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Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Saint Rose - À la recherche du dessin ultime
Saint Rose - À la recherche du dessin ultime

C’est un papou ! Son chef spirituel c’est la reine d’Angleterre ! - Ce tome contient un récit complet, indépendant de tout autre, présentant plus de saveurs pour un lecteur familier des récits d’aventure. Sa parution originale date de 2019. Il a été réalisé par Hughes Micol pour le scénario et les dessins, et par Isabelle Merlet pour les couleurs. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée. Une immense propriété au bord de la mer, avec un magnifique manoir, Hughes Micol pousse la grille de l’enceinte, et mache jusqu’à la porte d’entrée, où il sonne à la porte de l’immense battant. Motte Piquet lui ouvre : le bédéaste se présente, il a rendez-vous avec Santorin Saint Rose, Investigations & Péripéties. Le mousse le fait entrer, lui disant qu’il trouve que la BD c’est sympa, et il lui demande s’il fait les histoires ou les dessins. Tout en traversant un gigantesque hall décoré avec d’immenses plantes exotiques en pot, Hughes répond qu’il peut faire les deux, ou alors il lui arrive de collaborer avec un scénariste, parfois ce n’est ni l’un ni l’autre. Ils passent par un vestibule avec de nombreux objets en exposition et une multitude de tableaux accrochés. Hughes s’arrête devant un squelette exposé sur un cadre : le majordome lui explique qu’il s’agit d’un véritable poisson-chien péché dans le lac Okavongo par Santorin Saint Rose en personne. Puis l’invité remarque une grande botte sur un meuble bas : il comprend qu’il s’agit d’une véritable botte de sept lieues, et demande si elle fonctionne. Le guide répond qu’ils le sauront quand ils auront trouvé la deuxième. Enfin, ils pénètrent dans un salon où le maître de maison est en tenue d’escrimeur en train de s’entraîner contre une machine sophistiquée. Saint Rose porte la botte décisive, puis il retire son casque et souhaite la bienvenue à son hôte. Il note que Motte Piquet ne porte toujours pas de souliers. Puis il trouve qu’il fait soif, et il crie un grand : Comment ?! Son maître queux, un papou civilisé, apporte deux verres sur un plateau. Saint Rose demande à Hughes ce qu’il peut faire pour lui. Son invité explique : La nuit dernière, il était dans une boîte de nuit pour un extra payé par une marque de champagne. Une soirée privée sur le thème des impressionnistes. Il faisait le Van Gogh au milieu des fêtards. La nuit déjà bien avancée, il décidait de dessiner pour lui, plus personne ne faisant attention à lui. Et là, porté par la fatigue ? Le costume ? Miracle ! Un trait nouveau, une piste graphique pleine de promesses, bref, une épiphanie ! Euphorique, mais épuisé, il s’accordait une petite pause. À son retour, sa planche avait disparu et la boîte s’était vidée de ses derniers noceurs. Restait juste une plume sur son établi. Hughes la sort de la poche intérieure de son veston car il l’a encore avec lui. Il la montre à Motte Piquet, Saint Rose et Comment. Mais soudain il ressent une forte douleur au mollet gauche : il a été mordu par Poule ; Saint Rose intervient pour qu’elle le lâche. Un cochon anthropomorphe intervient pour indiquer qu’il s’agit d’une plume de Cigogne noire. Elle a été teinte avec un vert safran de chez Winsor et Newton. Saint Rose indique que la saison est bien avancée et que le volatile a dû migrer vers le sud. Il ajoute qu’ils doivent lever l’ancre, direction Macao. En route pour l’aventure… avec une mise en abîme. Le lecteur accompagne un groupe d’aventuriers à la recherche d’un trésor. Un dessinateur vient solliciter un individu chic et valeureux, dont l’occupation se dénomme Investigations & Péripéties. De fait, le lecteur identifie tous les marqueurs de ce genre littéraire Un héros courageux, parfois intrépide, beau et quelque peu ténébreux, sachant toujours comment se sortir de chaque situation, disposant de connaissances visiblement acquises par une longue expérience, inventif et imaginatif pour trouver des solutions quelle que soit la situation, habillé avec goût, inspirant la confiance aux membres de son équipe, sachant raconter des anecdotes pleines de péripéties merveilleuses et exotiques. Lesdits membres valent le déplacement par leur originalité. Motte Piquet, un mousse et majordome à la forte carrure, aux fières rouflaquettes, avec un léger embonpoint, se déplaçant pied nu. Comment, un papou tout à fait civilisé, son chef spirituel c’est la reine d’Angleterre ! Poule, une vraie poule, même pas anthropomorphe et qui ne parle pas, mais qui semble douée de conscience, puisqu’elle tient la barre du navire. Enfin un cochon anthropomorphe, Conchobhar O’Muc, compagnon d’aventure et grand ami de Saint Rose, fin lettré, malin comme un singe et fort comme un bœuf. L’aventure emmène cette troupe à Macao, puis à Los Angeles, et sur une île privée. La narration visuelle emmène également le lecteur dans l’aventure, en en reprenant les codes traditionnels. Le lecteur jouit du spectacle : le magnifique manoir en surplomb au-dessus de l’océan à la fin d’une large allée bordée de beaux arbres, la collection d’objets exotiques dans les différentes pièces, la traversée en mer, la vision en élévation du port de Macao avec ses casinos à l’architecture et l’ornementation chinoises, la course-poursuite dans le casino jusqu’en montant sur les tables, puis une course-poursuite sur les toits, une fuite dans les rues de Los Angeles en étant poursuivi par la police, jusqu’à l’assaut d’une île privée avec affrontement contre une armée privée. L’artiste impressionne le lecteur avec son sens de la mise en scène et son application pour les détails : les trouvailles sur les étagères d’exposition dans le manoir, l’aménagement de la cuisine à bord du bateau, les différentes espèces d’oiseau dans le casino, la vue du ciel de Los Angeles entre gratte-ciels au centre, quartiers denses à perte de vue, échangeurs labyrinthiques, le magnifique jardin de la résidence luxueuse de l’acteur célèbre, la tenue paramilitaire et l’armement des employés sur l’île privée. La metteuse en couleurs adopte un parti pris tranché avec une palette assombrie, tout en établissant des ambiances bien distinctes pour chaque environnement. Par exemple : une sensation crépusculaire et chaude pour le manoir de Saint Rose, une ambiance bleutée et nocturne pour la première traversée en bateau, des tons jaune, rouge et vert pour Macao entre l’environnement aqueux et les éclairages artificiels, on encore des couleurs plus claires pour la journée à Los Angeles, etc. Dans le même temps, ce parti pris de couleurs tranche avec les habitudes des bandes dessinée d’aventure, généralement dans des tons plus clairs, plus réalistes tout en étant plus lumineux. Il en va de même pour les dessins : leur registre n’est pas celui de la ligne claire, avec des traits de contour et de texture plus épais et plus denses, une approche plus tactile de la représentation, des expressions de visage moins épurées tout en pouvant aller vers l’exagération des émotions, des variations de registre à dessein (par exemple les vagues de la mer démontée en page onze, ou un dessin plus comics pour représenter Captain America en pages trente et trente-et-un). Globalement le registre graphique évoque plus une bande dessinée réaliste qu’une bande dessinée tout public. Dès la première page, le lecteur comprend d’ailleurs que ce récit comprend plusieurs niveaux de lecture : l’auteur se met en scène créant ainsi une mise en abîme. Il est à la recherche d’un de ses propres dessins qui revêt une importance cruciale pour lui. Devenu un personnage de bande dessinée, il utilise des conventions du récit d’aventure, qu’il enrichit ou qu’il détourne, qu’il rapproche entre elles. En fonction de sa culture et de sa sensibilité, le lecteur peut en identifier certaines sans peine : le héros tourmenté par un traumatisme originel (Saint Rose utilisant l’aventure comme un baume pour apaiser le traumatisme du décès de son épouse), l’intervention de Captain America, la recherche d’un volatile (pouvant faire penser à un volatile d’une autre nature comme le Faucon Maltais), etc. Le récit constitue une aventure en bonne et due forme, un hommage sincère et respectueux du genre, tout en présentant d’autres facettes. Le lecteur peut relever quelques criques ponctuelles comme le comportement de Basile de Hûre plein aux as qui estime que le monde lui appartient, ou des voleurs déguisés en Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre qui expliquent leur choix (ils cultivent cette ressemblance dans un effort de réappropriation de leur corpus en adéquation avec un substrat synchronique dans un dessin post-moderniste. Ce que Sartre résume en Gloire & Pognon), ou encore un groupe de jeunes femmes prisonnières et blasées dont le premier réflexe est de faire un selfie lors de l’attaque armée de l’île, etc. Arrivé à la fin, le lecteur se rend compte que pour un peu, il en aurait oublié le personnage central du récit, celui qui fournit la dynamique de l’intrigue, à la recherche du dessin ultime, l’auteur lui-même ou son avatar. Celui-ci établit qu’il sait réaliser un récit d’aventure haut en couleurs, et dans le même temps sa vie apparaît bien plus prosaïque que celle de ses personnages, et même terne. Ainsi lors d’un repas à bord du bateau entre lui et l’équipe de Saint Rose, chacun évoque des souvenirs d’aventures et Micol se lance : Angoulême n’est pas une ville très glamour certes, mais un soir pendant le festival Killofer monte sur une tale et… Conchobhar O’Muc l’interrompt évoquer la jungle du Costa Rica où ils avaient partagé le campement des botanistes suédoises, ça c’était glamour. Le quotidien s’avère incapable de se mesurer à la séduction et au charme de l’imaginaire. La conclusion de l’aventure s’avère encore plus critique quand Hughes porte un jugement sur la qualité de son dessin retrouvé. Dans le même temps, Hughes se livre à une profession de foi quant à son métier en deux phrases concises et éclairantes. Une couverture qui promet une aventure exotique et haute en couleurs : un récit qui tient ces promesses, emmenant le lecteur dans des endroits spectaculaires, avec des péripéties classiques et surprenantes. L’investissement de l’artiste de la metteuse en couleurs donnent à voir ces tribulations au premier degré. En arrière-plan, l’histoire charrie également des réflexions sociales, et une mise en scène de la tâche sans cesse renouvelée de créer de nouveaux dessins, un métier dont le plaisir se trouve dans le fait de continuer à chercher à réaliser le dessin ultime.

15/01/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Envahisseur
L'Envahisseur

Très très bel album. Avec comme cadre temporel la crise sanitaire du Covid, Jose Antonio Pérez Ledo nous conte l'histoire d'Omar, un jeune réfugié originaire du Maroc, qui es mis à la porte du foyer où il était hébergé le jour de ses 18ans. Il galère quelques temps, avant de trouver une activité, puis un abri providentiel, jusqu'au jour où Vicente, son bienfaiteur, fait un malaise dû au coronavirus... deux mondes, deux modes de vie se rencontrent, avec carol qui elle choisit de s'isoler, et évite de rendre visite à son père pendant cette période si particulière... Tout en délicatesse, le scénariste nous fait d'abord suivre Carol, puis Omar, une fois qu'ils se sont rencontrés. C'est très finement amené, il y a de nombreuses plages de silence qui nous permettent de saisir la sidération, l'émerveillement ou juste la compassion dans les regards et les attitudes d'Omar, de Carole et de son père. Le contexte est dramatique (aujourd'hui encore, cinq ans après le début de la pandémie, on ignore le nombre exact de victimes au niveau mondial), mais nous faisons la rencontre de personnes ordinaires, isolées et bienveillantes. L'amitié et la solidarité vont sauver, quelque part, la vie de ces deux jeunes gens. Aucun misérabilisme, aucune fatalité, et même les agents de la guardia civil, qui doivent effectuer la tâche ingrate de contrôler toute personne trainant dehors pendant le confinement, n'est pas montrée comme une force de coercition. Ces nuances donnent à ce one shot une qualité rare, mais certaine. Alex Orbe est le talentueux dessinateur, qui a d'ailleurs déjà travaille avec Pérez Ledo. Dans une ligne claire bicolore et des cases pleines de vie, il propose une impression visuelle quasi parfaite de cette histoire ordinaire.

15/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Goupil ou face
Goupil ou face

Je découvre seulement (enfin) cet album et c’est toujours vachement bien. On ne présente plus Lou Lubie, je trouve son travail tout simplement formidable. Goupil ou face est l’œuvre qui la fait connaître, on retrouve déjà l’ADN de son style, du roman graphique autour d’un sujet précis qui déborde d’énergie. C’est drôle, instructif, super fluide et bien raconté … Bref n’en jetez plus, elle se met cette fois en scène avec beaucoup de courage et toujours autant de talent (l’idée du renard est géniale).

14/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Un sombre manteau
Un sombre manteau

Après Ce que le vent apporte, deuxième album que je lis de cet auteur (j’ai fait l’impasse sur sa période biographie) et je retrouve les mêmes qualités tout en ayant quelques réserves mineures. Mon ressenti tend vers le 3,5 mais j’arrondis de bon cœur au supérieur, tant ma lecture a été assez captivante. Même si le sujet est bien différent, je trouve cet album assez similaire à La Fleur au fusil, la couverture déjà mais surtout l’approche. On continue ainsi d’explorer la campagne profonde du XIXème siècle, après l’Italie place à l’Espagne et plus particulièrement la Catalogne montagnarde. Une époque et une localisation assez originale qui apporte beaucoup au charme de l’album, j’ai aimé me perdre dans ce petit microcosme entre rebouteuse et peuple « piégé » de leur village. Le récit ne fait pas preuve d’une originalité folle mais j’ai été happé par les ingrédients : historique/polar et fantastique. En plus la partie graphique suit, c’est d’une fluidité à toute épreuve, les couleurs bien que sombres m’ont paru très réussi et installent parfaitement l’ambiance, le trait me fait penser à du Pellejero (et j’aime bien Pellejero). Bref plutôt solide sur ce point, j’adore que l’on me raconte une histoire avec ce style (mais seulement historique, je tiquerai plus dans un autre genre). Mon seul reproche ira sur la partie fantastique, si elle m’a tenu durant tout l’aventure, ça s’écroule un peu vers la fin ou alors je n’ai peut être pas tout saisi ?! Les explications préalables étant assez rationnelles. Ça reste quand même un bon tome, une bonne pioche dans la collection, j’ai bien aimé mon voyage.

14/01/2025 (modifier)
Par Alexandre
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Mission in the apocalypse
Mission in the apocalypse

Super découverte. C'est un manga magnifique autant du point de vue du dessin que de l'histoire. L'ouvrage se distingue par sa qualité de réalisation plus que par son originalité. Il coche toutes les cases de ce que j'aime et attends d'un manga Post apocalypse. Cecidit c'est une narration très lente et avec peu d'action qui ne plairait peut-être pas à tout le monde. C'est un travail sur l'ambiance à travers la découverte d'un univers fait de villes en ruines et de monde détruit. Une recherche de sens qui joue sur les sentiments de gâchis, de nostalgie et de terreur. C'est une mise en évidence de la beauté de notre monde à travers la contemplation des ruines de la transformation que l'homme a infligé à notre planète.

14/01/2025 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série 1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta

On embarque ici pour un voyage sans retour, à bord du Jakarta, navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. L’ambiance est lourde, le huis clos oppressant, et la tension entre les personnages monte dès les premiers instants. Dorison signe ici un scénario brut et sans concession, tiré d’un fait historique glaçant. La mécanique du pouvoir, les manipulations et la folie s’entrelacent pour peindre une véritable descente aux enfers. Ne connaissant pas l'histoire au préalable, je me suis renseigné a posteriori sur l'histoire du Batavia, qui sert ici de support. La récit est bien documenté, a priori assez fidèle à l'Histoire, même si je ne suis pas sûr que le décor du trône de Cornelius sur les îles soit vraiment documenté comme cela, mais qui en voudrait au scénariste ? Reste que l'on ne se perd pas dans le didactique. Au prix de quelques libertés historiques, on gagne en tension de scénario. L’intrigue avance avec un rythme implacable, où chaque décision semble nous rapprocher d’une inévitable catastrophe. J’ai particulièrement apprécié le personnage de Jéronimus Cornélius, particulièrement bien développé, et aussi terrifiant que crédible. C’est un récit où l’homme devient loup, dans un contexte où la survie écrase toute morale. Timothée Montaigne accompagne ce beau scénario par la précision et la puissance de son dessin. Ses scènes maritimes, les intérieurs du navire et les visages marqués des protagonistes finissent de nous immerger dans l'histoire. A grand scenariste, grand dessinateur. C’est une lecture qu’on ne traverse pas facilement. La violence, omniprésente, est parfois difficile à encaisser. Mais elle est essentielle au propos. On n’est pas là pour être conforté, et c’est aussi ce qui fait la force de cette BD. Alors oui, le scénario n'est pas tendre (mais l'histoire originelle non plus) et l’horreur est là, mais j'en viens à me demander si elle n'aurait pu être encore plus viscérale. Peut-être que le choix d’un diptyque limite le temps passé à approfondir certains personnages ou à explorer davantage les dilemmes moraux. Quand on a autant de qualité au dessin et au scénario, on devient pointilleux. Pour ma part, j’ai ressenti une petite frustration : la mécanique narrative, très bien huilée, manque par moments d’un souffle plus humain. Tout est maîtrisé, peut-être trop. Mais c'est la critique que l'on peut faire à une BD de grande classe, bravo Mrs Dorison et Montaigne !

14/01/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Blue Flag
Blue Flag

Blue Flag s'entame comme un manga romantique banal avec une jeune fille timide qui demande l'aide du héros pour séduire un autre garçon et on imagine que ce rapprochement va en réalité entrainer une histoire d'amour entre les deux premiers. Mais on aurait bien tort de penser que l'intrigue de cette série est aussi basique. Un gros indice en fin de premier tome laisse déjà penser qu'il y a anguille sous roche, et malgré une semi révélation au second tome, le doute persiste encore longtemps. Et pendant tout ce temps là, l'intrigue ne se laisse jamais deviner, avec de nombreux développements denses et très humains. C'est une belle histoire d'amitié et d'amour centrée autour de trois voire quatre protagonistes en fin de lycée, auprès desquels quelques personnages secondaires viennent se rajouter, prenant plus ou moins d'importance au fil des chapitres. Le ton de l'auteur est très juste, mêlant subtilement humour et émotion, légèreté et gravité, avec des personnages crédibles auquel on s'attache facilement. On retrouve bien évidemment quelques classiques des histoires lycéennes en manga, avec compétitions sportives et autres festivals, ainsi que certaines interrogations sur le futur de ces étudiants et la probabilité qu'ils se retrouvent séparés par la suite. Mais c'est avant tout la relation entre eux qui importe avec une certaine intemporalité. Les émotions qu'ils dégagent sont multiples, valorisant l'amitié sans qu'on arrive toujours à percevoir s'il y a plus que ça entre certains d'entre eux. Le récit est très mature, bien rythmé, varié et prenant, sans parler de l'excellent dessin. Le lecteur se demande sincèrement comment les choses vont se terminer et à ce sujet là la conclusion de la série a de quoi surprendre et fortement toucher. Seul regret, on aurait aimé en savoir plus sur le futur des protagonistes et ce qu'ils deviennent tous après le mot fin.

14/01/2025 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5
Couverture de la série Les Navigateurs
Les Navigateurs

Le scénario a de l’ambition, avec cette manière propre à Serge Lehman de tisser une toile entre le fantastique et la réalité. J'avais particulièrement apprécié L'Homme gribouillé, et comme souvent dans ces cas, je remonte le filon. On sent le poids des références littéraires et artistiques, notamment dans cette exploration de la peinture symboliste du XIXe. Les idées sont fortes : une fresque cachée, des Navigateurs aux origines mystérieuses, et une dimension parallèle. Un scénario riche et prometteur. Le dessin, signé Stéphane de Caneva, ne m’a par contre pas convaincu plus que ça. Le noir et blanc, qui aurait pu intensifier l’atmosphère, manque de contraste à mes yeux, rendant certaines pages presque ternes. Il y a aussi quelque chose qui m'a un peu gêné dans le traitement des personnages et leurs expressions. Comme dans pas mal de comics américains, les expressions propres à chaque personnes sont assez lissées et j'en arrive à confondre les personnages comme Sébastien et Max lorsqu’il a les cheveux devenus blancs. Je chipote un peu mais quand on a un scénario de cette qualité je monte aussi la barre sur le dessin. Le récit, lui, démarre bien, avec cette plongée dans un Paris étrange. L’intrication entre réalité et fantastique fonctionne très bien, même si ce n'est pas un concept très novateur, il est tellement bien travaillé et structuré avec de belles références que l'ensemble tient vraiment bien. Il y a un vrai travail de recherche pour bâtir un scénario solide et cohérent. Peut être la même frustration que grogro quand même, je trouve que le basculement vers l’univers parallèle arrive un peu tard. On entrevoit à peine ce fameux “monde de la mer” avant que tout s’achève. J’aurais aimé qu’on s’y attarde davantage, qu’on prenne le temps d’explorer cet ailleurs. Et puis, il y a les personnages. Lehman cherche à leur donner de la profondeur, mais certains aspects m’ont paru maladroits. Les personnages sont quand même un peu caricaturaux et leurs réactions face aux événements fantastiques manquent de crédibilité. En somme, Les Navigateurs a de belles idées et un univers intrigant, mais ce n'est pas la claque que j'espérais. J'hésitais entre le 3 et le 4 mais vais quand même basculer sur le 4 pour la richesse du travail autour du scénario qui lui permet quand même de sortir du lot.

14/01/2025 (modifier)
Par PatrikGC
Note: 4/5
Couverture de la série Abenobashi - Magical shopping street
Abenobashi - Magical shopping street

C'est amusant, ça bouge dans tous les sens, c'est rempli de références dans tous les sens (qu'on ne comprend pas toujours), mais il faut éviter de tout lire d'un seul coup, sinon on se lasse très vite. Le graphisme est largement correct, avec parfois des facilités. Néanmoins, on sent l'œuvre de commande pour offrir rapidement une version papier aux fans de l'anime. Je reconnais que le dessinateur a fait du travail correct, surtout quand on connait les délais. Ce n'est pas au Japon qu'on attend entre 5 à 10 ans après une suite (mais il y a quelques rares exceptions). Les amateurs de gros nénés (mention spéciale à une protagoniste) vont y trouver leur compte. Quant au scénario, il est assez bordélique, cherchant souvent à accumuler les clins d'œil. Il y a bien une double trame, mais elle est assez vague. On se doute bien de ce qui va arriver à nos 2 principaux protagonistes, mais parfois, on trouve le chemin un peu long. Donc, bis repetita, lire cet opus par petits morceaux. Je tique un peu sur l'âge de certains personnages, mais bon, c'est typiquement japonais... La traduction français a souvent réussi à trouver des jeux de mots qui remplacent ceux qui existaient sans doute en japonais, à moins que ce ne soit un ajout pour le fun, ça se peut. Les doubleurs du Club Do n'hésitaient pas à abonder dans ce sens. Je ne connais pas l'anime, mais en général, je préfère la vrs papier que je peux lire à ma guise, sachant que j'ai l'impression de "subir" quand je regarde un DA. C'est un propos qui n'engage que moi. Un manga qui ne s'étale pas sur 36 volumes, de la pure détente assez barrée. La fin est finalement un peu plate. Les bonus sont effectivement un petit plus. Nota : j'ai hésité entre *** et ****, j'ai préféré arrondir au supérieur. C'est un manga que j'ai déjà relu et que je relierai plusieurs fois pour mieux comprendre les clins d'œil.

14/01/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Renoir
Renoir

Elle était un modèle d’exception. Oui, elle posait comme un ange… - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, une histoire autour du peintre Auguste Renoir (1841-1919). Son édition originale date de 2016 ; il fait partie de la collection Les grands peintres. Il a été réalisé par Dodo (Marie-Dominique Nicolli) pour le scénario, et par Ben Radis (Rémi Bernardi) pour les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. À la fin se trouve un dossier de six pages, rédigé par Dimitri Joannidès, intitulé Peintre de la joie de vivre, composé de sept parties intitulées : De la porcelaine aux Beaux-Arts, Aux origines de l’impressionnisme, Une si douce période aigre, Une maturité contrariée, Danse à la campagne, Durand-Ruel un soutien indéfectible, La solitude et la mort. Pendant l’hiver 1893, Auguste Renoir et Paul Durand-Ruel chemine dans Paris en devisant. Le peintre explique qu’il s’en souviendra de cet hiver, car avec ce froid ses rhumatismes lui paralysent les mains et l’empêchent de travailler alors qu’il aimerait tant finir au plus vite cette toile que son interlocuteur attend. Son commanditaire le rassure : maintenant que Renoir est enfin reconnu, tout sera plus facile. Son ami le remercie car c’est grâce au marchand d’art qu’il jouit maintenant d’une renommée. Durand-Ruel ajoute que c’est aussi grâce à l’intervention de Stéphane Mallarmé que l’État lui a acheté Les jeunes filles au piano. Ils sont arrivés à leur destination : le restaurant Le chat noir. Ils vont s’installer à une table pour déguster quelques verres. Le marchand d’art estime que chacun devrait pouvoir vivre de son art. Il prend comme exemple le pianiste en train de jouer, obligé d’accompagner des chansonniers, alors qu’il est un compositeur talentueux. Il ajoute qu’au fond il doit être un peu comme Renoir, sans doute trop en avance sur son temps. Avec l’accord de Renoir, Durand-Ruel invite le pianiste à leur table, et il présente ainsi Erik Satie au peintre. Ils parlent peinture et modèle. Satie explique que la femme qu’il vient de rencontrer lui inspire tant de nouvelles choses. Au point qu’il lui ait fait sa demande en mariage au lendemain de la première nuit. Il ajoute que Renoir la connaît car elle a souvent posé pour lui, elle a même été sa muse. Renoir se prête au jeu et devine son identité : Marie-Clémentine Valade, qu’Erik Satie rectifie car elle s’appelle maintenant Suzanne Valadon. Le galeriste ajoute également la terrible Maria comme nom, c’est Toulouse-Lautrec qui s’était entiché d’elle et l’avait surnommée ainsi. Il ajoute que Degas a dit qu’elle avait un bath coup de crayon et qu’elle usait fort habilement des pastels. Il se tourne vers Renoir et lui suggère de se souvenir, c’était il y a dix ans. Le peintre ne se fait pas prier : il ne savait plus où il en était, il lui semblait qu’il était arrivé au bout de l’impressionnisme. Il a passé tout l’hiver 82 à parcourir l’Italie. Il avait même poussé jusqu’à Palerme pour faire ce portrait de Wagner. Un odieux personnage ! Le compositeur lui avait laissé une demi-heure pour le peindre et il avait détesté le résultat ! Il trouvait qu’il ressemblait à un pasteur protestant ! S’il a déjà lu d’autres albums de cette série sur les grands peintres, le lecteur entame cette histoire, curieux de découvrir quelle approche auront choisie les auteurs. La narration se déroule suivant deux lignes temporelles : la rencontre au café Le Chat Noir en 1893, et une autre qui suit partiellement la carrière du grand maître à partir de 1882. Lors d’une rencontre fortuite au temps présent du récit, le galeriste Paul Durand-Ruel (1831-1922) présente Erik Satie (1866-1925) à Auguste Renoir : ils comprennent que le pianiste est tombé amoureux de celle qui fut le modèle, la muse et l’amante du peintre, Suzanne Valadon (1865-1938), aussi appelée Maria, Marie-Clémentine Valadon. Au fil du récit, le lecteur rencontre également la couturière et modèle Aline Charigot (1859-1915). Dans les différentes discussions, sont évoqués d’autres peintres : Claude Monet (1840-1926), Puvis de Chavanne (1824-1898), Berthe Morisot (1841-1895), Gustave Caillebotte (1848-1894), et bien sûr le mouvement impressionniste. Auguste Renoir constitue bien le personnage principal : il est présent dans chaque page, et dans un peu plus de 90% des cases. Il apparaît éminemment sympathique dans la manière dont il est représenté. Les dates permettent d’établir qu’il a quarante-deux ans dans la ligne temporelle qui suit sa carrière. Il porte un costume noir avec une cravate, et un gilet dont la couleur change en fonction des moments. Il arbore un visage calme et détendu, curieux, posé, peu souriant, sans trop de rides. Les auteurs racontent leur histoire avec la connaissance préalable que Renoir est déjà un peintre conscient de sa vocation qu’il assume, avec également en tête la postérité du peintre. Il vit dans le quartier de Montmartre, connaît les peintres de son époque évoluant dans la capitale. Il maîtrise déjà les techniques de peintre, et il a déjà fait des choix quant à ses sujets. Il est plus âgé que les autres. Il rencontre Erik Satie à qui il est lié par une de ses anciennes muses, ainsi que par cette vocation irrépressible de créateur. La ligne temporelle de 1893 se déroule dans le café, attablé du début jusqu’à la fin, le galeriste quittant les deux nouveaux amis en page vingt-deux ; ladite ligne compte dix pages en cumulé. Les auteurs ont fait en sorte que cette situation statique présente de nombreux intérêts visuels. La toute première planche correspond à une vue en extérieur, alors que le peintre et son bienfaiteur arrive à l’établissement : la façade suscite la curiosité du lecteur avec sa sculpture de chat noir auréolé des rayons d’un astre, les deux lanternes de part et d’autre de la porte d’entrée, ainsi que le portier en habit militaire d’un autre siècle, tenant une pique à la main, un accès avec du caractère. Au fil de la conversation, le dessinateur représente régulièrement les arrière-plans ce qui laisse le loisir de voir les solides chaises en bois, ainsi que les tables rondes un peu étroites, tout aussi rustiques. Puis de case en case, il montre les cadres de la décoration murale, quelques tentures, quelques sculptures, les entrecroisements métalliques autour des vitrages, les boiseries et les moulures au plafond, l’affiche du Chat Noir, le manteau de cheminée, etc. Le lecteur prend grand plaisir à s’assoir à table avec les trois messieurs : l’artiste leur donne une mine affable, ils s’écoutent avec politesse et une certaine forme de bienveillance, alliant une posture compassée et un réel intérêt pour l’interlocuteur. Ils apparaissent très à l’aise dans cet exercice social, un parfait équilibre entre une retenue polie et une implication sincère par une écoute active. Ils dégustent lentement leur verre de vin rouge. Le lecteur en profite également pour regarder les autres clients, attablés ou qui vont et viennent. Il est sous le charme de leur singularité, de leur expressivité : un monsieur avec son haut-de-forme et un nez un peu gros s’apprêtant à prendre place, une femme attablée avec un début de double menton, une robe ouvragée, un bibi décoré de fleurs, des gants, avec un verre d’absinthe devant elle, un monsieur dans un chaud manteau avec un revers de fourrure et également une absinthe, un serveur diligent avec son plateau sous le bras, son torchon sur le coude, légèrement voûté, un autre monsieur avec de fines moustaches recourbées s’apprêtant à fumer une cigarette, les passants dans la rue. Les passerelles avec le passé se font tout naturellement, ne serait-ce que par une autre scène dans un café, celui de la Nouvelle Athènes, quand Auguste Renoir plus jeune de dix ans y emmène Suzanne Valadon pour prendre un verre avec Claude Monet. Au-delà de cette occurrence, le lecteur suit avec plaisir le grand peintre admirant le plafond de la Villa Farnesina, puis une séance de peinture en plein air avec Paul Cézanne (1839-1906) aux environs de l’Estaque, un tour dans le quartier de Montmartre pour acheter un repas et voir le voisinage changer alors que le chantier de la basilique du Sacré Cœur avance, un rendez-vous chez la couturière pour trouver une robe adaptée à la toile qu’il réalise, une première séance de pose avec Marie-Clémentine en page vingt-quatre, etc. Les dessins sont toujours aussi agréables à l’œil : des personnages pleins de caractère avec un fond de bonhommie même quand ils se montrent désagréables, et des environnements consistants et détaillés. Le lecteur suit avec plaisir le peintre dans ses hésitations, son travail peu gratifiant, sa recherche du bon modèle, mû par un véritable amour pour son art, qui ne lui laisse pas le loisir de développer une relation suivie avec une femme. En trame de fond se lit le cheminement et la ténacité pour réaliser Danse à la campagne, une des toiles les plus emblématiques de Renoir, comme l’écrit Dimitri Joannidès dans le dossier de fin. Mais quand même… Au cours du récit, le lecteur ressent qu’un autre personnage s’impose, d’abord en filigrane, puis comme un solide second rôle, puis… Ainsi, en 1893, la discussion prend vite comme sujet principal l’une des muses du peintre, dès la troisième planche. Puis il est à nouveau question d’elle en page onze, avec le retour au fil temporel de 1893, puis chez la coutière en 1883, dans l’atelier du peintre, et elle apparaît enfin en page vingt-et-un. Il s’agit alors de mademoiselle Valade. En page vingt-six, le modèle et le peintre ont une relation sexuelle. En page trente-deux, sous l’emprise de l’alcool (absinthe), elle tourne en dérision l’idée de consacrer une série de peintures à un même sujet, ce qui par réaction crée une forte conviction chez Claude Monet avec le résultat que l’on sait. La dernière page de bande dessinée évoque que Suzanne Valadon va peindre sa première toile. Finalement, elle occupe, en creux, une place aussi importante qu’Auguste Renoir, comme si les auteurs avaient voulu lui consacrer un tome de la série, mais n’avaient pu parler d’elle qu’au travers d’un peintre jouissant d’une plus grande postérité. Quelque chose dans les dessins de l’artiste donne une sensation à la fois très agréable à la lecture, à la fois peut-être un peu désinvolte au premier regard, par rapport à la place qu’occupe le peintre dans l’histoire de la peinture. Pour autant, le récit est facile à suivre, un vrai roman sans le côté académique ou encyclopédique de certaines BD consacrées à un personnage historique. Le dispositif de deux fils narratifs entremêlés à dix ans d’écart engendre une prise de recul signifiante. Sans en avoir l’air, les dessins font preuve d’une grande consistance descriptive et d’une sollicitude touchante pour les personnages. Le lecteur comprend bien l’importance que revêt la toile Danse à la campagne (1883) pour Renoir, même si les auteurs n’abordent ni l’aspect technique de sa réalisation, ni les innovations qui en font sa renommée. En creux se dessine le portrait d’une autre peintre, beaucoup plus subversive dans sa vie.

14/01/2025 (modifier)