Un album que je n’attendais pas, un auteur qui m’était encore inconnu, j’avoue m’être un peu méfié à mon entame de lecture. Et pourtant je vais suivre l’enthousiasme d’Hervé, j’ai trouvé ça astucieux et sympa à suivre.
Même si tout n’est pas parfait, Romain Renard s’en tire avec les honneurs. En tout cas, j’ai apprécié la proposition de l’auteur autour de l’univers. L’histoire peut marcher seul mais mieux vaut connaître un peu le matériel de base pour apprécier ce bel hommage.
Niveau réalisation c’est très propre, lisible, fluide, ça dénote avec la série mère mais c’est pas plus mal. On retrouve bien un peu l’ADN de Comanche mais l’ambiance est différente. Il y a juste certaines images trop proches de la photo qui me plaisent moins, et une en particulier qui représente un cimetière de voiture, les modèles me paraissent bien trop modernes pour 1930, ça fait un rien anachronique.
Sinon bah un plaisir de retrouver ce Red Dust vieillissant, il nous offre un dernier périple que je n’ai pas boudé.
J’ai aimé que l’auteur revienne et approfondisse la relation Red/Comanche, qu’il n’oublie pas un point essentiel (à mes yeux) de la série autour de la modernité/évolution constante de la société.
Bref franchement bien foutu. Un album différent mais qui ne trahit en rien la franchise. Mieux même, elle lui redonne un peu d’aura.
Dans la veine de Le Royaume de Blanche-Fleur ou Le Réveil du Tigre, une bonne manière de conclure.
3,5
Ah j'ai beaucoup aimé cette adaptation. C'était une vraie découverte pour moi. Je n'ai jamais lu le classique de Jack London, et cette adaptation tombait à pic, alors que la lecture d'une série consacrée à la littérature américaine m'avait donné envie d'en savoir plus sur l'œuvre de cet auteur.
Je ne saurais donc dire si cette adaptation est fidèle, mais en tous les cas elle est plaisante, Maxe L'Hermenier commence à avoir de la bouteille dans l'exercice, et ça se sent. Il n'y a pas beaucoup de temps morts, et j'imagine qu'il a gardé les éléments les plus intéressants de l'histoire originale, quitte à les édulcorer un peu pour rentrer dans la case "jeunesse". En tous les cas c'est réussi, même si certains éléments m'ont semblé un peu "vieillis", on a là une vraie bonne histoire, même si Buck réfléchit un peu trop à mon sens. Il ne faut quand même pas oublier que c'est un animal...
Côté dessin j'aime décidément beaucoup le boulot de Thomas Labourot, plein de vie, adapté à ce format jeunesse mais très travaillé également. Il assure lui-même les couleurs, on sent qu'il a une maîtrise des outils. Et regardez-moi cette couverture magnifique !
Un classique en BD également.
On ne trouve jamais un Rembrandt dans les combles d’une vieille baraque.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa parution initiale date de 2024. Il a été réalisé par Simon Lamouret, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend deux-cent-trente-deux pages de bande dessinée. Il se termine par une demi-page de remerciements dans laquelle l’auteur précise qu’un livre ça peut prendre du temps et que trois années lui ont été nécessaires à l’élaboration de celui-ci. La couverture présente la particularité que la silhouette de l’homme assis est découpée dans le carton fort, laissant voir la page en-dessous.
La Roseraie – Vente domaniale pour cause de succession vacante. Dépendance de la maison de maître début XIXe (la bâtisse principale ne fait pas partie de la vente). Composée de cinq pièces de plain-pied : 108m² plus 300m² de terrain. Cadastré BC 252 lot 153. La propriété est encombrée. Le débarras sera à la charge de l’acquéreur. Le bien est vendu en l’état et situé en plaine agricole et boisée à 10mn de Ste-Chabelle – Accessible par transports en commun, à proximité des autoroutes A48 et A49. Mise à prix : 25 000 euros. En fin de journée, Élise arrive en voiture à Sainte-Chabelle, une petite ville de province. Elle s’arrête devant la dépendance, rentre sa voiture dans la cour, referme le portail. Elle prend sa valise dans sa voiture et rentre dans la maison. Elle appuie sur l’interrupteur : pas de lumière, il n’y a plus d’électricité. Elle utilise la torche de son téléphone et constate le fouillis présent dans chaque pièce. Elle se rend aux toilettes et s’y installe tout en ramassant une carte postale par terre pour la lire, pendant qu’elle urine. Un homme écrit à son amour et il évoque le mauvais temps, ainsi que ses marches qui lui permettent de réfléchir à l’avenir de façon plus sereine. Élise l’imagine dans son bain dans cette même salle de bain et sa compagne qui finit sur les toilettes et remonte sa culotte. Élise tire la chasse d’eau, conserve la carte postale avec elle et continue de visiter les pièces de la maison. Devant le bazar généralisé, elle décide de s’installer sur le canapé.
Son téléphone portable sonne : sa mère l’appelle. Élise lui indique qu’elle est arrivée à l’instant. Elle demande à sa mère quand Tom leur amène Antoine. Elle se demande qui achète une baraque sans la visiter. Elle prend le flacon d’armagnac sur la table basse devant elle et elle en boit une gorgée. Enfin, c’est trop tard pour regretter. Elle demande à parler à son père et elle lui fait un état des lieux : on ne voit pas grand-chose, mais ça a l’air à peu près en bon état, enfin pour une maison inhabitée depuis trente ans. Elle continue : les fenêtres n’ont pas l’air cassées, du moins dans les pièces qu’elle a explorées en arrivant. Elle n’a aucune idée s’il y a des vices cachés : elle n’est pas maçon, ni plombier. La maison a l’air de tenir debout, ça sent l’humidité et il y a pas mal de poussière, un peu comme avant chez mamie. De toute façon, ils verront tout ça demain. Elle raccroche, elle s’allonge sur le canapé sous une couverture, et elle éteint la lumière.
Quel étrange album : une couverture avec une silhouette découpée, c’est-à-dire une forme ludique plutôt à destination des enfants. Une bande dessinée entièrement peinte, avec un degré de simplification dans les représentations tout en conservant un haut niveau de détails. Des cases sans bordure tracée, des formes sans trait de contour. Une introduction d’une dizaine de pages dépourvues de mots à l’exception de la carte postale. Une période de quelques jours peut-être quelques semaines où Élise s’installe dans une maison achetée sans la visiter au préalable, avec son fils Antoine, et l’aide de ses parents Rachel et Philippe. Les gestes du quotidien pour débarrasser les pièces de tout le bazar qu’elles contiennent, de tous les souvenirs accumulés et laissés en plan. Chaque personnage réagit à sa manière à ces circonstances qui l’amènent à manipuler les vestiges de la vie d’une autre personne, décédée depuis, ce qu’il reste d’une vie. Chacun à sa manière réagit en accordant une importance nulle ou significative à ce qu’il trouve, à ce qu’il manipule, ce que cela réveille ou suscite en lui de manière consciente ou inconsciente. En cela, cet absent joue bien le rôle de miroir, reflétant un trait de caractère ou un souvenir chez l’un et l’autre. L’auteur va un peu plus loin que ça, évoquant quelques bribes de la vie de l’ancien propriétaire, montrant le contexte dans lequel il a utilisé ces objets, ces outils… ou au contraire en laissant le mystère.
L’auteur développe cette situation sortant de l’ordinaire, en la racontant de manière pragmatique : la suite de petites actions qui vont permettre de déblayer cette maison, le comportement banal de chacun des quatre personnages : la mère Élise, ses parents Rachel et Philippe, son fils Antoine. Tout comme eux, le lecteur est submergé par la quantité d’affaires présentes dans la maison : il ne semble pas y avoir un seul endroit épargné par l’accumulation de choses diverses, laissant présumer un comportement compulsif. Dans la page douze, il regarde la salle à manger, puis la cuisine en vue subjective, par le regard d’Élise : la table pas débarrassée, l’horloge comtoise, le papier peint aux motifs chargés, la vaisselle sens dessus dessous dans la cuisine. Puis les toilettes : des piles de journaux par terre et sur la cuvette. Puis la chambre : le lit ouvert mais pas défait, les vêtements en désordre. Une autre pile de journaux dans le couloir, des tableaux aux murs, une platine disque dans le salon, un piano, des fauteuils, un chapeau, des guéridons, des lampes, un pot à bonbons, un porte-bougie avec sa bougie, un paquet de cigarettes, un flacon d’armagnac, des revues, etc. Le lecteur finit par être aussi étourdi qu’Élise, par le nombre d’objets, par la perspective de devoir débarrasser tout ça.
Alors que les dessins semblent un peu simplifiés, le lecteur constate la densité d’informations visuelles à chaque page. Le grand-père effectue la révision de son camping-car avant d’aller chercher son petit-fils et de se rendre chez fille : l’alignement de pavillons est représenté dans des couleurs gaies, il ne manque pas une brique au pourtour des fenêtres, une poubelle est sortie sur le trottoir, un couple est en train de finir de mettre ses affaires dans le coffre de leur voiture, le lecteur peut également voir le tracé des places de stationnement, un mât d’éclairage, les végétaux dans les jardins, un escalier pour accéder à un perron, les fils électriques et leurs poteaux, etc. Le trajet en camping-car se déroule sur sept pages et le lecteur peut voir le paysage défiler, chaque lieu différent et bien décrit. Le premier midi, la petite famille mange sur une table dans le jardin et tout est là : les couverts, les assiettes, les verres, la bouteille d’eau en plastique, la bouteille de vin en verre, les chaises de jardin, l’herbe qui n’a pas été tondue depuis longtemps, les arbres et leur feuillage, la maison de maître en arrière-plan et sa clôture, le muret du jardin. Il est possible que le lecteur n’y prête pas attention à ce moment-là, toutefois s’il y revient par la suite, il constate que la brèche est déjà bien présente dans cette page cinquante-cinq. L’artiste fait montre du même investissement pour chaque endroit : chaque pièce de la maison dont le garage, le marché, les champs avec les chasseurs, une chambre de bonne pour Hannah et François, la déchetterie, un paquebot, un désert de sable, un paquebot, etc.
L’artiste adopte également une approche naturaliste pour les personnages : les gestes mesurés des grands-parents et leur visage creusé par les rides, les postures typiques des enfants pour Antoine et sa bouille ronde, les gestes plus assurés et plus confiants d’Élise. Chacun de ces personnages acquiert une vie propre sous les yeux du lecteur, une belle épaisseur et une forte plausibilité. Il sourit en voyant que la taille de police est un peu plus grande dans les phylactères du grand-père pour souligner qu’il parle un tout petit peu trop fort du fait de son audition défaillante. Il le voit absorbé dans son monde, complètement investi dans la remise en route de la Deux-Chevaux, complètement désemparé par l’absence de son épouse partie passer quelques jours seule au bord de la mer. Il ressent la douleur du faux mouvement d’Élise en déchargeant un frigo neuf. Il compatit à son mélange d’exaspération et d’inquiétude en voyant la réponse négative de la mairie après son entretien. Il éprouve une vive inquiétude en voyant Antoine manipuler un fusil totalement inconscient du danger d’une telle arme à feu. Il est en pleine empathie avec Rachel, la plus affectée par les souvenirs de la vie de cet inconnu.
L’auteur sait montrer comment chacun des quatre principaux personnages réagit à différents objets, avec une incidence également de nature différente. Le récit tient pleinement la promesse du titre : les artefacts résiduels de la vie du défunt agissent comme un miroir renvoyant la mère, les grands-parents, l’enfant à une partie d’eux-mêmes. Il montre également ce qu’une partie de ces objets a réellement signifié pour leur propriétaire à une époque de sa vie. Le lecteur ressent que le même processus se produit en lui : les personnages s’apparentent également à un miroir de différentes facettes de sa vie. Une remise en question de sa vie professionnelle, un autre regard sur sa relation amoureuse avec son partenaire de vie, sa passion ou son occupation lors des moments qui lui appartiennent pleinement, ses regrets ou sa nostalgie d’un chemin de vie que le hasard des circonstances l’a amené à délaisser, son rapport à la mort et au temps qui passe. Derrière la banalité pragmatique de faire place nette dans une maison, se trouvent des questions existentielles pour lesquelles il n’existe pas une seule réponse, encore moins une bonne réponse.
Un point de départ riche et fascinant : faire ressortir les points saillants de sa propre vie en découvrant des vestiges de l’intimité de celle d’un autre. La narration visuelle s’avère douce et d’une richesse extraordinaire, tant pour les détails, les lieux, l’expressivité de chaque personnage en fonction de son âge. Le récit se calque sur les actions ordinaires consistant à débarrasser une maison, avec quelques événements de la vie de tous les jours, en même temps cette vie intérieure qui réagit par automatisme à ces souvenirs d’un inconnu, renvoyant l’image de ses propres choix, de ses habitudes, de ce qui a été laissé de côté. Profond et sensible.
Comme chacun le sait, le Japonais est capable de survivre partout, car il possède la science infuse, une mémoire phénoménale, le don des langues et bien d'autres choses. Il reconnaît une herbe du 1er coup d'œil et sait comment s'en servir. Idem pour les poissons et autres animaux. Avec tant de qualités, on se demande pourquoi le Japon n'a toujours pas fédéré la planète Terre sous son égide.
Le héros japonais est un mini-superman, capable de se transformer en homme viril bien bâti (et tout, et tout), à partir d'une enveloppe de petit gros rondouillard (mais très intelligent), le tout en 3 mois, montre en main. Ajoutons que les femmes sont loin d'être des souillons, malgré un certain isolement sur une île peu fréquentée (à ce qu'il paraît). Comment diable font-elles pour être aussi belles, avec zéro produit de beauté (mis à part une nourriture saine) ? Bien des occidentales tueraient père et mère pour savoir comment :)
Et parfois, c'est un peu trop "too much", y compris les crocos.
Mis à part ce petit côté agaçant "Nippon Forever", cette histoire est bien dessinée, c'est du bon boulot, je félicite le porteur de crayon.
Le scénariste s'est bien documenté, il ne se moque pas du lecteur, même si certaines coïncidences tombent à pic. Vers la fin, il y a un peu plus de monde qui s'invite au bal, l'auteur aurait pu rester avec nos protagonistes initiaux et s'en sortir aisément. Mais il a sans doute voulu raccrocher le wagon à l'Histoire avec un grand H.
Il y a bien quelques scènes érotiques ci et là, pour faire plaisir au public adulte. C'est gentillet, pas cochon, c'est même fort esthétique. On pourrait les virer ou les remplacer par quelque chose de plus chaste, afin que ce soit lisible pour tous les publics. Certains BD proposent d'ailleurs 2 versions.
Comme l'a si bien dit Cac : les gens de télé-réalité de nos jours sont de la gnognote à côté ! Et j'ajoute : du pipi de chat.
Peut-être pas le one-shot de la décennie, mais c'est un ouvrage parfaitement honnête.
Ps : quid des jeunes femmes amenées par les pirates ?
Voila une adaptation presque trop fidèle à l’œuvre d'origine ! J'avais déjà lu le livre d'origine et franchement, du profond de mes souvenirs, il n'y a que peu de différences !
Là où je dis que c'est un peu "trop" fidèle, c'est qu'il manque un peu de travail d'adaptation. Le texte est omniprésent, parfois redondant avec le dessin, mais laissant libre court à la langue des romantiques, exaltant les sentiments et la grandeur de ce qu'il se passe. Pour le reste, la BD oriente tout sur une adaptation où l'exaltation romantique ressort, et c'est assez agréable ! On est dans de l'illustration qui accentue tout, avec un style de dessin qui joue sur le noir et blanc pour faire ressortir le propos sur la dualité de l'humain.
En fait, il est assez difficile de faire une critique de la BD, c'est surtout une critique de l'histoire du livre qu'il faudrait faire. Mary Shelley a bien fait ressortir les angoisses face à une science en plein essor, mais aussi les questions morales de celle-ci. Il y a la violence de l'être humain, le monde qui devient accessible à tout le monde par le voyage, la conquête des pôles ... Mais aussi, romantisme oblige, les amours à travers les peuples, les qualités que l'homme peut développer (lecture, amour, entraide ...). Au-delà de toute les questions, l'histoire reste une tragédie sombre sur un humain ayant voulu voler trop haut. Une œuvre qui a inspirée des milliers d'autres, prouvant que ses questionnements reste cohérent aujourd'hui encore (avec l'IA, le sujet pourrait revenir).
Je peux pas vraiment critiquer cette BD qui fait une très bonne adaptation d'une œuvre culte. Le dessin est magnifique et la BD est lisible, c'est un peu tout ce que j'aurais à en dire spécifiquement.
Je suis une grande amatrice de théâtre, j'y ai dédié une grande partie de ma vie et j'ai eu pendant longtemps le projet d'en vivre. Donc une histoire racontant les coulisses de la création d'une pièce, non seulement je connais bien mais en plus ça m'intéresse tout particulièrement.
Ici, on nous raconte l'histoire derrière la création de Cyrano de Bergerac, sans aucun doute l'une des pièces du répertoire théâtral français les plus connues et, accessoirement, ma pièce préférée. C'est grâce à elle (et en partie aussi grâce à De Cape et de Crocs) que j'ai enfin réalisé à l'adolescence que le lyrisme et la poésie n'étaient pas uniquement des langages un peu extra-terrestres ne visant qu'un esthétisme sonore, mais qu'il s'agissait bien de formes d'expression et que leurs mots n'avaient pas pour seuls buts d'être lus ou écoutés mais d'êtres joués, d'être vivants. Pour celleux ne connaissant pas la pièce d'origine d'Edmond Rostand, je ne peux que vivement vous la conseiller, c'est une mine de poésie, d'humour et de jeux sur les mots et la langue.
Pour revenir à "Edmond", je n'avais pas pu voir la pièce de Michalik quand elle jouait encore, mais j'avais pu voir son adaptation cinématographique à sa sortie. Je connaissais donc déjà la trame avant d'essayer cet album et je trouve l'adaptation bonne. J'aurais sans doute eu plus à dire si j'avais effectivement pu voir la version scénique, les différences doivent être forcément plus nombreuses.
L'histoire, donc, est celle d'Edmond Rostand, endetté et en pleine panne d'inspiration, qui va devoir écrire une pièce révolutionnaire dans un délai très court afin de pouvoir sauver sa carrière. L'histoire est simple mais très bien menée. C'est drôle, intéressant, bien rythmé et ça reflète bien le chaos et la panique qui précèdent la plupart des créations artistiques scéniques écrites dans des délais si court (je parle d'expérience).
La principale qualité de cette œuvre, selon moi, c'est qu'elle réinterprète de manière assez intéressante l'histoire même de Cyrano de Bergerac. Les personnages et leurs interprètes, la scène et les coulisses, l'écrivain, sa vie et sa création, tout se bouscule et se fait écho de manière satisfaisante. Comme dans Cyrano nous retrouvons donc un triangle amoureux ("relativement" platonique d'un côté et bassement corporelle de l'autre), de l'action (douce comparée à l'œuvre d'origine), des beaux mots et surtout (SURTOUT) du panache !
Peu de chose à dire sur les graphismes, ils sont très beaux et illustrent bien le récit. J'aime bien le dessin de Chemineau, je le trouve assez chaleureux et ici il ne fait pas exception.
Je conseille fortement l'album à toute personne aimant un tant soit peu le théâtre, Cyrano de Bergerac ou qui serait tout simplement curieux-se.
Pour moi, c'est un coup de cœur, mais je ne sais pas vraiment si ce coup de cœur vient du texte original de Michalik ou de cette adaptation en bande-dessinée précisément.
Allez, ça le mérite quand-même !
Les violences faites aux femmes sont un sujet essentiel dans notre société en mutation, et alors que de nombreuses évolutions politiques n'ont de cesse de mettre en péril leur sécurité (nouvelle élection de Donald Trump, montée de l'extrême droite, procès de Mazan...).
Nous suivons ici le quotidien d'Anne Bouillon, une avocate basée à Nantes qui a décidé de concentrer son action de défense sur ce sujet, en accord avec ses convictions. on la suit donc dans les prétoires, dans son cabinet, lors de ses échanges avec les victimes, au cours de plaidoiries, d'échanges avec ses collègues... C'est très intéressant, cela aide bien à comprendre le mécanisme de la justice sur le sujet en France, qui se heurte encore à certains préjugés (voir ce petit passage où un de ses collègues estime que #MeToo est une occasion pour les femmes de se faire remarquer...).
Sans en rajouter dans le militantisme (qu'elle revendique cependant), Anne Bouillon tente de faire son travail sereinement, en travaillant pour la liberté, la sécurité, la santé mentale des femmes victimes. Le chemin est long, entre le peu de plaintes enregistrées au regard du nombre réel d'agressions, et le nombre encore plus réduit d'affaires réellement instruites, jugées, et résolues. Anne Bouillon ne fait pas que défendre les femmes, elle les aide également, au travers de Citad'elles, une structure d'accueil et d'aide installée à Nantes, probablement unique en France, et dont le modèle mérite d'être décliné partout sur le territoire national.
Charlotte Rotman est journaliste, et en tant que telle elle a suivi Maître Bouillon pendant trois ans, prenant des tonnes de notes afin de construire ce portrait e BD, en accord bien sûr avec son sujet. Si le résultat est intéressant, il aurait mérité un peu plus de pep's, d'avoir peut-être un volet plus important consacré au militantisme de Maître Bouillon. Mais en tant que tel, c'est déjà un album essentiel.
La scénariste bénéficie des talents graphiques de Lison Ferné, dont c'est l'un des premiers albums. Elle réalise un travail intéressant sur les visages, ordinaires, des auteurs de violences, et reste sobre dans sa mise en scène. On sent qu'elle n'a pas encore atteint sa maturité graphique dans les autres compartiments du dessin, mais sa complémentarité avec Juliette Vaast aux couleurs est évidente.
Pour œuvrer à une société où la voix de chaque corps peut exister, compter et être entendue.
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Ce tome contient une histoire complète, une fiction nourrie par la biographie de l'autrice. Sa publication originale date de 2023. Il a été réalisé par Fanny Vella pour le scénario et les dessins, la mise en couleurs a été réalisée par Poppy. Il comprend cent-seize pages de bande dessinée. Il débute par un court avertissement au lecteur : Cet ouvrage aborde des sujets difficiles ; pour en savoir plus, consulter la liste des thèmes en page cent-vingt-trois, c'est-à-dire : automutilation, dysmorphobie, dépression, malnutrition, viol. En fin d'ouvrage se trouve une postface de deux pages, explicitant l'intention d'informer, le plus tôt possible, de lever les peurs, les tabous. le tome s'achève avec un texte de remerciements de deux pages, rédigé par l'autrice évoquant son histoire personnelle.
Dans un pavillon, ordinaire, la jeune Émilie répète un chapelet de Non, aux toilettes. Ses règles sont arrivées quand elle avait dix ans. Elles sont arrivées tout juste deux jours avant l'anniversaire d'une copine. Ce genre de copine populaire à qui on veut plaire à tout prix. Émilie avait hâte. Elle avait pu acheter son premier maillot de grande, mais ça allait être la cata avec ce mauvais timing. Parce qu'évidemment il avait fallu que ce soit une fête organisée à la piscine municipale. Elle avait tellement honte de saigner qu'elle avait inventé un prétexte pour ne pas rentrer dans l'eau. Elle avait alors passé l'après-midi sur une serviette de bain à côté de la maman de Marion pendant qu'elle, Christelle et Kadidja, ses trois meilleures copines, jouaient dans l'eau. Elle lui en voulait tellement à ce corps qui l'avait trahie ! Elle bouillonnait intérieurement. À cet âge-là, ce genre de moments était déterminant pour les amitiés, et elle loupait tout… Elle avait déjà l'époque une fâcheuse tendance à se trouver moins bien que les autres. Elle se comparait sans cesse et l'arrivée de ses règles n'arrangeait rien ! Il faut dire que les hormones avaient déjà commencé à opérer quelques changements. Des changements qui la laissaient perplexe.
À la dérobée, Émilie observe la maman de Marion : elle est si belle. Sa peau parfaite. Son absence totale de pilosité. Sa vie devait être simple. Elle n'avait qu'à se laisser vivre, sans se préoccuper de son allure. Vivre paisiblement sous le regard des autres, pendant qu'Émilie, elle, était tétanisée à l'idée qu'on ne la regarde de trop près. La maman de Marion avait-elle la moindre conscience de la tranquillité d'esprit totale que son corps de rêve lui offrait, pendant qu'Émilie était terrorisée à l'idée que quelqu'un pointe du doigt le sien ? Ah oui, et sinon on surnomme Émilie, le coquelicot depuis qu'elle est toute petite, inutile d'expliquer pourquoi. Encore un coup bas de ce satané corps. Elle, elle voulait disparaître, et lui il la faisait déborder partout dans la couleur la moins discrète possible. À voir ainsi la maman de Marion, Émilie pensait que cette adulte n'aurait pas pu comprendre ce genre de tracas qui étaient à des milliers d'années-lumière d'elle. Avec le recul, elle se rend compte qu'il n'est facile pour personne de se porter un regard bienveillant.
La couverture semble annoncer une histoire sur l'adolescence et l'affliction de rougir à la moindre émotion, comme si cette réaction physiologique mettait à nu l'adolescente sous le regard des autres. Le texte de la quatrième de couverture annonce une autre sorte de récit, en évoquant le corps d'Émilie qui ne cesse de la trahir, qui la fait reculer d'un pas dès qu'un garçon l'approche, son incapacité à insérer une protection périodique, la douleur lors des rapports sexuels, ce qui fait qu'Émilie en vient à haïr et craindre ce corps qui semble avoir une volonté propre. Quoi qu'il en soit, le lecteur découvre un dessin en pleine page pour la première page : la table de la cuisine, avec le lait aromatisé, le pain et le chocolat, le sac à dos, un cahier et des stylos, la nappe à carreaux, une plante en pot, une chaise, une commode avec une lampe, c'est-à-dire un endroit très familier, avec un dessin immédiatement lisible. Émilie est aux toilettes, le pantalon sur les chevilles, une tache de sang sur sa culotte, le tout représenté de manière chaste, et naturelle. le personnage est dessiné avec une forme de simplification dans la silhouette, une approche similaire à la ligne claire, avec une mise en couleurs plus riche, ajoutant un peu de relief, et des motifs sur le teeshirt. le lecteur se trouve tout suite séduit par l'accessibilité et la gentillesse des dessins, tout en appréciant la gestion de la densité des informations visuelles en fonction des cases.
Voici donc une demoiselle, puis une dame qui se retrouve en butte à des difficultés pour ce qui relève de l'intimité physique, tout en étant sûre de son orientation hétérosexuelle. Elle évoque ses difficultés avec l'insertion de tampon hygiénique, son malaise physique à se faire embrasser, puis caresser, puis lors de l'acte sexuel, au fur et à mesure qu'elle grandit. Elle décrit les stratégies qu'elle met en place entre se forcer, ou bien cesser tout effort et mentir à ses copines sur son activité amoureuse. Elle explique qu'elle s'était résignée à ce que les garçons devraient toujours forcer le passage et ce qu'on disait du plaisir ne lui serait certainement jamais accessible. Les relations débutaient toujours de la même façon pour elle. Un engouement et un entrain certains pour la chose au début… puis un désintérêt quasi-total… et finalement un renoncement pendant des semaines voire des mois. Elle s'était toujours retrouvée avec des garçons qui passaient outre son manque de libido, souhaitant rester avec elle pour tout le reste. Elle a fini par se mettre en relation avec un garçon moins conciliant, ce qui fut une épreuve douloureuse. Le lecteur apprécie la gentillesse et la délicatesse de la narration visuelle : il n'éprouve jamais la sensation d'être un voyeur. L'artiste bannit toute nudité. Les personnages sont expressifs grâce à la simplification des traits de leur visage, avec des postures très parlantes quant à leur état émotionnel. Les garçons puis les hommes sont représentés normalement, sans caricature, sans en faire des pervers soumis à leurs pulsions sexuelles. Le lecteur accompagne ainsi Émilie dans différentes phases de sa vie, en partageant ses souffrances, et les manifestations physiques comme des plaques de rougeur très envahissante sur tout le corps.
Tout du long du récit, les différentes scènes sont commentées par la voix intérieure d'Émilie. Elle apparaît dans chaque page, le lecteur écoutant ses paroles, ou bien ayant accès à ses pensées, ou encore bénéficiant de ses commentaires. Il remarque qu'Émilie ne porte jamais de jugement de valeur négatif sur les personnes qui l'entourent que ce soient ses compagnons ou le corps médical. Ce récit ne s'apparente ni à une vengeance, ni à une dénonciation ou un pamphlet. Elle raconte ses difficultés, ses blocages, ses douleurs mais aussi ses amours et ses amitiés. La narration visuelle s'avère vivante et diversifiée, sans exagération dramatique ou émotionnelle. Le lecteur suit Émilie dans des endroits variés : les toilettes, une piscine municipale en plein air, une salle de classe, dans sa chambre, dans un voyage en car, à une soirée, sur la pelouse d'un parc pour une discussion entre copines, chez la gynécologue pour une visite, à la terrasse d'un café, dans son appartement avec son conjoint, dans la salle d'accouchement, etc. Les dessins présentent une apparence très facile à lire avec un niveau de détails qui rend chaque endroit spécifique, chaque individu avec une tenue vestimentaire particulière, sans ostentation, sans gestion à l'économie non plus, avec toujours un respect de chaque personne.
Les sujets difficiles annoncés sont bien présents : ils correspondent aux comportements d'Émilie en réaction au comportement de son corps qu'elle ne comprend pas. Il s'agit d'une personne dont le mal être est évident, que les aides successives ne parviennent pas à soulager, ni la bienveillance de ses amis et amoureux. Le récit ne s'aventure pas sur le terrain de la psychologie, encore moins de la psychanalyse. Il suit l'histoire personnelle d'Émilie, et le lecteur suppose qu'il s'agit également de l'histoire personnelle de l'autrice. La compréhension de la problématique ne se fait donc pas selon une analyse linéaire, mais selon le hasard des rencontres, des consultations. Le premier élément concret intervient lors de la visite chez la gynécologue, plus le constat d'une maladie et sa classification que son explication. Le lecteur peut également être surpris par l'absence d'accompagnement de la jeune femme, encore qu'il s'agisse d'un sujet dont un ou une adolescente, puis une jeune femme ne souhaite pas parler avec ses parents. Cette manière de raconter déconcerte un peu car le lecteur ne peut pas en tirer une méthode de compréhension, encore moins de prévention. Il ressort de sa lecture avec l'histoire d'une jeune femme dont la vie a été rendue très difficile par cette condition, et la manière dont elle a appris ce dont il s'agit, et le processus par lequel elle a pu trouver des solutions alternatives. Comme l'évoque la postface, il en ressort avec une meilleure compréhension de la santé génésique et sexuelle d'une femme, au travers de cet exemple. Il ne demande qu'à croire que ce savoir sur l'état de santé des femmes constitue un déterminant majeur de la santé de leurs enfants et de leur famille.
Pas facile de savoir a priori de quoi parle exactement cette bande dessinée, en se basant sur le dessin de couverture, ou sur le texte de la quatrième de couverture. L'autrice raconte une partie de sa vie par l'intermédiaire d'un avatar appelé Émilie, ses difficultés avec l'intimité physique, que ce soit pour les règles, ou dans le cadre de rapport avec les garçons puis avec les hommes. Elle utilise une narration visuelle très agréable à l’œil et très prévenante du respect de la personne pour tous ses personnages. Elle met en œuvre un ton descriptif, dépourvu d'acrimonie envers qui que ce soit. Elle expose ainsi les troubles dont elle a souffert et qui ont fortement pesé sur sa vie personnelle et amoureuse, ainsi que les consultations et les dialogues qui lui ont permis de comprendre et de surmonter ces troubles.
Une BD d’excellente facture. Et pourtant, elle ne m’a pleinement convaincu qu’à la sortie de sa deuxième moitié.
La première partie n’est pas inintéressante, l’auteure raconte son histoire avec un manipulateur. Du roman graphique a tendance autobiographique, l’héroïne est touchante, on compatit mais on a aussi envie de la bousculer un peu (compliqué les sentiments). Le dessin est dans un style « blog féminin » mais il s’avère agréable, lisible et dans une narration maîtrisée.
Il faut aimer le genre, perso la passion n’était pas trop là. En tout cas, ça se lit facilement.
Heureusement, la prise de conscience et la libération de cette relation toxique arrive en milieu de tome.
En fait, toute cette partie résonne comme un passage obligé à la suite. L’auteure quitte le récit « nombrilisme » et emmène le récit dans des sphères plus universelles sur ce qu’elle a vécu.
Cette suite est d’un tout autre acabit, elle revient sur son sujet mais, un peu à la manière de Lou Lubie, de façon drôle et ludique. J’ai franchement apprécié, en plus d’apprendre plein de trucs sur ce type de comportement (que l’on peut extrapoler aux amis, familles, collègues …).
Franchement bien, une bonne formule pour du chouette boulot. Dans le traitement, j ai trouvé ça bien plus pertinent que Il m'a volé ma vie par exemple.
Sadly, no one who reads the Airtight Garage in its collected form can begin to imagine how it was experienced when read a few pages a month, over a period of three years, when Giraud/Moebius was virtually unknown. It was a joyful, mind-expanding comic/poem/dream that forever made it difficult to appreciate the usual comic book fare. To say the story is confusing and the characters not well developed would be like reading Herriman's 'The Dingbat Family' and then 'Krazy Kat' in compiled form and making the same complaints. For a lover of comic art, there is the world before The Airtight Garage, and the world afterwards.
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Revoir Comanche
Un album que je n’attendais pas, un auteur qui m’était encore inconnu, j’avoue m’être un peu méfié à mon entame de lecture. Et pourtant je vais suivre l’enthousiasme d’Hervé, j’ai trouvé ça astucieux et sympa à suivre. Même si tout n’est pas parfait, Romain Renard s’en tire avec les honneurs. En tout cas, j’ai apprécié la proposition de l’auteur autour de l’univers. L’histoire peut marcher seul mais mieux vaut connaître un peu le matériel de base pour apprécier ce bel hommage. Niveau réalisation c’est très propre, lisible, fluide, ça dénote avec la série mère mais c’est pas plus mal. On retrouve bien un peu l’ADN de Comanche mais l’ambiance est différente. Il y a juste certaines images trop proches de la photo qui me plaisent moins, et une en particulier qui représente un cimetière de voiture, les modèles me paraissent bien trop modernes pour 1930, ça fait un rien anachronique. Sinon bah un plaisir de retrouver ce Red Dust vieillissant, il nous offre un dernier périple que je n’ai pas boudé. J’ai aimé que l’auteur revienne et approfondisse la relation Red/Comanche, qu’il n’oublie pas un point essentiel (à mes yeux) de la série autour de la modernité/évolution constante de la société. Bref franchement bien foutu. Un album différent mais qui ne trahit en rien la franchise. Mieux même, elle lui redonne un peu d’aura. Dans la veine de Le Royaume de Blanche-Fleur ou Le Réveil du Tigre, une bonne manière de conclure. 3,5
L'Appel de la forêt (Jungle)
Ah j'ai beaucoup aimé cette adaptation. C'était une vraie découverte pour moi. Je n'ai jamais lu le classique de Jack London, et cette adaptation tombait à pic, alors que la lecture d'une série consacrée à la littérature américaine m'avait donné envie d'en savoir plus sur l'œuvre de cet auteur. Je ne saurais donc dire si cette adaptation est fidèle, mais en tous les cas elle est plaisante, Maxe L'Hermenier commence à avoir de la bouteille dans l'exercice, et ça se sent. Il n'y a pas beaucoup de temps morts, et j'imagine qu'il a gardé les éléments les plus intéressants de l'histoire originale, quitte à les édulcorer un peu pour rentrer dans la case "jeunesse". En tous les cas c'est réussi, même si certains éléments m'ont semblé un peu "vieillis", on a là une vraie bonne histoire, même si Buck réfléchit un peu trop à mon sens. Il ne faut quand même pas oublier que c'est un animal... Côté dessin j'aime décidément beaucoup le boulot de Thomas Labourot, plein de vie, adapté à ce format jeunesse mais très travaillé également. Il assure lui-même les couleurs, on sent qu'il a une maîtrise des outils. Et regardez-moi cette couverture magnifique ! Un classique en BD également.
L'Homme miroir
On ne trouve jamais un Rembrandt dans les combles d’une vieille baraque. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Sa parution initiale date de 2024. Il a été réalisé par Simon Lamouret, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend deux-cent-trente-deux pages de bande dessinée. Il se termine par une demi-page de remerciements dans laquelle l’auteur précise qu’un livre ça peut prendre du temps et que trois années lui ont été nécessaires à l’élaboration de celui-ci. La couverture présente la particularité que la silhouette de l’homme assis est découpée dans le carton fort, laissant voir la page en-dessous. La Roseraie – Vente domaniale pour cause de succession vacante. Dépendance de la maison de maître début XIXe (la bâtisse principale ne fait pas partie de la vente). Composée de cinq pièces de plain-pied : 108m² plus 300m² de terrain. Cadastré BC 252 lot 153. La propriété est encombrée. Le débarras sera à la charge de l’acquéreur. Le bien est vendu en l’état et situé en plaine agricole et boisée à 10mn de Ste-Chabelle – Accessible par transports en commun, à proximité des autoroutes A48 et A49. Mise à prix : 25 000 euros. En fin de journée, Élise arrive en voiture à Sainte-Chabelle, une petite ville de province. Elle s’arrête devant la dépendance, rentre sa voiture dans la cour, referme le portail. Elle prend sa valise dans sa voiture et rentre dans la maison. Elle appuie sur l’interrupteur : pas de lumière, il n’y a plus d’électricité. Elle utilise la torche de son téléphone et constate le fouillis présent dans chaque pièce. Elle se rend aux toilettes et s’y installe tout en ramassant une carte postale par terre pour la lire, pendant qu’elle urine. Un homme écrit à son amour et il évoque le mauvais temps, ainsi que ses marches qui lui permettent de réfléchir à l’avenir de façon plus sereine. Élise l’imagine dans son bain dans cette même salle de bain et sa compagne qui finit sur les toilettes et remonte sa culotte. Élise tire la chasse d’eau, conserve la carte postale avec elle et continue de visiter les pièces de la maison. Devant le bazar généralisé, elle décide de s’installer sur le canapé. Son téléphone portable sonne : sa mère l’appelle. Élise lui indique qu’elle est arrivée à l’instant. Elle demande à sa mère quand Tom leur amène Antoine. Elle se demande qui achète une baraque sans la visiter. Elle prend le flacon d’armagnac sur la table basse devant elle et elle en boit une gorgée. Enfin, c’est trop tard pour regretter. Elle demande à parler à son père et elle lui fait un état des lieux : on ne voit pas grand-chose, mais ça a l’air à peu près en bon état, enfin pour une maison inhabitée depuis trente ans. Elle continue : les fenêtres n’ont pas l’air cassées, du moins dans les pièces qu’elle a explorées en arrivant. Elle n’a aucune idée s’il y a des vices cachés : elle n’est pas maçon, ni plombier. La maison a l’air de tenir debout, ça sent l’humidité et il y a pas mal de poussière, un peu comme avant chez mamie. De toute façon, ils verront tout ça demain. Elle raccroche, elle s’allonge sur le canapé sous une couverture, et elle éteint la lumière. Quel étrange album : une couverture avec une silhouette découpée, c’est-à-dire une forme ludique plutôt à destination des enfants. Une bande dessinée entièrement peinte, avec un degré de simplification dans les représentations tout en conservant un haut niveau de détails. Des cases sans bordure tracée, des formes sans trait de contour. Une introduction d’une dizaine de pages dépourvues de mots à l’exception de la carte postale. Une période de quelques jours peut-être quelques semaines où Élise s’installe dans une maison achetée sans la visiter au préalable, avec son fils Antoine, et l’aide de ses parents Rachel et Philippe. Les gestes du quotidien pour débarrasser les pièces de tout le bazar qu’elles contiennent, de tous les souvenirs accumulés et laissés en plan. Chaque personnage réagit à sa manière à ces circonstances qui l’amènent à manipuler les vestiges de la vie d’une autre personne, décédée depuis, ce qu’il reste d’une vie. Chacun à sa manière réagit en accordant une importance nulle ou significative à ce qu’il trouve, à ce qu’il manipule, ce que cela réveille ou suscite en lui de manière consciente ou inconsciente. En cela, cet absent joue bien le rôle de miroir, reflétant un trait de caractère ou un souvenir chez l’un et l’autre. L’auteur va un peu plus loin que ça, évoquant quelques bribes de la vie de l’ancien propriétaire, montrant le contexte dans lequel il a utilisé ces objets, ces outils… ou au contraire en laissant le mystère. L’auteur développe cette situation sortant de l’ordinaire, en la racontant de manière pragmatique : la suite de petites actions qui vont permettre de déblayer cette maison, le comportement banal de chacun des quatre personnages : la mère Élise, ses parents Rachel et Philippe, son fils Antoine. Tout comme eux, le lecteur est submergé par la quantité d’affaires présentes dans la maison : il ne semble pas y avoir un seul endroit épargné par l’accumulation de choses diverses, laissant présumer un comportement compulsif. Dans la page douze, il regarde la salle à manger, puis la cuisine en vue subjective, par le regard d’Élise : la table pas débarrassée, l’horloge comtoise, le papier peint aux motifs chargés, la vaisselle sens dessus dessous dans la cuisine. Puis les toilettes : des piles de journaux par terre et sur la cuvette. Puis la chambre : le lit ouvert mais pas défait, les vêtements en désordre. Une autre pile de journaux dans le couloir, des tableaux aux murs, une platine disque dans le salon, un piano, des fauteuils, un chapeau, des guéridons, des lampes, un pot à bonbons, un porte-bougie avec sa bougie, un paquet de cigarettes, un flacon d’armagnac, des revues, etc. Le lecteur finit par être aussi étourdi qu’Élise, par le nombre d’objets, par la perspective de devoir débarrasser tout ça. Alors que les dessins semblent un peu simplifiés, le lecteur constate la densité d’informations visuelles à chaque page. Le grand-père effectue la révision de son camping-car avant d’aller chercher son petit-fils et de se rendre chez fille : l’alignement de pavillons est représenté dans des couleurs gaies, il ne manque pas une brique au pourtour des fenêtres, une poubelle est sortie sur le trottoir, un couple est en train de finir de mettre ses affaires dans le coffre de leur voiture, le lecteur peut également voir le tracé des places de stationnement, un mât d’éclairage, les végétaux dans les jardins, un escalier pour accéder à un perron, les fils électriques et leurs poteaux, etc. Le trajet en camping-car se déroule sur sept pages et le lecteur peut voir le paysage défiler, chaque lieu différent et bien décrit. Le premier midi, la petite famille mange sur une table dans le jardin et tout est là : les couverts, les assiettes, les verres, la bouteille d’eau en plastique, la bouteille de vin en verre, les chaises de jardin, l’herbe qui n’a pas été tondue depuis longtemps, les arbres et leur feuillage, la maison de maître en arrière-plan et sa clôture, le muret du jardin. Il est possible que le lecteur n’y prête pas attention à ce moment-là, toutefois s’il y revient par la suite, il constate que la brèche est déjà bien présente dans cette page cinquante-cinq. L’artiste fait montre du même investissement pour chaque endroit : chaque pièce de la maison dont le garage, le marché, les champs avec les chasseurs, une chambre de bonne pour Hannah et François, la déchetterie, un paquebot, un désert de sable, un paquebot, etc. L’artiste adopte également une approche naturaliste pour les personnages : les gestes mesurés des grands-parents et leur visage creusé par les rides, les postures typiques des enfants pour Antoine et sa bouille ronde, les gestes plus assurés et plus confiants d’Élise. Chacun de ces personnages acquiert une vie propre sous les yeux du lecteur, une belle épaisseur et une forte plausibilité. Il sourit en voyant que la taille de police est un peu plus grande dans les phylactères du grand-père pour souligner qu’il parle un tout petit peu trop fort du fait de son audition défaillante. Il le voit absorbé dans son monde, complètement investi dans la remise en route de la Deux-Chevaux, complètement désemparé par l’absence de son épouse partie passer quelques jours seule au bord de la mer. Il ressent la douleur du faux mouvement d’Élise en déchargeant un frigo neuf. Il compatit à son mélange d’exaspération et d’inquiétude en voyant la réponse négative de la mairie après son entretien. Il éprouve une vive inquiétude en voyant Antoine manipuler un fusil totalement inconscient du danger d’une telle arme à feu. Il est en pleine empathie avec Rachel, la plus affectée par les souvenirs de la vie de cet inconnu. L’auteur sait montrer comment chacun des quatre principaux personnages réagit à différents objets, avec une incidence également de nature différente. Le récit tient pleinement la promesse du titre : les artefacts résiduels de la vie du défunt agissent comme un miroir renvoyant la mère, les grands-parents, l’enfant à une partie d’eux-mêmes. Il montre également ce qu’une partie de ces objets a réellement signifié pour leur propriétaire à une époque de sa vie. Le lecteur ressent que le même processus se produit en lui : les personnages s’apparentent également à un miroir de différentes facettes de sa vie. Une remise en question de sa vie professionnelle, un autre regard sur sa relation amoureuse avec son partenaire de vie, sa passion ou son occupation lors des moments qui lui appartiennent pleinement, ses regrets ou sa nostalgie d’un chemin de vie que le hasard des circonstances l’a amené à délaisser, son rapport à la mort et au temps qui passe. Derrière la banalité pragmatique de faire place nette dans une maison, se trouvent des questions existentielles pour lesquelles il n’existe pas une seule réponse, encore moins une bonne réponse. Un point de départ riche et fascinant : faire ressortir les points saillants de sa propre vie en découvrant des vestiges de l’intimité de celle d’un autre. La narration visuelle s’avère douce et d’une richesse extraordinaire, tant pour les détails, les lieux, l’expressivité de chaque personnage en fonction de son âge. Le récit se calque sur les actions ordinaires consistant à débarrasser une maison, avec quelques événements de la vie de tous les jours, en même temps cette vie intérieure qui réagit par automatisme à ces souvenirs d’un inconnu, renvoyant l’image de ses propres choix, de ses habitudes, de ce qui a été laissé de côté. Profond et sensible.
Pleasure island
Comme chacun le sait, le Japonais est capable de survivre partout, car il possède la science infuse, une mémoire phénoménale, le don des langues et bien d'autres choses. Il reconnaît une herbe du 1er coup d'œil et sait comment s'en servir. Idem pour les poissons et autres animaux. Avec tant de qualités, on se demande pourquoi le Japon n'a toujours pas fédéré la planète Terre sous son égide. Le héros japonais est un mini-superman, capable de se transformer en homme viril bien bâti (et tout, et tout), à partir d'une enveloppe de petit gros rondouillard (mais très intelligent), le tout en 3 mois, montre en main. Ajoutons que les femmes sont loin d'être des souillons, malgré un certain isolement sur une île peu fréquentée (à ce qu'il paraît). Comment diable font-elles pour être aussi belles, avec zéro produit de beauté (mis à part une nourriture saine) ? Bien des occidentales tueraient père et mère pour savoir comment :) Et parfois, c'est un peu trop "too much", y compris les crocos. Mis à part ce petit côté agaçant "Nippon Forever", cette histoire est bien dessinée, c'est du bon boulot, je félicite le porteur de crayon. Le scénariste s'est bien documenté, il ne se moque pas du lecteur, même si certaines coïncidences tombent à pic. Vers la fin, il y a un peu plus de monde qui s'invite au bal, l'auteur aurait pu rester avec nos protagonistes initiaux et s'en sortir aisément. Mais il a sans doute voulu raccrocher le wagon à l'Histoire avec un grand H. Il y a bien quelques scènes érotiques ci et là, pour faire plaisir au public adulte. C'est gentillet, pas cochon, c'est même fort esthétique. On pourrait les virer ou les remplacer par quelque chose de plus chaste, afin que ce soit lisible pour tous les publics. Certains BD proposent d'ailleurs 2 versions. Comme l'a si bien dit Cac : les gens de télé-réalité de nos jours sont de la gnognote à côté ! Et j'ajoute : du pipi de chat. Peut-être pas le one-shot de la décennie, mais c'est un ouvrage parfaitement honnête. Ps : quid des jeunes femmes amenées par les pirates ?
Frankenstein (Bess)
Voila une adaptation presque trop fidèle à l’œuvre d'origine ! J'avais déjà lu le livre d'origine et franchement, du profond de mes souvenirs, il n'y a que peu de différences ! Là où je dis que c'est un peu "trop" fidèle, c'est qu'il manque un peu de travail d'adaptation. Le texte est omniprésent, parfois redondant avec le dessin, mais laissant libre court à la langue des romantiques, exaltant les sentiments et la grandeur de ce qu'il se passe. Pour le reste, la BD oriente tout sur une adaptation où l'exaltation romantique ressort, et c'est assez agréable ! On est dans de l'illustration qui accentue tout, avec un style de dessin qui joue sur le noir et blanc pour faire ressortir le propos sur la dualité de l'humain. En fait, il est assez difficile de faire une critique de la BD, c'est surtout une critique de l'histoire du livre qu'il faudrait faire. Mary Shelley a bien fait ressortir les angoisses face à une science en plein essor, mais aussi les questions morales de celle-ci. Il y a la violence de l'être humain, le monde qui devient accessible à tout le monde par le voyage, la conquête des pôles ... Mais aussi, romantisme oblige, les amours à travers les peuples, les qualités que l'homme peut développer (lecture, amour, entraide ...). Au-delà de toute les questions, l'histoire reste une tragédie sombre sur un humain ayant voulu voler trop haut. Une œuvre qui a inspirée des milliers d'autres, prouvant que ses questionnements reste cohérent aujourd'hui encore (avec l'IA, le sujet pourrait revenir). Je peux pas vraiment critiquer cette BD qui fait une très bonne adaptation d'une œuvre culte. Le dessin est magnifique et la BD est lisible, c'est un peu tout ce que j'aurais à en dire spécifiquement.
Edmond
Je suis une grande amatrice de théâtre, j'y ai dédié une grande partie de ma vie et j'ai eu pendant longtemps le projet d'en vivre. Donc une histoire racontant les coulisses de la création d'une pièce, non seulement je connais bien mais en plus ça m'intéresse tout particulièrement. Ici, on nous raconte l'histoire derrière la création de Cyrano de Bergerac, sans aucun doute l'une des pièces du répertoire théâtral français les plus connues et, accessoirement, ma pièce préférée. C'est grâce à elle (et en partie aussi grâce à De Cape et de Crocs) que j'ai enfin réalisé à l'adolescence que le lyrisme et la poésie n'étaient pas uniquement des langages un peu extra-terrestres ne visant qu'un esthétisme sonore, mais qu'il s'agissait bien de formes d'expression et que leurs mots n'avaient pas pour seuls buts d'être lus ou écoutés mais d'êtres joués, d'être vivants. Pour celleux ne connaissant pas la pièce d'origine d'Edmond Rostand, je ne peux que vivement vous la conseiller, c'est une mine de poésie, d'humour et de jeux sur les mots et la langue. Pour revenir à "Edmond", je n'avais pas pu voir la pièce de Michalik quand elle jouait encore, mais j'avais pu voir son adaptation cinématographique à sa sortie. Je connaissais donc déjà la trame avant d'essayer cet album et je trouve l'adaptation bonne. J'aurais sans doute eu plus à dire si j'avais effectivement pu voir la version scénique, les différences doivent être forcément plus nombreuses. L'histoire, donc, est celle d'Edmond Rostand, endetté et en pleine panne d'inspiration, qui va devoir écrire une pièce révolutionnaire dans un délai très court afin de pouvoir sauver sa carrière. L'histoire est simple mais très bien menée. C'est drôle, intéressant, bien rythmé et ça reflète bien le chaos et la panique qui précèdent la plupart des créations artistiques scéniques écrites dans des délais si court (je parle d'expérience). La principale qualité de cette œuvre, selon moi, c'est qu'elle réinterprète de manière assez intéressante l'histoire même de Cyrano de Bergerac. Les personnages et leurs interprètes, la scène et les coulisses, l'écrivain, sa vie et sa création, tout se bouscule et se fait écho de manière satisfaisante. Comme dans Cyrano nous retrouvons donc un triangle amoureux ("relativement" platonique d'un côté et bassement corporelle de l'autre), de l'action (douce comparée à l'œuvre d'origine), des beaux mots et surtout (SURTOUT) du panache ! Peu de chose à dire sur les graphismes, ils sont très beaux et illustrent bien le récit. J'aime bien le dessin de Chemineau, je le trouve assez chaleureux et ici il ne fait pas exception. Je conseille fortement l'album à toute personne aimant un tant soit peu le théâtre, Cyrano de Bergerac ou qui serait tout simplement curieux-se. Pour moi, c'est un coup de cœur, mais je ne sais pas vraiment si ce coup de cœur vient du texte original de Michalik ou de cette adaptation en bande-dessinée précisément. Allez, ça le mérite quand-même !
Les Femmes ne meurent pas par hasard
Les violences faites aux femmes sont un sujet essentiel dans notre société en mutation, et alors que de nombreuses évolutions politiques n'ont de cesse de mettre en péril leur sécurité (nouvelle élection de Donald Trump, montée de l'extrême droite, procès de Mazan...). Nous suivons ici le quotidien d'Anne Bouillon, une avocate basée à Nantes qui a décidé de concentrer son action de défense sur ce sujet, en accord avec ses convictions. on la suit donc dans les prétoires, dans son cabinet, lors de ses échanges avec les victimes, au cours de plaidoiries, d'échanges avec ses collègues... C'est très intéressant, cela aide bien à comprendre le mécanisme de la justice sur le sujet en France, qui se heurte encore à certains préjugés (voir ce petit passage où un de ses collègues estime que #MeToo est une occasion pour les femmes de se faire remarquer...). Sans en rajouter dans le militantisme (qu'elle revendique cependant), Anne Bouillon tente de faire son travail sereinement, en travaillant pour la liberté, la sécurité, la santé mentale des femmes victimes. Le chemin est long, entre le peu de plaintes enregistrées au regard du nombre réel d'agressions, et le nombre encore plus réduit d'affaires réellement instruites, jugées, et résolues. Anne Bouillon ne fait pas que défendre les femmes, elle les aide également, au travers de Citad'elles, une structure d'accueil et d'aide installée à Nantes, probablement unique en France, et dont le modèle mérite d'être décliné partout sur le territoire national. Charlotte Rotman est journaliste, et en tant que telle elle a suivi Maître Bouillon pendant trois ans, prenant des tonnes de notes afin de construire ce portrait e BD, en accord bien sûr avec son sujet. Si le résultat est intéressant, il aurait mérité un peu plus de pep's, d'avoir peut-être un volet plus important consacré au militantisme de Maître Bouillon. Mais en tant que tel, c'est déjà un album essentiel. La scénariste bénéficie des talents graphiques de Lison Ferné, dont c'est l'un des premiers albums. Elle réalise un travail intéressant sur les visages, ordinaires, des auteurs de violences, et reste sobre dans sa mise en scène. On sent qu'elle n'a pas encore atteint sa maturité graphique dans les autres compartiments du dessin, mais sa complémentarité avec Juliette Vaast aux couleurs est évidente.
Coquelicot
Pour œuvrer à une société où la voix de chaque corps peut exister, compter et être entendue. - Ce tome contient une histoire complète, une fiction nourrie par la biographie de l'autrice. Sa publication originale date de 2023. Il a été réalisé par Fanny Vella pour le scénario et les dessins, la mise en couleurs a été réalisée par Poppy. Il comprend cent-seize pages de bande dessinée. Il débute par un court avertissement au lecteur : Cet ouvrage aborde des sujets difficiles ; pour en savoir plus, consulter la liste des thèmes en page cent-vingt-trois, c'est-à-dire : automutilation, dysmorphobie, dépression, malnutrition, viol. En fin d'ouvrage se trouve une postface de deux pages, explicitant l'intention d'informer, le plus tôt possible, de lever les peurs, les tabous. le tome s'achève avec un texte de remerciements de deux pages, rédigé par l'autrice évoquant son histoire personnelle. Dans un pavillon, ordinaire, la jeune Émilie répète un chapelet de Non, aux toilettes. Ses règles sont arrivées quand elle avait dix ans. Elles sont arrivées tout juste deux jours avant l'anniversaire d'une copine. Ce genre de copine populaire à qui on veut plaire à tout prix. Émilie avait hâte. Elle avait pu acheter son premier maillot de grande, mais ça allait être la cata avec ce mauvais timing. Parce qu'évidemment il avait fallu que ce soit une fête organisée à la piscine municipale. Elle avait tellement honte de saigner qu'elle avait inventé un prétexte pour ne pas rentrer dans l'eau. Elle avait alors passé l'après-midi sur une serviette de bain à côté de la maman de Marion pendant qu'elle, Christelle et Kadidja, ses trois meilleures copines, jouaient dans l'eau. Elle lui en voulait tellement à ce corps qui l'avait trahie ! Elle bouillonnait intérieurement. À cet âge-là, ce genre de moments était déterminant pour les amitiés, et elle loupait tout… Elle avait déjà l'époque une fâcheuse tendance à se trouver moins bien que les autres. Elle se comparait sans cesse et l'arrivée de ses règles n'arrangeait rien ! Il faut dire que les hormones avaient déjà commencé à opérer quelques changements. Des changements qui la laissaient perplexe. À la dérobée, Émilie observe la maman de Marion : elle est si belle. Sa peau parfaite. Son absence totale de pilosité. Sa vie devait être simple. Elle n'avait qu'à se laisser vivre, sans se préoccuper de son allure. Vivre paisiblement sous le regard des autres, pendant qu'Émilie, elle, était tétanisée à l'idée qu'on ne la regarde de trop près. La maman de Marion avait-elle la moindre conscience de la tranquillité d'esprit totale que son corps de rêve lui offrait, pendant qu'Émilie était terrorisée à l'idée que quelqu'un pointe du doigt le sien ? Ah oui, et sinon on surnomme Émilie, le coquelicot depuis qu'elle est toute petite, inutile d'expliquer pourquoi. Encore un coup bas de ce satané corps. Elle, elle voulait disparaître, et lui il la faisait déborder partout dans la couleur la moins discrète possible. À voir ainsi la maman de Marion, Émilie pensait que cette adulte n'aurait pas pu comprendre ce genre de tracas qui étaient à des milliers d'années-lumière d'elle. Avec le recul, elle se rend compte qu'il n'est facile pour personne de se porter un regard bienveillant. La couverture semble annoncer une histoire sur l'adolescence et l'affliction de rougir à la moindre émotion, comme si cette réaction physiologique mettait à nu l'adolescente sous le regard des autres. Le texte de la quatrième de couverture annonce une autre sorte de récit, en évoquant le corps d'Émilie qui ne cesse de la trahir, qui la fait reculer d'un pas dès qu'un garçon l'approche, son incapacité à insérer une protection périodique, la douleur lors des rapports sexuels, ce qui fait qu'Émilie en vient à haïr et craindre ce corps qui semble avoir une volonté propre. Quoi qu'il en soit, le lecteur découvre un dessin en pleine page pour la première page : la table de la cuisine, avec le lait aromatisé, le pain et le chocolat, le sac à dos, un cahier et des stylos, la nappe à carreaux, une plante en pot, une chaise, une commode avec une lampe, c'est-à-dire un endroit très familier, avec un dessin immédiatement lisible. Émilie est aux toilettes, le pantalon sur les chevilles, une tache de sang sur sa culotte, le tout représenté de manière chaste, et naturelle. le personnage est dessiné avec une forme de simplification dans la silhouette, une approche similaire à la ligne claire, avec une mise en couleurs plus riche, ajoutant un peu de relief, et des motifs sur le teeshirt. le lecteur se trouve tout suite séduit par l'accessibilité et la gentillesse des dessins, tout en appréciant la gestion de la densité des informations visuelles en fonction des cases. Voici donc une demoiselle, puis une dame qui se retrouve en butte à des difficultés pour ce qui relève de l'intimité physique, tout en étant sûre de son orientation hétérosexuelle. Elle évoque ses difficultés avec l'insertion de tampon hygiénique, son malaise physique à se faire embrasser, puis caresser, puis lors de l'acte sexuel, au fur et à mesure qu'elle grandit. Elle décrit les stratégies qu'elle met en place entre se forcer, ou bien cesser tout effort et mentir à ses copines sur son activité amoureuse. Elle explique qu'elle s'était résignée à ce que les garçons devraient toujours forcer le passage et ce qu'on disait du plaisir ne lui serait certainement jamais accessible. Les relations débutaient toujours de la même façon pour elle. Un engouement et un entrain certains pour la chose au début… puis un désintérêt quasi-total… et finalement un renoncement pendant des semaines voire des mois. Elle s'était toujours retrouvée avec des garçons qui passaient outre son manque de libido, souhaitant rester avec elle pour tout le reste. Elle a fini par se mettre en relation avec un garçon moins conciliant, ce qui fut une épreuve douloureuse. Le lecteur apprécie la gentillesse et la délicatesse de la narration visuelle : il n'éprouve jamais la sensation d'être un voyeur. L'artiste bannit toute nudité. Les personnages sont expressifs grâce à la simplification des traits de leur visage, avec des postures très parlantes quant à leur état émotionnel. Les garçons puis les hommes sont représentés normalement, sans caricature, sans en faire des pervers soumis à leurs pulsions sexuelles. Le lecteur accompagne ainsi Émilie dans différentes phases de sa vie, en partageant ses souffrances, et les manifestations physiques comme des plaques de rougeur très envahissante sur tout le corps. Tout du long du récit, les différentes scènes sont commentées par la voix intérieure d'Émilie. Elle apparaît dans chaque page, le lecteur écoutant ses paroles, ou bien ayant accès à ses pensées, ou encore bénéficiant de ses commentaires. Il remarque qu'Émilie ne porte jamais de jugement de valeur négatif sur les personnes qui l'entourent que ce soient ses compagnons ou le corps médical. Ce récit ne s'apparente ni à une vengeance, ni à une dénonciation ou un pamphlet. Elle raconte ses difficultés, ses blocages, ses douleurs mais aussi ses amours et ses amitiés. La narration visuelle s'avère vivante et diversifiée, sans exagération dramatique ou émotionnelle. Le lecteur suit Émilie dans des endroits variés : les toilettes, une piscine municipale en plein air, une salle de classe, dans sa chambre, dans un voyage en car, à une soirée, sur la pelouse d'un parc pour une discussion entre copines, chez la gynécologue pour une visite, à la terrasse d'un café, dans son appartement avec son conjoint, dans la salle d'accouchement, etc. Les dessins présentent une apparence très facile à lire avec un niveau de détails qui rend chaque endroit spécifique, chaque individu avec une tenue vestimentaire particulière, sans ostentation, sans gestion à l'économie non plus, avec toujours un respect de chaque personne. Les sujets difficiles annoncés sont bien présents : ils correspondent aux comportements d'Émilie en réaction au comportement de son corps qu'elle ne comprend pas. Il s'agit d'une personne dont le mal être est évident, que les aides successives ne parviennent pas à soulager, ni la bienveillance de ses amis et amoureux. Le récit ne s'aventure pas sur le terrain de la psychologie, encore moins de la psychanalyse. Il suit l'histoire personnelle d'Émilie, et le lecteur suppose qu'il s'agit également de l'histoire personnelle de l'autrice. La compréhension de la problématique ne se fait donc pas selon une analyse linéaire, mais selon le hasard des rencontres, des consultations. Le premier élément concret intervient lors de la visite chez la gynécologue, plus le constat d'une maladie et sa classification que son explication. Le lecteur peut également être surpris par l'absence d'accompagnement de la jeune femme, encore qu'il s'agisse d'un sujet dont un ou une adolescente, puis une jeune femme ne souhaite pas parler avec ses parents. Cette manière de raconter déconcerte un peu car le lecteur ne peut pas en tirer une méthode de compréhension, encore moins de prévention. Il ressort de sa lecture avec l'histoire d'une jeune femme dont la vie a été rendue très difficile par cette condition, et la manière dont elle a appris ce dont il s'agit, et le processus par lequel elle a pu trouver des solutions alternatives. Comme l'évoque la postface, il en ressort avec une meilleure compréhension de la santé génésique et sexuelle d'une femme, au travers de cet exemple. Il ne demande qu'à croire que ce savoir sur l'état de santé des femmes constitue un déterminant majeur de la santé de leurs enfants et de leur famille. Pas facile de savoir a priori de quoi parle exactement cette bande dessinée, en se basant sur le dessin de couverture, ou sur le texte de la quatrième de couverture. L'autrice raconte une partie de sa vie par l'intermédiaire d'un avatar appelé Émilie, ses difficultés avec l'intimité physique, que ce soit pour les règles, ou dans le cadre de rapport avec les garçons puis avec les hommes. Elle utilise une narration visuelle très agréable à l’œil et très prévenante du respect de la personne pour tous ses personnages. Elle met en œuvre un ton descriptif, dépourvu d'acrimonie envers qui que ce soit. Elle expose ainsi les troubles dont elle a souffert et qui ont fortement pesé sur sa vie personnelle et amoureuse, ainsi que les consultations et les dialogues qui lui ont permis de comprendre et de surmonter ces troubles.
Tant pis pour l'amour, ou comment j'ai survécu à un manipulateur
Une BD d’excellente facture. Et pourtant, elle ne m’a pleinement convaincu qu’à la sortie de sa deuxième moitié. La première partie n’est pas inintéressante, l’auteure raconte son histoire avec un manipulateur. Du roman graphique a tendance autobiographique, l’héroïne est touchante, on compatit mais on a aussi envie de la bousculer un peu (compliqué les sentiments). Le dessin est dans un style « blog féminin » mais il s’avère agréable, lisible et dans une narration maîtrisée. Il faut aimer le genre, perso la passion n’était pas trop là. En tout cas, ça se lit facilement. Heureusement, la prise de conscience et la libération de cette relation toxique arrive en milieu de tome. En fait, toute cette partie résonne comme un passage obligé à la suite. L’auteure quitte le récit « nombrilisme » et emmène le récit dans des sphères plus universelles sur ce qu’elle a vécu. Cette suite est d’un tout autre acabit, elle revient sur son sujet mais, un peu à la manière de Lou Lubie, de façon drôle et ludique. J’ai franchement apprécié, en plus d’apprendre plein de trucs sur ce type de comportement (que l’on peut extrapoler aux amis, familles, collègues …). Franchement bien, une bonne formule pour du chouette boulot. Dans le traitement, j ai trouvé ça bien plus pertinent que Il m'a volé ma vie par exemple.
Le Garage hermétique (Major Fatal)
Sadly, no one who reads the Airtight Garage in its collected form can begin to imagine how it was experienced when read a few pages a month, over a period of three years, when Giraud/Moebius was virtually unknown. It was a joyful, mind-expanding comic/poem/dream that forever made it difficult to appreciate the usual comic book fare. To say the story is confusing and the characters not well developed would be like reading Herriman's 'The Dingbat Family' and then 'Krazy Kat' in compiled form and making the same complaints. For a lover of comic art, there is the world before The Airtight Garage, and the world afterwards.