Les derniers avis (9110 avis)

Par Emka
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série 1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta

On embarque ici pour un voyage sans retour, à bord du Jakarta, navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. L’ambiance est lourde, le huis clos oppressant, et la tension entre les personnages monte dès les premiers instants. Dorison signe ici un scénario brut et sans concession, tiré d’un fait historique glaçant. La mécanique du pouvoir, les manipulations et la folie s’entrelacent pour peindre une véritable descente aux enfers. Ne connaissant pas l'histoire au préalable, je me suis renseigné a posteriori sur l'histoire du Batavia, qui sert ici de support. La récit est bien documenté, a priori assez fidèle à l'Histoire, même si je ne suis pas sûr que le décor du trône de Cornelius sur les îles soit vraiment documenté comme cela, mais qui en voudrait au scénariste ? Reste que l'on ne se perd pas dans le didactique. Au prix de quelques libertés historiques, on gagne en tension de scénario. L’intrigue avance avec un rythme implacable, où chaque décision semble nous rapprocher d’une inévitable catastrophe. J’ai particulièrement apprécié le personnage de Jéronimus Cornélius, particulièrement bien développé, et aussi terrifiant que crédible. C’est un récit où l’homme devient loup, dans un contexte où la survie écrase toute morale. Timothée Montaigne accompagne ce beau scénario par la précision et la puissance de son dessin. Ses scènes maritimes, les intérieurs du navire et les visages marqués des protagonistes finissent de nous immerger dans l'histoire. A grand scenariste, grand dessinateur. C’est une lecture qu’on ne traverse pas facilement. La violence, omniprésente, est parfois difficile à encaisser. Mais elle est essentielle au propos. On n’est pas là pour être conforté, et c’est aussi ce qui fait la force de cette BD. Alors oui, le scénario n'est pas tendre (mais l'histoire originelle non plus) et l’horreur est là, mais j'en viens à me demander si elle n'aurait pu être encore plus viscérale. Peut-être que le choix d’un diptyque limite le temps passé à approfondir certains personnages ou à explorer davantage les dilemmes moraux. Quand on a autant de qualité au dessin et au scénario, on devient pointilleux. Pour ma part, j’ai ressenti une petite frustration : la mécanique narrative, très bien huilée, manque par moments d’un souffle plus humain. Tout est maîtrisé, peut-être trop. Mais c'est la critique que l'on peut faire à une BD de grande classe, bravo Mrs Dorison et Montaigne !

14/01/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Blue Flag
Blue Flag

Blue Flag s'entame comme un manga romantique banal avec une jeune fille timide qui demande l'aide du héros pour séduire un autre garçon et on imagine que ce rapprochement va en réalité entrainer une histoire d'amour entre les deux premiers. Mais on aurait bien tort de penser que l'intrigue de cette série est aussi basique. Un gros indice en fin de premier tome laisse déjà penser qu'il y a anguille sous roche, et malgré une semi révélation au second tome, le doute persiste encore longtemps. Et pendant tout ce temps là, l'intrigue ne se laisse jamais deviner, avec de nombreux développements denses et très humains. C'est une belle histoire d'amitié et d'amour centrée autour de trois voire quatre protagonistes en fin de lycée, auprès desquels quelques personnages secondaires viennent se rajouter, prenant plus ou moins d'importance au fil des chapitres. Le ton de l'auteur est très juste, mêlant subtilement humour et émotion, légèreté et gravité, avec des personnages crédibles auquel on s'attache facilement. On retrouve bien évidemment quelques classiques des histoires lycéennes en manga, avec compétitions sportives et autres festivals, ainsi que certaines interrogations sur le futur de ces étudiants et la probabilité qu'ils se retrouvent séparés par la suite. Mais c'est avant tout la relation entre eux qui importe avec une certaine intemporalité. Les émotions qu'ils dégagent sont multiples, valorisant l'amitié sans qu'on arrive toujours à percevoir s'il y a plus que ça entre certains d'entre eux. Le récit est très mature, bien rythmé, varié et prenant, sans parler de l'excellent dessin. Le lecteur se demande sincèrement comment les choses vont se terminer et à ce sujet là la conclusion de la série a de quoi surprendre et fortement toucher. Seul regret, on aurait aimé en savoir plus sur le futur des protagonistes et ce qu'ils deviennent tous après le mot fin.

14/01/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Renoir
Renoir

Elle était un modèle d’exception. Oui, elle posait comme un ange… - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, une histoire autour du peintre Auguste Renoir (1841-1919). Son édition originale date de 2016 ; il fait partie de la collection Les grands peintres. Il a été réalisé par Dodo (Marie-Dominique Nicolli) pour le scénario, et par Ben Radis (Rémi Bernardi) pour les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. À la fin se trouve un dossier de six pages, rédigé par Dimitri Joannidès, intitulé Peintre de la joie de vivre, composé de sept parties intitulées : De la porcelaine aux Beaux-Arts, Aux origines de l’impressionnisme, Une si douce période aigre, Une maturité contrariée, Danse à la campagne, Durand-Ruel un soutien indéfectible, La solitude et la mort. Pendant l’hiver 1893, Auguste Renoir et Paul Durand-Ruel chemine dans Paris en devisant. Le peintre explique qu’il s’en souviendra de cet hiver, car avec ce froid ses rhumatismes lui paralysent les mains et l’empêchent de travailler alors qu’il aimerait tant finir au plus vite cette toile que son interlocuteur attend. Son commanditaire le rassure : maintenant que Renoir est enfin reconnu, tout sera plus facile. Son ami le remercie car c’est grâce au marchand d’art qu’il jouit maintenant d’une renommée. Durand-Ruel ajoute que c’est aussi grâce à l’intervention de Stéphane Mallarmé que l’État lui a acheté Les jeunes filles au piano. Ils sont arrivés à leur destination : le restaurant Le chat noir. Ils vont s’installer à une table pour déguster quelques verres. Le marchand d’art estime que chacun devrait pouvoir vivre de son art. Il prend comme exemple le pianiste en train de jouer, obligé d’accompagner des chansonniers, alors qu’il est un compositeur talentueux. Il ajoute qu’au fond il doit être un peu comme Renoir, sans doute trop en avance sur son temps. Avec l’accord de Renoir, Durand-Ruel invite le pianiste à leur table, et il présente ainsi Erik Satie au peintre. Ils parlent peinture et modèle. Satie explique que la femme qu’il vient de rencontrer lui inspire tant de nouvelles choses. Au point qu’il lui ait fait sa demande en mariage au lendemain de la première nuit. Il ajoute que Renoir la connaît car elle a souvent posé pour lui, elle a même été sa muse. Renoir se prête au jeu et devine son identité : Marie-Clémentine Valade, qu’Erik Satie rectifie car elle s’appelle maintenant Suzanne Valadon. Le galeriste ajoute également la terrible Maria comme nom, c’est Toulouse-Lautrec qui s’était entiché d’elle et l’avait surnommée ainsi. Il ajoute que Degas a dit qu’elle avait un bath coup de crayon et qu’elle usait fort habilement des pastels. Il se tourne vers Renoir et lui suggère de se souvenir, c’était il y a dix ans. Le peintre ne se fait pas prier : il ne savait plus où il en était, il lui semblait qu’il était arrivé au bout de l’impressionnisme. Il a passé tout l’hiver 82 à parcourir l’Italie. Il avait même poussé jusqu’à Palerme pour faire ce portrait de Wagner. Un odieux personnage ! Le compositeur lui avait laissé une demi-heure pour le peindre et il avait détesté le résultat ! Il trouvait qu’il ressemblait à un pasteur protestant ! S’il a déjà lu d’autres albums de cette série sur les grands peintres, le lecteur entame cette histoire, curieux de découvrir quelle approche auront choisie les auteurs. La narration se déroule suivant deux lignes temporelles : la rencontre au café Le Chat Noir en 1893, et une autre qui suit partiellement la carrière du grand maître à partir de 1882. Lors d’une rencontre fortuite au temps présent du récit, le galeriste Paul Durand-Ruel (1831-1922) présente Erik Satie (1866-1925) à Auguste Renoir : ils comprennent que le pianiste est tombé amoureux de celle qui fut le modèle, la muse et l’amante du peintre, Suzanne Valadon (1865-1938), aussi appelée Maria, Marie-Clémentine Valadon. Au fil du récit, le lecteur rencontre également la couturière et modèle Aline Charigot (1859-1915). Dans les différentes discussions, sont évoqués d’autres peintres : Claude Monet (1840-1926), Puvis de Chavanne (1824-1898), Berthe Morisot (1841-1895), Gustave Caillebotte (1848-1894), et bien sûr le mouvement impressionniste. Auguste Renoir constitue bien le personnage principal : il est présent dans chaque page, et dans un peu plus de 90% des cases. Il apparaît éminemment sympathique dans la manière dont il est représenté. Les dates permettent d’établir qu’il a quarante-deux ans dans la ligne temporelle qui suit sa carrière. Il porte un costume noir avec une cravate, et un gilet dont la couleur change en fonction des moments. Il arbore un visage calme et détendu, curieux, posé, peu souriant, sans trop de rides. Les auteurs racontent leur histoire avec la connaissance préalable que Renoir est déjà un peintre conscient de sa vocation qu’il assume, avec également en tête la postérité du peintre. Il vit dans le quartier de Montmartre, connaît les peintres de son époque évoluant dans la capitale. Il maîtrise déjà les techniques de peintre, et il a déjà fait des choix quant à ses sujets. Il est plus âgé que les autres. Il rencontre Erik Satie à qui il est lié par une de ses anciennes muses, ainsi que par cette vocation irrépressible de créateur. La ligne temporelle de 1893 se déroule dans le café, attablé du début jusqu’à la fin, le galeriste quittant les deux nouveaux amis en page vingt-deux ; ladite ligne compte dix pages en cumulé. Les auteurs ont fait en sorte que cette situation statique présente de nombreux intérêts visuels. La toute première planche correspond à une vue en extérieur, alors que le peintre et son bienfaiteur arrive à l’établissement : la façade suscite la curiosité du lecteur avec sa sculpture de chat noir auréolé des rayons d’un astre, les deux lanternes de part et d’autre de la porte d’entrée, ainsi que le portier en habit militaire d’un autre siècle, tenant une pique à la main, un accès avec du caractère. Au fil de la conversation, le dessinateur représente régulièrement les arrière-plans ce qui laisse le loisir de voir les solides chaises en bois, ainsi que les tables rondes un peu étroites, tout aussi rustiques. Puis de case en case, il montre les cadres de la décoration murale, quelques tentures, quelques sculptures, les entrecroisements métalliques autour des vitrages, les boiseries et les moulures au plafond, l’affiche du Chat Noir, le manteau de cheminée, etc. Le lecteur prend grand plaisir à s’assoir à table avec les trois messieurs : l’artiste leur donne une mine affable, ils s’écoutent avec politesse et une certaine forme de bienveillance, alliant une posture compassée et un réel intérêt pour l’interlocuteur. Ils apparaissent très à l’aise dans cet exercice social, un parfait équilibre entre une retenue polie et une implication sincère par une écoute active. Ils dégustent lentement leur verre de vin rouge. Le lecteur en profite également pour regarder les autres clients, attablés ou qui vont et viennent. Il est sous le charme de leur singularité, de leur expressivité : un monsieur avec son haut-de-forme et un nez un peu gros s’apprêtant à prendre place, une femme attablée avec un début de double menton, une robe ouvragée, un bibi décoré de fleurs, des gants, avec un verre d’absinthe devant elle, un monsieur dans un chaud manteau avec un revers de fourrure et également une absinthe, un serveur diligent avec son plateau sous le bras, son torchon sur le coude, légèrement voûté, un autre monsieur avec de fines moustaches recourbées s’apprêtant à fumer une cigarette, les passants dans la rue. Les passerelles avec le passé se font tout naturellement, ne serait-ce que par une autre scène dans un café, celui de la Nouvelle Athènes, quand Auguste Renoir plus jeune de dix ans y emmène Suzanne Valadon pour prendre un verre avec Claude Monet. Au-delà de cette occurrence, le lecteur suit avec plaisir le grand peintre admirant le plafond de la Villa Farnesina, puis une séance de peinture en plein air avec Paul Cézanne (1839-1906) aux environs de l’Estaque, un tour dans le quartier de Montmartre pour acheter un repas et voir le voisinage changer alors que le chantier de la basilique du Sacré Cœur avance, un rendez-vous chez la couturière pour trouver une robe adaptée à la toile qu’il réalise, une première séance de pose avec Marie-Clémentine en page vingt-quatre, etc. Les dessins sont toujours aussi agréables à l’œil : des personnages pleins de caractère avec un fond de bonhommie même quand ils se montrent désagréables, et des environnements consistants et détaillés. Le lecteur suit avec plaisir le peintre dans ses hésitations, son travail peu gratifiant, sa recherche du bon modèle, mû par un véritable amour pour son art, qui ne lui laisse pas le loisir de développer une relation suivie avec une femme. En trame de fond se lit le cheminement et la ténacité pour réaliser Danse à la campagne, une des toiles les plus emblématiques de Renoir, comme l’écrit Dimitri Joannidès dans le dossier de fin. Mais quand même… Au cours du récit, le lecteur ressent qu’un autre personnage s’impose, d’abord en filigrane, puis comme un solide second rôle, puis… Ainsi, en 1893, la discussion prend vite comme sujet principal l’une des muses du peintre, dès la troisième planche. Puis il est à nouveau question d’elle en page onze, avec le retour au fil temporel de 1893, puis chez la coutière en 1883, dans l’atelier du peintre, et elle apparaît enfin en page vingt-et-un. Il s’agit alors de mademoiselle Valade. En page vingt-six, le modèle et le peintre ont une relation sexuelle. En page trente-deux, sous l’emprise de l’alcool (absinthe), elle tourne en dérision l’idée de consacrer une série de peintures à un même sujet, ce qui par réaction crée une forte conviction chez Claude Monet avec le résultat que l’on sait. La dernière page de bande dessinée évoque que Suzanne Valadon va peindre sa première toile. Finalement, elle occupe, en creux, une place aussi importante qu’Auguste Renoir, comme si les auteurs avaient voulu lui consacrer un tome de la série, mais n’avaient pu parler d’elle qu’au travers d’un peintre jouissant d’une plus grande postérité. Quelque chose dans les dessins de l’artiste donne une sensation à la fois très agréable à la lecture, à la fois peut-être un peu désinvolte au premier regard, par rapport à la place qu’occupe le peintre dans l’histoire de la peinture. Pour autant, le récit est facile à suivre, un vrai roman sans le côté académique ou encyclopédique de certaines BD consacrées à un personnage historique. Le dispositif de deux fils narratifs entremêlés à dix ans d’écart engendre une prise de recul signifiante. Sans en avoir l’air, les dessins font preuve d’une grande consistance descriptive et d’une sollicitude touchante pour les personnages. Le lecteur comprend bien l’importance que revêt la toile Danse à la campagne (1883) pour Renoir, même si les auteurs n’abordent ni l’aspect technique de sa réalisation, ni les innovations qui en font sa renommée. En creux se dessine le portrait d’une autre peintre, beaucoup plus subversive dans sa vie.

14/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Azur Asphalte
Azur Asphalte

"En vrai c'est compliqué la vie dès que tu commences à y mettre des gens dedans." Cette réflexion de Mélissa est très touchante et résume bien ce que veut transmettre cette Bande Dessinée. Au vu de ses très grandes qualités, surprenant d'ailleurs que celle-ci ne soit pas encore référencée et chroniquée au sein de ce site. De ce fait, je m'y colle dans l'espoir de mettre un peu de lumière sur cette œuvre et plus généralement sur son auteur à qui l'on doit déjà le très réussi L'Été des charognes. Cette BD dépeint le quotidien de deux soeurs (Mélissa et Candice) sur une période assez courte (fin des vacances/début rentrée scolaire suivi d'un émouvant épilogue) ; les difficultés, les aléas, l'entraide, la solidarité, la résilience, mais aussi les moments anodins (anedoctiques) qui à la lueur du temps qui passe se révèleront précieux. En ressort une tranche de vie d'un très grand réalisme tant tout sonne très juste. Ça en est proprement bluffant. Pas si étonnant puisque l'auteur s'est inspiré de la vie de ses deux propres soeurs. Le résultat en est néanmoins impressionnant car l'auteur semble avoir capturé et restitué brillamment l'essence même de leur vie. Rarement deux héroïnes de bande dessinée m'auront semblé aussi vivantes et leurs vies une réalité. Avec cet album, je tiens à dire que l'auteur a su me happer en très très peu de pages. L'alternance voix off / dialogue est bien rythmée. L'atmosphère qui se dégage des planches due principalement à un trait et à une mise en couleur chaleureuse, proche d'une peinture, nous rassure et nous conforte. Le rendu graphique est impressionnant tant la côte d'azur et Nice, cadre de ce livre, respirent au travers des pages. Quand l'environnement de carte postale se heurte à la réalité et aux difficultés du quotidien, le propos n'en est que plus fort. Brillante chronique sociale, Azur Asphalte est une de ces BDs qu'on referme le coeur serré. On s'est tellement attaché, intéressé à nos protagonistes qu'on aimerait savoir ce qu'elles vont devenir à l'avenir.

12/01/2025 (modifier)
Par greg
Note: 3/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série William Lapoire
William Lapoire

J'ai découvert William Lapoire, contrairement à beaucoup ici, vers la fin de la série, qui coïncide avec la fin du Journal Tintin. Après la disparition de Tintin, Lapoire cessera d'exister, son format habituel ne l'autorisant pas autre chose qu'une publication dans un hebdomadaire ou un mensuel. Mais je m'avance...Venons-en au point de départ: William Lapoire nait effectivement en 1978 dans le Journal Tintin. C'est un personnage du Moyen-Âge, plus lâche que fourbe, qui avait profité du départ de son Roi pour les croisades pour prendre sa place. Hélas pour lui, comme le dit le monarque, il n'avait oublié qu'une chose: que le roi puisse revenir ^^. Le roi décide donc de jeter Lapoire dans une oubliette, et le Diable intervient pour lui sauver la vie...Sous condition: la mission de Lapoire (ou plutôt son double envoyé par le Diable, le corps de Lapoire restant aux enfers, pour éviter qu'il s'enfuie), c'est d'aller à la rencontre de diverses célébrités à toutes les époques (Godefroy de Bouillon, Napoléon, le monstre du Loch Ness, King Kong...), afin de les pousser au bord de la mort et les convaincre de signer un contrat vendant leur âme contre une quelconque sécurité. Sauf que Lapoire, anti-héros attachant de par sa nullité toute humaine, est vous l'aurez déjà compris, davantage du côté de Gaston Lagaffe que Machiavel, et chacune de ses missions (publiées dans un court format de 5 à 6 pages) finit inévitablement en catastrophe, avant tout parce que Lapoire est lâche et idiot/naïf, quand il n'est pas tout simplement affublé de malchance. Le dessin initial est volontairement naïf, très rond, mais va s'affermir avec le temps. Graphiquement, la comparaison entre la première et la dernière aventure de Lapoire est comme le jour et la nuit. En 10 ans, le design évoluera radicalement pour devenir aussi mature que sérieux. Les personnages évoluent également dans leur physionomie pour accentuer ce point. Petit détail amusant: l'habit typiquement moyenâgeux de Lapoire devient presque contemporain à la fin. La dernière aventure de Lapoire, publiée par Tintin en 1988, sera par ailleurs la seconde histoire complète (après "Dégelées par moins quarante" publiée en 1987), "le Big Bagne". Ce qui rompait avec les habitudes précédentes de courts récits. Ce sera aussi le dernier récit complet jamais réalisé par l'auteur, qui se cantonnera aux gags sur une page par la suite, avec de nouveaux personnages. Produit de son époque, Lapoire n'est pas hilarant, mais arrache un petit sourire, et pour beaucoup fera revenir de joyeux souvenirs d'enfance. C'est ce qui compte, non? :-)

12/01/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Mémoire morte
Mémoire morte

Mes lectures des histoires imaginées par Marc-Antoine Mathieu sont rares, mais je dois dire qu'à chaque fois c'est une merveille. Ici, dans cet album en marge de sa série-culte, il nous propose une utopie qui devient très vite une dystopie. Dans une cité dont on ne connaît pas les limites, des hommes (aucune femme, bizarrement) ont leur vie ultra-réglée par les écrans, et des rituels immuables. Sauf qu'un jour un mur, puis un deuxième, puis des milliers, vient contrarier cette routine. Tout déraille petit à petit, y compris la mémoire, qu'elle soit individuelle ou collective, et les conséquences sont vertigineuses, effrayantes, et totalement crédible même si nous sommes là dans une parabole de notre société actuelle. Le risque est en effet de devenir des légumes sans aucune réflexion, dont la civilisation s'effondrerait en cas de perte de mémoire. Dans un noir et blanc toujours aussi efficace, MAM nous propose donc un récit tétanisant, à découvrir de toute urgence si ce n'est déjà fait.

11/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Seuls
Seuls

Seuls, c'est une série que j'avais découverte en feuilletant des exemplaires du Journal de Spirou et du Monde des ados dans la salle d'attente d'un-e médecin quand j'étais encore au collège (souvenirs, souvenirs). J'étais immédiatement tombée sous le charme du concept. La série se divisant en cycles (il devrait y en avoir cinq au total si j'ai bien suivi), je vais essayer de les présenter et de résumer mon avis dans l'ordre. Le premier cycle est sans doute le plus intéressant et le plus marquant. C'est là où tout le concept de la série (son nom, même) prend son sens. Une nuit, comme ça, sans crier gare, la quasi-totalité de la population disparait. Seuls restent cinq enfants, d'âges et d'horizons différents, tentant tant bien que mal de survivre dans un monde sans aucun adulte pour les aider. Mais peut-être qu'iels ne sont pas aussi seul-e-s qu'iels aimeraient le penser... Voilà, ce premier cycle est simple, mais sait rester prenant, haletant, intriguant et un peu dur aussi par moment. Je pense notamment au tome 2 ("Le Maître des couteaux"), sans doute l'un de mes tomes préféré de la série (si ce n'est mon préféré), avec son final qui personnellement m'avait pris aux tripes. Ce premier arc est sans nul doute celui qui a donné ses lettres de noblesses à la série. Viens ensuite le second arc, davantage axé sur la présentation plus en détail de l'univers et le paranormal. Oui, j'ai oublié de dire, il y a une bonne dose de paranormal dans cette série. C'est expliqué par la révélation de fin de premier cycle - que je ne vous spoilerais pas dans l'éventualité où vous l'ignoreriez encore. C'est dans ce cycle que l'on nous explique le plus de choses, notamment tout ce qui tourne autour des 15 familles (véritable point central de la série in fine). C'est aussi dans ce second cycle que j'ai vécu ma première déception pour cette série, car si sa première partie, très axée sur les conflits internes et l'horreur m'avait plu (mention spéciale pour l'album "Les Terres Basses" avec son ambiance horrifique assez marquante), la seconde partie axée sur Néosalem m'a semblé un peu plus "bateau". J'ai bien aimé le concept des premières familles mais j'ai trouvé certains point scénaristiques qu'elles apportaient trop convenus, un peu trop lourds aussi. Fort heureusement, le troisième cycle a réussi à me les rendre un brin plus sympathique, avec toutes ces intrigues de révoltes, d'inquisition et de guerres intestines. Tout n'est pas parfait dans ce cycle, loin de là, le final et la révélation autour de Melchior m'ont même parus plus maladroits qu'autre chose. Mais j'avoue avoir quand-même apprécié l'idée de nos protagonistes d'origines livré-e-s de nouveau à elleux-mêmes et devant survivre face à l'enfant-minuit (enfin révélé à la fin du dernier cycle). Le quatrième cycle, enfin, commencé il y a peu, me semble intéressant, mais je ne saurais pas vraiment trop développer sur lui. Je me suis un peu ennuyée à la lecture de l'album "Les Protecteurs" mais je reste encore très intriguée et investie dans l'histoire pour lire la suite. Même si, je l'avoue, je n'ai pas encore pu lire le dernier album, "L'Hôtel au bord du monde". Voilà, Seuls, c'est ça. Une très bonne série, manquant de peu le statut de "culte" et sa cinquième étoile selon moi. Même si, oui, quelques longueurs se font sentir et que tous les albums sortis dernièrement ne m'ont pas autant marquée que les premiers, je reste assez attachée et confiante quant à la suite de la série. Par pitié, que la loi de Murphy ne s'applique pas dans le cas présent et que l'on ne me fasse pas regretter ces paroles à l'avenir.

11/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Une épatante aventure de Jules
Une épatante aventure de Jules

J'entends déjà les gens s'écrier "5 étoiles ?! Mais c'est cinq fois plus que un !". Eh bien oui : 5 étoiles ! Pour moi, cette série mérite amplement un statut de culte. Les récits sont entraînants, les personnages attachants, les dialogues dynamiques et drôles, ... Bref, ça se lit bien. Mais au delà d'être simplement agréable à lire, les récits sont aussi intelligents. Quelle claque je m'étais prise dans ma jeunesse lorsque j'étais tombée sur les problématiques soulevées dans ces histoires, et quelle admiration j'avais pour l'intelligence et la maturité dont faisaient preuve les protagonistes. Cela doit bien être la seule série jeunesse qui me vient en tête qui arrive à rendre accessibles et intéressantes les problématiques de la bioéthique à des enfants. Parmi les diverses problématiques soulevées dans la série (scientifiques ou non), on pourra retrouver l'individualité d'un clone vis-à-vis de la personne de qui proviennent ses gènes, la question de Dieu et de la foi, ce qui fait ou non une famille, l'écologie, notre propre mortalité et surtout (surtout) l'égo scientifique - et même plus généralement humain. Et encore, je suis sûre que je dois en oublier. Chaque album est une aventure à part entière, soulevant ses questions propres, mais on y suit tout de même une évolution des personnages. Nos protagonistes, notamment, murissent beaucoup (tant physiquement que psychologiquement) aux gré de leurs aventures. Tiens, à propos des protagonistes, il serait peut-être temps de les présenter. Tout d'abord, il y a Jules, sans aucun doute LE protagonistes de ces histoires. C'est un enfant qui nous est presque présenté comme lambda dans le premier album. Il est jeune, vif, impétueux, fana de jeux-vidéos et désireux d'aventures. Il gagnera beaucoup en maturité au fur et à mesures des albums, finissant par devenir une figure plus calme et réfléchie (voir même quelques fois un peu en retrait). Il est également grandement défini par sa famille, chaotique au possible, avec sa mère constamment bloquée au foyer, son père assez égocentrique et étroit d'esprit, et son petit frère proprement idiot. C'est principalement par elleux (même si d'autres personnages secondaires aident aussi) que l'on marque la distinction entre les gens idiots et les autres. Attention ! Pas que la série tente nécessairement de faire un discours pédant, les personnages présentés comme intelligents dans cette série ne sont pas nécessairement présentés comme des scientifiques (malgré le fait qu'on parle beaucoup de science) et les idiots sont encore moins présentés comme des gens prédisposés à la bêtise. Non, dans cette série, les gens intelligents sont simplement celleux qui s'ouvrent à l'impossible, les rêveurs ou tout simplement les gens désireux de découvrir le monde qui les entoure. L'idiotie dans ces histoires n'est pas une fatalité mais un choix (et une source de gags). Peut-être faudrait-il d'ailleurs plus parler d'étroitesse d'esprit que de bêtise. Mais Jules ne vit pas ses aventures seul et sera majoritairement accompagné de Janet (fille d'une éminente scientifique britannique), Tim (un alien télépathe à tendances sarcastiques), Salsifi (autre alien et souffre-douleur de Tim) et Bidule (son cochon-dinde). Et bon, sa famille aussi quelques fois, mais ça c'est bien contre le gré de ce pauvre Jules. Voilà, j'espère ne pas avoir été trop lourde, trop longue dans ma présentation de cette série et de ces personnages. J'ai bataillé pour écrire cet avis, j'ai même tenté par quatre fois de le réécrire entièrement durant ces deux mois. Mais voilà, j'avais tant de choses à dire que je finissais toujours par devenir fouillis. J'aime énormément ces personnages, leurs histoires et leurs dialogues. C'est sans conteste la meilleure série que j'avais découverte enfant (et elle a réussi à conserver ce statut de culte même après toutes ces années, même après le passage à l'âge adulte). Vraiment, si vous ne connaissiez pas, que vous avez réussi à me lire jusqu'au bout et que j'ai (par miracle) réussi à vous convaincre de tenter cette lecture, foncez !

10/01/2025 (modifier)
Par PatrikGC
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série A Fantasy lazy life
A Fantasy lazy life

Le parachutage d'un japonais employé de bureau en plein beau milieu d'un royaume plutôt médiéval et magique avec des dragons et des femmes plutôt splendides est un classique du genre. Autant dire que l'argument de départ est "bateau". Mais je dois reconnaître que le développement change de ce qu'on peut voir ailleurs. Bien que le héros pourrait s'offrir très facilement un harem de jeunes femmes fort accortes et dociles, il reste fidèle à sa royale moitié, sans chercher à se mettre en avant, essayant néanmoins de se simplifier la vie en important divers accessoires et techniques de sa vie d'avant. J'aime bien l'affrontement entre les diverses mentalités. Le manga raconte son apprentissage des arcanes du pouvoir et de la diplomatie, ainsi que de la magie. Mais Zenshirô n'est pas montré ici comme un surhomme qui apprend tout et réussit tout en une fraction de seconde, même s'il a quand même quelques bonnes dispositions. Il sait rester modeste et surtout il sait exploiter cette "faiblesse". Reconnaissons au passage qu'il a l'air de se tirer d'affaire en évitant de trop froisser les diverses parties en jeu, ce qui est assez japonais. Chose assez rare, il devient père d'un 1er bébé et le 2ème est en route (j'ai lu les 15 premiers tomes disponibles à ce jour). Sa relation avec la mère de ses enfants n'a pas duré 36 volumes jusqu'au 1er baiser comme dans certains mangas. Le scénariste (Tsunehiko Watanabe) sait où il va, à moins qu'il ait une très bonne facilité pour retomber sur ses pieds. Quant au dessin, il est fort bon, pas bâclé, le dessinateur (Neko Hinotsuki) ne semble pas être un obscur tâcheron comme il en existe tant au pays du Soleil Levant. Il a déjà quelques séries au compteur. Graphiquement, ça ressemble assez fortement à ce qu'on voit dans certains autres mangas, mais ça reste du bon boulot. Il est épaulé par un character designer (Jyû Ayakura). En bref, un faux manga harem qui initie aux joies de la diplomatie, si on accepte certains postulats de base assez peu crédibles. Ajout : curieusement le titre anglophone pour la France (A Fantasy Lazy Life) n'est celui utilisé par les Anglo-saxons (The Ideal Sponger Life). Mais l'idée générale reste la même. En tout cas, sa vie n'est finalement pas de tout repos !

09/01/2025 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Madeleine, résistante
Madeleine, résistante

J'ai emprunté cette BD à ma fille qui a eu la trilogie en cadeau (quelle bonne idée d'offrir des BD !). Madeleine, résistante nous raconte le parcours de Madeleine Riffaud (dont je ne connaissais pas l'histoire), une jeune femme qui, malgré son jeune âge, choisit de lutter contre l’occupant nazi et qui n'a clairement pas froid aux yeux ! Une plongée dans la Résistance, mais surtout dans les choix et les doutes qui forgent une existence. Le dessin de Dominique Bertail est remarquable. Les décors sont précis, sans être surchargés et cela sert vraiment bien le récit. Je me suis juste interrogé sur le choix de cette bichromie. Techniquement elle est bien réussie, mais je ne vois pas ce qu'elle apporte au récit ? Un côté sépia pour poser l'action dans le passé ? Le scénario de Jean-David Morvan, construit en collaboration avec Madeleine Riffaud, offre un témoignage précieux. C’est dense, authentique, et ça évite le pathos. On suit Madeleine avec respect et une certaine admiration pour sa détermination. Pourtant, malgré cette richesse narrative, le récit reste assez linéaire. Les événements s’enchaînent sans grande surprise, et certaines scènes manquent de profondeur pour vraiment marquer. Peut être par respect pour l'humilité de Madeleine Riffaud ? Reste qu'avec une femme de cette trempe on aurait pu s'attendre à un peu plus d'intensité dramatique dans la manière de présenter les choses, mais ce n'était peut être pas le but recherché ? Parce que du drame, il y en a énormément dans la vie de Madeleine, mais on a presque l'impression que ca lui passe un peu par dessus. En définitive, je trouve que c’est solide, mais ça manque un peu d’audace pour sortir des sentiers battus, comme les cadrages du dessin. Une œuvre importante pour ce qu’elle raconte et pour la mémoire qu’elle transmet. Un immense merci à Madeleine Riffaud pour ce qu'elle a fait et son témoignage et à Raymond Aubrac pour l'avoir convaincue de commencer à témoigner. Sans cette BD, je serais passé à côté de cette vie exceptionnelle.

08/01/2025 (modifier)