Grand amateur de Comanche (je possède évidement tous les albums de la période Hermann-Greg , ainsi que la version éditée par Niffle en deux volumes) j''attendais cet album avec impatience et , il faut le dire, avec une certaine appréhension. En effet le dessin de Romain Renard est à mille lieux de celui d'Hermann, mais pour ma part il était inutile de copier le dessin original pour rendre hommage au "sanglier des Ardennes". Après tout, Schuiten, avec "le dernier pharaon" n'a -t-il pas été à mes yeux un des meilleurs repreneurs de la série, avec son dessin si particulier ?
A la fois au scénario et au dessin, Romain Renard nous propose une histoire qui de déroule en 1930 avec Red Dust comme héros. Sur la route vers le ranch triple 6, nous suivons un véritable road- movie, il faut dire que l'intrigue s'étire sur près de 150 pages. Nous retrouvons notre Red Dust certes vieilli mais toujours aussi bourru ,mystérieux et amer. Par contre, j'avoue ne pas avoir été très surpris par les révélations finales, et c'est peut-être le seul bémol à apporter à ma lecture (mais je n'ai pas lâché ce bouquin jusqu'au bout) . L'auteur distille dans ce récit des éléments sur la crise de 29, sur le sort des derniers indiens, mais aussi sur ces tempêtes de sables, qu’avaient magnifiquement évoqué Aimée de Jongh avec Jours de sable.
C’est peut-être au niveau dessin que certains peuvent être déstabilisés. En nous proposant un dessin en noir et blanc très propre, nous sommes très loin de l’ambiance créée par Hermann. Il me semble en outre que l’auteur mélange parfois des photographies (ou images réalisées avec ordinateur) et des dessins, mais peut-être me trompe-je.
En tout cas, j’ai passé un très bon moment de lecture et cet album m’a donné envie de me replonger dans les albums inoubliables de Comanche.
Bref, la grande histoire passée au tamis de la petite.
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Ce tome est le deuxième de la série consacrée à Kathleen Van Overstraeten, en termes d’ordre de parution, et également le deuxième, à ce jour, par ordre chronologique de sa vie. Sa première édition date de 2019. Il a été réalisé par Patrick Weber pour le scénario, Baudouin Deville pour les dessins et l'encrage, Bérengère Marquebreucq pour la mise couleurs, qualifiée de mise en lumière, c’est-à-dire la même équipe que celle des quatre autres albums de la série : Bruxelles 43 (paru en 2020), Sourire 58 (paru 2018), Berlin 61 (paru en 2023), Innovation 67 (paru en 2021). Ce tome comporte cinquante-deux pages de bande dessinée. Il se termine avec un dossier de huit pages, agrémenté de photographies, intitulé Le Congo belge et Léopoldville, retour dans des mondes disparus, découpé en plusieurs articles : une page de contexte rédigée par Patrick Weber, Une histoire de femmes et d’homme, de noirs et de blancs, L’ombre de Tintin, Petit guide de Léopoldville (L’hôtel Memling, le jardin zoologique, le marché indigène, le musée indigène, l’aérogare, la statue de Stanley, la statue de Léopold II, le quartier indigène), l’enjeu de l’uranium, un voyage secret, la manne de l’uranium, Indépendance cha-cha, témoignages d’époque (un second pilote de la Sabena, un steward), 30 juin 1960 indépendance du Congo et après. Dernier article : une interview de Robert Van Michel chef de secteur de la Sabena à l’époque, intitulée le pont aérien Sabena de 1960 une odyssée humaine.
À bord d’un vol Bruxelles-Léopoldville, l’hôtesse de l’air Kathleren Ovserstraeten répond à l’appel d’un passager qui souhaite encore avoir un scotch whisky. La responsable du vol Francine Merckx lui indique discrètement de lui méfier de cet oiseau, car quelque chose lui dit qu’il lui faudra beaucoup plus qu’un scotch pour se rafraîchir le gosier. Kathleen doit le servir car le client est roi, mais s’il dépasse les limites madame Merckx se fera un plaisir de lui rappeler les vertus de la sobriété. Le client est satisfait et il tend sa carte à Kathleen lui précisant qu’il descend à l’hôtel Regina et que si le cœur en dit à la jeune femme, ce sera à son tour à lui de lui offrir un verre. La discussion se poursuit ensuite entre madame Merckx et Kathleen dont c’est le premier vol à destination de l’Afrique.
En janvier 1960, à Léopoldville, Célestin Bembé est reçu par Pierre Stevens et Arsène Jeanmart qui lui proposent le poste de contrôleur de gestion pour leur agence de Boma. Bembé répond de manière véhémente que c’est très généreux de leur part, mais qu’il ne peut pas accepter. Il ajoute qu’ils ne comprennent pas ce qui se passe ici : bientôt c’est eux qui le solliciteront pour un emploi, car ce pays est aux Africains ! Ils le congédient, ce qui n’atteint pas Bembé convaincu que l’histoire est en marche. Le soir, à la mine d’or d’Uvira au sud Kivu, un individu s’introduit subrepticement sur le site et cloue un masque de sorcier sur la porte du bâtiment principal. En découvrant ce masque le lendemain, les ouvriers africains refusent de travailler dans la mine.
Comme pour les autres albums, les auteurs ont choisi une année clé dans l’histoire de la Belgique : l’indépendance du Congo belge a été déclarée le 30 juin 1960, après avoir été une colonie depuis le 15 novembre 1908, soit pendant cinquante-deux ans. Dans son introduction au dossier en fin d’ouvrage, le scénariste précise la nature de cette bande dessinée et son ambition : cet album n’ambitionne pas de porter un jugement sur l’entreprise colonisatrice, sur sa fin et encore moins sur ce qu’il est advenu du Congo depuis son indépendance. Les historiens n’ont pas fini de se pencher sur ces épisodes souvent tragiques et toujours contrastés de la saga nationale congolaise. À travers l’héroïne Kathleen apparue dans l’album Sourire 58, les auteurs ont voulu présenter les événements de 60 sous un angle particulier. Simple et individuel, d’abord parce tous les épisodes historiques se vivent d’abord d’un point de vue personnel. Dans les deux camps, comment les protagonistes ont-ils eu peur ou faim ? Quels étaient leurs regrets ou leurs espérances ? Leurs joies et leurs peines ? Bref, la grande histoire passée au tamis de la petite. De fait, la narration présente les choses elles sont, ou plutôt comme elles étaient, à la fois en termes de représentation visuelle, et en termes de relations sociales, sans révisionnisme politiquement correct. Par exemple, les Congolais appellent les métropolitains par le terme de Bwana, et réciproquement les blancs parlent des Évolués pour désigner la classe moyenne noire qui s’européanisa au Congo belge.
Comme dans les autres tomes, le positionnement des dessins dans un registre réaliste et descriptif apparenté à la ligne claire s’avère parfait pour montrer les choses, pour donner à voir des quartiers de Léopoldville, les véhicules, les tenues vestimentaires. Tout commence avec une vue magnifique du d’un avion de la Sabena en plein vol : un Douglas DC6, avion quadrimoteur utilisé par la Société Anonyme Belge d'Exploitation de la Navigation Aérienne, compagnie aérienne nationale belge (1923-2001). Le lecteur garde les yeux grands ouverts pour ne rien perdre : une vue extérieure de l’hôtel Memling à Léopoldville, les wagonnets de la mine d’or d’Uvira, plusieurs artères de la capitale congolaise, les belles voitures, quelques restaurants, la statue de Henry Morton Stanley (1841-1904, journaliste et explorateur) dans le site de son ancien camp retranché, le jardin zoologique de Léopoldville, un bar dans le quartier indigène de Bandalungwa, le musée de la vie indigène, l’aéroport d’Elisabethville à Katanga, des demeures dans le quartier blanc, des maisons dans un quartier indigène, l’avenue Baron van Eetvelde, une séquence dans la brousse, le marché indigène, les bureaux de la Sabena, et un des cinq Boeing 707 affectés à la Sabena pour l’évacuation. La richesse du récit permet également au lecteur de prendre le temps de passer par une rue de New York, plusieurs rues de Bruxelles et même un café pris à l’hôtel Métropole sur la place De Brouckère où se trouve la fontaine Anspach, l’aéroport de Zaventem, une pharmacie bruxelloise pour faire le plein de produit anti-cafards.
Les auteurs respectent leur note d’intention et l’Histoire se vit à hauteur d’être humain. Le lecteur retrouve avec plaisir Kathleen Overstraeten et son amie Monique. L’artiste reste dans un registre de type ligne claire, avec un degré de simplification dans leur représentation, tout en conservant un bon niveau de détails, avec une physiologie spécifique pour chacun, des tenues vestimentaires appropriées et en accord avec leur personnalité, et une direction d’acteur de type naturaliste. De temps à autre, une expression de visage peut être un peu exagérée, pour accentuer une émotion, une fois de temps en temps pour un effet comique. Le dessinateur accorde la même valeur à chaque être humain, quelle que soit son origine, ce qui fait ressortir le comportement condescendant au mieux, méprisant au pire des colons, envers les évolués et les non-évolués. La coloriste effectue un travail remarquable de mise en lumière, utilisant avec à propos les aplats de couleurs pour apporter une forte consistance à certaines zones détourées, pour ajouter une forme d’ombrage à d’autres pour accentuer le relief. Elle conçoit une palette restreinte spécifique à chaque séquence pour rendre compte de l’ambiance lumineuse, et de l’environnement, plutôt urbain ou plutôt végétal.
Comme à son habitude, le scénariste entremêle une reconstitution historique avec une intrigue romanesque, et une fibre sentimentale. La reconstitution historique visuelle est complétée par de nombreuses références dans les dialogues : le nzombo (plat de poisson fumé), le moambe (plat préparé à base de chair de noix de palme à laquelle on rajoute la viande et les condiments), le terme Évolué (terme utilisé pour décrire la classe moyenne noire qui s’européanisa au Congo belge), Henry Morton Stanley (1841-1904, journaliste et explorateur), les scheutistes (congrégation religieuse missionnaire fondée à Scheut en 1862 par le prêtre Théophile Verbist, 1823-1868). L’intrigue romanesque comprend une composante d’espionnage industriel, avec manipulations, agitations et même un enlèvement. D’un côté, le lecteur retrouve cet ingrédient présent dans chaque tome de la série ; de l’autre, il s’agit d’une réalité historique générée par l’intérêt économique et stratégique pour un minerai bien particulier et essentiel dans l’histoire de cette colonie et du pays colonisateur. Dans ce tome, l’histoire personnelle des protagonistes se développe de manière organique, que ce soit Kathleen devenue hôtesse de l’air, ou les parents de son amie Monique installés à Léopoldville, ou encore la relation amoureuse de Monique avec Célestin Bembé. Le lecteur apprécie la référence à l’album Sourire 58 (2018) au cours duquel les deux jeunes femmes s’étaient liées d’amitié. Il identifie du premier coup d’œil un autre personnage présent dans ce précédent album, créant ainsi une continuité légère qu’il n’est pas indispensable de connaître pour apprécier le récit. Les personnages blancs représentent la majorité des protagonistes avec des dialogues, pour autant les Africains sont également présents et ils ne sont pas cantonnés à de la figuration en arrière-plan. Le dossier en fin d’album s’avère agréable à lecture, facile d’accès, tout en fournissant des compléments et une ouverture sur d’autres dimensions de la colonisation qui ne pouvaient pas être exposés dans l’histoire principale faute de place.
Ce deuxième album de la série par ordre de parution s’avère une excellente réussite, tout comme le premier. Les auteurs réalisent une bande dessinée de grande qualité, avec une narration visuelle de type ligne claire très réussie, une histoire mêlant Histoire, intrigue d’espionnage, enjeux personnels aussi bien sociaux qu’émotionnels, pour évoquer la période complexe de la fin d’une colonie belge avec un point de vue à hauteur d’être humain.
Le chêne, pas les chaînes
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2023. Il s’agit d’une transposition en bande dessinée du roman du même nom avec la participation de son auteur Édouard Cortès comme coscénariste, en équipe avec Dominique Mermoux coscénariste, et qui réalise également les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée.
Dans le Périgord noir, dans une forêt en bordure d’un château et d’un village. À six mètres de hauteur, Édouard Cortès vit seul dans les branches d’un chêne. C’est le printemps. Il est entré dans sa cabane pour un long séjour de silence. Perché dans un arbre, il a la ferme intention de renaître avec lui. Il va nicher dans cette cachette construite de ses mains. Entre quatre branches, l’abri de bois et de verre le protège des regards et du bruit. Un lieu rare. Inespéré dans son état. Il se sentait fatigué du monde d’en bas et de lui-même, il est donc monté là-haut. Les autres, sans doute aussi, s’étaient lassés de lui. Il entreprend une métamorphose à l’ombre des forêts. Il veut voir à hauteur d’arbre. Ce 21 mars 2019 au matin, il a étreint sa femme Mathilde et ses deux enfants, enfilé ses bottes, supprimé ses comptes sur les réseaux sociaux, envoyé promener mille cinq cents amis invraisemblables pour en garder quatre ou cinq vrais. À presque quarante ans, il a beaucoup de doutes sur ses certitudes et peu de convictions sur ses illusions. Éloigné des hommes, il est décidé à arracher tout ce lierre qui l’étouffe. Quand la mort approchera, il aimerait pouvoir répondre sans crainte : A-t-il eu assez d’audace pour suivre son étoile ? Toute une civilisation est née dans l’humus des chênes du Quercy : c’est à leurs racines que se cache la truffe noire qu’il aime à caver avec son chien. C’est dans ce berceau de France, celui des souterrains médiévaux de Paluel, de la Vierge noir de Rocamadour, des duels du hussard Fournier, de Tounens roi de Patagonie, des expéditions de Larigaudie, des noix et des arbres truffiers qu’il a planté ses souvenirs d’enfance. Les faunes et les sylvains l’ont lié au pays De la servitude volontaire. Cet ancrage lui a-t-il accordé une certaine latitude dans ses chemins ? La lecture de La Boétie l’invite à plonger dans le vert. Le chêne pas les chaînes.
Février. Un mois et demi plus tôt. L’idée de l’arbre lui a été soufflée par Cyrano. Il relisait un soir Rostand, s’attachant à la bravoure de son cadet de Gascogne comme à une caresse. Dans la dernière scène, il agonise. Il ne veut personne pour le soutenir. Le seul recours que M. de Bergerac s’autorise, c’est un tronc. Pour appuyer ses alexandrins, il touche l’écorce et trouve l’énergie des derniers vers, concluant en allant s’adosser à un arbre, et exigeant que personne ne le soutienne, rien que l’arbre ! Au matin, Édouard avait filé vers la forêt à dix kilomètres de sa maison. Un seul objectif : trouver son arbre. Il agissait par habitude, selon son principe : penser l’action, vivre comme il pense. Cette forêt, il la connaît bien pour s’y être perdu.
Cette bande dessinée constitue l’adaptation d’un roman autobiographique, avec la participation de l’auteur, racontant son expérience de vivre dans un arbre au milieu d’une forêt, du 21 mars 2019 au 24 juin de la même année. Une décision simple : s’éloigner du monde pour prendre du recul, une forme de retraite, mais pas dans un monastère ou un ashram, au milieu de la nature dans les branches d’un arbre. Le lecteur peut ainsi l’accompagner dans les quelques semaines qui précèdent son installation dans son arbre, ou plutôt la cabane qu’il a construite dans le chêne qu’il s’est choisi, dans quelques retours en arrière quand il était éleveur de brebis, par deux fois dans son enfance, et dans son quotidien durant ces trois mois passés en hauteur. Il ne s’agit pas d’une retraite en ermite : il voit ses enfants et son épouse chaque dimanche car ils viennent manger avec lui. Vers la fin de son séjour, trois amis viennent passer une soirée avec lui et dormir dans sa cabane.
Le récit présente l’organisation de ses journées avec son programme quotidien : sport, méditation, toilette, petit déjeuner, écriture, lecture, ménage, déjeuner, vaisselle, observation, activités manuelles, sport, dîner, harmonica, lecture. Il présente également l’agencement de sa cabane située à six mètres en hauteur : Au nord son vestiaire sur une étagère. Au centre du faîtage, une fenêtre de toit, ouvrable et assez large pour le laisser sortir. Il peut ainsi danser sur les tuiles de bois ou fuguer dans les branches hautes quand l’envie lui en prend. Fenêtre sur le ciel pour, de son lit, rêver les yeux ouverts. Et tous les jours ce puits de lumière inonde son habitat, panthéon miniature à la coupole de bois. Son lit mezzanine s’élève à un mètre et demi plus haut que le plancher. À l’est, vers le soleil levant, un oratoire sur une étagère : un crucifix, une icône de saint David dit le Dendrite (ermite retiré dans un arbre), deux bougies, du papier d’Arménie. Au nord-est, la cuisine : poêle et casserole, un deuxième banc-coffre avec la vaisselle usuelle et les condiments. À côté une petite cuisinière à gaz. Côté sud, son bureau et un tabouret. Sur l’étagère à mi-hauteur, des bocaux de verre (pâtes, riz, noix, fruits secs), son harmonica, des appeaux. Les livres de chevet : Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, L’enfer de Dante, Les pensées de Marc-Aurèle. À l’ouest, le coin toilette : un miroir, une bassine en zinc, deux jerricans d’eau potable, un banc-coffre avec des outils. Côté sud-ouest, une petite terrasse qui s’avance dans le vide. Une branche maîtresse la soutient souplement. La corde permettant de monter les objets lourds ou encombrants. Au soleil le réservoir pour la douche. Ainsi, il peut vivre en autonomie, allant s’approvisionner en eau avec son âne et se nourrissant de provisions amenées avec lui, et de végétaux qu’il récupère.
Le lecteur fait vite l’expérience que l’adaptation en BD reprend des portions du livre, rendant le récit copieux, instaurant un rythme de lecture posé. Dans le même temps, la bande dessinée commence par trois pages muettes. Cette adaptation ne se contente pas de montrer en images ce qui faisait l’objet de descriptions dans le livre, et de reprendre le flux de pensée de l’auteur, ses réflexions, ses ressentis. Il s’agit bien d’une bande dessinée, avec des cases disposées en bande ou d’une manière plus libre, sans bordure, et des séquences racontées par une narration visuelle. Le lecteur n’éprouve pas la sensation que les images reprennent des éléments déjà présents dans le récitatif. Le ressenti de la lecture atteste de la concertation entre l’auteur et le bédéiste pour adapter le roman. Régulièrement, la narration visuelle prend le dessus : un dessin en pleine page pour un cerf et une biche, la vue en coupe de la cabane, le déplacement pour aller chercher de l’eau, les activités de la journée, l’observation d’un cerf à la jumelle, une nuit d’orage en deux pages sans texte et le constat des dégâts au petit matin, l’utilisation d’une loupe de botaniste et ce qui apparaît alors, une pleine page pour une belle nuit étoilée, le déplacement d’un sanglier, l’observation d’une biche et de son faon, etc.
L’artiste effectue un travail remarquable pour tous les éléments sylvicoles, botaniques et relatifs à la faune. Le lecteur comprend qu’Édouard Cortès dispose de connaissances sur la flore et la faune, et qu’il a emmené des livres pour continuer à se cultiver sur le sujet. Le lecteur peut ainsi voir représenté de nombreuses essences d’arbres (if à deux têtes, houx fragon, chêne, hêtre, tilleul, châtaigner, sorbier des oiseleurs, érable champêtre, merisier, alisier), d’arbustes (noisetier, houx, genévrier, cornouiller sanguin, prunelier, au sol le lierre) et des micro-plantes (hypne cyprès, dicrane en balais, sphaigne des marais). Les rencontres avec des animaux sont également nombreuses, à commencer par les oiseaux (rouge-gorge, geai des chênes, sitelles torchepots, mésanges bleues, pic épeiche, loriot), quelques insectes et coléoptères (fourmis, hanneton, imago du citron, aeshna cyanea, etc.). Ainsi que des animaux : âne, renard, loup, lapin, brebis, écureuil, sanglier, un rapace qui fond sur un pigeon ramier, etc. Dominique Mermoux réalise des dessins un registre réaliste et descriptif avec un petit degré de simplification. La mise en couleurs s’apparente à de l’aquarelle, avec un côté doux, rehaussant les reliefs, et filant une ambiance lumineuse tout du long d’une scène. Il utilise un ton brun – sépia pour les séquences du passé.
L’auteur décide donc de se retirer du monde pour se déconnecter du flux incessant, et pour retrouver la sérénité qui l’a abandonné après qu’il ait dû liquider son affaire d’élevage. Ce séjour hors du monde lui permet de considérer la vie d’un arbre, ainsi que tout l’écosystème dont il fait partie. Il va évoquer ou développer des aspects divers : le cavage, le modèle qu’il souhaite donner à ses enfants en tant que père, le formicage, le cycle de l’eau à travers l’arbre et la fonction de climatiseur en période chaude, la médiocrité des objets du quotidien conçus pour devoir être rachetés sans fin, l’isolation des individus, l’affection moderne qu’est l’immédiateté, le chêne qui sacrifie ses branches les plus basses pour mieux se développer (Abandonner un peu de soi, laisser mourir certaines branches pour avancer.), la volonté de vivre (Dans ces instants, ce n’est pas de quitter la vie qui demande du courage, mais de puiser des forces pour la conserver.), le développement de la forêt française, la notion de bonheur (Mais le bonheur, n’est-ce pas d’accepter de n’être jamais absolument consolé ?), etc. Il fait le constat et l’expérience des merveilles de la nature, de l’interdépendance des différentes formes de vie d’un écosystème, de l’absurdité toxique de certaines facettes de la société de consommation. Dans le même temps, le lecteur voit que la démarche de cet homme ne relève pas de l’utopie de l’autarcie, car il continue d’utiliser des objets produits industriellement, et son séjour a une fin programmée.
Une adaptation de roman réussie, qui aboutit à une vraie bande dessinée, et pas un texte illustré. Le lecteur partage la vie quotidienne, ses découvertes et les pensées d’Édouard Cortès effectuant une retraite du monde, sous la forme de trois ans passés dans une cabane qu’il a construite dans les branches d’un chêne. La narration visuelle emmène le lecteur dans cet environnement, le rendant témoin du quotidien dans toute sa banalité, et son unicité, à prendre conscience ou découvrir la flore et la faune, leurs interactions, leur interdépendance. Il ne s’agit pas d’une forme de retour naïve à un état de nature primitif, mais de prendre le temps d’observer la nature et de vivre à son rythme. Une lecture riche et apaisante.
Un comics aux saveurs épicées.
Quel plaisir de retrouver Ram V et Felipe Andrade, sans oublier Inês Amaro, après leur merveilleux Toutes les morts de Laila Starr.
Mange-t-on pour vivre ou vit-on pour manger ?
Ram V nous transporte dans son pays, l'Inde, à travers une fable où le folklore local prendra encore une place importante avec la présence de Bakasura, un démon oublié de l'ancien temps. Mais un démon à l'appétit gargantuesque qui aime aussi se délecter de chair humaine.
On va suivre Rubin et Mohan dans leurs pérégrinations pour réaliser un documentaire ou plutôt un doculinaire : "Le dernier festin de Rubin". Deux personnages torturés, complexes et psychologiquement bien travaillés.
Une histoire humaine teintée de fantastique qui questionne sur notre rapport à la nourriture, sur l'évolution de celle-ci et qui va puiser dans le passé et les souvenirs de nos deux globe-trotteurs pour la montrer différemment. La cuisine, ne serait-ce pas aussi de l'art (et non lard) ?
Une histoire passionnante qui nous fait découvrir les somptueux paysages de l'Inde tout en explorant les tourments de Rubin et Mohan, avec pour fil conducteur ce doculinaire.
Une narration singulière puisqu'elle glissera dans chacun des six chapitres une recette de cuisine indienne, tel un ingrédient indispensable à la réussite de ce récit gastronomique.
Une délectable lecture.
Une lecture dépaysante qui doit beaucoup à Felipe Andrade et à son coup de crayon vif, délié, très expressif et parfois à la limite du brouillon. Il joue aussi occasionnellement, mais volontairement, sur des proportions non respectées pour mieux capter notre attention. J'adore son style.
Un dépaysement qui doit énormément aussi aux chaudes couleurs de Andrade et Amaro. Il y a quelque chose de magique dans les combinaisons des couleurs pour retranscrire toutes les ambiances différentes des nombreux décors.
Somptueux !
Une BD qui ne peut que vous mettre l'eau à la bouche.
Coup de cœur.
Ah ! Enfin ! Après avoir pas mal cherché, je trouve enfin à nouveau un "grand" Christophe Bec !
Dans son oeuvre beaucoup trop prolifique, c'est peu dire que le génial côtoie le raté, même si on peut reconnaître à Bec de toujours savoir créer une histoire à potentiel. Mais l'essai n'est pas toujours transformé. Ici, il l'est !
Bec nous propose un scénario qui évoque des grands classiques du genre (Mimic de Guillermo del Toro, effectivement), mais qui réussit également à tracer sa propre voie. L'univers de Mégalopol est classique, mais d'une efficacité redoutable, avec ses parias qui vivent dans les égoûts, son maire corrompu, et ses créatures mystérieuses qui hantent les sous-sols. Bec parvient à créer un suspense d'autant plus efficace qu'il est ramassé sur deux tomes seulement, et évite les digressions meurtrières.
En outre, il réussit à créer des personnages plutôt réussis. Là encore, on a tous les stéréotypes du genre, mais ça fait aussi partie du contrat, d'avoir ces personnages tout droit sortis d'un film des années 80-90 : le maire qui écrase la ville du haut de son piédestal, le policier brutal mais loyal, un peu macho mais pas trop, l'héroïne scientifique, assez courageuse mais qui ne fait pas trop d'ombre aux hommes du récit non plus... On pourrait trouver ça daté, mais ici, Bec emploie ces stéréotypes avec un second degré qui ne les empêche jamais de jouer efficacement leur rôle.
On peut éventuellement trouver l'affrontement final un peu trop expédié (en fait, il n'y a pas vraiment d'affrontement final), mais c'est une conclusion logique pour le récit, amené par d'autres éléments antérieurs dans la narration. Et surtout, Bec réussit à articuler ses différents groupes de personnages de manière assez magistrale, sans jamais tomber dans la surenchère ou s'égarer sur des arcs narratifs insipides.
Du côté du dessin, c'est légèrement plus inégal. Je trouve que le dessin de Raffaele manque un peu de personnalité, mais il s'améliore au fur et à mesure du récit, et à mon sens, il est plus réussi dans le second tome, donc ça va dans le bon sens. Même si je regrette toujours que Bec ne dessine pas davantage, car dans ce type de récit, c'est là où il excelle avec ses jeux d'ombre d'une élégance que seul lui maîtrise... Mais j'imagine qu'il y passe du temps, et je comprends tout à fait qu'il ne puisse pas tout dessiner !
Quoiqu'il en soit, Under est donc une saga très réussie, qui peut s'appuyer sur les qualités de Bec comme conteur et un dessin qui, à défaut d'être parfait, fonctionne bien, pour marquer durablement son lecteur. On prévient quand même les lecteurs sensibles que certaines scènes sont susceptibles de heurter quelques sensibilités, il y a une vraie horreur profonde par moments. Ce qui ne fait que renforcer la grande qualité de l'oeuvre !
Chez Adolf nous confronte au quotidien des habitants d'un petit immeuble, dans un petit village probablement en forêt noire (le lieux et les personnages sont tous fictifs). Le point central du récit est un personnage appelé Karl Stieg, professeur dans l'école du village en question. A travers ses yeux d'allemand moyen, mais humaniste, on suit la descente aux enfers d'une Allemagne tombée sous le charme empoisonné d'Adolf Hitler. Ce en 4 tomes s'étalant de la nomination d'Hitler à la chancellerie du Reich en 1933 jusqu'à la capitulation sans condition du Reich Millénaire en 1945.
Karl Stieg se détache cependant quelque peu du lot en ce sens qu'il n'est pas aveuglé par le nazisme, voit très bien que cela finira mal, mais préfère se taire et suivre. Une forme de lâcheté, émaillée de quelques moments courageux. Cette série est une petite ode à la part d'humanité qui demeure en chacun de nous, et qui peut se manifester de la manière la plus étonnante et inattendue qui soit. Sachant que "Chez Adolf" ne nous cache rien non plus des faces sombres du nazisme.
Une autre grand force de cette série, c'est de nous montrer l'omniprésence d'Hitler, et son emprise sur ses concitoyens: on ne le voit en effet jamais, et pourtant il semble être partout.
Au final, Chez Adolf n'a qu'un seul défaut empêchant la note maximale: une sous-intrigue inutile à laquelle je n'ai rien compris alourdit un peu l'ensemble. En effet, Karl Stieg se retrouve obligé de commettre un crime pour sauver une amie. L'objet du délit est ensuite dissimulé sous les yeux d'un observateur inconnu, qui ira déterrer l'ensemble 3 ans plus tard. Mais on ne saura rien de plus. Rien de tout cela n'est résolu. De même que Stieg se voit confié des documents compromettants. Quelqu'un viendra les récupérer en fouillant son appartement. Pareil, on ne saura jamais qui était derrière tout cela. Dommage car on était proche du sans faute.
Cela arrive souvent qu’on désire ce qu’on ne peut pas avoir.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2021 pour la version française, de 2020 pour la version originale. Il a été réalisé par Anneli Furmark pour le scénario, les dessins et les couleurs, traduit du suédois par Florence Sisask. Il comporte deux-cent-vingt pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une citation de Leonard Cohen., un extrait de la chanson Hey that’s no way to say goodbye, qui donne son titre à l’ouvrage.
Elise avait toujours cru que c’était une affaire de maîtrise de soi. C’était une soirée comme les autres. Le chat était couché à une distance respectueuse et ronronnait nonchalamment. Ses ronronnements s’arrêtaient puis reprenaient de plus belle. Du rez-de-chaussée lui parvenaient les jurons lancés par Henrik, occupé à décaper de vielles fenêtres qu’il avait dénichées et avec lesquelles il pensait construire une serre l’été prochain. Peut-être une vitre s’était-elle cassée. Elise avait consulté la sélection que Netflix lui avait créée tout spécialement pour elle. Mais pour qui me prennent-ils ? pensait-elle. Que savent-ils de moi, au juste ? Elise s’était mise à regarder quatre séries différentes qui l’avaient toutes rapidement ennuyée. Elle éprouvait une sorte de manque, cherchait à se rappeler la dernière fois qu’elle avait été captivée par quoi que ce soit à la télé. Le petit symbole indiquant l’arrivée d’un message surgit alors sur l’écran de son portable. Pourvu que ce soit elle, pourvue que ce soit elle, se répéta-t-elle. C’était bien elle. Elles s’étaient rencontrées dans une fête et s’étaient frôlées toute la soirée. Sans pouvoir engager la conversation. Il y avait une foule d’importuns autour d’elles. Cela n’empêchait pas Elise d’être intéressée, au contraire. Dagmar Janson Wright également, peut-être. Elise savait maintenant que tel était son nom. Tout rapprochement s’était avéré d’autant plus difficile qu’Elise avait été frappée d’un accès de timidité aussi inattendu qu’intense.
Elise et Dagmar échangent quelques mots, la première sur un article que la seconde a lu, et cette dernière sur son métier d’otorhinolaryngologiste. Elles finissent par s’enlacer chastement l’espace de trois secondes pour se dire au revoir. Elise se tient dans la salle de bains et s’examine attentivement. Ses moindres imperfections lui sautent aux yeux. Ses rondeurs, ses pâleurs. Comme une ado peu sûre d’elle, elle voudrait tout changer. Pourrait-elle jamais se montrer nue à qui que ce soit d’autre ? se demande-t-elle. À quelqu’un qui ne serait pas Henrik ? Lui qui n’avait jamais prononcé le moindre mot désobligeant sur son physique. Ni rien de gentil non plus. Pas depuis plusieurs années, en tout cas. Non, de toute manière, il ne serait question de nudité avec quelqu’un d’autre ! Son imagination lui jouait des tours, voilà tout. Ces derniers temps, de nouvelles lignes profondes étaient également apparues sur son visage. Henrik, Elise disait que jamais, au grand jamais elle ne le quitterait.
Une histoire d’amour ordinaire : une femme de cinquante-six ans, mariée depuis vingt-trois ans à un homme qu’elle aime, deux fils adultes et indépendants Felix et Leonard, tombe amoureuse d’une autre femme de son âge, en couple avec une compagne Jenny et parents de deux filles. En même temps, une histoire d’amour qui sort un peu de l’ordinaire du fait de l’âge de l’héroïne, du confort émotionnel et affectif de son mariage, du chemin tout tracé menant à la vieillesse et à son déroulement sans histoire. Le récit passe par les phases attendues : la valse des hésitations, la passion entre ces deux femmes, le choc pour Henrik le mari d’Elise, et la remise en cause de leur union, les rencontres à l’hôtel, le tourbillon émotionnel, le développement d’un amour à l’identique de celui de personnes plus jeunes. Les dialogues par SMS (Mais comment faisait-on pour communiquer avant ?), l’attrait de la nouveauté, le partage de choses appréciées (par exemple au travers de playlists, comprenant, entre autres, Hey, that’s no way to say goodbye, extrait de Songs of Leonard Cohen de 1967, A case of you, extrait de Blue, le premier album de Joni Mitchell en 1971), l’achat du premier cadeau (un parfum) qui ne rentre pas forcément dans le budget, les rencontres dans des lieux neutres éloignés du foyer familial respectif, la question du divorce qui remet en cause de nombreuses années de vie en commun, de bagages accumulés, de souvenirs partagés, le risque de tout perdre, la possibilité de retrouver la capacité d’être amoureuse, d’éprouver de la passion, mais aussi l’envie que le calme revienne à n’importe quel prix, ainsi que la sérénité.
D’un point de vue narratif, la bande dessinée commence sous la forme de trois cases par page, les unes au-dessus des autres, et du texte en vis-à-vis. D’une certaine manière, le lecteur peut avoir l’impression que les images ne font que montrer une partie de ce qui est indiqué dans le texte. Cela change dès la troisième page alors que la conversation s’engage entre Elise et Dagmar, avec des phylactères. En page vingt-six commence une séquence muette, de quatre pages, durant laquelle la narration s’effectue exclusivement par les images. En fonction de la nature de la scène, l’autrice choisit son mode de narration visuelle, entre le texte illustré et la bande dessinée plus traditionnelle pour une narration séquentielle classique. Elle croque les personnages de manière simplifiée, sans chercher à les rendre jolis ou beaux, avec des traits de contours un peu grossiers tout en étant assurés. Il n’en découle pas une apparence infantile, mais plutôt une forme de ressenti, donnant la sensation de correspondre à l’état émotionnel d’Elise. Le lecteur observe également que les deux tiers de la narration se déroule dans des scènes de dialogue, et que l’artiste sait varier les plans de prise de vue, entre les gros plans, avec des plans plus larges montrant l’occupation de l’interlocuteur, le lieu où il se trouve. Le lecteur a vite fait de se prendre de sympathie pour ces êtres humains normaux, avec un langage corporel mesuré et expressif à bon escient.
La narration visuelle emmène également le lecteur dans des lieux variés : le salon d’Elise et Henrik, leur chambre avec le lit conjugal, la chambre d’ami avec un lit une place, la salle de bains, la soirée où Elise rencontre Dagmar, le train, le bureau d’Elise, une plage, les rues d’une ville, une pelouse à l’ombre d’un châtaigner, deux balades en forêt, un carton de déménagement, le nouvel appartement d’Elise. La dessinatrice s’affranchit parfois de représenter les arrière-plans, pendant une séquence entière (la rencontre entre Elise et Dagmar) pour insister sur le fait que toute l’attention des personnages est focalisée sur les autres personnes présentes. Elle dose savamment les éléments représentés, les vues globales ou les détails : le lit deux places dans son entièreté ou une partie d’une patère. Le lecteur prend vite conscience également de l’usage personnel de la mise en couleurs. Le début baigne dans des tons gris-bleu, puis une teinte verdâtre leur succède. Des touches de couleurs apparaissent de temps à autre. Les nuances de gris reviennent. Un jaune délavé et triste pour la baignade. Du vert plus vif pour les promenades dans la nature, l’artiste passant alors en mode couleur directe. Le lecteur se rend compte qu’elle utilise ces teintes en mode expressionniste pour refléter l’état d’esprit émotionnel ou affectif d’Elise, son ressenti du moment, ou celui qu’elle éprouve en repensant à un moment du passé. Petit à petit, sans en avoir conscience, le lecteur est gagné par ces états d’esprit, le sien devenant en phase avec celui d’Elise, ce qui génère une forte empathie comme s’il avait accès à son intimité émotionnelle.
Le lecteur se sent entièrement impliqué dans cet amour qui remet en cause la vie toute tracée et bien établie d’Elise. Il ne s’attend pas à de grandes révélations ou à un psychodrame : la vie suit son cours, tout en ayant dévié de celui le plus probable, sans heurt. Une histoire très classique, tout en étant unique parce qu’elle concerne ce personnage étoffé et pleinement développé aux yeux du lecteur et dans son cœur. La rencontre avec Dagmar a ranimé la passion dans son cœur et celle-ci s’accompagne de changements inéluctables. Plus que cela, elle éprouve la seule certitude de la vie : le doute. Pourra-t-elle concilier cette relation extraconjugale avec son mariage ? Quel sera le prix à payer ? Elle va apprendre à découvrir ce nouvel être cher, mais aussi elle va devoir apprendre comment gérer de nouvelles situations, de nouvelles démarches, ce qui représente un défi tout aussi grand. Tout du long, elle n’a aucune certitude de retrouver un bonheur équivalent à celui qu’elle pensait assuré avec son époux, construit pendant vingt-trois ans de mariage.
Une histoire d’amour pour une épouse fidèle âgée de cinquante-six ans : voilà une histoire racontée avec une belle sensibilité. Une narration visuelle qui transmet organiquement l’état d’esprit d’Elise, sans chercher à l’enjoliver, créant tout naturellement une relation intime et délicate avec le lecteur. Une histoire banale et unique : pas un drame mais une remise en question d’un avenir assuré, le retour des émotions accompagnant la passion amoureuse, et en même temps le doute sur cette relation, sur son avenir. Touchant et émouvant.
Il semblerait que l'ami Alix aime les accroches d'introduction aussi en voilà une : sans une p@@@in de conjonctivite, j'aurais dévoré ce récit d'une seule traîte tellement je l'ai trouvé fascinant !
En effet, se pénaliser l'oeil droit par une pommade antibiotique n'aide pas à une lecture sereine. Pourtant un seul suffit à admirer les dessins de Stéphane De Caneva et à savourer l'histoire prenante concoctée une fois de plus par le génial Serge Lehman.
Leur travail commun sur le fascinant Metropolis (Delcourt) était amplement suffisant pour me précipiter dans ma librairie favorite sur ce livre. Et quel joli objet entre les mains ! Dos toilé, couverture dorée rappelant les éditions Hetzel pour Jules Verne et titre mystérieux, tout est réuni pour une évasion totale et dépaysante : contrat largement respecté !
Ce ne sera pas une surprise mais la seule facilité est de reprendre un peu les ficelles de L'Homme gribouillé en entremêlant un quotidien ordinaire avec un soupçon de....... rêverie (afin d'éviter tout spoil et de rester cohérent).
La présentation de cette bande de copains d'enfance aux destinées différentes dans un passé qui me parle (je dois avoir peu ou prou le même âge que les protagonistes et partage leurs goûts musicaux) sur une trentaine de pages est tout simplement accrocheuse. L'arrivée de Neige au sein de cette bande apporte le charme nécessaire. C'est à l'aube de leur quarantaine lorsque cette dernière disparait brutalement que l'histoire principale prend son envol définitif avec l'enquête liée qui donne une lecture différente de la ville de Paris, un soupçon d'investigations dignes de Lovecraft et un maître mot : l'amitié et la rupture d'une vie rangée.
Comme déjà écrit plus bas par Pol, l'intensité ne retombe jamais, les rebondissements fusent et la mécanique tourne du tonnerre. De Canépa ose même dans les dernières pages un style graphique en noir et blanc encore plus intense qui m'a même fait décrocher la machoire.
Ok j'ai eu mal aux yeux mais ça valait largement le détour, voici à coup sûr un des meilleures lectures de cette rentrée 2024. Il y a encore probablement plein de bons livres à venir mais il y aura pour moi un avant et un après "Navigateurs". Et ce n'est pas une fichue conjonctivite qui m'en aura gâché le plaisir. Au contraire, elle m'aura permis de lire ceci en deux soirées et donc d'en ressentir 2X plus de délectation.
Aventure distrayante et imaginative
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Ce tome comprend les 6 épisodes de la minisérie parue en 2011. Il peut se lire indépendamment de la continuité de Spider-Man et de Wolverine.
Au Crétacé, Peter Parker s'est fait un bandana avec la partie rouge de son costume. Il s'est fabriqué une lunette d'observation qui lui permet d'apercevoir la météorite qui va transformer les dinosaures en espèce disparue. Dans son antre, il a capturé plusieurs espèces d'araignées qu'il a mises en cage. Et il s'adonne à la sculpture sur bois, pour représenter à chaque fois le même visage d'une jeune femme (Sara Bailey). Devant l'annihilation imminente de son écosystème, il va rendre visite à Logan qui règne sur une tribu de primates (un peu trop proche d'hominidés pour être honnête à l'époque du Crétacé). Peter se souvient que tout a commencé quand Wolverine et lui se sont interposés lors d'un braquage de banque, perpétré par The Orb (Drake Shannon) et ses hommes de main, pour dérober d'étranges diamants. Cette situation sortant de l'ordinaire va projeter les deux superhéros dans différentes époques, sans rime ni raison. Ils auront bien du mal à reprendre le dessus.
Attirer de nouveaux lecteurs est un défi sans cesse renouvelé pour les deux grands éditeurs que sont Marvel et DC Comics dont les revenus dépendent de l'exploitation de personnages bénéficiant (ou traînant derrière eux) plusieurs dizaines d'années de continuité. Régulièrement ils tentent de nouvelles initiatives pour aller chercher ces clients potentiels qui ne lisent pas de comics. Au début des années 2000, Marvel décide de proposer des histoires faiblement connectées à la continuité en les repérant par l'adjectif Astonishing (ce qui est le cas de cette histoire, ou de Astonishing X-Men ou Astonishing Thor). La mission de Jason Aaron : raconter une histoire divertissante, mettant en avant Spider-Man et Wolverine, sans se perdre dans les méandres d'une continuité plusieurs fois décennales.
Mission accomplie : Aaron balade ses deux superhéros d'une situation rocambolesque inventive à l'autre, avec une décontraction éhontée très agréable. Jason Aaron va piocher de ci de là dans les recoins de l'univers Marvel pour alimenter son récit haut en couleurs. Il n'hésite pas à s'autoréférencer avec The Orb qu'il avait déjà remis au goût du jour dans Ghost Riders - Heaven's on fire. Et ce personnage est aussi grotesque et bancal que bien mis en valeur. C'est avec la même maestria qu'il propose des versions loufoques ou menaçantes selon les cas de différents personnages Marvel, connus ou méconnus (tel que le passage gratuit de Devil Dinosaur ). Pour les connaisseurs de l'univers partagé Marvel, il s'agit d'autant de clins d'œil savoureux, pour les autres ces éléments ajoutent à l'exotisme du récit. En prime, Aaron va également piocher un personnage connu pour occasionner le genre de désagréments subis par Spider-Man et Wolverine et en profite pour glisser subrepticement et discrètement un petit métacommentaire assez savoureux sur l'industrie du divertissement (dont font partie les comics et donc celui que le lecteur est en train de lire).
Les six épisodes sont dessinés par Adam Kubert, encrés par Mark Morales (épisodes 1 et 2) et Mark Roslan (épisodes 3 à 6). Je ne suis pas un grand admirateur d'Adam Kubert dont je trouve le style assez fade, malgré des postures ou des compositions de cases parfois intéressantes. Ici, force m'est de reconnaître qu'il est dans une grande forme. Le lecteur retrouve son style caractéristique et ses tics de composition, et de rendus des contours. Mais entraîné par la vivacité du scénario et les situations inventives, Adam Kubert imagine des visuels qui retiennent l'attention par leurs détails et leur ambiance générale. Même si son rendu des décors reste imprégné d'une once de naïveté premier degré, elle sied bien à ces situations improbables. Le regard de Kubert transcrit l'émerveillement nécessaire à ces aventures plus grandes que nature. Certes l'antre de Peter Parker au Crétacé n'a rien de réaliste, mais elle dégage une ambiance en adéquation avec cette situation extraordinaire. Adam Kubert rend l'apparence de Orb au premier degré, ce qui transforme une idée ridicule (un œil géant à la place de la tête) en un élément bizarre et dérangeant. De même la description factuelle de l'ersatz de costume de Spider-Man dans l'épisode 2 le rend à la fois digne de respect et ridicule. Pour une fois Kubert s'intéresse également aux décors qui ont une importance majeure dans l'histoire du début jusqu'à la fin (avec une petite baisse uniquement dans l'épisode 5). Cet investissement de temps dans le dessin des décors permet au lecteur de continuer à s'immerger dans les différents endroits aussi improbables soient ils.
Sur un ton léger et badin, Aaron assaisonne grand spectacle, péripéties rocambolesques, sans oublier une interaction savoureuse entre ses deux superhéros, dans la plus pure tradition des couples mal assortis. Il joue aussi bien sur le registre de la comédie humoristique, que sur des sentiments plus profonds sans être exacerbés ou téléphonés. Impossible de bouder son plaisir à la lecture de cette histoire de superhéros bien ficelée, sans être compliquée, référentielle sans être indémêlable, pleine de vie avec un peu de profondeur de temps en temps.
J'ai beaucoup aimé ce roman graphique dont les 8 "contes" et les destins des 8 heros singuliers se déroulent simultanément dans un Royaume medieval imaginaire. Le graphisme est vraiment tres riche, parfois tres ciselé mais fluide, raccord avec l’imaginaire medieval. Les dialogues sont musicaux, l’histoire étrange fait réfléchir et donne envie d’y revenir. Les couleurs originales et la bichromie par personnage rythment le récit. Une BD qui sort du lot.
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Revoir Comanche
Grand amateur de Comanche (je possède évidement tous les albums de la période Hermann-Greg , ainsi que la version éditée par Niffle en deux volumes) j''attendais cet album avec impatience et , il faut le dire, avec une certaine appréhension. En effet le dessin de Romain Renard est à mille lieux de celui d'Hermann, mais pour ma part il était inutile de copier le dessin original pour rendre hommage au "sanglier des Ardennes". Après tout, Schuiten, avec "le dernier pharaon" n'a -t-il pas été à mes yeux un des meilleurs repreneurs de la série, avec son dessin si particulier ? A la fois au scénario et au dessin, Romain Renard nous propose une histoire qui de déroule en 1930 avec Red Dust comme héros. Sur la route vers le ranch triple 6, nous suivons un véritable road- movie, il faut dire que l'intrigue s'étire sur près de 150 pages. Nous retrouvons notre Red Dust certes vieilli mais toujours aussi bourru ,mystérieux et amer. Par contre, j'avoue ne pas avoir été très surpris par les révélations finales, et c'est peut-être le seul bémol à apporter à ma lecture (mais je n'ai pas lâché ce bouquin jusqu'au bout) . L'auteur distille dans ce récit des éléments sur la crise de 29, sur le sort des derniers indiens, mais aussi sur ces tempêtes de sables, qu’avaient magnifiquement évoqué Aimée de Jongh avec Jours de sable. C’est peut-être au niveau dessin que certains peuvent être déstabilisés. En nous proposant un dessin en noir et blanc très propre, nous sommes très loin de l’ambiance créée par Hermann. Il me semble en outre que l’auteur mélange parfois des photographies (ou images réalisées avec ordinateur) et des dessins, mais peut-être me trompe-je. En tout cas, j’ai passé un très bon moment de lecture et cet album m’a donné envie de me replonger dans les albums inoubliables de Comanche.
Léopoldville 60
Bref, la grande histoire passée au tamis de la petite. - Ce tome est le deuxième de la série consacrée à Kathleen Van Overstraeten, en termes d’ordre de parution, et également le deuxième, à ce jour, par ordre chronologique de sa vie. Sa première édition date de 2019. Il a été réalisé par Patrick Weber pour le scénario, Baudouin Deville pour les dessins et l'encrage, Bérengère Marquebreucq pour la mise couleurs, qualifiée de mise en lumière, c’est-à-dire la même équipe que celle des quatre autres albums de la série : Bruxelles 43 (paru en 2020), Sourire 58 (paru 2018), Berlin 61 (paru en 2023), Innovation 67 (paru en 2021). Ce tome comporte cinquante-deux pages de bande dessinée. Il se termine avec un dossier de huit pages, agrémenté de photographies, intitulé Le Congo belge et Léopoldville, retour dans des mondes disparus, découpé en plusieurs articles : une page de contexte rédigée par Patrick Weber, Une histoire de femmes et d’homme, de noirs et de blancs, L’ombre de Tintin, Petit guide de Léopoldville (L’hôtel Memling, le jardin zoologique, le marché indigène, le musée indigène, l’aérogare, la statue de Stanley, la statue de Léopold II, le quartier indigène), l’enjeu de l’uranium, un voyage secret, la manne de l’uranium, Indépendance cha-cha, témoignages d’époque (un second pilote de la Sabena, un steward), 30 juin 1960 indépendance du Congo et après. Dernier article : une interview de Robert Van Michel chef de secteur de la Sabena à l’époque, intitulée le pont aérien Sabena de 1960 une odyssée humaine. À bord d’un vol Bruxelles-Léopoldville, l’hôtesse de l’air Kathleren Ovserstraeten répond à l’appel d’un passager qui souhaite encore avoir un scotch whisky. La responsable du vol Francine Merckx lui indique discrètement de lui méfier de cet oiseau, car quelque chose lui dit qu’il lui faudra beaucoup plus qu’un scotch pour se rafraîchir le gosier. Kathleen doit le servir car le client est roi, mais s’il dépasse les limites madame Merckx se fera un plaisir de lui rappeler les vertus de la sobriété. Le client est satisfait et il tend sa carte à Kathleen lui précisant qu’il descend à l’hôtel Regina et que si le cœur en dit à la jeune femme, ce sera à son tour à lui de lui offrir un verre. La discussion se poursuit ensuite entre madame Merckx et Kathleen dont c’est le premier vol à destination de l’Afrique. En janvier 1960, à Léopoldville, Célestin Bembé est reçu par Pierre Stevens et Arsène Jeanmart qui lui proposent le poste de contrôleur de gestion pour leur agence de Boma. Bembé répond de manière véhémente que c’est très généreux de leur part, mais qu’il ne peut pas accepter. Il ajoute qu’ils ne comprennent pas ce qui se passe ici : bientôt c’est eux qui le solliciteront pour un emploi, car ce pays est aux Africains ! Ils le congédient, ce qui n’atteint pas Bembé convaincu que l’histoire est en marche. Le soir, à la mine d’or d’Uvira au sud Kivu, un individu s’introduit subrepticement sur le site et cloue un masque de sorcier sur la porte du bâtiment principal. En découvrant ce masque le lendemain, les ouvriers africains refusent de travailler dans la mine. Comme pour les autres albums, les auteurs ont choisi une année clé dans l’histoire de la Belgique : l’indépendance du Congo belge a été déclarée le 30 juin 1960, après avoir été une colonie depuis le 15 novembre 1908, soit pendant cinquante-deux ans. Dans son introduction au dossier en fin d’ouvrage, le scénariste précise la nature de cette bande dessinée et son ambition : cet album n’ambitionne pas de porter un jugement sur l’entreprise colonisatrice, sur sa fin et encore moins sur ce qu’il est advenu du Congo depuis son indépendance. Les historiens n’ont pas fini de se pencher sur ces épisodes souvent tragiques et toujours contrastés de la saga nationale congolaise. À travers l’héroïne Kathleen apparue dans l’album Sourire 58, les auteurs ont voulu présenter les événements de 60 sous un angle particulier. Simple et individuel, d’abord parce tous les épisodes historiques se vivent d’abord d’un point de vue personnel. Dans les deux camps, comment les protagonistes ont-ils eu peur ou faim ? Quels étaient leurs regrets ou leurs espérances ? Leurs joies et leurs peines ? Bref, la grande histoire passée au tamis de la petite. De fait, la narration présente les choses elles sont, ou plutôt comme elles étaient, à la fois en termes de représentation visuelle, et en termes de relations sociales, sans révisionnisme politiquement correct. Par exemple, les Congolais appellent les métropolitains par le terme de Bwana, et réciproquement les blancs parlent des Évolués pour désigner la classe moyenne noire qui s’européanisa au Congo belge. Comme dans les autres tomes, le positionnement des dessins dans un registre réaliste et descriptif apparenté à la ligne claire s’avère parfait pour montrer les choses, pour donner à voir des quartiers de Léopoldville, les véhicules, les tenues vestimentaires. Tout commence avec une vue magnifique du d’un avion de la Sabena en plein vol : un Douglas DC6, avion quadrimoteur utilisé par la Société Anonyme Belge d'Exploitation de la Navigation Aérienne, compagnie aérienne nationale belge (1923-2001). Le lecteur garde les yeux grands ouverts pour ne rien perdre : une vue extérieure de l’hôtel Memling à Léopoldville, les wagonnets de la mine d’or d’Uvira, plusieurs artères de la capitale congolaise, les belles voitures, quelques restaurants, la statue de Henry Morton Stanley (1841-1904, journaliste et explorateur) dans le site de son ancien camp retranché, le jardin zoologique de Léopoldville, un bar dans le quartier indigène de Bandalungwa, le musée de la vie indigène, l’aéroport d’Elisabethville à Katanga, des demeures dans le quartier blanc, des maisons dans un quartier indigène, l’avenue Baron van Eetvelde, une séquence dans la brousse, le marché indigène, les bureaux de la Sabena, et un des cinq Boeing 707 affectés à la Sabena pour l’évacuation. La richesse du récit permet également au lecteur de prendre le temps de passer par une rue de New York, plusieurs rues de Bruxelles et même un café pris à l’hôtel Métropole sur la place De Brouckère où se trouve la fontaine Anspach, l’aéroport de Zaventem, une pharmacie bruxelloise pour faire le plein de produit anti-cafards. Les auteurs respectent leur note d’intention et l’Histoire se vit à hauteur d’être humain. Le lecteur retrouve avec plaisir Kathleen Overstraeten et son amie Monique. L’artiste reste dans un registre de type ligne claire, avec un degré de simplification dans leur représentation, tout en conservant un bon niveau de détails, avec une physiologie spécifique pour chacun, des tenues vestimentaires appropriées et en accord avec leur personnalité, et une direction d’acteur de type naturaliste. De temps à autre, une expression de visage peut être un peu exagérée, pour accentuer une émotion, une fois de temps en temps pour un effet comique. Le dessinateur accorde la même valeur à chaque être humain, quelle que soit son origine, ce qui fait ressortir le comportement condescendant au mieux, méprisant au pire des colons, envers les évolués et les non-évolués. La coloriste effectue un travail remarquable de mise en lumière, utilisant avec à propos les aplats de couleurs pour apporter une forte consistance à certaines zones détourées, pour ajouter une forme d’ombrage à d’autres pour accentuer le relief. Elle conçoit une palette restreinte spécifique à chaque séquence pour rendre compte de l’ambiance lumineuse, et de l’environnement, plutôt urbain ou plutôt végétal. Comme à son habitude, le scénariste entremêle une reconstitution historique avec une intrigue romanesque, et une fibre sentimentale. La reconstitution historique visuelle est complétée par de nombreuses références dans les dialogues : le nzombo (plat de poisson fumé), le moambe (plat préparé à base de chair de noix de palme à laquelle on rajoute la viande et les condiments), le terme Évolué (terme utilisé pour décrire la classe moyenne noire qui s’européanisa au Congo belge), Henry Morton Stanley (1841-1904, journaliste et explorateur), les scheutistes (congrégation religieuse missionnaire fondée à Scheut en 1862 par le prêtre Théophile Verbist, 1823-1868). L’intrigue romanesque comprend une composante d’espionnage industriel, avec manipulations, agitations et même un enlèvement. D’un côté, le lecteur retrouve cet ingrédient présent dans chaque tome de la série ; de l’autre, il s’agit d’une réalité historique générée par l’intérêt économique et stratégique pour un minerai bien particulier et essentiel dans l’histoire de cette colonie et du pays colonisateur. Dans ce tome, l’histoire personnelle des protagonistes se développe de manière organique, que ce soit Kathleen devenue hôtesse de l’air, ou les parents de son amie Monique installés à Léopoldville, ou encore la relation amoureuse de Monique avec Célestin Bembé. Le lecteur apprécie la référence à l’album Sourire 58 (2018) au cours duquel les deux jeunes femmes s’étaient liées d’amitié. Il identifie du premier coup d’œil un autre personnage présent dans ce précédent album, créant ainsi une continuité légère qu’il n’est pas indispensable de connaître pour apprécier le récit. Les personnages blancs représentent la majorité des protagonistes avec des dialogues, pour autant les Africains sont également présents et ils ne sont pas cantonnés à de la figuration en arrière-plan. Le dossier en fin d’album s’avère agréable à lecture, facile d’accès, tout en fournissant des compléments et une ouverture sur d’autres dimensions de la colonisation qui ne pouvaient pas être exposés dans l’histoire principale faute de place. Ce deuxième album de la série par ordre de parution s’avère une excellente réussite, tout comme le premier. Les auteurs réalisent une bande dessinée de grande qualité, avec une narration visuelle de type ligne claire très réussie, une histoire mêlant Histoire, intrigue d’espionnage, enjeux personnels aussi bien sociaux qu’émotionnels, pour évoquer la période complexe de la fin d’une colonie belge avec un point de vue à hauteur d’être humain.
Par la force des arbres
Le chêne, pas les chaînes - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2023. Il s’agit d’une transposition en bande dessinée du roman du même nom avec la participation de son auteur Édouard Cortès comme coscénariste, en équipe avec Dominique Mermoux coscénariste, et qui réalise également les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée. Dans le Périgord noir, dans une forêt en bordure d’un château et d’un village. À six mètres de hauteur, Édouard Cortès vit seul dans les branches d’un chêne. C’est le printemps. Il est entré dans sa cabane pour un long séjour de silence. Perché dans un arbre, il a la ferme intention de renaître avec lui. Il va nicher dans cette cachette construite de ses mains. Entre quatre branches, l’abri de bois et de verre le protège des regards et du bruit. Un lieu rare. Inespéré dans son état. Il se sentait fatigué du monde d’en bas et de lui-même, il est donc monté là-haut. Les autres, sans doute aussi, s’étaient lassés de lui. Il entreprend une métamorphose à l’ombre des forêts. Il veut voir à hauteur d’arbre. Ce 21 mars 2019 au matin, il a étreint sa femme Mathilde et ses deux enfants, enfilé ses bottes, supprimé ses comptes sur les réseaux sociaux, envoyé promener mille cinq cents amis invraisemblables pour en garder quatre ou cinq vrais. À presque quarante ans, il a beaucoup de doutes sur ses certitudes et peu de convictions sur ses illusions. Éloigné des hommes, il est décidé à arracher tout ce lierre qui l’étouffe. Quand la mort approchera, il aimerait pouvoir répondre sans crainte : A-t-il eu assez d’audace pour suivre son étoile ? Toute une civilisation est née dans l’humus des chênes du Quercy : c’est à leurs racines que se cache la truffe noire qu’il aime à caver avec son chien. C’est dans ce berceau de France, celui des souterrains médiévaux de Paluel, de la Vierge noir de Rocamadour, des duels du hussard Fournier, de Tounens roi de Patagonie, des expéditions de Larigaudie, des noix et des arbres truffiers qu’il a planté ses souvenirs d’enfance. Les faunes et les sylvains l’ont lié au pays De la servitude volontaire. Cet ancrage lui a-t-il accordé une certaine latitude dans ses chemins ? La lecture de La Boétie l’invite à plonger dans le vert. Le chêne pas les chaînes. Février. Un mois et demi plus tôt. L’idée de l’arbre lui a été soufflée par Cyrano. Il relisait un soir Rostand, s’attachant à la bravoure de son cadet de Gascogne comme à une caresse. Dans la dernière scène, il agonise. Il ne veut personne pour le soutenir. Le seul recours que M. de Bergerac s’autorise, c’est un tronc. Pour appuyer ses alexandrins, il touche l’écorce et trouve l’énergie des derniers vers, concluant en allant s’adosser à un arbre, et exigeant que personne ne le soutienne, rien que l’arbre ! Au matin, Édouard avait filé vers la forêt à dix kilomètres de sa maison. Un seul objectif : trouver son arbre. Il agissait par habitude, selon son principe : penser l’action, vivre comme il pense. Cette forêt, il la connaît bien pour s’y être perdu. Cette bande dessinée constitue l’adaptation d’un roman autobiographique, avec la participation de l’auteur, racontant son expérience de vivre dans un arbre au milieu d’une forêt, du 21 mars 2019 au 24 juin de la même année. Une décision simple : s’éloigner du monde pour prendre du recul, une forme de retraite, mais pas dans un monastère ou un ashram, au milieu de la nature dans les branches d’un arbre. Le lecteur peut ainsi l’accompagner dans les quelques semaines qui précèdent son installation dans son arbre, ou plutôt la cabane qu’il a construite dans le chêne qu’il s’est choisi, dans quelques retours en arrière quand il était éleveur de brebis, par deux fois dans son enfance, et dans son quotidien durant ces trois mois passés en hauteur. Il ne s’agit pas d’une retraite en ermite : il voit ses enfants et son épouse chaque dimanche car ils viennent manger avec lui. Vers la fin de son séjour, trois amis viennent passer une soirée avec lui et dormir dans sa cabane. Le récit présente l’organisation de ses journées avec son programme quotidien : sport, méditation, toilette, petit déjeuner, écriture, lecture, ménage, déjeuner, vaisselle, observation, activités manuelles, sport, dîner, harmonica, lecture. Il présente également l’agencement de sa cabane située à six mètres en hauteur : Au nord son vestiaire sur une étagère. Au centre du faîtage, une fenêtre de toit, ouvrable et assez large pour le laisser sortir. Il peut ainsi danser sur les tuiles de bois ou fuguer dans les branches hautes quand l’envie lui en prend. Fenêtre sur le ciel pour, de son lit, rêver les yeux ouverts. Et tous les jours ce puits de lumière inonde son habitat, panthéon miniature à la coupole de bois. Son lit mezzanine s’élève à un mètre et demi plus haut que le plancher. À l’est, vers le soleil levant, un oratoire sur une étagère : un crucifix, une icône de saint David dit le Dendrite (ermite retiré dans un arbre), deux bougies, du papier d’Arménie. Au nord-est, la cuisine : poêle et casserole, un deuxième banc-coffre avec la vaisselle usuelle et les condiments. À côté une petite cuisinière à gaz. Côté sud, son bureau et un tabouret. Sur l’étagère à mi-hauteur, des bocaux de verre (pâtes, riz, noix, fruits secs), son harmonica, des appeaux. Les livres de chevet : Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, L’enfer de Dante, Les pensées de Marc-Aurèle. À l’ouest, le coin toilette : un miroir, une bassine en zinc, deux jerricans d’eau potable, un banc-coffre avec des outils. Côté sud-ouest, une petite terrasse qui s’avance dans le vide. Une branche maîtresse la soutient souplement. La corde permettant de monter les objets lourds ou encombrants. Au soleil le réservoir pour la douche. Ainsi, il peut vivre en autonomie, allant s’approvisionner en eau avec son âne et se nourrissant de provisions amenées avec lui, et de végétaux qu’il récupère. Le lecteur fait vite l’expérience que l’adaptation en BD reprend des portions du livre, rendant le récit copieux, instaurant un rythme de lecture posé. Dans le même temps, la bande dessinée commence par trois pages muettes. Cette adaptation ne se contente pas de montrer en images ce qui faisait l’objet de descriptions dans le livre, et de reprendre le flux de pensée de l’auteur, ses réflexions, ses ressentis. Il s’agit bien d’une bande dessinée, avec des cases disposées en bande ou d’une manière plus libre, sans bordure, et des séquences racontées par une narration visuelle. Le lecteur n’éprouve pas la sensation que les images reprennent des éléments déjà présents dans le récitatif. Le ressenti de la lecture atteste de la concertation entre l’auteur et le bédéiste pour adapter le roman. Régulièrement, la narration visuelle prend le dessus : un dessin en pleine page pour un cerf et une biche, la vue en coupe de la cabane, le déplacement pour aller chercher de l’eau, les activités de la journée, l’observation d’un cerf à la jumelle, une nuit d’orage en deux pages sans texte et le constat des dégâts au petit matin, l’utilisation d’une loupe de botaniste et ce qui apparaît alors, une pleine page pour une belle nuit étoilée, le déplacement d’un sanglier, l’observation d’une biche et de son faon, etc. L’artiste effectue un travail remarquable pour tous les éléments sylvicoles, botaniques et relatifs à la faune. Le lecteur comprend qu’Édouard Cortès dispose de connaissances sur la flore et la faune, et qu’il a emmené des livres pour continuer à se cultiver sur le sujet. Le lecteur peut ainsi voir représenté de nombreuses essences d’arbres (if à deux têtes, houx fragon, chêne, hêtre, tilleul, châtaigner, sorbier des oiseleurs, érable champêtre, merisier, alisier), d’arbustes (noisetier, houx, genévrier, cornouiller sanguin, prunelier, au sol le lierre) et des micro-plantes (hypne cyprès, dicrane en balais, sphaigne des marais). Les rencontres avec des animaux sont également nombreuses, à commencer par les oiseaux (rouge-gorge, geai des chênes, sitelles torchepots, mésanges bleues, pic épeiche, loriot), quelques insectes et coléoptères (fourmis, hanneton, imago du citron, aeshna cyanea, etc.). Ainsi que des animaux : âne, renard, loup, lapin, brebis, écureuil, sanglier, un rapace qui fond sur un pigeon ramier, etc. Dominique Mermoux réalise des dessins un registre réaliste et descriptif avec un petit degré de simplification. La mise en couleurs s’apparente à de l’aquarelle, avec un côté doux, rehaussant les reliefs, et filant une ambiance lumineuse tout du long d’une scène. Il utilise un ton brun – sépia pour les séquences du passé. L’auteur décide donc de se retirer du monde pour se déconnecter du flux incessant, et pour retrouver la sérénité qui l’a abandonné après qu’il ait dû liquider son affaire d’élevage. Ce séjour hors du monde lui permet de considérer la vie d’un arbre, ainsi que tout l’écosystème dont il fait partie. Il va évoquer ou développer des aspects divers : le cavage, le modèle qu’il souhaite donner à ses enfants en tant que père, le formicage, le cycle de l’eau à travers l’arbre et la fonction de climatiseur en période chaude, la médiocrité des objets du quotidien conçus pour devoir être rachetés sans fin, l’isolation des individus, l’affection moderne qu’est l’immédiateté, le chêne qui sacrifie ses branches les plus basses pour mieux se développer (Abandonner un peu de soi, laisser mourir certaines branches pour avancer.), la volonté de vivre (Dans ces instants, ce n’est pas de quitter la vie qui demande du courage, mais de puiser des forces pour la conserver.), le développement de la forêt française, la notion de bonheur (Mais le bonheur, n’est-ce pas d’accepter de n’être jamais absolument consolé ?), etc. Il fait le constat et l’expérience des merveilles de la nature, de l’interdépendance des différentes formes de vie d’un écosystème, de l’absurdité toxique de certaines facettes de la société de consommation. Dans le même temps, le lecteur voit que la démarche de cet homme ne relève pas de l’utopie de l’autarcie, car il continue d’utiliser des objets produits industriellement, et son séjour a une fin programmée. Une adaptation de roman réussie, qui aboutit à une vraie bande dessinée, et pas un texte illustré. Le lecteur partage la vie quotidienne, ses découvertes et les pensées d’Édouard Cortès effectuant une retraite du monde, sous la forme de trois ans passés dans une cabane qu’il a construite dans les branches d’un chêne. La narration visuelle emmène le lecteur dans cet environnement, le rendant témoin du quotidien dans toute sa banalité, et son unicité, à prendre conscience ou découvrir la flore et la faune, leurs interactions, leur interdépendance. Il ne s’agit pas d’une forme de retour naïve à un état de nature primitif, mais de prendre le temps d’observer la nature et de vivre à son rythme. Une lecture riche et apaisante.
Le Dernier Festin de Rubin
Un comics aux saveurs épicées. Quel plaisir de retrouver Ram V et Felipe Andrade, sans oublier Inês Amaro, après leur merveilleux Toutes les morts de Laila Starr. Mange-t-on pour vivre ou vit-on pour manger ? Ram V nous transporte dans son pays, l'Inde, à travers une fable où le folklore local prendra encore une place importante avec la présence de Bakasura, un démon oublié de l'ancien temps. Mais un démon à l'appétit gargantuesque qui aime aussi se délecter de chair humaine. On va suivre Rubin et Mohan dans leurs pérégrinations pour réaliser un documentaire ou plutôt un doculinaire : "Le dernier festin de Rubin". Deux personnages torturés, complexes et psychologiquement bien travaillés. Une histoire humaine teintée de fantastique qui questionne sur notre rapport à la nourriture, sur l'évolution de celle-ci et qui va puiser dans le passé et les souvenirs de nos deux globe-trotteurs pour la montrer différemment. La cuisine, ne serait-ce pas aussi de l'art (et non lard) ? Une histoire passionnante qui nous fait découvrir les somptueux paysages de l'Inde tout en explorant les tourments de Rubin et Mohan, avec pour fil conducteur ce doculinaire. Une narration singulière puisqu'elle glissera dans chacun des six chapitres une recette de cuisine indienne, tel un ingrédient indispensable à la réussite de ce récit gastronomique. Une délectable lecture. Une lecture dépaysante qui doit beaucoup à Felipe Andrade et à son coup de crayon vif, délié, très expressif et parfois à la limite du brouillon. Il joue aussi occasionnellement, mais volontairement, sur des proportions non respectées pour mieux capter notre attention. J'adore son style. Un dépaysement qui doit énormément aussi aux chaudes couleurs de Andrade et Amaro. Il y a quelque chose de magique dans les combinaisons des couleurs pour retranscrire toutes les ambiances différentes des nombreux décors. Somptueux ! Une BD qui ne peut que vous mettre l'eau à la bouche. Coup de cœur.
Under
Ah ! Enfin ! Après avoir pas mal cherché, je trouve enfin à nouveau un "grand" Christophe Bec ! Dans son oeuvre beaucoup trop prolifique, c'est peu dire que le génial côtoie le raté, même si on peut reconnaître à Bec de toujours savoir créer une histoire à potentiel. Mais l'essai n'est pas toujours transformé. Ici, il l'est ! Bec nous propose un scénario qui évoque des grands classiques du genre (Mimic de Guillermo del Toro, effectivement), mais qui réussit également à tracer sa propre voie. L'univers de Mégalopol est classique, mais d'une efficacité redoutable, avec ses parias qui vivent dans les égoûts, son maire corrompu, et ses créatures mystérieuses qui hantent les sous-sols. Bec parvient à créer un suspense d'autant plus efficace qu'il est ramassé sur deux tomes seulement, et évite les digressions meurtrières. En outre, il réussit à créer des personnages plutôt réussis. Là encore, on a tous les stéréotypes du genre, mais ça fait aussi partie du contrat, d'avoir ces personnages tout droit sortis d'un film des années 80-90 : le maire qui écrase la ville du haut de son piédestal, le policier brutal mais loyal, un peu macho mais pas trop, l'héroïne scientifique, assez courageuse mais qui ne fait pas trop d'ombre aux hommes du récit non plus... On pourrait trouver ça daté, mais ici, Bec emploie ces stéréotypes avec un second degré qui ne les empêche jamais de jouer efficacement leur rôle. On peut éventuellement trouver l'affrontement final un peu trop expédié (en fait, il n'y a pas vraiment d'affrontement final), mais c'est une conclusion logique pour le récit, amené par d'autres éléments antérieurs dans la narration. Et surtout, Bec réussit à articuler ses différents groupes de personnages de manière assez magistrale, sans jamais tomber dans la surenchère ou s'égarer sur des arcs narratifs insipides. Du côté du dessin, c'est légèrement plus inégal. Je trouve que le dessin de Raffaele manque un peu de personnalité, mais il s'améliore au fur et à mesure du récit, et à mon sens, il est plus réussi dans le second tome, donc ça va dans le bon sens. Même si je regrette toujours que Bec ne dessine pas davantage, car dans ce type de récit, c'est là où il excelle avec ses jeux d'ombre d'une élégance que seul lui maîtrise... Mais j'imagine qu'il y passe du temps, et je comprends tout à fait qu'il ne puisse pas tout dessiner ! Quoiqu'il en soit, Under est donc une saga très réussie, qui peut s'appuyer sur les qualités de Bec comme conteur et un dessin qui, à défaut d'être parfait, fonctionne bien, pour marquer durablement son lecteur. On prévient quand même les lecteurs sensibles que certaines scènes sont susceptibles de heurter quelques sensibilités, il y a une vraie horreur profonde par moments. Ce qui ne fait que renforcer la grande qualité de l'oeuvre !
Chez Adolf
Chez Adolf nous confronte au quotidien des habitants d'un petit immeuble, dans un petit village probablement en forêt noire (le lieux et les personnages sont tous fictifs). Le point central du récit est un personnage appelé Karl Stieg, professeur dans l'école du village en question. A travers ses yeux d'allemand moyen, mais humaniste, on suit la descente aux enfers d'une Allemagne tombée sous le charme empoisonné d'Adolf Hitler. Ce en 4 tomes s'étalant de la nomination d'Hitler à la chancellerie du Reich en 1933 jusqu'à la capitulation sans condition du Reich Millénaire en 1945. Karl Stieg se détache cependant quelque peu du lot en ce sens qu'il n'est pas aveuglé par le nazisme, voit très bien que cela finira mal, mais préfère se taire et suivre. Une forme de lâcheté, émaillée de quelques moments courageux. Cette série est une petite ode à la part d'humanité qui demeure en chacun de nous, et qui peut se manifester de la manière la plus étonnante et inattendue qui soit. Sachant que "Chez Adolf" ne nous cache rien non plus des faces sombres du nazisme. Une autre grand force de cette série, c'est de nous montrer l'omniprésence d'Hitler, et son emprise sur ses concitoyens: on ne le voit en effet jamais, et pourtant il semble être partout. Au final, Chez Adolf n'a qu'un seul défaut empêchant la note maximale: une sous-intrigue inutile à laquelle je n'ai rien compris alourdit un peu l'ensemble. En effet, Karl Stieg se retrouve obligé de commettre un crime pour sauver une amie. L'objet du délit est ensuite dissimulé sous les yeux d'un observateur inconnu, qui ira déterrer l'ensemble 3 ans plus tard. Mais on ne saura rien de plus. Rien de tout cela n'est résolu. De même que Stieg se voit confié des documents compromettants. Quelqu'un viendra les récupérer en fouillant son appartement. Pareil, on ne saura jamais qui était derrière tout cela. Dommage car on était proche du sans faute.
Walk me to the corner
Cela arrive souvent qu’on désire ce qu’on ne peut pas avoir. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2021 pour la version française, de 2020 pour la version originale. Il a été réalisé par Anneli Furmark pour le scénario, les dessins et les couleurs, traduit du suédois par Florence Sisask. Il comporte deux-cent-vingt pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une citation de Leonard Cohen., un extrait de la chanson Hey that’s no way to say goodbye, qui donne son titre à l’ouvrage. Elise avait toujours cru que c’était une affaire de maîtrise de soi. C’était une soirée comme les autres. Le chat était couché à une distance respectueuse et ronronnait nonchalamment. Ses ronronnements s’arrêtaient puis reprenaient de plus belle. Du rez-de-chaussée lui parvenaient les jurons lancés par Henrik, occupé à décaper de vielles fenêtres qu’il avait dénichées et avec lesquelles il pensait construire une serre l’été prochain. Peut-être une vitre s’était-elle cassée. Elise avait consulté la sélection que Netflix lui avait créée tout spécialement pour elle. Mais pour qui me prennent-ils ? pensait-elle. Que savent-ils de moi, au juste ? Elise s’était mise à regarder quatre séries différentes qui l’avaient toutes rapidement ennuyée. Elle éprouvait une sorte de manque, cherchait à se rappeler la dernière fois qu’elle avait été captivée par quoi que ce soit à la télé. Le petit symbole indiquant l’arrivée d’un message surgit alors sur l’écran de son portable. Pourvu que ce soit elle, pourvue que ce soit elle, se répéta-t-elle. C’était bien elle. Elles s’étaient rencontrées dans une fête et s’étaient frôlées toute la soirée. Sans pouvoir engager la conversation. Il y avait une foule d’importuns autour d’elles. Cela n’empêchait pas Elise d’être intéressée, au contraire. Dagmar Janson Wright également, peut-être. Elise savait maintenant que tel était son nom. Tout rapprochement s’était avéré d’autant plus difficile qu’Elise avait été frappée d’un accès de timidité aussi inattendu qu’intense. Elise et Dagmar échangent quelques mots, la première sur un article que la seconde a lu, et cette dernière sur son métier d’otorhinolaryngologiste. Elles finissent par s’enlacer chastement l’espace de trois secondes pour se dire au revoir. Elise se tient dans la salle de bains et s’examine attentivement. Ses moindres imperfections lui sautent aux yeux. Ses rondeurs, ses pâleurs. Comme une ado peu sûre d’elle, elle voudrait tout changer. Pourrait-elle jamais se montrer nue à qui que ce soit d’autre ? se demande-t-elle. À quelqu’un qui ne serait pas Henrik ? Lui qui n’avait jamais prononcé le moindre mot désobligeant sur son physique. Ni rien de gentil non plus. Pas depuis plusieurs années, en tout cas. Non, de toute manière, il ne serait question de nudité avec quelqu’un d’autre ! Son imagination lui jouait des tours, voilà tout. Ces derniers temps, de nouvelles lignes profondes étaient également apparues sur son visage. Henrik, Elise disait que jamais, au grand jamais elle ne le quitterait. Une histoire d’amour ordinaire : une femme de cinquante-six ans, mariée depuis vingt-trois ans à un homme qu’elle aime, deux fils adultes et indépendants Felix et Leonard, tombe amoureuse d’une autre femme de son âge, en couple avec une compagne Jenny et parents de deux filles. En même temps, une histoire d’amour qui sort un peu de l’ordinaire du fait de l’âge de l’héroïne, du confort émotionnel et affectif de son mariage, du chemin tout tracé menant à la vieillesse et à son déroulement sans histoire. Le récit passe par les phases attendues : la valse des hésitations, la passion entre ces deux femmes, le choc pour Henrik le mari d’Elise, et la remise en cause de leur union, les rencontres à l’hôtel, le tourbillon émotionnel, le développement d’un amour à l’identique de celui de personnes plus jeunes. Les dialogues par SMS (Mais comment faisait-on pour communiquer avant ?), l’attrait de la nouveauté, le partage de choses appréciées (par exemple au travers de playlists, comprenant, entre autres, Hey, that’s no way to say goodbye, extrait de Songs of Leonard Cohen de 1967, A case of you, extrait de Blue, le premier album de Joni Mitchell en 1971), l’achat du premier cadeau (un parfum) qui ne rentre pas forcément dans le budget, les rencontres dans des lieux neutres éloignés du foyer familial respectif, la question du divorce qui remet en cause de nombreuses années de vie en commun, de bagages accumulés, de souvenirs partagés, le risque de tout perdre, la possibilité de retrouver la capacité d’être amoureuse, d’éprouver de la passion, mais aussi l’envie que le calme revienne à n’importe quel prix, ainsi que la sérénité. D’un point de vue narratif, la bande dessinée commence sous la forme de trois cases par page, les unes au-dessus des autres, et du texte en vis-à-vis. D’une certaine manière, le lecteur peut avoir l’impression que les images ne font que montrer une partie de ce qui est indiqué dans le texte. Cela change dès la troisième page alors que la conversation s’engage entre Elise et Dagmar, avec des phylactères. En page vingt-six commence une séquence muette, de quatre pages, durant laquelle la narration s’effectue exclusivement par les images. En fonction de la nature de la scène, l’autrice choisit son mode de narration visuelle, entre le texte illustré et la bande dessinée plus traditionnelle pour une narration séquentielle classique. Elle croque les personnages de manière simplifiée, sans chercher à les rendre jolis ou beaux, avec des traits de contours un peu grossiers tout en étant assurés. Il n’en découle pas une apparence infantile, mais plutôt une forme de ressenti, donnant la sensation de correspondre à l’état émotionnel d’Elise. Le lecteur observe également que les deux tiers de la narration se déroule dans des scènes de dialogue, et que l’artiste sait varier les plans de prise de vue, entre les gros plans, avec des plans plus larges montrant l’occupation de l’interlocuteur, le lieu où il se trouve. Le lecteur a vite fait de se prendre de sympathie pour ces êtres humains normaux, avec un langage corporel mesuré et expressif à bon escient. La narration visuelle emmène également le lecteur dans des lieux variés : le salon d’Elise et Henrik, leur chambre avec le lit conjugal, la chambre d’ami avec un lit une place, la salle de bains, la soirée où Elise rencontre Dagmar, le train, le bureau d’Elise, une plage, les rues d’une ville, une pelouse à l’ombre d’un châtaigner, deux balades en forêt, un carton de déménagement, le nouvel appartement d’Elise. La dessinatrice s’affranchit parfois de représenter les arrière-plans, pendant une séquence entière (la rencontre entre Elise et Dagmar) pour insister sur le fait que toute l’attention des personnages est focalisée sur les autres personnes présentes. Elle dose savamment les éléments représentés, les vues globales ou les détails : le lit deux places dans son entièreté ou une partie d’une patère. Le lecteur prend vite conscience également de l’usage personnel de la mise en couleurs. Le début baigne dans des tons gris-bleu, puis une teinte verdâtre leur succède. Des touches de couleurs apparaissent de temps à autre. Les nuances de gris reviennent. Un jaune délavé et triste pour la baignade. Du vert plus vif pour les promenades dans la nature, l’artiste passant alors en mode couleur directe. Le lecteur se rend compte qu’elle utilise ces teintes en mode expressionniste pour refléter l’état d’esprit émotionnel ou affectif d’Elise, son ressenti du moment, ou celui qu’elle éprouve en repensant à un moment du passé. Petit à petit, sans en avoir conscience, le lecteur est gagné par ces états d’esprit, le sien devenant en phase avec celui d’Elise, ce qui génère une forte empathie comme s’il avait accès à son intimité émotionnelle. Le lecteur se sent entièrement impliqué dans cet amour qui remet en cause la vie toute tracée et bien établie d’Elise. Il ne s’attend pas à de grandes révélations ou à un psychodrame : la vie suit son cours, tout en ayant dévié de celui le plus probable, sans heurt. Une histoire très classique, tout en étant unique parce qu’elle concerne ce personnage étoffé et pleinement développé aux yeux du lecteur et dans son cœur. La rencontre avec Dagmar a ranimé la passion dans son cœur et celle-ci s’accompagne de changements inéluctables. Plus que cela, elle éprouve la seule certitude de la vie : le doute. Pourra-t-elle concilier cette relation extraconjugale avec son mariage ? Quel sera le prix à payer ? Elle va apprendre à découvrir ce nouvel être cher, mais aussi elle va devoir apprendre comment gérer de nouvelles situations, de nouvelles démarches, ce qui représente un défi tout aussi grand. Tout du long, elle n’a aucune certitude de retrouver un bonheur équivalent à celui qu’elle pensait assuré avec son époux, construit pendant vingt-trois ans de mariage. Une histoire d’amour pour une épouse fidèle âgée de cinquante-six ans : voilà une histoire racontée avec une belle sensibilité. Une narration visuelle qui transmet organiquement l’état d’esprit d’Elise, sans chercher à l’enjoliver, créant tout naturellement une relation intime et délicate avec le lecteur. Une histoire banale et unique : pas un drame mais une remise en question d’un avenir assuré, le retour des émotions accompagnant la passion amoureuse, et en même temps le doute sur cette relation, sur son avenir. Touchant et émouvant.
Les Navigateurs
Il semblerait que l'ami Alix aime les accroches d'introduction aussi en voilà une : sans une p@@@in de conjonctivite, j'aurais dévoré ce récit d'une seule traîte tellement je l'ai trouvé fascinant ! En effet, se pénaliser l'oeil droit par une pommade antibiotique n'aide pas à une lecture sereine. Pourtant un seul suffit à admirer les dessins de Stéphane De Caneva et à savourer l'histoire prenante concoctée une fois de plus par le génial Serge Lehman. Leur travail commun sur le fascinant Metropolis (Delcourt) était amplement suffisant pour me précipiter dans ma librairie favorite sur ce livre. Et quel joli objet entre les mains ! Dos toilé, couverture dorée rappelant les éditions Hetzel pour Jules Verne et titre mystérieux, tout est réuni pour une évasion totale et dépaysante : contrat largement respecté ! Ce ne sera pas une surprise mais la seule facilité est de reprendre un peu les ficelles de L'Homme gribouillé en entremêlant un quotidien ordinaire avec un soupçon de....... rêverie (afin d'éviter tout spoil et de rester cohérent). La présentation de cette bande de copains d'enfance aux destinées différentes dans un passé qui me parle (je dois avoir peu ou prou le même âge que les protagonistes et partage leurs goûts musicaux) sur une trentaine de pages est tout simplement accrocheuse. L'arrivée de Neige au sein de cette bande apporte le charme nécessaire. C'est à l'aube de leur quarantaine lorsque cette dernière disparait brutalement que l'histoire principale prend son envol définitif avec l'enquête liée qui donne une lecture différente de la ville de Paris, un soupçon d'investigations dignes de Lovecraft et un maître mot : l'amitié et la rupture d'une vie rangée. Comme déjà écrit plus bas par Pol, l'intensité ne retombe jamais, les rebondissements fusent et la mécanique tourne du tonnerre. De Canépa ose même dans les dernières pages un style graphique en noir et blanc encore plus intense qui m'a même fait décrocher la machoire. Ok j'ai eu mal aux yeux mais ça valait largement le détour, voici à coup sûr un des meilleures lectures de cette rentrée 2024. Il y a encore probablement plein de bons livres à venir mais il y aura pour moi un avant et un après "Navigateurs". Et ce n'est pas une fichue conjonctivite qui m'en aura gâché le plaisir. Au contraire, elle m'aura permis de lire ceci en deux soirées et donc d'en ressentir 2X plus de délectation.
Astonishing Spider-Man & Wolverine - Une erreur de plus
Aventure distrayante et imaginative - Ce tome comprend les 6 épisodes de la minisérie parue en 2011. Il peut se lire indépendamment de la continuité de Spider-Man et de Wolverine. Au Crétacé, Peter Parker s'est fait un bandana avec la partie rouge de son costume. Il s'est fabriqué une lunette d'observation qui lui permet d'apercevoir la météorite qui va transformer les dinosaures en espèce disparue. Dans son antre, il a capturé plusieurs espèces d'araignées qu'il a mises en cage. Et il s'adonne à la sculpture sur bois, pour représenter à chaque fois le même visage d'une jeune femme (Sara Bailey). Devant l'annihilation imminente de son écosystème, il va rendre visite à Logan qui règne sur une tribu de primates (un peu trop proche d'hominidés pour être honnête à l'époque du Crétacé). Peter se souvient que tout a commencé quand Wolverine et lui se sont interposés lors d'un braquage de banque, perpétré par The Orb (Drake Shannon) et ses hommes de main, pour dérober d'étranges diamants. Cette situation sortant de l'ordinaire va projeter les deux superhéros dans différentes époques, sans rime ni raison. Ils auront bien du mal à reprendre le dessus. Attirer de nouveaux lecteurs est un défi sans cesse renouvelé pour les deux grands éditeurs que sont Marvel et DC Comics dont les revenus dépendent de l'exploitation de personnages bénéficiant (ou traînant derrière eux) plusieurs dizaines d'années de continuité. Régulièrement ils tentent de nouvelles initiatives pour aller chercher ces clients potentiels qui ne lisent pas de comics. Au début des années 2000, Marvel décide de proposer des histoires faiblement connectées à la continuité en les repérant par l'adjectif Astonishing (ce qui est le cas de cette histoire, ou de Astonishing X-Men ou Astonishing Thor). La mission de Jason Aaron : raconter une histoire divertissante, mettant en avant Spider-Man et Wolverine, sans se perdre dans les méandres d'une continuité plusieurs fois décennales. Mission accomplie : Aaron balade ses deux superhéros d'une situation rocambolesque inventive à l'autre, avec une décontraction éhontée très agréable. Jason Aaron va piocher de ci de là dans les recoins de l'univers Marvel pour alimenter son récit haut en couleurs. Il n'hésite pas à s'autoréférencer avec The Orb qu'il avait déjà remis au goût du jour dans Ghost Riders - Heaven's on fire. Et ce personnage est aussi grotesque et bancal que bien mis en valeur. C'est avec la même maestria qu'il propose des versions loufoques ou menaçantes selon les cas de différents personnages Marvel, connus ou méconnus (tel que le passage gratuit de Devil Dinosaur ). Pour les connaisseurs de l'univers partagé Marvel, il s'agit d'autant de clins d'œil savoureux, pour les autres ces éléments ajoutent à l'exotisme du récit. En prime, Aaron va également piocher un personnage connu pour occasionner le genre de désagréments subis par Spider-Man et Wolverine et en profite pour glisser subrepticement et discrètement un petit métacommentaire assez savoureux sur l'industrie du divertissement (dont font partie les comics et donc celui que le lecteur est en train de lire). Les six épisodes sont dessinés par Adam Kubert, encrés par Mark Morales (épisodes 1 et 2) et Mark Roslan (épisodes 3 à 6). Je ne suis pas un grand admirateur d'Adam Kubert dont je trouve le style assez fade, malgré des postures ou des compositions de cases parfois intéressantes. Ici, force m'est de reconnaître qu'il est dans une grande forme. Le lecteur retrouve son style caractéristique et ses tics de composition, et de rendus des contours. Mais entraîné par la vivacité du scénario et les situations inventives, Adam Kubert imagine des visuels qui retiennent l'attention par leurs détails et leur ambiance générale. Même si son rendu des décors reste imprégné d'une once de naïveté premier degré, elle sied bien à ces situations improbables. Le regard de Kubert transcrit l'émerveillement nécessaire à ces aventures plus grandes que nature. Certes l'antre de Peter Parker au Crétacé n'a rien de réaliste, mais elle dégage une ambiance en adéquation avec cette situation extraordinaire. Adam Kubert rend l'apparence de Orb au premier degré, ce qui transforme une idée ridicule (un œil géant à la place de la tête) en un élément bizarre et dérangeant. De même la description factuelle de l'ersatz de costume de Spider-Man dans l'épisode 2 le rend à la fois digne de respect et ridicule. Pour une fois Kubert s'intéresse également aux décors qui ont une importance majeure dans l'histoire du début jusqu'à la fin (avec une petite baisse uniquement dans l'épisode 5). Cet investissement de temps dans le dessin des décors permet au lecteur de continuer à s'immerger dans les différents endroits aussi improbables soient ils. Sur un ton léger et badin, Aaron assaisonne grand spectacle, péripéties rocambolesques, sans oublier une interaction savoureuse entre ses deux superhéros, dans la plus pure tradition des couples mal assortis. Il joue aussi bien sur le registre de la comédie humoristique, que sur des sentiments plus profonds sans être exacerbés ou téléphonés. Impossible de bouder son plaisir à la lecture de cette histoire de superhéros bien ficelée, sans être compliquée, référentielle sans être indémêlable, pleine de vie avec un peu de profondeur de temps en temps.
Adieu mon royaume
J'ai beaucoup aimé ce roman graphique dont les 8 "contes" et les destins des 8 heros singuliers se déroulent simultanément dans un Royaume medieval imaginaire. Le graphisme est vraiment tres riche, parfois tres ciselé mais fluide, raccord avec l’imaginaire medieval. Les dialogues sont musicaux, l’histoire étrange fait réfléchir et donne envie d’y revenir. Les couleurs originales et la bichromie par personnage rythment le récit. Une BD qui sort du lot.