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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Oum Kalsoum - L'Arme secrète de Nasser
Oum Kalsoum - L'Arme secrète de Nasser

Ce treize novembre, Bruno Coquatrix se félicite de n’avoir pas cédé à la raison. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, de nature historique. Sa première édition date 2024. Il a été réalisé par Martine Lagardette pour le scénario et les dialogues, et par Farid Boudjellal pour les dessins et les couleurs. Il comprend environ cent-soixante-dix pages de bande dessinée. Il se termine par une page recensant une vingtaine de sources bibliographiques, un dossier de huit pages présentant quelques fragments des années d’errance des auteurs pendant la conception de l’album. Il est rarement question de hasard et de music-hall lorsque l’on évoque la politique étrangère des nations, excepté quand ils accomplissent des prodiges. Pour comprendre ce qui suit, il faut remonter au 26 juillet 1966, date choisie par Bruno Coquatrix, directeur de l’Olympia, pour se rendre en Égypte. Ce jour-là, au Caire, le cœur des Égyptiens bat très fort. Le pays fête les dix ans de la nationalisation du canal de Suez. Dans un avion, Bruno Coquatrix discute avec Jean-Michel Boris et Odile. Ils évoquent le mauvais rôle joué par la France, et le départ effectif des étrangers à l’époque. Le directeur de l’Olympia conclut qu’il vaut mieux laisser le passé aux historiens, et la scène aux artistes. En descendant de l’avion, il estime que les festivités, c’est bien, mais qu’ils ne sont pas en vacances. Leur Olympia est un ogre, il lui faut du sang frais. Ils ne disposent que de trois jours, c’est peu pour trouver de nouveaux talents. Odile lui précise que le rendez-vous avec le ministre Okacha est confirmé, mais le jour et l’heure ne lui ont pas été précisés. Elle ajoute que l’Égypte est l’école de la patience. Dans l’aéroport, ils sont attendus et pris en charge par Mohamed qui leur confirme que monsieur Okacha les recevra demain matin. Il les conduit à leur limousine : il ne faut pas perdre de temps, il y a beaucoup de circulation en ville et ils sont attendus à leur hôtel pour des commémorations. Le Hilton a prévu un dîner suivi d’un spectacle. Pendant le trajet en voiture, ils peuvent voir la foule manifester à travers les vitres de l’habitacle. Mohamed confirme que Monsieur Okacha est impatient de faire la connaissance de Coquatrix et de ses amis. Le ministre n’a entendu que des éloges de leur festival égyptien l’année dernière. Pour le prochain, il est prêt à les aider. À cet effet, Mohamed a établi une liste des artistes à auditionner, tous excellents. Il espère que son choix conviendra au directeur de l’Olympia. L’assister est un honneur pour lui. Il a découvert l’Olympia quand il étudiait à Paris. Il s’était ruiné pour aller voir Dalida. Après ça, il avait mangé du pain trempé dans du café au lait le reste du mois. Il indique qu’ils arrivent à la fin des manifestations, comme ils peuvent le constater, les Égyptiens sont fougueux. La discussion continue, et Coquatrix en vient à indiquer que plusieurs des artistes se produisant à l’Olympia sont nés en Égypte : Guy Béart, Richard Anthony, Georges Moustaki. Il n’a pas choisi par hasard cette destination pour voyager. Il avoue que leurs récits y sont pour quelque chose. Mohamed explique que Nasser n’a pas eu le choix, concernant la nationalisation du canal de Suez. Une bande dessinée à la pagination copieuse, pour évoquer un concert (deux en fait) qui a fait date dans l’histoire de l’Olympia et en France. Le titre complet évoque également la dimension politique avec le nom de Gamal Abdel Nasser Hussein (1918-1970), second président de la République d’Égypte. Cette dernière se trouve au cœur du récit : la nationalisation du canal de Suez est mentionnée dès la première page pour l’anniversaire de ses dix ans. Bruno Coquatrix a rendez-vous au Caire avec Sarwat Okacha (1921-2012) le ministre égyptien de la Culture de 1958 à 1961, puis de 1966 à 1970. Au cours de la bande dessinée, le lecteur se retrouve dans le bureau du Général Charles de Gaulle (1890-1970) président de la République française de 1959 à 1969, en présence du ministre de la Culture André Malraux (1901-1976). Il est question à plusieurs reprises de Nasser. Pour assurer la sécurité de la diva sur le sol français, le Général assure Malraux de l’aide de Maurice Grimaud (1913-2009, préfet de police de Paris), de Louis Amade (1915-1992, préfet hors cadre), ou encore de Maurice Couve de Murville (1907-1989, premier ministre de 1968 à 1969). Dans ces moments, le choix graphique de l’artiste prend tout son sens : réaliser des images qui font penser à des photographies en noir & blanc dont le contraste aurait été poussé à fond, puis habillées de nuances de gris en dégradé parfois lissé. Ainsi il peut rendre compte de ces moments d’actualité de manière authentique. Pour autant, il s’agit avant tout de l’histoire de deux soirées de gala, dans une des salles de spectacle les plus célèbres de Paris. L’Olympia situé 28 boulevard des Capucines, inauguré 11 avril 1893, créé par Joseph Oller (1839-1922, Josep Oller i Roca), et consacré majoritairement à la chanson à partir de 1954, avec la nomination de Bruno Coquatrix au poste de directeur. Pour réaliser cet album, les auteurs ont bénéficié des souvenirs de Doudou Morizot, régisseur général de l’Olympia à partir de 1956, et responsable du suivi lumière de la Diva pour ses deux concerts, ainsi que de ceux de Jean-Michel Boris, directeur artistique et bras droit de Bruno Coquatrix, et enfin de ceux de Jeanne Tallon, ouvreuse puis directrice de salle. Au fil de la période évoquée, le lecteur peut voir s’y produire ou venir en spectateur : Édith Piaf (1915-1963, seulement sur une affiche), Claude François (1939-1978, en train de répéter, au bar), Charles Aznavour (1924-1918), Johnny Halliday (1943-2017), Sylvie Vartan (1944-), Dalida (1933-1987), Otis Redding (1941-1967), les Rolling Stones, Amália Rodrigues (1920-1999), Sammy Davis Jr. (1925-1990), Brigitte Bardot (1934-, au bar de Marilyn), James Brown (1933-2006), et de nombreux autres. À nouveau, le mode de représentation de type photoréaliste fait des merveilles pour intégrer toutes ces personnalités de manière organique dans la narration, à partir de références photographiques. Cela permet de les mettre en scène conformément à leur image médiatique, générant ainsi un écho naturel avec la représentation mentale qu’en a le lecteur. Le lecteur ressent également que le dessinateur a sérieusement étudié la disposition des locaux de l’Olympia et qu’il la restitue avec rigueur, ainsi que sa décoration de l’époque. Déjà bien fourni avec la dimension politique et la dimension culture populaire, le fil directeur du récit se déroule autour de l’organisation des deux concerts d’Oum Kalsoum à l’Olympia. Le voyage du Directeur de l’établissement au Caire l’amène à se fixer cet objectif, tout en ayant conscience du statut de diva de la chanteuse, et de son engagement politique auprès de Nasser. L’histoire se compose de quatorze chapitres de longueur variable (de deux à vingt-quatre pages), chaque titre comprenant un repère chronologique : Le Caire (juillet 1966), La dame du Nil (27 juillet 1966), Boulevard des Capucines (décembre 1966), Palais de l’Élysée (janvier 1967), Diplomatie acte I (février 1967), Turbulences (mars, avril, mai 1967), La blessure (juin 1967), Le doute (octobre 1967), Diplomatie acte II (octobre, novembre 1967), L’arme secrète de Nasser (8 novembre 1967), Olympia forever (9 novembre 1967), Oum Kalthoum, Umm Kulthumm ? (12 novembre 1967), Tarab (13 novembre 1967), Diplomatie acte III (16 novembre 1967). Incroyablement servi par les illustrations qui rendent concrète cette époque, qui font œuvre d’une reconstitution tangible et vivante, la scénariste peut faire vivre son sujet sur encore d’autres plans. Du début à la fin, le lecteur suit le déploiement d’efforts considérables pour ce projet risqué, par Bruno Coquatrix (1910-1979), âgé de cinquante-six ans à l’époque, très élégant, fumant régulièrement le cigare, au four et au moulin les soirs de spectacle à l’Olympia, ménageant et flattant les vedettes avec un savoir-faire niveau expert dans le compliment juste et valorisant. Le lecteur s’attache à lui, admiratif de son implication, sans borne, partageant ses inquiétudes et même ses angoisses, se prenant à souhaiter ardemment la réussite de son entreprise, alors même qu’il sait que ces concerts ont eu lieu. À chaque étape, la narration visuelle immerge le lecteur dans chaque lieu, au milieu des vedettes et des artistes, aussi bien au cœur de l’Olympia que dans les rues du Caire ou de Paris. La mise en scène s’effectue souvent sur les deux pages en vis-à-vis, avec des prises de vue élaborées qui montrent les foules, les individus, les activités, les émotions. Et puis il y a Oum Kalsoum. Et sa musique. Les auteurs vont au-delà d’un simple reportage journalistique, ou de la reconstitution d’un projet de concert. Ils évoquent la versant artistique : les facettes de diva de la chanteuse, ainsi que l’effet produit par son chant, l’adoration de ses admirateurs, sa position sociale, sa liberté d’artiste, y compris de femme dans la société de l’époque. Ils présentent les différents artistes égyptiens se produisant au Caire lors de la visite de Bruno Coquatrix et de Jean-Michel Boris, ainsi que les compositeurs. Lorsque le concert commence, ils présentent les différents musiciens, un par un, avec une ou deux phrases sur leur parcours, leur reconnaissance. Ils évoquent le mindile (tissu en mousseline de soie) d’Oum Kalsoum, Said el Tahan (le plus grand admirateur de la Dame), le nombre de chansons interprétées, la déclaration politique du journaliste Galal Moawad à l’entracte, l’incident avec le jeune homme enivré par les vocalises de la Dame qui monte sur scène et se jette à ses pieds, la ferveur du public, etc. À l’opposé d’un compte-rendu technique et clinique, le lecteur ressent ce moment, et il lui tarde de se jeter sur une application pour entendre ou réentendre des enregistrements de la quatrième pyramide d’Égypte. S’il le souhaite il peut lire auparavant Oum Kalthoum - Naissance d'une diva (2023), par Chadia Loueslati & Nadia Hathroubi-Safsaf, une introduction légère, pour faire connaissance avec la Perle du Nil. Wouaahhh !!! Applaudissements nourris ! Une bande dessinée exceptionnelle pour découvrir l’envergure de la venue d’Oum Kalsoum pour se produire à Paris les 13 et 15 novembre 1967. La narration visuelle revêt une apparence de type photographique capturant au mieux la réalité de l’époque, que ce soit les lieux ou les personnalités, avec une mise en scène variée et sophistiquée donnant vie à chaque séquence, quelle qu’en soit la nature. Les auteurs ont souhaité réaliser une bande dessinée avec une approche holistique, rendant compte des différentes dimensions de l’événement : historique, politique, culturelle, artistique. Une réussite totale qui implique le lecteur, dans une reconstitution vivante de l’époque, lui donnant une envie irrépressible d’écouter l’Astre d’Orient.

08/02/2025 (modifier)
Par Josq
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série HSE - Human Stock Exchange
HSE - Human Stock Exchange

Malgré son concept fort, j'avoue n'avoir pas été immédiatement séduit par cette série. Le premier tome fonctionne, mais en choisissant de nous immerger très progressivement dans son univers, met du temps à faire démarrer l'intrigue. On se perd un peu dans le jargon technique, dans les échanges financiers, et on se demande si on va arriver à suivre. Et puis le tome 2 arrive, et là, on sait qu'on va adorer. Le récit s'envole, les personnages se creusent, et les tournants pris par la narration deviennent un peu moins prévisibles, presque surprenant par moments. Et surtout, Dorison sait exploiter à 200% le fond de son sujet ! Après son premier tome d'exposition, il pose les vrais dilemmes dans ce tome 2 assez brillant, on comprend mieux où il veut nous mener. A ce titre, l'implacable tome 3 clôt merveilleusement la série, d'une manière parfaitement cohérente, toujours avec la profondeur qu'on attend d'un tel récit dystopique. La réflexion sur l'humanité, le libre arbitre, et notre avenir est vraiment bien menée et nous pose de vraies questions, sans que jamais, on ne se fasse écraser par un didactisme pesant. Le dessin d'Allart est très efficace et participe bien à nous immerger dans cet univers d'hypocrisie et de faux-fuyants. De belles couleurs, un trait souple, un réalise jamais excessif, on y est, on y croit. Bref, tout cela est très beau, et si, finalement, je n'ai eu qu'une petite réserve à la fin de cette lecture, c'est que, quelque part, j'ai eu un peu l'impression d'avoir déjà vu cette histoire. Le lien n'est pas évident de prime abord, mais quand on a vu The Truman Show, il est vraiment difficile de ne pas y voir de grosses résonances avec le tome 3. On est loin du plagiat, bien évidemment, mais tout de même, les parallèles sont très nombreux, même si j'éviterai de les lister ici pour ne pas gâcher la surprise d'éventuels futurs lecteurs. Ce rapprochement un peu trop évident à mes yeux, est loin de disqualifier la série, mais cela lui enlève ce petit côté vraiment unique qui caractérise les grands chefs-d'œuvre. En l'état, on a déjà une excellente trilogie, agréable à lire, et très bien menée, qui nous fait déjà envisager avec le plus grand plaisir la perspective de la relire un jour. C'est déjà énorme.

07/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Betty Boob
Betty Boob

Waw, très simple mais une belle claque quand-même ! Betty Boob c'est une histoire (semi) muette parlant de deux choses : le cancer et le rapport au corps (particulièrement ici le corps féminin). Notre protagoniste, dont nous ne connaissons pas le réel prénom, perd son sein et ses cheveux à cause d'un cancer et doit apprendre à vivre sa vie après cela. Elle souffre de son image, son petit ami a du mal à la regarder dans les yeux, ne la désire plus, elle se sent observée et jugée partout où elle va, elle tente désespérément de trouver un moyen de récupérer son sein, … Jusqu'à ce que, finalement, elle tombe sur une troupe de cabaret burlesque qui décide de la prendre sous son aile. Là, parmi d'autres femmes aux corps hors normes (en surpoids, à la poitrine plate, avec une prothèse de jambe, avec beaucoup de tatouages, …) elle va enfin apprendre à ne plus subir les conséquences de sa maladie et, mieux encore, apprendre à aimer son corps et reprendre le contrôle de sa vie. C'est très beau. D'une part visuellement, le dessin de Julie Rocheleau est travaillé, possède une belle patte et elle se permet de jouer avec les couleurs et la représentation fantasque pour illustrer ses scènes. Mais le fond est tout aussi joli. J'aime beaucoup le sujet du corps, de la perception que nous avons de ne corps et du rôle qu'elle joue sur notre bien être. Tout ce propos sur le corps féminin, particulièrement enfermé dans des standards de beautés strictes dans notre société, et ce rejet et cette difficulté à accepter les corps hors-normes, sortant des carcans, m'a profondément parlé. Et l'aspect très positif, très doux et bon enfant du récit, qui parvient à aborder des moments durs (comme l'abandon d'êtres chers ou encore les stigmates de la maladie) tout en gardant ce ton léger et optimiste... moi ça me touche sincèrement. L'histoire est fantasque à souhait, laissant volontiers le réalisme pour l'illustration rêveuse et le symbolique, et ça ça marche très bien sur moi. Un coup de cœur et une lecture recommandée pour ma part.

07/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Géante - Histoire de celle qui parcourut le monde à la recherche de la liberté
Géante - Histoire de celle qui parcourut le monde à la recherche de la liberté

Cet album est un conte nous racontant l'histoire de Céleste, géante désireuse de découvrir le monde et qui réalisera lors de ses voyages que son statut de femme est malheureusement son réel handicap en société. En effet, dans ses aventures, Céleste est assez peu gênée de sa taille gigantesque (si ce n'est au début). Sa taille est en réalité plus souvent utilisée comme symbole de son sentiment de ne pas appartenir au même monde que les autres, d'être hors-norme. Une scène laisse même entendre que sa taille de géante pourrait être une représentation de la grandeur des femmes, de la Femme, qui se trouve en elle, une forme de réappropriation de l'espace de vie féminine. Oui, vous l'aurez devinez au résumé, ceci est un conte féministe. Au-delà du féminisme, c'est un conte sur l'ouverture à l'autre, sur les stigmates causés par une société cultivant les inégalités, pourchassant et éliminant les différences et souhaitant contrôler ce qui ne la regarde pas (on aborde même le sujet des relations amoureuses non-monogames, plus ouvertes, plus libres). Dans cette société aux allures médiévales, l'histoire aborde le sujet de la féminité, du statut des femmes sont un patriarcat étouffant, des créations des femmes pour s'en sortir, partir ou tout simplement grandir. Comme souvent, on utilise à un moment un personnage de sorcière pour symboliser la femme de science pourchassée par les hommes souhaitant la contrôler. J'ai également bien aimé que le sujet des femmes dans les troupes de saltimbanques et d'artistes itinérants dans les sociétés médiévales ait été abordé ici, c'était une de mes parties préférées lorsque j'avais étudié l’histoire des arts scéniques. Bref, Géante raconte l'histoire d'une jeune femme mûrissant, découvrant le monde et apprenant de ses découvertes, et qui, par la force de ses expériences et de ses convictions, créera petit à petit une communauté qui lui convienne et qui lui semble juste. Peut-être trop idéaliste mais ça fait du bien. (Note réelle 3,5)

07/02/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série The One Hand & The Six Fingers
The One Hand & The Six Fingers

Un comics sous forme de fascicule, il y en aura cinq, un par mois. Autre particularité, chaque fascicule va nous proposer deux points de vue différents d'une même histoire. D'abord celle de l'inspecteur Ari Nassar qui vient de fêter son départ en retraite, elle sera suivie de celle d'un tueur en série. Ram V et Laurence Campbell s'occupent de notre inspecteur, tandis que Dan Watters et Sumit Kumar du serial killer et Lee Loughridge aux couleurs. Fascicule 1. Une entrée en matière réussie, l'intrigue prend doucement forme et j'aime beaucoup cette lecture en parallèle des deux points de vue. L'inspecteur Ari est intrigant, c'est aussi un solitaire qui cherche la compagnie féminine dans une boutique spécialisée dans l'Intelligence Artificielle, sous forme de robots. Il va reprendre du service sur une enquête qu'il a déjà résolue deux fois dans le passé... Côté tueur en série, on découvre un jeune homme doctorant en archéologie, un petit gars comme beaucoup d'autres, il a un job d'appoint pour joindre les deux bouts. Des personnages que nos scénaristes prennent le temps de bien développer. Un polar noir, dans un monde futuriste, qui tient ses promesses, c'est captivant et j'ai hâte d'être au prochain numéro. Notre trio (Campbell, Kumar et Loughridge) réalise un formidable boulot. La partie graphique nous plonge de plein pied dans cette mégalopole bouillonnante et inquiétante. J'ai adoré le choix des couleurs. Plus qu'à attendre le 28 février.

07/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Jolies ténèbres
Jolies ténèbres

Alors ça, c'est glauque à souhait. Jolies ténèbres, c'est un conte macabre, un récit fantastique mêlant les joies enfantines aux horreurs plus sombres et cruelles du monde réel. Tout commence dans l'esprit d'une jeune fille… morte. Oui, ici, nous allons suivre des petits êtres humanoïdes tout droit sortis de l'imaginaire d'une enfant et qui vont devoir tenter de survivre hors de sa tête lorsque celle-ci meurt en pleine forêt dans des circonstances inconnues. Le sujet, en réalité, ne sera pas la mort de la jeune fille en elle-même (si ce n'est à la rigueur que tout ce récit pourrait être interprété comme une métaphore pour la mort symbolique de l'enfance et un passage forcé et dramatique à l'âge adulte et ses horreurs plus froides). Ici, nous allons suivre ces petits personnages à l'apparence si innocente progressivement se transformer en monstres. Vols, inégalités, meurtres, survie en milieu hostiles, … On comprend très rapidement que l'on ne nous raconte pas ici une histoire joyeuse. Comme le nom de l'album l'indique, nous avons ici un croisement du beau, du mignon, de l'idéal (de l'idéalisé, même) et du terrifiant, du monstrueux, du froid, du réel. Seuls une poignée de personnages semblent objectivement sympathiques, mais bien évidemment, comme souvent dans ce genre de récit, ce sont elleux qui subiront les pires tragédies. Aurore, notre protagoniste, est une jeune rêveuse, souhaitant l'entraide, la paix avec les animaux et tout simplement que tout le monde puisse vivre en harmonie. Cette histoire est celle de ses désillusion, de la perte de son innocence, de sa découverte presque trop cruelle des pires aspects de l'humanité. Elle qui n'était qu'une sorte de poupée idéalisée au début, ne rêvant que de fêtes, de thés et de son beau prince, elle finira traumatisée, froide, monstrueuse à son tour. L'album retourne, met sincèrement mal à l'aise par moment, et surtout réussi son pari de faire de ce récit une rencontre entre une leçon de vie poétique et imagée et une version horrifique du roman "Les Chapardeurs" de Mary Norton. Le dessin de Kerascoët est, comme toujours, très beau. Iels arrivent toujours à donner des visages et des apparences adorables à leurs personnages, ce qui aide beaucoup pour le contraste avec les évènements affreux que ces petits êtres vivent. Les dernières planches beaucoup plus froides et terrifiantes m'ont vraiment bluffée. L'album m'a sincèrement retournée. C'est glauque, prenant, angoissant, … La lecture est on ne peut plus recommandée pour moi.

07/02/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série L'Homme qui tua Chris Kyle
L'Homme qui tua Chris Kyle

Je n'ai franchement aucune affinité avec toute cette histoire, dont je ne connais pas le film d'ailleurs (American Sniper). Mais Nury et Brüno qui s'associent pour parler de ça, c'est suffisant pour me donner envie. Et j'ai donc commencé la BD sans trop d'attente, ce qui m'a permis de complètement l'apprécier. En effet, la BD pose deux conditions pour une lecture agréable : ne pas s'attendre à une histoire exhaustive, ne pas s'attendre à une considération sur les personnes. Ne connaissant pas l'histoire, donc, j'ai été surpris que l'ensemble présente les faits et (presque) que les faits. Les auteurs ne se posent jamais en père-la-morale et se contentent de présenter tout les personnages, leurs idées, comment cette journée arriva et ce qu'il en résultat. Mais aussi la suite, avec la veuve de Chris Kyle, tout ce qui s'est passé autour de son image etc ... Ce qui fait la confusion possible de plusieurs lecteurs et lectrices, c'est que la BD semble vouloir explorer cette histoire aux personnages assez peu manichéen, alors que le propos des auteurs me semble tout autre. Bien qu'il ne mette que les faits allant jusqu'à retranscrire des interviews télévisuelles, c'est dans l'organisation des pages que j'ai senti ce qui se jouait. Pour moi (du haut de mon expérience de lecteur), les auteurs veulent utiliser cette histoire pour présenter une société, la société américaine, dans toutes ses contradictions. Une société qui ne s'occupe pas de la santé de ses milliers de vétérans, fasciné par les armes à feux, embrassant la violence comme solution (le slogan est incroyable !), utilisant toute histoire pour faire de l'argent, capitalisant sur le succès populaire ... Pour moi, cette BD est surtout une constatation de ce qu'est l'Amérique de Chris Kyle. Une Amérique qui ne fait pas du tout rêver et qui semble surtout un échec cuisant. Voir la jeune veuve sortir livre sur livre et créer des sociétés en profitant de la mort de son mari me parait indécent, mais c'est l'Amérique ! Voir les personnages utilisés en tout sens, les procès s'empiler, les interviews (parfois lunaire) se succéder, le tout baigné des valeurs bien USA (arme, protestantisme, procès, argent ...). C'est une fin bien amère qui est présentée, à mon gout, lorsque l'on voit encore une page de mort qui s'entasse, morts anonymes qui ne seront jamais déplorés ... La BD est une enquête sur un sujet qui n'est pas le meurtre de Chris Kyle et dont j'ai l'impression que le sous-titre est le plus important : une histoire Américaine.

07/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Fronde fiscale - Antoine Deltour - Parcours d'un lanceur d'alerte
Fronde fiscale - Antoine Deltour - Parcours d'un lanceur d'alerte

Cet album est très intéressant. D’une part parce qu’il explique de façon très simple et très claire comment les multinationales s’exonèrent des obligations collectives en matière fiscale, en jouant sur les règles, avec la complicité de dirigeants politiques, et d’États aux allures de paradis fiscaux – ici le Luxembourg, avec des boites de Conseils et d’Audit spécialisées pour les conseiller à frauder le fisc. L’autre intérêt est de montrer, au travers de ce qui est arrivé à Antoine Deltour, qui travaillait dans l’un de ces cabinets géants (qui œuvrent pour « accompagner » les multinationales du monde entier – celles qui ont des « sièges sociaux » ne contenant qu’une boîte aux lettres au Luxembourg) et qui est devenu « lanceur d’alerte », fournissant des documents à "Cash Investigation" - entre autres. C’est le début pour lui d’un harcèlement judiciaire de la part de son ancien employeur – secondé par la justice luxembourgeoise au début. Cela interroge donc aussi sur le statut de lanceur d’alerte, officiellement défendu, mais qui en fait est plus que fragile. Et il faut beaucoup de courage pour le devenir et le rester, puisque plusieurs années de combat judiciaire, de pressions diverses s’ensuivent. La narration est agréable et limpide, y compris lorsque Deltour explique les mécanismes de la fraude. On reste pourtant dégoûté en comprenant que rien n’a changé sur le fond, puisque les mécanismes qui permettent aux multinationales d’utiliser le dumping fiscal et les complicités des dirigeants leur permettent toujours de ne presque rien payer en impôts sur leurs réels bénéfices. Comme le rappelle Deltour (et c’est le moteur de son action), ceci entraine la baisse des investissements dans l’éducation, le social, les hôpitaux, etc., puisque l’argent qui leur serait nécessaire est détourné au profit des actionnaires des grands groupes, suite à quelques jeux d’écriture. Un album peu épais, vite lu, mais instructif (à compléter avec quelques articles du Monde diplo, quelques émissions d’Élise Lucet – qui se fend de la préface et certains livres et BD de Denis Robert). Une lecture recommandée.

07/02/2025 (modifier)
Couverture de la série La Gloire de mon Père
La Gloire de mon Père

"La Gloire de mon père" et Le Château de ma Mère , sa suite, ont la particularité d'être des excellents romans bénéficiant de très bonnes adaptations ciné et BD. J'aime beaucoup l'univers marseillais de Pagnol et je trouve que la collection proposée par Stocco et Stoffel rend fidèlement hommage à ce grand artiste. Pagnol est un auteur très "cinématographique" dans ses récits. C'est donc presque naturel de retrouver le même déroulé scénaristique dans la série. Pas de surprise donc mais un plaisir évident de retrouver cet équilibre entre l'intimité de l'enfance heureuse, la peinture sociétale et sociale de ce début de siècle où la séparation de l'Eglise et de l'Etat est une grande affaire, et la pointe d'ironie sur l'image idolâtrée du père. Les dialogues sont souvent issus du roman ce qui apporte une belle qualité littéraire à la série. Le graphisme de Tanco qui manie humour des expressions et précision des paysages contribue grandement à la qualité d'une lecture dont je ne me lasserai jamais.

07/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Post Americana
Post Americana

Vivre avec / Vivre contre - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, qui n'appelle pas de suite. Il regroupe les sept épisodes de la minisérie, initialement parus en 2021, écrits, dessinés et encrés par Steve Skroce qui a également réalisé les couvertures. La mise en couleurs a été réalisée par Dave Stewart, et le lettrage par le studio Fonografiks. Nathaniel Hawkthorne, le président des États-Unis, s'adresse à son peuple depuis son pupitre, avec le drapeau américain derrière lui. Il se trouve dans un énorme hangar souterrain militaire, devant des civils assis, avec des militaires debout, et de nombreux avions de chasse, ainsi que des chars occupant l'immense espace. Le temps est venu pour le peuple de la Bulle de reconquérir le territoire de la nation. Après un sabotage de grande ampleur il y a quelques années, leur arsenal est revenu au plus haut niveau, grâce à une reconstruction automatisée. Il est certain que ce projet de reconstruction est le bon, c'est ce qu'il lit dans le regard des civils assis, dans celui des soldats, et même celui des anciens rebelles en tenue orange qui ont finit par se soumettre. La ville rutilante n'est plus que ruines, mais les fondations sont encore solides : il est temps que d'ensemencer pour que quelque chose de plus beau puisse prendre racine. Dans le même temps, deux individus, Dom et Mike, ont réussi à s'infiltrer dans une autre partie du hangar et ils se mettent à trafiquer un avion. Ils sont repérés par deux soldats. Comprenant qu'ils ont été identifiés comme des rebelles, les deux hommes dégainent et abattent les deux soldats. Le président a entendu les coups de feu et ordonnent aux soldats d'intervenir sans faire de prendre de prisonnier. Dom et Mike sont parvenus à s'installer au poste de pilotage de l'avion, mais les balles commencent à fuser. Dans l'étage supérieur, quatre autres rebelles contemplent la situation et savent ce qu'il leur reste à faire : déclencher l'explosion des charges même s'ils se trouvent en plein dans leur champ d'action. Les deux rebelles profitent de l'explosion pour décoller et sortir de cette gigantesque base installée au cœur du mont Cheyenne dans le Colorado. Malheureusement l'appareil a été touché et ils vont devoir se poser rapidement. Dans un campement non loin de là, Rudy, un individu chétif avec des plaques de rougeur sur le corps, accueille Carolyn, pendant qu'un petit groupe regarde un dessin animé en plein air, mettant en scène les superhéros Night Terror et Don. Il s'adresse à une jeune femme peu commode qui explique qu'elle est venue parler à leur chef F.F. Celui-ci arrive en volant grâce à un exosquelette et ordonne à Rudy d'aller voir ailleurs vite, parce que ses talents de cannibale n'apportent pas grand-chose à la communauté. Puis il s'adresse à Carolyn, lui indiquant qu'il apprécie ses talents et qu'il souhaite l'aider à les mettre à profit de la communauté. de manière peut-être ironique, elle répond qu'elle est touchée de pouvoir interagir à haut niveau avec le vrai responsable. Soudain, quelqu'un pointe du doigt un aéronef dans le ciel qui semble proche de se crasher. Après Maestros (2018) et une histoire de magie, Steve Skroce réalise une nouvelle histoire entre science-fiction et anticipation : la civilisation s'est écroulée, une communauté a survécu dans un environnement protégé, avec toute la modernité technologique préservée et automatisée. Il est temps pour l'autorité légitime des États-Unis de reconquérir le territoire et de rebâtir la nation. Oui, ça commence comme ça, mais le personnage identifié comme le héros s'oppose à cette campagne militaire. Le créateur ne fait pas les choses à moitié : il donne à voir ce futur du vingt-troisième siècle dans le détail, sans ménager sa peine. La vision panoramique de l'énorme caverne impressionne le lecteur : le nombre d'avions, les citoyens assis sur des rangées de chaises bien alignées, l'uniforme des soldats, la tenue des prisonniers, avec des visages tous différents. Le lecteur un peu plus exigeant relève que la caverne comprend également des installations techniques permettant la sortie et la rentrée des avions, la place pour qu'ils puissent évoluer. Ce n'est pas un dessin effectué sous le coup de l'inspiration, mais une installation pensée pour être fonctionnelle. Après cette entrée en matière qui en jette, le lecteur se demande si l'investissement de l'artiste va baisser ou va rester de même niveau au fil des épisodes. Il obtient la réponse très rapidement : il n'y a pas de scène sacrifiée, ou de passage en mode expéditif. Ainsi le lecteur va pouvoir se projeter dans plusieurs endroits de la Bulle, l'environnement dans le Mont Cheyenne évidé, comme la zone de plage, la fabrique automatisée de drones, la salle de commandement militaire, les serres hydroponiques, le restaurant haut de gamme, les cascades intérieures, les nurseries, et même un plan holographique de l'ensemble des installations de la Bulle. Il peut satisfaire sa curiosité en prenant le temps de détailler les caractéristiques d'autres lieux : le camp de F.F. mettant à profit des bâtiments abandonnés, avec son arène pour des affrontements sanglants et son sol tapissé d'ossements, ses enclos à prisonniers, la ville préservée d'où est originaire Carolyn, une mégapole dont les gratte-ciels s'écroulent, sans oublier les installations très inattendues des studios Wonder à Hollywood. L'artiste se montre d'une inventivité tout aussi généreuse pour les véhicules, les armes, les accessoires, les personnages tout du long : le harnais de vol autonome, des prothèses remplaçant des membres perdus, des simulateurs de plaisirs pour le pénis, un 4*4 vraiment tout terrain, des bolas réalisés avec des têtes humaines, des droïdes de combat, des animatronics, des poulets particulièrement agressifs. Le lecteur se rend également compte qu'il y a des éléments visuels nouveaux dans chaque épisode, que le dessinateur n'attire pas l'attention dessus de manière ostentatoire ou démonstrative. Il reste donc libre d'y prêter attention ou non, et ça vaut le coup : impossible d'oublier la veste et la chemise en peau humaine en dernière page de l'épisode 1. En fonction de sa culture comics, le lecteur peut y voir un clin d’œil à la série Crossed de Jacen Burrows et Garth Ennis. Dans la silhouette en ombre chinoise en dessin en pleine page à la fin de l'épisode 2, il peut voir un hommage au Dark Knight de Frank Miller. À chaque fois, il s'agit d'une influence bien assimilée, par d'un ersatz pour rendre la page plus intéressante. Il apparaît rapidement que le scénario est aussi dense que le sont les dessins. le premier épisode propose un point de départ simple : une version totalitaire d'un gouvernement sans légitimité aucune (et certainement pas démocratique) s'apprête à pratiquer la politique de la terre brûlée en annihilant toutes les communautés sur le territoire pour en devenir maître et rétablir une société favorisant les nantis. Deux rebelles vont tenter de stopper cette machine de guerre. Bien sûr, Dom et Mike vont faire l'expérience désagréable de la réalité : les communautés à l'extérieur ne sont pas démocratiques non plus, et pratiquent la politique du plus fort également. Dans l'épisode 1, le président des États-Unis par défaut revient sur une partie de l'historique de la situation actuelle, à l'occasion de son discours sur deux pages. Mike explique la situation de la Bulle à Carolyn lors d'une page d'exposition bien fournie. C'est un peu lourd comme mode de présentation mais ça passe vite. Dans l'épisode 2, le président fait un nouveau discours de deux pages pour en dire plus sur l'actualité, et le lecteur tombe des nues en découvrant le secret de Carolyn. Dans l'épisode 3, nouvelle ville et informations complémentaires sur l'arrivée de l'élite dans la bulle, l'accession au pouvoir de Nathaniel Hawkthorne, dans des planches bien fournies en texte et en illustrations. Steve Skroce ne se moque pas du lecteur : il n'a pas étiré son intrigue sur 7 épisodes, il a même du mal à tout faire tenir en seulement 7 épisodes. Cette histoire accroche de suite le lecteur pour sa narration graphique évoquant par moment la minutie de Geoff Darrow, parfois l'élégance de Frank Quitely, parfois la froideur descriptive de Jacen Burrows, en conservant toujours la personnalité propre de Skroce. Ce récit post apocalyptique contient de nombreux éléments spécifiques, et montre des combats brutaux et soignés, ce qui le place au-dessus du tout-venant des comics de ce genre. Plusieurs éléments relevant de l'humour noir et même macabre, avec une touche de gore, viennent relever le plat. Il y a également quelques touches d'humour moins sanglant, en particulier un petit doigt de pied espion irrésistible. Le fond de l'histoire ne se réduit pas à un affrontement manichéen entre des bons et des méchants, chaque faction ayant la conviction d’œuvrer pour le bien général. Le lecteur sourit en découvrant la forme de patriotisme du président en place, le fait qu'il ne tire pas légitimité d'une élection, sa vision impérialiste de la domination de l'élite. Il se rend compte que ce qui s'avère encore plus dérangeant réside dans le fait que les habitants de la Bulle n'ont aucun mérite : ils se sont installés dans cette énorme base, prête à l'emploi sans avoir aucun effort à faire, tout étant automatisé, et ne s'attribuant comme seule responsabilité que de survivre en prenant du bon temps. Par la force des choses, la communauté cannibale ne présente pas de valeur morale digne d'admiration. La douceur de vivre de la communauté d'où est originaire Carolyn a un coût. La société des studios Wonder a son propre objectif qui exclut également une partie significative de la population encore en vie. Pour autant, le scénariste ne verse pas non plus dans le Tous pourris, et l'évolution de la situation se fait au travers d'un effort collectif. En cherchant plus loin, le lecteur constate que les individus ayant combattu dans le conflit en portent les stigmates. En continuant sur cette lancée, le lecteur constate que ce qui différencie les factions en présence, c'est leur façon d'envisager la société : soit Vivre contre une autre communauté (ou plusieurs), soit chercher des solutions pour Vivre avec. Au vu de la couverture, le lecteur se prépare à une lecture détente, de combats brutaux dans une société post apocalyptique. Son horizon d'attente est comblé au-delà de ses espérances, car Steve Skroce investit du temps dans la conception de ce futur peu engageant et dans sa représentation détaillée. L'humanité étant ce qu'elle est, les profiteurs sont toujours de ce monde, et en plus, ils ont les armes de leur côté. Au fur et à mesure que les conflits progressent, l'intrigue prend de l'ampleur et le propos se révèle plus sophistiqué que prévu, plus intelligent et plus constructif également. Dans un divertissement de haut vol, l'auteur met en œuvre le principe qui devrait être évident que vivre en société, c'est vivre avec les autres, et pas contre les autres.

07/02/2025 (modifier)