J'ai beaucoup aimé la lecture de ce diptyque. J'ai même été pris par l'élan épique du tome 2. Je reconnais que le scénario possède un fondement très classique. Une lutte autour de la succession pour le trône axée sur un exil puis la reconquête est une proposition très visitée. Même le questionnement sur la légitimité d'un pouvoir qui rend fou n'est pas neuf. Pourtant j'ai trouvé la progression de la narration très bien construite. Le tome 1 prend le temps d'affirmer la complexité de la personnalité des intervenants. Ainsi le héros Tranked est pourtant le garant de la légitimité de l'ordre établi ou la relation Bertil-Tilda qui ne peut se développer à cause de cet ordre social. Les auteurs nous guident vers le but en côtoyant une utopique communauté "sans homme ni Seigneur". Abigaelle a pu ainsi résoudre le problématique "La nature a donné même forme…"" du parchemin de l'Age d'or mais ce faisant nous ne sommes plus dans la nature. Hellier lui suit une autre voie qui légitimise sa violence. C'est tout l'art du tome 2 de montrer l'impasse des discours de violence. L'ellipse temporelle se justifie ainsi en montrant la lenteur de l'évolution des esprits. Moreil et Pedrosa donnent alors une connotation hugolienne et christique à leur récit. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est le personnage le plus humble ,mais qui sait lire, qui est capable de déchiffrer de comprendre et se réchauffer sans se brûler auprès du livre. "Bienheureux les cœurs purs, ils verront le royaume" pourrait résumer ce tome2 tout en notant que le programme que propose les premières pages du texte de l'Age d'or est très proche de celui suivi par les premières communautés chrétiennes.
J'ai donc trouvé beaucoup de sens à ce récit mais ce serait incomplet sans une narration visuelle de première ordre. Personnellement c'est le graphisme le plus abouti que j'ai pu lire de la part de Pedrosa. Du début à la fin il reste dans son thème. Les scènes de batailles me rappellent les illustrations anciennes étudiées dans les livres d'histoire du Moyen-Age ou à travers les peintures d'époque. Mais Pedrosa ne joue pas simplement à l'excellent copiste il ajoute sa touche d'originalité dans la construction avec des personnages se déplaçant sur la planche. La mise en couleur très travaillée est du même niveau.
Une excellente lecture à mon avis très sous-évaluée.
Un monstre, par Richard Corben
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Ce tome contient les quatre épisodes de la minisérie du même nom, parus en 2001. Le scénario est de Brian Azzarello et les illustrations de Richard Corben. Il s'agit d'un récit indépendant de la continuité du personnage. Il suffit de savoir que Bruce Banner a été exposé à des rayons suite à l'explosion d'une bombe à rayon gamma, et que depuis il se transforme en gros monstre vert chaque fois qu'il s'énerve.
Quelque part dans une petite ville du Nouveau Mexique, Hulk est déchaîné, dans une rage folle. Il casse tout ce qui est à portée de main, à commencer par les habitations. Le nombre de victimes civiles augmente rapidement au fur et à mesure de la destruction réalisée à grands coups de poing. Après coup, un détachement de l'armée arrive sur place avec à sa tête le docteur Leonard Skivorski, un autre produit des radiations gamma plus connu sous le sobriquet de Doc Samson. Il s'arrange avec le général commandant les troupes pour fabriquer une explication à base de tornade, afin de masquer les agissements de Hulk. La mission de Samson est de capturer Hulk dans les 48 heures. Pendant ce temps là, Bruce Banner reprend conscience parmi les décombres, constate l'étendue des destructions occasionnées par Hulk, et propose son aide aux services de secours. Lui aussi souhaite mettre un terme à la menace qu'est Hulk. Il dérobe un pistolet pour pouvoir mettre fin à ses jours.
Dans la postface, Axel Alonso (le responsable en charge de cette minisérie) explique que l'objectif est de cette histoire est de déterminer comment Banner pourrait supporter la responsabilité des destructions engendrées par Hulk. Donc Brian Azzarello ne s'embarrasse pas de fioritures ; il fait dans l'efficace. Il faut une scène de destruction massive ; c'est la première du récit et là il n'y a pas d'invraisemblance bienvenue. L'accès de rage destructrice de Hulk occasionne des blessures (et peut être des morts) dans la population civile. Ensuite, Banner est contraint de constater par lui-même et, sans possibilité de détourner la tête, le coût en vies humaines. La suite reprend une trame classique des histoires de Hulk : Bruce Banner est traqué par l'armée, il fuit de petite ville en petite ville en essayant de ne pas attirer l'attention et il finit par se trouver dans une situation qui provoque la transformation redoutée. La confrontation est inéluctable. Ce qui est appréciable dans ce récit complet est qu'Azzarello peut aller jusqu'au bout de cette dynamique, sans avoir à se soucier de préserver un statu quo. Le lecteur a le droit à une résolution claire, nette et tranchée à la fin du récit.
En plus du plaisir d'assister à l'aboutissement de cette traque, à la résolution du danger que constitue l'existence de Hulk, il y a les affrontements homériques et le tout est dessiné par un vétéran des comics au style très affirmé : Richard Corben. Je suis un grand admirateur de cet illustrateur hors pair, au style à la fois réaliste et exagéré, à la démesure plausible depuis que je l'ai découvert dans les deux séries initiales de Den. Dès la première scène de destruction, il est évident qu'il s'est bien amusé à combiner une description réaliste des dégâts, avec une exagération second degré tout en ironie. Corben a l'art et la manière d'exagérer une musculature avec des veines saillantes au possible, pour conférer une présence incroyable à Hulk; Il y ajoute des expressions où l'émotion est exacerbée, et Hulk apparaît comme il devrait être : massif, incapable de toute maîtrise sur ses émotions, emporté par le tourbillon de sa colère comme un enfant sans aucune maîtrise. Après coup, le survol de la ville montre un quartier de la ville en ruine où les décombres noient le reste des murs. Lorsque Banner reprend conscience, il est confronté à la vision des soldats retirant un cadavre des décombres. Corben ne s'enfonce pas dans le gore, il montre juste le corps inerte et le visage incrusté de pierraille. Il n'a rien perdu de sa capacité à représenter les textures au point que le lecteur a l'impression de pouvoir tâter les fibres des vêtements.
Le deuxième épisode s'ouvre sur une scène dans le désert, et Corben transcrit admirablement sa désolation, ainsi que les formations rocheuse. Son exagération ironique imprègne ses représentations de Hulk en tant qu'enfant incontrôlable, mais aussi l'apparence et le langage corporel de Doc Samson. Ce dernier est irrésistible en individu à la force herculéenne, ce qui lui donne une assurance peu commune. Il en impose en stratège donnant des ordres pour l'exécution des manœuvres qui doivent permettre de terrasser le monstre. Corben a l'art et la manière de représenter l'impact des coups sur les corps, la brutalité des chocs du métal contre la chair (la tête de Hulk dans les pales d'un hélicoptère). Et il sait en une case créer des personnages aussi mémorables que singuliers (les deux frères mexicains dans la station service, aussi veules que dangereux).
Ces quatre épisodes forment une histoire courte et ramassée dans laquelle le lecteur retrouve les scènes attendues de destruction et de combats brutaux à base de coups de poing primaires. La nature du récit qui est déconnecté de la continuité permet à Azzarello de dépasser cette trame convenue pour offrir une résolution à la culpabilité insoutenable de Banner quant aux actions de Hulk. Le style si particulier de Corben permet de transformer chaque scène en une démonstration de force primaire et premier degré, tout en incluant une ironie second degré mordante. Cette recette simple a été préparée par des grands chefs, et le résultat se déguste et se savoure comme un met simple à la saveur inouïe.
L'enthousiasme de notre ami Agecanonix était tel que je ne pouvais pas passer à côté de cette bande dessinée ! Après avoir découvert le merveilleux film de 1932 récemment, je me suis donc lancé dans cette suite dessinée, et indéniablement, c'est du très, très bon boulot !
Faire revivre ce personnage détestable et fascinant n'était pas chose aisée, mais Sylvain Runberg a trouvé un excellent point de départ, permettant de renouveler les bases du scénario original tout en perpétuant l'univers dans la grande continuité de ce qu'instaurait le film de Pichel et Schoedsack. Cette idée d'opposer au général Zaroff une autre psychopathe permet de mettre en scène un nouveau duel où, cette fois, il devient difficile de déterminer qui, des deux adversaires, est la proie et qui est le chasseur.
Les personnage sont très bien dessinés, et surtout très nuancés, par leurs actes et leurs dialogues, joliment écrits. Ainsi, Zaroff se découvre une âme en étant obligé de sauver la famille de sa sœur, mais pour autant, il ne devient pas un "gentil". Cela reste un psychopathe, un chasseur qui aime le goût du sang, mais au fond duquel sommeille toutefois un homme loyal. Heureusement, le scénario nous offre donc également les personnages de la sœur du général russe et de ses enfants, auxquels on aura moins de scrupules à s'attacher qu'au personnage principal.
Le second tome, avec son intrigue plus axée "guerre, espionnage", tend peut-être un peu trop à faire de Zaroff un héros dont on questionne moins régulièrement les actions, sans parler du recours assez facile (quoique logique) aux nazis comme grands méchants inexcusables du récit. Toutefois, le scénario nous rappelle toujours, de manière ponctuelle mais prenante, les horreurs dont le comte est capable, notamment dans un cliffhanger particulièrement réussi.
Le récit est raconté sur un ton très réaliste, et prend le temps de développer chacune de ses péripéties, malgré quelques raccourcis narratifs vraiment pas méchants (genre la civière qui surgit de nulle part sans précision d'une quelconque ellipse temporelle ayant permis sa confection), un défaut qui sera quelque peu exacerbé dans le deuxième tome. Dans le premier tome, la crédibilité est donc bien de mise dans ce duel entre deux esprits tout aussi tordus l'un que l'autre, à la fois terrifiants et envoûtants. Dans le second tome, il manque peut-être à opposer à Zaroff un esprit aussi brillant que lui pour que le récit soit de la même qualité.
Dans tous les cas, le récit est parfaitement servi par le dessin de François Miville-Deschênes, d'une précision ahurissante et donc d'une beauté stupéfiante. Vraiment, chaque case est un pur plaisir à regarder. Je n'aime pas toujours quand le dessin est hyper-réaliste (à la Bergèse dans les Buck Danny de 2005-2006, par exemple), mais ici, Miville-Deschênes réussit à faire quelque chose de très fluide. Notamment, l'alchimie entre les personnages et les paysages (élément essentiel dans les histoires mettant en scène le comte Zaroff) est admirable, il n'y a pas le côté trop statique qu'on trouve souvent quand le dessin essaye d'être le plus réaliste possible. Ici, pas un trait en trop, l'équilibre est parfait ! Seul (très) léger reproche : il est peut-être un peu trop propre par rapport au ton du récit. Quand ça devient vraiment sanglant, on a parfois un petit peu de peine à ressentir l'impact d'une blessure ou d'un coup de griffe. Ou encore le visage blessé du général Zaroff est bien trop lisse par rapport à ce à quoi on aurait pu s'attendre. Mais bon, ça n'entame pas la qualité incroyable du dessin.
Ainsi, alors que le pari de reprendre la nouvelle initiale et le film de 1932 avec la même intensité semblait perdu d'avance, Runberg et Miville-Deschênes réussissent pourtant à créer un résultat à la hauteur des œuvres initiales. Rien n'est édulcoré, aucun élément de base n'est trahi, et la continuité est parfaitement entretenue jusqu'à des cliffhangers de grande qualité, qui résument parfaitement l'esprit de cette bande dessinée : ne rien trahir, trouver le juste équilibre.
Clairement, c'est une mission accomplie pour les deux auteurs !
Si le déroulé du scénario - une aventure développant la relation entre deux personnages et leurs lots de traumas - rappelle d'autres oeuvres, et si l'aventure n'est pas aussi dense que la taille de la BD pouvait l'espérer, le mélange de contexte historique et conte folklorique est original. Mais c'est surtout visuellement que la bd marque. Le mélange de techniques graphiques, le jeu de couleurs, la mise en page : tout claque l'oeil. Quand on sait que l'intégral a mis du temps à se boucler, ne boudons pas le plaisir : une bd qui mérite d'être plus soutenue, après une sortie plutôt confidentielle dans ma ville. Merci pour cette sortie !
Dans Alouette, Andréa Delcorte nous entraîne aux côtés d’une héroïne livrée à elle-même sur une île inconnue et inhospitalière. En quête de Pilou, elle doit affronter un environnement oppressant : une nature qui semble toxique, des créatures menaçantes, et surtout des visions troublantes. Peu à peu, des fragments de son passé resurgissent, entremêlant souvenirs douloureux et hallucinations.
À travers ce récit, l’auteur explore avec finesse la mémoire traumatique. Alouette, marquée par une enfance difficile et des épreuves brutales, se retrouve confrontée à ses propres démons dans un monde où la frontière entre illusion et réalité se fait de plus en plus floue. Comme elle, le lecteur avance en terrain incertain, pris dans un labyrinthe sensoriel jusqu’au dénouement.
Le dessin, sombre et immersif, accentue cette atmosphère suffocante, renforçant le sentiment de perte de repères. Alouette est une œuvre marquante, à la fois crue et poétique, qui nous happe jusqu’à la dernière page.
J'ai passé un très agréable moment de lecture avec cette série. Le fantastique et le thriller sont deux genres qui se marient bien comme le prouve le scénario de Lapière et Alibert. La narration est précise avec différents niveaux d'investigations qui s'imbriquent parfaitement. Entre les mystères du passé et ceux du présent la très attachante Rose doit faire preuve de beaucoup de pugnacité et de courage pour y voir clair. Elle est bien aidée par trois sympathiques fantômes. Dédoublement de personnalité, fantômes, sorcières du passé, j'ai tout d'abord cru que la série visait un public assez jeune mais certaines propositions s'adressent à un public plus averti.
Le graphisme de Valérie Vernay m'avait aussi orienté vers un lectorat assez jeune. Le trait est simple mais efficace, il rend bien dans les scènes d'intériorité de Rose. Grâce à son dessin l'autrice parvient parfaitement à nous faire passer d'une scène réaliste à une scène surnaturelle sans heurt.
Une lecture très plaisante pour un large public.
De la fantasy dans un décor qui présente un soupçon de post-apocalyptique, voilà qui est original et surtout très bien réalisé.
Tempérance est une jeune ogresse qui a été recueillie et élevée par une communauté de vieilles sorcières attachantes. Toutes se protègent de la Brume, un brouillard noir qui parait doté de volonté et a détruit la civilisation humaine il y a longtemps. Quand les sbires de celle-ci parviennent un jour à abattre leurs protections magiques (en fait, des courges), Tempérance est obligée de se rebiffer et de montrer qu'elle est capable de voir dans la Brume et de combattre ses créatures avec son... kung-fu.
Oui, il y a de l'humour dans cette BD, mais il s'intègre parfaitement bien et rien ne parait loufoque. On est dans de la bonne fantasy humaniste, avec surtout d'excellents personnages. Le discours est un peu féministe et écologique, avec une communauté de femmes qui voient les hommes comme une menace et prônent le retour à la Nature, mais il est discret et naturellement appuyé, ne présentant aucun pamphlet agaçant. Et surtout on s'en fiche tant chacune de ces femmes est attachante, amusante ou intéressante : ce sont les personnages et l'histoire qui comptent, pas un éventuel message caché derrière. Il y a une vraie intrigue, une vraie menace et deux vrais mystères : l'origine et les intentions de la Brume d'une part, et l'origine et les pouvoirs cachés de Tempérance. En outre, les assez rares éléments postapocalyptiques apportent une touche d'originalité dans ce qui aurait pu être une simple histoire de fantasy. Le tout est mis en scène avec le dessin très sympathique de Stéphane Fert, dont le style, les couleurs et les ambiances brumeuses sont parfaitement adaptées à l'histoire.
J'ai passé un excellent moment et j'ai hâte de lire la suite, avec un peu d'appréhension toutefois car la décision que prend Tempérance en fin de premier tome me laisse craindre une suite un peu plus convenue et moins attachante. Je croise les doigts pour me tromper.
Mais que fait la police des avis impatients ? En voilà un troisième alors que le tome deux n'est, dixit les deux auteurs, qu'en cours d'achèvement. En même temps impossible d'attendre vu la qualité tant du récit que du dessin.
Soyons clairs, mon avis ne sera pas objectif, un j'aime beaucoup le travail de Corentin Rouge et Caryl Ferey fait partie de mon top trois des auteurs de thrillers. C'est vous dire mon plaisir en apprenant que les deux seraient présents à Angoulême cette année. C'est ainsi qu'avec une joie de midinette j'ai pu échanger (au grand dam des gens pressés derrière moi) avec les auteurs.
Quelle histoire, surfant sur des thèmes très actuels, immigration, dérèglement climatique C.Ferey nous embarque dans un lieu peu exploré en bandes dessinées, l'Islande pays propice aux grands espaces plutôt magnifiques. Non ce scénariste n'est pas le frère de C.Bec, ici point de théories conspirationnistes, point de forces cosmiques ou que sais-je. Seulement un récit riche et dense qui tient en haleine de la première à la dernière case. Le dessin de C.Rouge n'est pas en reste dans un style expressif du meilleur goût, certaines planches sont absolument splendides et ne sont pas sans me rappeler le style de W.Vance.
Ai-je dit que je conseillais l'achat, non alors c'est fait et pour Yann135 pas de tome trois, l'an prochain Caryl Ferey part en immersion pour plusieurs mois aux Etats-Unis auprès de la nation Sioux partie intégrante de son prochain roman.
Par les dieux que c'est bien, que c'est beau. Comme certains de mes petits camarades dans les avis précédents, lorsque je vois une BD signée Jean Baptiste Andreae je ne réfléchis pas une seconde et fébrilement je prends le dit objet avec un mélange de joie contenue et de fébrilité, quand vais-je enfin pouvoir me poser pour lire la chose ?
Depuis MangeCoeur et Azimut je voue à Mr Andreae et à son dessin une sorte de culte. Richesse des décors, foisonnement des détails, à tel point que j'ai lu la BD deux fois de suite. La première pour découvrir et la deuxième pour me concentrer sur tous ces petits détails dont je parlais plus haut. Voilà quelqu'un qui sait ce que veut dire remplissage d'une case ; ce terme de remplissage pourrait paraitre péjoratif, mais pour moi il n'en est rien tant cela concourt à la magnificence du rendu final.
Pour ce qui est de l'histoire en elle même l'univers du conte ainsi présenté répond parfaitement aux critères du genre, un savant mélange de passages "qui font peur" : le hachoir géant et puis des plages d'une grande poésie.
Parfaite alchimie entre le merveilleux, le fantastique et la noirceur cet album ravira les grands comme les plus petits. Un seul regret j'aurais aimé que cela soit plus long. Encore une réussite.
Aussi frappadingue qu'irrésistible
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Ce tome contient une histoire complète qui nécessite une petite connaissance du personnage pour pouvoir en apprécier tous les détails. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2020, coécrits par Jimmy Palmiotti & Amanda Conner, dessinés et encrés par cette dernière, avec une mise en couleurs réalisée par Paul Mounts (épisode 1) puis par Alex Sinclair pour les épisodes 2 à 4. Conner a également réalisé les couvertures. Les couvertures variantes ont été réalisées par Derrick Chew (superbe dans le genre affiche pour film d'action dans une veine réaliste), Art Adams (imparable avec un dessin très comics), Ian MacDonald, Terry & Rachel Dodson. Il contient également une histoire courte de 8 pages, en noir, blanc et rouge, écrite par Palmiotti & Conner, et dessinée par Chad Hardin.
Sur une plage paradisiaque, Harley Quinn est en train de se dorer au soleil en dégustant une grappe de raisin, avec Pamela Isley, allongée à ses côtés, et Red Tool tenant la grappe de raisin. Ce dernier déclare qu'il a soif. Superman apparaît avec un plateau sur lequel se trouvent des rafraîchissements. Ayant accompli la volonté de Harley, il lui demande de dire où elles détiennent Jimmy Olsen. Harley va pour reprendre quelques grains sur la grappe, mais ils ont comme une odeur de fromage. Elle se réveille dans son petit immeuble de Coney Island, sur son lit, avec sept autres personnes, le pied de l'une d'elle étant sous sa narine. Elle se lève discrètement sans réveiller personne en tenant toujours Bernie son castor en peluche, dans ses bras. Elle monte sur le toit en terrasse pour profiter de l'air de la nuit. Elle voit la fumée d'un incendie au loin, et Power Girl passe la saluer avec des sacs de nourriture pour chat dans les bras. Harley se jette dans ses bras, lui demande ce qu'elle fait avec autant de nourriture pour chat dans les bras, et lui dit qu'elle a besoin d'une faveur. Elle souhaite que Kara lui fasse des diamants avec des morceaux de charbon pressurisés dans ses mains, parce qu'elle doit payer des créanciers, et qu'ainsi ça lui évitera de commettre des crimes pour disposer de l'argent. Sans surprise, Kara n'accède pas à sa demande.
En fait tout a commencé il y a quelques semaines quand Pamela et Harley passait des vacances en amoureuses sur une minuscule île avec un unique cocotier. Égale à elle-même, Harley avait fait exprès de ne pas jeter l'ancre du bateau pour qu'il soit emporté par l'océan, et qu'elles passent ainsi plus de temps toutes seules en amoureuses. Étrangement, Pamela l'avait mal pris, surtout en découvrant que son amante s'était goinfrée en dévorant toutes les maigres provisions. Cette situation avait été de courte durée, car Sy Borgman et Zena étaient venus les chercher en hélicoptère. De retour à New York, Pamela avait pris ses distances avec la fofolle. Pendant leur absence, le cabinet de prêts Defeo était venu réclamer ses traites et ses nervis avaient passé Big Tony à tabac pour bien montrer l'obligation de payer les traites en retard. Puis ils avaient mis le feu à l'hôtel, obligeant Harley à abriter tous ses amis qui y étaient logés. Kara ayant refusé, il ne reste plus à Harley qu'à aller rendre visite à Big Tony à l'hôpital, puis à mettre à exécution un plan devant lui rapporter beaucoup d'argent, de quoi éponger ses dettes.
En 2013, l'éditeur DC Comics lance une nouvelle série Harley Quinn en la confiant à Amanda Conner & Jimmy Palmiotti. En 2016, il relance sa ligne de comics dans une opération appelée Rebirth, et c'est à nouveau le même duo de coscénaristes qui écrit sa nouvelle série. Ensemble, ils ont coécrit une centaine d'épisodes avec ce personnage. Du coup, le lecteur régulier a déjà une petite idée de l'approche du personnage qu'il va trouver. Son intérêt augmente encore un peu en ayant conscience qu'Amanda Conner dessine elle-même cette histoire. Effectivement, il retrouve bien les éléments développés par le couple de créateurs dans la série mensuelle : son petit immeuble à Coney Island, la catapulte pour se rendre à Manhattan, Bernie son castor en peluche en fort mauvais état, le gang des Harley (Antonia Moore, Carlita Alvarez, Erica Zhang, Harvey Quinn, Shona Choudhury), Sy Borgman et Zena, sans oublier son gérant Big Tony, Egg-Fu, et sa relation avec Pamela Isley. S'il a lu les séries mensuelles, le lecteur éprouve la sensation de revenir à la maison, sinon il est possible qu'il s'interroge sur certains de ces éléments souvent très décalés et bizarres (par exemple la peluche à moitié brûlée qui converse avec Harley). Dans le premier cas, il se demande alors l'intérêt de publier cette histoire dans la branche Black Label. Au bout de quelques séquences, il ressent le fait que l'histoire se déroule de manière plus fluide, et que les auteurs peuvent mettre en scène la personnalité du personnage, sans filtre, sans avoir à se soucier du langage ou de la moralité de certaines actions. Elle apparaît beaucoup plus cohérente et consistante que dans la série mensuelle, sans effet de dilution.
Dans un premier temps, le lecteur peut se dire que les coscénaristes choisissent l'option de facilité pour Harley Quinn : jeune femme de moins de 30 ans, irresponsable, avec une compréhension de la réalité bien faussée, à la fois trop mignonne pour être vraie (avec ses petits chats, sa peluche, ses amies, ses élans du cœur) et trop criminelle pour pouvoir être laissée en liberté ou tolérée par les superhéros. En outre, l'artiste s'en donne à cœur joie pour les expressions de visage et les poses un peu théâtrales. Petit à petit, il devient difficile de résister à cette personne entière, avec des émotions honnêtes, des réactions de gamine, aussi bien quand elle montre son attachement émotionnel, que quand elle s'en prend physiquement à un ennemi. Ça donne lieu à des scènes totalement schizophréniques allant de Harley se jetant dans les bras de Kara l'expression d'un élan du cœur authentique, et quelques pages plus loin elle assassine un agresseur en lui enfonçant un crayon noir dans chaque oreille. Elle peut aussi bien être câlinée par Pamela que physiquement torturée par Joker qui entaille sa peau avec un couteau. Là non plus, la dessinatrice ne fait pas les choses à moitié et dose savamment ses dessins entre simplification comique et représentation réaliste, faisant que le lecteur ne puisse éprouver aucun doute sur le sadisme cruel de Joker pour son ancienne amante. Là aussi, le choix du Black Label fait sens pour pouvoir montrer franchement de tels actes, même sans tomber dans le gore, chose qui n'aurait pas été possible dans la série mensuelle, plus tout public.
Dans l'horizon d'attente du lecteur, figure également des situations loufoques et énormes, reflétant le comportement de l'héroïne. Il en a rapidement pour son content, car les coscénaristes se sont visiblement bien amusés à créer et à imaginer des événements improbables : un nervi mourant en tombant le crâne contre une batte de baseball hérissée de clous de charpentier, Renée Montoya qui aide Harley à attacher son soutien-gorge, Harley qui a fait exploser les toilettes, Alfred Pennyworth qui s'occupe de Bernie, Oswald Cobblepot qui se retrouve avec le caleçon sur les chevilles en faisant face à Batgirl, Huntress, Montoya, Red Tool et quelques autres, etc. Un peu plus marqué que dans la série mensuelle, Harley aime bien l'humour en dessous de la ceinture et l'humour scatologique : si le lecteur y est allergique, il ne tiendra pas bien longtemps dans ces épisodes. En particulier, elle aime bien les sous-entendus d'ordre sexuel avec Kara et Renée, et elle utilise souvent son castor avec un double sens, en anglais ce mot pouvant désigner le sexe féminin. Pour les lecteurs peu familiers du personnage, cet aspect de la personnalité de Harley fait sens, avec ses réactions régulières d'adolescente provocatrice.
L'entrain des auteurs est rapidement communicatif, et le lecteur ressent que Harley doit beaucoup au caractère d'Amanda qui peut ainsi laisser aller sa propre personnalité en profitant de la liberté que peu donner un tel personnage. Le lecteur est vite sous le charme innocent et malsain de Harley et il accepte facilement la structure du scénario dans lequel Harley Quinn va rencontrer fort opportunément plusieurs superhéroïnes en activité à Gotham. Il trouve plutôt élégant qu'elle ne se retrouve pas face à Batman, mais qu'elle puisse croiser le chemin de plusieurs personnages rattachés à sa mythologie. C'est légitime et logique car l'adversaire naturel de cette dame a les cheveux verts et aime bien porter des vêtements à dominante violet. Alors que les péripéties se succèdent rapidement, avec des dialogues apportant de la consistance aux personnages et aux événements sans devenir envahissants, cette jeune femme frappadingue acquiert une épaisseur psychologique inattendue, une partie de son comportement étant l'expression d'un syndrome de stress post traumatique, son passé de psychologue étant même évoqué avec pertinence.
Franchement, une histoire de Harley Quinn avec le sceau Black Label, réalisée par les auteurs de sa série mensuelle, il y a de quoi s'interroger sur le pourquoi. Rapidement à la lecture, l'intention apparaît : Amanda Conner & Jimmy Palmiotti bénéficient d'une plus grande liberté de ton et ils s'en servent pour aller plus loin dans la provocation pour étoffer leur personnage. Il est visible que les deux auteurs sont très investis dans le personnage et dans le récit, et c'est un régal de découvrir les planches soignées d'Amanda Conner, avec sa touche comique et fantasque inimitable.
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L'Âge d'or
J'ai beaucoup aimé la lecture de ce diptyque. J'ai même été pris par l'élan épique du tome 2. Je reconnais que le scénario possède un fondement très classique. Une lutte autour de la succession pour le trône axée sur un exil puis la reconquête est une proposition très visitée. Même le questionnement sur la légitimité d'un pouvoir qui rend fou n'est pas neuf. Pourtant j'ai trouvé la progression de la narration très bien construite. Le tome 1 prend le temps d'affirmer la complexité de la personnalité des intervenants. Ainsi le héros Tranked est pourtant le garant de la légitimité de l'ordre établi ou la relation Bertil-Tilda qui ne peut se développer à cause de cet ordre social. Les auteurs nous guident vers le but en côtoyant une utopique communauté "sans homme ni Seigneur". Abigaelle a pu ainsi résoudre le problématique "La nature a donné même forme…"" du parchemin de l'Age d'or mais ce faisant nous ne sommes plus dans la nature. Hellier lui suit une autre voie qui légitimise sa violence. C'est tout l'art du tome 2 de montrer l'impasse des discours de violence. L'ellipse temporelle se justifie ainsi en montrant la lenteur de l'évolution des esprits. Moreil et Pedrosa donnent alors une connotation hugolienne et christique à leur récit. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est le personnage le plus humble ,mais qui sait lire, qui est capable de déchiffrer de comprendre et se réchauffer sans se brûler auprès du livre. "Bienheureux les cœurs purs, ils verront le royaume" pourrait résumer ce tome2 tout en notant que le programme que propose les premières pages du texte de l'Age d'or est très proche de celui suivi par les premières communautés chrétiennes. J'ai donc trouvé beaucoup de sens à ce récit mais ce serait incomplet sans une narration visuelle de première ordre. Personnellement c'est le graphisme le plus abouti que j'ai pu lire de la part de Pedrosa. Du début à la fin il reste dans son thème. Les scènes de batailles me rappellent les illustrations anciennes étudiées dans les livres d'histoire du Moyen-Age ou à travers les peintures d'époque. Mais Pedrosa ne joue pas simplement à l'excellent copiste il ajoute sa touche d'originalité dans la construction avec des personnages se déplaçant sur la planche. La mise en couleur très travaillée est du même niveau. Une excellente lecture à mon avis très sous-évaluée.
Hulk - Banner
Un monstre, par Richard Corben - Ce tome contient les quatre épisodes de la minisérie du même nom, parus en 2001. Le scénario est de Brian Azzarello et les illustrations de Richard Corben. Il s'agit d'un récit indépendant de la continuité du personnage. Il suffit de savoir que Bruce Banner a été exposé à des rayons suite à l'explosion d'une bombe à rayon gamma, et que depuis il se transforme en gros monstre vert chaque fois qu'il s'énerve. Quelque part dans une petite ville du Nouveau Mexique, Hulk est déchaîné, dans une rage folle. Il casse tout ce qui est à portée de main, à commencer par les habitations. Le nombre de victimes civiles augmente rapidement au fur et à mesure de la destruction réalisée à grands coups de poing. Après coup, un détachement de l'armée arrive sur place avec à sa tête le docteur Leonard Skivorski, un autre produit des radiations gamma plus connu sous le sobriquet de Doc Samson. Il s'arrange avec le général commandant les troupes pour fabriquer une explication à base de tornade, afin de masquer les agissements de Hulk. La mission de Samson est de capturer Hulk dans les 48 heures. Pendant ce temps là, Bruce Banner reprend conscience parmi les décombres, constate l'étendue des destructions occasionnées par Hulk, et propose son aide aux services de secours. Lui aussi souhaite mettre un terme à la menace qu'est Hulk. Il dérobe un pistolet pour pouvoir mettre fin à ses jours. Dans la postface, Axel Alonso (le responsable en charge de cette minisérie) explique que l'objectif est de cette histoire est de déterminer comment Banner pourrait supporter la responsabilité des destructions engendrées par Hulk. Donc Brian Azzarello ne s'embarrasse pas de fioritures ; il fait dans l'efficace. Il faut une scène de destruction massive ; c'est la première du récit et là il n'y a pas d'invraisemblance bienvenue. L'accès de rage destructrice de Hulk occasionne des blessures (et peut être des morts) dans la population civile. Ensuite, Banner est contraint de constater par lui-même et, sans possibilité de détourner la tête, le coût en vies humaines. La suite reprend une trame classique des histoires de Hulk : Bruce Banner est traqué par l'armée, il fuit de petite ville en petite ville en essayant de ne pas attirer l'attention et il finit par se trouver dans une situation qui provoque la transformation redoutée. La confrontation est inéluctable. Ce qui est appréciable dans ce récit complet est qu'Azzarello peut aller jusqu'au bout de cette dynamique, sans avoir à se soucier de préserver un statu quo. Le lecteur a le droit à une résolution claire, nette et tranchée à la fin du récit. En plus du plaisir d'assister à l'aboutissement de cette traque, à la résolution du danger que constitue l'existence de Hulk, il y a les affrontements homériques et le tout est dessiné par un vétéran des comics au style très affirmé : Richard Corben. Je suis un grand admirateur de cet illustrateur hors pair, au style à la fois réaliste et exagéré, à la démesure plausible depuis que je l'ai découvert dans les deux séries initiales de Den. Dès la première scène de destruction, il est évident qu'il s'est bien amusé à combiner une description réaliste des dégâts, avec une exagération second degré tout en ironie. Corben a l'art et la manière d'exagérer une musculature avec des veines saillantes au possible, pour conférer une présence incroyable à Hulk; Il y ajoute des expressions où l'émotion est exacerbée, et Hulk apparaît comme il devrait être : massif, incapable de toute maîtrise sur ses émotions, emporté par le tourbillon de sa colère comme un enfant sans aucune maîtrise. Après coup, le survol de la ville montre un quartier de la ville en ruine où les décombres noient le reste des murs. Lorsque Banner reprend conscience, il est confronté à la vision des soldats retirant un cadavre des décombres. Corben ne s'enfonce pas dans le gore, il montre juste le corps inerte et le visage incrusté de pierraille. Il n'a rien perdu de sa capacité à représenter les textures au point que le lecteur a l'impression de pouvoir tâter les fibres des vêtements. Le deuxième épisode s'ouvre sur une scène dans le désert, et Corben transcrit admirablement sa désolation, ainsi que les formations rocheuse. Son exagération ironique imprègne ses représentations de Hulk en tant qu'enfant incontrôlable, mais aussi l'apparence et le langage corporel de Doc Samson. Ce dernier est irrésistible en individu à la force herculéenne, ce qui lui donne une assurance peu commune. Il en impose en stratège donnant des ordres pour l'exécution des manœuvres qui doivent permettre de terrasser le monstre. Corben a l'art et la manière de représenter l'impact des coups sur les corps, la brutalité des chocs du métal contre la chair (la tête de Hulk dans les pales d'un hélicoptère). Et il sait en une case créer des personnages aussi mémorables que singuliers (les deux frères mexicains dans la station service, aussi veules que dangereux). Ces quatre épisodes forment une histoire courte et ramassée dans laquelle le lecteur retrouve les scènes attendues de destruction et de combats brutaux à base de coups de poing primaires. La nature du récit qui est déconnecté de la continuité permet à Azzarello de dépasser cette trame convenue pour offrir une résolution à la culpabilité insoutenable de Banner quant aux actions de Hulk. Le style si particulier de Corben permet de transformer chaque scène en une démonstration de force primaire et premier degré, tout en incluant une ironie second degré mordante. Cette recette simple a été préparée par des grands chefs, et le résultat se déguste et se savoure comme un met simple à la saveur inouïe.
Zaroff
L'enthousiasme de notre ami Agecanonix était tel que je ne pouvais pas passer à côté de cette bande dessinée ! Après avoir découvert le merveilleux film de 1932 récemment, je me suis donc lancé dans cette suite dessinée, et indéniablement, c'est du très, très bon boulot ! Faire revivre ce personnage détestable et fascinant n'était pas chose aisée, mais Sylvain Runberg a trouvé un excellent point de départ, permettant de renouveler les bases du scénario original tout en perpétuant l'univers dans la grande continuité de ce qu'instaurait le film de Pichel et Schoedsack. Cette idée d'opposer au général Zaroff une autre psychopathe permet de mettre en scène un nouveau duel où, cette fois, il devient difficile de déterminer qui, des deux adversaires, est la proie et qui est le chasseur. Les personnage sont très bien dessinés, et surtout très nuancés, par leurs actes et leurs dialogues, joliment écrits. Ainsi, Zaroff se découvre une âme en étant obligé de sauver la famille de sa sœur, mais pour autant, il ne devient pas un "gentil". Cela reste un psychopathe, un chasseur qui aime le goût du sang, mais au fond duquel sommeille toutefois un homme loyal. Heureusement, le scénario nous offre donc également les personnages de la sœur du général russe et de ses enfants, auxquels on aura moins de scrupules à s'attacher qu'au personnage principal. Le second tome, avec son intrigue plus axée "guerre, espionnage", tend peut-être un peu trop à faire de Zaroff un héros dont on questionne moins régulièrement les actions, sans parler du recours assez facile (quoique logique) aux nazis comme grands méchants inexcusables du récit. Toutefois, le scénario nous rappelle toujours, de manière ponctuelle mais prenante, les horreurs dont le comte est capable, notamment dans un cliffhanger particulièrement réussi. Le récit est raconté sur un ton très réaliste, et prend le temps de développer chacune de ses péripéties, malgré quelques raccourcis narratifs vraiment pas méchants (genre la civière qui surgit de nulle part sans précision d'une quelconque ellipse temporelle ayant permis sa confection), un défaut qui sera quelque peu exacerbé dans le deuxième tome. Dans le premier tome, la crédibilité est donc bien de mise dans ce duel entre deux esprits tout aussi tordus l'un que l'autre, à la fois terrifiants et envoûtants. Dans le second tome, il manque peut-être à opposer à Zaroff un esprit aussi brillant que lui pour que le récit soit de la même qualité. Dans tous les cas, le récit est parfaitement servi par le dessin de François Miville-Deschênes, d'une précision ahurissante et donc d'une beauté stupéfiante. Vraiment, chaque case est un pur plaisir à regarder. Je n'aime pas toujours quand le dessin est hyper-réaliste (à la Bergèse dans les Buck Danny de 2005-2006, par exemple), mais ici, Miville-Deschênes réussit à faire quelque chose de très fluide. Notamment, l'alchimie entre les personnages et les paysages (élément essentiel dans les histoires mettant en scène le comte Zaroff) est admirable, il n'y a pas le côté trop statique qu'on trouve souvent quand le dessin essaye d'être le plus réaliste possible. Ici, pas un trait en trop, l'équilibre est parfait ! Seul (très) léger reproche : il est peut-être un peu trop propre par rapport au ton du récit. Quand ça devient vraiment sanglant, on a parfois un petit peu de peine à ressentir l'impact d'une blessure ou d'un coup de griffe. Ou encore le visage blessé du général Zaroff est bien trop lisse par rapport à ce à quoi on aurait pu s'attendre. Mais bon, ça n'entame pas la qualité incroyable du dessin. Ainsi, alors que le pari de reprendre la nouvelle initiale et le film de 1932 avec la même intensité semblait perdu d'avance, Runberg et Miville-Deschênes réussissent pourtant à créer un résultat à la hauteur des œuvres initiales. Rien n'est édulcoré, aucun élément de base n'est trahi, et la continuité est parfaitement entretenue jusqu'à des cliffhangers de grande qualité, qui résument parfaitement l'esprit de cette bande dessinée : ne rien trahir, trouver le juste équilibre. Clairement, c'est une mission accomplie pour les deux auteurs !
Le Rêve du Tchernobog (La Révolution des damnés)
Si le déroulé du scénario - une aventure développant la relation entre deux personnages et leurs lots de traumas - rappelle d'autres oeuvres, et si l'aventure n'est pas aussi dense que la taille de la BD pouvait l'espérer, le mélange de contexte historique et conte folklorique est original. Mais c'est surtout visuellement que la bd marque. Le mélange de techniques graphiques, le jeu de couleurs, la mise en page : tout claque l'oeil. Quand on sait que l'intégral a mis du temps à se boucler, ne boudons pas le plaisir : une bd qui mérite d'être plus soutenue, après une sortie plutôt confidentielle dans ma ville. Merci pour cette sortie !
Alouette
Dans Alouette, Andréa Delcorte nous entraîne aux côtés d’une héroïne livrée à elle-même sur une île inconnue et inhospitalière. En quête de Pilou, elle doit affronter un environnement oppressant : une nature qui semble toxique, des créatures menaçantes, et surtout des visions troublantes. Peu à peu, des fragments de son passé resurgissent, entremêlant souvenirs douloureux et hallucinations. À travers ce récit, l’auteur explore avec finesse la mémoire traumatique. Alouette, marquée par une enfance difficile et des épreuves brutales, se retrouve confrontée à ses propres démons dans un monde où la frontière entre illusion et réalité se fait de plus en plus floue. Comme elle, le lecteur avance en terrain incertain, pris dans un labyrinthe sensoriel jusqu’au dénouement. Le dessin, sombre et immersif, accentue cette atmosphère suffocante, renforçant le sentiment de perte de repères. Alouette est une œuvre marquante, à la fois crue et poétique, qui nous happe jusqu’à la dernière page.
Rose
J'ai passé un très agréable moment de lecture avec cette série. Le fantastique et le thriller sont deux genres qui se marient bien comme le prouve le scénario de Lapière et Alibert. La narration est précise avec différents niveaux d'investigations qui s'imbriquent parfaitement. Entre les mystères du passé et ceux du présent la très attachante Rose doit faire preuve de beaucoup de pugnacité et de courage pour y voir clair. Elle est bien aidée par trois sympathiques fantômes. Dédoublement de personnalité, fantômes, sorcières du passé, j'ai tout d'abord cru que la série visait un public assez jeune mais certaines propositions s'adressent à un public plus averti. Le graphisme de Valérie Vernay m'avait aussi orienté vers un lectorat assez jeune. Le trait est simple mais efficace, il rend bien dans les scènes d'intériorité de Rose. Grâce à son dessin l'autrice parvient parfaitement à nous faire passer d'une scène réaliste à une scène surnaturelle sans heurt. Une lecture très plaisante pour un large public.
La Marche Brume
De la fantasy dans un décor qui présente un soupçon de post-apocalyptique, voilà qui est original et surtout très bien réalisé. Tempérance est une jeune ogresse qui a été recueillie et élevée par une communauté de vieilles sorcières attachantes. Toutes se protègent de la Brume, un brouillard noir qui parait doté de volonté et a détruit la civilisation humaine il y a longtemps. Quand les sbires de celle-ci parviennent un jour à abattre leurs protections magiques (en fait, des courges), Tempérance est obligée de se rebiffer et de montrer qu'elle est capable de voir dans la Brume et de combattre ses créatures avec son... kung-fu. Oui, il y a de l'humour dans cette BD, mais il s'intègre parfaitement bien et rien ne parait loufoque. On est dans de la bonne fantasy humaniste, avec surtout d'excellents personnages. Le discours est un peu féministe et écologique, avec une communauté de femmes qui voient les hommes comme une menace et prônent le retour à la Nature, mais il est discret et naturellement appuyé, ne présentant aucun pamphlet agaçant. Et surtout on s'en fiche tant chacune de ces femmes est attachante, amusante ou intéressante : ce sont les personnages et l'histoire qui comptent, pas un éventuel message caché derrière. Il y a une vraie intrigue, une vraie menace et deux vrais mystères : l'origine et les intentions de la Brume d'une part, et l'origine et les pouvoirs cachés de Tempérance. En outre, les assez rares éléments postapocalyptiques apportent une touche d'originalité dans ce qui aurait pu être une simple histoire de fantasy. Le tout est mis en scène avec le dessin très sympathique de Stéphane Fert, dont le style, les couleurs et les ambiances brumeuses sont parfaitement adaptées à l'histoire. J'ai passé un excellent moment et j'ai hâte de lire la suite, avec un peu d'appréhension toutefois car la décision que prend Tempérance en fin de premier tome me laisse craindre une suite un peu plus convenue et moins attachante. Je croise les doigts pour me tromper.
Islander
Mais que fait la police des avis impatients ? En voilà un troisième alors que le tome deux n'est, dixit les deux auteurs, qu'en cours d'achèvement. En même temps impossible d'attendre vu la qualité tant du récit que du dessin. Soyons clairs, mon avis ne sera pas objectif, un j'aime beaucoup le travail de Corentin Rouge et Caryl Ferey fait partie de mon top trois des auteurs de thrillers. C'est vous dire mon plaisir en apprenant que les deux seraient présents à Angoulême cette année. C'est ainsi qu'avec une joie de midinette j'ai pu échanger (au grand dam des gens pressés derrière moi) avec les auteurs. Quelle histoire, surfant sur des thèmes très actuels, immigration, dérèglement climatique C.Ferey nous embarque dans un lieu peu exploré en bandes dessinées, l'Islande pays propice aux grands espaces plutôt magnifiques. Non ce scénariste n'est pas le frère de C.Bec, ici point de théories conspirationnistes, point de forces cosmiques ou que sais-je. Seulement un récit riche et dense qui tient en haleine de la première à la dernière case. Le dessin de C.Rouge n'est pas en reste dans un style expressif du meilleur goût, certaines planches sont absolument splendides et ne sont pas sans me rappeler le style de W.Vance. Ai-je dit que je conseillais l'achat, non alors c'est fait et pour Yann135 pas de tome trois, l'an prochain Caryl Ferey part en immersion pour plusieurs mois aux Etats-Unis auprès de la nation Sioux partie intégrante de son prochain roman.
La Cuisine des ogres
Par les dieux que c'est bien, que c'est beau. Comme certains de mes petits camarades dans les avis précédents, lorsque je vois une BD signée Jean Baptiste Andreae je ne réfléchis pas une seconde et fébrilement je prends le dit objet avec un mélange de joie contenue et de fébrilité, quand vais-je enfin pouvoir me poser pour lire la chose ? Depuis MangeCoeur et Azimut je voue à Mr Andreae et à son dessin une sorte de culte. Richesse des décors, foisonnement des détails, à tel point que j'ai lu la BD deux fois de suite. La première pour découvrir et la deuxième pour me concentrer sur tous ces petits détails dont je parlais plus haut. Voilà quelqu'un qui sait ce que veut dire remplissage d'une case ; ce terme de remplissage pourrait paraitre péjoratif, mais pour moi il n'en est rien tant cela concourt à la magnificence du rendu final. Pour ce qui est de l'histoire en elle même l'univers du conte ainsi présenté répond parfaitement aux critères du genre, un savant mélange de passages "qui font peur" : le hachoir géant et puis des plages d'une grande poésie. Parfaite alchimie entre le merveilleux, le fantastique et la noirceur cet album ravira les grands comme les plus petits. Un seul regret j'aurais aimé que cela soit plus long. Encore une réussite.
Harley Quinn & Birds Of Prey
Aussi frappadingue qu'irrésistible - Ce tome contient une histoire complète qui nécessite une petite connaissance du personnage pour pouvoir en apprécier tous les détails. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2020, coécrits par Jimmy Palmiotti & Amanda Conner, dessinés et encrés par cette dernière, avec une mise en couleurs réalisée par Paul Mounts (épisode 1) puis par Alex Sinclair pour les épisodes 2 à 4. Conner a également réalisé les couvertures. Les couvertures variantes ont été réalisées par Derrick Chew (superbe dans le genre affiche pour film d'action dans une veine réaliste), Art Adams (imparable avec un dessin très comics), Ian MacDonald, Terry & Rachel Dodson. Il contient également une histoire courte de 8 pages, en noir, blanc et rouge, écrite par Palmiotti & Conner, et dessinée par Chad Hardin. Sur une plage paradisiaque, Harley Quinn est en train de se dorer au soleil en dégustant une grappe de raisin, avec Pamela Isley, allongée à ses côtés, et Red Tool tenant la grappe de raisin. Ce dernier déclare qu'il a soif. Superman apparaît avec un plateau sur lequel se trouvent des rafraîchissements. Ayant accompli la volonté de Harley, il lui demande de dire où elles détiennent Jimmy Olsen. Harley va pour reprendre quelques grains sur la grappe, mais ils ont comme une odeur de fromage. Elle se réveille dans son petit immeuble de Coney Island, sur son lit, avec sept autres personnes, le pied de l'une d'elle étant sous sa narine. Elle se lève discrètement sans réveiller personne en tenant toujours Bernie son castor en peluche, dans ses bras. Elle monte sur le toit en terrasse pour profiter de l'air de la nuit. Elle voit la fumée d'un incendie au loin, et Power Girl passe la saluer avec des sacs de nourriture pour chat dans les bras. Harley se jette dans ses bras, lui demande ce qu'elle fait avec autant de nourriture pour chat dans les bras, et lui dit qu'elle a besoin d'une faveur. Elle souhaite que Kara lui fasse des diamants avec des morceaux de charbon pressurisés dans ses mains, parce qu'elle doit payer des créanciers, et qu'ainsi ça lui évitera de commettre des crimes pour disposer de l'argent. Sans surprise, Kara n'accède pas à sa demande. En fait tout a commencé il y a quelques semaines quand Pamela et Harley passait des vacances en amoureuses sur une minuscule île avec un unique cocotier. Égale à elle-même, Harley avait fait exprès de ne pas jeter l'ancre du bateau pour qu'il soit emporté par l'océan, et qu'elles passent ainsi plus de temps toutes seules en amoureuses. Étrangement, Pamela l'avait mal pris, surtout en découvrant que son amante s'était goinfrée en dévorant toutes les maigres provisions. Cette situation avait été de courte durée, car Sy Borgman et Zena étaient venus les chercher en hélicoptère. De retour à New York, Pamela avait pris ses distances avec la fofolle. Pendant leur absence, le cabinet de prêts Defeo était venu réclamer ses traites et ses nervis avaient passé Big Tony à tabac pour bien montrer l'obligation de payer les traites en retard. Puis ils avaient mis le feu à l'hôtel, obligeant Harley à abriter tous ses amis qui y étaient logés. Kara ayant refusé, il ne reste plus à Harley qu'à aller rendre visite à Big Tony à l'hôpital, puis à mettre à exécution un plan devant lui rapporter beaucoup d'argent, de quoi éponger ses dettes. En 2013, l'éditeur DC Comics lance une nouvelle série Harley Quinn en la confiant à Amanda Conner & Jimmy Palmiotti. En 2016, il relance sa ligne de comics dans une opération appelée Rebirth, et c'est à nouveau le même duo de coscénaristes qui écrit sa nouvelle série. Ensemble, ils ont coécrit une centaine d'épisodes avec ce personnage. Du coup, le lecteur régulier a déjà une petite idée de l'approche du personnage qu'il va trouver. Son intérêt augmente encore un peu en ayant conscience qu'Amanda Conner dessine elle-même cette histoire. Effectivement, il retrouve bien les éléments développés par le couple de créateurs dans la série mensuelle : son petit immeuble à Coney Island, la catapulte pour se rendre à Manhattan, Bernie son castor en peluche en fort mauvais état, le gang des Harley (Antonia Moore, Carlita Alvarez, Erica Zhang, Harvey Quinn, Shona Choudhury), Sy Borgman et Zena, sans oublier son gérant Big Tony, Egg-Fu, et sa relation avec Pamela Isley. S'il a lu les séries mensuelles, le lecteur éprouve la sensation de revenir à la maison, sinon il est possible qu'il s'interroge sur certains de ces éléments souvent très décalés et bizarres (par exemple la peluche à moitié brûlée qui converse avec Harley). Dans le premier cas, il se demande alors l'intérêt de publier cette histoire dans la branche Black Label. Au bout de quelques séquences, il ressent le fait que l'histoire se déroule de manière plus fluide, et que les auteurs peuvent mettre en scène la personnalité du personnage, sans filtre, sans avoir à se soucier du langage ou de la moralité de certaines actions. Elle apparaît beaucoup plus cohérente et consistante que dans la série mensuelle, sans effet de dilution. Dans un premier temps, le lecteur peut se dire que les coscénaristes choisissent l'option de facilité pour Harley Quinn : jeune femme de moins de 30 ans, irresponsable, avec une compréhension de la réalité bien faussée, à la fois trop mignonne pour être vraie (avec ses petits chats, sa peluche, ses amies, ses élans du cœur) et trop criminelle pour pouvoir être laissée en liberté ou tolérée par les superhéros. En outre, l'artiste s'en donne à cœur joie pour les expressions de visage et les poses un peu théâtrales. Petit à petit, il devient difficile de résister à cette personne entière, avec des émotions honnêtes, des réactions de gamine, aussi bien quand elle montre son attachement émotionnel, que quand elle s'en prend physiquement à un ennemi. Ça donne lieu à des scènes totalement schizophréniques allant de Harley se jetant dans les bras de Kara l'expression d'un élan du cœur authentique, et quelques pages plus loin elle assassine un agresseur en lui enfonçant un crayon noir dans chaque oreille. Elle peut aussi bien être câlinée par Pamela que physiquement torturée par Joker qui entaille sa peau avec un couteau. Là non plus, la dessinatrice ne fait pas les choses à moitié et dose savamment ses dessins entre simplification comique et représentation réaliste, faisant que le lecteur ne puisse éprouver aucun doute sur le sadisme cruel de Joker pour son ancienne amante. Là aussi, le choix du Black Label fait sens pour pouvoir montrer franchement de tels actes, même sans tomber dans le gore, chose qui n'aurait pas été possible dans la série mensuelle, plus tout public. Dans l'horizon d'attente du lecteur, figure également des situations loufoques et énormes, reflétant le comportement de l'héroïne. Il en a rapidement pour son content, car les coscénaristes se sont visiblement bien amusés à créer et à imaginer des événements improbables : un nervi mourant en tombant le crâne contre une batte de baseball hérissée de clous de charpentier, Renée Montoya qui aide Harley à attacher son soutien-gorge, Harley qui a fait exploser les toilettes, Alfred Pennyworth qui s'occupe de Bernie, Oswald Cobblepot qui se retrouve avec le caleçon sur les chevilles en faisant face à Batgirl, Huntress, Montoya, Red Tool et quelques autres, etc. Un peu plus marqué que dans la série mensuelle, Harley aime bien l'humour en dessous de la ceinture et l'humour scatologique : si le lecteur y est allergique, il ne tiendra pas bien longtemps dans ces épisodes. En particulier, elle aime bien les sous-entendus d'ordre sexuel avec Kara et Renée, et elle utilise souvent son castor avec un double sens, en anglais ce mot pouvant désigner le sexe féminin. Pour les lecteurs peu familiers du personnage, cet aspect de la personnalité de Harley fait sens, avec ses réactions régulières d'adolescente provocatrice. L'entrain des auteurs est rapidement communicatif, et le lecteur ressent que Harley doit beaucoup au caractère d'Amanda qui peut ainsi laisser aller sa propre personnalité en profitant de la liberté que peu donner un tel personnage. Le lecteur est vite sous le charme innocent et malsain de Harley et il accepte facilement la structure du scénario dans lequel Harley Quinn va rencontrer fort opportunément plusieurs superhéroïnes en activité à Gotham. Il trouve plutôt élégant qu'elle ne se retrouve pas face à Batman, mais qu'elle puisse croiser le chemin de plusieurs personnages rattachés à sa mythologie. C'est légitime et logique car l'adversaire naturel de cette dame a les cheveux verts et aime bien porter des vêtements à dominante violet. Alors que les péripéties se succèdent rapidement, avec des dialogues apportant de la consistance aux personnages et aux événements sans devenir envahissants, cette jeune femme frappadingue acquiert une épaisseur psychologique inattendue, une partie de son comportement étant l'expression d'un syndrome de stress post traumatique, son passé de psychologue étant même évoqué avec pertinence. Franchement, une histoire de Harley Quinn avec le sceau Black Label, réalisée par les auteurs de sa série mensuelle, il y a de quoi s'interroger sur le pourquoi. Rapidement à la lecture, l'intention apparaît : Amanda Conner & Jimmy Palmiotti bénéficient d'une plus grande liberté de ton et ils s'en servent pour aller plus loin dans la provocation pour étoffer leur personnage. Il est visible que les deux auteurs sont très investis dans le personnage et dans le récit, et c'est un régal de découvrir les planches soignées d'Amanda Conner, avec sa touche comique et fantasque inimitable.