On essaie tous de faire de notre mieux. C’est le plus important, non ?
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son format est à l’italienne, avec des dimensions de demi-format d’une bande dessinée franco-belge traditionnelle. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par J.C. Deveney pour le scénario, et par Tommy Redolfi pour les dessins et les couleurs. Il comprend trois-cent-dix pages de bande dessinée.
Elijah et Leblond, deux amis adolescents skaters, se tiennent sur un pont au-dessus d’une autoroute de deux fois quatre voies, regardant les véhicules passer en contrebas. Le premier raconte à son pote que quand il était petit, son père l’emmenait ici pour regarder les bagnoles, c’était leur sortie du samedi… Enfin jusqu’à ce qu’il se barre. Cela fait réfléchir Leblond qui pensait que son beau-père était pénible. Elijah continue : c’est clair qu’il rouillait sévère, regarder filer des voitures pendant une heure, y avait plus excitant. Il pense que son père ne faisait pas ça parce qu’il pensait déjà à se tailler, même sans ça il les aurait quittés. En vrai, il pense que son père espérait qu’il se passe un truc. Un accident, un crash, quelque chose qui changerait de l’ordinaire. En plus, il suffit de pas grand-chose pour que ça arrive ! Un caillou, un bout de métal… N’importe quoi qui tombe du pont. On imagine : le pare-brise qui explose, la bagnole qui vrille et qui va en fracasser d’autres ! Le pur feu d’artifice ! En même temps un accident, ça dure jamais. Ils continuent à discuter, se disant que le vrai frisson serait de traverser avec leur planche. Leblond finit sa bouteille, la jette par-dessus le grillage, et ils partent sur leur planche. Dans l’espace, un météore poursuit sa trajectoire, dans le vide.
Hollie, aide-soignante, attend le bus dans le froid et la neige. Elle voit arriver un homme fort et de grande stature. Il s’assoit à côté d’elle dans l’abribus, en laissant une place vide entre eux. Floyd prend la parole : il s’excuse, car il ne la reconnaît pas, c’est parce qu’il a des blancs des fois. Il continue : il croise des gens, il discute et puis, pffuiit, ça s’en va. Elle le rassure : ils ne se sont jamais croisés. Il reprend la parole : Gary dit que ce n’est pas la peine qu’il raconte tout ça à tout le monde. Mais Floyd trouve que c’est mieux de dire ce qui est vrai. Elle acquiesce, surtout qu’il n’y a pas de honte à avoir, les blancs, c’est des choses qui arrivent. Il se présente et donne son nom, elle donne le sien. Il lui demande si c’est la première fois qu’elle attend le 34 de 05h46. Elle indique que oui, d’habitude elle prend sa voiture, mais elle est tombée en panne hier. Floyd se lève et dit qu’il aime bien quand la neige tombe, parce on ne sait pas si c’est elle qui descend ou si c’est soi qui monte. Hollie se souvient de son fils Elijah enfant faisant une boule de neige. Le bus arrive, la radio diffuse une chanson de Rufus Wainwright, Going to a town. Cette même chanson est diffusée par le poste dans la chambre de Casey, une jeune femme. Elle se lève et appelle son chien Chuck. Elle sort sous la neige et continue de l’appeler. Elle découvre quatre chiens sauvages qui se mettent à aboyer contre elle. Elle rentre se mettre à l’abri.
Un titre déconcertant : il annonce des météores, et en effet dans les pages huit à dix, le lecteur peut avoir un premier aperçu de l’approche d’un météore dont il ne fait nul doute qu’il fonce sur la Terre. Dans le même temps, le titre évoque des individus qui ne font que passer, et cela ne semble pas s’appliquer au météore, mais à des êtres humains, peut-être ceux qui passent par la ville. Cette dernière n’est jamais nommée, et le lecteur en vient à supposer qu’il s’agit d’une ville de faible importance en nombre d’habitants. Elle compte toutefois un magasin de meubles à monter soi-même dénommé Aeki, enseigne que le lecteur identifie facilement en lisant ce nom de droite à gauche. Il commence par faire connaissance avec les deux skaters… qui ne sont pas nommés. Il faudra attendre la page cinquante pour les revoir avec deux autres potes, et commencer à relever un nom, mais pas tous. Ils zonent avec deux adolescentes. Bref, le lecteur finit par identifier Dawn (brune à lunettes), Elijah (afro-américain), Leblond (fumeur) et Jess (jeune fille pas compliquée). Mollie et Floyd se présentent l’un à l’autre, avec un physique plus facilement mémorisable. De la même manière, il faut un peu de temps pour mettre un nom sur le visage de l’employée d’Aeki : Casey. Encore plus de pages avant de croiser le prénom de son collègue revêche : Sammy. Charlie est appelée par son nom dès sa première apparition. À contrario, le lecteur voit Floyd parler de Gary, bien avant qu’il ne fasse son apparition, et c’est le seul personnage à être doté d’un nom de famille, Hansom. Quelques seconds rôles peu nombreux dont le couple formé par Linda et Don (professeur), sans oublier la jeune manager chez Aeki.
Le lecteur se retrouve un peu déconcerté par cette absence de nom de famille, car les dessins peuvent parfois lui sembler sommaires, laissant planer un doute sur l’identité de tel ou tel personnage à deux ou trois reprises. En outre, les dialogues s’avèrent brefs et concis, sans aucune bulle de pensée, ou cartouche de texte avec une voix intérieure. La couverture peut donner une impression d’image dense en informations visuelles, et complexe en composition, en particulier dans l’usage des couleurs. Il en va de même avec la première planche. La perception du lecteur se modifie un peu par la suite, devenant sensible à une approche plus épurée, dans les formes, dans le choix des détails signifiants. Les dessins ne donnent pas l’impression d’être plus simples, ou simplistes, plutôt plus focalisés sur un point d’attention central. Tout se joue dans les impressions du lecteur. L’impression d’un récit taiseux : l’ouvrage compte quatre-vingt-dix pages silencieuses, dépourvues de tout mot, une forme de minimalisme, et en même temps une confiance dans le fait que les images se suffisent à elles-mêmes pour raconter. Une dizaine de personnages avec un rôle significatif, à la fois une belle distribution, à la fois l’impression de rester dans un cercle assez fermé. Des images parfois très dépouillées : dans le même temps, elles font sens, et les auteurs mettent à profit la forte pagination de leur ouvrage pour prendre le temps de raconter certains moments et de focaliser leur regard sur un geste, une attitude ou accessoire.
Une fois passée la première apparition du météore, en noir & blanc pour un contraste maximal, le récit revient à des situations banales du quotidien : attendre le bus au petit matin, se souvenir de la première boule de neige de son fils, s’enquérir de son chien, aider un homme âgé ayant perdu en autonomie, regarder un oiseau voler, subir les récriminations d’un collègue contre la direction dans le vestiaire, zoner avec des potes avec la flemme de faire du skate, échanger des banalités au comptoir dans un café, ressentir pleinement la banalité de la solitude, etc. La narration visuelle s’avère respectueuse et attentive. La mise en couleur joue sur quelques teintes, souvent sombres sans être vraiment ternes. Le lecteur ressent de la sympathie pour ces individus normaux, vivant leur quotidien avec un mélange de courage et de résignation, une ténacité tout ce qu’il y a de plus mécanique, qui pourtant génère un sentiment de respect et d’empathie chez le lecteur, car il reconnaît bien cette saveur du quotidien qui n’apporte que la même chose, sans plus de réel goût, tout en étant réconfortant par sa prédictibilité.
Dans le contexte de cette vie normale et sans éclat, les événements sortant de l’ordinaire apparaissent pour ce qu’ils sont : la conséquence inéluctable de tous les événements précédents, dont il n’y a donc pas raison de s’étonner, un engourdissement gagnant chaque individu ayant intégré inconsciemment que c’est l’ordre immuable des choses. Du coup, un licenciement, un incendie volontaire, des informations alarmantes sur la progression du météore s’avèrent dénués d’effet sur l’instant présent, sur la suite, une progression inéluctable qui pourrait presqu’être prédite, un enchaînement de causalités préétabli. À l’évidence, l’état mental de Floyd n’ira pas en s’améliorant, et Gary ne pourra pas toujours s’occuper de lui. Le mode de management d’Aeki apparaît pour ce qu’il est : des techniques pour flatter les employés, les motiver par un esprit d’équipe artificiel dans la mesure où il ne repose que sur eux, sans aucune implication des actionnaires sans visage. Le lecteur repense à la citation de Raymond Carver en exergue : Plus de destin. Juste un enchaînement de petits faits qui n’ont d’autre sens que celui qu’on veut bien leur donner. Une vie machinale, sans objet. La vie de tout le monde. Un autre personnage résume la dynamique de la vie : On essaie tous de faire de notre mieux, c’est le plus important, non ?
Pourtant, le comportement des personnages ne relève pas de la neurasthénie. Une forme de fluide passe dans ces vies, de principe vital, que le lecteur n’arrive pas tout à fait à identifier. Il revient au titre et à ce météore qui approche : finalement cette menace sur la survie de la Terre et de l’espèce humaine ne change pas grand-chose au quotidien, voire dans un moment atroce un personnage prend conscience que l’entreprise Aeki a pris ses dispositions pour fourguer le maximum de camelote avant que son établissement situé dans la zone d’impact ne soit détruit. Le lecteur repense également à Elijah parlant de son père : en fait il pense que son père espérait qu’il se passe un truc. Les personnages du récit ont dépassé ce stade : ils n’attendent plus rien, ils sont persuadés que leur vie va lentement se dégrader, grignotée par l’entropie. Ils ne s’y sont pas résignés : ils ont accepté cet état de fait, et s’y sont adaptés, vivent en cohérence avec cette vision de l’existence.
Page quatre-vingt-douze, Hollie arrive chez Maggie pour lui prodiguer des soins, effectuer une prise de sang. La vieille dame lui dit qu’elle aime les livres qui ne se contentent pas de raconter une histoire avec un début et une fin. Ceux qui ressemblent à la vie. Ou qui essaient en tout cas. Dans la vie, il n’y a pas de personnages principaux et de personnages secondaires. On a tous notre rôle à jouer. Tous notre importance. Le lecteur comprend que les auteurs effectuent une déclaration d’intention sur leur propre ouvrage et même une profession de foi personnelle. Il repense alors au sous-titre Ceux qui ne font que passer. Bien sûr cela désigne les individus qui risquent de périr lors de l’impact de la météorite. En prenant un peu de recul, cela désigne également tous les individus croisés par Floyd, car la mémoire de celui-ci n’est pas fiable, et il oublie les gens qu’il croise. Le lecteur peut se dire qu’il en va de même pour lui : de nombreuses connaissances, ou collègues, ou anonymes dans les transports en commun ou dans les voitures du flux de circulation, autant de personnes qui ne font que passer dans sa vie. À la lumière de ce point de vue, il prend conscience de ce qui fait le cœur du récit : ce n’est pas l’intrigue secondaire de la météorite qui n’occupe que très peu de pages. Les météores sont également les personnes que l’on croise, qui passent dans notre vie. Ceux qui ne font que passer sont l’essence même de la vie de chaque individu.
Étrange titre, accouplé à un sous-titre énigmatique, une couverture qui dit très peu du contenu. Narration semblant parfois minimaliste que ce soit par les silences des personnages ou par des cases épurées. Pour autant, point de déprime ou de misérabilisme, de solitude rongeant l’âme. Le récit se déroule très tranquillement, même si des événements surviennent. Le lecteur sent qu’il reste immergé grâce à un sentiment diffus qu’il éprouve pour les personnages… jusqu’à ce qu’il prenne conscience des différents niveaux de sens de l’expression : Ceux qui ne font que passer. Émouvant.
J'ai eu la chance de rencontrer Stanislas Gros au festival de BD de Saint Denis en Val hier. Un auteur trop rare dont j'avais apprécié l'adaptation du Portrait de Dorian Gray sortie il y a déjà 17 ans (2008).
Sa ligne claire reste expressive et reconnaissable, mais on est ici dans un registre d'aventure-comédie beaucoup plus léger.
Malgré la présence de requins, robots à tête de mort et autres rats, l'histoire pourra convenir à un public assez jeune.
Je dirais que le ton se rapproche du Roi et l'oiseau ou de certaines séries animées des années 90 (Batman, Belphégor,...)
Il y a de belles trouvailles visuelles et des dialogues amusants.
Les personnages sont attachants et les 72 planches s'enchaînent rapidement. Comme diraient les poulpes : Il eût été dommage que vous passassiez à côte.
Note réelle : 3.5/5
Voilà une histoire différente qui ne suit aucun des tropes habituels des mangas (à part celui de l'immortel qui ne vieillit pas). Une histoire métaphysique, existentialiste et tragique, souvent émouvante. Il n'y a pas vraiment d'intrigue classique avec un protagoniste et un antagoniste, du moins au début.
Qui dit immortel, dit histoire au long cours avec différentes époques et autant d'arcs, de l'antiquité jusqu'à l'époque futuriste. L'arc contemporain est le moins original et intéressant de tous mais le manga se rattrape avec l'époque futuriste suivante (forcément une dystopie).
Vous saurez dès le premier chapitre si vous accrochez ou pas. Pour ma part, j'ai tout de suite aimé.
3.5
Je trouve cela très étrange que ce comics qui a plusieurs qualités n'ait pas été publié sur ce site jusqu'à présent alors qu'il est publié par un gros éditeur.
Encore une fois, on utilise le mythe arthurien, mais ici je trouve que c'est utilisé de manière originale. Un groupe de nationalistes aidé par une mystérieuse femme ressuscitent le roi Arthur, qui va détruire les ennemis de la Grande-Bretagne...sauf que le roi Arthur est un Breton et il n'aime pas les Anglo-Saxons, alors tout le monde est son ennemi maintenant ! Il y aura bien sûr un petit groupe de héros qui vont tout faire pour stopper Arthur et les machinations de Merlin. Ils sont un peu clichés (la vieille mentor manipulatrice qui sait tout, son petit-fils qui sait rien et sa copine potentielle), mais attachants. Il y a un bon mélange d'action, de comédie et de drame.
On retrouve le mythe d'Arthur, mais au fil des tomes on va aussi voir d'autres figures du folklore anglophone et européen. Je pense que les fans de 'Fables' vont bien apprécier ce mélange de mythes et de légendes. Le côté fantastique est tout de même parfois un peu difficile à comprendre, vu qu'on dirait que tout est possible et il faut avoir un peu de culture pour comprendre qui est qui, quoiqu'on voit surtout des figures mainstream de la littérature anglaise (donc on voit Beowulf et pas Rolland de la chanson de Rolland). Il y aussi des facilités dans le scénario, avec notamment les héros qui semblent capables de se déplacer un peu trop rapidement d'un endroit à un autre, mais bon cela reste du comics de divertissement de qualité.
Le dessin est dynamique et la mise en scène est très lisible.
Ben ça alors, moi qui y allais à reculons, je viens de me prendre une belle ruade dans le popotin.
Un album qui traîne sur ma pile à lire depuis plusieurs semaines, un cadeau de ma chère et tendre. Elle sait que j'aime les animaux, mais là je me suis dit : elle se moque de moi. En effet, il est question d'animaux, mais ici après un procès en bonne et due forme ils sont exécutés par pendaison, comme le veut la procédure fédérale des États-Unis. Horrible me suis-je dit. Et ben non, j'ai dévoré cet album d'une traite.
Un sujet qui peut prêter à sourire, mais il n'en est rien, une réalité qui n'est pas exclusive aux États-Unis, en fin d'album un petit récapitulatif de procès où les accusés sont des animaux et la France n'est pas épargnée.
On va suivre Jack Gilet, bourreau de son état pour animaux. Il se déplace dans tout le pays pour appliquer les condamnations. On va ainsi assister à la pendaison d'un mulet puis d'une truie et enfin de la chèvre Debbie. Et c'est à partir de cette exécution que Jack va devoir partager sa route avec un gamin psychopathe qui veut devenir bourreau, mais pour les humains et de Winifred la propriétaire de la défunte Debbie. Elle veut se venger. Un road movie d'exécution en exécution jusqu'à ce qui devrait être l'apothéose de sa carrière, pendre une éléphante (un fait hélas bien réel qui a eu lieu le 13 septembre 1916). Un Jack Gilet sous le joug de sa mère, un jeune garçon détestable à souhait et une Winifred attendrissante font tout le charme de cette histoire haute en couleur.
Un récit sur la souffrance animale et sur l'absurdité d'une telle pratique, le passage sur la pendaison d'un taureau est difficilement supportable. Bien que le déroulé du récit soit classique et assez prévisible, j'ai passé un excellent moment de lecture. C'est drôle, touchant et subtilement accompagné par des dialogues aux petits oignons.
C'est la première fois que je suis bluffé par le dessin de David Ratte, un dépaysement garanti. J'en ai pris plein les yeux, de superbes planches qui magnifient les contrées sauvages. Et l'utilisation de l'aquarelle sublime l'ensemble.
Superbe !
Une belle surprise.
Alors que cette BD s'entame sur une trame très historique, dans un cadre d'Angleterre du XVIIe siècle où un jeune lord va rencontrer Isaac Newton et se passionner avec lui pour l'étude de l'optique, elle prend par la suite un aspect presque proche du conte ou du moins avec une petite touche de fantastique. C'est frais et agréable, avec une fin heureuse comme je les aime.
J'ai aimé son dessin très coloré. Les auteurs ont d'ailleurs pris le parti de nommer chaque chapitre selon l'une des couleurs de l'arc-en-ciel et de réaliser les planches de chacun d'entre eux dans la teinte dominante de la couleur en question. Je ne l'ai constaté qu'au troisième ou quatrième chapitre, c'est dire si c'est bien fait et cela n'entrave pas la bonne lecture et l'appréciation du graphisme. Cela ne sert pas vraiment l'histoire mais c'est joli, bien fait et cela ajoute à l'ambiance un peu merveilleuse du récit.
Celui-ci intrigue tout d'abord car on se demande où les auteurs veulent nous mener avec cette histoire de passionné de recheche scientifique sur les arcs-en-ciel, passion teinté de culture gaélique et d'histoires de leprechauns et de leurs trésors. Puis on s'étonne de voir ce jeune garçon envoyé dans une drôle de mission d'espionnage... en France. Et là arrive alors la touche de conte romantique, une histoire mignonne et touchante comme cette pauvre et jolie fille qu'il rencontre.
J'ai trouvé ça charmant. Pas inoubliable ni forcément marquant, mais original et touchant : j'ai refermé l'album avec le sourire.
Note : 3,5/5
Il s'agit pour moi ni plus ni moins que de la meilleure adaptation graphique du roman culte de Bram Stoker.
En rapport avec certains commentaire précédents, cette œuvre possède donc les défauts de ses qualités avec une adaptation graphique très fidèle du roman initial et donc des voix off et des dialogues qui peuvent paraitre trop présents et/ou datés. Pour ma part, je suis assez féru de BD de ce type, denses et qui prennent du temps à être lus et appréciées. Je ne reviendrai pas sur l'histoire que tout le monde connait, mais j'émettrai juste un regret, l’œuvre manque à mon sens d'un peu plus d'érotisme à la manière dont F.F. Coppola avait pu le faire dans son adaptation cinématographique et la fin aurait mérité un côté un peu plus épique. C'est presque trop facile d'en finir avec Dracula à mon goût...
Au niveau du dessin, les planches mêlant fond photographiques et scènes dessinées en noir et blanc sont vraiment magnifiques. J'ai particulièrement aimé les dessins d'illustrations du type de celui de la couverture qui parsèment ça et là l'ouvrage (notamment les débuts de chapitre). Le dessin et notamment les personnages auraient peut-être gagné en profondeur avec des nuances de gris plutôt qu'un basique noir et blanc mais je chipote.
Une œuvre à posséder tant pour sa fidélité à l’œuvre initiale que pour son dessin.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8,5/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 8,5/10
NOTE GLOBALE : 17/20
Une relecture puissante et audacieuse du mythe de Captain America. La Vérité revisite l’histoire du super-soldat en révélant l’existence d’Isaiah Bradley, un soldat afro-américain ayant subi des expériences similaires à celles de Steve Rogers, mais dans des conditions bien plus cruelles.
Le scénario de Robert Morales aborde des thèmes forts comme le racisme et l’injustice, ancrant le récit dans une réalité historique troublante. Le style graphique de Kyle Baker, avec ses traits anguleux et son approche expressive, peut surprendre, mais il renforce l’impact émotionnel de l’histoire.
Un récit marquant, engagé et essentiel pour les fans de Captain America et ceux qui aiment les comics qui osent aborder des sujets de société.
Quelle claque mes aïeux, mais quelle claque ! Graphiquement parlant je ne peux que m'esbaudir devant tant de maestria. Tout comme Alix je ne connaissais aucun des deux auteurs, mais vraiment chapeau bas messieurs.
Tous les codes du thriller bien noir sont ici présents ; le flic un peu déglingué, des meurtres bien crades, et la quête de l'assassin ponctuée de rebondissements dont un twist final que personnellement je n'avais pas vu venir. L'on aurait pu craindre un scénario un peu alambiqué, mais c'est tout le contraire qui se produit, tout est fluide, d'ailleurs bravo pour le découpage, avec au milieu de l'album une pause, une respiration qui comme dans une tragédie grecque permet au lecteur de littéralement s'immerger dans la psychée de notre enquêteur.
Et puis il y a le dessin de Alessandro Manzella, alors là les aminches on est sur du lourd, un faux air de Ben Templesmith, mais plus maitrisé, c'est un bonheur de contempler ces pages.
Vous l'aurez compris une belle découverte pour ma part (ce fût mon premier achat à Angoulême cette année), une série que je ne peux que fortement conseiller.
Je voudrais vous demander une faveur karmique.
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Ce tome comprend une histoire indépendante de toute autre, racontée sous la forme d'un roman-photo. Il a été réalisé par Amélie Laval et édité par les éditions FLBLB. Il fait intervenir 47 acteurs. Les rôles principaux sont interprétés par Shuey-Shyen Duong (Ky Duyen Canac) et Cécile Peyrot (Fondamente). Cécile Rémy est responsable de la photographie. Aucun animal n'a été maltraité durant le shooting du Syndicat des algues brunes. L'édition originale date du premier trimestre 2018. Cette histoire comprend 211 pages de photo-roman.
Ky Duyen Canac (championne vietnamienne de l'art martial Vovinam Viet Vo Dao) déambule dans les ruelles d'une ville du sud de ce qui s'appelait précédemment la France, aujourd'hui appelée région Soleil Lavande dans le pays Avrupa. Elle finit par trouver l'adresse qu'elle cherche au 140 d'une rue. Elle tire la clé d'accès d'une enveloppe qu'elle avait dans sa poche et monte dans les étages jusqu'à l'appartement qui fut celui de son père Serge Canac. L'appartement est visiblement vide depuis plusieurs jours. Les différents miroirs et surfaces vitrées répondent à Ky Duyen Canac qu'ils ne savent pas quand le propriétaire reviendra. Elle ressort de l'appartement et regagne la rue où elle marche en écoutant le message que lui avait laissé son père. Elle se fait agresser dans une rue déserte par 2 hommes tenant des propos racistes, qualifiés de presse-citrons. Elle riposte en utilisant son art martial. Un homme se retrouve étendu sans connaissance à terre, l'autre tombe de tout son long et son corps se transforme en mousse savonneuse. Une femme (Fondamente) se porte au secours de Ky Duyen Canac, l'aide à se relever et l'emmène jusqu'à un taxi. Canac est légèrement blessée à l'épaule.
Chemin faisant, Ky Duyen Canac explique qu'elle est championne olympique d'art martial, et Fondamente explique que l'homme qui s'est transformé en mousse devait être un barbotard, c’est-à-dire un être humain de quatrième génération. Elles se font déposer au pied de l'immeuble de Fondamente qui invite Ky dans son appartement et qui soigne son épaule. Ky explique à son hôtesse qu'elle est venue pour voir son père qui lui avait envoyé un double des clés de son appartement. Fondamente explique qu'elle est journaliste et qu'elle essaiera de se renseigner sur Serge Canac. Elle ajoute qu'elle aimerait voyager en Asie mais que les individus de groupe sanguin A et O n'ont pas le droit de sortir du territoire et elle est du groupe A. Ky indique qu'il n'y a pas ce genre de problème au Vietnam car il n'y a plus d'humains générationnels là-bas. Fondamente s'en va finir un article ; Ky effectue quelques katas avant de se coucher sur le canapé. Elle se réveille seule dans l'appartement le lendemain matin. Elle petit-déjeune d'une soupe à la lavande. Puis elle effectue des exercices d'assouplissement. Fondamente rentre sur ces entrefaites et lui propose d'aller manger à l'extérieur.
Étonnant qu'il puisse encore paraître de nouveaux romans-photos en 2018, qui plus est qui ne s'inscrivent pas dans le genre romance. Pourtant le lecteur découvre dès les premières pages, qu'il s'agit d'un roman-photo en bonne et due forme, avec des photographies soignées, pouvant aller jusqu'à 10 dans une page, dans des lieux variés, pour une histoire entre thriller politique et enquête. Amélie Laval a construit son récit comme une bande dessinée, avec des photographies à la place de dessins dans des cases. Le lecteur de BD retrouve donc une forme de narration séquentielle très familière, classique dans son ordonnancement, avec des cases rectangulaires, sagement alignées en bande, les unes au-dessus des autres. La taille des cases varie en fonction de la nature de la séquence et de ce qui est montré, des cases étroites, ou des cases de la larguer de la page, des petites cases, ou quelques photographies en pleine page. En choisissant ce mode de narration essentiellement descriptif, l'autrice se confronte à la problématique du budget. Alors qu'en bande dessinée, l'artiste dispose d'un budget illimité pour les effets spéciaux et les décors (sous réserve du temps passé à les représenter), le roman-photo est tributaire soit des décors naturels, soit des décors de studio, mais ce n'est alors plus le même prix. L'artiste a pris le parti des décors naturels, et le lecteur peut apprécier au fil du récit leur diversité : ruelles, cage d'escalier, intérieurs d'appartement, café, voirie urbaine, autoroutes, paysages naturels, supermarché, calanque, port, salle de réunion. À l'opposé de longues pages en plan fixe dans 3 lieux sans âme, Amélie Laval donne à voir de nombreux environnements, très ordinaires pris séparément, constituant un décor élaboré et varié dans leur effet cumulatif.
Le lecteur retrouve la même approche naturaliste et généreuse dans le casting. Au fil de ces 211 pages, il observe une cinquantaine d'individus différents, interprétés par autant d'acteurs. Amélie Laval n'a pas choisi d'en faire des modèles de beauté esthétique, préférant conserver une apparence normale. Là encore cette apparente banalité peut masquer la variété, ainsi que l'effet que cela produit. Le lecteur plonge en fait dans un monde quasi identique au sien, croisant des individus normaux, se conduisant de manière normale. Le registre narratif n'est pas celui du spectaculaire, mais un registre qui privilégie la narration et la cohérence interne. Le lecteur narquois peut n'y voir que la nécessité (budget contraint) qui fait loi, mais au fil des pages il s'impose une impression globale de choix narratif en phase avec la nature du récit. Les expressions des visages sonnent juste, ainsi que les postures des acteurs. Qui plus est, les mouvements lors des affrontements physiques apparaissent réels, à l'opposé d'une exagération spectaculaire, évitant l'écueil de tomber dans le ridicule. Le lecteur voit les personnages évoluer comme s'il s'agissait d'individus croisés dans la rue, dans une représentation de la réalité très proche de la sienne. La narration neutralise ainsi le risque de la moquerie ou de l'autodérision involontaire en optant pour un premier degré refusant les facilités pour enjoliver les apparences, tels que filtres photographiques, effets bon marché, ou retouches infographiques en post production. Du coup, l'intrusion des éléments d'anticipation (pour le coup réalisés avec des moyens limités) passe plus facilement, que ce soit les morts qui se transforment en mousse, ou ceux qui portent une combinaison intégrale en fausse fourrure. L'autrice n'essaye pas de faire passer ces éléments pour des effets spéciaux haute technologie. Elle ne cache pas au lecteur leur nature basique, lui laissant la possibilité de les prendre en l'état sans raillerie.
Indépendamment de son goût pour le roman-photo ou pour la bande dessinée, le lecteur se laisse donc facilement entraîner dans cette narration visuelle, plutôt riche, utilisant des découpages de planche spécifiques à la BD, un peu déconcertante par la précision des photographies qui ne laissent pas de place à l'imagination comme le font les dessins. Le lecteur est tenté de prendre le temps de détailler chaque photographie pour y déceler des éléments signifiants, alors qu'il ne s'agit que de la densité d'informations visuelles propre à la photographie. La précision photographique laisse également moins de marge de manœuvre à l'autrice pour détourner la fonction première de l'objet qui est montré. Pourtant, Amélie Laval réussit quand même à induire des fonctions inhabituelles dans des objets de la vie de tous les jours : les surfaces vitrées ou les glaces qui servent d'écran, les berlingots en plastique qui contiennent des produits inusuels, une chipolata comme produit de contrebande vendu à la sauvette, du varech comme manifestation psychique d'une maladie, ou une innocente brosse à dents comme outil de pollinisation. À nouveau le traitement premier degré et précis de ces détournements d'objet ne tombe pas dans l'écueil de la moquerie suscitée par un manque de moyen financier, mais s'accompagne plutôt d'une sensation poétique ou surréaliste. S'étant habitué à cette narration visuelle naturaliste, le lecteur est d'autant plus surpris quand il découvre une case (enfin une photographie) ou une séquence en décalage avec sa réalité, comme par exemple le troupeau de moutons en pleine ville ou les algues sur le notaire.
Dans un premier temps, le lecteur peut s'interroger sur la forte pagination de cette histoire, mais il constate rapidement que l'autrice a tiré profit de la richesse des lieux et de la variété des personnages, pour réaliser une quarantaine de planches sans texte, ni phylactère, laissant les images raconter l'histoire, offrant au lecteur la possibilité de gérer sa vitesse de lecture. Pour autant, le récit s'avère ambitieux et consistant. Il peut être lu au premier degré comme un thriller d'action, avec une enquête sur le sort de Serge Canac, le père de Ky Duyen Canac, mêlé à une sombre histoire d'intérêts financiers et de magouilles géopolitiques. Au fil des séquences, le lecteur voit également apparaître plusieurs thématiques : l'immigration, la séparation d'avec le père, l'écologie, la politique extérieure, une forme d'eugénisme. Dans le cadre d'un récit d'anticipation comme celui-ci, une partie des thèmes ne sert qu'à nourri le contexte du récit, mais une autre constitue un regard personnel de l'autrice sur des bouleversements sociétaux en devenir, ou sur des composantes de la société déjà en train de la transformer. Amélie Laval utilise bien le genre Anticipation comme un révélateur par processus de contraste, de certaines caractéristiques de la société contemporaine.
En découvrant cet ouvrage, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il a peut-être été aiguillé par la référence qui y est faite par Jan Baetans dans La petite Bédéthèque des Savoirs - tome 26 - Le roman-photo (2018, avec Clémentine Mélois), tout en sachant par avance que son ambition littéraire ne saurait égaler celle de Droit de regards (1985) de Marie-Françoise Plissart, avec Benoît Peeters. Il perçoit vite la richesse de de la mise en images du récit, constatant qu'il s'agit d'une narration professionnelle avec un niveau d'exigence et de finition élevé de la part de l'auteur : que ce soit la qualité des photographies, le jeu des acteurs et la distribution, ou la variété des lieux. Il plonge dans un récit d'anticipation bien ficelé, mis en scène avec intelligence, portant un regard sur certains aspects de la société moderne, sous la forme d'une enquête mâtinée de thriller. Cette lecture se révèle à la fois atypique, exhalant des saveurs inusuelles, et un récit entraînant et intelligent.
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Les Météores
On essaie tous de faire de notre mieux. C’est le plus important, non ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Son format est à l’italienne, avec des dimensions de demi-format d’une bande dessinée franco-belge traditionnelle. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par J.C. Deveney pour le scénario, et par Tommy Redolfi pour les dessins et les couleurs. Il comprend trois-cent-dix pages de bande dessinée. Elijah et Leblond, deux amis adolescents skaters, se tiennent sur un pont au-dessus d’une autoroute de deux fois quatre voies, regardant les véhicules passer en contrebas. Le premier raconte à son pote que quand il était petit, son père l’emmenait ici pour regarder les bagnoles, c’était leur sortie du samedi… Enfin jusqu’à ce qu’il se barre. Cela fait réfléchir Leblond qui pensait que son beau-père était pénible. Elijah continue : c’est clair qu’il rouillait sévère, regarder filer des voitures pendant une heure, y avait plus excitant. Il pense que son père ne faisait pas ça parce qu’il pensait déjà à se tailler, même sans ça il les aurait quittés. En vrai, il pense que son père espérait qu’il se passe un truc. Un accident, un crash, quelque chose qui changerait de l’ordinaire. En plus, il suffit de pas grand-chose pour que ça arrive ! Un caillou, un bout de métal… N’importe quoi qui tombe du pont. On imagine : le pare-brise qui explose, la bagnole qui vrille et qui va en fracasser d’autres ! Le pur feu d’artifice ! En même temps un accident, ça dure jamais. Ils continuent à discuter, se disant que le vrai frisson serait de traverser avec leur planche. Leblond finit sa bouteille, la jette par-dessus le grillage, et ils partent sur leur planche. Dans l’espace, un météore poursuit sa trajectoire, dans le vide. Hollie, aide-soignante, attend le bus dans le froid et la neige. Elle voit arriver un homme fort et de grande stature. Il s’assoit à côté d’elle dans l’abribus, en laissant une place vide entre eux. Floyd prend la parole : il s’excuse, car il ne la reconnaît pas, c’est parce qu’il a des blancs des fois. Il continue : il croise des gens, il discute et puis, pffuiit, ça s’en va. Elle le rassure : ils ne se sont jamais croisés. Il reprend la parole : Gary dit que ce n’est pas la peine qu’il raconte tout ça à tout le monde. Mais Floyd trouve que c’est mieux de dire ce qui est vrai. Elle acquiesce, surtout qu’il n’y a pas de honte à avoir, les blancs, c’est des choses qui arrivent. Il se présente et donne son nom, elle donne le sien. Il lui demande si c’est la première fois qu’elle attend le 34 de 05h46. Elle indique que oui, d’habitude elle prend sa voiture, mais elle est tombée en panne hier. Floyd se lève et dit qu’il aime bien quand la neige tombe, parce on ne sait pas si c’est elle qui descend ou si c’est soi qui monte. Hollie se souvient de son fils Elijah enfant faisant une boule de neige. Le bus arrive, la radio diffuse une chanson de Rufus Wainwright, Going to a town. Cette même chanson est diffusée par le poste dans la chambre de Casey, une jeune femme. Elle se lève et appelle son chien Chuck. Elle sort sous la neige et continue de l’appeler. Elle découvre quatre chiens sauvages qui se mettent à aboyer contre elle. Elle rentre se mettre à l’abri. Un titre déconcertant : il annonce des météores, et en effet dans les pages huit à dix, le lecteur peut avoir un premier aperçu de l’approche d’un météore dont il ne fait nul doute qu’il fonce sur la Terre. Dans le même temps, le titre évoque des individus qui ne font que passer, et cela ne semble pas s’appliquer au météore, mais à des êtres humains, peut-être ceux qui passent par la ville. Cette dernière n’est jamais nommée, et le lecteur en vient à supposer qu’il s’agit d’une ville de faible importance en nombre d’habitants. Elle compte toutefois un magasin de meubles à monter soi-même dénommé Aeki, enseigne que le lecteur identifie facilement en lisant ce nom de droite à gauche. Il commence par faire connaissance avec les deux skaters… qui ne sont pas nommés. Il faudra attendre la page cinquante pour les revoir avec deux autres potes, et commencer à relever un nom, mais pas tous. Ils zonent avec deux adolescentes. Bref, le lecteur finit par identifier Dawn (brune à lunettes), Elijah (afro-américain), Leblond (fumeur) et Jess (jeune fille pas compliquée). Mollie et Floyd se présentent l’un à l’autre, avec un physique plus facilement mémorisable. De la même manière, il faut un peu de temps pour mettre un nom sur le visage de l’employée d’Aeki : Casey. Encore plus de pages avant de croiser le prénom de son collègue revêche : Sammy. Charlie est appelée par son nom dès sa première apparition. À contrario, le lecteur voit Floyd parler de Gary, bien avant qu’il ne fasse son apparition, et c’est le seul personnage à être doté d’un nom de famille, Hansom. Quelques seconds rôles peu nombreux dont le couple formé par Linda et Don (professeur), sans oublier la jeune manager chez Aeki. Le lecteur se retrouve un peu déconcerté par cette absence de nom de famille, car les dessins peuvent parfois lui sembler sommaires, laissant planer un doute sur l’identité de tel ou tel personnage à deux ou trois reprises. En outre, les dialogues s’avèrent brefs et concis, sans aucune bulle de pensée, ou cartouche de texte avec une voix intérieure. La couverture peut donner une impression d’image dense en informations visuelles, et complexe en composition, en particulier dans l’usage des couleurs. Il en va de même avec la première planche. La perception du lecteur se modifie un peu par la suite, devenant sensible à une approche plus épurée, dans les formes, dans le choix des détails signifiants. Les dessins ne donnent pas l’impression d’être plus simples, ou simplistes, plutôt plus focalisés sur un point d’attention central. Tout se joue dans les impressions du lecteur. L’impression d’un récit taiseux : l’ouvrage compte quatre-vingt-dix pages silencieuses, dépourvues de tout mot, une forme de minimalisme, et en même temps une confiance dans le fait que les images se suffisent à elles-mêmes pour raconter. Une dizaine de personnages avec un rôle significatif, à la fois une belle distribution, à la fois l’impression de rester dans un cercle assez fermé. Des images parfois très dépouillées : dans le même temps, elles font sens, et les auteurs mettent à profit la forte pagination de leur ouvrage pour prendre le temps de raconter certains moments et de focaliser leur regard sur un geste, une attitude ou accessoire. Une fois passée la première apparition du météore, en noir & blanc pour un contraste maximal, le récit revient à des situations banales du quotidien : attendre le bus au petit matin, se souvenir de la première boule de neige de son fils, s’enquérir de son chien, aider un homme âgé ayant perdu en autonomie, regarder un oiseau voler, subir les récriminations d’un collègue contre la direction dans le vestiaire, zoner avec des potes avec la flemme de faire du skate, échanger des banalités au comptoir dans un café, ressentir pleinement la banalité de la solitude, etc. La narration visuelle s’avère respectueuse et attentive. La mise en couleur joue sur quelques teintes, souvent sombres sans être vraiment ternes. Le lecteur ressent de la sympathie pour ces individus normaux, vivant leur quotidien avec un mélange de courage et de résignation, une ténacité tout ce qu’il y a de plus mécanique, qui pourtant génère un sentiment de respect et d’empathie chez le lecteur, car il reconnaît bien cette saveur du quotidien qui n’apporte que la même chose, sans plus de réel goût, tout en étant réconfortant par sa prédictibilité. Dans le contexte de cette vie normale et sans éclat, les événements sortant de l’ordinaire apparaissent pour ce qu’ils sont : la conséquence inéluctable de tous les événements précédents, dont il n’y a donc pas raison de s’étonner, un engourdissement gagnant chaque individu ayant intégré inconsciemment que c’est l’ordre immuable des choses. Du coup, un licenciement, un incendie volontaire, des informations alarmantes sur la progression du météore s’avèrent dénués d’effet sur l’instant présent, sur la suite, une progression inéluctable qui pourrait presqu’être prédite, un enchaînement de causalités préétabli. À l’évidence, l’état mental de Floyd n’ira pas en s’améliorant, et Gary ne pourra pas toujours s’occuper de lui. Le mode de management d’Aeki apparaît pour ce qu’il est : des techniques pour flatter les employés, les motiver par un esprit d’équipe artificiel dans la mesure où il ne repose que sur eux, sans aucune implication des actionnaires sans visage. Le lecteur repense à la citation de Raymond Carver en exergue : Plus de destin. Juste un enchaînement de petits faits qui n’ont d’autre sens que celui qu’on veut bien leur donner. Une vie machinale, sans objet. La vie de tout le monde. Un autre personnage résume la dynamique de la vie : On essaie tous de faire de notre mieux, c’est le plus important, non ? Pourtant, le comportement des personnages ne relève pas de la neurasthénie. Une forme de fluide passe dans ces vies, de principe vital, que le lecteur n’arrive pas tout à fait à identifier. Il revient au titre et à ce météore qui approche : finalement cette menace sur la survie de la Terre et de l’espèce humaine ne change pas grand-chose au quotidien, voire dans un moment atroce un personnage prend conscience que l’entreprise Aeki a pris ses dispositions pour fourguer le maximum de camelote avant que son établissement situé dans la zone d’impact ne soit détruit. Le lecteur repense également à Elijah parlant de son père : en fait il pense que son père espérait qu’il se passe un truc. Les personnages du récit ont dépassé ce stade : ils n’attendent plus rien, ils sont persuadés que leur vie va lentement se dégrader, grignotée par l’entropie. Ils ne s’y sont pas résignés : ils ont accepté cet état de fait, et s’y sont adaptés, vivent en cohérence avec cette vision de l’existence. Page quatre-vingt-douze, Hollie arrive chez Maggie pour lui prodiguer des soins, effectuer une prise de sang. La vieille dame lui dit qu’elle aime les livres qui ne se contentent pas de raconter une histoire avec un début et une fin. Ceux qui ressemblent à la vie. Ou qui essaient en tout cas. Dans la vie, il n’y a pas de personnages principaux et de personnages secondaires. On a tous notre rôle à jouer. Tous notre importance. Le lecteur comprend que les auteurs effectuent une déclaration d’intention sur leur propre ouvrage et même une profession de foi personnelle. Il repense alors au sous-titre Ceux qui ne font que passer. Bien sûr cela désigne les individus qui risquent de périr lors de l’impact de la météorite. En prenant un peu de recul, cela désigne également tous les individus croisés par Floyd, car la mémoire de celui-ci n’est pas fiable, et il oublie les gens qu’il croise. Le lecteur peut se dire qu’il en va de même pour lui : de nombreuses connaissances, ou collègues, ou anonymes dans les transports en commun ou dans les voitures du flux de circulation, autant de personnes qui ne font que passer dans sa vie. À la lumière de ce point de vue, il prend conscience de ce qui fait le cœur du récit : ce n’est pas l’intrigue secondaire de la météorite qui n’occupe que très peu de pages. Les météores sont également les personnes que l’on croise, qui passent dans notre vie. Ceux qui ne font que passer sont l’essence même de la vie de chaque individu. Étrange titre, accouplé à un sous-titre énigmatique, une couverture qui dit très peu du contenu. Narration semblant parfois minimaliste que ce soit par les silences des personnages ou par des cases épurées. Pour autant, point de déprime ou de misérabilisme, de solitude rongeant l’âme. Le récit se déroule très tranquillement, même si des événements surviennent. Le lecteur sent qu’il reste immergé grâce à un sentiment diffus qu’il éprouve pour les personnages… jusqu’à ce qu’il prenne conscience des différents niveaux de sens de l’expression : Ceux qui ne font que passer. Émouvant.
La Prisonnière
J'ai eu la chance de rencontrer Stanislas Gros au festival de BD de Saint Denis en Val hier. Un auteur trop rare dont j'avais apprécié l'adaptation du Portrait de Dorian Gray sortie il y a déjà 17 ans (2008). Sa ligne claire reste expressive et reconnaissable, mais on est ici dans un registre d'aventure-comédie beaucoup plus léger. Malgré la présence de requins, robots à tête de mort et autres rats, l'histoire pourra convenir à un public assez jeune. Je dirais que le ton se rapproche du Roi et l'oiseau ou de certaines séries animées des années 90 (Batman, Belphégor,...) Il y a de belles trouvailles visuelles et des dialogues amusants. Les personnages sont attachants et les 72 planches s'enchaînent rapidement. Comme diraient les poulpes : Il eût été dommage que vous passassiez à côte. Note réelle : 3.5/5
To your eternity
Voilà une histoire différente qui ne suit aucun des tropes habituels des mangas (à part celui de l'immortel qui ne vieillit pas). Une histoire métaphysique, existentialiste et tragique, souvent émouvante. Il n'y a pas vraiment d'intrigue classique avec un protagoniste et un antagoniste, du moins au début. Qui dit immortel, dit histoire au long cours avec différentes époques et autant d'arcs, de l'antiquité jusqu'à l'époque futuriste. L'arc contemporain est le moins original et intéressant de tous mais le manga se rattrape avec l'époque futuriste suivante (forcément une dystopie). Vous saurez dès le premier chapitre si vous accrochez ou pas. Pour ma part, j'ai tout de suite aimé.
Once & Future
3.5 Je trouve cela très étrange que ce comics qui a plusieurs qualités n'ait pas été publié sur ce site jusqu'à présent alors qu'il est publié par un gros éditeur. Encore une fois, on utilise le mythe arthurien, mais ici je trouve que c'est utilisé de manière originale. Un groupe de nationalistes aidé par une mystérieuse femme ressuscitent le roi Arthur, qui va détruire les ennemis de la Grande-Bretagne...sauf que le roi Arthur est un Breton et il n'aime pas les Anglo-Saxons, alors tout le monde est son ennemi maintenant ! Il y aura bien sûr un petit groupe de héros qui vont tout faire pour stopper Arthur et les machinations de Merlin. Ils sont un peu clichés (la vieille mentor manipulatrice qui sait tout, son petit-fils qui sait rien et sa copine potentielle), mais attachants. Il y a un bon mélange d'action, de comédie et de drame. On retrouve le mythe d'Arthur, mais au fil des tomes on va aussi voir d'autres figures du folklore anglophone et européen. Je pense que les fans de 'Fables' vont bien apprécier ce mélange de mythes et de légendes. Le côté fantastique est tout de même parfois un peu difficile à comprendre, vu qu'on dirait que tout est possible et il faut avoir un peu de culture pour comprendre qui est qui, quoiqu'on voit surtout des figures mainstream de la littérature anglaise (donc on voit Beowulf et pas Rolland de la chanson de Rolland). Il y aussi des facilités dans le scénario, avec notamment les héros qui semblent capables de se déplacer un peu trop rapidement d'un endroit à un autre, mais bon cela reste du comics de divertissement de qualité. Le dessin est dynamique et la mise en scène est très lisible.
À la poursuite de Jack Gilet
Ben ça alors, moi qui y allais à reculons, je viens de me prendre une belle ruade dans le popotin. Un album qui traîne sur ma pile à lire depuis plusieurs semaines, un cadeau de ma chère et tendre. Elle sait que j'aime les animaux, mais là je me suis dit : elle se moque de moi. En effet, il est question d'animaux, mais ici après un procès en bonne et due forme ils sont exécutés par pendaison, comme le veut la procédure fédérale des États-Unis. Horrible me suis-je dit. Et ben non, j'ai dévoré cet album d'une traite. Un sujet qui peut prêter à sourire, mais il n'en est rien, une réalité qui n'est pas exclusive aux États-Unis, en fin d'album un petit récapitulatif de procès où les accusés sont des animaux et la France n'est pas épargnée. On va suivre Jack Gilet, bourreau de son état pour animaux. Il se déplace dans tout le pays pour appliquer les condamnations. On va ainsi assister à la pendaison d'un mulet puis d'une truie et enfin de la chèvre Debbie. Et c'est à partir de cette exécution que Jack va devoir partager sa route avec un gamin psychopathe qui veut devenir bourreau, mais pour les humains et de Winifred la propriétaire de la défunte Debbie. Elle veut se venger. Un road movie d'exécution en exécution jusqu'à ce qui devrait être l'apothéose de sa carrière, pendre une éléphante (un fait hélas bien réel qui a eu lieu le 13 septembre 1916). Un Jack Gilet sous le joug de sa mère, un jeune garçon détestable à souhait et une Winifred attendrissante font tout le charme de cette histoire haute en couleur. Un récit sur la souffrance animale et sur l'absurdité d'une telle pratique, le passage sur la pendaison d'un taureau est difficilement supportable. Bien que le déroulé du récit soit classique et assez prévisible, j'ai passé un excellent moment de lecture. C'est drôle, touchant et subtilement accompagné par des dialogues aux petits oignons. C'est la première fois que je suis bluffé par le dessin de David Ratte, un dépaysement garanti. J'en ai pris plein les yeux, de superbes planches qui magnifient les contrées sauvages. Et l'utilisation de l'aquarelle sublime l'ensemble. Superbe ! Une belle surprise.
L'Arc-en-Cieliste
Alors que cette BD s'entame sur une trame très historique, dans un cadre d'Angleterre du XVIIe siècle où un jeune lord va rencontrer Isaac Newton et se passionner avec lui pour l'étude de l'optique, elle prend par la suite un aspect presque proche du conte ou du moins avec une petite touche de fantastique. C'est frais et agréable, avec une fin heureuse comme je les aime. J'ai aimé son dessin très coloré. Les auteurs ont d'ailleurs pris le parti de nommer chaque chapitre selon l'une des couleurs de l'arc-en-ciel et de réaliser les planches de chacun d'entre eux dans la teinte dominante de la couleur en question. Je ne l'ai constaté qu'au troisième ou quatrième chapitre, c'est dire si c'est bien fait et cela n'entrave pas la bonne lecture et l'appréciation du graphisme. Cela ne sert pas vraiment l'histoire mais c'est joli, bien fait et cela ajoute à l'ambiance un peu merveilleuse du récit. Celui-ci intrigue tout d'abord car on se demande où les auteurs veulent nous mener avec cette histoire de passionné de recheche scientifique sur les arcs-en-ciel, passion teinté de culture gaélique et d'histoires de leprechauns et de leurs trésors. Puis on s'étonne de voir ce jeune garçon envoyé dans une drôle de mission d'espionnage... en France. Et là arrive alors la touche de conte romantique, une histoire mignonne et touchante comme cette pauvre et jolie fille qu'il rencontre. J'ai trouvé ça charmant. Pas inoubliable ni forcément marquant, mais original et touchant : j'ai refermé l'album avec le sourire. Note : 3,5/5
Dracula (Bess)
Il s'agit pour moi ni plus ni moins que de la meilleure adaptation graphique du roman culte de Bram Stoker. En rapport avec certains commentaire précédents, cette œuvre possède donc les défauts de ses qualités avec une adaptation graphique très fidèle du roman initial et donc des voix off et des dialogues qui peuvent paraitre trop présents et/ou datés. Pour ma part, je suis assez féru de BD de ce type, denses et qui prennent du temps à être lus et appréciées. Je ne reviendrai pas sur l'histoire que tout le monde connait, mais j'émettrai juste un regret, l’œuvre manque à mon sens d'un peu plus d'érotisme à la manière dont F.F. Coppola avait pu le faire dans son adaptation cinématographique et la fin aurait mérité un côté un peu plus épique. C'est presque trop facile d'en finir avec Dracula à mon goût... Au niveau du dessin, les planches mêlant fond photographiques et scènes dessinées en noir et blanc sont vraiment magnifiques. J'ai particulièrement aimé les dessins d'illustrations du type de celui de la couverture qui parsèment ça et là l'ouvrage (notamment les débuts de chapitre). Le dessin et notamment les personnages auraient peut-être gagné en profondeur avec des nuances de gris plutôt qu'un basique noir et blanc mais je chipote. Une œuvre à posséder tant pour sa fidélité à l’œuvre initiale que pour son dessin. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 8,5/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 8,5/10 NOTE GLOBALE : 17/20
Captain America - La Vérité
Une relecture puissante et audacieuse du mythe de Captain America. La Vérité revisite l’histoire du super-soldat en révélant l’existence d’Isaiah Bradley, un soldat afro-américain ayant subi des expériences similaires à celles de Steve Rogers, mais dans des conditions bien plus cruelles. Le scénario de Robert Morales aborde des thèmes forts comme le racisme et l’injustice, ancrant le récit dans une réalité historique troublante. Le style graphique de Kyle Baker, avec ses traits anguleux et son approche expressive, peut surprendre, mais il renforce l’impact émotionnel de l’histoire. Un récit marquant, engagé et essentiel pour les fans de Captain America et ceux qui aiment les comics qui osent aborder des sujets de société.
Nuits romaines
Quelle claque mes aïeux, mais quelle claque ! Graphiquement parlant je ne peux que m'esbaudir devant tant de maestria. Tout comme Alix je ne connaissais aucun des deux auteurs, mais vraiment chapeau bas messieurs. Tous les codes du thriller bien noir sont ici présents ; le flic un peu déglingué, des meurtres bien crades, et la quête de l'assassin ponctuée de rebondissements dont un twist final que personnellement je n'avais pas vu venir. L'on aurait pu craindre un scénario un peu alambiqué, mais c'est tout le contraire qui se produit, tout est fluide, d'ailleurs bravo pour le découpage, avec au milieu de l'album une pause, une respiration qui comme dans une tragédie grecque permet au lecteur de littéralement s'immerger dans la psychée de notre enquêteur. Et puis il y a le dessin de Alessandro Manzella, alors là les aminches on est sur du lourd, un faux air de Ben Templesmith, mais plus maitrisé, c'est un bonheur de contempler ces pages. Vous l'aurez compris une belle découverte pour ma part (ce fût mon premier achat à Angoulême cette année), une série que je ne peux que fortement conseiller.
Le Syndicat des algues brunes
Je voudrais vous demander une faveur karmique. - Ce tome comprend une histoire indépendante de toute autre, racontée sous la forme d'un roman-photo. Il a été réalisé par Amélie Laval et édité par les éditions FLBLB. Il fait intervenir 47 acteurs. Les rôles principaux sont interprétés par Shuey-Shyen Duong (Ky Duyen Canac) et Cécile Peyrot (Fondamente). Cécile Rémy est responsable de la photographie. Aucun animal n'a été maltraité durant le shooting du Syndicat des algues brunes. L'édition originale date du premier trimestre 2018. Cette histoire comprend 211 pages de photo-roman. Ky Duyen Canac (championne vietnamienne de l'art martial Vovinam Viet Vo Dao) déambule dans les ruelles d'une ville du sud de ce qui s'appelait précédemment la France, aujourd'hui appelée région Soleil Lavande dans le pays Avrupa. Elle finit par trouver l'adresse qu'elle cherche au 140 d'une rue. Elle tire la clé d'accès d'une enveloppe qu'elle avait dans sa poche et monte dans les étages jusqu'à l'appartement qui fut celui de son père Serge Canac. L'appartement est visiblement vide depuis plusieurs jours. Les différents miroirs et surfaces vitrées répondent à Ky Duyen Canac qu'ils ne savent pas quand le propriétaire reviendra. Elle ressort de l'appartement et regagne la rue où elle marche en écoutant le message que lui avait laissé son père. Elle se fait agresser dans une rue déserte par 2 hommes tenant des propos racistes, qualifiés de presse-citrons. Elle riposte en utilisant son art martial. Un homme se retrouve étendu sans connaissance à terre, l'autre tombe de tout son long et son corps se transforme en mousse savonneuse. Une femme (Fondamente) se porte au secours de Ky Duyen Canac, l'aide à se relever et l'emmène jusqu'à un taxi. Canac est légèrement blessée à l'épaule. Chemin faisant, Ky Duyen Canac explique qu'elle est championne olympique d'art martial, et Fondamente explique que l'homme qui s'est transformé en mousse devait être un barbotard, c’est-à-dire un être humain de quatrième génération. Elles se font déposer au pied de l'immeuble de Fondamente qui invite Ky dans son appartement et qui soigne son épaule. Ky explique à son hôtesse qu'elle est venue pour voir son père qui lui avait envoyé un double des clés de son appartement. Fondamente explique qu'elle est journaliste et qu'elle essaiera de se renseigner sur Serge Canac. Elle ajoute qu'elle aimerait voyager en Asie mais que les individus de groupe sanguin A et O n'ont pas le droit de sortir du territoire et elle est du groupe A. Ky indique qu'il n'y a pas ce genre de problème au Vietnam car il n'y a plus d'humains générationnels là-bas. Fondamente s'en va finir un article ; Ky effectue quelques katas avant de se coucher sur le canapé. Elle se réveille seule dans l'appartement le lendemain matin. Elle petit-déjeune d'une soupe à la lavande. Puis elle effectue des exercices d'assouplissement. Fondamente rentre sur ces entrefaites et lui propose d'aller manger à l'extérieur. Étonnant qu'il puisse encore paraître de nouveaux romans-photos en 2018, qui plus est qui ne s'inscrivent pas dans le genre romance. Pourtant le lecteur découvre dès les premières pages, qu'il s'agit d'un roman-photo en bonne et due forme, avec des photographies soignées, pouvant aller jusqu'à 10 dans une page, dans des lieux variés, pour une histoire entre thriller politique et enquête. Amélie Laval a construit son récit comme une bande dessinée, avec des photographies à la place de dessins dans des cases. Le lecteur de BD retrouve donc une forme de narration séquentielle très familière, classique dans son ordonnancement, avec des cases rectangulaires, sagement alignées en bande, les unes au-dessus des autres. La taille des cases varie en fonction de la nature de la séquence et de ce qui est montré, des cases étroites, ou des cases de la larguer de la page, des petites cases, ou quelques photographies en pleine page. En choisissant ce mode de narration essentiellement descriptif, l'autrice se confronte à la problématique du budget. Alors qu'en bande dessinée, l'artiste dispose d'un budget illimité pour les effets spéciaux et les décors (sous réserve du temps passé à les représenter), le roman-photo est tributaire soit des décors naturels, soit des décors de studio, mais ce n'est alors plus le même prix. L'artiste a pris le parti des décors naturels, et le lecteur peut apprécier au fil du récit leur diversité : ruelles, cage d'escalier, intérieurs d'appartement, café, voirie urbaine, autoroutes, paysages naturels, supermarché, calanque, port, salle de réunion. À l'opposé de longues pages en plan fixe dans 3 lieux sans âme, Amélie Laval donne à voir de nombreux environnements, très ordinaires pris séparément, constituant un décor élaboré et varié dans leur effet cumulatif. Le lecteur retrouve la même approche naturaliste et généreuse dans le casting. Au fil de ces 211 pages, il observe une cinquantaine d'individus différents, interprétés par autant d'acteurs. Amélie Laval n'a pas choisi d'en faire des modèles de beauté esthétique, préférant conserver une apparence normale. Là encore cette apparente banalité peut masquer la variété, ainsi que l'effet que cela produit. Le lecteur plonge en fait dans un monde quasi identique au sien, croisant des individus normaux, se conduisant de manière normale. Le registre narratif n'est pas celui du spectaculaire, mais un registre qui privilégie la narration et la cohérence interne. Le lecteur narquois peut n'y voir que la nécessité (budget contraint) qui fait loi, mais au fil des pages il s'impose une impression globale de choix narratif en phase avec la nature du récit. Les expressions des visages sonnent juste, ainsi que les postures des acteurs. Qui plus est, les mouvements lors des affrontements physiques apparaissent réels, à l'opposé d'une exagération spectaculaire, évitant l'écueil de tomber dans le ridicule. Le lecteur voit les personnages évoluer comme s'il s'agissait d'individus croisés dans la rue, dans une représentation de la réalité très proche de la sienne. La narration neutralise ainsi le risque de la moquerie ou de l'autodérision involontaire en optant pour un premier degré refusant les facilités pour enjoliver les apparences, tels que filtres photographiques, effets bon marché, ou retouches infographiques en post production. Du coup, l'intrusion des éléments d'anticipation (pour le coup réalisés avec des moyens limités) passe plus facilement, que ce soit les morts qui se transforment en mousse, ou ceux qui portent une combinaison intégrale en fausse fourrure. L'autrice n'essaye pas de faire passer ces éléments pour des effets spéciaux haute technologie. Elle ne cache pas au lecteur leur nature basique, lui laissant la possibilité de les prendre en l'état sans raillerie. Indépendamment de son goût pour le roman-photo ou pour la bande dessinée, le lecteur se laisse donc facilement entraîner dans cette narration visuelle, plutôt riche, utilisant des découpages de planche spécifiques à la BD, un peu déconcertante par la précision des photographies qui ne laissent pas de place à l'imagination comme le font les dessins. Le lecteur est tenté de prendre le temps de détailler chaque photographie pour y déceler des éléments signifiants, alors qu'il ne s'agit que de la densité d'informations visuelles propre à la photographie. La précision photographique laisse également moins de marge de manœuvre à l'autrice pour détourner la fonction première de l'objet qui est montré. Pourtant, Amélie Laval réussit quand même à induire des fonctions inhabituelles dans des objets de la vie de tous les jours : les surfaces vitrées ou les glaces qui servent d'écran, les berlingots en plastique qui contiennent des produits inusuels, une chipolata comme produit de contrebande vendu à la sauvette, du varech comme manifestation psychique d'une maladie, ou une innocente brosse à dents comme outil de pollinisation. À nouveau le traitement premier degré et précis de ces détournements d'objet ne tombe pas dans l'écueil de la moquerie suscitée par un manque de moyen financier, mais s'accompagne plutôt d'une sensation poétique ou surréaliste. S'étant habitué à cette narration visuelle naturaliste, le lecteur est d'autant plus surpris quand il découvre une case (enfin une photographie) ou une séquence en décalage avec sa réalité, comme par exemple le troupeau de moutons en pleine ville ou les algues sur le notaire. Dans un premier temps, le lecteur peut s'interroger sur la forte pagination de cette histoire, mais il constate rapidement que l'autrice a tiré profit de la richesse des lieux et de la variété des personnages, pour réaliser une quarantaine de planches sans texte, ni phylactère, laissant les images raconter l'histoire, offrant au lecteur la possibilité de gérer sa vitesse de lecture. Pour autant, le récit s'avère ambitieux et consistant. Il peut être lu au premier degré comme un thriller d'action, avec une enquête sur le sort de Serge Canac, le père de Ky Duyen Canac, mêlé à une sombre histoire d'intérêts financiers et de magouilles géopolitiques. Au fil des séquences, le lecteur voit également apparaître plusieurs thématiques : l'immigration, la séparation d'avec le père, l'écologie, la politique extérieure, une forme d'eugénisme. Dans le cadre d'un récit d'anticipation comme celui-ci, une partie des thèmes ne sert qu'à nourri le contexte du récit, mais une autre constitue un regard personnel de l'autrice sur des bouleversements sociétaux en devenir, ou sur des composantes de la société déjà en train de la transformer. Amélie Laval utilise bien le genre Anticipation comme un révélateur par processus de contraste, de certaines caractéristiques de la société contemporaine. En découvrant cet ouvrage, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il a peut-être été aiguillé par la référence qui y est faite par Jan Baetans dans La petite Bédéthèque des Savoirs - tome 26 - Le roman-photo (2018, avec Clémentine Mélois), tout en sachant par avance que son ambition littéraire ne saurait égaler celle de Droit de regards (1985) de Marie-Françoise Plissart, avec Benoît Peeters. Il perçoit vite la richesse de de la mise en images du récit, constatant qu'il s'agit d'une narration professionnelle avec un niveau d'exigence et de finition élevé de la part de l'auteur : que ce soit la qualité des photographies, le jeu des acteurs et la distribution, ou la variété des lieux. Il plonge dans un récit d'anticipation bien ficelé, mis en scène avec intelligence, portant un regard sur certains aspects de la société moderne, sous la forme d'une enquête mâtinée de thriller. Cette lecture se révèle à la fois atypique, exhalant des saveurs inusuelles, et un récit entraînant et intelligent.