Emilie, jolie et gentille fantôme observe la vie des différents occupants de l'hôtel particulier dans lequel elle vivait. Derriere les portes et les rideaux, elle découvrira une sorcière, un couple anéanti, un autre pervers ou encore un épicurien à la bibliothèque magique et une petite fille perdue.
Elle y fera surtout la connaissance d'un artiste fauché et du maître des lieux, le chat.
J'ai tout aimé dans cette BD et pourtant cette lecture me laisse perplexe et je ne sais comment la noter.
Le scénario est emprunt de mélancolie, de fantastique. Il se dégage une réelle tristesse de cette histoire mais également une certaine beauté, quelque chose de prenant, d'envoutant. On appréciera également la touche d'érotisme.
Graphiquement c'est sublime aussi bien les décors que les corps (tellement importants dans cette histoire). L'utilisation du brun, est inhabituelle, mais colle parfaitement avec l'ambiance de l'histoire.
Pour ma part l'alchimie entre le dessin et l'histoire est parfaite.
"Hôtel particulier" a donc de nombreuses qualités et mérite vraiment que l'on y porte attention.
Mais voilà il y a un petit quelque chose, un grain de sable, sans pour autant que j'arrive à mettre des mots dessus, qui laisse une impression mitigée.
Ça a été un vrai plaisir de lire cette BD. Pour tout un tas de raisons, à commencer par la découverte d'une personnalité essentielle de l'Histoire de la photographie : Eadwaerd Muybridge.
En effet, parmi les qualités que compte cette histoire, il y a son sujet en lui même. Guy Delisle, que je ne connaissais que pour Pyongyang (c'est loin !), propose ici un scénario vif qui contient tous les éléments clefs de la vie de cet ingénieur/artiste. Il n'omet rien, et au contraire, on apprend beaucoup non seulement sur l'Histoire de la discipline, mais sur l'époque elle-même (l'origine de l'Université de Stanford/Palo Alto par exemple). Il nous offre une fresque vivante en parvenant à nous replonger dans ce que fut l'esprit de cette fin de XIXe siècle. Au passage, il dissémine un peu d'humour, léger, qui apporte un peu de fraicheur. Enfin, on a le droit à des reproduction des photos importantes citées dans le livre.
On y croise les personnalités qui ont compté à l'époque, et pas seulement pour la photographie et le cinéma, mais pour l'Art en général, ou la science. Bref ! Guy Delisle est parvenu à établir une excellente contextualisation.
Le scénario ne lasse pas, pas plus qu'il ne faiblit, tant au niveau du rythme que de sa construction. Le lecteur garde toujours le cap, ce qui n'empêche pas l'auteur de lui réserver des surprises. Les choses sont racontées et retranscrites de manière habile. Il suffit de voir la dernière page pour s'en convaincre où l'on voit (ATTENTION SPOIL) Muybridge frappé d'une crise cardiaque alors qu'il pelte dans son jardin. La scène est décomposée en plusieurs images à la manière de son zoopraxiscope.
En outre, il y a (surtout vers la fin) quelques allers-retours avec le présent tout à fait judicieux qui permettent de saisir l'importance du travail de Muybridge.
Quant au dessin, il est simple, sobre et efficace.
Sans tambour ni trompette, Deslisle nous offre un des meilleurs titres de l'année !
Une série qui contient plusieurs choses qui me dérangent beaucoup habituellement : un dessin très froid qui ne donne pas envie de lire la BD, des personnages qui ont souvent la même tête et beaucoup de textes narratifs.
Ce sont des éléments qui m'auraient embêté si on était dans une série de fiction et je pense que si cela avait été le cas j'aurais surement décroché avant d'avoir lu les 5 tomes. Comme cette série est un documentaire, cela a moins nuit à ma lecture parce que mon état d'esprit n'est pas le même et que le sujet de la série m'intéresse beaucoup vu que je suis un fan de true crime. Je pense toutefois que j'aurais fini par décrocher quand même si la série traitait d'un sujet qui me laisse indifférent alors pour moi c'est vraiment un documentaire de niche pour ceux qui aimeraient suivre le quotidien de la police, ce n'est pas un truc grand public comme ''Le monde sans fin'' qui est très accessibles même si on est pas fan de documentaire sur le nucléaire.
C'est donc l'adaptation du livre d'un journaliste qui a côtoyé la police de Baltimore pendant un an à la fin des années 80. On peut donc dire que le décor est daté et qu'il s'en est passé des choses depuis aux États-Unis, mais cela ne m'a pas trop dérangé parce que j'ai trouvé que cette immersion dans le monde des flics captivants. On montre le quotidien des policiers affectés au homicides sans filtres et on aborde tout : l'inspection de la scène du crime, les techniques d'interrogation, le coté sombre de la police comme la racisme... Cela m'a semblé très complet. On peut regretter que le tout est un peu décousu parce que des affaires criminelles trainent des mois et entre temps il se passe autre chose, mais cela ne m'a pas dérangé et cela renforce le coté réel de l'œuvre.
Ahhhh !!! Quel bonheur de retrouver ce petit univers si singulier mais tellement attachant que celui de la Pieuvre !
Chaque nouveau tome vient compléter ce petit Paris de la fin XIXe développé par Gess de façon subtile et intelligente. Avec "Fanny la Renoueuse" c'est une grosse pièce du puzzle qui s'agence, même si chaque tome reste indépendant...
J'aime cette période historique tellement riche en innovations politiques, artistiques, scientifiques. Et Gess s'empare de tout cela à merveille pour nous restituer un Paris transcendé par cette touche de fantastique où la Pieuvre règne en maîtresse depuis des lustres. Et c'est qu'on en apprend beaucoup dans ce tome sur les origines de cette entité mafieuse ! Et c'est par l'intermédiaire du passé de certains de ses protagonistes que la lumière se fait petit à petit ; et quel passé ! Et quelles révélations !
On a aussi le plaisir de retrouver la Bête que nous avions découvert dans le premier tome de cette série La Malédiction de Gustave Babel. Tout commence à s'interpénétrer en nous révélant l'étendue spectatentaculaire de la Pieuvre et de sa mainmise. C'était déjà riche et dense, cela en devient magnifique et hallucinant quand la mythologie vient en plus s'en mêler !
Du côté de l'objet et du dessin, la maquette est toujours aussi bien travaillée avec ce dos toilé, ces fonds de planche faussement jaunis, qui assoient cette ambiance fin XIXe tout en valorisant pleinement de dessin de Gess et sa colorisation si personnelle.
Bref, avec ce 4e opus, je passe ma note à 5 (culte !), tant je suis conquis par l'univers qu'aura su nous proposer et développer l'auteur.
J'en REVEUX ! A quand un prochain tome ???
Je ne peux pas fourrer mon pied dans une pantoufle de verre.
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Ce tome contient une biographie de Lee Miller (1907-1977), modèle, photographe, reporter, égérie du surréalisme. La première édition date de 2013 pour la version originale en italien, et de 2024 pour la version française. Il a été réalisé par Eleonora Antonioni pour le scénario et les dessinés, et traduits par Laurent Lombard. Il comprend cent-cinquante-et-une pages de bande dessinée. Il se termine avec la présentation succincte de six des hommes de la vie de Lee (Theodore Miller, Man Ray, Erik Miller, Aziz Eloui Bey, David E. Scherman, Roland Penrose), et un lexique de toutes les autres personnes citées, chacune présentée avec ses dates de naissance et de mort, et un court paragraphe d’une phrase, au nombre de trente-cinq de George Antheil (1900-1959, pianiste, compositeur, écrivain) à Elizabeth Audrey Whithers (1905-2001, journaliste). Le tome s’achève avec une bibliographie minimale, des pages web intéressantes et des recherches iconographiques.
En 1928, l’atelier de Neysa McMein, à New York, Elizabeth Miller, vingt-et-un ans, rejoint une tablée qui l’accueille avec les honneurs. Un homme fait observer qu’il paraît que les hommes se souviennent toujours des blondes. Une jeune femme fait remarquer que le visage de Lee est l’un des plus connus des revues de M. Condé Nast. Un autre note qu’il lui manque juste un joli pseudonyme pour se lancer. Elle répond : Lee Miller. Enfance et adolescence. Originaire de Pennsylvanie, déterminé, curieux et tenance, Theodore Miller a fait carrière dans le domaine technique jusqu’à devenir directeur des établissements De Laval à Poughkeepsie dans l’état de New York. Productrice d’équipements pour traire et traiter le lait, De Laval était la plus grande et la plus importante entreprise de Poughkeepsie. Lors de son précédent emploi à Utica, Theodore fit la connaissance d’une jeune infirmière : Florence Mac Donald. Les fiançailles furent longues, car il ne voulait pas se marier avant d’avoir trouvé une stabilité financière et professionnelle. C’est donc après son recrutement chez De Laval que le couple se marie et que Florence s’installe à Poughkeepsie.
Florence Mac Donald, la jeune épouse, attire d’emblée l’attention des Daughters of the American Revolution qui l’invitent à faire partie de leur prestigieuse association patriotique. Invitation aussitôt retirée lorsqu’elles découvrent les origines canadiennes de Florence. En tout cas, cette anecdote n’empêche pas Florence de devenir une parfaite dame de la haute bourgeoisie comme l’exige la mode de l’époque. Outre sa passion pour la technologie, Theodore cultive un grand intérêt pour les arts, jusqu’à en faire un élément central de la vie familiale. Féru de photographie qu’il se plait à pratiquer en dilettante, il a recours à son épouse Florence comme modèle parmi ses sujets préférés, les nus féminins, selon lui, l’une des plus hautes expressions de l’art. Bien vite, Theodore et Florence ont des enfants : John naît en 1905, Ellizabeth en 1907, Erik en 1910. La petite et toute blonde Elizabeth, appelée Lili, conquiert Theodore au premier regard devenant, sans qu’il s’en cache trop, sa préférée.
Peut-être que le lecteur a une vague conscience de l’existence de Lee Miller et de ses œuvres, ou qu’il n’en a jamais entendu parler : cette bande dessinée constitue l’occasion d’en apprendre plus sur elle. De fait, l’autrice réalise une biographie chronologique, à l’exception de la scène d’introduction. Elle raconte les différentes phases de la vie de cette femme, en cinq chapitres : Enfance et adolescence d’Elizabeth Miller, Surréalisme, Nuage, Barbelés, Coupure. En fonction de sa familiarité avec ladite biographie, le lecteur peut parfois se retrouver décontenancé. Par exemple, le récit montre bien les rencontres entre Lee Miller et différents artistes de l’époque comme Man Ray (Emmanuel Radnitsky, 1890-1976) ou Pablo Picasso (1881-1973), sans pour autant la mettre en scène comme étant l’égérie du surréalisme. Pour autant, il retrouve bien sa carrière de modèle, puis son apprentissage de la photographie et ses fréquentations avec les surréalistes, son engagement comme photographe de guerre, et sa carrière d’autrice de recettes culinaires. La personnalité de la narration visuelle apparaît tout de suite : des traits encrés très fins et solides, un noir & blanc rehaussé de jaune, la plupart du temps en une seule nuance, parfois deux. Une approche réaliste avec un degré de simplification allant vers l’élégance, avec un sens très sûr de la gestion de densité d’information par case, soit un luxe de détails, ou une focalisation sur les personnages en train de parler, ou des effets de texture.
L’autrice insère son personnage dans le contexte historique à la fois par les événements évoqués, à la fois par les dessins. D’une certaine manière, le lecteur peut interpréter les caractéristiques graphiques comme une touche féminine délicate et élégante ; d’un autre côté, cela n’obère en rien l’investissement de la dessinatrice dans les représentations. La séquence introductive montre des jeunes gens de la haute bourgeoisie, bien habillés à l’occasion d’un rendez-vous mondain. Le lecteur remarque de suite l’attention portée aux tenues vestimentaires que ce soit la coupe des costumes pour les messieurs, ou les différentes robes avec leurs accessoires pour ces dames, y compris les bibis et les colliers. La présentation de Theodore Miller s’effectue par un dessin le représentant assis sur une chaise : belle veste avec un motif jaune, une paire de bottines à bouton. La présentation de Florence Mac Donald se déroule en deux temps : d’abord en robe simple avec tablier (et un petit chapeau), puis en robe habillée avec un chapeau plus sophistiqué et plus décoratif. L’artiste fait preuve du même degré d’implication tout du long de l’ouvrage pour les tenues vestimentaires : les habits plus simples des enfants, les robes de soirée ou pour faire la fête, les manteaux, les accessoires divers et variés, les uniformes militaires, jusqu’à la robe noire et simple avec tablier dans laquelle Lee Miller reçoit le journaliste à Farley’s Farm, à Chiddingly, Muddles Green, dans la dernière période de sa vie.
De la même manière, la reconstitution historique se trouve dans chaque lieu, chaque environnement. Les lampes avec leur abat-jour dans l’atelier de Neysa McMein, les meubles et les pots de fleurs chez les Miller, le modèle du landau, les différentes voitures, les évocations d’œuvres artistiques de l’époque (dont celles de Man Ray et de Picasso), l’appartement d’Adolf Hitler à Berlin, et bien d’autres encore. Progressivement, le lecteur prend conscience que la bédéiste utilise de nombreuses possibilités offertes par la bande dessinée : case avec bordure ou sans, éléments de décor devenant une ornementation pour les autres cases, cases en trapèze ou en losange pour accentuer un mouvement, cases de la hauteur ou de la largeur de la page, dessins en pleine page, cases en insert, carte de la région pour accompagner les voyages de la photographe, etc. Elle joue également avec les phylactères et la typographie : écriture blanche sur fond noir, titres en barbelés quand Miller accompagne l’armée libératrice vers l’Est, etc. Si dans un premier temps, les personnages peuvent apparaître un peu simplifiés, en particulier pour les traits de visage, le lecteur se rend vite compte que la direction d’acteurs et les expressions de visage relèvent d’adultes aux émotions complexes, certains silences ou certaines pauses fugaces attestant de l’impact d’une situation ou d’un constat.
Le lecteur mesure mieux les choix de l’autrice lorsqu’un médecin indique que : Elizabeth Lee a contracté une méchante maladie vénérienne, et que malheureusement le traitement sera long, que les parents devront surtout essayer de lui faire surmonter le traumatisme psychologique. Les deux pages suivantes montrent que la fillette se sent sale en permanence, puis elle se montre insupportable dans les différents établissements scolaires où elle est inscrite. En allant chercher plus d’informations, il apparaît qu’il s’agit d’un viol perpétré sur la fillette alors qu’elle avait sept ans, une façon déconcertante de présenter un tel crime et ses conséquences dévastatrices. Pour autant, lorsque Lee Miller accompagne l’armée américaine à Torgau, puis Dachau, puis Berlin, toute l’horreur de la guerre impacte de plein fouet la jeune femme. Le lecteur en déduit que cette biographie est racontée avec le point de vue de Lee Miller, en fonction de ce qu’elle ressent et de ce qu’elle peut exprimer, sa façon de se représenter le monde à chaque moment de sa vie. Il constate alors que l’autrice montre l’impact des événements, des expériences, des découvertes, de la manière dont l’artiste le ressent. Au fur et à mesure, le lecteur découvre la vie de cette femme, ou plutôt ses vies, de modèle pour photographes, à photographe de mode elle-même, photoreporter de guerre, autrice de recettes. En fonction de ses centres d’intérêt, il aurait pu souhaiter que telle ou telle facette de sa vie soit plus développée, tout en ayant conscience que cette biographie regorge d’informations et de moments sortant de l’ordinaire, qu’elle est riche et dense.
Réaliser une biographie constitue un exercice compliqué entre hagiographie et enfilade aride de faits avérés. Celle-ci combine les éléments factuels avec la vision que Lee Miller a pu en avoir au moment de leur survenance dans le contexte de sa vie, et dans celui historique. L’autrice se livre à une reconstitution extraordinaire de références et de détails pertinents et opportuns, en sachant montrer l’environnement correspondant. Le lecteur accompagne une jeune femme séduisante et libérée, menant sa vie comme elle l’entend, connectée au monde, réussissant aussi bien une carrière de modèle que de photoreporter de guerre (jusque dans la baignoire d’Hitler), tout en en faisant l’expérience de son point de vue, moments de plaisir comme traumatismes. Une réussite exemplaire.
Un très bon one-shot.
Les thèmes utilisés dans l'album sont du déjà vu, mais l'auteur les utilisent de manières intelligentes. Il faut dire que le récit est construit de manière originale. La réalité et la fiction sont mélangées, mais sans jamais perdre le lecteur qui comprends bien ce qui se passe. Je ne veux pas trop spoiler ce qui se passe dans le récit et tout ce que je peux dire c'est que c'est remplis d'émotions, le scénario est prenant même lorsque je devinais un peu ce qui se passait et le personnage principal est terriblement attachant.
J'ai vraiment aimé le dessin que je trouve très dynamique et les couleurs sont belles. La mise en scène est surprenante et audacieuse. Je trouve que jusqu'à présent c'est une des meilleurs bds de 2024 que j'ai lu. Elle a réussi à toucher mon âme d'enfant.
Face à cette unanimité d'avis et même si j'avais détesté Georges Clooney du même auteur, il fallait que je tente l'aventure. Et de fait, voilà qui me réconcilie un peu avec Valette !
Mon plus gros point négatif est le dessin, dans lequel je n'ai pas réussi à me plonger. On arrive un peu à passer outre pour accrocher à un scénario bien plus réussi, mais je trouve qu'au vu du pastiche de film d'aventures que nous propose Valette, ça aurait eu du sens de préférer un style plus réaliste, plus typé aventure qu'humour.
Mon autre point négatif est plus léger : l'humour est très inégal. Il est parfois très drôle mais descend régulièrement dans un pipi-caca qui n'a que peu d'intérêt. Cela dit, rien de rédhibitoire et il faut en venir aux points positifs.
Malgré les blagues pipi-caca dispensables, l'humour m'a également fait rire pas mal de fois. Il faut dire que le scénario concocté par Valette est franchement réussi, il sait dérouler une vraie histoire avec des péripéties qui ont du sens (si j'ose dire !) dans le cadre du récit. Tout se déroule de manière assez cohérente après qu'on a accepté les codes de cet univers totalement absurde, et on se prend régulièrement au jeu. Le scénario se révèle donc plutôt bien ficelé et étrangement accrocheur, souvent rehaussé par un humour qui donne tout leur sel à des situations sans queue ni tête !
Bref, si ça ne figurera pas dans mes BD cultes principalement à cause d'un dessin que je n'aime pas, je reconnais que cet humour d'entreprise totalement absurde fait suffisamment mouche pour qu'on passe un bon moment. Pas sûr que ce soit au point de me faire relire un jour ce tome.
Quel vent de fraîcheur !
J'ai adoré Majo No Michi qui mêle à la fois :
- de belles illustrations de Strasbourg et de l'Alsace
- une histoire avec des personnages principaux féminins
- un récit sur l'écologie, l'amitié, le vélo et le changement climatique
- de la sorcellerie !
Les illustrations sont très réussies et obnubilée par les détails des vélos ou de la cathédrale jamais je n'ai pris le temps de regarder des oreilles (wtf). J'ai apprécié les visages expressifs, le détail des décors et les scènes de vitesse avec des lignes rapides.
Concernant l'assistanat dont certain parle... Remettons le livre dans son contexte : les personnages sont jeunes et sortent d'école, elles ne sont pas encore pleinement dans la vie active. Le livre parle également de culpabilité de toucher des aides, de la volonté d'indépendance et de la nécessité de faire le bien autour de soit (écologie, société et du coup sorcellerie).
Je conseille cette ouvrage à toutes les personnes qui considèrent que participer à la société, contribuer à ralentir le changement climatique et défendre l'envrionnement sont des notions importantes. De même concernant l'amitié.
Ce livre est destiné à un public jeune optimiste et joyeux ! Ne l'offrez pas à votre oncle aigri ou à un étudiant en école de commerce qui souhaite travailler dans une banque ou un cabinet de conseil, ils risquent de passer à côté de la beauté des images et des messages.
Hâte de lire la suite !
Je suis désolé de casser le consensus mais j'ai trop apprécié cette lecture pour me contenter d'un 4. Pourtant en découvrant cet improbable graphisme et l'épaisseur de la BD j'ai craint le pire. Que nenni, je suis immédiatement tombé sous le charme de cet humour absurde très présent dans le début du récit. Il faut dire que l'entrée en scène de Jean Doux ne manque pas d'originalité dans sa construction et son déroulé. Cette introduction permet à Valette de créer une ambiance de bureau 90's avec ses codes, son langage et sa technologie ( le minitel!) aux allures historico nostalgiques pleines de dérisions . C'est presque tout le temps très drôle avec un enchaînement de scènes qui donne une grande dynamique au récit. Ensuite Valette glisse doucement sur un polar industriel qui met au devant de la scène un outil reléguer dans un coin : le broyeur à papier. Au détour d'une petite anecdote signifiante, Valette rappelle que ce banal outil peut se montrer d'une importance vitale. Alors où veut nous conduire ce scénario loufoque mais si bien construit? Valette retombe sur ses pieds grâce à un final fantastique à la H.G Wells. Impossible d'en dire plus tellement le récit mérite la fraicheur de la découverte. Je veux mettre en exergue certaines trouvailles presque d'anthologie comme cette poursuite en chaises de bureau.
Pour compléter l'ambiance, Valette pioche dans le vieux graphismes des premiers jeux vidéos aux personnages sans relief et à l'allure saccadée. Mais l'auteur transforme le vintage en moderne. Ses personnages deviennent réellement dynamiques et expressifs.
Une excellente lecture qui exploite une idée originale avec beaucoup d'humour et de créativité.
Voilà un travail que j’ai trouvé excellent sur le fond et sur la forme. Certes, c’est parfois un peu ardu, c’est très dense et il faut s’enfiler un certain nombre de termes techniques, de connaissances économiques et d’organisation des marchés financiers et bancaires. Mais la narration est très fluide et claire.
C’est d’abord dû au dessin de Jérémy Van Houtte, qui aère la démonstration tout en la rendant agréable et lire.
C’est aussi dû bien sûr au très gros travail en amont (c’est du blindé en matière de connaissances exposées, et l’imposante bibliographie de fin de volume confirme ce travail préparatoire, et surtout confirme que les auteurs souhaitent que leurs lecteurs aillent plus loin).
Les rouages du système financier libéral – et plus largement du capitalisme financier actuel – sont bien mis en avant, avec les mécanismes qui font transiter l’argent – y compris public – jusqu’au actionnaires, dans un « ruissellement » inversé, mais aussi bien plus réel que celui annoncé par nos dirigeants depuis des décennies.
C’est à la fois limpide et écœurant. Mais on ne se contente pas de constater, puisque les dernières pages énumèrent un certain nombre de pistes pour remédier à ce creusement des inégalités au profit d’une minorité (qui plus est responsable d’autres maux, comme la pollution, le réchauffement climatique et quelques conflits). Avec une présentation intéressante de la convergence des luttes.
L’action des lobbies, des institutions européennes, le fonctionnement des banques, l’hypocrisie des « décideurs » (voir « mon ennemi c’est la finance » de Hollande !), tout ceci n’est certes pas réjouissant. Et les auteurs montrent bien comment toutes les luttes tendant à remettre en cause cet ordre établi par et pour un petit nombre sont dénigrées dans les médias, et sévèrement réprimées (voir les dernières années en France, avec les Gilets jaunes en particulier). Mais il se dégage à la fin un sentiment qu’il est possible de faire changer la donne.
Une lecture exigeante, mais instructive, jamais rébarbative ni sentencieuse, avec un ton léger. Bref, un documentaire à lire, pour nourrir réflexion, et éventuellement action.
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Hotel Particulier
Emilie, jolie et gentille fantôme observe la vie des différents occupants de l'hôtel particulier dans lequel elle vivait. Derriere les portes et les rideaux, elle découvrira une sorcière, un couple anéanti, un autre pervers ou encore un épicurien à la bibliothèque magique et une petite fille perdue. Elle y fera surtout la connaissance d'un artiste fauché et du maître des lieux, le chat. J'ai tout aimé dans cette BD et pourtant cette lecture me laisse perplexe et je ne sais comment la noter. Le scénario est emprunt de mélancolie, de fantastique. Il se dégage une réelle tristesse de cette histoire mais également une certaine beauté, quelque chose de prenant, d'envoutant. On appréciera également la touche d'érotisme. Graphiquement c'est sublime aussi bien les décors que les corps (tellement importants dans cette histoire). L'utilisation du brun, est inhabituelle, mais colle parfaitement avec l'ambiance de l'histoire. Pour ma part l'alchimie entre le dessin et l'histoire est parfaite. "Hôtel particulier" a donc de nombreuses qualités et mérite vraiment que l'on y porte attention. Mais voilà il y a un petit quelque chose, un grain de sable, sans pour autant que j'arrive à mettre des mots dessus, qui laisse une impression mitigée.
Pour une fraction de seconde - La vie mouvementée d'Eadweard Muybridge
Ça a été un vrai plaisir de lire cette BD. Pour tout un tas de raisons, à commencer par la découverte d'une personnalité essentielle de l'Histoire de la photographie : Eadwaerd Muybridge. En effet, parmi les qualités que compte cette histoire, il y a son sujet en lui même. Guy Delisle, que je ne connaissais que pour Pyongyang (c'est loin !), propose ici un scénario vif qui contient tous les éléments clefs de la vie de cet ingénieur/artiste. Il n'omet rien, et au contraire, on apprend beaucoup non seulement sur l'Histoire de la discipline, mais sur l'époque elle-même (l'origine de l'Université de Stanford/Palo Alto par exemple). Il nous offre une fresque vivante en parvenant à nous replonger dans ce que fut l'esprit de cette fin de XIXe siècle. Au passage, il dissémine un peu d'humour, léger, qui apporte un peu de fraicheur. Enfin, on a le droit à des reproduction des photos importantes citées dans le livre. On y croise les personnalités qui ont compté à l'époque, et pas seulement pour la photographie et le cinéma, mais pour l'Art en général, ou la science. Bref ! Guy Delisle est parvenu à établir une excellente contextualisation. Le scénario ne lasse pas, pas plus qu'il ne faiblit, tant au niveau du rythme que de sa construction. Le lecteur garde toujours le cap, ce qui n'empêche pas l'auteur de lui réserver des surprises. Les choses sont racontées et retranscrites de manière habile. Il suffit de voir la dernière page pour s'en convaincre où l'on voit (ATTENTION SPOIL) Muybridge frappé d'une crise cardiaque alors qu'il pelte dans son jardin. La scène est décomposée en plusieurs images à la manière de son zoopraxiscope. En outre, il y a (surtout vers la fin) quelques allers-retours avec le présent tout à fait judicieux qui permettent de saisir l'importance du travail de Muybridge. Quant au dessin, il est simple, sobre et efficace. Sans tambour ni trompette, Deslisle nous offre un des meilleurs titres de l'année !
Homicide - Une année dans les rues de Baltimore
Une série qui contient plusieurs choses qui me dérangent beaucoup habituellement : un dessin très froid qui ne donne pas envie de lire la BD, des personnages qui ont souvent la même tête et beaucoup de textes narratifs. Ce sont des éléments qui m'auraient embêté si on était dans une série de fiction et je pense que si cela avait été le cas j'aurais surement décroché avant d'avoir lu les 5 tomes. Comme cette série est un documentaire, cela a moins nuit à ma lecture parce que mon état d'esprit n'est pas le même et que le sujet de la série m'intéresse beaucoup vu que je suis un fan de true crime. Je pense toutefois que j'aurais fini par décrocher quand même si la série traitait d'un sujet qui me laisse indifférent alors pour moi c'est vraiment un documentaire de niche pour ceux qui aimeraient suivre le quotidien de la police, ce n'est pas un truc grand public comme ''Le monde sans fin'' qui est très accessibles même si on est pas fan de documentaire sur le nucléaire. C'est donc l'adaptation du livre d'un journaliste qui a côtoyé la police de Baltimore pendant un an à la fin des années 80. On peut donc dire que le décor est daté et qu'il s'en est passé des choses depuis aux États-Unis, mais cela ne m'a pas trop dérangé parce que j'ai trouvé que cette immersion dans le monde des flics captivants. On montre le quotidien des policiers affectés au homicides sans filtres et on aborde tout : l'inspection de la scène du crime, les techniques d'interrogation, le coté sombre de la police comme la racisme... Cela m'a semblé très complet. On peut regretter que le tout est un peu décousu parce que des affaires criminelles trainent des mois et entre temps il se passe autre chose, mais cela ne m'a pas dérangé et cela renforce le coté réel de l'œuvre.
Fannie la renoueuse
Ahhhh !!! Quel bonheur de retrouver ce petit univers si singulier mais tellement attachant que celui de la Pieuvre ! Chaque nouveau tome vient compléter ce petit Paris de la fin XIXe développé par Gess de façon subtile et intelligente. Avec "Fanny la Renoueuse" c'est une grosse pièce du puzzle qui s'agence, même si chaque tome reste indépendant... J'aime cette période historique tellement riche en innovations politiques, artistiques, scientifiques. Et Gess s'empare de tout cela à merveille pour nous restituer un Paris transcendé par cette touche de fantastique où la Pieuvre règne en maîtresse depuis des lustres. Et c'est qu'on en apprend beaucoup dans ce tome sur les origines de cette entité mafieuse ! Et c'est par l'intermédiaire du passé de certains de ses protagonistes que la lumière se fait petit à petit ; et quel passé ! Et quelles révélations ! On a aussi le plaisir de retrouver la Bête que nous avions découvert dans le premier tome de cette série La Malédiction de Gustave Babel. Tout commence à s'interpénétrer en nous révélant l'étendue spectatentaculaire de la Pieuvre et de sa mainmise. C'était déjà riche et dense, cela en devient magnifique et hallucinant quand la mythologie vient en plus s'en mêler ! Du côté de l'objet et du dessin, la maquette est toujours aussi bien travaillée avec ce dos toilé, ces fonds de planche faussement jaunis, qui assoient cette ambiance fin XIXe tout en valorisant pleinement de dessin de Gess et sa colorisation si personnelle. Bref, avec ce 4e opus, je passe ma note à 5 (culte !), tant je suis conquis par l'univers qu'aura su nous proposer et développer l'auteur. J'en REVEUX ! A quand un prochain tome ???
Les Cinq Vies de Lee Miller
Je ne peux pas fourrer mon pied dans une pantoufle de verre. - Ce tome contient une biographie de Lee Miller (1907-1977), modèle, photographe, reporter, égérie du surréalisme. La première édition date de 2013 pour la version originale en italien, et de 2024 pour la version française. Il a été réalisé par Eleonora Antonioni pour le scénario et les dessinés, et traduits par Laurent Lombard. Il comprend cent-cinquante-et-une pages de bande dessinée. Il se termine avec la présentation succincte de six des hommes de la vie de Lee (Theodore Miller, Man Ray, Erik Miller, Aziz Eloui Bey, David E. Scherman, Roland Penrose), et un lexique de toutes les autres personnes citées, chacune présentée avec ses dates de naissance et de mort, et un court paragraphe d’une phrase, au nombre de trente-cinq de George Antheil (1900-1959, pianiste, compositeur, écrivain) à Elizabeth Audrey Whithers (1905-2001, journaliste). Le tome s’achève avec une bibliographie minimale, des pages web intéressantes et des recherches iconographiques. En 1928, l’atelier de Neysa McMein, à New York, Elizabeth Miller, vingt-et-un ans, rejoint une tablée qui l’accueille avec les honneurs. Un homme fait observer qu’il paraît que les hommes se souviennent toujours des blondes. Une jeune femme fait remarquer que le visage de Lee est l’un des plus connus des revues de M. Condé Nast. Un autre note qu’il lui manque juste un joli pseudonyme pour se lancer. Elle répond : Lee Miller. Enfance et adolescence. Originaire de Pennsylvanie, déterminé, curieux et tenance, Theodore Miller a fait carrière dans le domaine technique jusqu’à devenir directeur des établissements De Laval à Poughkeepsie dans l’état de New York. Productrice d’équipements pour traire et traiter le lait, De Laval était la plus grande et la plus importante entreprise de Poughkeepsie. Lors de son précédent emploi à Utica, Theodore fit la connaissance d’une jeune infirmière : Florence Mac Donald. Les fiançailles furent longues, car il ne voulait pas se marier avant d’avoir trouvé une stabilité financière et professionnelle. C’est donc après son recrutement chez De Laval que le couple se marie et que Florence s’installe à Poughkeepsie. Florence Mac Donald, la jeune épouse, attire d’emblée l’attention des Daughters of the American Revolution qui l’invitent à faire partie de leur prestigieuse association patriotique. Invitation aussitôt retirée lorsqu’elles découvrent les origines canadiennes de Florence. En tout cas, cette anecdote n’empêche pas Florence de devenir une parfaite dame de la haute bourgeoisie comme l’exige la mode de l’époque. Outre sa passion pour la technologie, Theodore cultive un grand intérêt pour les arts, jusqu’à en faire un élément central de la vie familiale. Féru de photographie qu’il se plait à pratiquer en dilettante, il a recours à son épouse Florence comme modèle parmi ses sujets préférés, les nus féminins, selon lui, l’une des plus hautes expressions de l’art. Bien vite, Theodore et Florence ont des enfants : John naît en 1905, Ellizabeth en 1907, Erik en 1910. La petite et toute blonde Elizabeth, appelée Lili, conquiert Theodore au premier regard devenant, sans qu’il s’en cache trop, sa préférée. Peut-être que le lecteur a une vague conscience de l’existence de Lee Miller et de ses œuvres, ou qu’il n’en a jamais entendu parler : cette bande dessinée constitue l’occasion d’en apprendre plus sur elle. De fait, l’autrice réalise une biographie chronologique, à l’exception de la scène d’introduction. Elle raconte les différentes phases de la vie de cette femme, en cinq chapitres : Enfance et adolescence d’Elizabeth Miller, Surréalisme, Nuage, Barbelés, Coupure. En fonction de sa familiarité avec ladite biographie, le lecteur peut parfois se retrouver décontenancé. Par exemple, le récit montre bien les rencontres entre Lee Miller et différents artistes de l’époque comme Man Ray (Emmanuel Radnitsky, 1890-1976) ou Pablo Picasso (1881-1973), sans pour autant la mettre en scène comme étant l’égérie du surréalisme. Pour autant, il retrouve bien sa carrière de modèle, puis son apprentissage de la photographie et ses fréquentations avec les surréalistes, son engagement comme photographe de guerre, et sa carrière d’autrice de recettes culinaires. La personnalité de la narration visuelle apparaît tout de suite : des traits encrés très fins et solides, un noir & blanc rehaussé de jaune, la plupart du temps en une seule nuance, parfois deux. Une approche réaliste avec un degré de simplification allant vers l’élégance, avec un sens très sûr de la gestion de densité d’information par case, soit un luxe de détails, ou une focalisation sur les personnages en train de parler, ou des effets de texture. L’autrice insère son personnage dans le contexte historique à la fois par les événements évoqués, à la fois par les dessins. D’une certaine manière, le lecteur peut interpréter les caractéristiques graphiques comme une touche féminine délicate et élégante ; d’un autre côté, cela n’obère en rien l’investissement de la dessinatrice dans les représentations. La séquence introductive montre des jeunes gens de la haute bourgeoisie, bien habillés à l’occasion d’un rendez-vous mondain. Le lecteur remarque de suite l’attention portée aux tenues vestimentaires que ce soit la coupe des costumes pour les messieurs, ou les différentes robes avec leurs accessoires pour ces dames, y compris les bibis et les colliers. La présentation de Theodore Miller s’effectue par un dessin le représentant assis sur une chaise : belle veste avec un motif jaune, une paire de bottines à bouton. La présentation de Florence Mac Donald se déroule en deux temps : d’abord en robe simple avec tablier (et un petit chapeau), puis en robe habillée avec un chapeau plus sophistiqué et plus décoratif. L’artiste fait preuve du même degré d’implication tout du long de l’ouvrage pour les tenues vestimentaires : les habits plus simples des enfants, les robes de soirée ou pour faire la fête, les manteaux, les accessoires divers et variés, les uniformes militaires, jusqu’à la robe noire et simple avec tablier dans laquelle Lee Miller reçoit le journaliste à Farley’s Farm, à Chiddingly, Muddles Green, dans la dernière période de sa vie. De la même manière, la reconstitution historique se trouve dans chaque lieu, chaque environnement. Les lampes avec leur abat-jour dans l’atelier de Neysa McMein, les meubles et les pots de fleurs chez les Miller, le modèle du landau, les différentes voitures, les évocations d’œuvres artistiques de l’époque (dont celles de Man Ray et de Picasso), l’appartement d’Adolf Hitler à Berlin, et bien d’autres encore. Progressivement, le lecteur prend conscience que la bédéiste utilise de nombreuses possibilités offertes par la bande dessinée : case avec bordure ou sans, éléments de décor devenant une ornementation pour les autres cases, cases en trapèze ou en losange pour accentuer un mouvement, cases de la hauteur ou de la largeur de la page, dessins en pleine page, cases en insert, carte de la région pour accompagner les voyages de la photographe, etc. Elle joue également avec les phylactères et la typographie : écriture blanche sur fond noir, titres en barbelés quand Miller accompagne l’armée libératrice vers l’Est, etc. Si dans un premier temps, les personnages peuvent apparaître un peu simplifiés, en particulier pour les traits de visage, le lecteur se rend vite compte que la direction d’acteurs et les expressions de visage relèvent d’adultes aux émotions complexes, certains silences ou certaines pauses fugaces attestant de l’impact d’une situation ou d’un constat. Le lecteur mesure mieux les choix de l’autrice lorsqu’un médecin indique que : Elizabeth Lee a contracté une méchante maladie vénérienne, et que malheureusement le traitement sera long, que les parents devront surtout essayer de lui faire surmonter le traumatisme psychologique. Les deux pages suivantes montrent que la fillette se sent sale en permanence, puis elle se montre insupportable dans les différents établissements scolaires où elle est inscrite. En allant chercher plus d’informations, il apparaît qu’il s’agit d’un viol perpétré sur la fillette alors qu’elle avait sept ans, une façon déconcertante de présenter un tel crime et ses conséquences dévastatrices. Pour autant, lorsque Lee Miller accompagne l’armée américaine à Torgau, puis Dachau, puis Berlin, toute l’horreur de la guerre impacte de plein fouet la jeune femme. Le lecteur en déduit que cette biographie est racontée avec le point de vue de Lee Miller, en fonction de ce qu’elle ressent et de ce qu’elle peut exprimer, sa façon de se représenter le monde à chaque moment de sa vie. Il constate alors que l’autrice montre l’impact des événements, des expériences, des découvertes, de la manière dont l’artiste le ressent. Au fur et à mesure, le lecteur découvre la vie de cette femme, ou plutôt ses vies, de modèle pour photographes, à photographe de mode elle-même, photoreporter de guerre, autrice de recettes. En fonction de ses centres d’intérêt, il aurait pu souhaiter que telle ou telle facette de sa vie soit plus développée, tout en ayant conscience que cette biographie regorge d’informations et de moments sortant de l’ordinaire, qu’elle est riche et dense. Réaliser une biographie constitue un exercice compliqué entre hagiographie et enfilade aride de faits avérés. Celle-ci combine les éléments factuels avec la vision que Lee Miller a pu en avoir au moment de leur survenance dans le contexte de sa vie, et dans celui historique. L’autrice se livre à une reconstitution extraordinaire de références et de détails pertinents et opportuns, en sachant montrer l’environnement correspondant. Le lecteur accompagne une jeune femme séduisante et libérée, menant sa vie comme elle l’entend, connectée au monde, réussissant aussi bien une carrière de modèle que de photoreporter de guerre (jusque dans la baignoire d’Hitler), tout en en faisant l’expérience de son point de vue, moments de plaisir comme traumatismes. Une réussite exemplaire.
Anamnèse
Un très bon one-shot. Les thèmes utilisés dans l'album sont du déjà vu, mais l'auteur les utilisent de manières intelligentes. Il faut dire que le récit est construit de manière originale. La réalité et la fiction sont mélangées, mais sans jamais perdre le lecteur qui comprends bien ce qui se passe. Je ne veux pas trop spoiler ce qui se passe dans le récit et tout ce que je peux dire c'est que c'est remplis d'émotions, le scénario est prenant même lorsque je devinais un peu ce qui se passait et le personnage principal est terriblement attachant. J'ai vraiment aimé le dessin que je trouve très dynamique et les couleurs sont belles. La mise en scène est surprenante et audacieuse. Je trouve que jusqu'à présent c'est une des meilleurs bds de 2024 que j'ai lu. Elle a réussi à toucher mon âme d'enfant.
Jean Doux et le Mystère de la Disquette Molle
Face à cette unanimité d'avis et même si j'avais détesté Georges Clooney du même auteur, il fallait que je tente l'aventure. Et de fait, voilà qui me réconcilie un peu avec Valette ! Mon plus gros point négatif est le dessin, dans lequel je n'ai pas réussi à me plonger. On arrive un peu à passer outre pour accrocher à un scénario bien plus réussi, mais je trouve qu'au vu du pastiche de film d'aventures que nous propose Valette, ça aurait eu du sens de préférer un style plus réaliste, plus typé aventure qu'humour. Mon autre point négatif est plus léger : l'humour est très inégal. Il est parfois très drôle mais descend régulièrement dans un pipi-caca qui n'a que peu d'intérêt. Cela dit, rien de rédhibitoire et il faut en venir aux points positifs. Malgré les blagues pipi-caca dispensables, l'humour m'a également fait rire pas mal de fois. Il faut dire que le scénario concocté par Valette est franchement réussi, il sait dérouler une vraie histoire avec des péripéties qui ont du sens (si j'ose dire !) dans le cadre du récit. Tout se déroule de manière assez cohérente après qu'on a accepté les codes de cet univers totalement absurde, et on se prend régulièrement au jeu. Le scénario se révèle donc plutôt bien ficelé et étrangement accrocheur, souvent rehaussé par un humour qui donne tout leur sel à des situations sans queue ni tête ! Bref, si ça ne figurera pas dans mes BD cultes principalement à cause d'un dessin que je n'aime pas, je reconnais que cet humour d'entreprise totalement absurde fait suffisamment mouche pour qu'on passe un bon moment. Pas sûr que ce soit au point de me faire relire un jour ce tome.
Majo No Michi
Quel vent de fraîcheur ! J'ai adoré Majo No Michi qui mêle à la fois : - de belles illustrations de Strasbourg et de l'Alsace - une histoire avec des personnages principaux féminins - un récit sur l'écologie, l'amitié, le vélo et le changement climatique - de la sorcellerie ! Les illustrations sont très réussies et obnubilée par les détails des vélos ou de la cathédrale jamais je n'ai pris le temps de regarder des oreilles (wtf). J'ai apprécié les visages expressifs, le détail des décors et les scènes de vitesse avec des lignes rapides. Concernant l'assistanat dont certain parle... Remettons le livre dans son contexte : les personnages sont jeunes et sortent d'école, elles ne sont pas encore pleinement dans la vie active. Le livre parle également de culpabilité de toucher des aides, de la volonté d'indépendance et de la nécessité de faire le bien autour de soit (écologie, société et du coup sorcellerie). Je conseille cette ouvrage à toutes les personnes qui considèrent que participer à la société, contribuer à ralentir le changement climatique et défendre l'envrionnement sont des notions importantes. De même concernant l'amitié. Ce livre est destiné à un public jeune optimiste et joyeux ! Ne l'offrez pas à votre oncle aigri ou à un étudiant en école de commerce qui souhaite travailler dans une banque ou un cabinet de conseil, ils risquent de passer à côté de la beauté des images et des messages. Hâte de lire la suite !
Jean Doux et le Mystère de la Disquette Molle
Je suis désolé de casser le consensus mais j'ai trop apprécié cette lecture pour me contenter d'un 4. Pourtant en découvrant cet improbable graphisme et l'épaisseur de la BD j'ai craint le pire. Que nenni, je suis immédiatement tombé sous le charme de cet humour absurde très présent dans le début du récit. Il faut dire que l'entrée en scène de Jean Doux ne manque pas d'originalité dans sa construction et son déroulé. Cette introduction permet à Valette de créer une ambiance de bureau 90's avec ses codes, son langage et sa technologie ( le minitel!) aux allures historico nostalgiques pleines de dérisions . C'est presque tout le temps très drôle avec un enchaînement de scènes qui donne une grande dynamique au récit. Ensuite Valette glisse doucement sur un polar industriel qui met au devant de la scène un outil reléguer dans un coin : le broyeur à papier. Au détour d'une petite anecdote signifiante, Valette rappelle que ce banal outil peut se montrer d'une importance vitale. Alors où veut nous conduire ce scénario loufoque mais si bien construit? Valette retombe sur ses pieds grâce à un final fantastique à la H.G Wells. Impossible d'en dire plus tellement le récit mérite la fraicheur de la découverte. Je veux mettre en exergue certaines trouvailles presque d'anthologie comme cette poursuite en chaises de bureau. Pour compléter l'ambiance, Valette pioche dans le vieux graphismes des premiers jeux vidéos aux personnages sans relief et à l'allure saccadée. Mais l'auteur transforme le vintage en moderne. Ses personnages deviennent réellement dynamiques et expressifs. Une excellente lecture qui exploite une idée originale avec beaucoup d'humour et de créativité.
La Machine à détruire - Pourquoi il faut en finir avec la finance
Voilà un travail que j’ai trouvé excellent sur le fond et sur la forme. Certes, c’est parfois un peu ardu, c’est très dense et il faut s’enfiler un certain nombre de termes techniques, de connaissances économiques et d’organisation des marchés financiers et bancaires. Mais la narration est très fluide et claire. C’est d’abord dû au dessin de Jérémy Van Houtte, qui aère la démonstration tout en la rendant agréable et lire. C’est aussi dû bien sûr au très gros travail en amont (c’est du blindé en matière de connaissances exposées, et l’imposante bibliographie de fin de volume confirme ce travail préparatoire, et surtout confirme que les auteurs souhaitent que leurs lecteurs aillent plus loin). Les rouages du système financier libéral – et plus largement du capitalisme financier actuel – sont bien mis en avant, avec les mécanismes qui font transiter l’argent – y compris public – jusqu’au actionnaires, dans un « ruissellement » inversé, mais aussi bien plus réel que celui annoncé par nos dirigeants depuis des décennies. C’est à la fois limpide et écœurant. Mais on ne se contente pas de constater, puisque les dernières pages énumèrent un certain nombre de pistes pour remédier à ce creusement des inégalités au profit d’une minorité (qui plus est responsable d’autres maux, comme la pollution, le réchauffement climatique et quelques conflits). Avec une présentation intéressante de la convergence des luttes. L’action des lobbies, des institutions européennes, le fonctionnement des banques, l’hypocrisie des « décideurs » (voir « mon ennemi c’est la finance » de Hollande !), tout ceci n’est certes pas réjouissant. Et les auteurs montrent bien comment toutes les luttes tendant à remettre en cause cet ordre établi par et pour un petit nombre sont dénigrées dans les médias, et sévèrement réprimées (voir les dernières années en France, avec les Gilets jaunes en particulier). Mais il se dégage à la fin un sentiment qu’il est possible de faire changer la donne. Une lecture exigeante, mais instructive, jamais rébarbative ni sentencieuse, avec un ton léger. Bref, un documentaire à lire, pour nourrir réflexion, et éventuellement action.