Les derniers avis (7430 avis)

Par gruizzli
Note: 5/5
Couverture de la série Il était une fois en France
Il était une fois en France

Ouh, la belle claque que cette BD ! J'avais depuis très longtemps la série dans le viseur et j'ai enfin pu profiter de ma bibliothèque locale pour tout lire d'un coup. Et quelle lecture, c'est prenant et instructif, tout en posant de sérieuses questions sur l'humanité. Comme tout le monde, semblait-il, je ne connaissais pas cette figure contrastée de l'Histoire de France et de la Seconde Guerre Mondiale, mais je trouve que Fabien Nury a réussi un tour de force dans l'adaptation de la réalité à la BD. J'ai pu vérifier ensuite quelques détails qui me paraissaient presque trop gros pour être vrais, mais ils sont souvent ceux qui sont malheureusement très réaliste. Et quelle histoire ... Si je devais garder une idée de cette BD, c'est qu'il est facile de juger mais que personne ne nait saint ou salaud. Il n'y a qu'une infinité d'humains dans un monde qui n'est jamais tout noir ou tout gris. Que penser de Joanovici, après toute cette vie ? Quelle leçon en tirer, qu'en conclure ? Il est très très difficile de juger, et tant mieux. Le jugement, c'est dans un tribunal (et par sur Twitter), mais pour soi-même il est souvent bon de se l'interdire. En fait, au-delà de la figure sulfureuse du type, son parcours illustre bien les tensions qui habitèrent cette première moitié du vingtième siècle et les problématiques sociales, culturelles mais aussi économique de ce monde. Un milliardaire qui s'acoquine avec le pire de l'humain, mangeant aux deux râteliers et tentant sans cesse de sauver sa peau, jouant sur tout les tableaux pour toujours gagner ... Sa vie est sans doute moins "noble" et gentille que dans cette BD, mais elle montre ce que furent ces années-là, où tout devient progressivement permis. Le dessin de la BD va à merveille au récit, avec le trait de Sylvain Vallée qui se fait plaisir. Il croque des trognes, des gueules, des figures tout en ajoutant l'aspect historique bien travaillé dans les décors, les costumes mais aussi les types ayant réellement existé. Le tout fait rapidement immerger dans l'histoire et j'ai dévoré les six tomes en une soirée, happé par le récit et ne parvenant pas à m'en détacher. Sans fioritures, sans défaut, je trouve cette BD excellente. Le genre qui met une claque morale, celle où on se dit après que le monde n'est pas si simple à comprendre et que décidément, dans le pire des temps tout ce qui peut exister de l'humain ressort. Je ne peux que recommander cette lecture !

20/10/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Les Gouttes de Dieu
Les Gouttes de Dieu

Grâce à Grogro, je me lance dans la défense des Gouttes de Dieu. Vous savez le point commun entre Proust et cette œuvre ? Eh bien, les deux sont très poétique, et on ne le dit pas beaucoup ! A la perfection des étiquettes en dessin, répond l'égale qualité de la représentation graphique des description des vin déjà fort bien menée avec des mots. Et qu'est-ce que j'ai lu, que ce manga serait snob ? Eh bien non, les apôtres et tant d'autres vins délicieux ne coûtent pas grand-chose. Parfois même un vin estimé plus simple est considéré comme se mariant mieux qu'un plus cher et complexe comme dans le cas du chablis dont le restaurateur s'est entiché, incapable de suivre les enseignements de sa femme sommelière ! Aux Etats-Unis, un escroc veut dépouiller des gens, surtout Japonais, adorateurs des étiquettes et incapables se former un goût, et même les héros japonais luttant contre lui ne nient pas ce travers national. Dans les gouttes de Dieu, tout en rendant à la France la place qui lui est due, on montre aussi l'Italie moins chère et plus accessible à comprendre, notamment en cours de repas. Les gouttes de Dieu d'ailleurs dans un Goutte de Dieu mariage des plus logiques, un vin se buvant dans l'idéal dans un repas où je ne saurais dire si ce sont les plats qui doivent accompagner le jus de la treille ou bien l'inverse. L'idéal, je pense, serait une symbiose si parfaite que chacun serait accompagné et accompagner de l'autre à égalité. Me ravit que tant de volumes tiennent si parfaitement la route ! Mais je n'ai pas supporté longtemps le feuilleton télé, au large, donc. Et à présent, je vais lire d'autres critiques de mes collègues commentateurs !

19/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Silver Surfer - L'Obscure Clarté des étoiles
Silver Surfer - L'Obscure Clarté des étoiles

Un bijou absolu, à la fois graphique et éditorial. Cette édition Marvel Prestige de Silver Surfer : L’obscure clarté des étoiles est une redécouverte magistrale du one-shot culte de 1996 (Silver Surfer: Dangerous Artifacts) signé Ron Marz et Claudio Castellini. Dès les premières pages, on est happé par la beauté du dessin. Castellini livre ici un travail d’une précision incroyable : anatomies parfaites, perspectives vertigineuses, planètes et galaxies rendues avec un sens du détail presque baroque. Chaque case est pensée comme une composition complète, et le grand format choisi par Panini met parfaitement en valeur cette dimension presque “monumentale” de son art. Mais ce qui rend cette édition exceptionnelle, c’est son choix du noir et blanc. À l’origine, la version américaine était sortie en couleur, dans un format plus standard. Or, Castellini lui-même avait conçu son travail pour être vu en noir et blanc, en jouant sur les ombres, les contrastes et la lumière. La colorisation d’époque avait littéralement étouffé son trait — à tel point que la première édition avait été très critiquée pour ça. Ici, Panini a corrigé le tir en proposant une édition restaurée et supervisée par l’auteur lui-même, qui a nettoyé ses planches originales pour leur redonner l’intensité et la clarté qu’il voulait à l’origine. Le résultat est bluffant : la finesse du trait, la puissance des noirs, la lumière qui se dégage de certaines pages… tout est sublimé. C’est une œuvre qui se lit presque comme un artbook narratif, où le scénario de Marz — simple mais efficace — sert surtout de cadre pour admirer le talent graphique de Castellini. Certains pourront trouver l’histoire un peu convenue, mais franchement, devant une telle maîtrise visuelle, on pardonne tout. Un mot aussi sur la fabrication : papier épais (170g), grand format, impression soignée, dos toilé noir… c’est une édition qui respire le respect du travail original. L’obscure clarté des étoiles dans ce format noir et blanc, c’est le Silver Surfer dans toute sa splendeur cosmique, vu à travers les yeux d’un artiste qui a enfin pu montrer son œuvre telle qu’il l’avait imaginée.

19/10/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5
Couverture de la série Les Eaux de Mortelune
Les Eaux de Mortelune

C'est en voyant passer l'avis de Lodi que je me suis replongé avec plaisir dans mon souvenir de lecture du premier cycle des Eaux de Mortelune. A l'époque, je découvrais un peu l'univers de la BD. Disons que je sortais des Astérix, Scrameustache, Gaston et consors pour entrer dans la BD adulte. Voilà donc que le frangin m'offre le premier tome.... Bref ! Quelle claque ! Je me souviens de cet univers poisseux et décadent qui avait une texture complètement inédite. Tout était inventif à mes yeux d'ado tout neuf. J'aimais aussi le décalage entre la perversion des puissants et la poésie dont faisait preuve Nicolas. Il y avait dans ce personnage l'étincelle de vie qui parlait à ma conscience d'ado poète (pouet). Je me souviens il y a quelques mois avoir songé à cette BD en me disant qu'elle était totalement dans le ton de notre époque. Le gouvernement Attal se cassait la gueule, Bruno Le Maire en profitait alors pour se barrer en Suisse en laissant une ardoise conséquente, non sans avoir chié un roman dans lequel il faisait état de ses fantasmes beaufs et sodomites. Alors lui, me suis-je dis alors, c'est vraiment le Duc Malik ! Je chie à la gueule des pauvres et je fais mes petites affaires de quéquette à deux balles sur le dos des tondus. Sans vergogne le mec. Et quelques temps plus tard, rebelotte avec ce porc de Larcher qui, avec tant d'autres, vient gerber sur la Justice... On pourrait égrainer la liste, désormais longue comme un jour sans soleil, de ces gestes et paroles de fin d'empire, mais franchement, on dirait la galerie décadente des Eaux de Mortelune, non ? Du coup, la critique de Lodi m'a donné envie de m'attaquer au second cycle, que je n'ai encore jamais lu. J'ajoute donc ces tomes sur ma déjà très longue PAL ! Bref ! Cette BD fait pour moi figure de classique parmi les classiques, à ranger aux côtés des Passagers du vent, Thorgal (jusqu'au tome 13), Astérix (jusqu'à Astérix chez les Belges), L'Incal, Tintin, Philémon... Ce qui s'appelle un immanquable quoi !

17/10/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Les Eaux de Mortelune
Les Eaux de Mortelune

Tous les tomes, toutes les cases, tout est absolument parfait. Histoire, psychologie, dessin, couleur, dialogue, rythme. Je m'en vais défendre la seconde partie, tant incomprise ! Elle est le reflet inversé de la première, tout simplement, où l'implacable réalité cauchemardesque dévorait le reste, à commencer par le rêve. Passeur entre les deux monde, qui peut déconcerter, mais est-il de meilleur passeur ? Lovecraft, dont les créatures de rêves-cauchemar sont adaptés à l'impuissance à rêver, et surtout à rêver de façon non destructive, des personnages. Eh oui, même de Nicolas, qui ressuscite le duc Malik, soit un des méchants les plus intéressants de la fiction. Et les bons, dans tout ça ? Aux abonnés absents, mais plus intéressant, il y a un cheminement vers la bonté de certains protagonistes. Et vers le… présent. Voyage spatial et temporel sont discrètement là, et on comprend certaines images du début à la fin. L'origine de tout, par Thomas, est bien venue, l'émancipation des personnages aussi. Cruauté sans complaisance, morale sans fadaise, cauchemar sans ressassement, rêves entravés, tout pour moi célèbre les noces de la forme et du fond : perfection.

17/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Silent Jenny
Silent Jenny

Silent Jenny de Mathieu Bablet est une bande dessinée fascinante qui réussit à combiner science-fiction, tension et réflexion humaine. L’histoire suit Jenny dans un monde post-apocalyptique où les abeilles ont disparu et où la survie de l’humanité repose sur des cités mobiles et des technologies complexes. L’univers évoque immédiatement des ambiances connues : le désert et la lutte pour la survie rappellent Mad Max, la poésie et la contemplation de la nature font penser à Nausicaa, tandis que les séquences de voyage solitaire et de reconstruction du monde évoquent Death Stranding. Les dialogues sont bien choisis, donnant du rythme et révélant les relations entre les personnages sans jamais alourdir l’histoire. Ils viennent ponctuer des moments plus contemplatifs, où le silence et les images seules suffisent à transmettre l’émotion. Chaque plan est pensé avec précision : les décors sont grandioses et détaillés, et les couleurs contribuent à rendre l’univers à la fois désolé et poétique. J’ai particulièrement aimé la référence à Akira sur la planche page 32. Jenny est un personnage attachant et complexe, dont les doutes et les espoirs se reflètent dans ses actions. Son parcours nous fait ressentir à la fois la fragilité et la résilience humaines, dans un monde où la nature et l’humanité semblent sur le point de se perdre. Les « monades », ces vaisseaux-villages motorisés, font quant à elles penser au Château ambulant, ajoutant une dimension presque féérique à ce monde mécanique et désolé. Malgré la gravité de la situation, Bablet réussit à laisser une lueur d’espoir et à montrer que même dans la destruction, des possibilités de renaissance existent. En résumé, Silent Jenny est une lecture immersive et émotive, où la beauté des images rencontre la profondeur des thèmes. Les références cinématographiques et culturelles enrichissent l’expérience, et chaque plan est un véritable plaisir pour les yeux. C’est une BD marquante, qui fait réfléchir à notre impact écologique sur la biodiversité et qui reste longtemps en mémoire après avoir tourné la dernière page.

15/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Mr Magellan
Mr Magellan

Une série culte de mon enfance. J’ai adoré ces scénarios surréalistes un peu futuristes. M Magellan et sa comparse Miss Capella dans une surenchère constante d’excentricité. De plus le coté science-fiction fantastique de cette série est toujours resté très cohérent et rationnel, sans jamais céder dans la facilité, ce qui changeait de beaucoup de séries de l’époque.

15/10/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Au pied des étoiles
Au pied des étoiles

N’être qu’avec soi, c’est mourir. - Ce tome contient une histoire complète, un voyage au Chili en 2021, ou plutôt deux. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé à quatre mains pour le scénario, les dessins et les couleurs, par Edmond Baudoin et Emmanuel Lepage. Il comprend deux-cent-cinquante-quatre pages de bande dessinée. À l’origine, il y a la lumière. La lumière fabrique l’univers. L’espace et le temps commencent à exister. C’est d’abord un brouillard opaque… Un brouillard dont est prisonnier la lumière… L’univers grandit, se refroidit… Alors apparaissent les protons, les neutrons et les électrons : ce sont les particules élémentaires. Elles dansent avec les grains de lumière, les protons… Ensemble, ils donnent naissance à la matière. Quand un proton et un électron se rencontrent, ils forment l’hydrogène. Tout ce qui est matière s’attire et s’agglutine. Quand la masse de cette matière ainsi créée devient très importante, elle fusionne. Et quand les atomes d’hydrogène fusionnent, naît alors l’hélium. Vol Paris-Santiago, cinq décembre 2021. Quand l’hélium fusionne à son tour, se créent d’autres éléments. Le carbone, l’oxygène. Les étoiles sont des usines à matière. La matière s’attire, la lumière la repousse. L’étoile existe dans ce fragile équilibre. Si la matière gagne, des trous noirs apparaissent. Si la lumière gagne, l’étoile explose. Quand une étoile explose, elle libère les atomes d’hydrogène et d’oxygène… Quand ceux-ci se rencontrent, se crée alors la molécule H2O… L’eau, la vie. Ce livre est une histoire de rencontres, de lumière et de vie. Edmond revient sur la genèse de ce livre. En décembre 2021, voici deux ans qu’un professeur de physique en lycée à Grenoble, José Ollivares, a proposé à deux auteurs de bandes dessinées d’aller voir les étoiles. Edmond Baudoin, Emmanuel Lepage. Deux auteurs de bandes dessinées aux univers très différents, deux planètes bien distinctes. Une figue, une pomme, et des noix. Edmond raconte comment il a connu Emmanuel : il y a longtemps, à Saint-Malo. Ils se sont promenés sur la plage ensemble. Il s’était inspiré de cette balade pour l’affiche du festival. Quelle année ? Il a en ce temps-là la cinquantaine, Emmanuel est un jeune homme, il est beau, Edmond est sensible à sa beauté, il est dans un devenir qui ira au-delà du sien. Le travail de Lepage est dans l’extériorité, les oiseaux sortent de sa tête, Edmond marche sur d’autres chemins. La nuit, la plage, ces réflexions, cette émotion, s’enfoncent à chaque pas dans le sable. Puis Emmanuel met en scène sa version de cette rencontre. Au début des années 1990, il a vingt-cinq ans, Edmond cinquante. Ils marchent le long du sillon. Edmond est un précurseur. Il pratique une bande dessinée de l’intime quand celle-ci est encore balbutiante. Il se raconte. Lui, Emmanuel s’est nourri de bandes dessinées franco-belges de fiction. Des récits qui se déclinent en séries et dans des formats courts. Il a déjà plusieurs albums derrière lui. Il tâtonne, il se cherche… Et il aime le chemin de création de Baudoin qui semble si loin du sien. Il arrive que l’attraction d’une planète soit si forte qu’elle modifie l’ellipse d’une autre. Edmond est cette planète. Une collaboration entre ces deux auteurs, tous les deux excellents : Hop ! C’est plié, extraordinaire bande dessinée, d’une richesse exceptionnelle. Des détails ? Soit. C’est l’histoire de José Ollivares, un professeur de physique qui veut emmener ses élèves voir les étoiles dans le désert d'Atacama, au Chili. Il se dit que les échanges n’en seront que plus intéressants s’ils sont accompagnés de deux auteurs de bande dessinée, et puis d’un réalisateur de documentaire pour en faire un film. Date prévisionnelle du voyage : avril 2020. Il se produit un petit imprévu : la COVID-19. Tant pis, ils feront deux voyages, le premier à trois, le second avec les élèves. Deuxième imprévu, Baudoin ne pourra pas participer au deuxième voyage. Donc un premier voyage en décembre 2021, un second en avril 2022. Baudoin a une grande habitude de réaliser des albums à quatre mains, que ce soit avec Troubs (quatre bandes dessinées à leur actif), ou avec Céline Wagner, Tanguy Dohollau, Aurore Bize. Il a détaillé sa méthode de travail en duo, par exemple dans Inuit (2023) : discuter des planches au fur et à mesure à deux, les réaliser de préférence sur le vif, ou pendant les séjours chez l’habitant. Un rapide feuilletage montre des planches réalisées par l’un, des planches réalisées par l’autre, et quelques planches et mêmes quelques cases réalisées ensemble. Il est possible de lire cet album comme un carnet de voyage. Dans la première partie les deux créateurs s’envolent pour Santiago, après avoir expliqué la genèse du projet. Ils arrivent à quelques jours de l’élection présidentielle opposant José Antonio Kast à Gabriel Boric, ce dernier étant élu le dix-neuf décembre 2021, ce qui donne lieu à des manifestations de liesse populaire. Puis le petit groupe voyage, traverse Chiloé. Ils séjournent en passant à Valparaiso, se rendent compte qu’ils ne peuvent pas se rendre à Atacama à cause des restrictions imposées par la pandémie. Ils continuent leur voyage, et bénéficient de la possibilité d’aller contempler les manchots de Humboldt. Enfin le retour vers la France. Les auteurs réalisent des planches qui comblent l’horizon d’attente d’un ouvrage de type carnet de voyage : montrer les régions où ils se trouvent, représenter les personnes qu’ils rencontrent, faire apparaître l’exotisme pour des Européens, sans transformer le voyage en du tourisme de masse voyeur. S’il connait l’un ou l’autre des deux artistes, le lecteur identifie au premier coup d’œil qui a dessiné quoi. Dans le cas contraire, les auteurs évoquent leur façon de concevoir leur art, et ils explicitent que les dessins de nature plus réalistes dans leur représentation sont ceux d’Emmanuel Lepage, et ceux plus dans la texture et la sensation sont ceux d’Edmond Baudoin. Deux beaux voyages retranscrits avec la sensibilité humaniste de l’un et l’autre, ainsi que leurs différences de sensibilité et de façon d’aborder chaque nouveauté, chaque rencontre. Puis vient le deuxième voyage passant par Antofagasta, aux portes du désert d’Atacama, la visite de l’observatoire astronomique du Cerro Paranal, la visite de la ville de Chacabuco, etc. Toutefois, la richesse de l’ouvrage va bien au-delà d’un carnet de voyages entre deux amis. Il s’ouvre sur la création de l’univers, et des étoiles. Ce développement provient à la fois du but du voyage scolaire, à la fois de la question que posent les auteurs aux habitants avec qui ils discutent : Qu’est-ce que les étoiles pour vous ? Ils abordent également la nature des étoiles telle que racontée dans une légende mapuche, et le versant scientifique des réactions nucléaires qui aboutissent à la création de la matière, aux méthodes complexes pour observer les étoiles, de l’interférométrie à l’utilisation de puissants lasers. À l’opposé de touristes de passage pour cocher des cases de sites à voir absolument, ils s’intéressent à la vie des habitants, à l’histoire du pays qu’ils développent à plusieurs reprises, aux élections. Dans la mesure où il s’agit du voyage de deux amis, ils reviennent sur l’histoire de leur amitié, sur la fois où ils ont été amoureux de la même femme en même temps. Puisqu’il s’agit de deux dessinateurs de bande dessinée, ils comparent leur manière de procéder à leur page, leur façon de regarder le monde et d’en rendre compte, de représenter la beauté. Lors du deuxième voyage, c’est l’occasion pour Emmanuel de discuter avec les étudiants, de parler leur façon de participer à l’avenir de la planète sur le plan politique, et d’évoquer la sexualité, l’un d’eux envisageant une transition de genre. Comme il s’agit de deux artistes, ils évoquent ou citent ceux issus du Chili, ou faisant écho à leurs émotions : Rainer Maria Rilke (1875-1926, poète), Mircea C?rt?rescu (1965-, écrivain) Pablo Neruda (1904-1973, poète), Victor Jara (1932-1973, musicien), George Grosz (1893-1959, peintre d'origine allemande), Arthur Rimbaud (1854-1891, poète). La narration visuelle enchante le lecteur à chaque page. Ces deux artistes disposent d’une solide expérience professionnelle, d’une approche très personnelle à leur art, d’une maîtrise de nombreuses techniques, d’un savoir-faire peu commun en termes de mise en scène et de conception de chaque planche. Le lecteur découvre aussi bien des planches d’un format très classique (des cases avec bordure, disposées en bande), que des formats libres approchant un texte avec des illustrations, à chaque fois conçues spécifiquement en fonction du propos, du sur mesure fait main. La rétine du lecteur est à la fête : deux cases presque abstraites en ouverture pour évoquer la lumière fabriquant l’univers, suivi par une illustration en pleine page de corps entremêlés comme en train de danser, une très belle peinture montrant l’avion traversant un ciel nocturne, les pieux dressés comme brise-lame sur le sillon de Saint Malo, un fac-similé de radiographie pour évoquer le cancer d’Emmanuel, une montagne représentée à la manière d’une gravure de Gustave Doré, les graffitis sur les murs de Santiago, un astronome avec un genou à terre entouré d’un tourbillon d’équations mathématiques, une représentation d’un horizon panoramique à la manière des Inuits… et bien sûr quelques arbres, comme il est d’habitude dans une bande dessinée de Baudoin. Impossible de rendre compte de la richesse visuelle de cet ouvrage, de l’intelligence avec laquelle la narration visuelle sert les propos. Même s’il est familier de ces deux artistes, le lecteur ne peut imaginer la richesse de cette bande dessinée, à la fois carnet de voyage, carnet de rencontres, vulgarisation scientifique, historique de la nation chilienne, histoire d’une amitié, réflexions sur l’art de la bande dessinée, passage comparatif entre l’approche des deux amis, relais générationnel, fragilité de la vie que ce soit du fait de la maladie ou de la répression mise en œuvre par un régime dictatorial, engagement militant, vieillesse, poésie, impact d’une pandémie, besoin de vérité, impuissance devant la beauté, confidences entre amis, etc. Toute la richesse de l’expérience humaine.

15/10/2025 (modifier)
Par Jcn664
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Loin de Paris
Loin de Paris

Loin de Paris est une œuvre incroyable mais avec un Côté très personnel et très intimiste, c'est tous à fait le principe même de l'œuvre. Ça ne cherche pas à embarquer le lecteur mais à témoigner aux lecteurs d'une époque certe révolue mais pas totalement désuet, il faut aussi derrière avoir une grille de lecture différente cette situation est encore actuel dans pas mal de pays, contexte historique différents. On retrace cette jeune femme aimé de son marié mais qui se sent prisonnière de sa vie, à cause de son propre pays et des communistes de l'est. Et qui n'a que pour s'évader de sa vie maurose du communisme polonais, les lettres de sa sœurs vivant à Paris, lui envoyant des ouvrages, des disques. Pouvoir aussi ressentir du point de vue des habitants du blocs de l'est cette relation étrange presque bizarre d'avoir une mère en état de choque devant un vinyle en mode oh que c'est beau, C'est la que le bouquin nous rappelle par quelques petites finesses l'écart presque multidimensionnelle entre le blocs de l'ouest, et le bloc de l'est, comme deux monde parallèle qui se côtoies. Chose qu'aujourd'hui on a plus tellement, et qu'on oublie trop souvent ça. Le livre est aussi profondément triste dans son approche mais arrive avec certaines fulgurances à rendre le tous léger avec une finesses d'as l'écriture par certains trait humoristiques allegeant bien l'œuvre, ça rend plus de légèreté et c'est plutôt bien dosé. Apres, la direction artistique est celons moi fabuleuse et une prise de risque assez phénoménal, et très atypique et expérimental dans un certains sens, c'est peut être un bon roman graphique qu'on pourrait lire en complément de la couleur des choses, flatland par exemple, dans cette continuité de roman graphique expérimentale ou délirante. C'est un roman graphique fait sous logiciel d'architecture, et il faut pas que ce soit rédhibitoire, c'est un ptit chef d'œuvre qui justement le rend unique et marquant, c'est mon ultra coups de cœur cette année avec Flat Land.

14/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Daredevil / Echo - Quête de Vision (Daredevil - Echo)
Daredevil / Echo - Quête de Vision (Daredevil - Echo)

Pour moi, Daredevil / Echo – Quête de Vision n’est pas un simple comics, c’est une œuvre d’art totale. David Mack signe ici à la fois le scénario et les illustrations, et le résultat est incroyable. On est très loin du schéma classique du super-héros : c’est une expérience visuelle, poétique et spirituelle qui se vit plus qu’elle ne se lit. Mack mêle aquarelles, collages et symboles mystiques pour raconter une histoire sur la foi, la douleur, la rédemption et la recherche de sens. Daredevil et Echo y apparaissent comme deux âmes blessées en quête de lumière. Chaque page est un tableau à part entière — parfois même une méditation. J’ai eu l’impression de lire un roman graphique sur l’humanité, plus qu’une aventure de super-héros. Ce qui m’a le plus marqué, c’est à quel point le récit est sincère et émotionnel. Il y a une vraie beauté dans la manière dont Mack aborde les croyances amérindiennes, la spiritualité et la compassion. C’est une œuvre exigeante, parfois abstraite, mais d’une puissance rare. En refermant le livre, j’ai eu le sentiment d’avoir contemplé quelque chose d’unique, de profondément humain et artistique.

13/10/2025 (modifier)