Un jour, on a trente ans, et on se retrouve à contempler un paysage de jungle après avoir planté une jeep de location. Julia Wertz commence son récit ici. Mais pour comprendre ce moment de chaos, il faut remonter quelques années, quand elle décide de prendre le virage compliqué de la sobriété. On y retrouve tout ce qui fait la patte de Wertz : cet humour acerbe, ses punchlines désarmantes, et ce regard sans concession sur elle-même. Le chemin qu'elle raconte est loin d’être linéaire : des groupes de parole improbables, des rechutes, des relations bancales. Avec cette honnêteté brutale, Julia ne triche jamais, ni avec son lecteur, ni avec elle-même.
Le trait de Julia Wertz reste fidèle à son style : simple, direct, parfois un peu brut, mais il y a quelque chose de profondément authentique qui transparaît. Ce n’est pas pour le dessin qu’on est là, mais pour cette capacité à raconter, à captiver avec des moments du quotidien, à rendre les petits détails universels. Certes, les décors sont minimalistes et les dialogues parfois denses, mais cela sert le propos. On a l’impression d’être avec elle, dans son salon en désordre, à écouter une amie nous confier ce qu’elle a sur le cœur.
Ce qui rend cette lecture si forte, c’est l’équilibre qu’elle trouve entre humour et gravité. Elle ne cherche jamais à édulcorer son expérience, mais elle ne sombre pas non plus dans le pathos comme d'autres peuvent le faire. Au fil des pages, on rit, on s’émeut, on réfléchit. Sa capacité à transformer des moments difficiles en récits riches de sens est impressionnante. Elle offre une réflexion sincère sur l’addiction, les relations, et la manière dont on peut réapprendre à vivre.
On sort de cet album avec l’impression d’avoir partagé un moment unique. Une lecture qui touche par sa vérité, par cette manière si propre à Julia Wertz de raconter la vie sans masque, et par cette résilience qui s’en dégage. Un témoignage fort, qui fait réfléchir et qui, au passage, ne manque pas de nous faire sourire.
À l’écouter parler, tout était horrible et affreux.
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Ce contient un récit de nature autobiographique. La première édition de cet ouvrage date de 2019. Il a été réalisé par GiedRé pour le scénario, et par Holly R pour les dessins et la mise en couleurs. Il comporte quatre-vingt-dix-neuf pages de bande dessinée, et un post-scriptum de cinq pages, écrit et dessiné par Giedré.
Il y a environ longtemps, la mère de Giedré était petite et jouait au ping-pong. Elle était vachement forte. Elle gagnait des médailles et tout. À l’époque, les enfants étaient hyper encouragés à faire du sport ou de la musique ou de la danse ou n’importe quoi… Tout était gratuit, il fallait juste s’inscrire et ensuite devenir fort… pour que le reste du monde voie que cette nation était la meilleure. 1952 : record de médailles pour l’URSS ! Il y avait souvent des parades et des grandes manifestations à la gloire de ce merveilleux système qui était le meilleur qui existe. Et si on vous demandait, il fallait répondre que tout était super et qu’on était très contents. Parce que l’endroit où on envoyait les gens qui disaient que c’était pas super était encore moins super. Déjà, c’était hyper loin. Il y faisait toujours -10000°C et parfois on devait rester 10 ans. Alors en général les gens se retenaient de critiquer. Même en petit comité, on faisait comme si de rien n’était parce qu’il y avait des espions un peu partout. D’une manière générale on se méfait d’à peu près tout le monde. On ne faisait confiance à personne. Deux amies qui discutent, l’une demande à l’autre où elle a acheté sa robe, la seconde souhaite savoir pourquoi elle lui demande ça. La première espère que l’autre ne pense pas qu’elle veut la lui racheter plus cher qu’elle ne l’a payée. Et l’autre se dit que son interlocutrice la soupçonne d’avoir eu du tissu en rab.
ULL : union de la Lituanie Libre. La mère de Giedré avait deux frères, dont un qui avait quinze ans (ce qui arrive à tout le monde sauf à ceux qui meurent avant). Et comme beaucoup de gens qui ont quinze ans, il trouvait que la vie, c’était naze. Alors avec quatre copains qui trouvaient aussi que la vie c’était naze, ils ont décidé de faire des trucs. Ils ont commencé à faire des petites affiches qu’ils collaient dans la rue. En gros, ça disait ça : Et, franchement, la vie c’est naze ; la liberté c’est trop important quoi, sérieux, y en a marre, ULL. Bon, ils n’en collaient pas beaucoup parce que c’était un peu dangereux comme passe-temps en Lituanie. Mais malgré tout certaines personnes les voyaient. Et au bout de quelques temps des gens ont commencé à s’y intéresser. On en parlait, on se passait le mot. Et son oncle et ses copains étaient contents de faire des trucs. Mais au bout de deux ans, quelqu’un les a dénoncés, et ils se sont tous fait arrêter. Le KGB a tout de suite perquisitionné dans la maison de sa grand-mère. En rentrant du travail, elle n’a rien compris parce que comme tout le monde elle n’était pas au courant. Son oncle s’est fait enfermer dans une cellule du KGB. Il est resté là le temps d’être majeur pour pouvoir être jugé. Puis s’est fait condamner pour trahison, révolte et trouble à l’ordre public. Il s’est fait emmener loin.
De prime abord, le lecteur découvre une bande dessinée aux autours d’œuvre pour enfants : des dessins à l’allure simplifiée, avec de jolies couleurs au crayon de couleurs, une vision du monde par les yeux d’un enfant. Il commence à lire le texte qui court le long des cases, ainsi que les dialogues : des phrases courtes, des structures simples, des tournures grammaticales pas toujours correctes, un vocabulaire limité, comme si c’est une petite fille d’à peine dix ans qui s’exprime. Effectivement, GiedRé évoque son enfance, comme elle l’a vue et ressentie à cet âge. Les actions des adultes ne lui sont pas toujours compréhensibles, en particulier les événements de politique internationale, par exemple la destruction du mur de Berlin. Elle dépasse du cadre strict de son entendement de petite fille, en évoquant l’histoire de sa famille, des déménagements grâce au statut social de son grand-père paternel : dans la postface, elle explique qu’elle a fait appel aux souvenirs de sa mère pour disposer de ces faits et de cette compréhension. Le lecteur vit donc cette reconstitution historique à hauteur d’enfant, que ce soit la queue pour les magasins, ou le partage de chewing-gum. Dans le même temps, il n’éprouve pas la sensation que le récit s’adresse à un enfant, ou qu’il manque de profondeur.
Les autrices savent très bien rendre le point de vue d’une enfant. Cela commence dès la première page avec la mère encore adolescente en train de jouer au ping-pong : une silhouette longiligne, de jolis cheveux blonds, des gestes en accéléré, une fierté d’avoir gagné qui se lit sur son visage, le lecteur se sent baigné dans le bonheur dont elle rayonne. En page vingt-quatre, un garçon savoure avec délectation des petits pois : son visage arbore une expression proche de l’extase, dans l’assiette le lecteur voit des petits points verts qui semble comme flotter dans le vide, et quelques taches orange, une représentation naïve. Page trente-neuf, la représentation de la zone résidentielle abritant les résidences secondaires des apparatchiks évoque incontinent un dessin d’enfant : les belles pelouses vertes, les arbres très simplifiés, les routes échappant aux règles de la perspective, etc. Plus tard, la famille de la narratrice va s’installer à la campagne. Elle raconte : À la campagne, il n’y avait pas d’eau courante alors chaque habitation avait ses toilettes loin de la maison, et les leurs étaient à l’orée de la forêt. Avec une lampe torche dans la main, la jeune fille doit se rendre aux toilettes de nuit, une forêt fantasmée, avec une chouette qui regarde droit dans les yeux, une espèce de cabane aux proportions trop allongées pour les toilettes, des arbres aux formes bizarres, vaguement menaçants : le lecteur se retrouve dans un conte pour enfants, sans se sentir pris pour un neuneu, une vraie sensation d’enfance.
Dans le même temps, le lecteur voit bien que les dessins comportent un niveau d’informations qui relève du regard d’adulte. Sous l’apparence enfantine donnée par dessins aux crayons de couleurs, se trouvent un niveau d’informations visuelles bien supérieur au regard d’un enfant. Dans cette première page, un individu joue de l’accordéon, certes aux couleurs pastel, mais comportant bien toutes les parties attendues comme le soufflet, les touches de part et d’autre. Dans la deuxième page, le train ressemble à un jouet, mais dans le même temps l’uniforme des soldats est conforme à la véracité historique, la perspective du stade présente un aspect discrètement gauchi, tout en préservant la perspective et les dimensions. Tout du long, les dessins construisent une reconstitution historique solide et fiable : les vêtements d’époque, les accessoires du quotidien, les appareils ménagers de ces années-là comme les postes de télévision ou les téléphones à cadran en bakélite, etc. Les postures et les mines des individus apparaissent faussement naïfs, avec une grande justesse dans l’expression corporelle, et dans les gestes de tous les jours, aussi bien les jeux d’enfants que les gestes plus mesurés des adultes, voire les comportements emprunts de défiance pour parer au risque de la délation par des citoyens intéressés.
La réception de cette bande dessinée au ton si particulier va dépendre du parcours de vie du lecteur et de son âge. Il peut venir pétri d’a priori et de certitudes sur le régime communiste. Ce qu’il sait déjà lui saute aux yeux : le faible niveau de niveau des citoyens, les queues interminables devant des magasins où le rationnement et la pénurie règnent en maître. Des personnes exerçant un métier sans aucune motivation, un marché noir généralisé et pour tout, une élite qui ne manque de rien attestant d’une corruption systémique, un état totalitaire qui a la déportation facile pour les opposants et les rebelles. Voire s’il a été témoin de ces années au travers des médias, il retrouve tout ce qui était pointé du doigt : des queues interminables, à la délation. S’il est plus jeune, il est possible qu’il éprouve quelques difficultés à croire certaines situations, ou même le mode de fonctionnement d’un pays sous domination soviétique. Déporté en Sibérie pour avoir collé des affiches de protestation en Lituanie, vraiment ?
Le lecteur peut également être pris au dépourvu par l’évocation de ce monde passé, au travers des yeux et des ressentis d’une fillette, qui n’a pas l’air de vivre ça mal. Il lui faut un petit temps de recul pour accepter certaines des choses auxquelles il assiste : le partage de chewing-gum qui passe de la bouche d’un enfant à un autre, jusqu’à une dizaine. Le festin de dégustation de pâté, de ce qu’il identifie immédiatement comme étant une boîte de nourriture pour chat, ne pas savoir qu’il faut enlever la peau d’une banane avant de la manger. Ce n’est plus la Lituanie communiste, c’est tout juste le moyen-âge ! Comment la propagande pouvait-elle avoir une telle force de conviction ? Il arrive alors aux cinq pages dessinées de postface, où GiedRé explicite la manière dont elle a procédé : Pour écrire cette BD, elle a beaucoup fait appel à sa mère pour qu’elle lui raconte, et à l’écouter parler, tout était horrible et affreux. D’un autre côté, l’autrice a vécu ces moments comme une petite fille, et elle a passé une enfance qu’elle juge heureuse. La narration qu’elle en fait ne nie pas les exactions et la répression, mais, elle, ça ne l’a jamais rendue triste de partager son chewing-gum.
Impossible de ne pas partir avec des a priori divers et variés pour la lecture : entre ce que le lecteur connaît des chansons de l’autrice, ce qu’il sait de la domination de l’URSS sur les pays satellites, ou ce que l’image édulcorée de la couverture lui évoque. Il se retrouve surpris par l’évocation positive tout en étant honnête d’une enfance en Lituanie juste avant qu’elle ne recouvre son indépendance, totalement sous le charme de la narration à l’apparence enfantine, à la consistance et au sérieux adulte. Une enfance heureuse dans un pays sous un joug totalitaire.
La couverture annonce la couleur : une aventure forestière, avec des animaux humanisés et une drôle de créature, dans une explosion de couleurs.
En parcourant l'album des yeux, ça se confirme : on a affaire à un style un brin naïf, le talent graphique de Pauline Berdal saute aux yeux, c'est un régal pour les yeux, qu'ils soient jeunes ou matures. Les couleurs sont chatoyantes, elles déclinent de manière très agréable toutes les nuances du végétal, et la lumière tient une grande place, trop parfois. De même il y a parfois tellement de détails que l'action est un peu difficile à décrypter.
Côté scénario, Maxe l'Hermenier, qui œuvre souvent dans l'adaptation de classique, propose une histoire de son cru, probablement inspirée de plusieurs contes animaliers à tendance écolo. C'est un conte tout mignon, avec des animaux qui ont l'air animés de mauvaises intentions, mais finalement pas tant que ça, et Goup est un héros assez sympathique, qu'on aimerait voir dans d'autres aventures. Tiens d'ailleurs, pourquoi a-t-il les yeux vairons ?
Très sympa pour un jeune public.
Oh, je suis surprise que personne n'ait avisé cette petite bande-dessinée avant !
Ma bibliothèque possède les deux tomes sortis pour le moment (peut être d'autres sortiront un jour, je ne sais pas), j'ai donc décidé de les lire et quelle bonne découverte je fis !
Les histoires sont courtes mais très intéressantes. Elles sont centrées sur Sandy, une petite fille ayant du mal à rester concentrée en classe, se faisant très souvent réprimander par les bonnes sœurs chargées de son éducation et ne semblant pas très proche de ses camarades. Souvent seule, elle rêve, dessine ses pensées dans son carnet, essaye coûte que coûte de rêver et d'imaginer ce qu'elle souhaite malgré le monde extérieur souhaitant l'en empêcher.
A partir de là, chaque tome servira à illustrer une petite aventure qu'imagine Sandy, illustrant en réalité son ressenti vis à vis des évènements arrivant dans sa vie. Ses dessins sont sa manière extérioriser ses émotions et ses pensées. Les récits reposent en fait énormément sur l'exercice de la métaphore et il est très amusant avec un regard adulte (ou non) de rechercher le sens derrière ce que Sandy voit/imagine/dessine.
Les dessins sont sans nul doute l'un des gros points positifs de ces albums. C'est beau, coloré et imaginatif. Certains sont même bourrés de petits détails (je pense à la maison de la tortue dans le tome 2).
Vraiment, je suis surprise que personne ici n'ai visiblement lu ou décidé d'aviser cette série avant. Elle est sincèrement très bonne. C'est beau, poétique, plus profond qu'il n'y parait, ...
A montrer à des enfants vivant dans leur monde et à leurs parents souhaitant un peu plus les comprendre.
(Note réelle 3,5)
Mon avis sera court, autant aller à l’essentiel et dire que ce 4ème album de la collection « Go West » est d’une bonne cuvée. Après deux derniers albums en demi teinte je dirais, celui-ci relève la barre et se hisse au moins au niveau du tout premier. Le carnet de note du journaliste en guise de fil conducteur fonctionne mieux que celui de l’aigle dans Indians ! et je ne sais plus quoi des GunMen of the West. Donc bravo à m’sieur Tiburce, le récit est captivant, riche et très bien documenté, on le sent.
Toujours de supers auteurs au rendez-vous qui font plus que le taf, on retrouve les mêmes têtes mais c’est déjà pas mal de réussir à réunir tout ce beau monde à chaque fois.
Perso ça me fait du bien de décompresser avec une bonne BD de western après en avoir terminé avec Red Dead Redemption 2 et mes quelques 180 heures de jeu. Ça, une p’tite bière kraft à côté et une playslist country en fond sonore, c’est au poil.
See you soon.
Donjon Potron-minet est une série plus qu'intéressante en théorie mais dont l'exécution me semble imparfaite.
Ma note de cette série varie selon les albums.
Les deux premiers sont intéressants sur le papier, contiennent déjà les éléments clés de cette série (les duels, l'idéalisme contre la cruauté humaine, les machinations politiques, ...) mais l'exécution me paraît molle. Je ne saurais pas vraiment le dire autrement : c'est mou, je m'ennuie. C'est dommage.
Fort heureusement, les deux albums suivants m'ont parus excellents. J'y ai beaucoup plus ressenti ce contraste entre les idéaux de Hyacinthe et les horreurs qui sévissent dans la ville, j'ai bien plus ressenti l'aspect préquel et les enjeux pour le protagoniste. « Après la pluie » est même mon album préféré de Donjon, toute série confondue. C'est noir, pessimiste, romantique et un moment clé pour l'évolution de Hyacinthe. La série aurait pu mériter le coup de cœur rien que pour cet album à mes yeux.
Le cinquième album est bon, je l'aime bien dans son concept, mais l'exécution ne m'a réellement convaincue qu'à la dernière moitié, à partir de l'emprisonnement. La scène finale était quant-à-elle très belle (oui, j'aime la tragédie).
Le sixième, malheureusement, ne m'a pas plu. Pas vraiment marqué. Je l'ai lu à sa sortie, je n'en ai gardé aucun souvenir. Je lui redonnerai sans doute sa chance, mais je ne me souviens pas l'avoir trouvé transcendant.
Le dessin de Blain est magnifique. J'aime beaucoup ses traits "chaotiques", sa façon de jouer sur les couleurs sombres et les ombrages.
Le dessin de Gaultier est dans la même veine que celui de Blain, on sent que les deux styles sont différents mais restent suffisamment proches pour que la série garde une cohérence visuelle.
Je suis moins fan du style d'Oiry. On sent qu'il reste lui aussi proche de celui des deux autres (dans le traitement des sombres notamment), mais, bien que je ne saurais pas vraiment mettre la main sur le "pourquoi" précis, je le trouve paradoxalement trop différents, un peu en deçà.
La série reste bonne mais les albums sont assez inégaux je trouve.
(Note réelle 3,5)
Ah, Donjon Zénith. Le point central de tout cet univers partagé.
On y suit les aventures de Marvin et d'Herbert, le premier est un puissant guerrier draconique, le second est un canard lâche mais malin. Ensemble, ils travaillent dans le Donjon, officiellement une forteresse où les plus puissants héros peuvent venir braver les dangers dans l'espoir de repartir les poches pleines, dans les faits c'est surtout un attrape-niguaud.
Les premières histoires sont simples, c'est au début surtout une grosse parodie d'univers d'Heroic Fantasy avec ses races invraisemblables, ses magies incompréhensibles évoluant au gré du scénario et ses armes légendaires aux pouvoirs mystérieux et absurdes. Ensuite, ça évolue pour devenir un vrai univers cohérent, avec des cultures différentes, des personnages plus complexes et surtout un vrai récit épique filé (sans jamais vraiment oublier le côté décalé).
Les premiers albums sont dessinés par Trondheim, les suivants par Boulet. Le changement de dessinateur était nécessaire. Sans le trouver excellent j'aime bien le dessin de Trondheim mais le changement de ton que prend la série à partir du tome 5 nécessitait d'également changer la forme. Le dessin de Boulet est très bon, il arrive à bien représenter les scènes d'actions tout en gardant le ton comique lorsqu'il est nécessaire.
Dans l'ensemble que forment les séries Donjon, Zénith est l'âge d'or, celui où le monde est encore relativement calme mais où l'on sent petit à petit venir l'ère chaotique de Crépuscule.
Une très bonne série.
Si vous souhaitez commencer les séries Donjon, c'est évidemment par celle-là que je vous conseillerait de débuter.
J'aime énormément les réécritures.
Je trouve l'exercice de réimaginer une base commune au plus grand nombre (qu'il s'agissent d'un conte, d'une légende, d'un mythe) pour approfondir le propos, moderniser la forme ou partir dans une direction totalement différente du récit de base absolument fascinant.
Les contes et légendes du passé que nous connaissons aujourd'hui sont en eux-même des réécritures et la plupart ont souvent des origines que l'on ne soupçonnerait pas (je conseille d'ailleurs la lecture de Et à la fin, ils meurent).
Ici, il s'agit d'une adaptation du personnage de Médée, à l'origine simple personnage secondaire suivant les argonautes et ici mise sur le devant de la scène. Pas de dieux ou de magies (tout du moins pas dans le cœur du récit, la fin touche un peu au fantastique), ici, Médée n'a de sorcière que le nom et les connaissances. Le récit cherche vraiment à être terre à terre. Les drames que vit Médée sont très humains et la voir devenir de plus en plus cruelle pour survivre rend le personnage très attachant et son destin profondément tragique.
C'est le mot, d'ailleurs : une tragédie. Cette série est une tragédie. Encore une fois, pas de dieu ou de Deus ex machina, mais on retrouve bien dans les péripéties que vit Médée toutes ces pertes humaines, ces timings malheureux et ces chemins destructeurs qu'empruntent les personnages qui font le sel des tragédies antiques. C'est sombre, cruel, mais ici, contrairement aux tragédies précédemment citées, tout parait beaucoup plus humain, simple. Cela n'en est que plus tragique.
Le dessin de Nancy Peña est beau, léché, et les teints sombres souvent utilisés jouent beaucoup sur ce ressenti de noirceur qui se dégage à la lecture.
Bonne lecture et réinterprétation très intéressante, donc.
(Note réelle 3,5)
Précontemplation, contemplation, détermination, action, maintien, chute ou rechute
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Ce tome correspond à une présentation de la vie de psychothérapeute par une praticienne, ne nécessitant aucune connaissance préalable, ni d’être allé consulter un psy. Sa première parution date de 2024. Il a été réalisé par Delphine Py, psychologue spécialisée en thérapies cognitives et comportementales, pour le scénario, et par Juliette Mercier pour les dessins et les couleurs. Il compte cent-cinquante-cinq pages de bande dessinée.
Delphine Py a ouvert sa porte, comme si elle s’apprêtait à faire entre le lecteur dans son cabinet. Elle se présente : psychologue passionnée qui en a un peu marre des clichés et qui a décidé de dévoiler l’envers du divan. Alors, si en ouvrant ce livre il s’attend à voir des personnes à tendance sadique avec des entonnoirs sur la tête, des camisoles et blouses blanches, il risque d’être déçu, mais il saura enfin ce que c’est vraiment de consulter. Elle évoque le psy comme on se l’imagine, un cinquantenaire confortablement calé dans son fauteuil, indiquant que tout est la faute de la mère du patient, ça fera trois cent cinquante euros. Quelques qualificatifs : s’en fiche de son patient, n’a aucun problème ni trouble psy, barbant, régule parfaitement ses émotions, analyse tout tout le temps, ne pense qu’à l’argent, soigne forcément des fous, écoute à moitié, est un parent parfait. Une psy dans la réalité : concernée et compatissante, impatiente et observatrice, TDAH, émotive, imparfaite/humaine, très bavarde, parfois débordée avec ses enfants, marrante (un peu ?).
Delphine Py se trouve dans sa salle d’attente et elle propose de commencer par le début, le triangle des Bermudes du patient : la salle d’attente. Les fauteuils sont confortables, même si, bien sûr, elle n’est jamais en retard ! Il y a des magazines, vive les derniers potins des stars ! Elle met à disposition des livres de psycho qui peuvent être empruntés par les patients et, souvent, eux lui laissent les leurs pour les autres. Elle a aussi des jeux pour occuper les enfants. Et, parfois, les plus grands. Et pour attirer encore plus de marins… Heu, de patients, elle met même de la musique. Dans la salle d’attente d’un psy, il y a plusieurs types de patients : celui qui n’assume pas. Celui qui est impatient. Celui qui est toujours à l’heure. Celui qui ne déconnecte pas. Celui qui se planque. Ou celui qui n’est pas venu. L’antre de la psy : on continue la visite avec son bureau, elle adore la jouer Valérie Damidot. Avec un bureau qui ne sert à rien car elle consulte toujours dans son fauteuil. Le fauteuil de la psy : il doit être hyper confortable, car elle y est assise plusieurs heures par jour. Le canapé des patients : avec la fameuse et indispensable boîte à mouchoirs, première cause de son découvert bancaire. La boîte à bidouilles : pleine de fidgets, d’antistress, de trucs à tripoter qui aident à parler, à focaliser son attention, à se détendre. Ils servent d’exutoire aux tensions ou à l’envie de bouger. Ici, les patients se confient, pleurent bien sûr, mais rient également et, surtout, apprennent à se connaître et à trouver des stratégies pour aller mieux. Là encore les patients sont tous différents.
Le texte de la quatrième de couverture s’avère très explicite : Delphine Py, vraie psy dans la vie, fait entrer le lecteur dans son cabinet, pour découvrir son quotidien et celui de ses patients. C’est très exactement ce qui attend le lecteur : il est accueilli par la psy sur le pas de la porte de son cabinet. Puis elle évoque un psy comme on l’imagine, et comment elle se présente dans la réalité. Les dessins s’inscrivent dans un registre simplifié, agréables à l’œil, avec une petite touche caricaturale dans les expressions de visage, des yeux plus grands que la normale. Les cases sont dépourvues de bordure, avec une l’alternance de fond sous forme de camaïeu, et de fond vide et blanc. Dans le même temps, chaque séquence, chaque dessin comporte des accessoires spécifiques. Cela commence avec le modèle de fauteuil du psy comme on l’imagine, puis celui de Delphine, tous deux étant différents reflétant leur personnalité. Puis viennent les fauteuils de la salle d’attente, à nouveau d’un modèle différent et les fauteuils pour les enfants. Au fil des séquences, le lecteur apprécie cette forme d’aménagement fait sur mesure pour chaque endroit, chaque patient, avec des accessoires divers et variés : un cactus en pot, des tables basses, un canapé, des bureaux, un lavabo avec son meuble, une table à repasser, une table de salle à manger, un boulier, un banc dans un jardin public, des ordinateurs portables, une machine à café, des étagères, une baignoire, des déguisements, et même un dinosaure pour le plaisir.
Le lecteur suit donc bien volontiers cette gentille psy qui lui montre son cabinet, qui lui présente quelques patients, sympathiques également, des individus très banals, un monsieur, une dame, un adolescent. La mise en couleurs montre plusieurs origines géographiques pour les personnages, sans qu’il soit possible de les nommer. Vient le moment d’établir la distinction entre psychologue, psychiatre, psychothérapeute, psychanalyste, psychopraticien, à l’aide d’un tableau à deux entrées, évoquant pour chacun leur titre, leurs études, le diplôme reconnu ou non par l’État, le remboursement des séances, la possibilité de prescriptions de médicaments et d’arrêt de travail. Il s’agit d’une page qui fonctionne sur la base de cellules de texte avec juste une minuscule illustration pour qualification. Deux pages plus loin, le lecteur découvre un portrait en pied en une unique illustration en pleine page : il fait la connaissance de Mick et de son starter pack, c’est-à-dire une présentation en deux phrases par lui-même et la liste de ses symptômes. En l’occurrence : masque sur le visage, déteste aller aux WC ; mains abîmées, propreté, est un grand fan de la série Monk, routine, dit regretter la belle époque du confinement, chiffre rassurant (le 5), gel hydroalcoolique, aime les parfums bon marché odeur javel, répétition de gestes et de phrases, danger, besoin de tout contrôler. Par la suite, le lecteur découvre également les starter packs d’Axel (adolescent fumant du cannabis), de Carole (jeune mère surmenée), de Léon (enfant hyperactif), Ella (jeune femme affligée d’une timidité maladive), Jean (quasi dépressif). Les uns et les autres vont revenir au fil des séquences, sans systématisme, pour évoquer les difficultés qu’ils rencontrent, la nature de la thérapie que la psy va mettre en œuvre.
Bien sûr, les personnages papotent beaucoup, essentiellement sous la forme d’échanges avec leur thérapeute, et cette dernière effectue des commentaires, et fournit des explications. Il s’agit d’un ouvrage didactique, qui aborde la consultation chez la psy sous plusieurs facettes, par le biais de mises en situation, les clients avec leur starter pack personnel. Après la présentation de son cabinet et des différents thérapeutes, l’autrice développe le cas de Mick : il a des obsessions de contamination et de responsabilité. Elle évoque les aspects de son comportement qui sortent de l’ordinaire. Elle s’en tient à ces éléments comportementaux, sans s’aventurer sur le terrain de la psychanalyse. Puis vient le cas d’Axel. L’autrice s’abstient de tout jugement de valeur, mettant en lumière en quoi le comportement de l’un ou de l’autre induit un problème. Elle a alors recours à une roue sur laquelle sont listés les cinq stades du changement : 1 précontemplation, 2 contemplation, 3 détermination (ou préparation), 4 action, 5 maintien, sans oublier le risque de chute ou de rechute. À nouveau, en fonction de la phase de l’exposé, le dosage de cases et de cellules de texte varie, et la roue constitue une forme de diagramme ou de schéma.
Delphine Py utilise à plusieurs reprises des schémas, des diagrammes pour expliquer au patient, et donc au lecteur, comme fonctionne un cycle de type cercle vicieux, des tableaux également pour lister des comportements ou des réactions en notant les heures, l’activité, l’humeur, ou encore une matrice avec Urgent/Pas urgent et Important/Pas important. Le lecteur ressent ces moments comme une explication simple et pragmatique, l’utilisation d’un outil vulgarisateur, et en même temps une visualisation dont le patient va pouvoir se servir, entre auto-diagnostic, et fiche de suivi de progrès. Ainsi, sans donner de leçon, elle aborde différentes facettes de la thérapie : la différence entre motivation et décision, les stratégies pour créer l’alliance entre psy et patient, les larmes, les hésitations à prendre la décision de consulter, les cercles vicieux en particulier d’évitement, le cycle de la dépression, la nature de la compassion, l’activation comportementale, les patients qui lui posent des lapins, la pleine conscience, la cohérence cardiaque, le stress, les freins au changement, la petite déprime de l’hiver, la charge mentale, les théories comportementales et cognitives, le changement de point de vue, etc. Le lecteur se rend compte qu’il suit la psychothérapeute dans la démarche avec différents clients, sans jugement, sans caricature, sans baguette magique. Il se dit que ce n’est pas si difficile que ça, et en même temps il perçoit bien qu’il serait incapable de mettre en œuvre ces outils sans pratique, sans recul, sans formation.
Le titre promet de voir l’envers du décor d’un cabinet de consultation de psychothérapeute, de suivre une psy dans sa vie de tous les jours. La narration visuelle est très agréable, volontairement tout public, sans jugement de valeur sur les patients. Elle fonctionne sur la base d’échanges verbaux, laissant parfois plus de place aux cellules de texte, plus forcément de la bande dessinée, mais pas un exposé académique. L’autrice aborde son métier sous différentes facettes, très matérielles, également personnelles (elle n’est pas parfaite). Elle évoque une demi-douzaine de situations de patients, avec la mise en scène des techniques qu’elle utilise. Le lecteur voit comment elle écoute, comment elle catalyse les différentes étapes du changement, à chaque fois avec la participation du patient. Le lecteur éprouve la sensation d’accompagner la thérapeute dans sa journée de travail, tout assimilant des grandes notions sur la pratique psy, en voyant la mise en œuvre d’outils et de techniques thérapeutiques simples. Les promesses contenues dans le titre sont tenues avec simplicité, naturelle et avec une grande bienveillance.
Un documentaire salutaire sur le financement occulte de la vie politique française.
Comme je m'intéresse à la politique, il y a des affaires que je connaissais déjà, surtout les grosses mettant en vedette les hommes politiques très connus, mais j'en ai appris des nouvelles mettant en cause des gens que je ne connaissais pas. Cette suite d'hypocrisies avec ces élus qui s'amnistient et qui font trainer les procédures lorsqu'ils sont inculpés, ajouté au fait que les pratiques douteuses de financement semblent généralisées dans tous les grands partis, de Mélenchon à Le Pen, donne une version vraiment cynique de la vie politique et malheureusement ceux qui sont déjà politisés ne vont pas êtres surpris par ce qu'ils vont lire dans l'album.
Le documentaire est bien fait. On balance beaucoup d'informations sans que cela devienne trop aride à lire ou inutilement compliqué. Je comprends toutefois que certains lecteurs préféreraient qu'on parle plus en profondeur de certaines affaires comme celle de Karachi dont on ne survole que les grandes lignes, mais cela ne m'a pas trop dérangé. Je vois le travail des auteurs comme une synthèse des affaires de financement politique des dernières décennies et montrer tous les petits détails aurait fini par alourdir l’album, qui aurait alors fait des centaines de pages. Le dessin est dynamique et la narration fluide. Un album à lire pour ceux qui s'intéressent à la politique !
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La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
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Les Imbuvables ou comment j'ai arrêté de boire
Un jour, on a trente ans, et on se retrouve à contempler un paysage de jungle après avoir planté une jeep de location. Julia Wertz commence son récit ici. Mais pour comprendre ce moment de chaos, il faut remonter quelques années, quand elle décide de prendre le virage compliqué de la sobriété. On y retrouve tout ce qui fait la patte de Wertz : cet humour acerbe, ses punchlines désarmantes, et ce regard sans concession sur elle-même. Le chemin qu'elle raconte est loin d’être linéaire : des groupes de parole improbables, des rechutes, des relations bancales. Avec cette honnêteté brutale, Julia ne triche jamais, ni avec son lecteur, ni avec elle-même. Le trait de Julia Wertz reste fidèle à son style : simple, direct, parfois un peu brut, mais il y a quelque chose de profondément authentique qui transparaît. Ce n’est pas pour le dessin qu’on est là, mais pour cette capacité à raconter, à captiver avec des moments du quotidien, à rendre les petits détails universels. Certes, les décors sont minimalistes et les dialogues parfois denses, mais cela sert le propos. On a l’impression d’être avec elle, dans son salon en désordre, à écouter une amie nous confier ce qu’elle a sur le cœur. Ce qui rend cette lecture si forte, c’est l’équilibre qu’elle trouve entre humour et gravité. Elle ne cherche jamais à édulcorer son expérience, mais elle ne sombre pas non plus dans le pathos comme d'autres peuvent le faire. Au fil des pages, on rit, on s’émeut, on réfléchit. Sa capacité à transformer des moments difficiles en récits riches de sens est impressionnante. Elle offre une réflexion sincère sur l’addiction, les relations, et la manière dont on peut réapprendre à vivre. On sort de cet album avec l’impression d’avoir partagé un moment unique. Une lecture qui touche par sa vérité, par cette manière si propre à Julia Wertz de raconter la vie sans masque, et par cette résilience qui s’en dégage. Un témoignage fort, qui fait réfléchir et qui, au passage, ne manque pas de nous faire sourire.
La Boîte de petits pois
À l’écouter parler, tout était horrible et affreux. - Ce contient un récit de nature autobiographique. La première édition de cet ouvrage date de 2019. Il a été réalisé par GiedRé pour le scénario, et par Holly R pour les dessins et la mise en couleurs. Il comporte quatre-vingt-dix-neuf pages de bande dessinée, et un post-scriptum de cinq pages, écrit et dessiné par Giedré. Il y a environ longtemps, la mère de Giedré était petite et jouait au ping-pong. Elle était vachement forte. Elle gagnait des médailles et tout. À l’époque, les enfants étaient hyper encouragés à faire du sport ou de la musique ou de la danse ou n’importe quoi… Tout était gratuit, il fallait juste s’inscrire et ensuite devenir fort… pour que le reste du monde voie que cette nation était la meilleure. 1952 : record de médailles pour l’URSS ! Il y avait souvent des parades et des grandes manifestations à la gloire de ce merveilleux système qui était le meilleur qui existe. Et si on vous demandait, il fallait répondre que tout était super et qu’on était très contents. Parce que l’endroit où on envoyait les gens qui disaient que c’était pas super était encore moins super. Déjà, c’était hyper loin. Il y faisait toujours -10000°C et parfois on devait rester 10 ans. Alors en général les gens se retenaient de critiquer. Même en petit comité, on faisait comme si de rien n’était parce qu’il y avait des espions un peu partout. D’une manière générale on se méfait d’à peu près tout le monde. On ne faisait confiance à personne. Deux amies qui discutent, l’une demande à l’autre où elle a acheté sa robe, la seconde souhaite savoir pourquoi elle lui demande ça. La première espère que l’autre ne pense pas qu’elle veut la lui racheter plus cher qu’elle ne l’a payée. Et l’autre se dit que son interlocutrice la soupçonne d’avoir eu du tissu en rab. ULL : union de la Lituanie Libre. La mère de Giedré avait deux frères, dont un qui avait quinze ans (ce qui arrive à tout le monde sauf à ceux qui meurent avant). Et comme beaucoup de gens qui ont quinze ans, il trouvait que la vie, c’était naze. Alors avec quatre copains qui trouvaient aussi que la vie c’était naze, ils ont décidé de faire des trucs. Ils ont commencé à faire des petites affiches qu’ils collaient dans la rue. En gros, ça disait ça : Et, franchement, la vie c’est naze ; la liberté c’est trop important quoi, sérieux, y en a marre, ULL. Bon, ils n’en collaient pas beaucoup parce que c’était un peu dangereux comme passe-temps en Lituanie. Mais malgré tout certaines personnes les voyaient. Et au bout de quelques temps des gens ont commencé à s’y intéresser. On en parlait, on se passait le mot. Et son oncle et ses copains étaient contents de faire des trucs. Mais au bout de deux ans, quelqu’un les a dénoncés, et ils se sont tous fait arrêter. Le KGB a tout de suite perquisitionné dans la maison de sa grand-mère. En rentrant du travail, elle n’a rien compris parce que comme tout le monde elle n’était pas au courant. Son oncle s’est fait enfermer dans une cellule du KGB. Il est resté là le temps d’être majeur pour pouvoir être jugé. Puis s’est fait condamner pour trahison, révolte et trouble à l’ordre public. Il s’est fait emmener loin. De prime abord, le lecteur découvre une bande dessinée aux autours d’œuvre pour enfants : des dessins à l’allure simplifiée, avec de jolies couleurs au crayon de couleurs, une vision du monde par les yeux d’un enfant. Il commence à lire le texte qui court le long des cases, ainsi que les dialogues : des phrases courtes, des structures simples, des tournures grammaticales pas toujours correctes, un vocabulaire limité, comme si c’est une petite fille d’à peine dix ans qui s’exprime. Effectivement, GiedRé évoque son enfance, comme elle l’a vue et ressentie à cet âge. Les actions des adultes ne lui sont pas toujours compréhensibles, en particulier les événements de politique internationale, par exemple la destruction du mur de Berlin. Elle dépasse du cadre strict de son entendement de petite fille, en évoquant l’histoire de sa famille, des déménagements grâce au statut social de son grand-père paternel : dans la postface, elle explique qu’elle a fait appel aux souvenirs de sa mère pour disposer de ces faits et de cette compréhension. Le lecteur vit donc cette reconstitution historique à hauteur d’enfant, que ce soit la queue pour les magasins, ou le partage de chewing-gum. Dans le même temps, il n’éprouve pas la sensation que le récit s’adresse à un enfant, ou qu’il manque de profondeur. Les autrices savent très bien rendre le point de vue d’une enfant. Cela commence dès la première page avec la mère encore adolescente en train de jouer au ping-pong : une silhouette longiligne, de jolis cheveux blonds, des gestes en accéléré, une fierté d’avoir gagné qui se lit sur son visage, le lecteur se sent baigné dans le bonheur dont elle rayonne. En page vingt-quatre, un garçon savoure avec délectation des petits pois : son visage arbore une expression proche de l’extase, dans l’assiette le lecteur voit des petits points verts qui semble comme flotter dans le vide, et quelques taches orange, une représentation naïve. Page trente-neuf, la représentation de la zone résidentielle abritant les résidences secondaires des apparatchiks évoque incontinent un dessin d’enfant : les belles pelouses vertes, les arbres très simplifiés, les routes échappant aux règles de la perspective, etc. Plus tard, la famille de la narratrice va s’installer à la campagne. Elle raconte : À la campagne, il n’y avait pas d’eau courante alors chaque habitation avait ses toilettes loin de la maison, et les leurs étaient à l’orée de la forêt. Avec une lampe torche dans la main, la jeune fille doit se rendre aux toilettes de nuit, une forêt fantasmée, avec une chouette qui regarde droit dans les yeux, une espèce de cabane aux proportions trop allongées pour les toilettes, des arbres aux formes bizarres, vaguement menaçants : le lecteur se retrouve dans un conte pour enfants, sans se sentir pris pour un neuneu, une vraie sensation d’enfance. Dans le même temps, le lecteur voit bien que les dessins comportent un niveau d’informations qui relève du regard d’adulte. Sous l’apparence enfantine donnée par dessins aux crayons de couleurs, se trouvent un niveau d’informations visuelles bien supérieur au regard d’un enfant. Dans cette première page, un individu joue de l’accordéon, certes aux couleurs pastel, mais comportant bien toutes les parties attendues comme le soufflet, les touches de part et d’autre. Dans la deuxième page, le train ressemble à un jouet, mais dans le même temps l’uniforme des soldats est conforme à la véracité historique, la perspective du stade présente un aspect discrètement gauchi, tout en préservant la perspective et les dimensions. Tout du long, les dessins construisent une reconstitution historique solide et fiable : les vêtements d’époque, les accessoires du quotidien, les appareils ménagers de ces années-là comme les postes de télévision ou les téléphones à cadran en bakélite, etc. Les postures et les mines des individus apparaissent faussement naïfs, avec une grande justesse dans l’expression corporelle, et dans les gestes de tous les jours, aussi bien les jeux d’enfants que les gestes plus mesurés des adultes, voire les comportements emprunts de défiance pour parer au risque de la délation par des citoyens intéressés. La réception de cette bande dessinée au ton si particulier va dépendre du parcours de vie du lecteur et de son âge. Il peut venir pétri d’a priori et de certitudes sur le régime communiste. Ce qu’il sait déjà lui saute aux yeux : le faible niveau de niveau des citoyens, les queues interminables devant des magasins où le rationnement et la pénurie règnent en maître. Des personnes exerçant un métier sans aucune motivation, un marché noir généralisé et pour tout, une élite qui ne manque de rien attestant d’une corruption systémique, un état totalitaire qui a la déportation facile pour les opposants et les rebelles. Voire s’il a été témoin de ces années au travers des médias, il retrouve tout ce qui était pointé du doigt : des queues interminables, à la délation. S’il est plus jeune, il est possible qu’il éprouve quelques difficultés à croire certaines situations, ou même le mode de fonctionnement d’un pays sous domination soviétique. Déporté en Sibérie pour avoir collé des affiches de protestation en Lituanie, vraiment ? Le lecteur peut également être pris au dépourvu par l’évocation de ce monde passé, au travers des yeux et des ressentis d’une fillette, qui n’a pas l’air de vivre ça mal. Il lui faut un petit temps de recul pour accepter certaines des choses auxquelles il assiste : le partage de chewing-gum qui passe de la bouche d’un enfant à un autre, jusqu’à une dizaine. Le festin de dégustation de pâté, de ce qu’il identifie immédiatement comme étant une boîte de nourriture pour chat, ne pas savoir qu’il faut enlever la peau d’une banane avant de la manger. Ce n’est plus la Lituanie communiste, c’est tout juste le moyen-âge ! Comment la propagande pouvait-elle avoir une telle force de conviction ? Il arrive alors aux cinq pages dessinées de postface, où GiedRé explicite la manière dont elle a procédé : Pour écrire cette BD, elle a beaucoup fait appel à sa mère pour qu’elle lui raconte, et à l’écouter parler, tout était horrible et affreux. D’un autre côté, l’autrice a vécu ces moments comme une petite fille, et elle a passé une enfance qu’elle juge heureuse. La narration qu’elle en fait ne nie pas les exactions et la répression, mais, elle, ça ne l’a jamais rendue triste de partager son chewing-gum. Impossible de ne pas partir avec des a priori divers et variés pour la lecture : entre ce que le lecteur connaît des chansons de l’autrice, ce qu’il sait de la domination de l’URSS sur les pays satellites, ou ce que l’image édulcorée de la couverture lui évoque. Il se retrouve surpris par l’évocation positive tout en étant honnête d’une enfance en Lituanie juste avant qu’elle ne recouvre son indépendance, totalement sous le charme de la narration à l’apparence enfantine, à la consistance et au sérieux adulte. Une enfance heureuse dans un pays sous un joug totalitaire.
Etincelle
La couverture annonce la couleur : une aventure forestière, avec des animaux humanisés et une drôle de créature, dans une explosion de couleurs. En parcourant l'album des yeux, ça se confirme : on a affaire à un style un brin naïf, le talent graphique de Pauline Berdal saute aux yeux, c'est un régal pour les yeux, qu'ils soient jeunes ou matures. Les couleurs sont chatoyantes, elles déclinent de manière très agréable toutes les nuances du végétal, et la lumière tient une grande place, trop parfois. De même il y a parfois tellement de détails que l'action est un peu difficile à décrypter. Côté scénario, Maxe l'Hermenier, qui œuvre souvent dans l'adaptation de classique, propose une histoire de son cru, probablement inspirée de plusieurs contes animaliers à tendance écolo. C'est un conte tout mignon, avec des animaux qui ont l'air animés de mauvaises intentions, mais finalement pas tant que ça, et Goup est un héros assez sympathique, qu'on aimerait voir dans d'autres aventures. Tiens d'ailleurs, pourquoi a-t-il les yeux vairons ? Très sympa pour un jeune public.
Des lumières dans la nuit
Oh, je suis surprise que personne n'ait avisé cette petite bande-dessinée avant ! Ma bibliothèque possède les deux tomes sortis pour le moment (peut être d'autres sortiront un jour, je ne sais pas), j'ai donc décidé de les lire et quelle bonne découverte je fis ! Les histoires sont courtes mais très intéressantes. Elles sont centrées sur Sandy, une petite fille ayant du mal à rester concentrée en classe, se faisant très souvent réprimander par les bonnes sœurs chargées de son éducation et ne semblant pas très proche de ses camarades. Souvent seule, elle rêve, dessine ses pensées dans son carnet, essaye coûte que coûte de rêver et d'imaginer ce qu'elle souhaite malgré le monde extérieur souhaitant l'en empêcher. A partir de là, chaque tome servira à illustrer une petite aventure qu'imagine Sandy, illustrant en réalité son ressenti vis à vis des évènements arrivant dans sa vie. Ses dessins sont sa manière extérioriser ses émotions et ses pensées. Les récits reposent en fait énormément sur l'exercice de la métaphore et il est très amusant avec un regard adulte (ou non) de rechercher le sens derrière ce que Sandy voit/imagine/dessine. Les dessins sont sans nul doute l'un des gros points positifs de ces albums. C'est beau, coloré et imaginatif. Certains sont même bourrés de petits détails (je pense à la maison de la tortue dans le tome 2). Vraiment, je suis surprise que personne ici n'ai visiblement lu ou décidé d'aviser cette série avant. Elle est sincèrement très bonne. C'est beau, poétique, plus profond qu'il n'y parait, ... A montrer à des enfants vivant dans leur monde et à leurs parents souhaitant un peu plus les comprendre. (Note réelle 3,5)
Lawmen of the West
Mon avis sera court, autant aller à l’essentiel et dire que ce 4ème album de la collection « Go West » est d’une bonne cuvée. Après deux derniers albums en demi teinte je dirais, celui-ci relève la barre et se hisse au moins au niveau du tout premier. Le carnet de note du journaliste en guise de fil conducteur fonctionne mieux que celui de l’aigle dans Indians ! et je ne sais plus quoi des GunMen of the West. Donc bravo à m’sieur Tiburce, le récit est captivant, riche et très bien documenté, on le sent. Toujours de supers auteurs au rendez-vous qui font plus que le taf, on retrouve les mêmes têtes mais c’est déjà pas mal de réussir à réunir tout ce beau monde à chaque fois. Perso ça me fait du bien de décompresser avec une bonne BD de western après en avoir terminé avec Red Dead Redemption 2 et mes quelques 180 heures de jeu. Ça, une p’tite bière kraft à côté et une playslist country en fond sonore, c’est au poil. See you soon.
Donjon Potron-minet
Donjon Potron-minet est une série plus qu'intéressante en théorie mais dont l'exécution me semble imparfaite. Ma note de cette série varie selon les albums. Les deux premiers sont intéressants sur le papier, contiennent déjà les éléments clés de cette série (les duels, l'idéalisme contre la cruauté humaine, les machinations politiques, ...) mais l'exécution me paraît molle. Je ne saurais pas vraiment le dire autrement : c'est mou, je m'ennuie. C'est dommage. Fort heureusement, les deux albums suivants m'ont parus excellents. J'y ai beaucoup plus ressenti ce contraste entre les idéaux de Hyacinthe et les horreurs qui sévissent dans la ville, j'ai bien plus ressenti l'aspect préquel et les enjeux pour le protagoniste. « Après la pluie » est même mon album préféré de Donjon, toute série confondue. C'est noir, pessimiste, romantique et un moment clé pour l'évolution de Hyacinthe. La série aurait pu mériter le coup de cœur rien que pour cet album à mes yeux. Le cinquième album est bon, je l'aime bien dans son concept, mais l'exécution ne m'a réellement convaincue qu'à la dernière moitié, à partir de l'emprisonnement. La scène finale était quant-à-elle très belle (oui, j'aime la tragédie). Le sixième, malheureusement, ne m'a pas plu. Pas vraiment marqué. Je l'ai lu à sa sortie, je n'en ai gardé aucun souvenir. Je lui redonnerai sans doute sa chance, mais je ne me souviens pas l'avoir trouvé transcendant. Le dessin de Blain est magnifique. J'aime beaucoup ses traits "chaotiques", sa façon de jouer sur les couleurs sombres et les ombrages. Le dessin de Gaultier est dans la même veine que celui de Blain, on sent que les deux styles sont différents mais restent suffisamment proches pour que la série garde une cohérence visuelle. Je suis moins fan du style d'Oiry. On sent qu'il reste lui aussi proche de celui des deux autres (dans le traitement des sombres notamment), mais, bien que je ne saurais pas vraiment mettre la main sur le "pourquoi" précis, je le trouve paradoxalement trop différents, un peu en deçà. La série reste bonne mais les albums sont assez inégaux je trouve. (Note réelle 3,5)
Donjon Zenith
Ah, Donjon Zénith. Le point central de tout cet univers partagé. On y suit les aventures de Marvin et d'Herbert, le premier est un puissant guerrier draconique, le second est un canard lâche mais malin. Ensemble, ils travaillent dans le Donjon, officiellement une forteresse où les plus puissants héros peuvent venir braver les dangers dans l'espoir de repartir les poches pleines, dans les faits c'est surtout un attrape-niguaud. Les premières histoires sont simples, c'est au début surtout une grosse parodie d'univers d'Heroic Fantasy avec ses races invraisemblables, ses magies incompréhensibles évoluant au gré du scénario et ses armes légendaires aux pouvoirs mystérieux et absurdes. Ensuite, ça évolue pour devenir un vrai univers cohérent, avec des cultures différentes, des personnages plus complexes et surtout un vrai récit épique filé (sans jamais vraiment oublier le côté décalé). Les premiers albums sont dessinés par Trondheim, les suivants par Boulet. Le changement de dessinateur était nécessaire. Sans le trouver excellent j'aime bien le dessin de Trondheim mais le changement de ton que prend la série à partir du tome 5 nécessitait d'également changer la forme. Le dessin de Boulet est très bon, il arrive à bien représenter les scènes d'actions tout en gardant le ton comique lorsqu'il est nécessaire. Dans l'ensemble que forment les séries Donjon, Zénith est l'âge d'or, celui où le monde est encore relativement calme mais où l'on sent petit à petit venir l'ère chaotique de Crépuscule. Une très bonne série. Si vous souhaitez commencer les séries Donjon, c'est évidemment par celle-là que je vous conseillerait de débuter.
Médée (Le Callet / Peña)
J'aime énormément les réécritures. Je trouve l'exercice de réimaginer une base commune au plus grand nombre (qu'il s'agissent d'un conte, d'une légende, d'un mythe) pour approfondir le propos, moderniser la forme ou partir dans une direction totalement différente du récit de base absolument fascinant. Les contes et légendes du passé que nous connaissons aujourd'hui sont en eux-même des réécritures et la plupart ont souvent des origines que l'on ne soupçonnerait pas (je conseille d'ailleurs la lecture de Et à la fin, ils meurent). Ici, il s'agit d'une adaptation du personnage de Médée, à l'origine simple personnage secondaire suivant les argonautes et ici mise sur le devant de la scène. Pas de dieux ou de magies (tout du moins pas dans le cœur du récit, la fin touche un peu au fantastique), ici, Médée n'a de sorcière que le nom et les connaissances. Le récit cherche vraiment à être terre à terre. Les drames que vit Médée sont très humains et la voir devenir de plus en plus cruelle pour survivre rend le personnage très attachant et son destin profondément tragique. C'est le mot, d'ailleurs : une tragédie. Cette série est une tragédie. Encore une fois, pas de dieu ou de Deus ex machina, mais on retrouve bien dans les péripéties que vit Médée toutes ces pertes humaines, ces timings malheureux et ces chemins destructeurs qu'empruntent les personnages qui font le sel des tragédies antiques. C'est sombre, cruel, mais ici, contrairement aux tragédies précédemment citées, tout parait beaucoup plus humain, simple. Cela n'en est que plus tragique. Le dessin de Nancy Peña est beau, léché, et les teints sombres souvent utilisés jouent beaucoup sur ce ressenti de noirceur qui se dégage à la lecture. Bonne lecture et réinterprétation très intéressante, donc. (Note réelle 3,5)
L'Envers du divan ! - Dans la vie de ma psy
Précontemplation, contemplation, détermination, action, maintien, chute ou rechute - Ce tome correspond à une présentation de la vie de psychothérapeute par une praticienne, ne nécessitant aucune connaissance préalable, ni d’être allé consulter un psy. Sa première parution date de 2024. Il a été réalisé par Delphine Py, psychologue spécialisée en thérapies cognitives et comportementales, pour le scénario, et par Juliette Mercier pour les dessins et les couleurs. Il compte cent-cinquante-cinq pages de bande dessinée. Delphine Py a ouvert sa porte, comme si elle s’apprêtait à faire entre le lecteur dans son cabinet. Elle se présente : psychologue passionnée qui en a un peu marre des clichés et qui a décidé de dévoiler l’envers du divan. Alors, si en ouvrant ce livre il s’attend à voir des personnes à tendance sadique avec des entonnoirs sur la tête, des camisoles et blouses blanches, il risque d’être déçu, mais il saura enfin ce que c’est vraiment de consulter. Elle évoque le psy comme on se l’imagine, un cinquantenaire confortablement calé dans son fauteuil, indiquant que tout est la faute de la mère du patient, ça fera trois cent cinquante euros. Quelques qualificatifs : s’en fiche de son patient, n’a aucun problème ni trouble psy, barbant, régule parfaitement ses émotions, analyse tout tout le temps, ne pense qu’à l’argent, soigne forcément des fous, écoute à moitié, est un parent parfait. Une psy dans la réalité : concernée et compatissante, impatiente et observatrice, TDAH, émotive, imparfaite/humaine, très bavarde, parfois débordée avec ses enfants, marrante (un peu ?). Delphine Py se trouve dans sa salle d’attente et elle propose de commencer par le début, le triangle des Bermudes du patient : la salle d’attente. Les fauteuils sont confortables, même si, bien sûr, elle n’est jamais en retard ! Il y a des magazines, vive les derniers potins des stars ! Elle met à disposition des livres de psycho qui peuvent être empruntés par les patients et, souvent, eux lui laissent les leurs pour les autres. Elle a aussi des jeux pour occuper les enfants. Et, parfois, les plus grands. Et pour attirer encore plus de marins… Heu, de patients, elle met même de la musique. Dans la salle d’attente d’un psy, il y a plusieurs types de patients : celui qui n’assume pas. Celui qui est impatient. Celui qui est toujours à l’heure. Celui qui ne déconnecte pas. Celui qui se planque. Ou celui qui n’est pas venu. L’antre de la psy : on continue la visite avec son bureau, elle adore la jouer Valérie Damidot. Avec un bureau qui ne sert à rien car elle consulte toujours dans son fauteuil. Le fauteuil de la psy : il doit être hyper confortable, car elle y est assise plusieurs heures par jour. Le canapé des patients : avec la fameuse et indispensable boîte à mouchoirs, première cause de son découvert bancaire. La boîte à bidouilles : pleine de fidgets, d’antistress, de trucs à tripoter qui aident à parler, à focaliser son attention, à se détendre. Ils servent d’exutoire aux tensions ou à l’envie de bouger. Ici, les patients se confient, pleurent bien sûr, mais rient également et, surtout, apprennent à se connaître et à trouver des stratégies pour aller mieux. Là encore les patients sont tous différents. Le texte de la quatrième de couverture s’avère très explicite : Delphine Py, vraie psy dans la vie, fait entrer le lecteur dans son cabinet, pour découvrir son quotidien et celui de ses patients. C’est très exactement ce qui attend le lecteur : il est accueilli par la psy sur le pas de la porte de son cabinet. Puis elle évoque un psy comme on l’imagine, et comment elle se présente dans la réalité. Les dessins s’inscrivent dans un registre simplifié, agréables à l’œil, avec une petite touche caricaturale dans les expressions de visage, des yeux plus grands que la normale. Les cases sont dépourvues de bordure, avec une l’alternance de fond sous forme de camaïeu, et de fond vide et blanc. Dans le même temps, chaque séquence, chaque dessin comporte des accessoires spécifiques. Cela commence avec le modèle de fauteuil du psy comme on l’imagine, puis celui de Delphine, tous deux étant différents reflétant leur personnalité. Puis viennent les fauteuils de la salle d’attente, à nouveau d’un modèle différent et les fauteuils pour les enfants. Au fil des séquences, le lecteur apprécie cette forme d’aménagement fait sur mesure pour chaque endroit, chaque patient, avec des accessoires divers et variés : un cactus en pot, des tables basses, un canapé, des bureaux, un lavabo avec son meuble, une table à repasser, une table de salle à manger, un boulier, un banc dans un jardin public, des ordinateurs portables, une machine à café, des étagères, une baignoire, des déguisements, et même un dinosaure pour le plaisir. Le lecteur suit donc bien volontiers cette gentille psy qui lui montre son cabinet, qui lui présente quelques patients, sympathiques également, des individus très banals, un monsieur, une dame, un adolescent. La mise en couleurs montre plusieurs origines géographiques pour les personnages, sans qu’il soit possible de les nommer. Vient le moment d’établir la distinction entre psychologue, psychiatre, psychothérapeute, psychanalyste, psychopraticien, à l’aide d’un tableau à deux entrées, évoquant pour chacun leur titre, leurs études, le diplôme reconnu ou non par l’État, le remboursement des séances, la possibilité de prescriptions de médicaments et d’arrêt de travail. Il s’agit d’une page qui fonctionne sur la base de cellules de texte avec juste une minuscule illustration pour qualification. Deux pages plus loin, le lecteur découvre un portrait en pied en une unique illustration en pleine page : il fait la connaissance de Mick et de son starter pack, c’est-à-dire une présentation en deux phrases par lui-même et la liste de ses symptômes. En l’occurrence : masque sur le visage, déteste aller aux WC ; mains abîmées, propreté, est un grand fan de la série Monk, routine, dit regretter la belle époque du confinement, chiffre rassurant (le 5), gel hydroalcoolique, aime les parfums bon marché odeur javel, répétition de gestes et de phrases, danger, besoin de tout contrôler. Par la suite, le lecteur découvre également les starter packs d’Axel (adolescent fumant du cannabis), de Carole (jeune mère surmenée), de Léon (enfant hyperactif), Ella (jeune femme affligée d’une timidité maladive), Jean (quasi dépressif). Les uns et les autres vont revenir au fil des séquences, sans systématisme, pour évoquer les difficultés qu’ils rencontrent, la nature de la thérapie que la psy va mettre en œuvre. Bien sûr, les personnages papotent beaucoup, essentiellement sous la forme d’échanges avec leur thérapeute, et cette dernière effectue des commentaires, et fournit des explications. Il s’agit d’un ouvrage didactique, qui aborde la consultation chez la psy sous plusieurs facettes, par le biais de mises en situation, les clients avec leur starter pack personnel. Après la présentation de son cabinet et des différents thérapeutes, l’autrice développe le cas de Mick : il a des obsessions de contamination et de responsabilité. Elle évoque les aspects de son comportement qui sortent de l’ordinaire. Elle s’en tient à ces éléments comportementaux, sans s’aventurer sur le terrain de la psychanalyse. Puis vient le cas d’Axel. L’autrice s’abstient de tout jugement de valeur, mettant en lumière en quoi le comportement de l’un ou de l’autre induit un problème. Elle a alors recours à une roue sur laquelle sont listés les cinq stades du changement : 1 précontemplation, 2 contemplation, 3 détermination (ou préparation), 4 action, 5 maintien, sans oublier le risque de chute ou de rechute. À nouveau, en fonction de la phase de l’exposé, le dosage de cases et de cellules de texte varie, et la roue constitue une forme de diagramme ou de schéma. Delphine Py utilise à plusieurs reprises des schémas, des diagrammes pour expliquer au patient, et donc au lecteur, comme fonctionne un cycle de type cercle vicieux, des tableaux également pour lister des comportements ou des réactions en notant les heures, l’activité, l’humeur, ou encore une matrice avec Urgent/Pas urgent et Important/Pas important. Le lecteur ressent ces moments comme une explication simple et pragmatique, l’utilisation d’un outil vulgarisateur, et en même temps une visualisation dont le patient va pouvoir se servir, entre auto-diagnostic, et fiche de suivi de progrès. Ainsi, sans donner de leçon, elle aborde différentes facettes de la thérapie : la différence entre motivation et décision, les stratégies pour créer l’alliance entre psy et patient, les larmes, les hésitations à prendre la décision de consulter, les cercles vicieux en particulier d’évitement, le cycle de la dépression, la nature de la compassion, l’activation comportementale, les patients qui lui posent des lapins, la pleine conscience, la cohérence cardiaque, le stress, les freins au changement, la petite déprime de l’hiver, la charge mentale, les théories comportementales et cognitives, le changement de point de vue, etc. Le lecteur se rend compte qu’il suit la psychothérapeute dans la démarche avec différents clients, sans jugement, sans caricature, sans baguette magique. Il se dit que ce n’est pas si difficile que ça, et en même temps il perçoit bien qu’il serait incapable de mettre en œuvre ces outils sans pratique, sans recul, sans formation. Le titre promet de voir l’envers du décor d’un cabinet de consultation de psychothérapeute, de suivre une psy dans sa vie de tous les jours. La narration visuelle est très agréable, volontairement tout public, sans jugement de valeur sur les patients. Elle fonctionne sur la base d’échanges verbaux, laissant parfois plus de place aux cellules de texte, plus forcément de la bande dessinée, mais pas un exposé académique. L’autrice aborde son métier sous différentes facettes, très matérielles, également personnelles (elle n’est pas parfaite). Elle évoque une demi-douzaine de situations de patients, avec la mise en scène des techniques qu’elle utilise. Le lecteur voit comment elle écoute, comment elle catalyse les différentes étapes du changement, à chaque fois avec la participation du patient. Le lecteur éprouve la sensation d’accompagner la thérapeute dans sa journée de travail, tout assimilant des grandes notions sur la pratique psy, en voyant la mise en œuvre d’outils et de techniques thérapeutiques simples. Les promesses contenues dans le titre sont tenues avec simplicité, naturelle et avec une grande bienveillance.
Très chers élus - 40 ans de financement politique
Un documentaire salutaire sur le financement occulte de la vie politique française. Comme je m'intéresse à la politique, il y a des affaires que je connaissais déjà, surtout les grosses mettant en vedette les hommes politiques très connus, mais j'en ai appris des nouvelles mettant en cause des gens que je ne connaissais pas. Cette suite d'hypocrisies avec ces élus qui s'amnistient et qui font trainer les procédures lorsqu'ils sont inculpés, ajouté au fait que les pratiques douteuses de financement semblent généralisées dans tous les grands partis, de Mélenchon à Le Pen, donne une version vraiment cynique de la vie politique et malheureusement ceux qui sont déjà politisés ne vont pas êtres surpris par ce qu'ils vont lire dans l'album. Le documentaire est bien fait. On balance beaucoup d'informations sans que cela devienne trop aride à lire ou inutilement compliqué. Je comprends toutefois que certains lecteurs préféreraient qu'on parle plus en profondeur de certaines affaires comme celle de Karachi dont on ne survole que les grandes lignes, mais cela ne m'a pas trop dérangé. Je vois le travail des auteurs comme une synthèse des affaires de financement politique des dernières décennies et montrer tous les petits détails aurait fini par alourdir l’album, qui aurait alors fait des centaines de pages. Le dessin est dynamique et la narration fluide. Un album à lire pour ceux qui s'intéressent à la politique !