempérament qui ne demande qu'à s'enflammer et exploser, à Lanfeust tantôt valeureux tantôt neuneu. Les contrées sont des clichés du jeu de rôle mais il fait bon s'y promener. Et il y a tous ces jeux de mots glissés par-ci par-là qui ne demandent qu'à être découverts. Contrairement aux Chroniques de la lune noire, l'auteur évite la surenchère d'action (si l'on met de côté le tome final) et exploite bien chaque pouvoir ou capacité. Malheureusement, les 2 derniers tomes tirent en longueur avec de très sérieuses affaires de cœur qui dénote avec le ton badin 2 pages avant et 2 pages plus tard et beaucoup trop de clins d'oeil bien appuyés (Astérix, Arzach, Zorro...) qui font rire puis soupirer. Lanfeust bâtissait sa propre légende, dommage qu'elle pencha vers le fan service, Gottferdom ! La fin expédiée laisse sur sa faim mais cette série nous aura tellement fait voyager qu'on passe l'éponge.

24/12/2021 (MAJ le 20/02/2025) (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Les Contes de la ruelle
Les Contes de la ruelle

3.5 + coup de coeur = 4 Le premier avis compile tous les mots qui me sont venus à l'esprit: quiétude, douceur, fantastique, poésie... oui, cela peut paraître mièvre pour un lectorat adulte Occidental mais le public Asiatique aime se laisser emporter par la romance ou la nostalgie. L'auteur a sacrément changé son style en optant pour des aquarelles éthèrant l'atmosphère. Je redoutais un récit gnangnan en découvrant ce papy à la bouche très bizarrement dessinée et tenant des propos semblant à l'Ouest mais suis rapidement tombé sous le charme. Les histoires ne sont pas de qualité égale mais l'une ou l'autre fera toujours mouche (celle des timbres me concernant) et pourront même faire verser une petite larme lorsqu'arrivera la fin du livre et le moment de quitter ce joyeux quartier insouciant..

20/02/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Aux soirs de grande ardeur
Aux soirs de grande ardeur

Décidemment, que de bonnes choses en ce début d'année ! Ce nouvel essai de Nicolas Puzenat vient s'ajouter à la liste. J'aime d'emblée son dessin, qui tout au long de ma lecture, m'évoquait tout un tas de trucs plutôt chouette. Dans certaines cases, j'étais chez Duchazeau et son Dieu qui pue, Dieu qui pète. Mélangeant les techniques, Puzenat donne naissance à un univers exotique totalement original, comme il l'avait déjà fait pour Megafauna. Il pousse cependant le bouchon. Ici, on pourrait aussi bien se trouver sur les berges du Mékong, au fin fond de l'Afrique, dans la jungle péruvienne, les statues évoquant quant à elles celles de l'ile de Pâque. Graphiquement, ce mélange répond à un mix de techniques du meilleur effet. Les ciels, les atmosphères du soir, pour ne rien dire des effets de flammes dues à l'incendie, tout concourt à nous mettre ailleurs. Les couleurs sont excellemment bien choisies. L'histoire est elle à la hauteur et brille notamment par plusieurs détails qui apportent une richesse supplémentaire, ajoutent du sens. C'est bien entendu le cas de cette affaire de chuchoteurs. Ca, c'est la grosses idée. Les chuchoteurs, symboles de notre héritage familial, de nos conventions sociales, du poids de l'histoire, de nos voix intérieures, cette lutte morale qui tempête parfois sous les cranes... J'aime les personnages dont je me sens très proches, que ce soit le cuisto, sa servante ou son amante. Cette curieuse relation à trois est très belle à suivre, et la fin est plutôt déroutant, mais bien posée. Un mot tout de même de l'incendie évoqué dans cette BD, et que l'actualité vient étonnement percuter : comment en effet ne pas songer à l'incendie qui vient de ravager Los Angeles ? Encore un bon coup de cœur, tiens !

20/02/2025 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'abîme de l'oubli
L'abîme de l'oubli

J'étais curieux de découvrir le dernier Paco Roca ; ça fait quelques années que je suis son travail et j'appréhende toujours un peu, car à mon sens il est capable du meilleur comme du très moyen (même si c'est souvent vers le haut que la balance penche). Avec "L'abîme de l'oubli", on retrouve le meilleur, Paco Roca utilisant à nouveau un de ses thèmes fétiche, la mémoire, pour déterrer le l'oubli les tragiques exécutions post guerre civile espagnole. Il s'appuie cette fois sur le savoir faire du scénariste et journaliste Rodrigo Terrasa pour faire sortir de l'oubli les milliers de victimes du franquisme délibérément vouées à l'oubli. Car ce que je ne savais pas (ou avait oublié ?) c'est que les victimes du franquismes ne furent pas seulement celles de la période de guerre civile. Plus d'un an et semi après sa fin, des vagues d'arrestations et d'exécutions ont fait rage dans toute l'Espagne faisant des dizaines de milliers de morts. La dictature du Caudillo n'était pas du genre à oublier ni à pardonner ! De nombreuses fosses communes ont ainsi fleuri dans de nombreux cimetières sans qu'on identifie ni n'autorise cette dernière pour que l'oubli règne ; et comme le dit l'écrivain Michel Folco, "Mourir n'est rien, c'est être oublié qui est terrible." C'est ce qu'aura vécu toute sa vie Pepica Celda ; son père sera exécuté alors qu'elle a 8 ans le 14 septembre 1940 ; plus jamais elle ne pleurera ; elle passera sa vie à chercher à retrouver le corps de son père pour l'enterrer à côté de celui de sa mère, comme elle le lui avait promis. C'est tout ce travail de recherches, face à la volonté de tout faire pour que la mémoire de ces personnes soit effacée, qui est ici mis en valeur. C'est aussi et toujours cette omerta et cette volonté de ne pas remuer le passé de cette douloureuse période qui est mise en exergue. La société espagnole, ou du moins sa composante droitière, a tout fait pour ne surtout pas laisser ressurgir ces remugles dérangeants d'une période qu'elle peine à assumer. C'est enfin la réhabilitation de personnes qui sont de véritables "héros" à leur échelle pour permettre ce travail de souvenir : ce fossoyeur qui collecta pendant des années le moindre indice possible et les dissimula pour permettre plus tard que des familles retrouvent leur disparus et puissent leur offrir une sépulture digne est profondément marquant. Bref, de son trait si singulier, réaliste et minimaliste tout à la fois, Paco Roca aidé de Rodigo Terrasa, rendent leur fierté et leur dignité à ces personnes qui se sont battu pour que la mémoire soit retrouvée et qu'on oubli pas ni ces gens assassinés ni les horreurs commises par le Franquisme.

19/02/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série A qui profite l'exil ? - Le Business des frontières fermées
A qui profite l'exil ? - Le Business des frontières fermées

Une BD documentaire très bien faite, qui pose une question en couverture et y répond à la fin avec une réponse qui ne va pas plaire à tout le monde ... Mais qui a le mérite de remettre l'église au centre du village sur la question épineuse et souvent débattue de l'immigration. Il est rigolo de voir que le sujet de l'immigration, de l'immigré, revient sans cesse dans nos débats publics avec en permanence le même bout de la lorgnette : la violence (qu'ils exercent, qu'on exerce) et la répression. Mais en s'intéressant à eux en tant qu'humain, on découvre bien des choses. La BD commence en Europe, dévoilant la politique sécuritaire européenne qui nous coûte des millions pour permettre à ces gens de risquer leur vie en tentant de rentrer, tandis que nous fermons de plus en plus les frontières. Après ce tour d'horizon, la BD passe en Afrique où nous découvrons les migrants, ces fameuses personnes qui tentent le passage vers l'Europe. Les noms, les visages, les vies... Tout devient tout à coup tangible, ce ne sont plus "des migrants", masse informes de gens venus nous envahir, mais des humains qui ont un vécu, une vie. Et leurs histoires sont autant de façons de vivre la misère, l'espoir, les malheurs. Les trajets longs, coûteux, les morts, les disparus, les viols, tout ceux qui ne reviendront pas ... Et à la fin, on change à nouveau : direction le Sénégal. Ici, c'est un aperçu du "Pourquoi ?" qui sera présenté. Non exhaustif, mais néanmoins très représentatif, il symbolise ce que ces personnes fuient. Et ce qui les fait fuir est le même monstre qui les empêchera de passer : le capitalisme. Celui qui aime la main-d’œuvre corvéable à merci pour des salaires de misères. Celui qui fait tourner une industrie de l'armement en temps de paix, parce que le business n'attend pas. Celui qui va vider les eaux des pêcheurs du Sénégal avec des traités ratifiés par des élites corrompus, qui affameront les locaux et les pousseront à partir. Cette partie est pleine d'espoir, sur des gens qui s'organisent, des personnes qui veulent changer les choses. Mais elle met surtout en lumière ce que c'est, l'immigration : la résultante de nos politiques, que nous votons et maintenons en consommant, en ne luttant pas et en restant passif. La BD se conclut sur un ensemble de portraits de la réalité des migrants en France aujourd'hui. Des parcours de vie divers, depuis l'Afrique jusqu'aux pays de l'Est, chacun venu sans papiers et parfois régularisé, parfois non. Travaillant dans la pénibilité et le déni du droit du travail, pour des salaires de misère et souvent en danger, exploité dans leurs horaires, ils se taisent car "non-légaux". Mais toujours aussi humain, non ? Cette BD n'est pas un manuel de solution mais de réponse. Pourquoi viennent-ils ? Pourquoi l'Europe ? Comment peuvent-ils risquer leurs vies ainsi ? La réponse fait mal : regardons-nous dans un miroir. Nous voulons leur poissons pas cher, et leurs métaux précieux pour nos téléphones. Nous voulons de la main-d’œuvre dans nos pays vieillissant. Nous soutenons ces politiques en votant pour des partis, en restant dans l'instrumentalisation de la peur, celle de l'autre, l'immigré, le voleur, le dangereux. Nous nous coupons d'une humanité, nous pillons le monde avec nos entreprises, nous les soutenons par nos supermarchés, et nous votons pour qu'ils continuent. Le problème, c'est le capitalisme. Et si nous le soutenons, en définitive, le problème c'est nous.

19/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Les Brûlures
Les Brûlures

La vie, c'est comme la piscine. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2019. Il a été réalisé par Zidrou (Benoît Drousie) pour le scénario, et par Laurent Bonneau pour les dessins et les couleurs. Dans une petite station balnéaire, Assane Ndiaye (surnommé Nutella) est en train de regarder la mer dorée par le soleil, derrière ses lunettes de soleil. Il est assis au comptoir d'une paillote et s'allume une clope en songeant qu'il y a toujours quelqu'un pour t'apprendre à nager, mais jamais personne pour t'apprendre à te noyer. La serveuse (avec un badge marqué Consuela, mais en fait c'est la robe de la précédente) lui demande s'il va se baigner. Au vu de sa réponse négative, elle lui propose de venir se baigner avec elle en fin de service. Inspecteur de police, Assane Ndiaye se souvient quand il s'est retrouvé à contempler le cadavre de Giorgia Bocelli, 17 ans, nue sur le plateau de la morgue, avec son tatouage Hello Kitty sur l'intérieur de la cuisse droite. C'était une entraîneuse travaillant au bar Le Phare, à qui on a arraché cinq dents à vif et trois ongles aux pieds. Il repense aussi à ses séances à la piscine, à cette belle nageuse en combinaison, avec bonnet et lunettes, sa façon d'enchaîner les longueurs, avec des demi-tours impeccables. Il se superpose l'image de la tête d'une femme maintenue de force sous l'eau d'une piscine privée, jusqu'à ce qu'elle s'asphyxie. deux hommes la torturent pour lui arracher des informations. À un autre moment, Light (le collègue de Nutella) l'amène jusqu'à la piscine municipale. À la piscine municipale, la belle nageuse arrive dans une robe à fleur. Dans le couloir, elle dit bonjour à Édith, une femme de 87 ans, déjà en maillot de bain, qui s'apprête à rejoindre le bassin. Celui-ci est très lumineux grâce à une grande baie vitrée, légèrement entrouverte, et un superbe vitrail non figuratif. La belle nageuse s'approche de son casier, alors qu'Assane est déjà en maillot. Il l'observe et la contemple à la dérobée. Il demande à Maïtena, la femme de ménage si elle la connaît. Cette dernière se moque de lui en disant qu'elle ne souhaite pas renseigner un flic. Light et Nutella se trouvent au bord du bassin de la piscine privée devant une magnifique demeure. C'est le jardinier et sa femme qui ont trouvé le corps d'Adriana Totti, 23 ans, celle à qui on a maintenu la tête sous l'eau, puis brûlée avec le barbecue à 2.500 degrés, puis achevée de trois balles dans la tête. Nutella ne comprend pas comment Light peut être en train de manger un hamburger devant un tel spectacle. La barista sert son café à Assane, avec beaucoup de crème fraîche comme il l'a demandé. Elle lui fait observer qu'il n'a pas répondu à sa proposition de venir se baigner avec elle le soir. Cette bande dessinée constitue une étrange lecture. Cela commence comme un polar bien noir avec ces assassinats sadiques, avec un inspecteur désabusé, à qui il manque une forme d'envie ou d'entrain. Dès la première page, les dessins occupent une place prépondérante dans la narration, avec seulement 3 cases qui sont de la largeur de la page. Le mode de rendu se focalise plus sur l'impression donnée par ce spectacle de soleil qui commence à décliner, que sur les détails concrets de la plage, de la mer, ou des nuages. Le lecteur ressent que cette page est en phase avec l'état d'esprit d'Assane Ndiaye, que son état d'esprit colore la manière dont il perçoit ce qui l'entoure. Il s'agit donc d'un polar où l'enquête est indissolublement liée à l'environnement dans laquelle elle se déroule, mais aussi à la personnalité de celui qui la mène. Il faut un peu de temps au lecteur pour se rendre compte que toutes les scènes ne se déroulent pas dans un ordre chronologique, et qu'il y a au moins deux fils chronologiques qui s'entremêlent. Cette construction narrative ne gêne en rien la compréhension du récit, le lecteur se rendant compte qu'une partie de ce qu'il découvre constitue des souvenirs qui reviennent à l'esprit du personnage principal, ou des éclairages sur une sensation, une émotion. Le lecteur se laisse donc emmener par ce savant désordre chronologique et accompagne Assane Ndiaye à la morgue ou sur les lieux du crime. Les images montrent le corps dénudé de la première victime sur la table de la morgue, avec son étrange tatouage, une partie des coups portés à la deuxième victime, et mentionne la troisième victime. Le lecteur observe les réactions des deux inspecteurs : l'un blasé, l'autre affecté dans une mesure difficile à apprécier. Light semble compenser ce contact avec les pires exactions des êtres humains, en se gorgeant de sucre et de graisse, comme en atteste son obésité assumée. Une remarque en passant de Ndiaye permet de comprendre que l'accumulation d'horreurs lui pèse, et qu'il aspire à un autre métier. Le scénariste fait le nécessaire pour étoffer un peu le personnage principal, indiquer qu'il est impliqué dans son métier, mais qu'il apprécierait que sa profession ne l'oblige pas à contempler les horreurs commises par les pires représentants de l'humanité. Au final, d'ailleurs, il le voit plus en train de draguer gentiment qu'en train de travailler. Au travers de la nageuse, Zidrou met en scène personnage féminin mystérieux, abimé par la vie, ayant certainement accompli des actes répréhensibles. Le lecteur se sent un peu moins concerné par l'enquête qui avance sans réelle difficulté, de cadavre en découverte d'indice bien pratique. Le lecteur se prête d'autant plus volontiers au jeu de la construction du récit, que les planches font la part belle aux grandes images, avec trois ou quatre cases par planche, et souvent des cases panoramiques de la largeur de la page. Le lecteur commence par admirer ce début de coucher de soleil et le jeu de lumière qu'il génère. Par la suite, il découvre le bâtiment de la piscine dans un dessin en double page, puis le bassin de la piscine dans un dessin pleine page (p. 21). Il voit la voiture des enquêteurs sur l'autoroute dans un autre dessin en pleine page, p. 41. À deux reprises, l'artiste représente la côte avec la mer, dans un dessein en double page, une fois de jour, une fois de nuit. Laurent Bonneau réalise lui-même sa mise en couleurs, en couleur directe, avec une approche oscillant entre naturalisme et impressionnisme. Lorsqu'il bascule dans ce deuxième mode, cela a pour effet d'installer une ambiance qui entre en résonance avec l'état d'esprit du personnage principal, sa manière d'être songeur, de ressentir un affect particulier. Le lecteur se rend aussi compte que l'artiste utilise aussi l'aquarelle pour saisir avec une exactitude surnaturelle l'impression que produit la masse d'eau dans le bassin de la piscine, le jeu des lumières, mêlant de manière étonnante des éléments descriptifs précis, avec une colorisation rendant compte de sensations. Laurent Bonneau joue sur le degré de précision des traits de contour, de manière à s'adapter à la nature de la scène, à mettre en avant plutôt une représentation descriptive, ou plutôt une représentation d'impression, de sensation. En fonction de la sensibilité du lecteur et des scènes concernées, le résultat peut être extraordinaire, ou juste correct. Par exemple, en pages 9 & 10, quatre cases montrent l'intérieur d'une boîte de nuit. Les traits de contour se font un peu plus lâches et imprécis, avec une colorisation jouant sur des tons verdâtres et violets pour rendre compte de l'éclairage tamisé. Le lecteur a l'impression de se tenir aux côtés des protagonistes dans cette ambiance feutrée. Les sensations sont encore plus immergeantes quand la mystérieuse nageuse plonge dans le bassin dans une savante structure de cases sur deux pages, en pages 14 & 15. L'impression devient plus mitigée quand le dessinateur se contente de trois cases de la largeur de la page, avec uniquement des têtes en train parler, comme la discussion entre Nutella et Light en page 61. Les camaïeux en fond de case n'apportent pas grand-chose en termes d'émotion et les 3 cases semblent assez vides en termes narratifs. Le lecteur tombe sous le charme de très belles pages, et ne prête pas forcément une grande attention au mélange des fils chronologiques, d'autant que les informations sont dispensées avec parcimonie et que l'incidence d'un fil sur l'autre n'est pas patente. Sans qu'il s'en désintéresse, il se dit que cet entrelacement est plus une technique pour rythmer la narration par des séquences courtes de nature différente, plutôt qu'un jeu de réponses les unes entre les autres, pour faire ressortir des points communs ou des oppositions. Ayant achevé sa lecture, il comprend mieux pourquoi Zidrou a choisi cette structure qui se révèle plus complexe que prévue, transformant l'enquête en une histoire à chute, dont l'effet est rétroactif. Le scénariste a réussi un exercice de style périlleux, sans perdre son lecteur, en jouant sur une juxtaposition lisible qui cache bien son jeu. En ouvrant cette BD, le lecteur n'est pas trop sûr de ce qui l'attend : une enquête sur des meurtres sordides, en bord de mer. Il commence déjà par apprécier la qualité picturale de la narration visuelle, avec des pages aux couleurs envoutantes. Il suit une intrigue assez linéaire, étrangement réarrangée en plusieurs fils temporels. Il savoure le plaisir visuel de lecture en ressentant un début d'affection pour Assane Ndiaye. Il s'incline devant l'habileté de la structure du scénario, tout en ressentant un effet exercice de style un peu artificiel.

19/02/2025 (modifier)