Les derniers avis (7276 avis)

Par Charly
Note: 5/5
Couverture de la série Blacksad
Blacksad

Les illustrations de Juanjo Guarnido sont tout simplement magnifiques. Chaque page est une véritable œuvre d'art, avec des détails méticuleux et des expressions animales étrangement humaines. L'utilisation ingénieuse des animaux anthropomorphes confère une profondeur inattendue aux personnages. Chaque espèce est habilement sélectionnée pour refléter les caractéristiques de ses membres. Bien que parfois simples, les enquêtes policières servent de toile de fond à une exploration subtile des aspects sombres de la société. Corruption, racisme et violence cohabitent avec la splendeur du dessin. Le développement psychologique de certains protagonistes pourrait sembler en deçà des attentes. La série, visant un large public, pourrait être critiquée pour sacrifier une profondeur narrative au profit de l'accessibilité. Je dirai que Blacksad transcende les frontières du genre et reste une incontournable dans ma bibliothèque. Je recommande chaudement cette série !

03/07/2024 (modifier)
Par Simili
Note: 5/5
Couverture de la série Gaston Lagaffe
Gaston Lagaffe

Ah oui ça pour être culte , Gaston Lagaffe l'est assurément. Gaston a pour lui son coté doux rêveur qui fait qu'on lui pardonne toutes ses gaffes. Bon en vrai si je l'ai en collègue de boulot je le tue et après avoir usé Fantasio, Prunelle est franchement patient. Pour moi Gaston Lagaffe c'est une madeleine de Proust, un plaisir régressif assumé. Et assurément un fou rire dès que je prend une BD. C'est plus fort que moi. Gaston Lagaffe c'est comme une vidéo d'une chute, ça me fait marrer Mais comment de pas rire aux mésaventures de Monsieur De Mesmaeker ou de l'agent Longtarin. Comment de pas sourire à l'innocence de Gaston et de Mademoiselle Jeanne. Même le chat et la mouette sont des personnages clés et ont le droit à leur gag. Gaston c'est un grand oui pour moi.

02/07/2024 (modifier)
Par Simili
Note: 5/5
Couverture de la série Astérix
Astérix

Oh il n'y a bien sur rien d'original dans cette note. Et tout a été dit sur notre héros gaulois. C'est une rare série à passer entre les gouttes de la critique malgré de très gros clichés sur la société qui entourait Goscinny et Uderzo. Astérix a pour moi un avantage que très peu d'autres séries ont. On peut le relire indéfiniment. On a beau connaitre l'histoire, les gags et les chutes, on prend toujours du plaisir à le relire (au moins sur nos tomes préférés). Et c'est pourquoi je lui attribue la note de 5. Alors bien entendu toutes les histoires ne se valent pas et on a franchement touché le fond avec "Le ciel lui tombe sur la tête" (une des pires BD que j'ai pu lire) mais comme beaucoup, je pense que sur les 25 premiers tomes on est franchement pas loin de ce qu'il peut se faire de mieux. Et 25 tomes ça peut occuper toute une vie de BDphile.

02/07/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5
Couverture de la série Automne en baie de Somme
Automne en baie de Somme

Elle était une saison qui sait que le temps lui est compté. - Il s'agit d'une histoire complète en un seul tome, indépendante de toute autre. Cette bande dessinée a été réalisée par Philippe Pelaez pour le scénario, et par Alexis Chabert pour les dessins et les couleurs directes. Elle comporte soixante-deux pages. Il se termine avec une postface d'une page de l'artiste expliquant pour quelle raison il a choisi 1900 à Paris. Dans ce projet, il s'est amusé à retranscrire les ambiances que son arrière-grand-mère lui a transmises, recréer un passé où il peut voyager comme un fantôme, et honorer la mémoire de ses ancêtres. Chacune des trois parties s'ouvre avec un texte de Nelly Roussel (1878-1922), extraits de son ouvrage Quelques lances rompues pour nos libertés (1910). Sur une grande plage de la baie de Somme, se trouve un petit navire à voile, échoué sur le sable comme un animal mortellement blessé regardant une dernière fois l‘horizon, avant de se coucher définitivement sur le flanc. Un homme en train d'agoniser s'extirpe tant bien que mal de la cabine et s'allonge sur le pont. Les mouettes volent haut au-dessus du bateau. le lendemain, la gendarmerie locale est sur place et elle accueille l'inspecteur Amaury Broyan, venu de Paris, dépêché par le ministre lui-même. Car le défunt était un riche industriel : Alexandre de Breucq. le lieutenant Brousse lui explique que le malheureux s'est étouffé dans son propre sang, et que son agonie a dû être longue. L'inspecteur se demande si la victime connaissait son assassin, si ce dernier avait préparé le poison en étant sûr que de Breucq le prendrait, ou s'il était à bord de cette goélette, avec lui, et qu'il a pris tout son temps pour le regarder mourir. Quelques jours après, l'inspecteur se tient à quelque distance de la mise en terre du cercueil au cimetière, accompagné par Arsène. Ils regardent les gens présents venus se recueillir : les banquiers d'un côté, les industriels de l'autre, et au milieu l'État. Un franc-maçon à la tête de l'État, un communard comme président du Conseil, et les socialistes qui gagnent encore des voix aux dernières élections municipales. Et tout ce beau monde pour enterrer le plus prometteur, le moins corrompu et le plus social des industriels. La vie est mal faite. Arsène s'écarte rapidement car la veuve Marthe de Breucq se dirige vers eux avec son garde du corps Simon. Broyan lui présente ses condoléances. Elle lui demande de passer le jeudi suivant, à dix-sept heures à son hôtel particulier. Une fois la cérémonie terminée, Elle monte dans sa calèche avec Simon et lui demande pourquoi Broyan a été choisi pour l'enquête. C'est un des policiers les plus efficaces de Paris, enfin avant les soucis avec sa défunte fille. Dans l'atelier d'Alfons Mucha, Axelle Valencourt pose pour la toile L'Automne. Elle lui fait observer que des grains commencent à se détacher de la grappe. Rien de grave : il a terminé pour aujourd'hui. Il faut qu'elle revienne dans deux jours pour terminer le tableau. le lendemain elle a prévu d'aller au marché aux modèles place Pigalle. le soir Thérèse sort de la prison de Saint Lazare, et elle monte dans le fiacre qui l'attend. Pour commencer, une couverture superbe avec un mystère, une jeune femme représentée avec une manière qui évoque Alfons Mucha (1860-1939), ce qui est tout à fait intentionnel puisque cette demoiselle est le modèle qui a servi pour sa représentation de l'Automne. le fini de la couverture est particulièrement soigné : le titre et la dorure en arc de cercle sont rendus avec une encre métallique, en légère surimpression, pour un très bel effet. En bas, le bateau échoué sur ce qui doit être une plage de la baie de Somme. Une introduction en six pages qui permet de poser le récit : une enquête policière sur le meurtre d'un industriel progressiste, un capitaine d'industrie mettant en œuvre une politique paternaliste, à la fin du dix-neuvième siècle. Elle permet aussi d'apprécier toute la palette de l'artiste. Il commence par trois pages avec plusieurs marines, très vaporeuses, un très beau rendu de l'ambiance lumineuse du ciel et du sable à deux moments différents de la journée, une goélette et des personnages détourés d'un trait fin et fragile, avec des silhouettes un peu allongées, des contours nourris par les couleurs directes. L'autre moitié se déroule d'abord dans un cimetière parisien, puis dans les rues de la capitale. La couleur directe permet de réaliser un jeu d'ombre mouvante du plus bel effet. L'artiste joue remarquablement bien du niveau de précision et du niveau d'imprécision dans les formes : le lecteur assimile facilement les contours des stèles funéraires sans avoir besoin de les voir dans le détail, et il identifie au premier regard la forme d'une colonne Morris. Raconter un polar en bande dessinée s'avère souvent un exercice périlleux, car il faut parvenir à caser tout à un tas d'informations comme les éléments de contexte, l'histoire personnelle de la victime et de ses proches, la recherche d'indices et leur analyse, et il faut également parvenir à mettre en scène les phases de déduction sans qu'elles n'apparaissent ni trop artificielles et mécaniques, ni trop parachutées ou absconses. le lecteur se rend vite compte que les auteurs savent inclure les informations avec une réelle élégance, et une réelle ambition. Ainsi, la victime était un riche industriel de type paternaliste, portrait qui se dessine par bribe au fil de remarques rapides. L'inspecteur a une histoire personnelle tragique qui influe directement sur ses motivations et donc la façon dont il hiérarchise ses priorités. Il dispose d'un physique avec une certaine carrure et des postures parlantes sur son caractère et ses dispositions d'esprit. La veuve éplorée est d'une réelle élégance, son maintien et sa façon de se tenir en disent également long sur son assurance et sa détermination. Axelle est magnifique de bout en bout, une beauté diaphane, avec un soupçon de mélancolie, une réelle douceur, une assurance d'une autre nature. L'artiste sait donner vie à chaque protagoniste, leur insuffler du caractère, ce qui est indispensable pour que la mécanique policière ne ressorte pas comme un artifice. La quatrième de couverture précise que l'histoire se déroule à la Belle Époque, et même précisément en 1896. Cette année correspond effectivement à la date de réalisation du tableau Automne par Mucha. Les auteurs ne l'ont pas choisi par hasard, et le lecteur constate rapidement que l'intrigue est indissociable de la réalité historique de l'époque, qu'elle en découle, qu'elle n'aurait pas pu se passer à une autre époque. C'est donc un véritable polar qui agit comme révélateur d'une facette de la réalité sociale de la société à ce moment-là, et à cet endroit-là. Avec son air de ne pas y toucher vraiment, l'artiste réalise une reconstitution historique visuelle impressionnante. Les tenues sont d'époque, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Il est possible d'identifier les rues de Paris où se déroule chaque scène. le lecteur finit par se rendre compte que Chabert est allé faire des recherches sur les différents modèles de voiture hippomobile en circulation à Paris, ce qui atteste du temps consacré à recréer cette époque avec authenticité. S'il ne l'a pas fait avant, le lecteur prend alors le temps de regarder les détails : les façades immeubles, la fontaine d'une place, l'évocation du cabaret Au Lapin Agile (à nouveau une mise en couleurs extraordinaire), un paravent, un intérieur bourgeois, un cabinet médical, etc. Il regarde les moulins de la Butte Montmartre et il découvre le chantier de la construction de la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre (1875-1923), avec ses échafaudages et son campanile pas encore construit. Le décor de ce chantier en cours a été proposé par le scénariste qui, lui aussi, parsème son récit de marqueurs historiques contribuant à la reconstitution. Lors du prologue, Arsène évoque Félix Faure (1841-1899), franc-maçon alors président, et Jules Méline (1838-1925), un communard alors président du Conseil. Au fil des pages, le lecteur peut relever la mention de Sarah Bernhardt (1844-1923, actrice ayant également servi de modèle Mucha), Paul Brouardel (1837-1906, médecin légiste), et une citation de Jean Jaurès (1859-1914, on recrute dans le crime pour surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère). Il y a également le titre de chacun des trois actes (Les sanglots longs – le cœur des femmes – Morte saison) et les citations en ouverture : elles sont toutes les trois extraites du même ouvrage de Nelly Roussel (1878-1922), une libre penseuse, franc-maçonne, féministe, antinataliste, néomalthusienne et femme de lettres libertaire française, une des premières femmes à se déclarer en faveur de la contraception, et à promouvoir l'importance de l'éducation sexuelle des femmes. Tous ces éléments font partie intégrante de l'intrigue, à l'opposé de simples éléments de décor pour meubler artificiellement. L'histoire se déroule en suivant l'inspecteur, et sa façon de procéder est dictée par son caractère et son histoire personnelle. L'enquête ne se résume pas à un jeu intellectuel, mais procède des convictions du policier. Les autres personnages ne font pas figuration : les actes d'Axelle ou de Marthe reflètent également leurs convictions et leurs objectifs, à l'opposé de personnages superficiels ou interchangeables. Le scénariste maîtrise aussi bien l'esprit que la lettre des polars. Il y a des phases de déductions, des indices, des indicateurs, quelques coups échangés, autant de conventions attendues du genre. L'enquête implique aussi bien des individus de la haute société, que des gens du peuple, et elle fait ressortir des vices cachés. Elle agit donc bien comme un révélateur de plusieurs facettes de la société de l'époque. Elle fonctionne sur ses particularités et pas indépendamment du lieu ou de l'Histoire. En un nombre limité de pages, les auteurs savent immerger le lecteur dans un environnement concret et une reconstitution historique rigoureuse. Celui-ci est sous le charme de la narration visuelle dès les premières pages, et il se prend à savourer le texte assez écrit qui parsèment les cases de la première planche. Il retrouve ce dispositif à l'occasion d'une planche dans chaque acte, venant apporter une touche littéraire et poétique à la narration. Il se laisse porter par l'enquête à la méthode naturaliste, sans essayer de devancer l'inspecteur, se retrouvant surpris à plusieurs reprises par ces découvertes, et révulsé par l'horreur du véritable crime. Excellent.

02/07/2024 (modifier)
Par Simili
Note: 5/5
Couverture de la série Lanfeust de Troy
Lanfeust de Troy

Il était compliqué pour moi de ne pas prendre cette série afin de poser mon premier avis tant elle aura marqué un passage pour moi entre la BD classique (Astérix, Tintin, Lucky Luke, ...) et de nouveaux horizons du 9ème art. Forcément mon avis ne peut être objectif (remarque que c'est le principe même d'un avis). J'ai découvert Lanfeust il y a un peu plus de vingt ans, âgé moi même d'une vingtaine d'années j'ai tout de suite été emballé par l'univers de Troy, l'humour (parfois lourd) d'Arleston et les dessins de Tarquin. Troy est un monde magnifique et dangereux avec un bestiaire très diversifié ; les personnages sont attachants avec une mention spéciale pour Hébus. La quête de Lanfeust est noble et va l'amener bien au delà de ce qu'il imaginait. J'ai rapidement lu les 8 tomes de la série avant d'embrayer sur les Lanfeust des Etoiles et Lanfeust Odyssey. J'ai lu les critiques sur la vision très sectaire de la femme (Cian/Cixi) mais cela n'est pour moi pas recevable car cela reviendrait 1/à sortir la BD de l'époque où elle a été écrite et 2/de complètement nier le pouvoir que la femme peut avoir sur l'homme. Alors oui toutes les femmes ne sont pas des Cian ou des Cixi mais comme tous les hommes ne sont pas des Lanfeust ou des Thanos. Alors oui la BD est destinée plutôt (surtout) à des jeunes hommes qui tout comme Lanfeust se préparent à faire la découverte de la vie du monde extérieur aimant l'humour potache et parfois lourd. Car finalement c'est bien de ça qu'il est question des choix d'un grand adolescent qui vont façonner l'homme. L'homme que je suis devenu sourit toujours à certaines blagues (ah les chanson paillardes pour faire avancer le pétaure) et regrette bien amèrement le temps béni où tout n'était pas aseptisé par une pseudo morale et où on pouvait encore rire de (presque) tout. NB : Lanfeust des Etoiles et Odyssey sont clairement en dessous de la série originelle. Preuve que le long n'est pas toujours bon. :-)

01/07/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Porte de l'univers
La Porte de l'univers

C'est de l'humour de vieux, place aux jeunes. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, ne nécessitant pas de connaissance préalable de l’œuvre de l'auteur. Il a été réalisé par Daniel Goossens, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Cette bande dessinée bénéficie d'une introduction d'une page rédigée par Édouard Baer, et d'une courte phrase sur le bandeau en quatrième de couverture de Benoît Poelvoorde (La porte de l'univers… Voilà qui met en appétit). Il se termine avec une postface de six pages, écrite par l'auteur, essayant d'expliquer son humour. Chapitre 1 : Robert Cognard. Ce monsieur est assis à sa table de travail : c'est un comique professionnel et il cherche de nouvelles idées de gags. Il est complètement à sec. Il n'a plus un gag en stock, lessivé. Que des redites. C'est la fin des haricots péteurs. Il se rend à la réunion de travail chez son employeur, mais il pousse la porte de la salle de réunion alors que celle-ci se termine, que tout le monde s'est déjà levé, et prend congé. Il s'adresse à Jean-Pierre, à Chantal, mais ils préfèrent l'éviter. Il se dirige vers le patron et il engage la conversation. Celui-ci lui propose de l'accompagner dans son bureau. Robert explique qu'il cherche du neuf, que ce n'est pas le tout de faire rire, qu'il faut également dénoncer la bêtise. Arrivé dans le bureau du patron, celui-ci explique que les gens sont exigeants, qu'ils veulent du nouveau, toujours du nouveau. Robert continue de soliloquer sur ses mollets poilus, mais le patron lui tend un chèque. Il lui conseille de prendre du bon temps, de s'amuser avec des filles. Il ne le vire pas, il lui offre la liberté, en conseillant à Robert de saisir sa chance. le comique s'en va, les larmes aux yeux, citant Pierre Desproges : on peut rire de tout, mais pas de n'importe qui. Robert Cognard est rentré chez lui. Il a relevé son courrier : les factures, les papiers d'huissiers, les convocations au tribunal, et il n'a plus le moindre gag en stock. Sa compagne Sheila a revêtu une robe pimpante assez courte. Une dispute s'en suit, et elle fait calmement sa valise, alors Robert s'emporte de plus en plus. Il se rend au bar et aborde une femme, lui racontant la blague de pourquoi Popeye avait des avant-bras musclés. Il finit par la raccompagner chez elle, tout râlant sur le fait que ça ne suffit plus de les faire rigoler, après, il faut allonger la friche. En entrant dans son appartement, il remarque une affiche de Corto Maltese. Il se lance dans un soliloque en s'adressant à la prostituée. Elle rêve d'être emmenée par un beau marin ? Elle aussi, elle est attirée par la lumière ? Il n'existe pas d'âme vraiment simple et pure ? Corto Maltese, c'est juste le prestige de l'uniforme. le p'tit foulard, les p'tits galons, la casquette de marin… Les vrais marins, ça se pomponne pas. Ça a pas l'temps pour la galipette. Y a-t-il donc que lui de lucide ? Si Corto Maltese avait eu le même succès avec une casquette Pernod, il aurait dit Chapeau l'artiste ! C'est facile quand on est marin et beau. Lui, croit-elle qu'on lui ferait une gâterie à l’œil avec la casquette de Corto Maltese ? On ferait la fine mouche, oui ! Un nouvel album de Daniel Goossens : plus de quarante-cinq ans de métier avec des histoires publiées dès 1976 dans le magazine Pilote, et des albums dès 1979. Ici, il propose une histoire continue, plutôt qu'une série de scénettes, composée de douze chapitres : Robert Cognard ; Les Grands du rire ; le Salon du rire ; La Taverne des artistes ; le Procès ; Dans le pétrin ; La plus belle femme du monde ; Les Marines de l'Alabama ; Épilogue ; La Porte de l'univers ; le Jugement dernier ; Dernier épilogue avant l'éternité. Toutes les caractéristiques qui font le charme de ce bédéiste sont bien présentes. le lecteur identifie immédiatement sa manière de dessiner : des décors tracés d'un trait sûr, allant à l'essentiel, parfois avec plus de détails le temps d'une case ou deux. le lecteur sait immédiatement où il se trouve : le bureau de Robert Cognard avec ses armoires métalliques à tiroir et son escabeau, la salle de réunion avec ses tables et ses fauteuils, le bureau du patron avec un mobilier plus couteux, le bel appartement du comique avec sa cheminée, un simple bar, un grand hall du bâtiment pour la convention, une salle de procès avec la barre des accusés, une cellule avec deux bat-flancs, une grande prairie avec des cowboys et des vaches, une navette spatiale. Les accessoires sont tout aussi parlants et bien choisis : la sacoche en cuir de Cognard, les tenues vestimentaires différenciées et faisant apparaître une facette de la personnalité du l'individu représenté, la coiffeuse de Sheila, le flacon de M. Propre, la reproduction des cieux d'un tableau de Vincent van Gogh, les différents modèles de fauteuil de bureau, le tutu rose, la selle de cheval, etc. L'artiste a atteint un niveau remarquable dans la représentation des personnages, leur posture, leur langage corporel, la palette d'expression de leur visage, au point de transmettre l'émotion avec un naturel évident, même si la représentation peut être exagérée, ou caricaturale. le lecteur ressent immédiatement une connexion avec Robert Cognard : un homme marqué par l'âge, sûrement la soixantaine, de petite taille, endurant, encore plein d'énergie, mais peut-être dépassé par l'époque, ne parvenant plus à lutter avec les nouvelles générations car il est vrai que l'humour se démode. Un homme qui essuie les échecs et qui les supporte sans se plaindre, un homme encore capable d'enthousiasme, un homme qui y croit encore. Quelqu'un qui essaye de se maintenir dans le coup, qui bosse pour proposer de nouvelles blagues, mais aussi quelqu'un avec les valeurs et la culture de sa génération. Il est impossible de rester de marbre devant cet individu avec des valeurs, avec une vraie envie de continuer, avec un tel cœur à l'ouvrage. le lecteur souffre avec lui quand il se heurte au refus poli mais implacable du patron, à la froideur de sa compagne qui ne le soutient pas, à la médiocrité des blagues de ses pairs se contentant d'un humour bourgeois, alors que lui reste un ouvrier dans l'âme. Il sourit devant le général qui se vante de ses cinq étoiles alors que son interlocuteur n'en a que trois, ou encore devant ce dieu à la longue barbe blanche, au halo impeccable et à la longue robe blanche immaculée. Et puis bien sûr, l'incongru et l'absurde sont fidèles au rendez-vous. Par exemple visuellement : Corto Maltese avec une casquette Pernod au lieu de sa casquette de marin, Robert jeune le pantalon et le slip baissés sur les chevilles en plein milieu d'un trottoir passant, Robert en tutu avec des mollets très poilus, le même Robert montant dans une fusée, etc. Sans oublier les caricatures de Corto Maltese à Capitaine Tintin & le jeune reporter Haddock, en passant par François Mitterrand avec sa belle écharpe rouge, Full Metal Jacket (1987) de Stanley Kubrick (1928-1999), ou une célèbre série policière télé. Ça dérape également dans l'absurde et dans l'incongru avec les réparties, à commencer par la citation erronée de Pierre Desproges (1939-1988) : on peut rire de tout, mais pas de n'importe qui. Ou encore ce détournement d'un aphorisme de Georges Brassens : Sans le talent, le travail n'est qu'une sale manie. En fonction de sa sensibilité, certaines blagues fonctionnent immédiatement sur le lecteur le faisant rire à haute voix, alors que d'autres le laissent interdit, entre platitude littérale et idiotie. Pourtant… Pourtant arrive un moment où l'émotion l'emporte sur tout. En pleine plaidoirie pour se défendre d'un gag éculé qui a mal tourné, Robert Cognard explique que le vrai courage est de laisser tomber son pantalon dans la rue d'un seul coup, sans prévenir. Et il a eu ce courage à dix-sept ans, et il n'est pas sorti intact d'une telle expérience. le lecteur éprouve un élan irrépressible de sympathie et de pitié l'emporter devant ce jeune homme humilié par l'indifférence des passants qui s'écartent, alors qu'il s'est littéralement mis à nu pour son art. Dans le chapitre huit, l'auteur réussit un autre exploit avec une élégance légère, celle de faire croire à l'élan d'amour pur entre son personnage principal et une vache faisant la figurante parmi un troupeau en arrière-plan dans un western. C'est ridicule, absurde et même idiot, et en même temps un drame d'une rare authenticité. Un peu plus loin, Robert Cognard parle de la société qui exige que les clowns se maquillent pour sortir, et le lecteur y voit l'écho de l'exigence que les femmes se maquillent, un écho pénétrant d'une exigence sociale implicite et lourde de sens. le lecteur se prend d'une réelle affection pour Robert Cognard dont il ne doute pas un seul instant que tout le monde prononce son nom comme s'il ne comprenait pas la lettre G. À certains moments, il se dit que cet artiste comique qui n'y arrive plus vraiment, qui semble atteint par la limite d'âge, incarne ce qui pend au nez de l'auteur lui-même, ou peut-être ce qui lui a déjà été mis dans les dents, que sa carrière est derrière lui, et que son grand prix de la ville d'Angoulême date de 1997. Avec cette idée en tête, il relève quelques phrases. C'est de l'humour de vieux, place aux jeunes. Un comique, c'est pas un génie, nom d'une pastèque en slip ! C'est un écorché vif, prêt à se déculotter pour le public ! Je suis un comique, moi ! J'ai besoin de prendre des risques ! Je ne peux pas me contenter de vos petites vies tranquilles. Puis le lecteur passe à la dernière partie : la postface écrite par l'auteur. Elle est constituée de six chapitres : Les aventures de Cognard - Les connivences - La connivence humaniste - Effets de manche et contenu intellectuel - Autres points de vue sur les mêmes phénomènes - de quoi je me moque et pourquoi ce n'est pas forcément partagé. L'auteur décortique ce qui le motive à s'exprimer, ce qui constitue son sens de l'humour. le lecteur découvre ou retrouve les intentions de l'auteur qu'il a pu percevoir, ou qu'il n'a pas saisies au cours de cette bande dessinée. C'est une véritable profession de foi, sans fausse modestie, sans acrimonie non plus. C'est honnête et intelligent, sans prétention, sans donner de leçon, sans fard. Un album de plus d'un bédéiste avec plus de quarante ans de métier ? Oui, bien sûr, c'est du Goossens. Pas seulement, car c'est un format long sous forme de douze scénettes, c'est une toujours aussi absurde et incongru, drôle et parfois impénétrable. C'est aussi une mise en abîme et une profession de foi directe. C'est abordable et enlevé. C'est un très grand cru.

01/07/2024 (modifier)
Par Zld
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Petite Mort(e)
La Petite Mort(e)

Davy mourier est un artiste de talent. Je l'ai d'abord connu avec Bad News que j'adore, un monument d'humour. Et que dire de la petite mort, un chef d'oeuvre d'originalité et dont l'adaptation web est tout aussi fantastique. Il retourne dans cet univers pour nous proposer la petite morte, je lis la bd et regarde en même temps la série web. C'est toujours aussi cool. Bravo Davy, continue comme ça, ça fait plaisir de voir des artistes aussi talentueux en France ??

30/06/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série God save the Queen
God save the Queen

Souveraine légitime et petite cuiller - Au royaume des fées, la Reine Titania règne sur le peuple des fées depuis son palais. Pour s'asseoir sur ce trône, elle avait destitué des siècles plutôt la reine Mab. La tradition indique qu'il ne faut pas mettre la sortante à mort au risque de tomber sous sa malédiction. Problème : si la précédente n'est pas morte, elle peut revenir. Et c'est ce qui se produit ici. Titania se retrouve bien vite reléguée dans les oubliettes du château et les êtres du peuple qui n'ont pas voulu changer d'allégeance sont pourchassés et exterminés sans plus de cérémonie. Seuls ceux qui avaient été exilés sur terre ou qui y avaient fui pour ne pas recevoir un châtiment ou une condamnation réchappent à cette vengeance, ainsi que Cluracan. Pendant ce temps là, sur notre bonne vieille terre, dans les quartiers nord de Londres, Linda est lassée de sa vie avec sa mère alcoolique que son père a quittée. Elle poursuit ses études sans aucune conviction et elle entraîne Jeffrey, son ami d'enfance, dans ses frasques, en l'occurrence une virée en boîte. Pendant cette soirée, elle tombe sur un individu peu respectable dénommé Verian qui l'initie au plaisir du shoot à l'héroïne coupée avec le sang de Linda. Il s'agit de la troisième bande dessinée illustrée par John Bolton dans les années 2000, après Harlequin Valentine (une adaptation d'une nouvelle de Neil Gaiman) et The Furies (se déroulant dans l'univers du Sandman de Neil Gaiman). "The Furies" mariait les visions cauchemardesques de John Bolton avec des scènes plus quotidiennes de banlieue américaine. Pour ces dernières, Bolton avait recours à des photos travaillées par infographie pour donner l'impression de peinture, mais le résultat présentait quelques approximations trahissant un manque de maîtrise de l'outil. Graphiquement, John Bolton reprend le même dispositif pour cette histoire : des références photographiques transformées par l'informatique et des scènes dantesques et hallucinées dans le monde des fées. Cette fois ci, l'outil informatique est parfaitement maîtrisé et il n'y a plus de solution de continuité entre les décors et les personnages. Bolton a trouvé la bonne option pour repasser les photographies avec un outil qui donne une impression de coup de pinceau avec une peinture bien épaisse, et pour faire disparaître les éléments superfétatoires de la photographie. Ce dispositif lui permet de nourrir ses décors et de les ancrer dans une réalité très prosaïque, tout en en donnant une apparence interprétée par la vision de l'artiste. Il est également évident que certains personnages ont été conçus à partir de modèles vivants. Et là encore, Bolton ne se contente pas de décalquer, il impose une vision artistique en travaillant sur les couleurs et les textures. Enfin quand les protagonistes passent du coté du monde féerique, Bolton laisse libre cours à son imagination pour des visuels qui décoiffent, qui dérangent, qui horrifient, qui nous transportent ailleurs. John Bolton maîtrise comme peu la composition de couleurs pour une harmonie à toute épreuve en utilisant des teintes inattendues et provocantes. Il sait donner une texture spécifique à chaque élément et une épaisseur telle que le lecteur perçoit la sensation du toucher. Mike Carey a choisi de faire reposer son intrigue sur des éléments de la série Sandman (Titania, Cluracan, Puck), mais cette fois-ci le récit peut se lire sans avoir jamais ouvert un comics de Morpheus. Les 2 groupes de personnages sont plongés au milieu de situations qui sont tour à tour terre à terre, puis sortant de l'ordinaire. Les scènes les plus dérangeantes ne sont pas forcément celles que l'on attend. En particulier, le comportement à risques de Linda sur terre (piquouse et défonce) est beaucoup plus dérangeant que la parade des monstres. En seulement une centaine de pages, Mike Carey crée des individus avec des personnalités complexes et attachantes pour lesquels le lecteur ressent immédiatement une forte empathie. Et comble du plaisir de lecture, il ne se contente pas d'une fin de conte de fées, il oppose intelligemment le rétablissement d'un ordre au pays fictif des fées avec l'obligation de changement pour l'héroïne dans le monde réel. J'ai été transporté dans une autre dimension par les illustrations sophistiquées, riches et évocatrices de John Bolton qui a bénéficié d'un scénario adulte pour servir d'écrin à ses visions fulgurantes. Si vous aimez John Bolton, vous pouvez également tenter The Green Woman (scénario de Peter Straub), Army of Darkness (avec du sang et de la chair, scénario de Sam Raimi) ou The Black Dragon sur un scénario de Chris Claremont ou Batman : Manbat sur un scénario de Jamie Delano.

30/06/2024 (modifier)
Par Charly
Note: 5/5
Couverture de la série Musnet
Musnet

La bande dessinée "Musnet" m'a vraiment marqué. Dès la première case, j'ai été transporté dans un monde bucolique, avec des paysages magnifiques et une petite souris intrépide. J'ai aimé suivre les aventures de Musnet, son apprentissage de la peinture auprès de Rémi l'écureuil, et sa détermination à réaliser ses rêves malgré les obstacles. Les personnages sont attachants, et l'émotion est palpable. En somme, "Musnet" est une lecture captivante qui m'a régalé.

30/06/2024 (modifier)
Par Charly
Note: 5/5
Couverture de la série Les Nombrils
Les Nombrils

J'ai découvert "Les Nombrils" il y a longtemps, et je dois avouer que les premiers tomes ne m'avaient pas vraiment convaincu. Deux pestes superficielles, Jenny et Vicky, utilisant leur prétendue amie Karine comme souffre-douleur, ce n'était pas très engageant. Pourtant, au fil des tomes, la série a évolué de manière surprenante. Ce qui m'a plu, c'est l'humour de la série. Les gags sont souvent drôles, et même si les personnages peuvent sembler agaçants au début, ils gagnent en profondeur au fil des pages. Karine, la grande asperge naïve, devient plus attachante, tandis que Jenny et Vicky révèlent des facettes inattendues. Les thèmes abordés, comme la superficialité des adolescentes, l'amitié et la découverte de soi, sont traités avec justesse. Le dessin est dynamique et moderne, et l'histoire, bien que basée sur des gags en une planche, forme un ensemble cohérent. J'ai fini par apprécier cette série, malgré mes réserves initiales. J'attends maintenant les prochains tomes avec impatience, espérant que les auteurs sauront conclure cette histoire de manière satisfaisante. Bref, "Les Nombrils" est une BD qui mérite d'être découverte !

30/06/2024 (modifier)