Rabaté nous livre ici un album à la fois drôle, tendre et émouvant. On referme l'album avec la "banane" et une furieuse envie de vieillir.
Côté dessin, il a choisi un trait léger avec des couleurs pastel. On est loin du coup de crayon merveilleux d'Ibicus mais finalement ce trait là s'accommode parfaitement avec l'histoire.
Merci Mr Rabaté pour tout ce bonheur.
PI
"Murena" quand l’Histoire dépasse la fiction…
Dufaux nous livre une superbe série historique sur la Rome antique. Son scénario raconte l’arrivée au pouvoir de Néron et le début de son règne. C’est hyper documenté et d’un réalisme fou. Ceci pourrait alors se révéler ennuyeux et pompeux, mais ce n’est pas du tout le cas, car ici la réalité dépasse la fiction. C’est une grande fresque historique à l’image des vieux péplums hollywoodiens : politique, influence, ambition, pouvoir, complots, courtisanes, infidélités, cirque, gladiateurs, trahisons, poison, poignards… tous les ingrédients sont là et pourtant on nage dans l’histoire avec un grand H. Le caractère et la psychologie des personnages son vraiment très bien traité. La série compte actuellement cinq tomes sur huit, elle est riche en rebondissements et je ne me risquerais pas à la résumer. Les quatre premiers tomes forment Le cycle de la Mère, et le cinquième entame Le cycle de l’Epouse. La mère et l’épouse (de Néron, bien sûr) ne sont autre que Agrippine et Poppée qui chacune à leur manière ont cherché à contrôler leur "bien aimé" pour gouverner par procuration.
Les dessins de Delaby sont beaux. Son trait est bien léché, très réaliste. Ses personnages ont des visages angéliques, ses femmes sont à tomber et les architectures sont magnifiques. Le dessin se peaufine entre chaque tome (surtout entre les 1 et le 2) sans déranger la lecture.
Le premier album à été colorisé par Delpire puis recolorisé par Kathelyn et c’est tant mieux car je trouve que la première colo ne collait pas du tout aux dessins très réalistes, même si je trouve que la nouvelle n’est pas encore au top. Benn et Delaby colorisent le tome 2 et c’est très réussi, de belles couleurs pastelles. Kathelyn s’est occupé ensuite des albums 3 (avec Delaby sur ce tome) et 4 (seule), et c’est meilleur que sur le 1 mais j’aime moins que le travail de Benn. Mais pour moi, c’est Petiqueux sur le tome 5 qui fournit le meilleur rendu avec de magnifiques contrastes.
Ça vaut peut être pas la note max, ce one shot, mais c'est quand même rudement bien. Il se dégage une atmosphère, une authenticité remarquables.
A partir de dessins relativement simples, presque des croquis, par moment, l'auteur sait raconter une histoire de jeunes gens plongés dans les turpitudes de la guerre, sans jamais tomber dans le moralisme. Ici, les situations sont décrites, jamais commentées, les personnages évoluent en bien ou en mal, au gré des évènements et de leur histoire personnelle, et peu à peu, comme dans un puzzle, on peux voir comment on peut arriver au chaos de la guerre civile à partir d'une situation qui pouvait sembler saine. On ne peut bien sûr pas s'empêcher de penser aux conflits de l'ex-Yougoslavie.
Edifiant, mais beau.
A la différence de Mignola, qui s'était déjà attaqué, certes dans un autre style, à la relecture du scénario du Film de Coppola (lui-même adapté du roman de Stoker), Hyppolite entreprend avec cet album d'adapter fidèlement le roman de Bram Stoker: Dracula. J'avoue être un inconditionnel du roman, et c'est donc avec une certaine méfiance que j'ai commencé la lecture de cette série...
Graphiquement déjà, Hyppolite va loin, très loin. La technique de la carte à gratter qu'il utilise rend honneur et retranscrit avec un brio rarement égalé l'ambiance gothique de l’œuvre originale. Les jeux de lumière sont superbes, le découpage efficace, et l'auteur se permet parfois de laisser la carte à gratter pour nous offrir de sublimes cases réalisées à l'aquarelle.
Il y a quelque chose d'expressionniste dans ces planches, quelque chose qui permet à cet album de faire le trait d'union entre l'ouvrage original et les premiers films consacrés aux vampires, comme ceux de Murnau (Nosferatu) et Dreyer (l'étrange aventure de David Gray). Un exercice de style dont l'auteur se sort ici avec une maîtrise sans pareille. De mon point de vue, aucune autre technique picturale n'aurait pu donner à un album le souffle épique du roman original.
Niveau scénario, on se retrouve avec une des plus fidèles adaptations du roman de Stocker qu'il m'ait été donné de lire, la première partie du roman (la nouvelle l'invité de Dracula) ayant même été replacée dans la trame de l'histoire. Le style épistolaire employé par Stoker a été conservé de façon à coller le plus près possible au texte original, et cette alternance de point de vue et de protagonistes n'entame absolument pas la puissance romantique de la série.
En définitive, j'avais de sérieux doute mais qui se sont vite envolés devant tant de maîtrise. Approcher votre oreille de ces magnifiques planches, vous pourrez sans doute entendre le comte vous convier à "entrez ici et laissez y un peu du bonheur que vous apportez", de son inimitable accent slave.
En un mot, sublime.
Il s'agit pour moi d'une série particulière, car c'est l'une des premières à avoir déclenché chez moi le virus bédéphile.
Les albums plongent le lecteur dans un univers gothique imprégné des vieux films d'horreur des années 30. Swolfs joue avec les flash-backs, et le lecteur se retrouve pris entre les aller-retour entre le moyen-âge de Jehan et les années 30 de Vincent. Cette structure se répète sur les albums suivant mais avec d'autres ancêtres de la famille Rougemont.
Le dessin de Swolfs montre l'évolution du dessinateur depuis Durango, même si son trait est parfois un peu hésitant sur certaines planches. Le dessin est assez fin, détaillé et desservi par des jeux d'ombrages maîtrisés qui donnent aux différentes cases un sens du cadrage presque cinématographique. Les couleurs de Sophie Swolfs font baigner l'album dans tes tons très ocres quand on se trouve dans le passé, et des teintes plus grisonnantes et bleutées quand on se trouve dans les années 1930.
Les personnages de Swolfs n'apportent certes rien au mythe du vampire, mais l'ambiance de la série est en soi une très bonne raison d'y jeter un oeil. Car on se trouve ici face à une oeuvre gothique flamboyante, une histoire de vengeance qui survit par delà l'amour, la mort et les siècles. Un album à ranger à côté des oeuvres de Polidori, M.G. Lewis et Ann Radcliff. Excellent.
Cet album commence très fort ! Une petite préface de Seth où il nous explique les principaux défauts de son album et son graphisme peu léché … Il faut dire que l’auteur n’y a consacré que ses moments perdus. On s’attend donc à découvrir un album approximatif et finalement qui sera vite oublié … Mais, car il y a un mais, Seth nous a trompé ! Il s’agit probablement de l’un des meilleurs albums parus cette année ! Un one-shot tel que je les aime, qui se lit d’une traite et dont on cherche frénétiquement à connaître la page suivante.
Cet album nous relate les aventures du plus grand collectionneur de Comics au monde, et je crois que tous ceux qui liront cet album pourront transposer cette histoire à leur propre passion dévorante pour la BD, certes à une plus petite échelle mais les fondamentaux de nos propres démons sur la recherche de tel ou tel album sont présents. Seth s’y prend de main de maître pour décrire notre univers de lecteurs/collectionneurs de BD.
La narration, par épisodes et interviews, est un assemblage de briques permettant la construction d’une histoire particulièrement précise et prenante. Seth nous explique dans la préface qu’il cherchait à réaliser un récit dont la globalité était meilleure que chaque épisode pris individuellement et effectivement il est parvenu à le réaliser. Les personnages secondaires (autres collectionneurs, libraires, etc …) sont parfaitement utilisés et leurs interventions améliorent la compréhension de ce petit bijou. Si vous rêviez de découvrir les arcanes du monde des collectionneurs, des ventes aux enchères, des courses pour acquérir tel album introuvable, Seth exaucera vos vœux (je ne connaissais qu’un seul autre album sur ce thème : Comixland qui était amusant à lire).
Graphiquement, poussé par Seth qui avait expliqué que son trait n’était pas extraordinaire pour cet album, j’ai voulu faire d’autant plus attention à cet aspect. Et j’avoue avoir particulièrement apprécié cet album que j’ai trouvé vif et réussit. A aucun moment je n’ai pensé qu’il avait été réalisé avec une volonté d’aller vite et de ne pas revenir dessus. Le découpage est également particulièrement braillant et adapté au récit.
Pour terminer, il faut également parler de l’objet. Car le Seuil nous propose là une BD originale et d’une qualité que nous n’avions connu ces dernières années que pour les publications de Chris Ware. S’il ne fallait collectionner cet album que pour une raison, ce serait celle là ;)
Un modèle de série au long cours. Une qualité d'albums constante. A peu près tout le monde sait qu'Alain Dodier est un grand dessinateur mais peu de gens parlent de son talent de scénariste. Les histoires sont toujours parfaitement construites et surtout d'une grande humanité. Une humanité qui se dégage également du héros Jérôme K Jérôme Bloche. On peut même dire qu'il est un modèle d'humanité : pas à l'aise avec la technologie, aimant faire la sieste, ayant un grand coeur, une fiancée avec laquelle il a peur de s'engager; bref Jérôme c'est un peu de chacun d'entre nous et c'est ce qui me plaît dans cette série.
Ne vous fiez pas à la couverture du « Dérisoire » qui est à mon avis ratée et jetez un coup d’œil sur les pages intérieures : à moins d’être allergique à la couleur, vous en prendrez plein la vue dans le sens le plus positif du thème !
Le « Dérisoire » est une BD pleine de poésies. C’est aussi un conte qui reste d’actualité, celle de l’individu qui privilégie son travail à sa vie familiale. C’est l’histoire d’un capitaine solitaire d’un vieux cargo qui découvre peu à peu qu’il existe une vie en dehors de son métier, il rencontre une femme qui l’invite à sortir de son « moule » et à l’occasion l’amour.
O. Supiot, habitué à dessiner des BD pour enfants, nous surprend agréablement avec « le dérisoire ». Il nous montre la pleine mesure de son talent de coloriste en réalisant cet album, les planches d’ensemble comme celles des pages 7 et 26 font franchement magnifiques ! Les ambiances changent selon que l’on trouve à l’intérieur du cargo avec les teintes rouilles, dans la forêt à dominante verte et j’en passe… C’est tout simplement de l’art ! Difficile en effet d’imaginer une version noire et blanche car la transition entre le monde maritime et celui extérieur aurait été, à mon avis, ratée dès la page 18.
Le livre est publié dans un format inhabituel pour les amateurs de BD mais il est parfaitement adapté à l’histoire et au trait d’O. Supiot
Cependant, je regrette dans cet album la qualité inégale de certaines planches comme celle de la page 41 où les décors sont absents et les couleurs un peu trop « flashy » à mon goût.
« Le dérisoire » est une BD que tous les bédéphiles se doivent de découvrir ! Si la couleur était une diplomatie, O. Supiot serait certainement un de ses meilleurs ambassadeurs ! Au fait, si vous avez aimé « Le dérisoire », n’hésitez pas à feuilleter Féroce des mêmes auteurs.
Excellent album, on commence à s'habituer pourtant quand on connaît Andréas.
Sur un plan formel, sur le support même de la bd avec des découpages qui collent bien sur toute la largeur des doubles pages de ce format à l'italienne, on est déjà épaté et cette idée sur la "couleur". Vraiment fort.
Alors je n'avais pas complètement saisi le message qu'évoque Ro et pour ça la dernière page tombe un peu à plat à propos de Guggenheim, mais l'histoire en elle-même se lit bien. Il faut bien rester concentré pour faire la part entre le rêve et la réalité
J'adore ce style de bd où le format est réellement exploité sans se contenter d'une "littérature illustrée" et ça mériterait presque un 5 étoiles.
L’un des meilleurs premiers albums de ces dernières années, tout simplement. Romain Hugault démontre une belle maîtrise de pas mal d’aspects : cadrage, rythme, anatomie, design des avions… Ses couleurs sont également très bonnes. Mais au-delà des courts récits de guerre qui sont le cœur de l’album, il a su –avec l’aide ponctuelle de régis Hautière- leur apporter un supplément d’âme qui élève l’album au-dessus des autres. D’abord en doublant ses récits de voix off et d’intrigues sous-jacentes qui leur procurent une grande profondeur. Ensuite en diversifiant l’origine de ses protagonistes : français, américain, russe, allemand. Et enfin en liant étroitement ceux-ci.
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Les Petits Ruisseaux
Rabaté nous livre ici un album à la fois drôle, tendre et émouvant. On referme l'album avec la "banane" et une furieuse envie de vieillir. Côté dessin, il a choisi un trait léger avec des couleurs pastel. On est loin du coup de crayon merveilleux d'Ibicus mais finalement ce trait là s'accommode parfaitement avec l'histoire. Merci Mr Rabaté pour tout ce bonheur. PI
Murena
"Murena" quand l’Histoire dépasse la fiction… Dufaux nous livre une superbe série historique sur la Rome antique. Son scénario raconte l’arrivée au pouvoir de Néron et le début de son règne. C’est hyper documenté et d’un réalisme fou. Ceci pourrait alors se révéler ennuyeux et pompeux, mais ce n’est pas du tout le cas, car ici la réalité dépasse la fiction. C’est une grande fresque historique à l’image des vieux péplums hollywoodiens : politique, influence, ambition, pouvoir, complots, courtisanes, infidélités, cirque, gladiateurs, trahisons, poison, poignards… tous les ingrédients sont là et pourtant on nage dans l’histoire avec un grand H. Le caractère et la psychologie des personnages son vraiment très bien traité. La série compte actuellement cinq tomes sur huit, elle est riche en rebondissements et je ne me risquerais pas à la résumer. Les quatre premiers tomes forment Le cycle de la Mère, et le cinquième entame Le cycle de l’Epouse. La mère et l’épouse (de Néron, bien sûr) ne sont autre que Agrippine et Poppée qui chacune à leur manière ont cherché à contrôler leur "bien aimé" pour gouverner par procuration. Les dessins de Delaby sont beaux. Son trait est bien léché, très réaliste. Ses personnages ont des visages angéliques, ses femmes sont à tomber et les architectures sont magnifiques. Le dessin se peaufine entre chaque tome (surtout entre les 1 et le 2) sans déranger la lecture. Le premier album à été colorisé par Delpire puis recolorisé par Kathelyn et c’est tant mieux car je trouve que la première colo ne collait pas du tout aux dessins très réalistes, même si je trouve que la nouvelle n’est pas encore au top. Benn et Delaby colorisent le tome 2 et c’est très réussi, de belles couleurs pastelles. Kathelyn s’est occupé ensuite des albums 3 (avec Delaby sur ce tome) et 4 (seule), et c’est meilleur que sur le 1 mais j’aime moins que le travail de Benn. Mais pour moi, c’est Petiqueux sur le tome 5 qui fournit le meilleur rendu avec de magnifiques contrastes.
Notes pour une histoire de guerre
Ça vaut peut être pas la note max, ce one shot, mais c'est quand même rudement bien. Il se dégage une atmosphère, une authenticité remarquables. A partir de dessins relativement simples, presque des croquis, par moment, l'auteur sait raconter une histoire de jeunes gens plongés dans les turpitudes de la guerre, sans jamais tomber dans le moralisme. Ici, les situations sont décrites, jamais commentées, les personnages évoluent en bien ou en mal, au gré des évènements et de leur histoire personnelle, et peu à peu, comme dans un puzzle, on peux voir comment on peut arriver au chaos de la guerre civile à partir d'une situation qui pouvait sembler saine. On ne peut bien sûr pas s'empêcher de penser aux conflits de l'ex-Yougoslavie. Edifiant, mais beau.
Dracula
A la différence de Mignola, qui s'était déjà attaqué, certes dans un autre style, à la relecture du scénario du Film de Coppola (lui-même adapté du roman de Stoker), Hyppolite entreprend avec cet album d'adapter fidèlement le roman de Bram Stoker: Dracula. J'avoue être un inconditionnel du roman, et c'est donc avec une certaine méfiance que j'ai commencé la lecture de cette série... Graphiquement déjà, Hyppolite va loin, très loin. La technique de la carte à gratter qu'il utilise rend honneur et retranscrit avec un brio rarement égalé l'ambiance gothique de l’œuvre originale. Les jeux de lumière sont superbes, le découpage efficace, et l'auteur se permet parfois de laisser la carte à gratter pour nous offrir de sublimes cases réalisées à l'aquarelle. Il y a quelque chose d'expressionniste dans ces planches, quelque chose qui permet à cet album de faire le trait d'union entre l'ouvrage original et les premiers films consacrés aux vampires, comme ceux de Murnau (Nosferatu) et Dreyer (l'étrange aventure de David Gray). Un exercice de style dont l'auteur se sort ici avec une maîtrise sans pareille. De mon point de vue, aucune autre technique picturale n'aurait pu donner à un album le souffle épique du roman original. Niveau scénario, on se retrouve avec une des plus fidèles adaptations du roman de Stocker qu'il m'ait été donné de lire, la première partie du roman (la nouvelle l'invité de Dracula) ayant même été replacée dans la trame de l'histoire. Le style épistolaire employé par Stoker a été conservé de façon à coller le plus près possible au texte original, et cette alternance de point de vue et de protagonistes n'entame absolument pas la puissance romantique de la série. En définitive, j'avais de sérieux doute mais qui se sont vite envolés devant tant de maîtrise. Approcher votre oreille de ces magnifiques planches, vous pourrez sans doute entendre le comte vous convier à "entrez ici et laissez y un peu du bonheur que vous apportez", de son inimitable accent slave. En un mot, sublime.
Le Prince de la Nuit
Il s'agit pour moi d'une série particulière, car c'est l'une des premières à avoir déclenché chez moi le virus bédéphile. Les albums plongent le lecteur dans un univers gothique imprégné des vieux films d'horreur des années 30. Swolfs joue avec les flash-backs, et le lecteur se retrouve pris entre les aller-retour entre le moyen-âge de Jehan et les années 30 de Vincent. Cette structure se répète sur les albums suivant mais avec d'autres ancêtres de la famille Rougemont. Le dessin de Swolfs montre l'évolution du dessinateur depuis Durango, même si son trait est parfois un peu hésitant sur certaines planches. Le dessin est assez fin, détaillé et desservi par des jeux d'ombrages maîtrisés qui donnent aux différentes cases un sens du cadrage presque cinématographique. Les couleurs de Sophie Swolfs font baigner l'album dans tes tons très ocres quand on se trouve dans le passé, et des teintes plus grisonnantes et bleutées quand on se trouve dans les années 1930. Les personnages de Swolfs n'apportent certes rien au mythe du vampire, mais l'ambiance de la série est en soi une très bonne raison d'y jeter un oeil. Car on se trouve ici face à une oeuvre gothique flamboyante, une histoire de vengeance qui survit par delà l'amour, la mort et les siècles. Un album à ranger à côté des oeuvres de Polidori, M.G. Lewis et Ann Radcliff. Excellent.
Wimbledon Green
Cet album commence très fort ! Une petite préface de Seth où il nous explique les principaux défauts de son album et son graphisme peu léché … Il faut dire que l’auteur n’y a consacré que ses moments perdus. On s’attend donc à découvrir un album approximatif et finalement qui sera vite oublié … Mais, car il y a un mais, Seth nous a trompé ! Il s’agit probablement de l’un des meilleurs albums parus cette année ! Un one-shot tel que je les aime, qui se lit d’une traite et dont on cherche frénétiquement à connaître la page suivante. Cet album nous relate les aventures du plus grand collectionneur de Comics au monde, et je crois que tous ceux qui liront cet album pourront transposer cette histoire à leur propre passion dévorante pour la BD, certes à une plus petite échelle mais les fondamentaux de nos propres démons sur la recherche de tel ou tel album sont présents. Seth s’y prend de main de maître pour décrire notre univers de lecteurs/collectionneurs de BD. La narration, par épisodes et interviews, est un assemblage de briques permettant la construction d’une histoire particulièrement précise et prenante. Seth nous explique dans la préface qu’il cherchait à réaliser un récit dont la globalité était meilleure que chaque épisode pris individuellement et effectivement il est parvenu à le réaliser. Les personnages secondaires (autres collectionneurs, libraires, etc …) sont parfaitement utilisés et leurs interventions améliorent la compréhension de ce petit bijou. Si vous rêviez de découvrir les arcanes du monde des collectionneurs, des ventes aux enchères, des courses pour acquérir tel album introuvable, Seth exaucera vos vœux (je ne connaissais qu’un seul autre album sur ce thème : Comixland qui était amusant à lire). Graphiquement, poussé par Seth qui avait expliqué que son trait n’était pas extraordinaire pour cet album, j’ai voulu faire d’autant plus attention à cet aspect. Et j’avoue avoir particulièrement apprécié cet album que j’ai trouvé vif et réussit. A aucun moment je n’ai pensé qu’il avait été réalisé avec une volonté d’aller vite et de ne pas revenir dessus. Le découpage est également particulièrement braillant et adapté au récit. Pour terminer, il faut également parler de l’objet. Car le Seuil nous propose là une BD originale et d’une qualité que nous n’avions connu ces dernières années que pour les publications de Chris Ware. S’il ne fallait collectionner cet album que pour une raison, ce serait celle là ;)
Jérôme K. Jérôme Bloche
Un modèle de série au long cours. Une qualité d'albums constante. A peu près tout le monde sait qu'Alain Dodier est un grand dessinateur mais peu de gens parlent de son talent de scénariste. Les histoires sont toujours parfaitement construites et surtout d'une grande humanité. Une humanité qui se dégage également du héros Jérôme K Jérôme Bloche. On peut même dire qu'il est un modèle d'humanité : pas à l'aise avec la technologie, aimant faire la sieste, ayant un grand coeur, une fiancée avec laquelle il a peur de s'engager; bref Jérôme c'est un peu de chacun d'entre nous et c'est ce qui me plaît dans cette série.
Le dérisoire
Ne vous fiez pas à la couverture du « Dérisoire » qui est à mon avis ratée et jetez un coup d’œil sur les pages intérieures : à moins d’être allergique à la couleur, vous en prendrez plein la vue dans le sens le plus positif du thème ! Le « Dérisoire » est une BD pleine de poésies. C’est aussi un conte qui reste d’actualité, celle de l’individu qui privilégie son travail à sa vie familiale. C’est l’histoire d’un capitaine solitaire d’un vieux cargo qui découvre peu à peu qu’il existe une vie en dehors de son métier, il rencontre une femme qui l’invite à sortir de son « moule » et à l’occasion l’amour. O. Supiot, habitué à dessiner des BD pour enfants, nous surprend agréablement avec « le dérisoire ». Il nous montre la pleine mesure de son talent de coloriste en réalisant cet album, les planches d’ensemble comme celles des pages 7 et 26 font franchement magnifiques ! Les ambiances changent selon que l’on trouve à l’intérieur du cargo avec les teintes rouilles, dans la forêt à dominante verte et j’en passe… C’est tout simplement de l’art ! Difficile en effet d’imaginer une version noire et blanche car la transition entre le monde maritime et celui extérieur aurait été, à mon avis, ratée dès la page 18. Le livre est publié dans un format inhabituel pour les amateurs de BD mais il est parfaitement adapté à l’histoire et au trait d’O. Supiot Cependant, je regrette dans cet album la qualité inégale de certaines planches comme celle de la page 41 où les décors sont absents et les couleurs un peu trop « flashy » à mon goût. « Le dérisoire » est une BD que tous les bédéphiles se doivent de découvrir ! Si la couleur était une diplomatie, O. Supiot serait certainement un de ses meilleurs ambassadeurs ! Au fait, si vous avez aimé « Le dérisoire », n’hésitez pas à feuilleter Féroce des mêmes auteurs.
Le Triangle Rouge
Excellent album, on commence à s'habituer pourtant quand on connaît Andréas. Sur un plan formel, sur le support même de la bd avec des découpages qui collent bien sur toute la largeur des doubles pages de ce format à l'italienne, on est déjà épaté et cette idée sur la "couleur". Vraiment fort. Alors je n'avais pas complètement saisi le message qu'évoque Ro et pour ça la dernière page tombe un peu à plat à propos de Guggenheim, mais l'histoire en elle-même se lit bien. Il faut bien rester concentré pour faire la part entre le rêve et la réalité J'adore ce style de bd où le format est réellement exploité sans se contenter d'une "littérature illustrée" et ça mériterait presque un 5 étoiles.
Le Dernier Envol
L’un des meilleurs premiers albums de ces dernières années, tout simplement. Romain Hugault démontre une belle maîtrise de pas mal d’aspects : cadrage, rythme, anatomie, design des avions… Ses couleurs sont également très bonnes. Mais au-delà des courts récits de guerre qui sont le cœur de l’album, il a su –avec l’aide ponctuelle de régis Hautière- leur apporter un supplément d’âme qui élève l’album au-dessus des autres. D’abord en doublant ses récits de voix off et d’intrigues sous-jacentes qui leur procurent une grande profondeur. Ensuite en diversifiant l’origine de ses protagonistes : français, américain, russe, allemand. Et enfin en liant étroitement ceux-ci. On n’est pas loin du chef-d’œuvre.