Un road movie touchant et relativement atypique dans son déroulement.
Astucieusement les personnages croisés, et le voyage un peu erratique du héros, nous donne une certaine vision du Brésil.
Ca pourrait être une histoire scénarisée par Cosey : il y a beaucoup d'humanité qui se dégage dans les personnages ; la tendresse et la mélancolie n'étant jamais très loin. Ça m'a également fait penser a Portugal de Cyril Pedrosa, je trouve qu'il y a un lien, tant graphique que sur le fonctionnement de l'histoire.
Nous voilà vite embarqué dans ce voyage sur une partie du Brésil (que les distances sont grandes pour un français !) et les dessins, la mise en page et la colorisation y font beaucoup.
Je rejoins les 2 avis précédents dans leurs ressentis.
Ca y'est, c'est fait, j'ai lu L'incal. Une série absente de ma biblio municipale d'enfance et que je n'ai ensuite jamais eu l'occasion de trouver chez mes amis BDphiles. Aucune occasion mais aussi une sincère appréhension : j'avais vraiment peur d'être déçu. L’Incal, c’est tellement une référence qu’on arrive presque en terrain hostile, avec cette peur de ne pas y trouver ce que tout le monde semble y voir. Et puis, dès les premières pages, il se passe quelque chose. Ce n’est pas juste une histoire, c’est une explosion de créativité, un délire visuel et narratif qui déborde de partout. On est projeté dans un univers où rien n’a l’air d’avoir de limites, ni dans l’imaginaire, ni dans les thèmes abordés.
Le scénario de Jodorowsky, c’est un grand bazar organisé (comme souvent). On passe d’une intrigue métaphysique à des courses-poursuites délirantes, des réflexions sur le pouvoir, la religion, la technologie… et on a l’impression que tout ça pourrait s’écrouler sous son propre poids, mais non. Ça tient, parce que ça ose tout. Le héros, John Difool, est un anti-héros parfait, paumé, lâche, mais terriblement humain. À travers lui, on explore un monde qui ne cesse de surprendre. Tout semble surchargé, mais chaque détail compte.
Et puis il y a Moebius. Son dessin est juste incroyable, cette capacité à rendre palpable un univers aussi délirant. J'ai beaucoup aimé ce sens du détail qui donne de la profondeur à ce chaos organisé avec un trait en même temps si épuré. Les décors futuristes, les personnages improbables, les couleurs presque psychédéliques… c’est un vrai bonbon visuel, mais qui reste lisible et fluide. Je comprends aujourd'hui l’influence de cette œuvre sur beaucoup d’autres.
Il y a des moments où je me suis un peu perdu, où le récit devient presque trop dense, mais ce n’est pas grave. C'est plus une expérience qu'une histoire. En tous cas c'est comme cela que je l'ai lu et vécu. L’Incal ne cherche pas à plaire à tout le monde, et c’est précisément pour ça que ça fonctionne. Finalement, pas déçu du tout. Complètement embarqué, même. Une claque.
Une série humoristique vraiment très bien faite.
Un jour, un yakuza trouve chez lui une mystérieuse fille qui a des pouvoirs psychiques et il est plus ou moins obligé de l'adopter. À partir de ce postulat, l'auteur raconte une série délirante comme je l'aime. Il y a une galerie de personnages intéressants et attachants et le fait de toujours voir de nouveaux visages permet de varier les histoires. C'est vraiment le genre de série où je ne sais jamais ce qui va se passer ensuite et cela la rend passionnante.
On retrouve un des types d'humour que j'aime le plus dans les mangas: le dessin est réaliste, mais les situations ne le sont pas du tout et c'est rempli de quiproquos qui me font bien rigoler. Il y aussi du drame par moment et là aussi c'est bien fait parce que le ton est juste et on ne tombe pas dans du mélodramatique chiant comme c'est souvent trop le cas avec les mangas.
Bon même si j'aime bien la série, je ne sais pas trop quoi écrire de plus hormis le fait que c'est marrant pour moi. En tout cas, c'est une série à essayer si vous voulez un manga qui sort de l'ordinaire.
Grand coup de coeur pour cette BD. Le formalisme très atypique (mélange de dessins et de photos d'époque) et le choix de l' esthétique des dessins m'ont beaucoup plu. C'est moderne, coloré, vif, beau...
Et l'aventure que représente ce château et ses occupants est tout simplement incroyable. Je suis heureux d'avoir découvert ce Michel Magne de cette manière là.
Petite traversée du monde des EHPAD et de nos vieux retraités... Sachant la misère et la solitude qu'on trouve en ces lieux déprimants, à ma très grande surprise, j'ai passé un moment joyeux, divertissant et sensible en accompagnant notre héro dans son tout nouveau travail.
L' auteur a ce talent de rendre compte en toute simplicité, avec humanité, d'un pan de notre société qui nous effraie voir nous dégoûte.
A découvrir !
Comprendre qu’une œuvre soit plus investie que la vie…
-
Ce tome contient une évocation d’une partie de la vie et de l’œuvre d’Unica Zürn, une artiste allemande. L’édition originale date de 2019. L’album a été réalisé par Céline Wagner, pour le scénario, le dessin et la mise en couleurs. Il comprend cent-onze pages de bande dessinée. Il comporte à la fin des notes au lecteur et des carnets ouverts, soit un dossier de vingt-cinq pages. S’y trouvent une introduction d’une page, des citations de Gilles Deleuze, Stéphane Mallarmé, Michel Foucault, Anselm Kiefer, Gregory Bateson, les libertés prises à l’égard des faits biographiques, des illustrations de l’autrice, un article sur les dessins automatiques et les poèmes anagrammes, des œuvres de Zürn, des poèmes extraits de L’homme-Jasmin, un texte sur Le camp des Mille d’Aix-en-Provence, et un sur Le palais idéal du Facteur Cheval.
Unica a imaginé un grand hypnotiseur qu’elle baptise H.M., une entité supérieure qu’elle porte aux nues. Cloué dans un fauteuil roulant, il est impossible à H.M. de la toucher. L’abstraction du corps incarne leur union spirituelle, à l’image de l’amour pur, selon elle. Elle attend ses prophéties pour accomplir son merveilleux destin. […] Elle se rappelle les émois de l’aube faits de beauté et de souillures, où il fut clair qu’ensuite, rien ne serait comme avant. La précoce conscience de la mort, les pulsions érotiques de l’enfance et avoir manqué à sa parole tant de fois, malgré l’indulgence des amis, hantent ses rêveries quotidiennes. Dans les bois, des corps de femmes nues, des robes rouges à même le sol. Un homme en fauteuil roulant s’adresse à Unica : il lui intime de ne pas se contenter de cette vie médiocre, elle mérite mieux que ça. Il se lève de son fauteuil et ramasse une femme dont le corps nu est en désordre. Il continue : Hans Bellmer la croit fragile ? Qu’elle lui montre qui elle est vraiment ! Qu’elle ne se laisse pas manipuler ! Elle était bien plus hardie quand elle était petite fille. Qu’attend-elle pour se défendre ? Lui résister ?
Unica a une certitude. Le grand hypnotiseur est sur le point de dévoiler son visage, dont chaque passant porte la trace ; il suffirait de superposer toutes ces figures pour atteindre la vérité. Elle est maintenant revêtue d’une robe blanche et elle avance de nuit dans les bois, une chandelle à la main. Le grand hypnotiseur est dans son fauteuil roulant et il avance au milieu de la chaussée dans une rue étroite. On la trait de folle. On lui reproche de se comporter comme une enfant obstinée dans sa quête de merveilles. Elle fume assise, fenêtre ouverte, dans sa chambre d’hôpital psychiatrique. Elle éprouve la sensation qu’une femme à la chevelure de serpents lui conseille de se montrer telle qu’elle est. Le grand hypnotiseur reprend ses exhortations : Tout le monde la croit fragile, pas seulement Bellmer ! Elle n’a pas besoin d’eux ! Va-t-elle se contenter de singer la vie des autres ? Devenir adulte, vieillir, mourir ? Elle se trouve maintenant dans un parc avec des arbres en fleur, elle sait que l’heure de la délivrance est venue. Elle va quitter Bellmer et épouser son grand H.M.
Pas sûr que le lecteur soit familier d’Unica Zürn (1916-1970) et de son travail, ou de son importance au sein du mouvement surréaliste, et vraisemblablement pas non plus de sa vie personnelle, en particulier sa schizophrénie. Dès la première page, la narration le prend également au dépourvu : comme six cases par bande de deux, des images d’arbres dans une forêt en bleu et rouge sur fond blanc, avec la tête d’un cadavre couché au sol. Comme apposé sur ces cases, se trouve un cartouche de texte sur fond blanc sans ligne de bordure évoquant H.M. cette entité supérieure qu’elle s’est inventée. La deuxième planche est constituée d’une image en pleine page, majoritairement réalisée à l’aquarelle, ce mystérieux H.M. s’adressant à Unica que le lecteur ne voit pas. Après deux pages de narration visuelle à base de bandes et de cases, vient une autre planche de six cases avec un texte apposé par-dessus. En page quinze, une composition de trois bandes de chacune deux cases, dont quatre sont réalisées au stylo, des dessins réalisés par l’autrice à la manière d’une partie des œuvres d’art de l’artiste. Le lecteur va être régulièrement surpris par des changements de mise en page ou de technique de dessin et de peinture. Une peinture en pleine page dont la partie de gauche montre Unica assise par terre dans des teintes mordorées, et la partie de droite Hans dans des teintes bleues. Le lecteur ressent cette diversité qui s’adapte à l’état d’esprit de l’artiste faisant usage d’éléments hétéroclites en toute liberté : des taches d’encre sur un phylactère, le début d’article de dictionnaire sur Zürn, des silhouettes indistinctes dans une pièce avec leur nom dessus, d’autres dessins automatiques à la manière de l’artiste, des lettres de Bellmer, des poèmes anagrammes, etc.
L'autrice montre donc différents passages de la vie de l’artiste, avec une approche subjective, adoptant la sensibilité de cette dernière. D’un côté, le lecteur découvre une suite d’événements déformés par le désordre mental, tout en étant parfaitement intelligibles. Une phase d’internement, une autre de vie en couple avec Hans Bellmer, un rendez-vous avec un galeriste important en 1957, des moments de création en fumant une cigarette, un café en terrasse à Paris avec André Breton (1896-1966), Hans Bellmer et Max Ernst (1891-1976), une promenade nocturne dans les rues d’une ville, un acte pyromane dans une chambre de l’hôtel Jasmin, un nouvel internement où elle côtoie plusieurs autres femmes, le retour à la vie en couple avec Hans Bellmer. De ce point de vue, les dessins remplissent une fonction descriptive, avec un degré un peu simplifié dans la représentation, des inspirations tirées de différents courants picturaux du vingtième siècle. Dans le même temps, chaque moment est vécu par le biais des émotions et des états d’esprit d’Unica Zürn, ce qui apparaît dans ses remarques, dans les courts textes créés par l’autrice, dans le glissement des représentations. Le registre des images fluctue parfois insensiblement, avec des détails (H.M. qui n’a pas de bouche dans son visage), parfois dans la palette de couleurs (la deuxième séquence qui est rouge), d’autres fois avec l’intégration d’un élément mythologique (la gorgone), dans le comportement de Zürn qui se met à danser, le retour d’une forme particulière ou d’une couleur qui renvoie alors à une scène précédente, etc.
L’autrice épate le lecteur en lui faisant ressentir le monde comme Unica Zürn, ou en tout cas avec une interprétation très personnelle et peu conventionnelle de la réalité. Le lecteur éprouve une étrange sensation de dédoublement : à la fois il éprouve le réel à travers les convictions et les prismes de l’artiste, à la fois il ne peut pas se départir de sa rationalité. Il se rend compte que la narration forme un tout cohérent qui intègre ces deux aspects en un récit fluide, que les œuvres à la manière de Zürn y trouvent leur place, avec ce paradoxe de percevoir d’où vient son inspiration et en même temps de faire l’expérience de textes (poèmes anagrammes) et de visuels (dessins automatiques) qui ne lui seraient jamais venus à l’esprit. Une sorte de pas de côté, de capacité à envisager son environnement avec un regard original. L’autrice parvient ainsi à la fois à mettre en lumière ce qui engendre une vision différente, et à montrer une artiste qui sait se détacher des modes de pensée traditionnels pour produire une œuvre originale, un Graal pour bien des artistes.
La vie d’Unica Zürn parvient à son terme, et la curiosité du lecteur le pousse à regarder l’iconographie du dossier qui suit, à lire quelques légendes, et finalement à tenter les premiers paragraphes de texte. Il découvre alors les notes ou des extraits de carnets de l’autrice, mis en forme. L’introduction, la première partie, relate ses questionnements sur la façon de rendre compte de la vie d’un être humain, en l’occurrence d’une artiste. Céline Wagner évoque le fait que : L’image, le portrait et plus généralement la représentation, attribuent une fausse identité à un personnage – Ici, une artiste insaisissable et son œuvre, source d’interprétation et d’inspiration intarissable pour elle. Cette identité, qu’elle soit peinte ou dessinée, relève nécessairement du fantasme, non moins que la photographie, obsolète dès la seconde suivant sa prise. Aussi faudrait-il considérer toute imagerie comme un leurre. […] Elle évoque le choix fait par la plupart des biographes d’aborder la vie de l’artiste par le prisme de la folie, angle qui lui paraît insuffisant. Elle a préféré préserver au mieux le mystère d’un esprit créateur qui se tient en marge de la normalité.
Le lecteur se plonge dans ces paragraphes qui prolongent la bande dessinée, qui lui donnent à voir la réflexion de l’autrice, ses questionnements, explicitant ainsi ses choix. Sur la représentation pour commencer, qui est forcément interprétation tronquée, sur le mystère d’un esprit créateur qui se tient en marge de la normalité, sur comment rendre à Unica Zürn ce qui lui est dû (l’acceptation de son imaginaire comme réalité et la reconnaissance de son choix d’appuyer sa pensée sur des signes plutôt que sur des faits), sur le fait de ses propres poèmes anagrammes et dessins automatiques afin de respecter le choix de départ de ne pas raconter la vie d’Unica Zürn, mais de faire l’expérience de sa pensée sur son travail, sur l’expérience de l’internement dans un contexte différent, à quinze ans d’intervalle. Le récit porte alors en lui une image du malade schizophrène écarté de la machine sociale et maintenu dans le réseau de l’hôpital, sous la surveillance de la médecine et la vigilance de leurs proches, c’est-à-dire une logique de contrôle qui, au-delà du domaine de la maladie et de la folie, s’étend à l’ensemble de la population, et conforte dans l’idée qu’on peut se prémunir des dérives de la normalité, sur la place de l’art brut dans la société et sa reconnaissance.
Pas sûr que le lecteur puisse être très investi dans une artiste dont il n’a peut-être jamais entendu parler, ou qu’il souhaite s’intéresser à l’art d’une schizophrène. En même temps, la couverture impressionne par sa composition, et un rapide feuilletage suffit à prendre conscience d’une œuvre d’autrice. La narration visuelle séduit immédiatement, par son originalité, sa forte personnalité et sa prévenance inattendue, rendant immédiatement accessible un récit basé sur plusieurs visions ou interprétations de la réalité, une variété de modes de rendu, et une unité cohérente sans solution de continuité. Le lecteur ressent la réalité par les perceptions d’Unica Zürn, sans jugement de valeur, une expérience remarquable. La forte impression réalisée par cette lecture le conduit à la prolonger par les carnets ouverts de l’autrice, une deuxième expérience remarquable d’honnêteté et de réflexion. Magique. L’autrice explicité que le sujet de cet album pourrait être : comprendre qu’une œuvre soit plus investie que la vie…
Cet album est une pépite !
Hé oui, vous allez encore lire un avis enthousiaste !
Un album de grande taille qui permet de mettre en valeur le travail titanesque de Jean Dalin. Vous allez en prendre plein les mirettes !
Un dessin original, fluide et d'une froide beauté. Je suis resté bouche bée devant l'inventivité des mondes visités et du soin méticuleux apporté à chaque détail. Des doubles pages à couper le souffle.
Un plaisir des yeux qui doit beaucoup aux choix des couleurs, elles vont suivre les pérégrinations de nos personnages et évoluer au fil de leurs aventures. Des couleurs intenses aux contrastes saisissants !
L'agencement des planches est très varié et facile à suivre, il peut aller d'une pleine page à une quarantaine de cases sur une même planche.
N'hésitez pas à feuilletter l'album en librairie.
Du grand art !
Un monde futuriste où une lettre doit être remise en main propre à sa destinataire. Une intrigue qui se met en place sur fond d'amitié, d'amour, de trahison et de hiérarchisation.
Un récit abstrait, drôle, absurde, labyrinthique et touchant. Les dialogues sont savoureux, les situations cocasses sont nombreuses, mais une certaine noirceur demeure malgré tout.
Vivement le second volume pour en connaître la conclusion.
Un album novateur. Bravo à Jean Dalin pour ce premier coup d'essai.
Gros coup de cœur graphique.
On ne trouve jamais un Rembrandt dans les combles d’une vieille baraque.
-
Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa parution initiale date de 2024. Il a été réalisé par Simon Lamouret, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend deux-cent-trente-deux pages de bande dessinée. Il se termine par une demi-page de remerciements dans laquelle l’auteur précise qu’un livre ça peut prendre du temps et que trois années lui ont été nécessaires à l’élaboration de celui-ci. La couverture présente la particularité que la silhouette de l’homme assis est découpée dans le carton fort, laissant voir la page en-dessous.
La Roseraie – Vente domaniale pour cause de succession vacante. Dépendance de la maison de maître début XIXe (la bâtisse principale ne fait pas partie de la vente). Composée de cinq pièces de plain-pied : 108m² plus 300m² de terrain. Cadastré BC 252 lot 153. La propriété est encombrée. Le débarras sera à la charge de l’acquéreur. Le bien est vendu en l’état et situé en plaine agricole et boisée à 10mn de Ste-Chabelle – Accessible par transports en commun, à proximité des autoroutes A48 et A49. Mise à prix : 25 000 euros. En fin de journée, Élise arrive en voiture à Sainte-Chabelle, une petite ville de province. Elle s’arrête devant la dépendance, rentre sa voiture dans la cour, referme le portail. Elle prend sa valise dans sa voiture et rentre dans la maison. Elle appuie sur l’interrupteur : pas de lumière, il n’y a plus d’électricité. Elle utilise la torche de son téléphone et constate le fouillis présent dans chaque pièce. Elle se rend aux toilettes et s’y installe tout en ramassant une carte postale par terre pour la lire, pendant qu’elle urine. Un homme écrit à son amour et il évoque le mauvais temps, ainsi que ses marches qui lui permettent de réfléchir à l’avenir de façon plus sereine. Élise l’imagine dans son bain dans cette même salle de bain et sa compagne qui finit sur les toilettes et remonte sa culotte. Élise tire la chasse d’eau, conserve la carte postale avec elle et continue de visiter les pièces de la maison. Devant le bazar généralisé, elle décide de s’installer sur le canapé.
Son téléphone portable sonne : sa mère l’appelle. Élise lui indique qu’elle est arrivée à l’instant. Elle demande à sa mère quand Tom leur amène Antoine. Elle se demande qui achète une baraque sans la visiter. Elle prend le flacon d’armagnac sur la table basse devant elle et elle en boit une gorgée. Enfin, c’est trop tard pour regretter. Elle demande à parler à son père et elle lui fait un état des lieux : on ne voit pas grand-chose, mais ça a l’air à peu près en bon état, enfin pour une maison inhabitée depuis trente ans. Elle continue : les fenêtres n’ont pas l’air cassées, du moins dans les pièces qu’elle a explorées en arrivant. Elle n’a aucune idée s’il y a des vices cachés : elle n’est pas maçon, ni plombier. La maison a l’air de tenir debout, ça sent l’humidité et il y a pas mal de poussière, un peu comme avant chez mamie. De toute façon, ils verront tout ça demain. Elle raccroche, elle s’allonge sur le canapé sous une couverture, et elle éteint la lumière.
Quel étrange album : une couverture avec une silhouette découpée, c’est-à-dire une forme ludique plutôt à destination des enfants. Une bande dessinée entièrement peinte, avec un degré de simplification dans les représentations tout en conservant un haut niveau de détails. Des cases sans bordure tracée, des formes sans trait de contour. Une introduction d’une dizaine de pages dépourvues de mots à l’exception de la carte postale. Une période de quelques jours peut-être quelques semaines où Élise s’installe dans une maison achetée sans la visiter au préalable, avec son fils Antoine, et l’aide de ses parents Rachel et Philippe. Les gestes du quotidien pour débarrasser les pièces de tout le bazar qu’elles contiennent, de tous les souvenirs accumulés et laissés en plan. Chaque personnage réagit à sa manière à ces circonstances qui l’amènent à manipuler les vestiges de la vie d’une autre personne, décédée depuis, ce qu’il reste d’une vie. Chacun à sa manière réagit en accordant une importance nulle ou significative à ce qu’il trouve, à ce qu’il manipule, ce que cela réveille ou suscite en lui de manière consciente ou inconsciente. En cela, cet absent joue bien le rôle de miroir, reflétant un trait de caractère ou un souvenir chez l’un et l’autre. L’auteur va un peu plus loin que ça, évoquant quelques bribes de la vie de l’ancien propriétaire, montrant le contexte dans lequel il a utilisé ces objets, ces outils… ou au contraire en laissant le mystère.
L’auteur développe cette situation sortant de l’ordinaire, en la racontant de manière pragmatique : la suite de petites actions qui vont permettre de déblayer cette maison, le comportement banal de chacun des quatre personnages : la mère Élise, ses parents Rachel et Philippe, son fils Antoine. Tout comme eux, le lecteur est submergé par la quantité d’affaires présentes dans la maison : il ne semble pas y avoir un seul endroit épargné par l’accumulation de choses diverses, laissant présumer un comportement compulsif. Dans la page douze, il regarde la salle à manger, puis la cuisine en vue subjective, par le regard d’Élise : la table pas débarrassée, l’horloge comtoise, le papier peint aux motifs chargés, la vaisselle sens dessus dessous dans la cuisine. Puis les toilettes : des piles de journaux par terre et sur la cuvette. Puis la chambre : le lit ouvert mais pas défait, les vêtements en désordre. Une autre pile de journaux dans le couloir, des tableaux aux murs, une platine disque dans le salon, un piano, des fauteuils, un chapeau, des guéridons, des lampes, un pot à bonbons, un porte-bougie avec sa bougie, un paquet de cigarettes, un flacon d’armagnac, des revues, etc. Le lecteur finit par être aussi étourdi qu’Élise, par le nombre d’objets, par la perspective de devoir débarrasser tout ça.
Alors que les dessins semblent un peu simplifiés, le lecteur constate la densité d’informations visuelles à chaque page. Le grand-père effectue la révision de son camping-car avant d’aller chercher son petit-fils et de se rendre chez fille : l’alignement de pavillons est représenté dans des couleurs gaies, il ne manque pas une brique au pourtour des fenêtres, une poubelle est sortie sur le trottoir, un couple est en train de finir de mettre ses affaires dans le coffre de leur voiture, le lecteur peut également voir le tracé des places de stationnement, un mât d’éclairage, les végétaux dans les jardins, un escalier pour accéder à un perron, les fils électriques et leurs poteaux, etc. Le trajet en camping-car se déroule sur sept pages et le lecteur peut voir le paysage défiler, chaque lieu différent et bien décrit. Le premier midi, la petite famille mange sur une table dans le jardin et tout est là : les couverts, les assiettes, les verres, la bouteille d’eau en plastique, la bouteille de vin en verre, les chaises de jardin, l’herbe qui n’a pas été tondue depuis longtemps, les arbres et leur feuillage, la maison de maître en arrière-plan et sa clôture, le muret du jardin. Il est possible que le lecteur n’y prête pas attention à ce moment-là, toutefois s’il y revient par la suite, il constate que la brèche est déjà bien présente dans cette page cinquante-cinq. L’artiste fait montre du même investissement pour chaque endroit : chaque pièce de la maison dont le garage, le marché, les champs avec les chasseurs, une chambre de bonne pour Hannah et François, la déchetterie, un paquebot, un désert de sable, un paquebot, etc.
L’artiste adopte également une approche naturaliste pour les personnages : les gestes mesurés des grands-parents et leur visage creusé par les rides, les postures typiques des enfants pour Antoine et sa bouille ronde, les gestes plus assurés et plus confiants d’Élise. Chacun de ces personnages acquiert une vie propre sous les yeux du lecteur, une belle épaisseur et une forte plausibilité. Il sourit en voyant que la taille de police est un peu plus grande dans les phylactères du grand-père pour souligner qu’il parle un tout petit peu trop fort du fait de son audition défaillante. Il le voit absorbé dans son monde, complètement investi dans la remise en route de la Deux-Chevaux, complètement désemparé par l’absence de son épouse partie passer quelques jours seule au bord de la mer. Il ressent la douleur du faux mouvement d’Élise en déchargeant un frigo neuf. Il compatit à son mélange d’exaspération et d’inquiétude en voyant la réponse négative de la mairie après son entretien. Il éprouve une vive inquiétude en voyant Antoine manipuler un fusil totalement inconscient du danger d’une telle arme à feu. Il est en pleine empathie avec Rachel, la plus affectée par les souvenirs de la vie de cet inconnu.
L’auteur sait montrer comment chacun des quatre principaux personnages réagit à différents objets, avec une incidence également de nature différente. Le récit tient pleinement la promesse du titre : les artefacts résiduels de la vie du défunt agissent comme un miroir renvoyant la mère, les grands-parents, l’enfant à une partie d’eux-mêmes. Il montre également ce qu’une partie de ces objets a réellement signifié pour leur propriétaire à une époque de sa vie. Le lecteur ressent que le même processus se produit en lui : les personnages s’apparentent également à un miroir de différentes facettes de sa vie. Une remise en question de sa vie professionnelle, un autre regard sur sa relation amoureuse avec son partenaire de vie, sa passion ou son occupation lors des moments qui lui appartiennent pleinement, ses regrets ou sa nostalgie d’un chemin de vie que le hasard des circonstances l’a amené à délaisser, son rapport à la mort et au temps qui passe. Derrière la banalité pragmatique de faire place nette dans une maison, se trouvent des questions existentielles pour lesquelles il n’existe pas une seule réponse, encore moins une bonne réponse.
Un point de départ riche et fascinant : faire ressortir les points saillants de sa propre vie en découvrant des vestiges de l’intimité de celle d’un autre. La narration visuelle s’avère douce et d’une richesse extraordinaire, tant pour les détails, les lieux, l’expressivité de chaque personnage en fonction de son âge. Le récit se calque sur les actions ordinaires consistant à débarrasser une maison, avec quelques événements de la vie de tous les jours, en même temps cette vie intérieure qui réagit par automatisme à ces souvenirs d’un inconnu, renvoyant l’image de ses propres choix, de ses habitudes, de ce qui a été laissé de côté. Profond et sensible.
Je suis une grande amatrice de théâtre, j'y ai dédié une grande partie de ma vie et j'ai eu pendant longtemps le projet d'en vivre. Donc une histoire racontant les coulisses de la création d'une pièce, non seulement je connais bien mais en plus ça m'intéresse tout particulièrement.
Ici, on nous raconte l'histoire derrière la création de Cyrano de Bergerac, sans aucun doute l'une des pièces du répertoire théâtral français les plus connues et, accessoirement, ma pièce préférée. C'est grâce à elle (et en partie aussi grâce à De Cape et de Crocs) que j'ai enfin réalisé à l'adolescence que le lyrisme et la poésie n'étaient pas uniquement des langages un peu extra-terrestres ne visant qu'un esthétisme sonore, mais qu'il s'agissait bien de formes d'expression et que leurs mots n'avaient pas pour seuls buts d'être lus ou écoutés mais d'êtres joués, d'être vivants. Pour celleux ne connaissant pas la pièce d'origine d'Edmond Rostand, je ne peux que vivement vous la conseiller, c'est une mine de poésie, d'humour et de jeux sur les mots et la langue.
Pour revenir à "Edmond", je n'avais pas pu voir la pièce de Michalik quand elle jouait encore, mais j'avais pu voir son adaptation cinématographique à sa sortie. Je connaissais donc déjà la trame avant d'essayer cet album et je trouve l'adaptation bonne. J'aurais sans doute eu plus à dire si j'avais effectivement pu voir la version scénique, les différences doivent être forcément plus nombreuses.
L'histoire, donc, est celle d'Edmond Rostand, endetté et en pleine panne d'inspiration, qui va devoir écrire une pièce révolutionnaire dans un délai très court afin de pouvoir sauver sa carrière. L'histoire est simple mais très bien menée. C'est drôle, intéressant, bien rythmé et ça reflète bien le chaos et la panique qui précèdent la plupart des créations artistiques scéniques écrites dans des délais si court (je parle d'expérience).
La principale qualité de cette œuvre, selon moi, c'est qu'elle réinterprète de manière assez intéressante l'histoire même de Cyrano de Bergerac. Les personnages et leurs interprètes, la scène et les coulisses, l'écrivain, sa vie et sa création, tout se bouscule et se fait écho de manière satisfaisante. Comme dans Cyrano nous retrouvons donc un triangle amoureux ("relativement" platonique d'un côté et bassement corporelle de l'autre), de l'action (douce comparée à l'œuvre d'origine), des beaux mots et surtout (SURTOUT) du panache !
Peu de chose à dire sur les graphismes, ils sont très beaux et illustrent bien le récit. J'aime bien le dessin de Chemineau, je le trouve assez chaleureux et ici il ne fait pas exception.
Je conseille fortement l'album à toute personne aimant un tant soit peu le théâtre, Cyrano de Bergerac ou qui serait tout simplement curieux-se.
Pour moi, c'est un coup de cœur, mais je ne sais pas vraiment si ce coup de cœur vient du texte original de Michalik ou de cette adaptation en bande-dessinée précisément.
Allez, ça le mérite quand-même !
Je n'ai pu lire que les quatre premiers albums (seuls disponibles pour le moment à ma bibliothèque) donc je ne pourrais pas m'exprimer sur les deux suivants.
Cependant, bien que certains éléments reviennent d'un album à l'autre et qu'il est préférable de les lire dans l'ordre, la série est composée d'histoires indépendantes, donc je pense pouvoir me permettre d'aviser.
Les Spectaculaires, c'est honnêtement très sympathique mais quand-même un peu décevant. Pourquoi ? Parce que les jolis dessins d'Arnaud Poitevin, ce cadre de début du XXème siècle, les éléments de steampunk/dieselpunk et ce petit côté "récit d'aventures déjantées" avaient de quoi donner une très bonne histoire. Malheureusement, les scénarios m'ont souvent déçus.
En fait, maintenant que j'y pense, ce ne sont pas tant les scénarios qui m'ont gênés, sur le papier ils sont entrainants, c'est surtout que je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages principaux. Cela a gêné ma lecture car dans ce genre de récit d'aventures, surtout en jeunesse, il est selon moi nécessaire d'avoir de bons protagonistes suffisamment défini afin de vraiment se sentir impliqué dans le récit. Ici, bien qu'iels soient définis par des gimicks, je n'arrive pas à les considérer comme des personnages bien développés, en 3D même, si je peux me permettre l'image. Je pense que j'aurais préféré qu'iels aient davantage de gimicks, pour plus de ressorts comiques et d'utilité au scénarios, car tel quel iels me semblent souvent trop plats.
Je vous les présente, vous allez voir. Dans cette petite bande de saltimbanques super-héroïques, nous avons :
- Pétronille, la leadeuse, maligne et efficace
- Évariste, l'homme volant, vantard et dragueur invétéré
- Eustache, l'homme fort, un grand gaillard rondelet et grand mangeur (le stéréotype du gros, malheureusement)
- Félix, le lycanthrope, peureux et allergique à pratiquement tout ce qui existe
- Le Professeur Pipolet, un inventeur de génie un peu fou (et surtout amnésique un jour sur deux)
Voilà, résumé comme ça, on a là une fine bande de personnages qui peut nous promettre de bonnes aventures déjantées. Mais voilà le problème : c'est tout ce qu'iels seront, iels n'évolueront jamais de ce petit descriptif que je viens de vous faire. Seul-e-s Pipolet et Pétronille font exception. Le premier car il joue aussi et surtout un rôle de lanceur de l'intrigue (il faut dire que quand on est arrivé troisième au concours Lépine par deux fois, on a des contacts et des connaissances), la deuxième c'est parce que c'est le personnage qui finit par plus ou moins devenir le principal. C'est dommageable quand on considère que l'aspect "groupe" était censé être un des points forts du concept, mais ça ne me dérange pas nécessairement. Ce qui me titille légèrement avec elle, c'est que dans son exécution elle m'apparait un peu comme un mélange étrange entre un essai sincère de faire un personnage de femme forte (surtout pour l'époque) et un malheureux résultat du syndrome de la Schtroumpfette. Elle est très douée, intelligente et engagée pour une égalité homme-femme, mais par certains moments elle ne semble être plus défini que par ça : être une femme.
Mais là j'exagère un peu dans mon trait, hein. Les personnages restent sympathiques et j'aime bien Pétronille. Je tenais juste à appuyer ces petits détails qui m'ont fait tilter durant ma lecture.
Pour ce qui est des albums en eux-même, la qualité varie.
Le premier est très bon, c'est sans doute celui où les personnages sont le moins cantonnés aux stéréotypes qu'iels deviendront un peu par la suite (serait-ce donc un cas de flandérisation ?). L'intrigue est simple mais entraînante, ça pose bien le postulat pour la suite, ... Non, vraiment, c'est une bonne introduction. Notons d'ailleurs que les personnages changent beaucoup plus de vêtements dans ce seul album que dans tout le reste de la série (Pétronille ne porte quasiment plus que son chandaille après ça).
Le deuxième est le moins bon selon moi. L'aspect enquête policière et le sujet du théâtre aurait pu donner du très bon, le résultat est juste passable. Bon, au moins, ça joue un peu sur le côté "diva précieuse" de Sarah Bernhardt.
Le troisième était extrêmement engageant, avec son mélange de Jules Verne et de la Marque jaune. J'ai beaucoup aimé l'ambiance de ce Paris sous les eaux.
Le quatrième avait une intrigue intéressante mais qui ne m'a pas vraiment emballée outre mesure, la faute sans doute à des révélations qui se voient venir à des kilomètres. Ça reste bon, mais pas excellent. J'ai tout de même ri sur la parodie d'Arsène Lupin (ici Arsène Lapin, gentleman cabrioleur). La révélation de fin à le mérite de me donner sincèrement envie de me fournir la suite.
Voilà, c'est sur ça qu'il me faudrait sans doute conclure mon avis : j'ai envie de lire la suite.
Les couvertures et le résumé m'avait laissé espérer trouvé une petite perle jeunesse et très certainement un coup de cœur, je fus déçu de l'exécution qui avaient beaucoup de promesses et de potentiel, mais la lecture me fut tout de même agréable et je me retrouve à finalement avoir sincèrement envie de lire la suite.
Des petites montagnes russes donc, dans mon appréciations de cette série.
Raah, allez, je lui mets un petit coup de cœur finalement (on n'aura qu'à dire que c'est un plaisir coupable).
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Ivo a mis les voiles
Un road movie touchant et relativement atypique dans son déroulement. Astucieusement les personnages croisés, et le voyage un peu erratique du héros, nous donne une certaine vision du Brésil. Ca pourrait être une histoire scénarisée par Cosey : il y a beaucoup d'humanité qui se dégage dans les personnages ; la tendresse et la mélancolie n'étant jamais très loin. Ça m'a également fait penser a Portugal de Cyril Pedrosa, je trouve qu'il y a un lien, tant graphique que sur le fonctionnement de l'histoire. Nous voilà vite embarqué dans ce voyage sur une partie du Brésil (que les distances sont grandes pour un français !) et les dessins, la mise en page et la colorisation y font beaucoup. Je rejoins les 2 avis précédents dans leurs ressentis.
L'Incal
Ca y'est, c'est fait, j'ai lu L'incal. Une série absente de ma biblio municipale d'enfance et que je n'ai ensuite jamais eu l'occasion de trouver chez mes amis BDphiles. Aucune occasion mais aussi une sincère appréhension : j'avais vraiment peur d'être déçu. L’Incal, c’est tellement une référence qu’on arrive presque en terrain hostile, avec cette peur de ne pas y trouver ce que tout le monde semble y voir. Et puis, dès les premières pages, il se passe quelque chose. Ce n’est pas juste une histoire, c’est une explosion de créativité, un délire visuel et narratif qui déborde de partout. On est projeté dans un univers où rien n’a l’air d’avoir de limites, ni dans l’imaginaire, ni dans les thèmes abordés. Le scénario de Jodorowsky, c’est un grand bazar organisé (comme souvent). On passe d’une intrigue métaphysique à des courses-poursuites délirantes, des réflexions sur le pouvoir, la religion, la technologie… et on a l’impression que tout ça pourrait s’écrouler sous son propre poids, mais non. Ça tient, parce que ça ose tout. Le héros, John Difool, est un anti-héros parfait, paumé, lâche, mais terriblement humain. À travers lui, on explore un monde qui ne cesse de surprendre. Tout semble surchargé, mais chaque détail compte. Et puis il y a Moebius. Son dessin est juste incroyable, cette capacité à rendre palpable un univers aussi délirant. J'ai beaucoup aimé ce sens du détail qui donne de la profondeur à ce chaos organisé avec un trait en même temps si épuré. Les décors futuristes, les personnages improbables, les couleurs presque psychédéliques… c’est un vrai bonbon visuel, mais qui reste lisible et fluide. Je comprends aujourd'hui l’influence de cette œuvre sur beaucoup d’autres. Il y a des moments où je me suis un peu perdu, où le récit devient presque trop dense, mais ce n’est pas grave. C'est plus une expérience qu'une histoire. En tous cas c'est comme cela que je l'ai lu et vécu. L’Incal ne cherche pas à plaire à tout le monde, et c’est précisément pour ça que ça fonctionne. Finalement, pas déçu du tout. Complètement embarqué, même. Une claque.
Hinamatsuri
Une série humoristique vraiment très bien faite. Un jour, un yakuza trouve chez lui une mystérieuse fille qui a des pouvoirs psychiques et il est plus ou moins obligé de l'adopter. À partir de ce postulat, l'auteur raconte une série délirante comme je l'aime. Il y a une galerie de personnages intéressants et attachants et le fait de toujours voir de nouveaux visages permet de varier les histoires. C'est vraiment le genre de série où je ne sais jamais ce qui va se passer ensuite et cela la rend passionnante. On retrouve un des types d'humour que j'aime le plus dans les mangas: le dessin est réaliste, mais les situations ne le sont pas du tout et c'est rempli de quiproquos qui me font bien rigoler. Il y aussi du drame par moment et là aussi c'est bien fait parce que le ton est juste et on ne tombe pas dans du mélodramatique chiant comme c'est souvent trop le cas avec les mangas. Bon même si j'aime bien la série, je ne sais pas trop quoi écrire de plus hormis le fait que c'est marrant pour moi. En tout cas, c'est une série à essayer si vous voulez un manga qui sort de l'ordinaire.
Les Amants d'Hérouville - Une histoire vraie
Grand coup de coeur pour cette BD. Le formalisme très atypique (mélange de dessins et de photos d'époque) et le choix de l' esthétique des dessins m'ont beaucoup plu. C'est moderne, coloré, vif, beau... Et l'aventure que représente ce château et ses occupants est tout simplement incroyable. Je suis heureux d'avoir découvert ce Michel Magne de cette manière là.
Résidence Autonomie
Petite traversée du monde des EHPAD et de nos vieux retraités... Sachant la misère et la solitude qu'on trouve en ces lieux déprimants, à ma très grande surprise, j'ai passé un moment joyeux, divertissant et sensible en accompagnant notre héro dans son tout nouveau travail. L' auteur a ce talent de rendre compte en toute simplicité, avec humanité, d'un pan de notre société qui nous effraie voir nous dégoûte. A découvrir !
La Trahison du Réel
Comprendre qu’une œuvre soit plus investie que la vie… - Ce tome contient une évocation d’une partie de la vie et de l’œuvre d’Unica Zürn, une artiste allemande. L’édition originale date de 2019. L’album a été réalisé par Céline Wagner, pour le scénario, le dessin et la mise en couleurs. Il comprend cent-onze pages de bande dessinée. Il comporte à la fin des notes au lecteur et des carnets ouverts, soit un dossier de vingt-cinq pages. S’y trouvent une introduction d’une page, des citations de Gilles Deleuze, Stéphane Mallarmé, Michel Foucault, Anselm Kiefer, Gregory Bateson, les libertés prises à l’égard des faits biographiques, des illustrations de l’autrice, un article sur les dessins automatiques et les poèmes anagrammes, des œuvres de Zürn, des poèmes extraits de L’homme-Jasmin, un texte sur Le camp des Mille d’Aix-en-Provence, et un sur Le palais idéal du Facteur Cheval. Unica a imaginé un grand hypnotiseur qu’elle baptise H.M., une entité supérieure qu’elle porte aux nues. Cloué dans un fauteuil roulant, il est impossible à H.M. de la toucher. L’abstraction du corps incarne leur union spirituelle, à l’image de l’amour pur, selon elle. Elle attend ses prophéties pour accomplir son merveilleux destin. […] Elle se rappelle les émois de l’aube faits de beauté et de souillures, où il fut clair qu’ensuite, rien ne serait comme avant. La précoce conscience de la mort, les pulsions érotiques de l’enfance et avoir manqué à sa parole tant de fois, malgré l’indulgence des amis, hantent ses rêveries quotidiennes. Dans les bois, des corps de femmes nues, des robes rouges à même le sol. Un homme en fauteuil roulant s’adresse à Unica : il lui intime de ne pas se contenter de cette vie médiocre, elle mérite mieux que ça. Il se lève de son fauteuil et ramasse une femme dont le corps nu est en désordre. Il continue : Hans Bellmer la croit fragile ? Qu’elle lui montre qui elle est vraiment ! Qu’elle ne se laisse pas manipuler ! Elle était bien plus hardie quand elle était petite fille. Qu’attend-elle pour se défendre ? Lui résister ? Unica a une certitude. Le grand hypnotiseur est sur le point de dévoiler son visage, dont chaque passant porte la trace ; il suffirait de superposer toutes ces figures pour atteindre la vérité. Elle est maintenant revêtue d’une robe blanche et elle avance de nuit dans les bois, une chandelle à la main. Le grand hypnotiseur est dans son fauteuil roulant et il avance au milieu de la chaussée dans une rue étroite. On la trait de folle. On lui reproche de se comporter comme une enfant obstinée dans sa quête de merveilles. Elle fume assise, fenêtre ouverte, dans sa chambre d’hôpital psychiatrique. Elle éprouve la sensation qu’une femme à la chevelure de serpents lui conseille de se montrer telle qu’elle est. Le grand hypnotiseur reprend ses exhortations : Tout le monde la croit fragile, pas seulement Bellmer ! Elle n’a pas besoin d’eux ! Va-t-elle se contenter de singer la vie des autres ? Devenir adulte, vieillir, mourir ? Elle se trouve maintenant dans un parc avec des arbres en fleur, elle sait que l’heure de la délivrance est venue. Elle va quitter Bellmer et épouser son grand H.M. Pas sûr que le lecteur soit familier d’Unica Zürn (1916-1970) et de son travail, ou de son importance au sein du mouvement surréaliste, et vraisemblablement pas non plus de sa vie personnelle, en particulier sa schizophrénie. Dès la première page, la narration le prend également au dépourvu : comme six cases par bande de deux, des images d’arbres dans une forêt en bleu et rouge sur fond blanc, avec la tête d’un cadavre couché au sol. Comme apposé sur ces cases, se trouve un cartouche de texte sur fond blanc sans ligne de bordure évoquant H.M. cette entité supérieure qu’elle s’est inventée. La deuxième planche est constituée d’une image en pleine page, majoritairement réalisée à l’aquarelle, ce mystérieux H.M. s’adressant à Unica que le lecteur ne voit pas. Après deux pages de narration visuelle à base de bandes et de cases, vient une autre planche de six cases avec un texte apposé par-dessus. En page quinze, une composition de trois bandes de chacune deux cases, dont quatre sont réalisées au stylo, des dessins réalisés par l’autrice à la manière d’une partie des œuvres d’art de l’artiste. Le lecteur va être régulièrement surpris par des changements de mise en page ou de technique de dessin et de peinture. Une peinture en pleine page dont la partie de gauche montre Unica assise par terre dans des teintes mordorées, et la partie de droite Hans dans des teintes bleues. Le lecteur ressent cette diversité qui s’adapte à l’état d’esprit de l’artiste faisant usage d’éléments hétéroclites en toute liberté : des taches d’encre sur un phylactère, le début d’article de dictionnaire sur Zürn, des silhouettes indistinctes dans une pièce avec leur nom dessus, d’autres dessins automatiques à la manière de l’artiste, des lettres de Bellmer, des poèmes anagrammes, etc. L'autrice montre donc différents passages de la vie de l’artiste, avec une approche subjective, adoptant la sensibilité de cette dernière. D’un côté, le lecteur découvre une suite d’événements déformés par le désordre mental, tout en étant parfaitement intelligibles. Une phase d’internement, une autre de vie en couple avec Hans Bellmer, un rendez-vous avec un galeriste important en 1957, des moments de création en fumant une cigarette, un café en terrasse à Paris avec André Breton (1896-1966), Hans Bellmer et Max Ernst (1891-1976), une promenade nocturne dans les rues d’une ville, un acte pyromane dans une chambre de l’hôtel Jasmin, un nouvel internement où elle côtoie plusieurs autres femmes, le retour à la vie en couple avec Hans Bellmer. De ce point de vue, les dessins remplissent une fonction descriptive, avec un degré un peu simplifié dans la représentation, des inspirations tirées de différents courants picturaux du vingtième siècle. Dans le même temps, chaque moment est vécu par le biais des émotions et des états d’esprit d’Unica Zürn, ce qui apparaît dans ses remarques, dans les courts textes créés par l’autrice, dans le glissement des représentations. Le registre des images fluctue parfois insensiblement, avec des détails (H.M. qui n’a pas de bouche dans son visage), parfois dans la palette de couleurs (la deuxième séquence qui est rouge), d’autres fois avec l’intégration d’un élément mythologique (la gorgone), dans le comportement de Zürn qui se met à danser, le retour d’une forme particulière ou d’une couleur qui renvoie alors à une scène précédente, etc. L’autrice épate le lecteur en lui faisant ressentir le monde comme Unica Zürn, ou en tout cas avec une interprétation très personnelle et peu conventionnelle de la réalité. Le lecteur éprouve une étrange sensation de dédoublement : à la fois il éprouve le réel à travers les convictions et les prismes de l’artiste, à la fois il ne peut pas se départir de sa rationalité. Il se rend compte que la narration forme un tout cohérent qui intègre ces deux aspects en un récit fluide, que les œuvres à la manière de Zürn y trouvent leur place, avec ce paradoxe de percevoir d’où vient son inspiration et en même temps de faire l’expérience de textes (poèmes anagrammes) et de visuels (dessins automatiques) qui ne lui seraient jamais venus à l’esprit. Une sorte de pas de côté, de capacité à envisager son environnement avec un regard original. L’autrice parvient ainsi à la fois à mettre en lumière ce qui engendre une vision différente, et à montrer une artiste qui sait se détacher des modes de pensée traditionnels pour produire une œuvre originale, un Graal pour bien des artistes. La vie d’Unica Zürn parvient à son terme, et la curiosité du lecteur le pousse à regarder l’iconographie du dossier qui suit, à lire quelques légendes, et finalement à tenter les premiers paragraphes de texte. Il découvre alors les notes ou des extraits de carnets de l’autrice, mis en forme. L’introduction, la première partie, relate ses questionnements sur la façon de rendre compte de la vie d’un être humain, en l’occurrence d’une artiste. Céline Wagner évoque le fait que : L’image, le portrait et plus généralement la représentation, attribuent une fausse identité à un personnage – Ici, une artiste insaisissable et son œuvre, source d’interprétation et d’inspiration intarissable pour elle. Cette identité, qu’elle soit peinte ou dessinée, relève nécessairement du fantasme, non moins que la photographie, obsolète dès la seconde suivant sa prise. Aussi faudrait-il considérer toute imagerie comme un leurre. […] Elle évoque le choix fait par la plupart des biographes d’aborder la vie de l’artiste par le prisme de la folie, angle qui lui paraît insuffisant. Elle a préféré préserver au mieux le mystère d’un esprit créateur qui se tient en marge de la normalité. Le lecteur se plonge dans ces paragraphes qui prolongent la bande dessinée, qui lui donnent à voir la réflexion de l’autrice, ses questionnements, explicitant ainsi ses choix. Sur la représentation pour commencer, qui est forcément interprétation tronquée, sur le mystère d’un esprit créateur qui se tient en marge de la normalité, sur comment rendre à Unica Zürn ce qui lui est dû (l’acceptation de son imaginaire comme réalité et la reconnaissance de son choix d’appuyer sa pensée sur des signes plutôt que sur des faits), sur le fait de ses propres poèmes anagrammes et dessins automatiques afin de respecter le choix de départ de ne pas raconter la vie d’Unica Zürn, mais de faire l’expérience de sa pensée sur son travail, sur l’expérience de l’internement dans un contexte différent, à quinze ans d’intervalle. Le récit porte alors en lui une image du malade schizophrène écarté de la machine sociale et maintenu dans le réseau de l’hôpital, sous la surveillance de la médecine et la vigilance de leurs proches, c’est-à-dire une logique de contrôle qui, au-delà du domaine de la maladie et de la folie, s’étend à l’ensemble de la population, et conforte dans l’idée qu’on peut se prémunir des dérives de la normalité, sur la place de l’art brut dans la société et sa reconnaissance. Pas sûr que le lecteur puisse être très investi dans une artiste dont il n’a peut-être jamais entendu parler, ou qu’il souhaite s’intéresser à l’art d’une schizophrène. En même temps, la couverture impressionne par sa composition, et un rapide feuilletage suffit à prendre conscience d’une œuvre d’autrice. La narration visuelle séduit immédiatement, par son originalité, sa forte personnalité et sa prévenance inattendue, rendant immédiatement accessible un récit basé sur plusieurs visions ou interprétations de la réalité, une variété de modes de rendu, et une unité cohérente sans solution de continuité. Le lecteur ressent la réalité par les perceptions d’Unica Zürn, sans jugement de valeur, une expérience remarquable. La forte impression réalisée par cette lecture le conduit à la prolonger par les carnets ouverts de l’autrice, une deuxième expérience remarquable d’honnêteté et de réflexion. Magique. L’autrice explicité que le sujet de cet album pourrait être : comprendre qu’une œuvre soit plus investie que la vie…
La Trahison d'Olympe
Cet album est une pépite ! Hé oui, vous allez encore lire un avis enthousiaste ! Un album de grande taille qui permet de mettre en valeur le travail titanesque de Jean Dalin. Vous allez en prendre plein les mirettes ! Un dessin original, fluide et d'une froide beauté. Je suis resté bouche bée devant l'inventivité des mondes visités et du soin méticuleux apporté à chaque détail. Des doubles pages à couper le souffle. Un plaisir des yeux qui doit beaucoup aux choix des couleurs, elles vont suivre les pérégrinations de nos personnages et évoluer au fil de leurs aventures. Des couleurs intenses aux contrastes saisissants ! L'agencement des planches est très varié et facile à suivre, il peut aller d'une pleine page à une quarantaine de cases sur une même planche. N'hésitez pas à feuilletter l'album en librairie. Du grand art ! Un monde futuriste où une lettre doit être remise en main propre à sa destinataire. Une intrigue qui se met en place sur fond d'amitié, d'amour, de trahison et de hiérarchisation. Un récit abstrait, drôle, absurde, labyrinthique et touchant. Les dialogues sont savoureux, les situations cocasses sont nombreuses, mais une certaine noirceur demeure malgré tout. Vivement le second volume pour en connaître la conclusion. Un album novateur. Bravo à Jean Dalin pour ce premier coup d'essai. Gros coup de cœur graphique.
L'Homme miroir
On ne trouve jamais un Rembrandt dans les combles d’une vieille baraque. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa parution initiale date de 2024. Il a été réalisé par Simon Lamouret, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend deux-cent-trente-deux pages de bande dessinée. Il se termine par une demi-page de remerciements dans laquelle l’auteur précise qu’un livre ça peut prendre du temps et que trois années lui ont été nécessaires à l’élaboration de celui-ci. La couverture présente la particularité que la silhouette de l’homme assis est découpée dans le carton fort, laissant voir la page en-dessous. La Roseraie – Vente domaniale pour cause de succession vacante. Dépendance de la maison de maître début XIXe (la bâtisse principale ne fait pas partie de la vente). Composée de cinq pièces de plain-pied : 108m² plus 300m² de terrain. Cadastré BC 252 lot 153. La propriété est encombrée. Le débarras sera à la charge de l’acquéreur. Le bien est vendu en l’état et situé en plaine agricole et boisée à 10mn de Ste-Chabelle – Accessible par transports en commun, à proximité des autoroutes A48 et A49. Mise à prix : 25 000 euros. En fin de journée, Élise arrive en voiture à Sainte-Chabelle, une petite ville de province. Elle s’arrête devant la dépendance, rentre sa voiture dans la cour, referme le portail. Elle prend sa valise dans sa voiture et rentre dans la maison. Elle appuie sur l’interrupteur : pas de lumière, il n’y a plus d’électricité. Elle utilise la torche de son téléphone et constate le fouillis présent dans chaque pièce. Elle se rend aux toilettes et s’y installe tout en ramassant une carte postale par terre pour la lire, pendant qu’elle urine. Un homme écrit à son amour et il évoque le mauvais temps, ainsi que ses marches qui lui permettent de réfléchir à l’avenir de façon plus sereine. Élise l’imagine dans son bain dans cette même salle de bain et sa compagne qui finit sur les toilettes et remonte sa culotte. Élise tire la chasse d’eau, conserve la carte postale avec elle et continue de visiter les pièces de la maison. Devant le bazar généralisé, elle décide de s’installer sur le canapé. Son téléphone portable sonne : sa mère l’appelle. Élise lui indique qu’elle est arrivée à l’instant. Elle demande à sa mère quand Tom leur amène Antoine. Elle se demande qui achète une baraque sans la visiter. Elle prend le flacon d’armagnac sur la table basse devant elle et elle en boit une gorgée. Enfin, c’est trop tard pour regretter. Elle demande à parler à son père et elle lui fait un état des lieux : on ne voit pas grand-chose, mais ça a l’air à peu près en bon état, enfin pour une maison inhabitée depuis trente ans. Elle continue : les fenêtres n’ont pas l’air cassées, du moins dans les pièces qu’elle a explorées en arrivant. Elle n’a aucune idée s’il y a des vices cachés : elle n’est pas maçon, ni plombier. La maison a l’air de tenir debout, ça sent l’humidité et il y a pas mal de poussière, un peu comme avant chez mamie. De toute façon, ils verront tout ça demain. Elle raccroche, elle s’allonge sur le canapé sous une couverture, et elle éteint la lumière. Quel étrange album : une couverture avec une silhouette découpée, c’est-à-dire une forme ludique plutôt à destination des enfants. Une bande dessinée entièrement peinte, avec un degré de simplification dans les représentations tout en conservant un haut niveau de détails. Des cases sans bordure tracée, des formes sans trait de contour. Une introduction d’une dizaine de pages dépourvues de mots à l’exception de la carte postale. Une période de quelques jours peut-être quelques semaines où Élise s’installe dans une maison achetée sans la visiter au préalable, avec son fils Antoine, et l’aide de ses parents Rachel et Philippe. Les gestes du quotidien pour débarrasser les pièces de tout le bazar qu’elles contiennent, de tous les souvenirs accumulés et laissés en plan. Chaque personnage réagit à sa manière à ces circonstances qui l’amènent à manipuler les vestiges de la vie d’une autre personne, décédée depuis, ce qu’il reste d’une vie. Chacun à sa manière réagit en accordant une importance nulle ou significative à ce qu’il trouve, à ce qu’il manipule, ce que cela réveille ou suscite en lui de manière consciente ou inconsciente. En cela, cet absent joue bien le rôle de miroir, reflétant un trait de caractère ou un souvenir chez l’un et l’autre. L’auteur va un peu plus loin que ça, évoquant quelques bribes de la vie de l’ancien propriétaire, montrant le contexte dans lequel il a utilisé ces objets, ces outils… ou au contraire en laissant le mystère. L’auteur développe cette situation sortant de l’ordinaire, en la racontant de manière pragmatique : la suite de petites actions qui vont permettre de déblayer cette maison, le comportement banal de chacun des quatre personnages : la mère Élise, ses parents Rachel et Philippe, son fils Antoine. Tout comme eux, le lecteur est submergé par la quantité d’affaires présentes dans la maison : il ne semble pas y avoir un seul endroit épargné par l’accumulation de choses diverses, laissant présumer un comportement compulsif. Dans la page douze, il regarde la salle à manger, puis la cuisine en vue subjective, par le regard d’Élise : la table pas débarrassée, l’horloge comtoise, le papier peint aux motifs chargés, la vaisselle sens dessus dessous dans la cuisine. Puis les toilettes : des piles de journaux par terre et sur la cuvette. Puis la chambre : le lit ouvert mais pas défait, les vêtements en désordre. Une autre pile de journaux dans le couloir, des tableaux aux murs, une platine disque dans le salon, un piano, des fauteuils, un chapeau, des guéridons, des lampes, un pot à bonbons, un porte-bougie avec sa bougie, un paquet de cigarettes, un flacon d’armagnac, des revues, etc. Le lecteur finit par être aussi étourdi qu’Élise, par le nombre d’objets, par la perspective de devoir débarrasser tout ça. Alors que les dessins semblent un peu simplifiés, le lecteur constate la densité d’informations visuelles à chaque page. Le grand-père effectue la révision de son camping-car avant d’aller chercher son petit-fils et de se rendre chez fille : l’alignement de pavillons est représenté dans des couleurs gaies, il ne manque pas une brique au pourtour des fenêtres, une poubelle est sortie sur le trottoir, un couple est en train de finir de mettre ses affaires dans le coffre de leur voiture, le lecteur peut également voir le tracé des places de stationnement, un mât d’éclairage, les végétaux dans les jardins, un escalier pour accéder à un perron, les fils électriques et leurs poteaux, etc. Le trajet en camping-car se déroule sur sept pages et le lecteur peut voir le paysage défiler, chaque lieu différent et bien décrit. Le premier midi, la petite famille mange sur une table dans le jardin et tout est là : les couverts, les assiettes, les verres, la bouteille d’eau en plastique, la bouteille de vin en verre, les chaises de jardin, l’herbe qui n’a pas été tondue depuis longtemps, les arbres et leur feuillage, la maison de maître en arrière-plan et sa clôture, le muret du jardin. Il est possible que le lecteur n’y prête pas attention à ce moment-là, toutefois s’il y revient par la suite, il constate que la brèche est déjà bien présente dans cette page cinquante-cinq. L’artiste fait montre du même investissement pour chaque endroit : chaque pièce de la maison dont le garage, le marché, les champs avec les chasseurs, une chambre de bonne pour Hannah et François, la déchetterie, un paquebot, un désert de sable, un paquebot, etc. L’artiste adopte également une approche naturaliste pour les personnages : les gestes mesurés des grands-parents et leur visage creusé par les rides, les postures typiques des enfants pour Antoine et sa bouille ronde, les gestes plus assurés et plus confiants d’Élise. Chacun de ces personnages acquiert une vie propre sous les yeux du lecteur, une belle épaisseur et une forte plausibilité. Il sourit en voyant que la taille de police est un peu plus grande dans les phylactères du grand-père pour souligner qu’il parle un tout petit peu trop fort du fait de son audition défaillante. Il le voit absorbé dans son monde, complètement investi dans la remise en route de la Deux-Chevaux, complètement désemparé par l’absence de son épouse partie passer quelques jours seule au bord de la mer. Il ressent la douleur du faux mouvement d’Élise en déchargeant un frigo neuf. Il compatit à son mélange d’exaspération et d’inquiétude en voyant la réponse négative de la mairie après son entretien. Il éprouve une vive inquiétude en voyant Antoine manipuler un fusil totalement inconscient du danger d’une telle arme à feu. Il est en pleine empathie avec Rachel, la plus affectée par les souvenirs de la vie de cet inconnu. L’auteur sait montrer comment chacun des quatre principaux personnages réagit à différents objets, avec une incidence également de nature différente. Le récit tient pleinement la promesse du titre : les artefacts résiduels de la vie du défunt agissent comme un miroir renvoyant la mère, les grands-parents, l’enfant à une partie d’eux-mêmes. Il montre également ce qu’une partie de ces objets a réellement signifié pour leur propriétaire à une époque de sa vie. Le lecteur ressent que le même processus se produit en lui : les personnages s’apparentent également à un miroir de différentes facettes de sa vie. Une remise en question de sa vie professionnelle, un autre regard sur sa relation amoureuse avec son partenaire de vie, sa passion ou son occupation lors des moments qui lui appartiennent pleinement, ses regrets ou sa nostalgie d’un chemin de vie que le hasard des circonstances l’a amené à délaisser, son rapport à la mort et au temps qui passe. Derrière la banalité pragmatique de faire place nette dans une maison, se trouvent des questions existentielles pour lesquelles il n’existe pas une seule réponse, encore moins une bonne réponse. Un point de départ riche et fascinant : faire ressortir les points saillants de sa propre vie en découvrant des vestiges de l’intimité de celle d’un autre. La narration visuelle s’avère douce et d’une richesse extraordinaire, tant pour les détails, les lieux, l’expressivité de chaque personnage en fonction de son âge. Le récit se calque sur les actions ordinaires consistant à débarrasser une maison, avec quelques événements de la vie de tous les jours, en même temps cette vie intérieure qui réagit par automatisme à ces souvenirs d’un inconnu, renvoyant l’image de ses propres choix, de ses habitudes, de ce qui a été laissé de côté. Profond et sensible.
Edmond
Je suis une grande amatrice de théâtre, j'y ai dédié une grande partie de ma vie et j'ai eu pendant longtemps le projet d'en vivre. Donc une histoire racontant les coulisses de la création d'une pièce, non seulement je connais bien mais en plus ça m'intéresse tout particulièrement. Ici, on nous raconte l'histoire derrière la création de Cyrano de Bergerac, sans aucun doute l'une des pièces du répertoire théâtral français les plus connues et, accessoirement, ma pièce préférée. C'est grâce à elle (et en partie aussi grâce à De Cape et de Crocs) que j'ai enfin réalisé à l'adolescence que le lyrisme et la poésie n'étaient pas uniquement des langages un peu extra-terrestres ne visant qu'un esthétisme sonore, mais qu'il s'agissait bien de formes d'expression et que leurs mots n'avaient pas pour seuls buts d'être lus ou écoutés mais d'êtres joués, d'être vivants. Pour celleux ne connaissant pas la pièce d'origine d'Edmond Rostand, je ne peux que vivement vous la conseiller, c'est une mine de poésie, d'humour et de jeux sur les mots et la langue. Pour revenir à "Edmond", je n'avais pas pu voir la pièce de Michalik quand elle jouait encore, mais j'avais pu voir son adaptation cinématographique à sa sortie. Je connaissais donc déjà la trame avant d'essayer cet album et je trouve l'adaptation bonne. J'aurais sans doute eu plus à dire si j'avais effectivement pu voir la version scénique, les différences doivent être forcément plus nombreuses. L'histoire, donc, est celle d'Edmond Rostand, endetté et en pleine panne d'inspiration, qui va devoir écrire une pièce révolutionnaire dans un délai très court afin de pouvoir sauver sa carrière. L'histoire est simple mais très bien menée. C'est drôle, intéressant, bien rythmé et ça reflète bien le chaos et la panique qui précèdent la plupart des créations artistiques scéniques écrites dans des délais si court (je parle d'expérience). La principale qualité de cette œuvre, selon moi, c'est qu'elle réinterprète de manière assez intéressante l'histoire même de Cyrano de Bergerac. Les personnages et leurs interprètes, la scène et les coulisses, l'écrivain, sa vie et sa création, tout se bouscule et se fait écho de manière satisfaisante. Comme dans Cyrano nous retrouvons donc un triangle amoureux ("relativement" platonique d'un côté et bassement corporelle de l'autre), de l'action (douce comparée à l'œuvre d'origine), des beaux mots et surtout (SURTOUT) du panache ! Peu de chose à dire sur les graphismes, ils sont très beaux et illustrent bien le récit. J'aime bien le dessin de Chemineau, je le trouve assez chaleureux et ici il ne fait pas exception. Je conseille fortement l'album à toute personne aimant un tant soit peu le théâtre, Cyrano de Bergerac ou qui serait tout simplement curieux-se. Pour moi, c'est un coup de cœur, mais je ne sais pas vraiment si ce coup de cœur vient du texte original de Michalik ou de cette adaptation en bande-dessinée précisément. Allez, ça le mérite quand-même !
Les Spectaculaires
Je n'ai pu lire que les quatre premiers albums (seuls disponibles pour le moment à ma bibliothèque) donc je ne pourrais pas m'exprimer sur les deux suivants. Cependant, bien que certains éléments reviennent d'un album à l'autre et qu'il est préférable de les lire dans l'ordre, la série est composée d'histoires indépendantes, donc je pense pouvoir me permettre d'aviser. Les Spectaculaires, c'est honnêtement très sympathique mais quand-même un peu décevant. Pourquoi ? Parce que les jolis dessins d'Arnaud Poitevin, ce cadre de début du XXème siècle, les éléments de steampunk/dieselpunk et ce petit côté "récit d'aventures déjantées" avaient de quoi donner une très bonne histoire. Malheureusement, les scénarios m'ont souvent déçus. En fait, maintenant que j'y pense, ce ne sont pas tant les scénarios qui m'ont gênés, sur le papier ils sont entrainants, c'est surtout que je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages principaux. Cela a gêné ma lecture car dans ce genre de récit d'aventures, surtout en jeunesse, il est selon moi nécessaire d'avoir de bons protagonistes suffisamment défini afin de vraiment se sentir impliqué dans le récit. Ici, bien qu'iels soient définis par des gimicks, je n'arrive pas à les considérer comme des personnages bien développés, en 3D même, si je peux me permettre l'image. Je pense que j'aurais préféré qu'iels aient davantage de gimicks, pour plus de ressorts comiques et d'utilité au scénarios, car tel quel iels me semblent souvent trop plats. Je vous les présente, vous allez voir. Dans cette petite bande de saltimbanques super-héroïques, nous avons : - Pétronille, la leadeuse, maligne et efficace - Évariste, l'homme volant, vantard et dragueur invétéré - Eustache, l'homme fort, un grand gaillard rondelet et grand mangeur (le stéréotype du gros, malheureusement) - Félix, le lycanthrope, peureux et allergique à pratiquement tout ce qui existe - Le Professeur Pipolet, un inventeur de génie un peu fou (et surtout amnésique un jour sur deux) Voilà, résumé comme ça, on a là une fine bande de personnages qui peut nous promettre de bonnes aventures déjantées. Mais voilà le problème : c'est tout ce qu'iels seront, iels n'évolueront jamais de ce petit descriptif que je viens de vous faire. Seul-e-s Pipolet et Pétronille font exception. Le premier car il joue aussi et surtout un rôle de lanceur de l'intrigue (il faut dire que quand on est arrivé troisième au concours Lépine par deux fois, on a des contacts et des connaissances), la deuxième c'est parce que c'est le personnage qui finit par plus ou moins devenir le principal. C'est dommageable quand on considère que l'aspect "groupe" était censé être un des points forts du concept, mais ça ne me dérange pas nécessairement. Ce qui me titille légèrement avec elle, c'est que dans son exécution elle m'apparait un peu comme un mélange étrange entre un essai sincère de faire un personnage de femme forte (surtout pour l'époque) et un malheureux résultat du syndrome de la Schtroumpfette. Elle est très douée, intelligente et engagée pour une égalité homme-femme, mais par certains moments elle ne semble être plus défini que par ça : être une femme. Mais là j'exagère un peu dans mon trait, hein. Les personnages restent sympathiques et j'aime bien Pétronille. Je tenais juste à appuyer ces petits détails qui m'ont fait tilter durant ma lecture. Pour ce qui est des albums en eux-même, la qualité varie. Le premier est très bon, c'est sans doute celui où les personnages sont le moins cantonnés aux stéréotypes qu'iels deviendront un peu par la suite (serait-ce donc un cas de flandérisation ?). L'intrigue est simple mais entraînante, ça pose bien le postulat pour la suite, ... Non, vraiment, c'est une bonne introduction. Notons d'ailleurs que les personnages changent beaucoup plus de vêtements dans ce seul album que dans tout le reste de la série (Pétronille ne porte quasiment plus que son chandaille après ça). Le deuxième est le moins bon selon moi. L'aspect enquête policière et le sujet du théâtre aurait pu donner du très bon, le résultat est juste passable. Bon, au moins, ça joue un peu sur le côté "diva précieuse" de Sarah Bernhardt. Le troisième était extrêmement engageant, avec son mélange de Jules Verne et de la Marque jaune. J'ai beaucoup aimé l'ambiance de ce Paris sous les eaux. Le quatrième avait une intrigue intéressante mais qui ne m'a pas vraiment emballée outre mesure, la faute sans doute à des révélations qui se voient venir à des kilomètres. Ça reste bon, mais pas excellent. J'ai tout de même ri sur la parodie d'Arsène Lupin (ici Arsène Lapin, gentleman cabrioleur). La révélation de fin à le mérite de me donner sincèrement envie de me fournir la suite. Voilà, c'est sur ça qu'il me faudrait sans doute conclure mon avis : j'ai envie de lire la suite. Les couvertures et le résumé m'avait laissé espérer trouvé une petite perle jeunesse et très certainement un coup de cœur, je fus déçu de l'exécution qui avaient beaucoup de promesses et de potentiel, mais la lecture me fut tout de même agréable et je me retrouve à finalement avoir sincèrement envie de lire la suite. Des petites montagnes russes donc, dans mon appréciations de cette série. Raah, allez, je lui mets un petit coup de cœur finalement (on n'aura qu'à dire que c'est un plaisir coupable).