L'idée géniale de cette BD : et si l'imaginaire était la réalité et la normalité dans un autre monde.
Il m’est impossible ici d’énumérer tous les contes et toutes les légendes populaires intégrés dans ce monde sans gâcher votre plaisir. Je peux juste voir dire que c’est intelligemment mis en scène avec beaucoup de poésie, de tendresse, de douce naïveté et relevé d’une pointe d’humour.
Le dessin, un brin désuet mais parfait pour le sujet, est plein de charme. On est happé par les quelques dessins pleine page.
Une petite déception m’empêche de mettre 5/5 : j’ai fini ma lecture en me disant « oh non ! déjà fini ! ». J’aurai facilement lu 2 ou 3 tomes de plus sur ce sujet tellement bien maîtrisé.
"La guerre éternelle" ou la guerre absurde…
J’ai souvent entendu des lecteurs confronter Universal War One à cette série, alors en bon fan de l’œuvre de Bajram, j’ai lu et apprécié cette excellente série qu’est La guerre éternelle. Et je ne comprends pas pourquoi s’attacher à vouloir comparer ces deux monuments. Alors oui, c’est de la SF et ça parle de la guerre mais bon c’est un peu maigre. C’est vrai que les auteurs jouent tous les deux avec l’espace-temps mais pas du tout de la même manière. Enfin passons et revenons à nos moutons…
Adapté de son propre roman, Haldeman raconte la guerre entre les hommes et les Taurans. A des années-lumière de la Terre, une fusée terrienne est abattue par des extraterrestres. La guerre est déclarée. L'Armée d'Exploration des Nations Unies recrute et forme un corps d'élite surdoués composé de 50 hommes et de 50 femmes qui seront ensuite envoyés dans l'espace pour combattre un ennemi dont ils ne connaissent absolument rien. Pour se déplacer sur le lieu du conflit, les soldats utilisent des vaisseaux se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière, ce qui provoque des décalages temporels induits par l'accélération. Et à chaque retour de mission qui pour eux n’a duré que quelques mois alors qu’il s’est écoulé plusieurs années sur Terre, entraîne des changements énormes. Vous imaginez les situations tragiques que ça peut entraîner pour les deux héros que sont Marygay Potter et William Mandella. Et pour tout ce qui concerne les évolutions techniques et scientifiques, ils sont en retard sur leur temps.
Outre tous ces aspects très intéressants du côté scénaristique, l’auteur dénonce les horreurs et l’absurdité de la guerre qu’il a lui même connues au Vietnam. Quitter son pays pour combattre sans savoir pourquoi, en milieu inconnu, des gens qu’on ne connaît pas, et puis rentrer à la maison, quand on a cette chance, pour ne plus rien reconnaître. Cette histoire en trois tomes est intelligente, intéressante et bien tournée. La voix off prend le temps de bien tout détailler, alors certains reprocheront peut-être une certaine lenteur. C’est sombre et désespéré mais ça finit tout de même sur une note d’optimisme.
Je trouve les dessins de Marvano, disons, moyens, dans un style réaliste mais épuré. Les vaisseaux sont chouettes et les scènes spatiales rendent bien. Le découpage et le cadrage de la série sont parfaits. Mais les quelques paysages "terrestres" ne sont pas terribles et très approximatifs. Les visages des personnages sont trop vides et l’encrage en général me paraît trop fin et discontinu.
Selon moi, les couleurs de Marchand sont trop pâlotes et ne donnent pas assez de vie aux dessins.
Pour résumer, un scénar béton et des illustrations pas vraiment à la hauteur mais pas au point de gâcher la lecture. Tout amateur de SF se doit de lire cette série.
"Luxley" quand l’histoire prend un virage inattendu…
Le scénario de Mangin est une uchronie, un détournement de l’Histoire (ou une histoire alternative). Ce genre mêlant Histoire et fiction est vraiment très intéressant, on part d’une date historique et de faits avérés et à un moment donné on fait entrer de nouveaux protagonistes qui changent le cours de l’histoire tel qu’on la connaît.
Ici, nous sommes en Angleterre en 1191, Robin des bois lutte contre le prince Jean, jusqu’ici tout va bien, mais c’est là que débarque une gigantesque armée d’Aztèques et de Mayas venus des Amériques pour conquérir l’Europe, tout ça trois siècles avant que Christophe Colomb ne découvre le nouveau monde. Finies les petites querelles de royaume et les croisades, Robin de Luxley doit maintenant combattre contre un envahisseur sanglant, tyrannique et organisé. De plus leurs chefs, les Apus, sont capables de lire l’avenir, ce qui est un avantage tactique de taille. C’est d’ailleurs à cause et grâce à ce pouvoir, qu’ils sont venus sur le vieux continent, pour faire un genre de frappe préventive. Je trouve cette idée de départ vraiment géniale mais un peu lente à se mettre en place.
Le tome 1 pose les bases mais s’attarde trop sur l’emprisonnement de Robin. Le second n’est pas inintéressant mais le fait de confronter Luxley à l’Inquisition ralentit encore l’avancement de l’intrigue. Je lirai la suite en espérant qu’il y ait plus de rythme, car ces deux mises en bouche ont vraiment éveillé ma curiosité. Valérie Mangin est vraiment une scénariste très douée.
Les dessins de Ruizgé sont tout ce qu’il y a de plus classique dans le genre réaliste franco-belge, rien d’exceptionnel mais très lisible. Une mention tout de même pour les Aztèques et les Mayas qui rendent très bien.
Les couleurs de Chagnaud sont justes, elles collent remarquablement bien à l’histoire en utilisant des tons et une palette de couleurs en harmonie parfaite avec l’ambiance de la série.
A noter que la réédition du tome 1 chez Quadrant Solaire s’est vue changer de couverture (je préférais l’autre) mais elle s’est surtout vue compléter d’une introduction de 6 planches qui met encore plus l’uchronie en évidence.
Ca c'est du culte !!!
Une page de l'histoire de le BD à elle seule, la série est certes un peu kitsch mais ô combien grandiose... de par son dessin digne des grands maîtres, ses compositions raffinées, son dynamisme bien que cela reste fondamentalement du texte illustré, c'est un plaisir absolu que de se replonger dans l'histoire du chevalier le plus célèbre, et c'est largement mérité quand on voit le boulot abattu pendant des décennies par Harold Foster.
Sans faillir et sans baisse de qualité, au contraire, les personnages évoluent au fur à mesure des aventures et de leur âge.
Comme quoi il n'est pas nécessaire d'attendre les années 2000 pour être audacieux et faire des personnages qui vieillissent.
Seul bémol, l'aspect de prime abord désuet (les fameuses coupes de cheveux et les costumes style Errol Flynn), mais c'est tellement talentueux et éternel que cela fait partie du charme des oeuvres qui vieillissent bien. Même les éditions en couleurs sont intéressantes...
A l'époque, tous mes amis lycéens manifestaient pour je ne sais plus quoi, mais ce dont je me rappelle c'est l'immense plaisir que j'ai pris à lire cette BD.
Surpris tout d'abord par l'univers dans lequel nous plonge cette oeuvre, le scénario délivré par M. Van Hamme a retenu mon attention de la première à la dernière page. Et les planches de Grzegorz Rosinski n'étaient pas en reste. Je considère ce bouquin comme un des meilleurs qui soit. Dans la foulée, j'ai attaqué les Thorgal, XIII, Largo Winch...
De plus, je trouve que cette version pessimiste du mythe chrétien (ou n'importe quels autres mythes d'ailleurs) est géniale.
Si tu cherches un classique pour commencer ta BDthéque, celui-ci est un très bon achat.
Je ne connaissais pas Bilal avant de lire cette Trilogie. Je dois avouer que je ne suis nullement déçu du voyage.
C'est un sacré dépaysement que nous offre Bilal.
L'histoire, la manière de conter l'histoire, l'ambiance, les personnages…Tout est tellement personnel que je ne peux vraiment pas essayer de comparer cette série ou cet auteur à quoique ce soit d'autre que je connaisse.
Cette série est une sorte de mixe entre les magouilles politico mafieuse.
Tout ça pour un tome qui nous expulse sans précaution de la sphère terrienne classique et des concepts habituels de la BD.
Bilal sur cette BD est une véritable comète hors des chemins battus.
Rien que son style graphique complètement exceptionnel nous libère de tous les usages dont on nous gave chez d'autres éditeurs. Vous cherchez un dessin pas prise de tête, clair, lumineux, joyeux ? Passez votre chemin !
Bilal ne donne pas beaucoup de coups de crayons. Son trait n'est pas le plus chargé et le plus détaillé que je connaisse. En revanche, la mise en couleur est affolante. Non, ce ne sont pas des couleurs pleines ! Au contraire, les nuances, les dégradés, les défauts de la mise en couleur donnent une vie terrifiante au plus infime détail.
La mise en page, les plans de vue choisis font preuve d'une recherche et d'une volonté de faire réfléchir.
Seuls ombre au tableau, le dessin n'est pas vraiment dynamique. Bilal a du mal à faire passer le mouvement.
Mais finalement, cela va plutôt bien avec son univers coincé, engoncé dans sa dégénérescence…
Cette série est à prendre avec un grand souci de l'anticonformisme. Une première lecture directe à la mode 'Soleil prod' (j'ose comparer !!!) vous ferait rejeter cet album comme une sous réalisation infâme et indigne d'être publiée. Mais c'est de l'art et du vrai et comme tel il faut réfléchir, mûrir avant de pouvoir donner son avis.
Les délires de l'auteur sur les joutes du futur, sur la manie discriminatoire et les déviances que Bilal avait déjà repéré à son époque et qu'il amplifie afin de nous alerter, les défauts qu'il prête même aux Dieux (comment la pyramide est déstabiliser est un chef d'oeuvre d'humour décalé, comment les dieux jouent au monopoly…).
Le destin des différents personnages est bouleversant, Bilal n'est pas fleur bleue et il nous le fait bien sentir.
Bref, moi de telle BD, j'en lirais bien tous les jours.
Avant de commencer ma critique, faisons un point sur l'histoire de la Nouvelle Calédonie…
La prise de possession de la Nouvelle-Calédonie en 1853 marqua le point de départ d'une longue phase de dépopulation pour les autochtones: les raisons épidémiologiques de la baisse considérable des effectifs kanak sont connues, tout comme le sont les conséquences des répressions militaires et les causes psychologiques dues aux spoliations foncières et aux déplacements de population. Tous ces facteurs, parmi lesquels il convient de ne point omettre l'évangélisation, provoquèrent une altération sociale et culturelle qui commençait, inéluctablement, par la perte du territoire qui était le support de l'identité des groupes précoloniaux. Entre 1860 et 1921, la population kanak passa de 42 000 à 27 000 personnes environ (SAUSSOL, 1981), pour retenir une estimation basse de la population initiale. Cette dépopulation fut plus ou moins marquée selon les zones; relativement atténuée dans les îles Loyauté, elle fut en revanche considérable dans certaines régions de la Grande-Terre. À Koumac, la population passa ainsi de I 000 habitants environ vers 1855 à 134 en 1906; à Bondé tout proche, l'énumération des calamités est lancinante: épidémies de grippe en 1852 et 1853, de lèpre en 1866, de peste en 1903, 1904, 1906, 1909 et 1914, d'oreillons en 1912 ;expédition militaire en 1868,cyclones en 1853et 1890 sécheresse en 1915. L'alcool provoque aussi des ravages.
Parallèlement à ce déclin démographique des Kanak, la colonisation européenne, libre et pénale, opérait une poussée considérable. Démographie et foncier interférèrent rapidement car dès le départ, les Européens se lancèrent dans des politiques actives d'obtention de terres afin d'assurer leur emprise territoriale et leur développement économique. Les premières réserves furent délimitées dès 1868, et le code de 1'Indigénat, promulgué en 1887, commença d'y astreindre les Kanak à résidence. Leur déclin démographique, voire le mythe de " I'extinction de la race " qu'ils étaient censés illustrer, furent le prétexte pour réviser à plusieurs reprises à la baisse l'étendue des aires dans lesquelles ils se voyaient confinés. L'aboutissement de ce processus fut le " grand cantonnement " du gouverneur Feillet, mené de 1894 à 1903 et qui rassembla dans les réserves tous les Mélanésiens en leur allouant une superficie moyenne de trois hectares par habitant; il s'agissait alors de libérer les espaces nécessaires à l'implantation de colons libres recrutés en France afin d'assurer le développement de la colonie sur des bases jugées moins infâmantes que la colonisation pénitentiaire en vigueur depuis 1864. L'histoire de la plupart des régions de la GrandeTerre, dont Agnès Dalloz nous livre un exemple, fut pendant longtemps celle du confinement de plus en plus pressant des populations kanak. Venant après les divers décrets fonciers et les interventions politiques et militaires des décennies précédentes, ce cantonnement fixait les superficies des réserves pour plus d'un demi-siècle. La parcimonie dont il procédait s'inscrivait dans une conception implicite de l'utilisation des terres qui était plus conforme à une mise en valeur par une exploitation de type européen, qu'aux usages extensifs et itinérants des populations mélanésiennes.
Voilà dans quel contexte se place cet album paru en 1979.
Pour le moins que l'on puisse dire, nous avons là une BD franchement engagée. Sortir une telle œuvre à cette époque me paraît surprenant. Dans un monde où la BD n'était pas des plus développée, il fallait oser faire ça.
Le scénario n'est pas exceptionnel, dans le sens où il n'y a pas d'histoire tarabiscotée, pas de rebondissements magistraux, pas de vaisseaux spatiaux.
Non, ici, ça hurle la simplicité de la vérité et c'est d'autant plus fort.
Les premières pages sont étranges, on voit Koolau haranguer ses semblables à la guerre. Quelques dessins sont vraiment chocs. Il se dégage de ses pages une puissance et une intensité hors norme.
Le reste de l'album nous plonge au cœur de l'absurdité de l'homme. Entre les blancs qui se croient supérieurs, qui croient en leurs croyances, qui ont une vision en forme de pensée unique de toute cette affaire, et les Kanaks qui sont fatigués de lutter pour leur indépendance, chassés de leurs terres, pourchassés alors qu'ils sont chez eux, et qui au final rejettent la faute de leurs souffrances sur Koolau qui ne veut que leur redonner ce que les blancs leur ont pris.
L'incompréhension est des deux cotés, la manipulation aussi. Les soldats ne font qu'obéir aux ordres.
La violence n'est pas cachée, les balles sifflent, les grenades explosent, les morts s'entassent sans compassion des deux cotés. Koolau est un fin tireur qui ira jusqu'au bout de son rêve. Mourir libre.
Le dessin en noir et blanc de Gimenez porte sans contexte l'histoire. Son dessin réaliste est puissant. Sa plume fine et précise est une arme autrement plus efficace que celles des policiers et des soldats.
Un récit sans état d'âme, qui prend aux tripes.
Félicitation Mr Gimenez, votre œuvre est éternelle.
Le Jury Œcuménique de la bande dessinée s'efforce quant à lui de récompenser chaque année à l'occasion du Festival d'Angoulême, un album de l'année civile choisi pour l'ensemble de ses valeurs humaines et esthétiques. Composé de critiques, d'historiens, de journalistes, de spécialistes et d'amateurs de bande dessinée, le Jury Œcuménique porte un regard à la fois spirituel et artistique sur des Bandes Dessinées issues essentiellement de la production européenne qui allient à l'élégance du trait la profondeur des causes défendues.
Bon je vais faire un commentaire original : c'est fabuleux ! (Vous êtes soufflés hein!)
Le dessin : minimaliste, il est parfait pour se recentrer sur l'essentiel. Comme le découpage est fait par des petites cases l'auteur a de la place pour son scénario. Personnellement les grandes planches graphiques qui en 10 pages ne font rien avancer ça ne me fait pas vibrer ! Vite vu, vite oublié.
Le scénario comporte deux catégories :
- l'ailleurs (far west, Spirou etc) : très sympa, souvent des histoires touffues et rythmées, un grand bravo pour "Blacktown" qui a un scénario en béton armé, et où en 48 pages il se passe autant que dans 5 Thorgal :)
- l'actuel : des tranches de vie savoureuses, des personnages fins et qui nous parlent bien, c'est le meilleur clairement !
Longue vie à "Lapinot"... heu....
Alfred est, depuis longtemps, l’un de mes auteurs préférés. Il a sorti de chouettes albums avec son ami Olivier Ka. Mais ça restait du divertissement, souvent très sympa.
"Pourquoi j’ai tué Pierre" leur permet, à tous les deux, d’assumer enfin leur statut d’auteur pour adultes. Et pour Olivier Ka, c’est aussi une forme de thérapie. Parce que la BD parle d’une tache noire dans son passé, et qu’il se livre sans retenue dans ce magnifique album. Cette noirceur, il l’a gardée au fond de lui pendant très longtemps. Son livre est donc un témoignage sur la pédophilie, un témoignage tout en retenue, avec une voix off qui raconte tout, de façon très naturelle, comme si l’on était vraiment à la place d’Olivier. Il est à noter que le lettrage de l’album est au diapason, puisqu’il change où moment où les choses se « gâtent »…
Alfred, tout en gardant son style propre, le fait encore évoluer dans cet album, dans un sens plus net, plus épuré parfois. Mais également plus torturé, brouillé, un peu à la manière du Larcenet version « les Rêveurs ». On sent qu’il s’est impliqué émotionnellement pendant la réalisation de cet ouvrage particulièrement éprouvant.
"Pourquoi j’ai tué Pierre" est une BD formidable, poignante. Peut-être la BD de l’année.
J'ai envie de mettre 4.5/5 tant cette bd est géniale.
Soda est la meilleure série dans le thème polar/humour. L'idée d'un flic qui fait croire à sa mère qu'il est pasteur est pour le moins très originale et intéressante.
Soda est un personnage très attachant, souvent pessimiste qui est flic dans un New-York violent mais décrit et dessiné avec beaucoup d'humour. Les scénarios sont très bons même si fort noirs dans les derniers albums.
Une série à posséder absolument dans sa BDthèque.
J'ai adoré.
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L'Autre Monde
L'idée géniale de cette BD : et si l'imaginaire était la réalité et la normalité dans un autre monde. Il m’est impossible ici d’énumérer tous les contes et toutes les légendes populaires intégrés dans ce monde sans gâcher votre plaisir. Je peux juste voir dire que c’est intelligemment mis en scène avec beaucoup de poésie, de tendresse, de douce naïveté et relevé d’une pointe d’humour. Le dessin, un brin désuet mais parfait pour le sujet, est plein de charme. On est happé par les quelques dessins pleine page. Une petite déception m’empêche de mettre 5/5 : j’ai fini ma lecture en me disant « oh non ! déjà fini ! ». J’aurai facilement lu 2 ou 3 tomes de plus sur ce sujet tellement bien maîtrisé.
La Guerre Eternelle
"La guerre éternelle" ou la guerre absurde… J’ai souvent entendu des lecteurs confronter Universal War One à cette série, alors en bon fan de l’œuvre de Bajram, j’ai lu et apprécié cette excellente série qu’est La guerre éternelle. Et je ne comprends pas pourquoi s’attacher à vouloir comparer ces deux monuments. Alors oui, c’est de la SF et ça parle de la guerre mais bon c’est un peu maigre. C’est vrai que les auteurs jouent tous les deux avec l’espace-temps mais pas du tout de la même manière. Enfin passons et revenons à nos moutons… Adapté de son propre roman, Haldeman raconte la guerre entre les hommes et les Taurans. A des années-lumière de la Terre, une fusée terrienne est abattue par des extraterrestres. La guerre est déclarée. L'Armée d'Exploration des Nations Unies recrute et forme un corps d'élite surdoués composé de 50 hommes et de 50 femmes qui seront ensuite envoyés dans l'espace pour combattre un ennemi dont ils ne connaissent absolument rien. Pour se déplacer sur le lieu du conflit, les soldats utilisent des vaisseaux se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière, ce qui provoque des décalages temporels induits par l'accélération. Et à chaque retour de mission qui pour eux n’a duré que quelques mois alors qu’il s’est écoulé plusieurs années sur Terre, entraîne des changements énormes. Vous imaginez les situations tragiques que ça peut entraîner pour les deux héros que sont Marygay Potter et William Mandella. Et pour tout ce qui concerne les évolutions techniques et scientifiques, ils sont en retard sur leur temps. Outre tous ces aspects très intéressants du côté scénaristique, l’auteur dénonce les horreurs et l’absurdité de la guerre qu’il a lui même connues au Vietnam. Quitter son pays pour combattre sans savoir pourquoi, en milieu inconnu, des gens qu’on ne connaît pas, et puis rentrer à la maison, quand on a cette chance, pour ne plus rien reconnaître. Cette histoire en trois tomes est intelligente, intéressante et bien tournée. La voix off prend le temps de bien tout détailler, alors certains reprocheront peut-être une certaine lenteur. C’est sombre et désespéré mais ça finit tout de même sur une note d’optimisme. Je trouve les dessins de Marvano, disons, moyens, dans un style réaliste mais épuré. Les vaisseaux sont chouettes et les scènes spatiales rendent bien. Le découpage et le cadrage de la série sont parfaits. Mais les quelques paysages "terrestres" ne sont pas terribles et très approximatifs. Les visages des personnages sont trop vides et l’encrage en général me paraît trop fin et discontinu. Selon moi, les couleurs de Marchand sont trop pâlotes et ne donnent pas assez de vie aux dessins. Pour résumer, un scénar béton et des illustrations pas vraiment à la hauteur mais pas au point de gâcher la lecture. Tout amateur de SF se doit de lire cette série.
Luxley
"Luxley" quand l’histoire prend un virage inattendu… Le scénario de Mangin est une uchronie, un détournement de l’Histoire (ou une histoire alternative). Ce genre mêlant Histoire et fiction est vraiment très intéressant, on part d’une date historique et de faits avérés et à un moment donné on fait entrer de nouveaux protagonistes qui changent le cours de l’histoire tel qu’on la connaît. Ici, nous sommes en Angleterre en 1191, Robin des bois lutte contre le prince Jean, jusqu’ici tout va bien, mais c’est là que débarque une gigantesque armée d’Aztèques et de Mayas venus des Amériques pour conquérir l’Europe, tout ça trois siècles avant que Christophe Colomb ne découvre le nouveau monde. Finies les petites querelles de royaume et les croisades, Robin de Luxley doit maintenant combattre contre un envahisseur sanglant, tyrannique et organisé. De plus leurs chefs, les Apus, sont capables de lire l’avenir, ce qui est un avantage tactique de taille. C’est d’ailleurs à cause et grâce à ce pouvoir, qu’ils sont venus sur le vieux continent, pour faire un genre de frappe préventive. Je trouve cette idée de départ vraiment géniale mais un peu lente à se mettre en place. Le tome 1 pose les bases mais s’attarde trop sur l’emprisonnement de Robin. Le second n’est pas inintéressant mais le fait de confronter Luxley à l’Inquisition ralentit encore l’avancement de l’intrigue. Je lirai la suite en espérant qu’il y ait plus de rythme, car ces deux mises en bouche ont vraiment éveillé ma curiosité. Valérie Mangin est vraiment une scénariste très douée. Les dessins de Ruizgé sont tout ce qu’il y a de plus classique dans le genre réaliste franco-belge, rien d’exceptionnel mais très lisible. Une mention tout de même pour les Aztèques et les Mayas qui rendent très bien. Les couleurs de Chagnaud sont justes, elles collent remarquablement bien à l’histoire en utilisant des tons et une palette de couleurs en harmonie parfaite avec l’ambiance de la série. A noter que la réédition du tome 1 chez Quadrant Solaire s’est vue changer de couverture (je préférais l’autre) mais elle s’est surtout vue compléter d’une introduction de 6 planches qui met encore plus l’uchronie en évidence.
Prince Valiant
Ca c'est du culte !!! Une page de l'histoire de le BD à elle seule, la série est certes un peu kitsch mais ô combien grandiose... de par son dessin digne des grands maîtres, ses compositions raffinées, son dynamisme bien que cela reste fondamentalement du texte illustré, c'est un plaisir absolu que de se replonger dans l'histoire du chevalier le plus célèbre, et c'est largement mérité quand on voit le boulot abattu pendant des décennies par Harold Foster. Sans faillir et sans baisse de qualité, au contraire, les personnages évoluent au fur à mesure des aventures et de leur âge. Comme quoi il n'est pas nécessaire d'attendre les années 2000 pour être audacieux et faire des personnages qui vieillissent. Seul bémol, l'aspect de prime abord désuet (les fameuses coupes de cheveux et les costumes style Errol Flynn), mais c'est tellement talentueux et éternel que cela fait partie du charme des oeuvres qui vieillissent bien. Même les éditions en couleurs sont intéressantes...
Le Grand Pouvoir du Chninkel
A l'époque, tous mes amis lycéens manifestaient pour je ne sais plus quoi, mais ce dont je me rappelle c'est l'immense plaisir que j'ai pris à lire cette BD. Surpris tout d'abord par l'univers dans lequel nous plonge cette oeuvre, le scénario délivré par M. Van Hamme a retenu mon attention de la première à la dernière page. Et les planches de Grzegorz Rosinski n'étaient pas en reste. Je considère ce bouquin comme un des meilleurs qui soit. Dans la foulée, j'ai attaqué les Thorgal, XIII, Largo Winch... De plus, je trouve que cette version pessimiste du mythe chrétien (ou n'importe quels autres mythes d'ailleurs) est géniale. Si tu cherches un classique pour commencer ta BDthéque, celui-ci est un très bon achat.
La Trilogie Nikopol
Je ne connaissais pas Bilal avant de lire cette Trilogie. Je dois avouer que je ne suis nullement déçu du voyage. C'est un sacré dépaysement que nous offre Bilal. L'histoire, la manière de conter l'histoire, l'ambiance, les personnages…Tout est tellement personnel que je ne peux vraiment pas essayer de comparer cette série ou cet auteur à quoique ce soit d'autre que je connaisse. Cette série est une sorte de mixe entre les magouilles politico mafieuse. Tout ça pour un tome qui nous expulse sans précaution de la sphère terrienne classique et des concepts habituels de la BD. Bilal sur cette BD est une véritable comète hors des chemins battus. Rien que son style graphique complètement exceptionnel nous libère de tous les usages dont on nous gave chez d'autres éditeurs. Vous cherchez un dessin pas prise de tête, clair, lumineux, joyeux ? Passez votre chemin ! Bilal ne donne pas beaucoup de coups de crayons. Son trait n'est pas le plus chargé et le plus détaillé que je connaisse. En revanche, la mise en couleur est affolante. Non, ce ne sont pas des couleurs pleines ! Au contraire, les nuances, les dégradés, les défauts de la mise en couleur donnent une vie terrifiante au plus infime détail. La mise en page, les plans de vue choisis font preuve d'une recherche et d'une volonté de faire réfléchir. Seuls ombre au tableau, le dessin n'est pas vraiment dynamique. Bilal a du mal à faire passer le mouvement. Mais finalement, cela va plutôt bien avec son univers coincé, engoncé dans sa dégénérescence… Cette série est à prendre avec un grand souci de l'anticonformisme. Une première lecture directe à la mode 'Soleil prod' (j'ose comparer !!!) vous ferait rejeter cet album comme une sous réalisation infâme et indigne d'être publiée. Mais c'est de l'art et du vrai et comme tel il faut réfléchir, mûrir avant de pouvoir donner son avis. Les délires de l'auteur sur les joutes du futur, sur la manie discriminatoire et les déviances que Bilal avait déjà repéré à son époque et qu'il amplifie afin de nous alerter, les défauts qu'il prête même aux Dieux (comment la pyramide est déstabiliser est un chef d'oeuvre d'humour décalé, comment les dieux jouent au monopoly…). Le destin des différents personnages est bouleversant, Bilal n'est pas fleur bleue et il nous le fait bien sentir. Bref, moi de telle BD, j'en lirais bien tous les jours.
Koolau Le lépreux
Avant de commencer ma critique, faisons un point sur l'histoire de la Nouvelle Calédonie… La prise de possession de la Nouvelle-Calédonie en 1853 marqua le point de départ d'une longue phase de dépopulation pour les autochtones: les raisons épidémiologiques de la baisse considérable des effectifs kanak sont connues, tout comme le sont les conséquences des répressions militaires et les causes psychologiques dues aux spoliations foncières et aux déplacements de population. Tous ces facteurs, parmi lesquels il convient de ne point omettre l'évangélisation, provoquèrent une altération sociale et culturelle qui commençait, inéluctablement, par la perte du territoire qui était le support de l'identité des groupes précoloniaux. Entre 1860 et 1921, la population kanak passa de 42 000 à 27 000 personnes environ (SAUSSOL, 1981), pour retenir une estimation basse de la population initiale. Cette dépopulation fut plus ou moins marquée selon les zones; relativement atténuée dans les îles Loyauté, elle fut en revanche considérable dans certaines régions de la Grande-Terre. À Koumac, la population passa ainsi de I 000 habitants environ vers 1855 à 134 en 1906; à Bondé tout proche, l'énumération des calamités est lancinante: épidémies de grippe en 1852 et 1853, de lèpre en 1866, de peste en 1903, 1904, 1906, 1909 et 1914, d'oreillons en 1912 ;expédition militaire en 1868,cyclones en 1853et 1890 sécheresse en 1915. L'alcool provoque aussi des ravages. Parallèlement à ce déclin démographique des Kanak, la colonisation européenne, libre et pénale, opérait une poussée considérable. Démographie et foncier interférèrent rapidement car dès le départ, les Européens se lancèrent dans des politiques actives d'obtention de terres afin d'assurer leur emprise territoriale et leur développement économique. Les premières réserves furent délimitées dès 1868, et le code de 1'Indigénat, promulgué en 1887, commença d'y astreindre les Kanak à résidence. Leur déclin démographique, voire le mythe de " I'extinction de la race " qu'ils étaient censés illustrer, furent le prétexte pour réviser à plusieurs reprises à la baisse l'étendue des aires dans lesquelles ils se voyaient confinés. L'aboutissement de ce processus fut le " grand cantonnement " du gouverneur Feillet, mené de 1894 à 1903 et qui rassembla dans les réserves tous les Mélanésiens en leur allouant une superficie moyenne de trois hectares par habitant; il s'agissait alors de libérer les espaces nécessaires à l'implantation de colons libres recrutés en France afin d'assurer le développement de la colonie sur des bases jugées moins infâmantes que la colonisation pénitentiaire en vigueur depuis 1864. L'histoire de la plupart des régions de la GrandeTerre, dont Agnès Dalloz nous livre un exemple, fut pendant longtemps celle du confinement de plus en plus pressant des populations kanak. Venant après les divers décrets fonciers et les interventions politiques et militaires des décennies précédentes, ce cantonnement fixait les superficies des réserves pour plus d'un demi-siècle. La parcimonie dont il procédait s'inscrivait dans une conception implicite de l'utilisation des terres qui était plus conforme à une mise en valeur par une exploitation de type européen, qu'aux usages extensifs et itinérants des populations mélanésiennes. Voilà dans quel contexte se place cet album paru en 1979. Pour le moins que l'on puisse dire, nous avons là une BD franchement engagée. Sortir une telle œuvre à cette époque me paraît surprenant. Dans un monde où la BD n'était pas des plus développée, il fallait oser faire ça. Le scénario n'est pas exceptionnel, dans le sens où il n'y a pas d'histoire tarabiscotée, pas de rebondissements magistraux, pas de vaisseaux spatiaux. Non, ici, ça hurle la simplicité de la vérité et c'est d'autant plus fort. Les premières pages sont étranges, on voit Koolau haranguer ses semblables à la guerre. Quelques dessins sont vraiment chocs. Il se dégage de ses pages une puissance et une intensité hors norme. Le reste de l'album nous plonge au cœur de l'absurdité de l'homme. Entre les blancs qui se croient supérieurs, qui croient en leurs croyances, qui ont une vision en forme de pensée unique de toute cette affaire, et les Kanaks qui sont fatigués de lutter pour leur indépendance, chassés de leurs terres, pourchassés alors qu'ils sont chez eux, et qui au final rejettent la faute de leurs souffrances sur Koolau qui ne veut que leur redonner ce que les blancs leur ont pris. L'incompréhension est des deux cotés, la manipulation aussi. Les soldats ne font qu'obéir aux ordres. La violence n'est pas cachée, les balles sifflent, les grenades explosent, les morts s'entassent sans compassion des deux cotés. Koolau est un fin tireur qui ira jusqu'au bout de son rêve. Mourir libre. Le dessin en noir et blanc de Gimenez porte sans contexte l'histoire. Son dessin réaliste est puissant. Sa plume fine et précise est une arme autrement plus efficace que celles des policiers et des soldats. Un récit sans état d'âme, qui prend aux tripes. Félicitation Mr Gimenez, votre œuvre est éternelle. Le Jury Œcuménique de la bande dessinée s'efforce quant à lui de récompenser chaque année à l'occasion du Festival d'Angoulême, un album de l'année civile choisi pour l'ensemble de ses valeurs humaines et esthétiques. Composé de critiques, d'historiens, de journalistes, de spécialistes et d'amateurs de bande dessinée, le Jury Œcuménique porte un regard à la fois spirituel et artistique sur des Bandes Dessinées issues essentiellement de la production européenne qui allient à l'élégance du trait la profondeur des causes défendues.
Les Formidables Aventures de Lapinot
Bon je vais faire un commentaire original : c'est fabuleux ! (Vous êtes soufflés hein!) Le dessin : minimaliste, il est parfait pour se recentrer sur l'essentiel. Comme le découpage est fait par des petites cases l'auteur a de la place pour son scénario. Personnellement les grandes planches graphiques qui en 10 pages ne font rien avancer ça ne me fait pas vibrer ! Vite vu, vite oublié. Le scénario comporte deux catégories : - l'ailleurs (far west, Spirou etc) : très sympa, souvent des histoires touffues et rythmées, un grand bravo pour "Blacktown" qui a un scénario en béton armé, et où en 48 pages il se passe autant que dans 5 Thorgal :) - l'actuel : des tranches de vie savoureuses, des personnages fins et qui nous parlent bien, c'est le meilleur clairement ! Longue vie à "Lapinot"... heu....
Pourquoi j'ai tué Pierre
Alfred est, depuis longtemps, l’un de mes auteurs préférés. Il a sorti de chouettes albums avec son ami Olivier Ka. Mais ça restait du divertissement, souvent très sympa. "Pourquoi j’ai tué Pierre" leur permet, à tous les deux, d’assumer enfin leur statut d’auteur pour adultes. Et pour Olivier Ka, c’est aussi une forme de thérapie. Parce que la BD parle d’une tache noire dans son passé, et qu’il se livre sans retenue dans ce magnifique album. Cette noirceur, il l’a gardée au fond de lui pendant très longtemps. Son livre est donc un témoignage sur la pédophilie, un témoignage tout en retenue, avec une voix off qui raconte tout, de façon très naturelle, comme si l’on était vraiment à la place d’Olivier. Il est à noter que le lettrage de l’album est au diapason, puisqu’il change où moment où les choses se « gâtent »… Alfred, tout en gardant son style propre, le fait encore évoluer dans cet album, dans un sens plus net, plus épuré parfois. Mais également plus torturé, brouillé, un peu à la manière du Larcenet version « les Rêveurs ». On sent qu’il s’est impliqué émotionnellement pendant la réalisation de cet ouvrage particulièrement éprouvant. "Pourquoi j’ai tué Pierre" est une BD formidable, poignante. Peut-être la BD de l’année.
Soda
J'ai envie de mettre 4.5/5 tant cette bd est géniale. Soda est la meilleure série dans le thème polar/humour. L'idée d'un flic qui fait croire à sa mère qu'il est pasteur est pour le moins très originale et intéressante. Soda est un personnage très attachant, souvent pessimiste qui est flic dans un New-York violent mais décrit et dessiné avec beaucoup d'humour. Les scénarios sont très bons même si fort noirs dans les derniers albums. Une série à posséder absolument dans sa BDthèque. J'ai adoré.