Les derniers avis (7327 avis)

Couverture de la série Coeur de pierre
Coeur de pierre

Alors ça, c'est beau. Tout le long de l'album, j'ai eu un retour en enfance, je me suis revue à cette époque où je dévorais des courts métrages fantastiques aux dessins parfois assez similaires à ceux-ci sur les chaînes câblées. Ce texte bien trouvé, ce dessin qu'on croirait fait sur papier noir faisant ressortir les couleurs vives par contraste, ces personnages allégoriques qui parlent et qui touchent à tout âge, ... Je n'arrive pas à mettre le doigt sur un terme pour désigner ce genre de récit depuis toutes ces années, mais c'est à ça qu'il me font penser : des courts métrages alliant habillement une douce noirceur et une beauté presque onirique. L'histoire, ici, est celle d'un garçon né avec un cœur de pierre, incapable d'aimer, d'une fille née avec un cœur d'artichaut, aimant vite et intensément, et d'un autre garçon quant-à-lui né avec un cœur en or. C'est une histoire sur les émotions, les sentiments, l'amour (romantique comme propre), sur la complexité et la grande variété des attachements humains. L'histoire est tout public, touchant à tout âge par l'universalité de son propos, mais brillant davantage chez les cœurs enfantins. Le texte est marquant lui aussi, tout en alexandrins et en rimes. Les mots et les images qu'ils évoquent sont beaux, c'est un texte très satisfaisant à lire, surtout à voix haute je trouve. Du bon, du très bon. Honnêtement, j'irais même jusqu'à dire que l'album frôle le cinq étoiles (je ne déplore qu'un ou deux mots qui auraient pu être mieux choisis). Rooh, vous savez quoi, il le mérite quand-même ! Un coup de cœur, évidemment.

15/03/2025 (modifier)
Par C.GUEGAN
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Bibliothèque des Vampires
La Bibliothèque des Vampires

Je trouve ce livre très captivant et vraiment marrant car les deux filles sont meilleures amies depuis la première minute qu’ elles passent dans cette école de magie. La BD est 100% originale (de mon point de vue), c'est un livre parfait pour les 10/13 ans et je le recommande fortement(car j’ai 12 ans et c'est ma bande dessinée préférée). Bonne lecture !!! ?

11/03/2025 (modifier)
Couverture de la série The Kong Crew
The Kong Crew

J'ai toujours beaucoup apprécié le travail d'Éric Herenguel. Sa dernière création ne déroge pas à la règle. Et c'est tant mieux. Avec son imagination fertile et débridée, l'auteur comme à son habitude se fait d'abord plaisir en racontant une histoire plaisante, enlevée, et totalement invraisemblable. Plaisir de création complètement partagé pour le lecteur avec des planches à l'encrage magnifique et de haute volée. Les différentes vues de Manhattan, la faune diverse et variée, les scènes d'action, d'aviation et de cadrage sont parfaitement maitrisées dans des décors qui ne cèdent en rien à la facilité. Un vrai régal ! On en redemande... Tout le plaisir également de retrouver un artiste qui mélange avec un très grand savoir faire des univers totalement opposés et joue à fond la carte de tout ce que peuvent permettre les codes de la BD. Ici on retrouve tous les ingrédients qui font la réussite de cette série. Au sortir de la seconde Guerre Mondiale, on y croise dans l'ordre ou dans le désordre et de façon improbable, des dinosaures avec des avions militaires dans un New York revisité style jungle urbanisée, un King Kong, un teckel trop choupi, de belles et dangereuses Amazones, un bel héros aviateur de l'US Air Force, des militaires pas toujours futés, des jolies filles style Pin-up et leur faire valoir, un journaliste, un scientifique allumé, des bolides de toutes sortes... Dans cet univers invraisemblable où la survie semble être la règle, on retrouve des personnages livrés à eux-même ou l'ambition, la jalousie, le brutal et parfois la naïveté se côtoient parfaitement et rendent à ce milieu un côté humain et attachant. Bref ! Un beau et savant mélange de création "no limit " totalement assumé comme on aimerait en lire plus souvent. Pour achever de satisfaire les plus exigeants les Éditions Ankama pour les versions dos toilés et les Éditions Caurette pour la version Intégral noir & blanc ont fait du super boulot. Si comme moi, vous aimez la création délirante, les teckels et l'univers débridé que propose cet auteur, n'hésitez pas à vous plonger dans l'aventure The Kong Crew. Vous passerez un agréable moment.

09/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Idéal
Idéal

Idéal est une bande dessinée profonde et complexe qui explore les thèmes de l’amour, de l’identité, du temps et de l’IA. L’histoire suit Hélène, une pianiste dont la vie change radicalement après un accident qui l’empêche de jouer correctement du piano. Dans un effort désespéré de raviver son couple, Hélène introduit clandestinement une androïde à son image plus jeune, ce qui bouleverse la dynamique de sa relation avec son mari Edo. Le récit est loin d’être simple, il soulève des questions profondes sur l’illusion du passé, la quête de l’idéal et la manière dont nous nous accrochons à nos souvenirs. Le dessin, inspiré des estampes japonaises, accentue l’ambiance mélancolique et poétique de l’histoire. Chaque page est un vrai plaisir visuel, avec une atmosphère qui complète parfaitement le ton introspectif du scénario. Idéal est une œuvre complexe et subtile, qui mérite une lecture attentive et qui pousse à la réflexion sur la nature de l’amour et du changement. Un coup de cœur, à mon sens, méritant un 5/5.

09/03/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Cache-cache bâton
Cache-cache bâton

L’espérance est un risque à courir. – Bernanos - Ce tome contient une histoire, de nature biographique, complète et indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Emmanuel Lepage pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend trois cents pages de bande dessinée. Il y a des dizaines d’années de cela, un groupe d’une demi-douzaine d’enfants joue à cache-cache bâton à la nuit tombée. Quatre d’entre eux sont assis et ils regardent intensément, les deux autres étant tout aussi intensément impliqués dans le jeu. En parallèle, Jean-Paul Lepage échange avec son fils, en lui indiquant que ce projet de bande dessinée lui donne des sueurs froides, que raconter c’est figer. Emmanuel lui répond que cet homme qu’il va raconter, ce n’est plus son père, et puis ce sera l’interprétation de l’artiste. Il continue : on change, Jean-Paul n’est plus l’homme qu’il était il y a cinquante ans. On se défait de ses vies, comme des mues. Comme ceux qui ont partagé l’aventure d’alors. On a le droit de s’accorder de nouvelles chances. C’est une histoire ancienne, et lui Emmanuel a besoin de comprendre. Juin 2015, Emmanuel arrive au lieu-dit Gille Pesset. Il entend la voix de son père en son for intérieur : c’est Jean qui avait planté ces bouts de poutre dans le sol, moins pour signifier la limite de propriété que pour inciter les voitures à ralentir. Mais pour Jean-Paul, c’est comme franchir la porte du Paradis. Quarante-cinq ans après, évidemment, tout est devenu plus petit. Emmanuel pousse la porte de la maison commune, et il entre et salue les personnes présentes : Marie-France, Yves, et les autres. La discussion porte sur les habitats partagés : réduire son train de vie, faire des choses avec d’autres, avoir des projets collectifs, ne pas vieillir bêtement dans son coin, etc. Emmanuel est toujours troublé par les gens qui imaginent de vivre autrement, les gens qui inventent d’autres façons d’être ensemble. Et il voudrait comprendre aussi pourquoi ça le touche autant. Place de la République, avril 2016, nuit debout. Emmanuel aime les gens qui tentent, quitte parfois à trébucher. Il aime les gens qui rêvent de tout remettre à plat. Ceux qui se disent : Et si… Notre-Dame-des-Landes. Chaque fois, de Nuit debout à Notre-Dame-des-Landes, dans le chaos des idées qui fusent, dans les mots qui se cherchent, dans l’émotion à fleur de peau, dans l’espoir ou les déceptions… Un frisson monte en lui, comme une nostalgie… Lepage père reprend la parole : Six familles ont imaginé ce lieu, Gille Pesset. Il ne reste aujourd’hui plus que trois des fondateurs. Sa famille était l’une d’elle. Rennes, janvier 2019, le père et le fils marchent ensemble dans la rue, Jean-Paul Lepage évoque son enfance : C’est ici qu’il a vécu, boulevard de la Liberté. Son père était vaguemestre. Il distribuait le courrier d’une caserne à l’autre. Rennes était alors une grosse ville de garnison. Sa mère faisait office de concierge et de femme de chambre. Pour sa peine, ils étaient logés dans un deux pièces, une de chaque côté d’un couloir. Le texte de la quatrième de couverture synthétise bien la démarche de l’auteur : De cinq à neuf ans j’ai grandi dans une communauté en Bretagne, j’ai toujours su que j’en ferai un livre. Le lecteur s’attend plus ou moins à un récit chronologique de cette période la vie d’Emmanuel Lepage, entrecoupé de digressions pour expliquer tel ou tel aspect de cette forme d’habitat partagé. La bande dessinée s’ouvre avec une partie de cache-cache bâton dépourvue de toute explications quant aux règles du jeu, avec l’explicitation de la motivation de l’auteur, c’est-à-dire sa fascination pour les individus qui souhaitent changer l’ordre établi. Le lecteur découvre les règles dudit jeu en page 163 : Emmanuel Lepage les énonce, avec une mise en situation. Il indique également qu’un de ses amis lui a fait observer que choisir le nom de ce jeu spécifique à leur petit groupe d’enfants se heurterait à l’incompréhension des lecteurs. Le lecteur apprécie cette première séquence, racontée avec des images de type réaliste et descriptif, quelques contours encrés, des larges portions rendues en couleur direct, un degré de simplification imputable pour partie à la nuit tombante. Dans la séquence suivante, il constate que le bédéiste continue de jouer sur le degré de précision de dessins, que les traits de contour peuvent devenir prépondérants, que les personnages parlent beaucoup tout en continuant à vaquer à leur occupations banales et ordinaires. Enfin, le récit suit une construction découlant des souvenirs des uns et des autres, au fur et à mesure que l’auteur les interroge et recueille leur témoignage. Il s’agit indubitablement d’un récit de nature autobiographique, et aussi biographique touchant à la vie de différentes personnes, à commencer par celle des parents d’Emmanuel, pour dessiner les chemins de vie ayant amené une douzaine de personnes à créer une communauté, celle de Gille Pesset. Le lecteur se laisse donc porter par la narration de l’auteur, lui accordant sa confiance pour savoir où il va, pour que chaque nouvelle partie s’intègre avec les précédentes pour former un tout cohérent. Lepage lui-même indique en cours de route que certains faits se sont peut-être déroulés dans un ordre différent, que la mémoire peut être trompeuse. Il montre que le ressenti des uns peut être différent de celui des autres pour un même événement, en l’occurrence lorsque cette communauté indique à l’un des couples qu’elle ne souhaite pas l’accompagner dans l’adoption d’une fratrie de quatre enfants vietnamiens. La raison de cette forme kaléidoscopique apparaît progressivement, sa justification se trouvant dans l’effet qu’elle produit lorsque la communauté se constitue, que les uns et les autres interagissent. Un groupe de personnes est constitué de plusieurs individualités, chacune avec leur parcours de vie préalable, chacune avec leurs aspirations et leurs attentes. Le lecteur peut à certains moments se demander si c’est bien la peine de raconter telle ou telle chose : par exemple de passer autant de temps sur la jeunesse de de Jean-Paul Lepage, d’évoquer longuement l’état de l’Église à cette époque ainsi que Vatican II, de s’attarder sur la présence d’un chien amené par un couple, ou les problèmes de vue d’Emmanuel. Il accepte bien volontiers que l’auteur raconte son histoire à sa manière, il se rend compte les différentes pièces s’assemblent parfaitement, s’enrichissent de l’interaction avec les autres, se répondent entre elles, apportent un éclairage particulier, des saveurs qui se complètent. Plus que les pièces d’un miroir brisé (tels les fragments de la vérité détenu par chaque personne), c’est le constat et l’affirmation que chacun a vécu une expérience qui est propre au sein de la communauté, s’y est enrichi personnellement de manière différente aux autres, en résonnance avec son passé, son milieu socioprofessionnel, ses origines. En fonction de sa propre vie, de son âge, de ses centres d’intérêt, l’expérience du lecteur s’avère également fort différente. Il peut avoir déjà entendu parler de ces expériences de création d’une communauté, ou il peut avoir vécu au moment de Vatican II en ayant été croyant, ou au contraire être ignorant de la Foi catholique, ou encore très sceptique d’une tentative de créer une société alternative en marge de la société. Et forcément très curieux de la forme qu’elle peut prendre, de la façon dont elle peut fonctionner. Dans tous les cas, il est sensible à la bienveillance et à la curiosité de l’auteur vis-à-vis de ses parents, de l’honnêteté intellectuelle avec laquelle les propos sont rapportés, avec lesquelles les amis s’expriment. La narration repose essentiellement sur les souvenirs des personnes interrogées, ainsi que sur les questions que se pose l’auteur. Tout du long, l’artiste fait œuvre de reconstitution historique, que ce soit pour la vie à Gille Pesset ou pour les grands événements de l’époque ayant un impact sur les familles. Le lecteur peut reconnaître aussi bien un modèle de tracteur que le maréchal Philippe Pétain (1856-1951), Paul VI (1897-1978), Monseigneur Lefèbvre (1905-1991) ou Georges Brassens (1921-1981). Il accompagne Emmanuel dans sa vie de tous les jours, dans le quotidien de cette vie en communauté, avec les autres enfants, les jeux, l’accueil des autres parents, la vie au grand air, etc. La narration visuelle se composent de cases rectangulaires avec bordure, sagement alignées en bande. La taille et le nombre de cases s’adaptent à la séquence, en fonction qu’elle présente de grands espaces, ou qu’elle soit de nature plus intimiste. Le lecteur prend progressivement conscience de l’approche protéiforme de la narration : il s’agit d’une histoire collective, les différents points de vue rendent compte des différentes expériences. La présentation de l’histoire personnelle de Jean-Paul et de Marie-Thérèse, les parents, raconte comment ils en viennent à souhaiter vivre d’une manière différente, sur la base de quelles convictions. Au fil des semaines et des mois, le lecteur peut faire l’expérience d’une enfance dans un tel cadre de vie, atypique, ce que cela induit sur la méthode d’éducation. Dans le même temps, il (re)découvre l’importance de Vatican II, que ce soit par les signes extérieurs (le prêtre qui face au fidèle, et plus à Dieu), par ses enjeux fondamentaux (intégrer les laïcs dans la vie de l’institution), par ses frustrations (une réforme laissée en plan au décès du pape Jean XXIII, 1881-1963). Il mesure l’importance et l’impact de la communauté de Boquen, et des actions de Bernard Besret (Emmanuel relatant son entretien avec lui), dans la continuité historique (par exemple en évoquant les différents mouvements des jeunesses catholiques (JOC pour Jeunesse Ouvrière Catholique, JAC pour Agricole, JEC pour Étudiante, JIC pour Indépendante). Le lecteur constate que le contexte social de l’époque s’avère indispensable pour comprendre les motivations du groupe de personnes fondant Gille Pesset : l’importance de l’Église, la Vie Nouvelle (une association d’éducation populaire agréée par l’État), le personnalisme (courant d'idées spiritualiste qui met l'accent sur l'importance des personnes humaines, par opposition à l’individualisme et au totalitarisme) et le courant personnaliste fondé par Emmanuel Mounier (1905-1950, philosophe catholique français), etc. En toile de fond, se dessine l’utopie d’inventer une forme de société en accord avec des principes humanistes, à la fois dans ce qu’elle a d’exaltant, de frustrant au quotidien (la nécessité d’expliciter ce que cela signifie pour chaque personne de la communauté), et de démesuré (prendre en compte toutes les dimensions d’une société, des tâches de construction et d’entretien, à l’éducation, à l’épineuse question du partage des richesses, aussi bien en termes de revenus que de compétences). Le lecteur comprend petit à petit l’image récurrente des arbres, de magnifiques illustrations en pleine page, à la fois comme une enfance passée dans des espaces naturels, à la fois comme un être vivant avec des racines profondément enfouies et un développement vers le haut, comme l’existence de cette communauté. Un titre peu explicite évoquant un jeu d’enfance, une couverture qui n’en dit pas beaucoup plus. Une narration visuelle personnelle à la fois très classique dans sa forme de cases rectangulaires alignées en bande, à la fois très libre dans sa gestion du niveau de détail, de l’approche réaliste ou plus évocatrice, de l’usage discret d’une métaphore visuelle. Un récit qui semble partir de loin, avec l’enfance des parents de l’auteur, de plusieurs endroits à la fois avec les souvenirs des différents membres de la communauté, de s’appesantir sur des éléments historiques très particulier (en l’occurrence le deuxième concile œcuménique du Vatican, 1962-1965). Au fil de l’eau, le lecteur voit comment chaque partie contribue à présenter l’expérience de vie en communauté dans sa globalité, une approche autant holistique, que personnelle, de la part d’un être humain revenant sur ses souvenirs d’enfance, voulant découvrir comment ses parents ont été les acteurs d’une démarche aussi singulière. Un partage généreux, chaleureux, formidable.

08/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Calvin et Hobbes
Calvin et Hobbes

Tiens, je n'ai toujours pas avisé cette série ! Réparons cet affront ! "Calvin et Hobbes", c'est l'une de mes séries du cœur, l'une de celle que j'avais découverte étant encore enfant (bon, grande enfant pour le coup) et qui non seulement m'avaient donné une vraie claque mais avait surtout réussi à me marquer pour la vie. C'est simple, fut un temps, mon rituel quand je tombais malade était d'envoyer mon père me chercher les Calvin et Hobbes à la bibliothèque pour les relire. C'est vraiment pour moi une BD du réconfort. Pour celleux ne connaissant pas la série, il s'agit de strips humoristiques mettant en scène Calvin, enfant extrêmement turbulant ayant tendance à vivre dans son monde. Son acolyte est Hobbes, son tigre en peluche qui prend vie dès lors qu'ils sont seuls et avec qui il fait de grandes réflexions et de petites piques sur la vie. Calvin et Hobbes, c'est l'histoire du sale gamin par excellence, attachant dans son imagination enfantine et ses réflexions poussées, contrebalancé par son ami imaginaire plus terre à terre jouant plus ou moins le rôle de la "voix de la raison". Bon, voilà, le fond est profond et touchant dans son humanité, mais quid de l'humour ? Cela reste une série humoristique, après tout ! Il est drôle. Cela reste subjectif, mais pour quiconque aime l'humour de répartie, les répliques pince-sans-rire et le sarcasme, "Calvin et Hobbes" reste une référence du genre, encore parfaitement lisible et appréciable par des enfants aujourd'hui. Et toujours bon à l'âge adulte, d'ailleurs ! J'en profite pour féliciter l'intégrité artistique de Bill Watterson qui a su arrêter sa série phare quand il a senti que l'inspiration lui manquait et qui a tenu à s'assurer que la reprise mercantile de ses personnages soient plus compliquée. Cela reste suffisamment rare pour mériter un applaudissement.

06/03/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Idéal
Idéal

Elle est censée être en capacité d’interpréter les désirs d’autrui. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Baptiste Chaubard pour le scénario, et par Thomas Hayman pour les dessins et la couleur. Il compte deux-cent-quarante-neuf pages de bande dessinée. De nombreuses personnes montent le long escalier menant à un temple. Edo Nishimarru effectue la même ascension, tout en fumant tranquillement une cigarette, avec un petit paquet cadeau à la main. Il observe le mont Fuji dans le lointain. Il voit un couple se tenir serré l’un contre l’autre en admirant la vue. Il voit un groupe de trois collégiennes ayant posé leur sac sur les marches et papotant en admirant la vue. Il regarde une jeune femme se faire photographier devant un buste commémoratif, celui de Hideo Nishimaru, 2095-2155. Il commence à redescendre ; sur un palier il croise une femme en habit traditionnel, kimono, ombrelle, geta. Il apprécie cette vision. Arrivé en bas, il prend un taxi, son regard se perd dans le paysage qui défile. La route en corniche l’amène jusqu’au portail imposant d’une grande propriété. Il se fait déposer, et il marche sur les pas japonais jusqu’à sa luxueuse demeure. Il dépose son paquet cadeau sur la table basse et s’assoit sur le canapé. Sur leur terrasse, son épouse Hélène Ishimaru contemple également le mont Fuji. Elle observe un oiseau perché sur une branche. Elle quitte sa robe transparente et elle rentre doucement dans l’eau de la piscine. L’oiseau s’est envolé et il vient se cogner à la baie vitre, tombant assommé. Hélène le ramasse et le met dans une cage : il n’est pas encore capable de voler de ses propres ailes. En passant devant la baie vitrée, elle regarde sa silhouette, plutôt satisfaite, même si les marques de l’âge sont bien présentes. Hélène décide de rentrer dans la maison. Elle monte l’escalier jusqu’à l’étage. Elle passe devant le piano dont elle caresse le bois. Elle traverse l’immense chambre, et jette un coup d’œil dans sa grande penderie pour choisir une robe. Elle se rend dans la magnifique salle de bain, où elle profite de la grande baignoire carrée. À l’extérieure, Osachi simplement vêtue d’un short de bain plonge en apnée pour aller pêcher un ormeau, qu’elle détache avec son couteau, et elle remonte. Elle met sa prise dans le seau en bois qui flotte. Elle prend le seau et le dépose dans sa barque, dans laquelle elle monte. Elle rame jusqu’à la petite crique. Elle hale la barque sur le sable. Elle s’habille avec une jupe et un corsage stricts, et met son tablier. Tenant le seau de bois de la main droite, elle avance vers l’escalier de pierre qu’elle monte. Elle rentre dans les communs de la villa, et elle offre un ormeau au chat qui l’attend. Elle passe à côté de la piscine et elle rentre à l’intérieur. Elle entame les tâches domestiques : laver le sol avec un balai, faire les carreaux, rincer le chiffon, faire tourner la machine à laver le linge, briser quelques coquilles et découper les coquillages pour préparer de délicats nigiris dans une cuisine étincelante. Quelle puissance de séduction ! Tout commence avec cette couverture énigmatique : une femme qui regarde le mont Fuji depuis une terrasse avec piscine, avec une belle baie à ses pieds, un transat en bois assez classique, un pied-table design pour le parasol, un dallage soigné, un bel arbre. Le lecteur ouvre ce tome épais avec un beau dos toilé : les pages intérieures bénéficient de la même minutie que l’image de couverture, même trait de contour fin et souple, mêmes textures à l’apparence mécanographiée, des couleurs majoritairement en aplat, quelques dégradés organiques, même sensibilité pour les compositions travaillées. L’amateur d’aménagement est aux anges : le portail arrondi dans le mur d’enceinte de la propriété, l’entrée avec son meuble métallique à chaussures, la table évidée avec les beaux vases, les bonsaïs, les panneaux glissants, les grandes baies vitrées assurant une grande transparence à la construction, l’arbre intérieur dans une énorme pièce, le beau piano à queue, les tableaux de paysage aux murs, la baignoire avec une vasque débordante pour la remplir, le futon et les tatamis dans la chambre à coucher à l’ameublement minimaliste, la pièce à vivre plus encombrée de la bonne avec un petit autel et son bâtonnet d’encens en mémoire de son défunt mari, la maison plus traditionnelle de l’oncle Nishimaru Ueda, l’architecture plus moderne du Philharmonique, la magnifique vue de dessus de la propriété pour la réception avec son petit pavillon du jardin, etc. D’un côté, le phénomène d’exotisme joue à plein pour le lecteur occidental ; de l’autre côté, il ressent une vraie sensibilité pour ce Japon traditionnel, avec un degré d’authenticité qui dépasse la carte postale sans âme. Le choix du Japon va au-delà d’un simple artifice de dépaysement : l’Histoire de ce pays joue un rôle important dans l’intrigue. En effet, le gouvernement a décidé que voilà trop longtemps que le Japon est à l’école de l’occident qu’il est temps, et plus que temps, que le pays ferme ses portes à ce monde extérieur qui sombre et s’éteint. Ainsi s’est exprimé lundi soir le député Takizawa Bakin, du groupe majoritaire à la chambre des représentants, lors de la présentation du projet de loi sur la fermeture. Il est vraisemblable qu’en quelques mois, le pays se refermera comme sous le règne des Tokugawa, il y a six cents ans. Cette décision a une incidence directe sur la situation d’Hélène, une occidentale, l’épouse d’Edo Nishimaru. La mise en scène de la demeure traditionnelle, des quelques concessions d’aménagement moderne constitue autant d’éléments narratifs indispensables à l’intrigue, indissociables de l’histoire. Régulièrement, le lecteur prend conscience qu’un élément visuel vu quelques pages avant acquiert une autre dimension à la lecture d’une nouvelle information. Par exemple, le personnage principal masculin se tient devant le buste commémoratif d’Hideo Nishimaru en page dix. Le lecteur suppose que cette marque de respect sert surtout à donner une indication de l’époque (l’homme est décédé en 2155, il s’agit donc d’un récit entre anticipation et science-fiction), et un peu à donner une idée de l’importance du passé pour Edo. Ce n’est qu’en page cent-vingt qu’un autre personnage salue Edo par son nom de famille, et que le lecteur fait le lien avec le buste. Dans un premier temps, le lecteur se laisse porter par la douceur de la narration. Le récit s’ouvre avec une séquence de trente pages, dépourvue de tout mot. Les personnages se conduisent comme des adultes, calmement et posément. Il n’y a qu’à regarder les cases : les enchaînements sont évidents de l’une à l’autre, ne nécessitant aucun effort de compréhension. Le lecteur fait tranquillement connaissance avec l’un, puis avec l’autre : le mari Edo Shinimaru, son épouse Hélène et Osachi la bonne. Il effectue des déductions basiques : la situation financière très aisée du couple, l’activité de pêche traditionnelle aux ormeaux de l’employée de maison en plus de son travail, la sollicitude d’Hélène pour l’oiseau, celle d’Osachi pour le chat. La première discussion intervient en page trente-neuf, entre les époux. De temps à autre, le lecteur passe dans un autre mode de lecture, reliant un élément à un autre. Ainsi il remarque les mouvements réflexes d’Hélène se frottant le poignet, le piano, l’image d’elle-même dans un lit d’hôpital. À d’autres moments, il relève une forme de métaphore : cet oiseau qui se cogne contre une barrière qu’il n’a pas vu, et Hélène qui se heurte aux conséquences d’être une étrangère, une occidentale au Japon et qui se heurte à des barrières sociales dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Au cours du récit, le lecteur relève plusieurs thèmes qui se nourrissent les uns les autres. L’intrigue principale correspond à la relation de couple entre les époux Nishimaru : les conséquences de l’accident d’Hélène, sa décision de faire entrer une Intelligence Artificielle Humanisée (IAH) dans leur demeure, le risque de perdre son poste au Philharmonique. Il s’agit d’un drame : la pianiste sait que : Personne ne se rend compte de tout ce qu’elle a dû sacrifier, pour devenir une artiste exceptionnelle. De tout ce que ça lui a coûté. Des milliers d’heures… Sans aucune distraction… Toute son enfance… Toute son adolescence… Les concours… Les représentations… C’est toute sa vie. Jouer… C’est la seule chose qu’elle sache vraiment faire. Le lecteur se rend compte que le comportement de l’oiseau en cage évoque une facette de la situation d’Hélène. C’est également l’histoire d’une relation de couple : Hélène a fait le constat du temps qui passe, des décennies qui s’accumulent et que le temps est loin de la beauté et de la passion de la jeunesse. En pleine crise existentielle, elle décide d’offrir un cadeau à son mari, une sorte de robot de substitution. Son époux se retrouve ainsi soumis à une tentation cornélienne : rester fidèle à son épouse, ou rester fidèle à ce qu’a été son épouse. La réaction politique du gouvernement du Japon de refermer les frontières incarne également la réaction face à l’étranger, or Hélène est une étrangère. Cela a induit des changements dans son époux qui a accepté d’intégrer des éléments modernes dans la maison traditionnelle de son père. Cette union maritale devient à son tour une métaphore de toute union, des conséquences de l’apport d’éléments exogène dans l’environnement de vie d’un individu, la capacité de l’être humain à accepter, ou plutôt à s’adapter au changement. Capacité qui semble décroître avec les années qui passent, voire qui peut évoluer en rejet. Le récit va encore plus loin avec Kai, l’IAH : elle dispose de la capacité d’interpréter les désirs d’autrui. Hélène explique : Son fonctionnement repose principalement sur une capacité d’analyse comportementale. Elle étudie aussi les changements de température chez son interlocuteur, et le type de phéromones qu’il dégage. Avec tout ça, elle calcule une forte probabilité d’une catégorie de désir ou d’humeur. Dès qu’elle sent un désir assez fort pour retenir son attention, elle va chercher à le satisfaire par le moyen le plus efficace. Elle agit comme un écho à ce que désire le plus ardemment le cœur d’un individu, d’un être vivant. Cela induit un questionnement à deux niveaux. Comment va se comporter Kai confrontée à deux désirs inconciliables : celui de l’oiseau qui veut être libre, et celui du chat qui veut manger l’oiseau ? À un autre niveau, l’androïde Kai incarne également un être humain qui serait guidé par l’empathie, et qui se mettrait en devoir d’aider son prochain. Comment l’individu peut-il adapter son comportement pour répondre aux attentes intimes et parfois inconscientes d’un autre ? Une forme d’amour inconditionnel. Les auteurs montrent l’effet de la démarche de Kai sur Edo et sur Hélène, mais aussi sur Osachi pour qui la présence de Kai s’avère bénéfique. Le lecteur en vient à s’interroger sur ce qui dans la personnalité d’Osachi fait que le contentement de ses désirs constitue une amélioration ce qui n’est pas le cas pour les époux Nishimaru. Il pense aux pulsions du chat et de l’oiseau, aux lectures possibles de cette métaphore des désirs des personnages humains. Une copieuse bande dessinée, avec de beaux dessins un peu maniérés et une narration éthérée ? Oui, il y a de cela… Et beaucoup plus. Un récit d’anticipation avec un androïde dédié au contentement des aspirations profondes des individus ? Aussi, et c’est une intrigue poignante amenant à s’interroger sur sa propre relation à autrui. Un drame tragique ? Certes, générant une prise de conscience et une réflexion sur la nostalgie, sur le temps qui passe, les évolutions et les changements inéluctables, la capacité de s’y adapter, l’altérité, l’attachement à la tradition, la distance émotionnelle et les expériences de vie qui éloignent et qui séparent, les circonstances qui remettent en question des choix de vie, des investissements personnels et sacrifices réalisés pendant des décennies. Bouleversant.

06/03/2025 (modifier)
Par Cleck
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Comme une pierre
Comme une pierre

Les éditions iLatina m'ont permis de découvrir le grandiose La Grande Arnaque, ce dont je ne les remercierai jamais assez ! Avec "Comme une pierre", l'on découvre un Brésil ancestral, austère, silencieux. Pas exactement celui idéalisé, festif et coloré, chaleureux et exubérant, associé au carnaval de Rio, aux plages, à la samba, au football champagne... Mais pas non plus celui des favelas, jeune, violent, mais tout aussi exubérant et lumineux. L'auteur nous dépeint le quotidien de pauvres fermiers, en proie à une sécheresse infernale. La survie de la famille est en jeu, la folie guette, la foi est interrogée jusqu'à l'impensable. Cette BD est une véritable tragédie, les excès magnifiquement orchestrés : la pauvreté extrême qui fait tourner les têtes, le mutisme des personnages interdisant toute résolution raisonnable, le conservatisme glaçant le lecteur même, la foi désespérée sinon désespérante... ; et puis ce formalisme génial dans la mise en page : les contrastes poussés à l'extrême, le jeu grandiose avec les pleins et les vides, le développement quasiment muet de l'intrigue... On ne sort pas indemne de cette lecture : on s'implique, on vit ce cauchemar et l'on craint l'infernale fatalité. Véritablement magnifique !

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Little Tulip
Little Tulip

Très bel album que ce Little Tulip, avec de superbes dessins de François Boucq sur un excellent scénario de l'américain Jerome Charyn. Le script fait s'entrecroiser deux périodes : 1947, le jeune Paul se voit brutalement déporté avec ses parents au goulag de la Kolyma et se retrouve bien vite orphelin dans les pattes des malfrats qui font régner leur terreur sur le camp. Son don pour le dessin (hérité de son américain et couillon de père, venu en URSS dessiner des décors pour Eisenstein avant de se faire dénoncer pour le goulag), son don pour le dessin va assurer sa promotion au rang de tatoueur des gangs de la Kolyma. Seconde histoire, 1970, Paul a bien vieilli mais continue de dessiner et de tatouer à New-York (la ville fétiche de Charyn), tirant des portraits robots pour la police à la recherche d'un serial-killer déguisé en père noël. Bien entendu les deux périodes, les deux intrigues vont s'entrecroiser et plutôt deux fois qu'une. Le scénario est plutôt bien monté qui enchaîne les événements d'une époque après l'autre comme s'ils se répétaient à 25 ans de distance. Mais il n'y a pas que les péripéties qui s'imbriquent, c'est aussi le cas des dessins puisque les tatouages dessinés sur les corps forment presque une BD dans la BD et là encore, les effets de cadrage et de mise en scène sont plutôt bien vus. Bref, voilà un album sacrément bien foutu, tout en échos et répons, une histoire de deux enfances sans innocence, une histoire dense et violente qui se lit trop rapidement mais que l'on va feuilleter plusieurs fois avant de refermer. Les dessins fouillés de François Boucq rappellent un peu le Jean Giraud de Blueberry et, avec des visages et des corps très expressifs, sont au même niveau d'exigence que le scénario. Les deux compères viennent de sortir un nouvel album, New York cannibals, une suite plutôt réussie.

05/03/2025 (modifier)
Couverture de la série Corps et Âme
Corps et Âme

Walter Hill ? Que vient faire le producteur et réalisateur US dans cette BD française ? Pour ceux qui, comme nous, ne savaient pas, la collaboration entre Walter Hill et le scénariste Matz ne date pas d'aujourd'hui : Du plomb dans la tête au cinéma, Balles perdues en BD. Matz (aka Alexis Nolent) c'est le scénariste de la série fleuve Le tueur (déjà un de nos coups de cœur). Et pour compléter le trio, ce sera Jef (aka Jean-François Martinez) le dessinateur de Balles perdues et de la série 9/11. Une fine équipe aux commandes de cette BD (un seul volume one-shot, ouf !) : Corps et Âme. Et donc encore une histoire de tueur : [...] C'est ça c'est mon boulot. Assassiner des gens, les dessouder, les refroidir, les buter ou quelle que soit la manière dont voulez le dire ... [...] Et je sais qu'à un moment ou un autre, il faut payer l'addition. Je l'ai toujours su. [...] Cacher une balle sous mon talon ... c'est un vieux truc ... mais je le fais toujours, ça peut servir ... Mais une histoire de tueur pas comme les autres (ni l'histoire, ni surtout le tueur) car Franck, le tueur, le mauvais garçon, va se transformer sous nos yeux et c'est rien de le dire ... donc on n'en dit pas beaucoup plus mais vous devinez peut-être déjà ce qui va lui arriver. Le dessin de Jef est nerveux mais pas trop, les ambiances sont sombres mais pas trop : les planches sont superbes et certaines très sexy. Le texte est au rendez-vous (on connait Matz), le scénario qui combine plusieurs vengeances est riche, sans faille et particulièrement bien monté (la patte ciné de W. Hill peut-être ? qui prévoit d'adapter cela au grand écran l'an prochain) et tout cela donne un très bel objet. Un scénario à la précision chirurgicale et des planches au dessin esthétique (ah, ah). Un bel album très réussi, qui tombe vraiment à pic au moment où les obscurantismes de tous bords s'acharnent à réglementer les genres et les transgenres. À faire connaître d'urgence ! Si certaines planches n'étaient pas si sexy, cette BD aurait pu être au programme scolaire !

05/03/2025 (modifier)