Les derniers avis (38 avis)

Couverture de la série Les Nuits de Saturne
Les Nuits de Saturne

J'ai dévoré avec avidité cette adaptation d'un roman noir de Marcus Malte. Je ne connais pas l'œuvre d'origine mais Gomont lui fait honneur de brillante façon. J'ai été happé dès les premières planches par cette ambiance glauque que le graphisme de l'auteur retranscrit à merveille. Il y a beaucoup d'inventivité dans la poursuite de ces deux récits en parallèle des couples Clovis/ Nathalie et Clovis/Cesaria. Les sauts temporels soulignés par une très légère différence de couleurs sont introduits de manière si ingénieuse que la fluidité du récit reste parfaite. Gomont s'arrange à créer un équilibre qui fait monter l'intensité dramatique de façon similaire dans chacune des deux histoires. J'ai donc autant été passionné par l'histoire Brigade Rouge que par le road trip avec Césaria. Si Clovis est un personnage classique et attachant même dans ses actions troubles, j'ai beaucoup aimé l'opposition des personnages Nathalie/Césaria. Ces deux personnages s'inscrivent parfaitement dans les époques décrites, les années de plomb puis les années SIDA. Au milieu de ces ambiances mortifères il y a ces deux histoires d'amours improbables et inabouties car secondaires pour un Clovis aveugle. Le graphisme de Gomont est entièrement synchrone avec l'esprit du roman. Les expressions sont très bien travaillées avec un Clovis taiseux, une Nathalie fofolle et une Césaria profonde. Le final m'a bouleversé pour conclure une lecture qui m'a séduit de bout en bout. Un top pour ce genre.

12/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Simone
Simone

C'est vraiment un super livre !! Je le conseille vraiment aux gens intéressés par la Guerre mondiale. C'est le seul livre que j'ai lu avec Irena qui m'a vraiment fait prendre conscience de ce qu'ont subi les gens pendant la guerre, à quel point ils souffraient, à quel point c'était grave. Je le déconseille au moins de 12ans car c'est violent et très triste, mais ça reste incroyable !

11/04/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Rébétissa (L'Antidote)
Rébétissa (L'Antidote)

Je peux arrêter de lire des BD jusqu’à ma mort après cette plongée dans les bas-fonds du Pirée en compagnie de ces attachants Rébètes. David Prudhomme, en sortant une suite (et fin ?) à Rébétiko (je n’osais même pas en rêver), vient en effet d’accomplir un petit exploit : faire mieux que Rébétiko ! Que dire ? Par où commencer ? Rébétissa (l’antidote) m’a procuré un tel bonheur et a généré en moi des émotions si vigoureuses que je ne me sens pas du tout à la hauteur pour rédiger une critique. Peut-être par-là : j’étais l’un des musiciens, et tous à la fois. J’étais même les chanteuses, Béba ou Marika. J’ai ressenti leur colère, leur force intérieure inébranlable face à l’inéluctable. J’étais de leur combat et de toutes leurs petites combines. J’ai fumé le narguilé avec eux, j’ai voulu me battre, défendre moi aussi le café de Katina. J’ai voulu fuir, tout quitter. Et j’ai chialé comme un gosse dans les dernières pages. L’essentiel passe par le dessin dément de David Prudhomme. Dans cette version en noir et blanc, bien meilleure selon moi que la version colorisée (qui est elle-même moins réussie que pour Rébétiko, voire carrément ratée), le lecteur en prend plein les mirettes. L'écrin est magnifique. Les fonds couleur crème font ressortir le trait. C'est magnifique. Prudhomme fait preuve d’une maitrise totale des jeux d’ombre et de lumière. Le dessin s’anime, on entend penser tout haut les personnages, on voit leurs idées flotter dans l’air et se mêler à la petite fumée du haschich. A la faveur d’un regard, l’émotion éclabousse la page. Tous dansent, chantent, fument, tentent de faire bonne figure face à l’adversité, et dignes. Oui, j’insiste : on peut même les entendre penser ! Qu’est-ce qu’ils sont beaux ces personnages ! Perso, j’adore le fanfaronnant Stavros ou l’espiègle Batis, mais tous sans exception sont attachants jusque dans leurs travers. Et même les nouveaux que l’on découvre sont extrêmement soignés, à l'image de la savoureuse Katina. Le scénario prend ici un relief qui en comparaison semble à peine esquissé dans Rébétiko. Dans ce volume, la situation devient réellement tragique car l’étau de la dictature se resserre. Les personnages sont amenés à faire des choix qui les engagent totalement tant ils se retrouvent acculés, et face à la répression, toutes et tous restent dignes jusqu'au bout. On ne pouvait rêver plus beau chant du cygne. Les dialogues ne gâchent rien, même si par-ci par-là, le lecteur pointilleux pourra relever quelques futilités qui auraient pu ne pas exister pour laisser d’avantage de place au dessin. Mais franchement, vue la qualité exceptionnelle de l’ensemble, on oublie… Rébétissa s’inscrit dans la grande lignée des tragédies grecques. Mais au-delà de toutes ces considérations, ce récit saisit quelque chose du monde d’aujourd’hui. J’aimerais ne pas trop en dire afin de laisser le plaisir de la découverte, mais oui, nous sommes, Nous, collectivement, les Rébètes. Pour reprendre les paroles de l'un d'entre eux, "nous avons le malheur de n'être que ce que nous sommes, dans un monde qui ne veut plus de ce que nous sommes". J'avoue que ce sentiment de décalage s'accorde en tous points avec mon propre ressenti. A moins que ce ne soit Prudhomme lui-même qui nous exhorte à le devenir ? Fin d’un monde, fin d’une culture, mise en place d’une dictature… Mais c’est véritablement la toute fin qui saute à la gueule. Il y a dans cette dernière scène une métaphore subtile, à la fois touchante, mélancolique et effrayante... Juste pour dire comment j'ai transposé tellement le tableau est vivant... Voilà dit dans un désordre abominable tout le bien que je pense de cette BD. Bien entendu, mes centres d’intérêt personnels y sont pour quelque chose. Ma passion pour la musique, et en particulier le Blues et le personnage d’Alan Lomax (qu’on retrouve d’ailleurs un peu sous les traits du personnage de Péristéris) n’a fait que décupler mon affection pour cette histoire. Mais y a pas à tortiller : Rébétissa (l’antidote) est l’œuvre d’un grand !

11/04/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Toxique
Toxique

Matthias Bourdelier, ancien libraire, est aussi un ancien élève du Cesan, établissement spécialisé dans la BD. Son premier album connu est ce recueil de saynètes où il propose de vivre différentes relations toxiques. le plus souvent il s'agit de conversations entre amis ou amants sur une terrasse, au cours d'une soirée, sur l'oreiller. Les dialogues sont assez fins, même si pas toujours crédibles, mais on est bien sûr dans le registre de la caricature, avec de l'exagération et du raccourci pour appuyer les effets. Et cela fait mouche la plupart du temps, on voit bien les red flags apparaître au fil des conversations, les silences coupables, les situations d'emprise, le côté passif-agressif de certain(e)s. Les situations sont assez diversifiées pour qu'on ait un éventail assez large. Graphiquement et en termes de mise en scène il y a une parenté avec ce que fait Fabcaro dans ses BD absurdes, un style relativement réaliste avec des poses répétées tout le long du sketch, (mais avec des variations (un bras qui se lève, par exemple). Ce qui permet de se concentrer sur l'essentiel, les dialogues. Seul petit regret, que les relations toxiques au boulot soient finalement peu ou pas traitées.

11/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Idéal
Idéal

Ideal se découvre comme un OVNI dans les parutions. ce long récit nous parle du temps, de la vie, de l'amour, des regrets, de l'art, de l’intelligible, de la robotisation, de l'intelligence artificielle, de la morale, des cycles de l'histoire, du sens, de l'absolu, le la faiblesse, de tradition, de l'humain. De tout cela et bien plus, dans un style graphique épuré qui nous rappelle les estampes japonaises. Comme pour donner un support clair et limpide à une pensée complexe et profonde. En fait cet album est un écrin pour laisser vagabonder sa pensée tout comme le jardin Japonais est une ode à la méditation de la pensée Zen. En guise d'introduction, une séquence éblouissante de plus de 30 planches muettes nous permet de découvrir les trois protagonistes principaux. Tout est déjà là, derrière la simplicité d'un trait simplifié à l’extrême se cachent déjà des drames intérieurs bouleversants. Ces personnages vont ensuite se mettre à parler, à échanger et l'on découvrira d'autres individus pour former une étrange société. Arrivent alors les sujets de robotisation humanoïde et d'intelligence artificielle et là encore point de repos, le propos est clair, froid mais implacable. Sa simplicité déconcertante vient contraster avec les pulsions, peurs et fantômes conscients ou non des humains. A ce sujet, la scène du chat et de l'oiseau pourrait à elle seule faire l'objet de mémoires tant cela me semble beaucoup moins anodin qu'il n'y parait. Outre que nous n'avions pas vraiment vu venir la chose tant ces éléments semblent former un contexte pour montrer des éléments des personnages jusque là, j'y vois une réflexion sur la fin de vie assez terrible. Chacun se fera libre interprète mais l'oiseau n'est il pas plus heureux dans ce final que dans sa position de prison, et n'est-ce pas justement cela que l'IA a perçu, le don de soi ? Encore une fois subtil, sans jugement et sans morale, c'est lourd, c'est dur, c'est magnifique. Le dessin fait une synthèse entre les estampes japonaises et le douanier Rousseau. Cet art naïf nous propose un écrin vers les profondeurs complexes de nos douleurs, questionnements, névroses et incertitudes rendant l'exploration supportable. Car comment ne pas voir un triptyque de miroir en relation au temps perdu ? Il y a ce temps passé lourd de combats internes qui bloque l'action et aboutit à une lâcheté dans le présent, il y a ce passé glorieux, plus atteignable mais qui refuse d'abdiquer et rend l'action manipulatrice, violente, insupportable. Il y a ce lourd passé, qui hante encore le présent mais dans lequel le parti pris est de continuer de vivre. " Mais la vie continue" dira Knut Hamsun dans son triptyque nordique, Ici nous sommes au Japon mais l'humain a les mêmes doutes et faiblesses. Cette œuvre vous retourne et ne peut vous laisser indifférent, elle fait partie de ces récits auxquels vous repensez des semaines, des mois, des années encore après. Elle vous questionnera sur vos propres incertitudes, le tout dans une absence de jugement qui fait du bien. A aucun moment les actes ne semblent forcés, le scénario ficelé et les propos indigestes. Mais la faiblesse est qu'elle n'est pas accessible et ne plaira pas à tous, combien verront même que ce n'est pas une BD muette comme ou pourrait le croire dans les premières planches. Il faut se laisser imprégner, prendre le temps de contempler et seulement ensuite on y trouvera la profondeur que les planches ne laissent pas apparaitre de prime abord. La narration est ici magnifiée par des cadrages et une scénographie montrant une maitrise incroyable de l'art séquentiel. Juxtaposition de cases à priori non liées, (équivalent du zeugma littéraire), succession de prises de vues sous différents angles, le tout est taillé comme un bon film avec une simplification extrême pour contraster avec la complexité des humeurs. Magistral ! Et puis que dire, enfin une production qui ne vous dit pas ce qu'il est bon de penser quand on est un bon citoyen, ici pas de déconstruction, de leçon de morale ou de "y'a qu'à, faut qu'on", l'humain est là entier dans ses paradoxes et ses jours laids, dans sa faiblesse et sa beauté : on prend et on ne laisse pas, rien que pour celà j'aurai presque mis . Oui c'est lent, c'est plein de drames intérieurs, il n'y a pas de super héros, il n'y a pas de message lourd qui vous disent qu'il faut penser ainsi, même les politiques dans leur bassesse ne sont pas présentés comme des abrutis ! J'aime, j'adore, Merci pour ce moment atemporel

09/04/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Gloutons & Dragons
Gloutons & Dragons

Je n'avais pas envie de lire cette série parce que je ne suis pas du tout intéressé par tout ces mangas qui parlent de gastronomie, même si celui-ci se passe dans un univers de fantasy. Et puis j'ai lu sur internet d'excellentes critiques sur la série et j'ai fini par la lire. Au début j'étais à moitié convaincu, les personnages sont attachants et le dessin est bon, mais le mixe entre la fantasy et la gastronomie me semblait un peu bizarre et les passages où on explique les bienfaits d'une alimentation saine ou comment préparer un bon repas sont un peu ennuyeux. Puis au fil des tomes, le scénario devient plus complexe, et à mesure que l'on a des informations sur cet univers et sur la vie passée des personnages je me suis rendu compte que l'autrice maitrisait bien son scénario. Elle a créé un monde plutôt original dans ce donjon même si elle utilise les éléments récurrents de ce genre (des elfes, des nains, des filles-chattes...). Il y a beaucoup de surprises dans ce récit qui passé les premiers tomes est très prenant et au final le mélange univers de fantasy de type RPG et la gastronomie fait plein de sens et est bien exploité dans les derniers tomes. Contrairement à pleins d'autres séries de manga qui me lassent après quelques tomes, cette série s'améliore au fil des tomes. Une des meilleures séries de fantasy japonaise que je connaisse !

08/04/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série De pierre et d'os
De pierre et d'os

Dans ces lieux coupés du monde, un univers à part fait de glace, de neige et de roc, il est impossible de préciser une date... sans doute quelque part au 19e siècle. Il fait nuit, toute la famille dort sous l'abri de leur grand igloo quand Uqsuralik se lève et sort pour constater qu'elle a ses premières règles. Au même moment, la mer se déchaine et brise la banquise, séparant la jeune femme de sa famille qui part à la dérive sur la glace. Son père a tout juste le temps de lui lancer une peau d'ours et un harpon qui malheureusement se brise à l'impact. Uqsuralik n'a plus que cela et la compagnie d'un petit groupe des chiens de traineau de sa famille pour survivre dans l'hiver qui est encore loin de se terminer. C'est le début d'un périple pour la survie puis pour son existence elle-même de cette femme inuite que l'on va suivre sur les nombreuses années durant lesquelles elle nous fera découvrir la rudesse du quotidien dans le grand Nord, face aux éléments, face aux hommes et au destin. Et à travers elle, nous découvrirons la culture Inuite, en particulier ses mythes shamaniques qui font partie intégrante de leur façon d'agir et de penser, en accord avec la Nature et les esprits. De pierre et d'os est l'adaptation d'un roman de Bérengère Cournut, autrice dont les multiples oeuvres se focalisent souvent sur les peuples rares du monde, et leur rapport à la nature et à la spiritualité. Bien documentée, elle fait revivre de l'intérieur la culture et les traditions inuites, et nous entraine dans le conte d'une vie entière, faite de danger et d'épreuves, mais aussi de soulagements, de bonheur, d'amour, et d'un fort rapport au shamanisme et aux esprits. Jean-Paul Krassinsky met le récit en image dans un style à l'aquarelle empreint de beauté, de réalisme et d'onirisme. Le format presque carré de l'album permet des planches qui sortent des sentiers battus, emplies d'ambiance, de décors de glace, de neige et de nuit, mais aussi de réconfort et de la chaleur des abris humains. Sa manière semi-réaliste de dessiner les humains apporte une touche de légèreté qui contrebalance l'austérité du récit et rend plus amène et fluide la lecture, l'éloignant d'un documentaire aride. Il y a une vraie intensité dans ces planches. C'est une plongée dépaysante dans un univers visuel qui rend parfaitement hommage à la beauté cruelle de l'Arctique et au monde Inuit et à sa culture. L'album est long, son contenu souvent cruel et malheureux, mais c'est aussi le récit d'une vie, de la vie en général, avec d'innombrables moments de beauté, de bonheur simple malgré la tourmente, de force et d'émotion. Le personnage d'Uqsuralik est particulièrement judicieux car c'est à la fois une femme faible face aux éléments et à la volonté des hommes mauvais, mais aussi une personne intelligente, bonne chasseuse grâce à l'enseignement de son père, très consciente du monde qui l'entoure et de ses légendes, et compensant ses faiblesses par de la méfiance, de la méthode et beaucoup de courage et de volonté. On s'attache à elle et à travers elle à son peuple et à son monde, avec l'envie qu'elle trouve enfin le bonheur, pour elle et la famille qu'elle se construit. J'ai été proprement transporté par ce récit, intense et beau, exotique et instructif. C'est le récit d'un parcours humain, avec des émotions fortes et qui ont su me toucher, voire me mettre la larme à l'œil, larme de bonheur comme d'amertume. Et d'ailleurs, j'aurais presque préféré que le récit s'arrête avec son épilogue car cette fin là était à mes yeux bien plus émouvante que les quelques pages d'épilogue qui la suivent. C'est ma BD de l'année 2025 jusqu'à présent !

07/04/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Variations d'Orsay
Les Variations d'Orsay

Personne ne peut survivre aux tableaux. Eux, sont éternels. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, focalisée sur le musée d’Orsay. Son édition originale date de 2016. Il a été réalisé par Manuele Fior, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il compte soixante-quatre pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de quatre pages recensant les onze principales œuvres mises en scène dans l’ouvrage : le Métropolitain (1901) par Hector Guimard, Banquette de fumoir (1897) par Guimard, La gare Saint-Lazare (1877) par Claude Monet, la gare d’Orsay (construite entre 1901 et 1925), La charmeuse de serpents (1907) par Henri Rousseau, Repasseuses (entre 1884 et 1886) par Edgar Degas, Sémiramis construisant Babylone (1861) par Degas, Portrait de l’artiste au Christ jaune (1890-91) par Paul Gauguin, Romains de la décadence (1847) par Thomas Couture, La Source (1856) par Jean Auguste Dominique Ingres, Une moderne Olympia (1873-74) par Paul Cézanne. En 1900, Gisèle sort en courant de la station de métro appelée Le Début, avec son habillage de Hector Guimard, en appelant son amie Odile. Elle pénètre dans la gare d’Orsay, en continuant à se demander où son trouve son amie. Enfin elle la repère : Odile et Gisèle tombent dans les bras l’une de l’autre, la première souhaitant un bon anniversaire à la seconde. Cette dernière fait le constat qu’il aura fallu attendre l’exposition universelle de 1900 pour faire quitter sa campagne à la première. Elles sortent, prêtes à visiter Paris, tout en estimant que la gare qu’elles quittent est la plus belle de France. Au temps présent, les visiteurs déambulent dans le musée d’Orsay, écoutant leur audioguide. L’un évoque l’architecte italienne Gae Aulenti qui a été désigné en 1980 pour transformer le musée. Un autre présente Rousseau, peintre autodidacte et naïf qui n’a que très peu voyagé. Le commentaire continue : La plupart de ses jungles ont été réalisées au muséum national d’histoire naturelle et dans la grande serre du jardin des Plantes. Pourtant, dans cette Charmeuse de serpents, tout est nouveau. Le sujet d’abord. Une Ève noire, dans éden inquiétant… La gardienne assise à côté du tableau interpelle le visiteur, en lui rappelant de ne pas se tenir trop près du tableau. Elle explique qu’il s’agit d’une œuvre très fragile. Devant la grimace du visiteur, elle ajoute que ce n’est pas elle qui fait les règles. Il s’en va agacé. La gardienne lit la notice : Une asymétrie novatrice figée dans un étrange silence, La charmeuse de serpents annonce les rêves surréalistes à venir. En son for intérieur, elle se dit que ce tableau est trop moche, qu’on dirait la peinture d’un gamin de quatre ans. Elle ferme les yeux, et dans son esprit, une cigogne s’envole au-dessus d’une large étendue d’eau calme. Après avoir volé à l’horizontal, elle s’élève dans les airs. Assise sur un fauteuil devant le lac paisible, une femme noire se parle à elle-même. Elle est la gardienne de ce musée. Et elle connaît ce lieu depuis longtemps. Les œuvres, les coulisses, les passages interdits au public. Les codes de sécurité. Surtout, elle connait les artistes. Ils l’aiment tous. Ils sont tous à ses pieds. Henri. Claude. Auguste. Paul. Edmond. Edgar. Voici une bande dessinée estampillée Musée d’Orsay, publiée par Futuropolis, dans le cadre d’un partenariat avec cet établissement qui comprend également L'Art d'en bas au musée d'Orsay: La fantastique collection Hippolyte de L'Apnée (2016) de Plonk & Replonk, Les Disparues d'Orsay (2017) de Stéphane Levallois, Moderne Olympia (2020) de Catherine Meurisse. L’horizon d’attente du lecteur comprend donc une déclaration d’amour à ce musée. L’auteur tient cette promesse. Il cite et incorpore les œuvres citées ci-dessus. Il met en scène des artistes, essentiellement du courant impressionniste : Edgar Degas (1834-1917), Auguste Renoir (1841-1919), Camille Pissarro (1830-1903), Berthe Morisot (1841-1895), Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867). Il met également en scène Paul Valéry (1871-1945). Il montre quelques aspects du bâtiment du musée, évoquant sa fonction de gare, et le représentant dans sa fonction de musée. Lors d’une séquence de quatre pages, le lecteur accompagne un personnage qui descend à la chaufferie, située dans le sous-sol, puis dans les réserves qui contiennent de nombreux dessins. Les images appartiennent à un registre descriptif et réaliste, avec un degré significatif de simplification, la mise en couleurs venant donner de la consistance aux éléments représentés. En découvrant le début, le lecteur n’est pas trop sûr du mode d’hommage dans lequel l’auteur va se situer. Indéniablement, le bédéiste connaît le musée et il affiche une préférence pour certaines œuvres. En particulier pendant plusieurs pages, son personnage central est Edgar Degas (1834-1917). La narration visuelle se révèle être assez sophistiquée, s’adaptant à la nature de chaque scène, capable de restituer l’apparence de personnages connus, de tableaux de maître et de l’architecture du musée. En fonction de sa familiarité avec eux, le lecteur peut apprécier la ressemblance d’artistes tels que Degas, Ingres, ou encore Pissarro, Renoir et Berthe Morisot, dans dessins dépourvus de trais de contour, évoquant une technique ressemblant à du crayon gras. En fonction du moment et de leurs occupations, le dessinateur peut se focaliser sur le visage des personnages en plan poitrine ou en gros plan s’ils sont en train de discuter assis ou attablés, ou bien en train de vaquer à leurs occupations. Le lecteur apprécie leur expressivité et leur naturel, sans exagération de leurs expressions. Il se rend compte que l’air de rien l’artiste sait capturer des moments fugaces ou faire ressortir un geste particulier : un homme avec l’audioguide à l’oreille, la légère lassitude de la gardienne toujours confrontée aux mêmes comportements et effectuant les mêmes rappels, un personnage jouant du pipeau, un homme paressant au lit, une jeune femme morte dans son lit après une intoxication avec un mélange d’opium et de térébenthine, le regard condescendant d’un bourgeois raillant le manque de talent d’un artiste impressionniste, un vif direct du droit, un homme mordant une femme à la cheville, Gauguin montrant ses plaies aux pieds, ou encore une jeune femme allongée vêtue uniquement de bas serrant une panthère noire contre elle, etc. Dans un premier temps, il est possible que le lecteur ne discerne pas le fil directeur du récit. D’une séquence à l’autre, l’auteur passe des visiteurs du musée au temps présent, au tableau de la Charmeuse de serpents, au personnage central de ce tableau qui soliloque au profit du lecteur, à Degas rendant visite à Ingres, au tableau Sémiramis construisant Babylone, à la femme de ménage d’Ingres qui lui présente sa fille qui va servir de modèle à La Source, à une discussion dans un café entre Degas, Renoir, Pissarro et Morisot, puis au premier salon des Impressionnistes, pour déambuler ensuite dans les sous-sols du musée. Le lecteur détecte deux personnages principaux : Edgar Degas et la Charmeuse de serpents. Il constate que l’auteur accorde une importance primordiale aux Impressionnistes, avec une poignée de cases s’inspirant de leurs toiles : par exemple Impression, soleil levant, (1872) de Claude Monet (1840-1926), ou encore le portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes (1872) d’Édouard Manet. Il consacre une séquence également à la Première exposition des peintres impressionnistes (1874), avec une bagarre entre des visiteurs et des artistes. Il revient sur l’appellation même de ce mouvement : Impressionnistes pour les dénigrer, Indépendants pour Degas, Intransigeants pour les autres peintres. Il rappelle les propos insultants proférés à l’encontre de leurs œuvres par les visiteurs, ainsi que l’hétérogénéité des différentes toiles produites sous cette appellation, montrant aussi la sculpture La petite danseuse de 14 ans, de Degas. L’autre personnage principal surprend : il s’agit de la Charmeuse de serpents, du tableau du même nom du douanier Rousseau (Henri Rousseau, 1844-1910), représentant majeur de l’art naïf. Celle-ci annonce être la gardienne du musée. Elle assure la transition en indiquant qu’il est temps pour Edgar (Degas) de se lever. Elle revient à plusieurs reprises dans le récit. Tout d’abord pour des considérations sur la postérité de ces tableaux, contrastant avec le caractère mortel des artistes : Ces pauvres embobinés, célébrés, ridiculisés, ou bien ignorés de leur vivant, à présent empaillés dans les salles, ils sont devenus une attraction mondiale. Plus loin, elle se promène dans les sous-sols du musée pour mettre en évidence la fragilité des œuvres (obligation de la régulation de la température avec une variation inférieure à trois degrés), en la rapprochant aux souffrances physiques endurées par les artistes. Enfin, elle évoque la fin des maîtres et de l’art, des œuvres, des expositions et des salons, la fin des catalogues, des souvenirs et des audioguides. Elle établit que personne ne peut survivre aux tableaux, et que, eux, sont éternels. Insupportable n’est-ce pas ? Visuellement, un visiteur contemple un tableau de Degas : Sémiramis construisant Babylone, induisant un parallèle entre cette œuvre et la construction du musée d’Orsay, ainsi que sa fonction. Chanter les louanges d’un musée et mettre en scène l’importance que ce lieu et les œuvres qu’il abrite ont pu avoir sur sa propre vocation artistique et sa propre pratique : Manuele Fior se prête au jeu, avec une vraie personnalité. Ces images rendent hommage aux œuvres et à l’ambiance du musée, avec sensibilité, sur la base de choix clairs, les Impressionnistes et le Douanier Rousseau. La narration semble papillonner d’une scène à une autre, agréables pouvant sembler arbitraires dans un premier temps. Progressivement il apparaît que l’ouvrage est construit pour développer deux thèmes : l’impressionnisme, et la pérennité des œuvres d’art. Enchanteur et troublant.

05/04/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Versatile
Versatile

C'est la première BD des sœurs Chauvin, Hosanna au scénario et Clotilde au dessin et à la couleur. Le résultat est très bon. Hosanna a transporté la cour de Versailles dans le royaume imaginaire de Versatile, et celui-ci porte très bien son nom. Un royaume qui a une particularité, on peut gravir les échelons sociales suivant les actions réalisées (ou non réalisées), des piastres (la monnaie royale) tombent alors automatiquement dans une bourse et on peut voir où l'on se situe grâce à une sorte de montre à gousset (voir la deuxième image de la galerie), l'aiguille pointe sur la position sociale du moment. Une aiguille qui peut tout aussi bien grimper, que descendre. On va suivre le parcours de Célimène, elle est née chiffonnière et veut devenir reine. Pour monter les échelons, il n'y a pas 36 façons de le faire, soit on travaille dur et on est méritant, soit on écrase la concurrence et tous les coups sont permis. Célimène va choisir la deuxième option, et ce choix aurait dû me la rendre antipathique, car évidemment elle sera garce, mais elle a aussi un côté désespérée qui m'a touché. Un personnage complexe qui sera amené, le long de son ascension sociale, à côtoyer son contraire, Dorval. Un duo que tout oppose, deux visions différentes de la vie et de l'amour. Un rythme soutenu, des personnages fouillés, l'esprit XVIIIe siècle est bien rendu et le récit tient en haleine. La morale sera-t-elle sauve ? Je vous laisse le découvrir, mais vous aurez un peu votre mot à dire. Le dessin de Clotilde est racé, il me plaît beaucoup, je lui trouve un charme fou et une texture singulière qui dégage de l'émotion. Les couleurs sont superbes. J'en redemande. Un duo d'autrices que je vais suivre. Coup de cœur.

03/04/2025 (modifier)
Par Mélusine
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Mélusine
Mélusine

Mélusine est un tout nouveau univers pour les jeunes comme les grands. Ce n'est pas trop une série, mais plutôt des gags qui se suivent. Mélusine est une femme forte, intelligente et débrouillarde, ce qui montre un regard nouveau sur les sorcières. Je trouve cela amusant, les illustrateurs ont mis du temps et de l'amour pour les dessins. Excellent.

03/04/2025 (modifier)