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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Bijoux de la Kardashian
Les Bijoux de la Kardashian

Comment elle gagne sa vie déjà ? - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. La première parution date de 2019. Le récit a été écrit par François Vignolle et Julien Dumond, il a été dessiné, encré et mis en couleurs par Grégory Mardon. Cet ouvrage comprend 144 pages de bandes dessinées. Au Raincy, dans la banlieue nord de Paris, Yanis Habbache est en train de réparer un faux contact dans le moteur d'une voiture stationnée dans la rue. Son fils sort de l'immeuble et lui suggère de laisser tomber, car il juge la voiture bonne pour la casse. Le 28 septembre 2016, un jet privé atterrit à l'aéroport du Bourget. Il en descend Kim Kardashian, accompagnée par Simone son amie styliste, et escortée par son garde du corps. Les photographes la mitraillent depuis l'autre côté du grillage. Bien installée sur la banquette arrière d'une limousine, Kim Kardashian commence à twitter pour informer ses fans : elle est arrivée à Paris, une ville si romantique. Rue de Bretagne dans le troisième arrondissement, Aomar Ait Kacem pénètre dans le café Le Paparazzi. Il parle affaires avec le barman. Ce dernier lui montre une vidéo sur son portable : Vitali Sediuk un ancien journaliste de la télé ukrainienne s'est approché de Kardashian plaçant sa tête à côté de son postérieur. Il a rapidement été maîtrisé par le garde du corps de Kardashian. Aomar Ait Kacem (dit Le Vieux) indique au barman qu'il ne lui reste plus qu'à convaincre un vieil ami et il pourra accomplir le coup : cueillir Cendrillon. Le lendemain, Kim Kardashian participe au défilé Balmain à l'Hôtel Potocki. Elle y croise Carla Bruni. Les photographes n'arrêtent pas de la mitrailler. Son compte Twitter s'affole. Le dimanche 2 octobre 2016, Yanis Habbache remonte dans son appartement, et informe sa femme qu'il a fini le boulot sur la voiture : ça devrait lui rapporter 50 euros. On frappe à la porte : c'est Aomar Ait Kacem qui vient lui rendre visite. La femme de Yanis lui fait les gros yeux, pas contente de cette visite. Habbache vient lui proposer de participer à un gros coup. Aomar Ait Kacem lui indique qu'il va bientôt se faire opérer du cœur, et qu'il faut que ce soit un coup tranquille. Il en obtient l'assurance d'Habbache. Pendant la Fashion Week, Kim Kardashian est de tous les défilés, embrasant tous les réseaux sociaux : Twitter, Instagram, Snapchat. Enfin, le dimanche soir, elle va pouvoir passer une nuit tranquille, seule dans sa suite. À 02h10, trois clampins en blouson noir, avec un brassard Police et le visage masqué se présentent à la réception de l'hôtel No Adress, braquent le réceptionniste et se font ouvrir les portes. En face ce de la première page de bande dessinée, les auteurs indiquent qu'ils ont eu accès au dossier de l'enquête judiciaire et qu'ils ont rencontré plusieurs protagonistes de l'affaire. Pour autant certaines scènes relèvent de la fiction. Les faits sont simples : le 03 octobre 2016, Kim Kardashian se fait braquer dans sa suite de l'hôtel Pourtalès (dans le huitième arrondissement) et est victime d'un vol de bijoux pour un montant d'environ 10 millions d'euros. Le 09 janvier 2017, la police arrête les auteurs présumés du vol qui devraient être jugés en 2020. Au fil du récit, le lecteur fait connaissance avec 2 des braqueurs (Yanis Habbache, Aomar Ait Kacem, dont les noms ont été changés du fait que le procès n'ait pas encore eu lieu). Il se retrouve aux côtés de Kim Kardashian quand elle descend de son jet privé, dans sa suite à l'hôtel, chez elle à Los Angeles. Il participe aux investigations des principaux inspecteurs de police, Anton Molko, Justine Paquej et Loïc Libra dont les noms ont également été changés. La lecture donne une impression de reportage, comme si les auteurs avaient pu être présents dans les moments clé, avec un choix de séquences et un montage intelligents, sans donner dans le sensationnalisme. Grégory Mardon réalise des planches en phase avec cette approche. Ses dessins se situent entre des instantanés pris sur le vif (la coiffure d'Anton Molko) et des représentations avec une bonne densité descriptive pour que le lecteur puisse voir chaque lieu (rue du Raincy, intérieur de l'hôtel Potocki, appartement modeste d'Aomar Ait Kacem, suite luxueuse de l'hôtel Pourtalès, bureaux de la Brigade de Répression du Banditisme (BRB), quartier de Créteil, rue du dix-neuvième arrondissement, cellule du centre de détention de Fresnes. Les auteurs ont pris le parti d'effectuer une reconstitution naturaliste, sans exagération spectaculaire ou racoleuse. Les personnages ne sont pas représentés de manière romantique, ni embellis. Le lecteur peut voir les marques de l'âge sur les braqueurs. Grégory Mardon n'en rajoute pas sur la plastique de Kim Kardashian, simplifiant ses traits de visage, en marquant essentiellement ses grands yeux et ses lèvres charnues. Lors du braquage dans sa chambre, il ne la transforme pas en objet du désir même si elle ne porte qu'une robe de chambre, montrant plutôt sa vulnérabilité face aux voleurs qui eux -mêmes ne prêtent pas attention à son corps. Bien que le métier de cette personne soit de mettre en scène sa vie pour rentabiliser sa personne et son style de vie en tant que produit, elle apparaît comme un être humain, avec sa vulnérabilité, sans rien occulter de son mode de vie. Le talent de l'artiste va plus loin qu'humaniser une personne ayant un talent extraordinaire pour façonner son image, il sait faire exister sur le même plan, deux niveaux de vie séparés à l'extrême, de la banlieue ordinaire et banale, aux palaces des défilés de mode et aux fastes de la Fashion Week. Ainsi le récit est ancré dans le réel, sans misérabilisme pour le regard jeté sur les quartiers populaires, sans étoiles dans les yeux en regardant les signes ostentatoires de richesse, les paillettes et le luxe Les coscénaristes ont construit leur récit sur la base de séquences qui se focalisent sur les faits : le lieu de vie d'Aomar Ait Kacem, les prises de contact de Yanis Habbache, l'arrivée de Kim Kardashian à Paris, le braquage et la fuite (20 pages), l'arrivée de la police, la déclaration de la victime, les différentes phases de l'enquête. Pourtant le lecteur ressent des émotions, perçoit que les auteurs ne se contentent pas d'être factuels. Il lui faut un peu de temps pour se rendre compte que ces émotions sont essentiellement générées par les dessins. En effet il perçoit la concentration du garde du corps dans son visage fermé et tendu, l'indifférence blasée de Yanis Habbache faisant affaire avec le barman (étrange qu'il puisse fumer dans un café), les sourires professionnels de façade des people aux défilés, l'hostilité de la compagne de Kacem en voyant arriver Habbache, la terreur de Kim Kardashian se retrouvant à la merci d'individus cagoulés et armés, le calme né de l'expérience d'Anton Molko quand il prend connaissance des faits. De temps à autre, Grégory Mardon accentue une expression de visage pour marquer l'intensité de l'émotion, par exemple quand Anton Molko se rend compte que tout le monde donne son avis sur le braquage, sur les réseaux sociaux (Karl Lagerfeld, Mathieu Kassovitz). Il s'agit donc d'une histoire incarnée, où interagissent des individus adultes habités par des convictions et des valeurs. Le lecteur se demande bien quel parti pris vont adopter les auteurs pour raconter leur histoire : plutôt défense de la victime, ou plutôt Robin des Bois ? Voire moqueur en jouant sur le décalage sur la vie de célébrité de Kim Kardashian et le braquage effectué par des individus du troisième âge se déplaçant à bicyclette ? Bien sûr ce décalage est mis en scène : l'appartement modeste d'Aomar Ait Kacem contraste avec le luxe de la suite de Kim Kardashian, le déplacement à vélo avec gilet jaune est aux antipodes des déplacements en jet privé, les 50 euros de réparation à rapporter aux revenus de Kim Kardashian. Mais le récit ne vire pas à la dénonciation, à la critique sociale. Le style de vie de Kim Kardashian n'est montré comme enviable, ou comme un statut social à atteindre ; le style de vie de Kacem et Habbache n'est pas paré d'un vernis romantique, ni pointé du doigt. Kim Kardashian aspire à un moment de détente, à arrêter d'être en représentation pour une soirée ; les braqueurs ont déjà fait de la tôle, y passant plusieurs années de leur vie. Les auteurs ne se rangent donc ni du côté de Karl Lagerfeld réconfortant la star, ni de Mathieu Kassovitz voyant là un acte symbolique de revanche du peuple contre une profiteuse vaniteuse de la société du spectacle. Ils ne cherchent pas non plus à présenter une version originale ou différente de l'enquête, encore moins conspirationniste (ce braquage aurait été mis en scène comme tout le reste de la vie de Kim Kardashian…). Mais quand même… Au travers de cette reconstitution un peu romancée, le lecteur touche du doigt le spectacle factice monté de toutes pièces de la vie de Kim Kardashian, une sorte de quart d'heure de célébrité prophétisé par Andy Warhol (1928-1987), étiré à l'échelle d'une vie dans une société du spectacle théorisée par Guy Debord (1931-1994). Il contemple l'inégalité de la répartition des richesses. Il assiste à l'efficacité de la police dans son enquête, sans diabolisation (pas de sous-entendu sur un outil d'oppression), sans non plus d'angélisme sur ce corps de métier. Dans le même temps, cette bande dessinée retrace un fait divers, sous l'angle d'un fait de société en faisant apparaître les différentes composantes, les différents angles de vue pour le considérer, rendant compte d'une réalité complexe, habitée par des êtres humains complexes et divers, où la vie d'une célébrité se mettant en scène croise celle de banlieusards du troisième âge. François Vignolle, Julien Dumond et Grégory Mardon reconstituent le déroulement d'un fait divers sortant de l'ordinaire : le braquage d'une célébrité mondiale par un groupe de prolétaires âgés. Ils jouent le jeu du reportage objectif, trouvant le juste équilibre entre braqueurs et victimes, sans parti pris affiché pour les uns ou contre les autres. Le lecteur voit alors apparaître une radiographie partielle de la société sous un angle original et révélateur.

26/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Boule à zéro
Boule à zéro

Purée ! Mais non !!?? La BD Boule à Zéro est taxée de racisme me dit-on ! C'est pas possible !! 1 -Une BD bienveillante et pleine de tendresse. Ça c'est du racisme ! 2 - De l'empathie et de l'émotion tout au long des albums. Ça c'est du racisme ! 3 - De l’humour et de l'espoir pour des enfants atteints de maladies graves. Ça c'est du racisme ! 4 - De l’humanisme, de la chaleur, de la générosité et du cœur. Ça c'est du racisme ! 5 - De la résilience et du courage face à la souffrance. Ça c'est du racisme ! 6 - Un dessin tout en rondeurs et des personnages attendrissants de toutes les couleurs -même verts - et de caractère bien affirmé. Ah?! Un personnage est vert parce qu'il est malade ? Ouf ! J'ai cru à un moment que des petits hommes verts allaient eux aussi nous lancer une pétition. Ça c'est du racisme ! 7 - Des auteurs généreux et mobilisés à 1000% en faveur des enfants malades. Ça c'est du racisme ! 8 - Un éditeur engagé qui à offert des milliers d'exemplaires aux enfants hospitalisés. Ça c'est du racisme ! Oui, c'est bon là... Stop On a compris !! Bref quelles que soient les raisons pour lesquelles cette BD est raciste, et je ne doute pas qu'il en existe beaucoup d'autres que celles que je viens de mentionner, je continuerai à dévorer cette pépite qui fait œuvre d'Amour et de fraternité avec un CŒUR GROS COMME ÇA.

25/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Spirite
Spirite

C'est en consultant le site que je me suis aperçu que seuls les deux premiers tomes étaient disponibles pour le moment. Je souhaite vraiment que Drakoo n'interrompe pas la série de Mara car j'ai trouvé bien du plaisir à cette lecture tout public. Dans un esprit de comédie type "SOS fantômes" avec un zest de Voldemort, l'autrice délivre un scénario bien ficelé et très tonique. Les personnages principaux sont très attachants bien que très classiques. L'adjonction de l'aviatrice Mary Pickett presque en hommage à l'aviatrice pionnière Bessie Coleman héroïne de Black Squaw est très sympathique. Cela permet d'introduire la thématique du racisme de façon soft mais réelle. J'ai lu les deux tomes avec plaisir même si, ça et là on peut chicaner sur quelques détails de facilité. Graphiquement j'aime bien les deux couvertures proposées par l'éditeur. Le dessin fait un peu dessin animé mais reste agréable. On se situe toujours dans un registre comique assez jeunesse même pour des scènes avec des morts. A l'image du scénario c'est vif et très expressif. La mise en couleur (avec Morgane Bride et Violette Nouvel) propose une belle variété de tons pour coller au différentes ambiances. J'espère une suite dans pas trop longtemps. Je me permets une "petite" MAJ après la lecture d'un excellent T3. Mara y complexifie la personnalité de ses personnages dans un récit flashback à deux voix. C'est très bien huilé et cette double vision donne beaucoup de sel à la narration. On glisse doucement d'un "tout public" à un "Youg Adult" comme le précise la quatrième. En effet Mara introduit des thématiques et des dialogues qui peuvent être moins accessibles à un jeune public. Le fort rebondissement du tome introduit plusieurs nouveaux sujets comme l'être et le paraître, l'homosexualité, les effets pervers d'une découverte scientifique. En effet ce T3 flashback met le personnage d'Anya au centre du récit avec une culture scientifique qui rappelle celle de Marie Curie. Mara équilibre ainsi son récit entre le fantastique/spiritisme (très en vogue à l'époque) et le réalisme historique de la découverte de l'uranium ( porteuse de grands espoirs à cette même époque). C'est très intelligemment construit et donne un récit qui m'a enthousiasmé. Pour le reste nous sommes dans la continuité graphique des deux premiers tomes avec une très très belle couverture. Une série qui a vraiment de "la gueule" dans la forme et le fond. Si le T4 est de la même force je n'hésiterai pas à monter ma note au max.

08/10/2024 (MAJ le 25/02/2025) (modifier)
Couverture de la série La Baleine bibliothèque
La Baleine bibliothèque

Je connaissais le Zidrou humoriste, policier, fantastique voire historique ou presque gore (Marina) et même au centre d'une polémique de stéréotype raciste, mais je n'avais pas encore rencontré le Zidrou poète. C'est chose faite avec cette série qui m'a vraiment beaucoup plu. Les auteurs nous proposent un véritable poème (romantique) d'amour chargé d'une belle émotion. Sa construction est assez étonnante. J'ai emprunté ce volume dans la section jeunesse et effectivement cela débute sur un mode d'illustrations d'un conte pour enfants sur un sujet que je ne connaissais pas: la poste maritime. Cette accroche m'a tout de suite intéressé d'autant qu'elle introduit la thématique principale sur l'amour de la mer et l'amour de son métier. Comme ce poème est aussi conte, le fantastique a droit de cité dans la rencontre avec une baleine vieille comme la terre et la culture humaine. Puis le réalisme reprend ses droits avec un amour à sa belle et quelques planches surprenantes si on les imagine entre les mains de jeunes enfants. Malheureusement même par une belle nuit de mai, les chants les plus beaux … Zidrou se fait alors porteur de la poésie Romantique où la souffrance ( d'un accouchement par césarienne ?) est moteur de la création la plus belle. Il serait injuste de réduire cette œuvre au travail de Zidrou tellement le graphisme de Judith Vanistendael apporte à la série. Ses peintures sont à la fois belles et touchantes. Judith propose un équilibre subtil entre l'illustration posée et le dynamisme des cases BD. C'est une succession de temps forts et de temps faibles qui nous conduit à travers la houle et le danger de vivre toujours présents. Une œuvre surprise bien plus riche qu'il n'y paraît et à découvrir. J'ai été complétement sous le charme.

24/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Forté
Forté

Je me suis vraiment régalé à lire cette série pleine de fraicheur. A travers un scénario d'une grande fluidité les autrices mettent en valeur la thématique du mérite. Flavia expérimente la fameuse maxime sur le génie "1% d'inspiration et le reste de transpiration". Manon Heugel fait de sa petite brésilienne issue d'une favela de Belem une illustration parfaite, touchante et crédible d'un tel parcours. Le second personnage clé de la série est l'Ecole Normale de Musique de Paris qui forme dans l'excellence les concertistes de musique classique. Sans tomber dans un côté documentaire aride les auteurs dépeignent avec une belle humanité le très difficile apprentissage vers l'excellence. Le côté universel du langage de la musique est bien rendu par cette population étudiante issue d'un nombre important de pays. Les autrices y glissent aussi une chronique très réaliste de la vie étudiante où recherche d'argent , isolement de la famille ou attirances sentimentales trouvent une petite place dans un quotidien qui ne tolère pas de relâchement. Le graphisme de Kim Consigny au trait fin donne une allure de reportage à cette histoire. La narration graphique développe ainsi une grande tonicité . Sa belle fluidité vous colle à ce récit qui propose de très belles valeurs sans être guimauve à mes yeux. Une mise en couleur classique mais adéquat participe au grand plaisir que j'ai eu à lire cette série.

24/02/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série De Cape et de Mots
De Cape et de Mots

Dans un royaume qui rappelle la France de Versailles, une jeune noble sans le sou mais volontaire et intelligente quitte sa famille pour devenir demoiselle de compagnie de la reine. Elle va découvrir les manigances qui se trament dans les alcôves du château et devra mettre en action toute sa finesse d'esprit et sa bonté d'âme pour s'en sortir et aider le vieux roi. Quitte pour cela à jouer le rôle de bouffon du royaume... J'ai passé un excellent moment à la lecture de cette BD. Ce que je croyais au départ être la trame d'une aventure historique se rapproche en définitive bien plus du conte pour la jeunesse. Il y a des méchants pas trop méchants, des gentils un peu naïfs, un cadre de palais entre le conte de fées et le Versailles du Roi Soleil, et une héroïne très débrouillarde qui réussit à se sortir de toutes les péripéties par son astuce, sa maîtrise de la langue française, son ouverture d'esprit et sa générosité. C'est une aventure empreinte de bienveillance, peuplée de personnages charmants, de situations pleines de finesse et d'humour, et d'une tonalité aérienne qui illumine la lecture. Le dessin, lui aussi, s'épanouit dans une légèreté lumineuse qui réchauffe le cœur et suscite le sourire. Une lecture chaleureuse, divertissante, dépaysante et pleine d'optimisme. Pour tous publics, même si je trouve que la cible principale est aux alentours de 12 ou 13 ans.

24/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Arleri
L'Arleri

Le plus beau rôle : la muse. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2008. Il a été entièrement réalisé par Edmond Baudouin, auteur de bandes dessinées depuis 1980. Dans le studio du peintre Paul, une modèle est en train de poser nue, debout les bras croisés derrière la tête, pendant qu'il est en train de la peindre. La modèle (la muse) lui fait observer qu'il est vieux. Elle lui demande son âge. Il lui répond qu'elle lui fait penser à sa mère. Il lui propose de faire une pause et de prendre un thé. Elle revêt une robe rouge et lui demande quel est son plus ancien souvenir. Il répond qu'une fois il a été chassé du paradis, mais qu'il ne se souvient plus de ce jour. La muse étant étonnée, il clarifie son propos : il parle de son expulsion du ventre de sa mère, du fait que l'invention du Paradis correspond à la nostalgie du temps avant la naissance. Il continue en indiquant qu'il a passé sa vie à retourner le plus souvent possible dans les femmes, avec ses faibles moyens. Mais cette quête lui a surtout appris à mesurer la distance qui sépare l'homme de la femme. Paul continue d'évoquer son apprentissage des différences entre les hommes et les femmes. Il se rappelle qu'à la cour d'école, les garçons étaient déjà dans une sorte de compétition, pour pisser le plus loin, sauter le plus haut, courir le plus vite, oser dire les mots les plus cochons, etc. Au contraire, les petites filles se livraient à des jeux dont la compétition était exclue. Pour lui, c'est lié au fait qu'elles avaient déjà la conviction inconsciente qu'elles pourraient continuer le monde avec leur ventre, ce qui les rend sereines. Il ajoute que cette course des garçons à inventer des compensations fait l'Histoire. Elle lui demande de lui raconter l'histoire. Il accepte, mais elle doit recommencer à poser. Il énumère la liste de toutes les activités de compensation que les hommes entreprennent : maîtriser, dominer ordonner, créer, posséder, civiliser, construire, détruire, faire à son image. Il parle ensuite de ses 14 ans, quand il réparait sa mobylette en vue d'une course avec un copain, et que Julie est passée devant lui, dans une robe rose, sans lui adresser la parole comme à son habitude. Il n'a pas pu s'empêcher de lui dire qu'elle n'était même pas belle. Ce à quoi elle a répondu que son opinion est le dernier de ses soucis. Tout d'un coup, sa mobylette avait perdu tout intérêt pour lui. Cette bande dessinée s'apparente donc à un long discours sur la nature des différences entre les hommes et les femmes, tenu par un homme ayant essayé de comprendre ces différences, de mesurer la distance séparant les 2 genres et de bâtir un pont par-dessus ce gouffre. D'une certaine manière, il est possible de considérer cet ouvrage comme un essai sur ce thème, avec le discours de ce vieil homme disposant d'une longue expérience et s'étant livré lui-même à cette quête, avec quelques questions de sa muse pour qu'il éclaircisse un point de son argumentation. Le lecteur découvre des pages avec une densité importante de mots, sans qu'ils ne mangent les images, sans qu'ils ne donnent l'impression d'une lecture pesante ou fastidieuse. La prose de l'auteur est claire et simple, offrant une lecture agréable et légère. Ce roman graphique s'apparente donc une œuvre entre psychologie et philosophie. Baudoin indique rapidement que pour lui les différences homme/femme proviennent d'une différence unique : la capacité de la femme de donner la vie, d'enfanter, chose qui reste inatteignable pour l'homme. Il évoque cette conviction dès la page 7. Elle revient régulièrement tout au long des 100 pages de BD, et il la reprend dans sa conclusion en page 97. Pour autant, Edmond Baudoin ne se contente pas de dérouler un texte tout ficelé en le collant dans des phylactères accolés à des têtes en train de parler. Plusieurs surprises attendent le lecteur à commencer par une suppression du quatrième mur, et la muse n'est pas une simple potiche, une chambre d'écho ou un artifice narratif. De la même manière, le déroulé du raisonnement de l'auteur ne se limite pas à un exposé théorique. Quand Paul se met à raconter l'histoire, il raconte la sienne, son histoire avec les femmes. Il évoque ainsi son premier amour, sa première relation sexuelle, les autres femmes, la mère de ses enfants, etc. Baudoin évoque la manière dont Paul se heurte à la réalité, comment chaque rencontre avec une femme l'oblige à revoir ses préjugés, à prendre conscience de la fausseté de ses représentations. Cela commence doucement avec la réalité basique de la différence des jeux entre filles et garçons dans la cour d'école. Cela continue avec des considérations plus sociologiques comme les caractéristiques discriminantes des sociétés patriarcales vis-à-vis des femmes, l'évolution de la représentation des pénis durs de façon imagée avec les pistolets dans les films, la différence entre amour et sexe, la dissociation entre amour et fidélité, l'impossibilité de posséder une femme, les différences de comportement post-coïtal, etc. L'auteur n'hésite pas à aborder les questions de manière frontale, avec des termes explicites, mais sans vulgarité, ni grivoiserie. Il s'interroge honnêtement sur ses idées préconçues, les femmes lui indiquant leur façon de penser. En fonction de son expérience personnelle, le lecteur se reconnaît dans certaines façons de penser, dans certaines remarques, dans le décalage entre ses attentes et la réalité, qu'il soit homme ou femme. Il apprécie la délicatesse, la franchise et la retenue de l'auteur, y compris du point de vue visuel. L'exposé et le fil de vie de Paul abordent sa relation avec les femmes, à chaque fois à partir de son désir sexuel et des relations qui s'en suivent. Edmond Baudoin ne se montre pas hypocrite et représente donc les corps dénudés. Pour autant, il ne s'agit pas d'un ouvrage pornographique (aucun gros plan anatomique ou de pénétration), ni même d'un ouvrage érotique magnifiant une représentation descriptive du corps féminin (ou parfois masculin), encore moins d'un manuel passant en revue les positions. La muse apparaît nue de face dès la première page, sa silhouette détourée d'un trait dont l'épaisseur varie, avec quelques courts traits noirs pour évoquer la toison pubienne, et juste un gros point noir pour le téton gauche. L'artiste s'amuse à reprendre cette représentation simplifiée en page 3, dans un cadrage de la toile du peintre débutant juste en dessous du cou et s'arrêtant à mi-cuisse, avec à nouveau ces quelques tâches noires pour la toison pubienne et les mamelons. Il n'y a pas d'érotisme à proprement parler, mais plus une impression poétique. Ce phénomène se répète en page 9 quand le corps allongé de la muse se dédouble dans cette nouvelle pose, indiquant sa silhouette physique et le début d'interprétation qu'en fait le peintre. De même quand Julie retire son teeshirt sur le lit de Paul adolescent, elle est de trois-quarts de dos, et son torse est détouré d'un trait rouge orangé, sans précision photographique. Baudoin varie sa technique de représentation en fonction de la nature de la scène, de l'état d'esprit des personnages, de la tension sexuelle, de l'attente. Il applique les mêmes modalités de représentation au corps masculin dénudé. S'il n'y est pas sensible ou attentif, il faut un peu de temps pour que le lecteur prenne pleinement conscience de la subtilité de la narration de visuelle. Il ne s'agit pas d'un simple tête-à-tête entre la muse et l'artiste dans son atelier, car lorsque Paul évoque ses souvenirs, ils sont représentés dans les cases, les images montrant le lieu et les personnes évoquées. Edmond Baudoin choisit sa technique de représentation en fonction de la nature de la scène. Il peut détourer les formes avec un trait encré, ou un trait de contour réalisé au pinceau avec une couleur noir, comme il peut passer en mode aquarelle sans trait de contour, parfois même de simples tâches de couleurs pour évoquer la forme d'une tête et de sa chevelure, sans traits de visage. En page 29, le lecteur a la surprise de découvrir une photographie des berges de Seine à Paris, intégrée en l'état, technique utilisée de manière sporadique, la photographie étant parfois retouchée à l'encre ou à la couleur. L'artiste ne s'aventure pas sur le terrain de l'abstraction ou de l'art conceptuel, mais il n'hésite pas à passer en mode impressionniste ou expressionniste quand il souhaite s'exprimer de cette façon. Il ne s'agit pas pour lui d'apporter de la variété au gré de sa fantaisie, mais bien d'exprimer des ressentis en mettant différentes techniques au service de sa narration visuelle. Au fil des pages, le lecteur ressent pleinement cette adéquation entre flux du discours ou des dialogues et caractéristiques visuelles de la séquence. Il perçoit la fibre émotionnelle, l'affect accompagnant les propos. Edmond Baudoin joue également sur la mise en page pour faire fluctuer le rythme, insérant quelques dessins en pleine page, des images juxtaposées sans bordure, même si la majeure partie du temps il s'en tient à des cases rectangulaires avec bordure, sagement alignées en bande. Le lecteur prend donc grand plaisir à découvrir la vision personnelle de l'auteur sur la différence entre femme et homme. Il constate que la différence de la capacité à donner la vie constitue une caractéristique qui éclaire les différences de comportement à la fois sur le plan sexuel et sur le plan du genre. Ce discours aborde également la question de la différence entre amour affectif et amour physique, ainsi que la question de la fidélité. Il se termine avec une ouverture en forme de rapprochement entre l'amour et la peinture, une façon d'être attentif à l'autre et d'être présent, et sur une profession de foi quant à la nature de la vie, la manière de vivre en sachant que la mort suit l'individu toujours à trois pas derrière. Cette bande dessinée est à la fois une thèse sur l'essence de la différence entre les hommes et les femmes, une biographie vue à partir des relations amoureuses, une narration visuelle d'une sophistication et d'une richesse aussi discrètes que justes, une façon d'envisager la vie aussi personnelle qu'attentive à l'autre. En considérant les avancées sociales gagnées par les femmes, l'auteur ne peut constater que l'homme n'est toujours en mesure d'enfanter. Citation : Les plus grands poèmes sur la liberté ont été écrits par des humains privés de liberté. Les hommes ont écrit les beaux poèmes sur l'amour. Est-ce parce qu'ils en sont interdits ? Parce qu'ils le magnifient pour qu'il soit impossible à atteindre ? Toujours ailleurs, dans le paradis perdu du ventre de leur mère.

24/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Ils brûlent
Ils brûlent

Belle claque, rien d'autre à dire. Si, bien sûr qu'il y a des choses à dire. Déjà, la figure de la sorcière est à mes yeux fascinante, à la fois conséquence de la diabolisation des femmes et des sciences rejetées par les religions monothéistes, et figure monstrueuse (ou en tout cas vue comme telle) sous forme humaine, elle est source de bons nombres de bonnes histoires. Ici, la sorcière est utilisée pour symboliser la peur, la peur d'autrui, la peur de soi-même, la peur de ce qu'on est capable de faire. Les scènes sont viscérales, les personnages vivent des choses horribles, sont capables de choses tout aussi horribles, sont traqués comme des animaux, … L'histoire prend aux tripes, en tout cas elle m'a prise aux tripes. Les violences corporelles, les défigurations, les émotions et passés chaotiques des personnages, les noms étranges et pourtant si significatifs, les dessins aux traits parfois tremblant, les visages déformés, la belle bichromie, … Vraiment, tout ça m'a fait rentrer dans l'histoire très vite et a maintenu mon attention jusqu'au bout. Coup de cœur, hâte de lire la suite.

23/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Peau d'Homme
Peau d'Homme

Cet album a reçu bon nombre d'éloges, je compte bien m'ajouter. L'histoire est bonne, plus fine et réfléchie que l'on pourrait croire à l'introduction, et compte bien explorer et remettre en question les différences d'expressions et d'attentes du genre (ou des genres) dans la société, ainsi que la fâcheuse tendance qu'on certaines personnes se présentant comme vertueuses de vouloir vilifier et contrôler les personnes qu'elles jugent comme inférieures, impures et tentatrices (les femmes, les homosexuel-le-s, …). Tout le cœur du récit tourne autour de Bianca, mariée par ses parents à un homme qu'elle a à peine rencontré jusqu'ici, et qui, souhaitant en apprendre davantage sur son nouveau mari, va revêtir l'un des objets les plus précieux de sa famille : une peau permettant à quiconque l'enfile de devenir en tout point (en tout cas physiquement) un homme. Bianca devient donc Lorenzo et se rapproche de Giovanni, son mari, tombant progressivement amoureuse de lui. Sauf qu'un petit bémol va lui apparaître : Giovanni est homosexuel, et bien qu'il tombe éperdument amoureux de Lorenzo, Bianca ne pourra jamais réellement être aimée de lui comme elle l'aime. Doit-elle oublier sa vie de femme et ne plus être qu'un homme ? Doit-elle continuer d'espérer qu'un jour Giovanni aime autant Bianca qu'il aime Lorenzo ? Est-il judicieux de goûter à la liberté et à un monde que l'on affectionne quand tout ce qui nous entoure nous maintient que cela nous est inaccessible ? Surtout que le frère de Bianca, nouvel ecclésiastique zélé, compte visiblement purifier le lupanar que semble être devenue la ville à ses yeux. Un récit intéressant, une situation prenante, des personnages mine de rien complexes, un questionnement des codes de genres, un discours très à propos sur le regard et le vice, … L'album est très bon, que dire de plus ? Ah, si, que le dessin de Zanzim est très joli !

22/02/2025 (modifier)
Par ethanos
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Revoir Comanche
Revoir Comanche

Bon, je ne vais pas trop m'étaler, tout à déjà été dit ou presque, et puis : 5/5 + coup de cœur, tout le monde aura compris ce que je pense de la BD. A priori, j'étais pourtant un peu sceptique au départ, quel rapport, me disais je, entre Hermann et romain Renard ? Ou entre Commanche / Red Dust et Melville ?, pour le dire autrement. Sauf que, rien à dire, c'est vraiment de la belle ouvrage. C'est fin, bien amené, et, même les aspects un peu 'attendus' (comme l'acmé finale, une fois arrivés au ranch) passent très bien. On retrouve notre Red Dust, vieilli, et gris comme le dessin qui lui redonne vie, symbole d'un monde qui disparaît (ou a déjà disparu). L'opposition avec l'autre protagoniste, une jeune femme enceinte, cette opposition est donc poussée au maximum, leur sexe, leur âge, leur trajectoire personnelle, lui donne la mort quand elle donne la vie, bref, difficile de pousser plus loin le ressort antagoniste, et pourtant, une réelle affection, un profond respect mutuel, une forme de compréhension réciproque intime va naître progressivement entre ces deux là, que tout opposait au départ. Une fois encore, on pourrait critiquer, et dire que l'on s'y attend, rapidement, pour ne pas dire dès le départ, mais, c'est tellement bien construit, qu'on marche à fond. Enfin, bien sûr, impossible de ne pas dire un mot sur le dessin, vraiment envoutant, qui met en valeur cette nature à la fois belle et presque aussi menaçante que la nature humaine, par moments. Je pourrais dire un mot du superbe travail sur les angles de vue aussi, qui fait de romain Renard, un véritable metteur en scène. On se prend d'ailleurs à imaginer une adaptation cinématographique d'une telle œuvre, avec, imaginons, un Eastwood derrière la caméra (puisqu'on parlait de vieux messieurs symboles d'une époque qui passe...), le scénario lui irait très bien en tout cas, bref, on se plaît à évoluer, et à rester dans cet univers. Une grande et belle BD, vraiment.

22/02/2025 (modifier)