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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Dernier debout - Jack Johnson, fils d’esclaves et champion du monde
Le Dernier debout - Jack Johnson, fils d’esclaves et champion du monde

Aucune personne de couleur dans ce monde n’a assez d’argent pour changer le noir en blanc. - Ce tome contient une biographie du champion de boxe Jack Johnson (1878-1946). Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Youssef Daoudi pour les dessins et les aplats de rouge, par Adrian Matejka pour la poésie (mention portée en lieu et place de scénario), et traduit par Sidonie van den Dries. Il compte trois cent huit pages de bande dessinée. En fin de tome se trouvent une chronologie des événements réels en quarante dates, une bibliographie sélective recensant une douzaine d’ouvrages, et deux pages de remerciements un quart rédigé par le dessinateur sur le mode collaboratif avec le scénariste, et trois quarts rédigés par ce dernier sur les quinze ans qu’il a consacré à ce projet, explicitant sa démarche. Jack Johnson expose que : Depuis la nuit des temps, les hommes n’ont cessé de combattre avant de se battre pour de l’agent. Ils se battaient avec les mains. Ils se battaient avec des cailloux, des bâtons. Ils se battaient pour conquérir les jolies femmes. Ils se battaient pour avoir de la viande, et le privilège de s’asseoir près du feu les soirs d’hiver. Les matchs de boxe ne sont qu’une version plus distrayante de ces luttes préhistoriques… et il est le meilleur combattant que la Terre ait porté. Le 4 juillet 1910, l’aube avait des allures de châtiment… À Reno, les anciens disaient que le soleil n’avait jamais été aussi proche. C’était le genre de chaleur qui vide les verres d’eau comme par magie et fait bouillir la sueur sur les fronts. Les œufs cuisaient sans feu. Les cigares s’allumaient spontanément. Ça n’a pourtant pas dissuadé les 20.000 spectateurs de débarquer en automobile, à cheval et en voiture à cheval. Des trains arrivaient toutes les demi-heures des quatre coins du pays. Quand les wagons étaient bondés, les fans voyageaient sur le toit. On était prêt à se ligoter à une locomotive pour assister au Combat du siècle. Bien sûr, Tex Rickard a choisi d’organiser le combat entre Johnson et Jeffries dans le Nevada. Et bien sûr, il a choisi Reno. Reno, où il était aussi facile et aussi bon marché de divorcer que de se faire servir un verre de whisky. Les parieurs, les supporters, les prostituées et les fans de combat ont envahi les rues, les poches pleines à craquer d’argent liquide. Presque tous les paris étaient en faveur de Jeffries. Les pickpockets et les petits voleurs étaient à l’œuvre. Les tickets étaient vendus aussitôt imprimés. Seuls 16.000 fans déchaînés purent s’en procurer un. Tous ces imbéciles pariaient contre Johnson. C’est comment déjà, le dicton sur le fou et son argent. Dans le désert, le soleil était presque au zénith. La chaleur était de plus en plus torride, mais les supporters en costume continuaient d’affluer. Les scieries et les charpentiers travaillaient dans la journée, en plein cagnard, et la nuit à la lumière des torches. Ils avaient eu moins de trois semaines pour construire le stade. L’air sentait la sciure, la sueur et la résine de pin des planches qu’on utilisait pour faire les gradins. On entendait encore les marteaux et les scie à l’œuvre, pendant que les spectateurs faisaient la queue. Mais ils l’ont terminé à temps. Johnson est prêt. Il est prêt depuis le jour où il a quitté Gavelstone pour faire fortune. Il est possible que le lecteur ait déjà entendu parler de Jack Johnson, soit parce qu’il apprécie la boxe, soit parce qu’il apprécie le jazz (l’album A tribute to Jack Johnson, 1971, de Miles Davis, 1926-1991), soit parce qu’il est familier avec l’histoire des Afro-Américains. Il est également possible qu’il découvre son histoire avec cette bande dessinée. Un rapide feuilletage montre des dessins dans un registre réaliste, avec un encrage parfois un peu acéré, parfois un peu pâteux, des aplats de noirs aux formes irrégulières, qui confèrent une rudesse certaine aux personnages, évoquant une vie dure, de combat, en parfaite adéquation avec les combats de boxe. Le lecteur peut y déceler comme une réminiscence de la virilité des dessins de Joe Kubert et de ceux de Jordi Bernet. Il comprend immédiatement que l’usage de la teinte rouge avec une légère nuance de rose permet de rehausser les éléments participant aux différentes formes de violence, à l’intensité d’un moment, à une forme de domination économique ou sociale. Il remarque également que dans le fil d’une forme traditionnelle de bande dessinée avec cases et phylactères, se trouvent des pages s’apparentant à une illustration accompagnée d’un texte, souvent disposé en de courtes lignes, à l’instar d’un poème. Le récit commence en 1910 par l’explication du choix de la ville pour le combat de boxe opposant Jack Johnson à James J. Jeffries (1875-1953), l’arrivée des spectateurs, le prix des tickets, la détermination de Jack Johnson, l’ambiance ouvertement raciste et agressivement raciste, et un interlude dans le futur (du récit) en 1938 où Johnson se tient sur scène en train de raconter son histoire. En page quarante-six le lecteur découvre la mention Round 1 : il comprend que vont suivre quinze chapitres, chacun correspondant à un round du combat, avec un va et vient entre les souvenirs du boxeur, ses déclarations lors de son seul en scène, et ses commentaires sur sa condition, sur l’époque, sur les enjeux sous-jacents. Les auteurs font preuve d’une réelle honnêteté en consacrant une part significative au combat du siècle (qualificatif d’époque), à la boxe, qui est au cœur de l’identité de Johnson, qui constitue son métier professionnel, qui est indissociable de son caractère, de sa personnalité, de son histoire. D’un autre côté, le récit reste dans la narration, sans vulgarisation des techniques de boxe. La lecture s’avère très facile, éloignée des tics habituels d’un ouvrage de nature historique : pas de pavé de texte explicatif avec des cases d’illustrations, pas de reportage chronologique. Voire s’il n’y prête pas attention, le lecteur peut passer à côté du lien direct entre la façon de raconter le combat au temps présent, et Jack Johnson sur scène s’adressant à un public. La narration visuelle commence par trois pages aérées : trois cases de la largeur de la page sur la première, puis deux, puis trois. Les dessins se focalisent sur les poings en train de boxer dans le vide, avec un court texte en-dessous de chaque case. Puis ils passent aux paysages aux alentours de Reno : des montagnes dans le lointain, un lézard en gros plan, une voiture soulevant un nuage de poussière, une moto d’époque, l‘arrivée du train… Le lecteur apprécie vite cette reconstitution historique visuelle, avec une sensation palpable de textures, avec une apparence de matières mises à l’épreuve par le temps et par l’usure, avec cette sensation d’une réalité dure, rugueuse et âpre. L’artiste met à profit la pagination conséquente pour mettre en œuvre trois types de mises en page différentes. Il réalise des pages descriptives, denses en information visuelles, que ce soit pour les décors, les paysages, les personnages et les tenues vestimentaires, une approche réaliste de documentée. À d’autres moments, il se focalise sur les personnages, soit en pied, soit en gros plan, bougeant et se déplaçant sur un fond vide, pour mieux faire ressortir leurs mouvements (par exemple celui des boxeurs), ou le langage corporel entre deux personnes, Jack et son épouse, ou son agent, ou autre. Le lecteur découvre également un certain nombre de séquences avec des fonds de pages noir (gouttières et bordures), avec parfois uniquement Jack Johnson en train de parler, ou bien une illustration d’un objet, d’une affiche accompagnée d’un texte disposé en courtes lignes, comme un poème. Lorsque les auteurs évoquent les réactions des journaux, le dessinateur peut adopter une mise en page avec des manchettes et des colonnes de journal, des illustrations à la manière des dessins humoristiques ou caricaturaux de l’époque. Cette mise en œuvre de formats différents participe au rythme de la lecture et à sa diversité. En outre, le lecteur ressent rapidement le qualificatif donné au scénariste : poésie d’Adrian Matejka. Lors des séquences avec une illustration accompagnée d’un texte disposé en courtes lignes, il voit en quoi cela participe d’une forme de poésie, très réaliste, sans rime (même si elles peuvent s’être perdues à la traduction), des réflexions construites sur la base d’un état d’esprit, au cours desquelles le narrateur prend du recul sur sa condition, sur l’image que le monde renvoie de lui, sur sa nécessaire adaptation à la réalité de la place assignée aux Afro-Américains par la société. Les auteurs mettent en scène le racisme de manière frontale, sans prendre de pincette, tel que Jack Johnson l’a vécu, ou plutôt l’a affronté, tel qu’issu de l’histoire des esclaves. Ils savent entremêler de manière organique la pratique professionnelle de la boxe, le mur auxquels se heurtent les Afro-Américains (dont la Color Line), et la personnalité de Jack Johnson à la fois boxeur par vocation, à la fois individu animé par la combativité dans la vie de tous les jours comme sur le ring. Ainsi, cet être humain apparaît comme un produit de l’environnement dans lequel il est né et a grandi, comme un combattant dans l’âme, comme une personne faisant preuve de recul sur sa situation sociale, sur les forces systémiques auxquelles il est confronté, qui modèlent sa vie, qui l’emprisonnent dans un rôle. La construction narrative et la sensibilité du récit vont bien au-delà d’une biographie rigoureuse : le lecteur éprouve une forte sympathie pour Jack Johnson, associée à une empathie profonde, comprenant aussi bien que ressentant sa frustration qu’il transforme en rage combative pour vaincre ses adversaires, exercer son art à la hauteur de son talent, exulter au-delà des limites systémiques de la société de l’époque. Dans le même temps, ils montrent aussi les aspects négatifs d’un tel mode de vie, à commencer pour sa compagne Etta Duryer. Un boxeur de légende à plus d’un titre : premier champion du monde poids lourds noir, confronté de plein fouet au racisme très ouvert de la société de son pays. Les auteurs font usage des spécificités et des capacités de la bande dessinée, avec maîtrise et inventivité, dans une forme conçue sur mesure, pour une expressivité protéiforme. Le lecteur découvre la biographie de Jack Johnson, fait l’expérience de l’oppression systémique, ressent pleinement la combativité qui l’anime et sa capacité à sublimer la colère générée par le racisme. Être Jack Johnson.

01/10/2025 (modifier)
Couverture de la série Au-delà de Neptune
Au-delà de Neptune

Au-delà de Neptune est un voyage à la fois intime et cosmique, qui illustre parfaitement l’ambition du nouveau label Aux confins des éditions Steinkis, dédié aux récits de genre étrangers. Signé par l’Italien Gabriele Melegari, ce one-shot raconte l’odyssée solitaire de Lela, unique astronaute à bord du vaisseau-télescope Ulysse, en route vers Neptune en 2283. Pendant plus de sept ans, elle vit coupée de la Terre, retransmettant ses rapports vidéo avec une précision quasi militaire, mais aussi avec une honnêteté crue sur ses états d’âme, ses doutes et ses regrets, notamment celui d’avoir laissé sa compagne sur une Terre polluée. Melegari réussit un subtil équilibre entre SF et introspection. Lela n’est pas seulement exploratrice, elle incarne une tension entre vocation altruiste et désir personnel de découverte, entre la quête de solutions pour sauver l’humanité et l’appel irrésistible de l’infini cosmique. L’auteur interroge ainsi des thématiques contemporaines comme le dérèglement climatique et la dépendance à la technologie, sans jamais imposer de réponses faciles, laissant le lecteur méditer sur ce qui pourrait attendre l’Homme au-delà de notre système solaire. Graphiquement, l’album est un régal. Les scènes spatiales sont vertigineuses, mélangeant perspectives imposantes, décors technologiques détaillés et plongées lyriques dans des paysages exoplanétaires enchanteurs. L’usage de la gouache et de l’aquarelle donne une densité et une profondeur au noir spatial qui rendent l’expérience visuelle presque palpable. Les hallucinations de Lela, ses souvenirs de Béa et ses explorations virtuelles des exoplanètes sont autant d’occasions pour Melegari de mêler réalisme scientifique et lyrisme. Au-delà de Neptune est une réussite qui capte le lecteur dès la première page et le maintient suspendu jusqu’au dénouement. C’est un premier album prometteur qui inaugure idéalement le label Aux confins, à la fois par la force de son récit et la beauté de son objet-livre. On en ressort avec l’impression d’avoir voyagé autant dans l’espace que dans l’esprit d’une héroïne attachante et complexe.

30/09/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Super Dys
Super Dys

Les neuroatypiques, une (très large) catégorisation des personnes ayant des difficultés d'apprentissage, comptent parmi leurs rangs les dys. Dysorthographiques, dyspraxiques, dyslexiques, etc., etc. Ils ne sont pris en charge en tant que tels que depuis une ou deux décennies, et c'est un véritable parcours du combattant pour les personnes diagnostiquées (quand elles le sont) et leurs parents. C'est ce qu'a voulu montrer Christelle Béchouche, qui a elle-même connu des soucis d'apprentissage dans sa jeunesse et a fait de la vulgarisation du sujet un de ses sujets de prédilection. Son crédo : faire comprendre aux enfants dys qu'ils n'ont pas un "problème", mais plutôt un superpouvoir, la capacité de "voir", de "sentir" les choses différemment de celles et ceux qui s'insèrent dans des apprentissages "classiques". Des solutions existent, elles sont détaillées dans l'album : équipes pédagogiques, AESH, PAP... Des termes peut-être abscons, mais qui sont explicités en annexe de l'album, un autre bon point. Les dialogues et les récitatifs de l'album ont d'ailleurs été imprimés dans une police de caractères que les dys peuvent lire, car c'est l'une des difficultés primales qu'ils rencontrent. Le dessin est assuré par Juliette Bertaudière, qui a déjà deux autres albums derrière elle, et donc le style "naïf" colle bien avec la narration toute en bienveillance, en douceur et en pédagogie réalisée par Béchouche. Au final un album qui fait du bien à la cause des dys.

30/09/2025 (modifier)
Par Josq
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Aventures de Fred et Alfred
Les Aventures de Fred et Alfred

Avant de se faire connaître comme auteur de bandes dessinées policières et historiques, François Dimberton a commencé avec des récits dans la veine de Tillieux comme Alex - Gentleman détective ou Celsius. Ici, il commence à trouver sa propre identité. L'auteur dont on pourrait probablement le rapprocher le plus serait Greg, pour la loufoquerie de ses aventures, mais la comparaison s'arrête là. Même si certaines péripéties et leur résolution peuvent paraître un peu faciles, c'est autorisé par l'absurdité du ton choisi. C'est vraiment là que Fred et Alfred fonctionne le mieux : ça part dans tous les sens, et c'est pour ça que c'est génial ! On ne sait jamais où le scénario va nous emmener, ce qui permet à Dimberton d'ouvrir un champ des possibles parfaitement réjouissant. Le dessin épuré, dans la plus pure veine d'un Tillieux ou d'un Franquin (pas toujours avec la même maîtrise, certes) flatte l'œil du début à la fin. C'est toujours très lisible et agréable à lire, c'est dynamique, bondissant, coloré... Ajouté à l'imprévisibilité du scénario et à l'humour souvent efficace des dialogues et des situations, cela donne une belle bande dessinée d'aventures comme on les aime ! Dommage qu'il n'y ait eu que deux tomes, mais on profite sans retenue de cette pépite si injustement oubliée.

30/09/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les 5 Terres
Les 5 Terres

Il m'en a fallu du temps avant de lire cette série. Il faut dire que chaque fois que je pensais la prendre à la bibliothèque, il y avait toujours au moins un ou deux tomes manquant et j'avais pas envie de la lire avec des trous. Il faut dire aussi que j'avais peur de tomber dans un scénario tellement complexe que j’allais me perdre et du coup j'ai attendu et attendu et lorsque j'ai finalement décidé que lire cette série serait une priorité, ben j'ai emprunté d'un coup les 14 premiers tomes de la série ! J'ai tellement attendu qu'un paquet de tomes étaient déjà sortis, mais je ne vais pas me plaindre parce que cela m'a permis de lire deux cycles complets sans avoir à attendre et j'ai une bonne vue d'ensemble de la série. Le premier cycle est vraiment excellent et j'ai adoré lire cette lutte de pouvoir dans la cité des félins. Certes, il y a beaucoup de personnages, d'intrigues et de sous-intrigues et il faut bien s'accrocher vu le nombre de retournement de situations, mais c'est très bien fait. Le scénario est palpitant et il y a une bonne galerie de personnages. Le dessin est pas mal et les personnages sont bien typés. Puis vient le deuxième cycle qui m'a vite refroidi. Alors que les félins étaient faciles à différencier, c'est un peu moins le cas avec les singes. c'était souvent confus et je ne me rappelais plus qui était qui. Les luttes entre membres du même clan de singes ressemblent trop à ce qu'on a vu dans le premier cycle et surtout l'histoire fait un peu du surplace juste pour que le cycle ait 6 tomes. Bref, je commençais à m'ennuyer un peu et puis la seconde partie du dernier tome de ce cycle m'a captivé parce que l'intrigue générale sur l'avenir des 5 terres avance enfin et c'était passionnant. Les deux tomes suivant du troisième cycle qui met en vedette les ours ont confirmé que la série redevenait intéressante, on a droit à la fois à ce que font les ours en dehors de leur territoire pour se venger des félins dont le pouvoir décline et à ce qui se passe sur leur propre territoire, on ne perd pas son temps comme dans le deuxième tome et la fin du tome 14 me donne envie de lire la suite. Donc voilà pour l'instant je donnerais 4.5/5 pour les cycles 1 et 3 et 2/5 pour le cycle 2. Espérons que ce cycle avec les singes qui m'a moins enthousiasmé ne sera qu'une erreur de parcours !

30/09/2025 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Quête de l'Oiseau du Temps - Avant la Quête
La Quête de l'Oiseau du Temps - Avant la Quête

Je réécris mon avis après lecture de l’intégralité de la série, qui le mérite bien. Je commence par le négatif, et par la même remarque faite aux autres séries récentes de Loisel (Le Grand Mort, Magasin général) : je trouve que les auteurs ont trop rallongé la sauce, et l’intrigue tourne un peu en rond vers les albums 5, 6 et 7. La série originale faisait 4 tomes, le rythme y était beaucoup plus soutenu. Cela dit, j’ai beaucoup aimé l’histoire, elle est plus moderne que le cycle original, et accomplit parfaitement son rôle de préquelle : elle nous permet de revisiter de nombreux lieux mythiques, de découvrir la jeunesse de personnages bien connus (Balrog joue un rôle central et est très attachant) et de faire la connaissance de quelques nouvelles têtes (Kryll). Le dernier tome est épique, le dénouement est rempli d’émotion et représente le raccord parfait avec le tome 1 de La Quête de l'Oiseau du Temps… je n’ai d’ailleurs par pu m’empêcher d’enchainer sur une énième lecture de ce classique ! Le dessin est superbe, mais varie forcément : 27 ans entre le tome 1 et le tome 8 (est-ce bien raisonnable ?), 4 dessinateurs et 4 coloristes ! Ces derniers font de leur mieux pour proposer une certaine cohérence, et de manière générale, ça passe plutôt bien. Un cycle immanquable pour les amateurs de La Quête de l'Oiseau du Temps. Je me demande si le troisième cycle « Après la quête » est toujours d’actualité ?

07/06/2011 (MAJ le 29/09/2025) (modifier)
Par Blatte147
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Vie pleine de joie du triste chien Cornelius
La Vie pleine de joie du triste chien Cornelius

Probablement à ce jour, la meilleure bd que j'ai lue de toute ma courte vie. En réalité, le livre Cornélius n'est pas une bd, et il n'a rien à faire sur ce site. Prendre Cornélius comme une bande dessinée est une erreur, il faut prendre comme un mythe, un mythe ayant traversé les âges, ayant traversé les époques, et ayant traversé les visions (fausses, car il n'y en a en réalité qu'un) d'auteurs différents. C'est pas facile de décrire ce livre, cela semble être un enchaîné de planches, de bd ou d'illustration, avec plus ou moins de liens entre elles, semblant toutes venir d'époques, et d'auteurs différents, toujours tournant autour du chien Cornelius. La préface nous le dit clairement : "Ce livre est le premier d'une série de quarante volumes [...] dans le but de rassembler une partie de la production autour du personnage, né il y a 300 ans dans la République de Maïame" Les notes de fin de pages (que certains ont sauté) le font aussi comprendre, Cornélius a une importance incroyable dans ce monde, cest l'équivalent de Picsou ! l'auteur nous révèle aussi sa grande connaissance de l'histoire de la bande dessinée et de ses codes à travers le temps. chaque page semble fourmiller de détails propres à l'époque où elle serait soi-disante sortie. certaines pages rappellent les bd de Mafalda, d'autres les publicités des magazines anciens, ou encore d'autres, semblant toutes droites sorties d'un fanzine étudiant. C'est une sensation qui ne m'était jamais arrivé, Cornélius est une bd, donnant envie de lire. Cornélius est une bd donnant envie de s'instruire, c'est une bd donnant envie d'apprendre l'histoire, c'est une bd qui m'a donné envie d'en lire d'autres. Certaines personnes se sont plaint de l'histoire de Cornélius, la trouvant peu intéressante, c'est là ce que je trouve génial. Il faut avoir de l'imagination avec Cornélius. dans un monde parallèle, il existe des millions d'histoires de ce chien, ce faisant, je demande alors "quelle importance ?" Parmis toutes les œuvres de Cornélius, il y en a forcément des mieux, mais cette bd de 300 pages n'est qu'un episode parmis tant d'autre, il ne faut pas le prendre au sérieux. Mon avis est vraiment trèss nul, comparé au truc génial qu'est Cornélius, je ne peux donc que vous conseiller fe vous jeter dedans, sans prêter attention aux avis extérieurs, comme je l'ai fait.

29/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Moi, ce que j'aime, c'est les monstres
Moi, ce que j'aime, c'est les monstres

Voilà donc l’album récompensé à Angoulême cette année ! Un gros pavé de plus de 400 pages, que je n’avais pas vu sur les rayonnages à sa sortie. Il faut dire que Monsieur Toussaint Louverture n’a pas forcément droit aux têtes de gondole. Et il faut dire aussi, que seuls des petits éditeurs prennent encore le risque de publier ce genre d’œuvres, franchement atypiques. Après un petit temps d’adaptation – on ne rentre pas si facilement dans cet album je trouve –, j’ai été véritablement happé par l’histoire, qui se révèle au bout d’un moment bien plus classique qu’elle n’en a l’air au premier abord. L’un des gros atouts de cette œuvre, c’est l’aspect graphique ! Et je ne parle pas seulement du dessin, mais aussi du parti pris d’en faire une sorte de carnet intime, avec les lignes, le trou pour les spirales, cahier dans lequel une jeune femme raconte sa vie, colle des documents (comme les couvertures de magazines populaires, d’horreur, photos, etc.). Le dessin justement, que j’ai trouvé très beau. En Noir et Blanc le plus souvent, mais avec des touches de couleurs, et parfois même de pleines pages « colorées ». Différents styles, niveaux de crayonnés se succèdent (cela renforce le côté « carnet », « pris sur le vif »). Ce qui est singulier, c’est que Ferris alterne un trait réaliste, très précis, avec des crobars en esquisse, et parfois un trait bien plus caricatural, qui doit beaucoup à une certaine esthétique underground, et à l’influence de Crumb je trouve, avec des corps plus en chair. Styles et précision plus ou moins grande du trait cohabitent donc, sans que cela ne gêne la lecture, ni n’altère l’unité de l’ensemble. A plusieurs reprises, surréalisme et expressionnisme font des incursions. L’intrigue elle-même nous permet de mieux connaître la narratrice, Karen, une jeune fille laide, « qui aime les monstres » (et dont certains côtés m’ont fait penser à certains monstres présents dans l’album enfantin « Max et les Maximonstres », de Sendak). Après nous avoir présenté son existence, plus ou moins rejetée – mis à part quelques rares camarades elles aussi « atypiques » et son frère Deeze – Karen se lance dans une sorte d’enquête, après la mort de la voisine du dessus, Anka (Karen est persuadée qu’elle a été assassinée). C’est ensuite la vie d’Anka qui va occuper une bonne partie de l’album, depuis son enfance dans l’Allemagne des années 30, au milieu d’autres « monstres », pédophiles, Nazis, etc. Puis elle revient aux États-Unis, pour les suites de « l’enquête », dans l’entourage de la défunte. Par-delà l’intrigue elle-même, l’album est aussi – et avant tout ? – une très belle ode à la différence, défendant ceux qui « sont mis de côté » parce que « différents » (jeunes, Noirs, Indiens, femmes, Juifs, etc.). L’histoire est d’ailleurs sensée se passer aux États-Unis, dans les années 1960, en pleine révolte des « minorités ». Comme je l’ai dit, l’album ne se laisse pas apprivoiser facilement, et sa lecture exige de la concentration et du temps ! (texte très abondant, placé parfois dans tous les sens – j’ai eu quelque fois du mal à savoir dans quel ordre il devait être lu. Les pages sont bien remplies, c’est le moins que l’on puisse dire !!!). Mais il vaut vraiment la peine de s’y consacrer, de s’y plonger. Et pour le coup, je comprends pourquoi cette œuvre a pu décrocher tous ces prix : c’est ambitieux et beau, et bien plus accessible au « grand public » qu’on pourrait le croire – même si je vous recommande quand même un petit feuilletage avant de l’acheter. **************** Je vais faire plus court pour mon avis concernant le deuxième tome. la lecture est toujours aussi envoûtante - ou oppressante, voire repoussante, c'est selon votre degré d'acceptation du style graphique et narratif de Ferris. Mais j'aime toujours autant son trait nerveux, son travail au Bic, que ce soit pour le Noir et Blanc ou pour les passages en couleurs. J'apprécie aussi sa mise en pages déstructurée, le rendu en fac-simile d'un carnet, avec les lignes, les trous pour le classeur, etc. Un dessin qui passe encore du croquis en esquisses au dessin plus méticuleux et développée, qui joue sur une imagerie surréaliste parfois. On aime ou pas, mais j'y trouve mon compte. Pour ce qui est du récit, il est lui aussi encore fouillis et part dans pas mal de directions, et je conçois qu'en plus du travail graphique, cette narration puisse dérouter nombre de lecteurs, c'est une oeuvre qui reste clivante. Il n'y a plus la surprise de la découverte, mais ça reste quand même un récit plaisant, avec une héroïne en plein questionnement de sortie d'adolescence, une société américaine en pleine ébullition, des relations entre frère et soeur pas toujours faciles, etc. Cela dit, malgré mes louanges, j'admets que la lecture n'est pas toujours fluide, et que la pagination plus qu'importante impose une concentration certaine et longue. Il faudra sans doute encore attendre un certain temps pour lire la suite (au moins un album supplémentaire, l'éditeur annonçant aussi un préquel). Je réitère aussi mes félicitations pour l'éditeur, qui prend énormément de risques, mais qui a fait un très beau travail. Une série qui sort franchement des sentiers battus.

16/02/2019 (MAJ le 26/09/2025) (modifier)
Par Cleck
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Des filles normales
Des filles normales

Je n'ai jusqu'alors pas eu la chance de lire La Falaise, premier roman graphique a priori fort réussi mais déstabilisant, de Manon Debaye. Cette seconde œuvre retint néanmoins fortement mon attention : le style visuel m'attirait assez (un trait fin, précis et pourtant peu assuré, associé à de délicates couleurs crayonnées), la thématique musicale me réjouissait évidemment (des ados fans d'un musicien rock, composant elles-mêmes de la musique), le sujet féministe (le regard des hommes sur les corps féminins, ici adolescents), brûlant en cette rentrée littéraire, réclamait idéologiquement et professionnellement mon attention. Ce fut un choc ! De ces BD qui, une fois refermées, vous laissent coi quelques instants, les yeux possiblement humides de colère, l'esprit et les idées s'agitant frénétiquement, pour recréer du lien avec les thématiques sociétales contemporaines et les combats à mener, avec des souvenirs de lectures, films ou chansons ravivés. Manon Debaye est parvenue en quelques situations, à dresser un portrait assez juste de trois amies dissemblables et longtemps inséparables. Ce qu'elles se confient, ce qu'elles cachent, les personnalités des unes et des autres via les ascendances, décisions et prises de parole. Mais ici, contrairement à la merveille de Vanyda Celle que..., la cruauté affleure de toute part installant un malaise jusque dans des situations espérées rêvées (comme celle de la rencontre avec leur idole). Le véritable sujet s'impose alors : comment le regard des hommes sur les femmes façonne le monde, les corps, les attitudes... influençant sournoisement jusqu'au regard des mères ou celui des meilleures amies, atteignant naturellement l'estime de soi. La BD choisit d'aller vers le terrible drame, sans spectaculaire, ni panache, en demeurant dans un effroi glacial et contenu. La seconde partie évoquera l'après, la culpabilité, la reconstruction, la résilience, l'impossible oubli. Mini faiblesse du récit et des illustrations, ces destins brisés ne nous apparaitront pas avec clarté, les nouveaux visages entraperçus (ou vieillis ou appartenant à de nouveaux personnages), pas toujours aisément identifiables, créeront un doute et une distance, pas inintéressants d'ailleurs car renforçant l'impact du retournement de situation final. Et permettant furieusement d'insister sur les déterminismes sociaux engendrant honte et silence plutôt que colère et combat, sur l'affreuse réalité de ces situations tristement communes, peu perceptibles pour un œil extérieur même bienveillant. BD féministe importante, qui s'inscrit dans une urgence (au même titre que "Notre affaire", "Les Yeux d'Alex", Rouge signal, "Une obsession", "Ces lignes qui tracent mon corps"...), une dynamique sociétale contemporaine chamboulant enfin le petit monde de la BD, longtemps demeuré en retrait sur ces sujets.

24/09/2025 (modifier)
Par Yann135
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série 1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta

Attention les amis, avec ce diptyque vous allez découvrir une épopée maritime d’une beauté à couper le souffle ! Pour les amoureux des récits d’aventure et des flots déchaînés, accrochez-vous aux bastingages. Ça décoiffe je vous dis ! 1629 ou l’effrayante histoire des naufrages du Jakarka est une œuvre qui vous embarquera dans une tempête d’émotions et de splendeurs graphiques. Cette bande dessinée est une pépite qui allie rigueur historique et art narratif d’exception avec au scénario le talentueux Xavier Dorison et au crayon le virtuose Thimothée Montaigne. Visuellement c’est terrible ! Un découpage de maître, des planches à couper le souffle. Dès les premières pages, on est saisi par la maîtrise du découpage… des cadrages audacieux, des pleines pages somptueuses qui déploient toute leur puissance visuelle, comme des vagues déferlantes sur le papier. Timothée signe ici des dessins d’une beauté rare, où chaque détail – des cordages tendus aux visages burinés par le sel – respire l’authenticité. Mais que c’est bon ! Les jeux d’ombres et de lumière, les perspectives vertigineuses, tout concourt à immerger le lecteur dans l’horreur et la grandeur des éléments déchaînés. MA GNI FI QUE ! On découvre l’équipage, les tensions, les espoirs… puis, le rythme s’emballe, et c’est le naufrage, au sens propre comme figuré. Le scénario est bon. Xavier excelle dans l’art de construire une tension haletante, entre survie, trahisons et folie. Les dialogues sont ciselés, les personnages profonds, et l’on sent à chaque case le poids de la fatalité qui pèse sur ces âmes perdues sur une ile loin de tout. Il y a cependant un truc qui ne va pas. Le prix de ces 2 BD fait mal ! Si l’œuvre est un chef-d’œuvre, le prix des deux albums … 84 euros au total est un véritable coup de massue. À ce tarif, les éditions Glénat semble avoir perdu le nord et mérite un carton rouge pour son manque de considération envers les bourses des passionnés. Vraiment dommage, car cette série mérite d’être lue par le plus grand nombre, et non réservée à une élite. Si votre porte-monnaie le permet, embarquez sans hésiter. Sinon, espérez une réédition plus accessible… ou un miracle en librairie d’occasion !

22/09/2025 (modifier)