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Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Champ des possibles
Le Champ des possibles

Allez, viens ! On va jouer ! - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Véro Cazot pour le scénario, et par Anaïs Bernabé pour les dessins et les couleurs. Il comporte cent-vingt-sept pages de bande dessinée. La scénariste a également réalisé Betty Boob (2017) illustré par Julie Rocheleau, et Les petites distances (2018) avec Camille Benyamina. Quelque part sous les tropiques, sous un soleil chaleureux, en bordure d’une plage de rêve, dans une construction de plusieurs étages de forme ovoïde, l’architecte Marsu Chevalier est en train de parler à ce bâtiment qu’elle a conçue. Elle le rassure en lui indiquant qu’ils arrivent, ils viennent pour le rencontrer, des architectes comme elle, ou des bâtisseurs. Ils vont le regarder sous toutes les coutures et chercher tous ses secrets. Il n’a pas à s’inquiéter, ils vont l’adorer. Elle éprouve un petit recul quand le Cocon lui répond. Il a peur qu’ils ne s’essuient pas leurs pieds avant d’entrer, qu’ils lui trouvent des défauts, qu’ils ne le comprennent pas. Marsu comprend qu’il s’agit d’une personne en train d’imiter l’hôtel de l’autre côté de la cloison du balcon. Le monsieur se présente : Thom Robinson. Il a assisté à la présentation de son projet à Nantes, pas loin de la salle de concert qu’elle construit. Elle répond que son mari Harry parle aussi beaucoup aux objets. Il est potier, il parle à ses pots, à ses outils, il a même donné un nom à son four. Thom s’allume une cigarette, Marsu lui demande du feu et elle s’allume une cigarette imaginaire. Elle a arrêté il y a cinq ans. Plus tard, Marsu Chevalier présente son projet aux séminaristes rassemblés dans le grand hall : Les organes vivants sont capables de développer des stratégies complexes pour s’adapter aux contraintes de leur environnement. C’est une source d’inspiration extraordinaire pour construire des villes et des habitations écorégénératrices et durables. Conçu en collaboration avec des biologistes, le Cocon s’intègre parfaitement à l’écosystème qui l’accueille. Sa forme ovoïde est l’une des plus résistantes à l’usure et aux intempéries. Composé de matériaux issus du vivant, le Cocon respire et réagit à la lumière et aux températures intérieures et extérieures. Et elle commence à se demander s’il n’est pas sensible à aux émotions humaines. Elle demande aux auditeurs du premier rang s’ils ne l’ont pas vu rougir. Puis c’est au tour de Thom Robinson d’effectuer sa présentation : il est un architecte en réalité virtuelle et créateur de l’univers Athome. Il continue : Athome propose des espaces de rencontres de la simple salle de réunion à la villa de luxe. Il souhaite développer le marché du tourisme avec des lieux de vacances virtuels, une excellente alternative pour voyager à moindre coût. Athome recherche des partenariats avec des architectes de tous horizons, pour reproduire virtuellement les plus beaux hôtels, afin qu’un maximum de vacanciers puissent en bénéficier, l’hôtel étant dupliqué à volonté. Il s’adresse à Marsu car ce serait un immense honneur d’avoir le Cocon dans leur catalogue. L’immersion produit son plein effet dès la première page : le lecteur se retrouve dans cet endroit ensoleillé, paradisiaque, se sent immédiatement proche de Marsu Chevalier, il est en agréable compagnie. Le premier contact entre elle et Thom Robinson se déroule de manière naturelle et unique, apportant à la fois des informations sur leur personnalité et leur caractère comme lors d’une première prise de contact, un début d’information sur ce qu’ils font là, et également les prémices de leur relation. Le lecteur observe leurs postures, leurs petits gestes : leur langage corporel montre qu’ils s’entendent bien dès cette rencontre, une forme de compatibilité d’état d’esprit. La seconde séquence se déroule avec la même sensation d’évidence : un congrès réunissant différents types de bâtisseurs, à la fois la présentation à d’éventuels investisseurs ou acheteurs, à de simples curieux, mais aussi des contacts potentiels entre différents professionnels. Le lecteur déambule dans le hall monumental qui accueille les interventions des professionnels, il assiste tout naturellement à leur prise de paroles, dans ce cadre prestigieux à la lumière dorée et chaude. Il assiste en direct à la proposition de l’architecte virtuel d’intégrer la réalisation de l’architecte dans le monde réel. En trois pages, les autrices ont mis en place la dynamique du récit avec une élégance rare, une complémentarité parfaite, le lecteur étant déjà devenu l’ami et confident des deux principaux personnages, scénariste et artiste racontant comme une seule et unique personne. Du grand art. Avant toute chose, ce récit constitue une histoire d’amour, une variation sophistiquée sur plusieurs configurations, mettant à profit les nouvelles technologies. De ce point de vue, il s’agit d’un récit d’anticipation : dans un futur proche, les mondes virtuels ont acquis une consistance et une cohérence permettant à chaque individu de s’y créer un chez soi personnalisé, voire un foyer, d’y accueillir des invités, et, pourquoi pas, de le faire évoluer à deux ou plus. Les autrices mettent en place cette évolution technologique avec une grande habileté : l’accès à ce monde virtuel se fait par l’utilisation d’un simple casque de réalité virtuel, un modèle à peine plus performant que ce qui existe déjà, plus accessible. La narration visuelle montre la facilité de s’en servir, le rendant très plausible, ainsi que l’effet d’immersion dans la réalité virtuelle : l’artiste réalise les dessins correspondant à la réalité avec un encrage au crayon et une mise en couleur numérique, ceux correspondant au virtuel sont réalisés au crayon de couleur. Le passage d’une réalité (physique) à l’autre (virtuelle) s’opère en douceur, sans contraste spectaculaire, ce qui contribue encore plus à rendre ce monde virtuel plausible et tangible, accessible, concret, un simple pas de côté par rapport à la réalité, tout en y étant très semblable, avec des éclairages différents permettant au lecteur de savoir s’il se trouve dans l’une ou l’autre. S’il est familier des récits d’anticipation relatifs aux mondes virtuels, le lecteur apprécie à sa juste valeur la qualité de la mise en œuvre qui permet de croire à ce procédé de vie virtuel, et de concomitance avec le réel. Il peut prêter attention aux détails : le nom Athome (une combinaison entre At home, c’est-à-dire au foyer, et avec le prénom Thom), la manière de nourrir ce monde virtuel avec les créations du réel, le confort qu’il présente visible dans chaque image avec des accessoires, des meubles, des lieux des aménagements qui combinent une sensation douillette et sécurisante, détente et relaxation à l’abri des agressions quotidiennes de la réalité. Les autrices ont conçu un équilibre qui rend cette virtualité d’autant plus plausible et probable, un dosage très bien pensé. Il se retrouve vite convaincu de la pertinence de baser ce monde sur les créations du réel, que ce soient les constructions architecturales, ou les éléments de la nature (faune et flore), avec quelques adaptations. Le principe de transposer les grandes créations de la nature et de l’humanité dans le virtuel offre de fait une richesse et une diversité infinies, une familiarité rendant ce monde plus plausible et facilitant l’adaptation, limitant la déréalisation. Au cours du récit, le lecteur peut voir comment les personnages y apportent leur touche personnelle entre suppression des inconvénients (par exemple air pollué et bruits pour un fac-similé de New York), expurgeant les éléments considérés comme nuisibles ou indésirables, un monde toujours neuf et propre, nettoyé et désinfecté, assaini et édulcoré, dépourvu de besoin de maintenance, insensible aux effets de l’entropie. D’un côté, ce parti pris fait sens pour créer un monde virtuel cohérent d’une telle ampleur, restant simple à appréhender par chaque individu ; de l’autre côté le questionnement sur les attentes relatives à un tel monde est bien présent de manière sous-jacente. À chaque immersion dans ce virtuel, le lecteur éprouve un plaisir esthétique de chaque case qui lui fait, lui aussi, éprouver l’envie irrépressible d’y retourner, d’y séjourner. Les autrices intègrent d’autres questionnements sur les mondes virtuels de manière tout aussi pragmatique. Marsu Chevalier (un autre nom chargé de sens) éprouve a priori une défiance pour cette technologie qui la coupe du réel, et elle fait l’expérience du temps qu’elle y consacre, presqu’à son insu, en tout cas contre son gré. Le lecteur y voit le principe implicite du fonctionnement des réseaux sociaux dématérialisés : capter l’attention, la retenir, pour monopoliser un temps de cerveau disponible allant toujours en augmentant. Les échanges entre personnages et les mises en situation emploient un vocabulaire et des mises en scène terre à terre, tout en fonctionnant sur les principes du système de récompense, du conditionnement opérant, du processus de renforcement. Sous la narration douce et prévenante, les thèmes de fond sont bien présents. Vu sous cet angle, les autrices mettent en œuvre un mode narratif ouvert à tous, avec la possibilité d’identifier différents éléments culturels pour ceux qui s’y sont déjà intéressés. Un exemple parlant réside dans la réparation d’une tasse par Harry : il l’a offerte à Marsu qui la laisse tomber dans un moment d’inadvertance, et il la répare avec une technique à base de laque saupoudrée de poudre d’or. L’image est très belle, servant également de métaphore pour recoller les morceaux dans une relation, et celui qui en est familier identifie l’art japonais du Kintsugi (ou Kintsukuroi). Comme l’évoque la première scène, il s’agit également d’une histoire d’amour : Marsu et Thom partagent une même façon de penser pour ce qui est de leur mode de création, ce qui se traduit par une affinité spirituelle, et une attraction amoureuse. Le lecteur peut littéralement la voir dans leur langage corporel, les expressions passant sur leur visage, leurs petites attentions l’un envers l’autre. Il est touché par leur gentillesse respective et cette intimité d’esprit. Le champ des possibles du titre évoque celui de la virtualité, ainsi que celui des modes amoureux. Harry et Marsu forment un couple qui n’entrave pas leur liberté, l’un comme l’autre pouvant aller voir ailleurs, ce qui n’entame pas leur amour réciproque. Thom découvre même qu’il existe une forme de trouple avec leur amie Clémence. Le monde virtuel ouvre le champ des possibles à d’autres configurations amoureuses pour la relation entre Marsu et Thom. Le lecteur voit leur relation évoluer, l’attirance, les émotions positives qui en découlent et qui renforcent même les sentiments de Marsu pour son époux. Il voit et il ressent leur frustration quand le rapprochement physique ne fonctionne pas, quelles que soient leur envie et leur tendresse. La relation dématérialisée s’offre alors comme une évidence, y compris pour le lecteur, à la fois par la solidité et l’intelligence du dispositif Athome, à la fois par les dessins qui montrent ce monde virtuel, avec des touches expressionnistes discrètes et raffinées. Même s’il s’agit d’une évidence, cette relation est à construire, à développer, à faire croître en s’y impliquant, en s’adaptant à ses conséquences, pour les amoureux et pour le conjoint. Ce n’est pas du tout la même dynamique entre une relation physique et une relation dématérialisée. Une histoire d’amour, un récit d’anticipation, une intrigue romantique non-conformiste avec des beaux dessins : tout ça et bien plus encore. Le sentiment amoureux s’avère protéiforme : les réseaux sociaux et le distantiel, la réalité virtuelle offrent de nouvelles possibilités, ou en tout cas des moyens différents, s’inscrivant ainsi dans de précédents modes alternatifs comme les relations épistolaires, les textos, les sextos, les visios, etc. Les deux autrices explorent ce potentiel, au travers d’un roman chaleureux et solaire, avec gentillesse, et sans faiblesse. Comme le dit Clémence, Marsu est toujours à fond : à la fois consciente des risques d’addiction, à la fois déterminée à rendre féconde cette nouvelle forme de relation. Ces deux créatrices réenchantent le monde, savent en mettre en valeur le merveilleux, avec un esprit ludique. Un enchantement.

21/11/2024 (modifier)
Par Emka
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Meunier hurlant
Le Meunier hurlant

Adaptation du roman éponyme de l’écrivain finlandais Arto Paasilinna, cette BD nous transporte dans un petit village du nord de la Finlande, peu après la Seconde Guerre mondiale, où un étranger, Gunnar Huttunen (dit Nanar), rachète et remet en marche le vieux moulin local. Bien que d’abord accueilli à bras ouverts, Huttunen révèle une particularité troublante : une certaine propension à hurler et à l'excentricité qui va perturber la quiétude des villageois. Ces derniers, dérangés par ses frasques, n’ont dès lors qu’une idée en tête : l’envoyer à l’asile. Dumontheuil s’approprie avec jubilation cette histoire tragique où l’humour et une certaine soif d’absolu sont de mise. J'avais déjà adoré le dessin dans de Nicolas Dumontheuil dans Qui a tué l'idiot ?, et ai retrouvé ici avec grand plaisir les traits vivants, les formes dynamiques et les libertés géométrique qui créent ce dessin assez virevoltant qui colle très bien à l'histoire. Les décors faits de paysages forestiers sombres et de bâtiments en bois aux structures imposantes finissent de poser l’atmosphère visuelle. Le récit oscille entre drame et comédie grinçante, offrant une critique en règle d’une société régie par les préjugés et l’arbitraire. Sous les aspects d'une comédie loufoque, c'est une critique subtile et incisive des groupes humains qui se met en place. À travers le rejet dont il est victime, l’œuvre pointe du doigt les travers d’une société conformiste, méfiante envers ceux qui sortent du cadre établi. Huttunen, avec son excentricité et sa sensibilité exacerbée, devient le bouc émissaire d’un village où l’ordre social repose sur des codes implicites mais rigides. L’histoire met en lumière le poids des normes sociales et la peur de la différence, transformant une communauté apparemment paisible en un tribunal implacablement injuste. Les villageois, au lieu d’accepter les singularités de Gunnar, s’unissent pour l’exclure, symbolisant une société qui préfère réprimer ce qu’elle ne comprend pas plutôt que de chercher à l’intégrer. La folie apparente de Gunnar est en réalité un cri de liberté, un refus des carcans imposés, tandis que la “normalité” des villageois se révèle dans toute sa petitesse et sa cruauté tant et si bien qu'on finit par se demander qui est le fou de l'histoire. C'est très grinçant mais contrairement à Canarde, je trouve que c'est une œuvre qui fait du bien, parce qu'elle a le mérite de remettre l'église au milieu du village. Bravo Monsieur Dumontheuil, un coup de coeur pour moi.

21/11/2024 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série Mémoires de Gris
Mémoires de Gris

Avec "Mémoires de Gris", Sylvain Ferret nous offre un magnifique conte médiéval, pour qui aime aller frayer avec la noirceur de l'âme humaine. L'objet est déjà très réussit et attrayant : un grand format dos toilé présentant une couverture très engageante, tout aussi magnifique que mystérieuse. C'est ensuite le XIIe siècle qu'on nous propose de retrouver, dans toute la noirceur de son Moyen-Âge. Oubliez les paillettes et les banquets dans des châteaux façon Dysney, on est ici dans la rudesse et la survie d'une période qui ne donnait pas dans la délicatesse, que ce soit pour la populace ou les petits seigneurs en place. La guerre a un coût qui transcende les conditions sociales... Chacun paye chèrement sa survie. C'est donc Pierre de Brume que nous allons découvrir ; fils d'un petit seigneur, il est de retour de croisade plus mort que vivant. Il ne doit sa survie qu'à Marion, son amour de jeunesse devenue guérisseuse. Mais chaque acte a un prix et se paye comptant en pays de Gris... J'ai vraiment apprécié cet album, âpre, sombre et exigeant. Sa lecture nécessite en effet une attention soutenue pour ne pas se perdre en chemin. Car la construction du récit jouant énormément sur les flashbacks pour tisser la toile de cette histoire, il faut que le lecteur soit pleinement immergé pour suivre le fil d’Ariane, ou plutôt de Marion dans notre cas, qui nous guide. Pour autant, le travail graphique et de colorisation de Sylvain Ferret nous permet de nous y retrouver dans ces nombreux allez/retours temporels. Si le récit proposé reste dans une ligne assez classique, c'est du côté des grands qu'il lorgne, avec un petit côté tragédie shakespearienne fort appréciable. D'autant que le graphisme de Sylvain Ferret sert parfaitement son récit. Les ambiances sont très réussies et son coup de crayon un peu sec sied parfaitement à ce Moyen-Âge implacable et sauvage ou viennent se glisser une petite touche de fantastique parfaitement dosée.

21/11/2024 (modifier)
Couverture de la série Demain, demain
Demain, demain

J'ai beaucoup apprécié cette fiction documentaire rappelant l'histoire du bidonville de Nanterre. J'aurais presque pu croiser les enfants de Kader à l'école puisque j'habitais Courbevoie qui est tout proche de Nanterre. La construction du site de la Défense, les jeux dans les terrains vagues (encore nombreux à l'époque), me rappelle des souvenirs d'enfances. Bien sûr nous connaissions l'existence du grand bidonville de Nanterre sans y avoir jamais pénétrer mais nous pouvions le voir de la route et cette image est restée gravée dans ma mémoire. Laurent Maffre reprend le témoignage de Monique Hervo qui est intervenu pendant dix ans pour aider (aide scolaire, écrivaine public, conseil et accompagnement humain) auprès de ce public très vulnérable. Je troue que l'auteur réussit très bien à traduire les paradoxes de cette époque. En effet le scénario met bien en valeur la complexité d'une situation où la population était officiellement Française ( jusqu'en 62), travailleuse et discrète et officieusement perçue comme un ennemi ( FLN, 17 octobre 61). Le récit se veut non polémique (Papon n'est jamais cité) et se veut très optimiste sans tomber dans l'angélisme. La narration est fluide malgré quelques flash back pour insérer quelques éléments historiques qui, expliquent le contexte ( guerre en Algérie, manif du 17 octobre). Les auteurs préfèrent minimiser le racisme ambiant pour honorer les Français aidants . Monique Hervo est ainsi mis en scène sous les traits de Françoise. Ce récit-témoignage est à mes yeux très important 60 ans plus tard dans un contexte où les relations Franco Algériennes sont toujours compliquées. Le graphisme en N&B de Maffre amplifie le côté reportage du récit. Le trait est épuré avec une belle recherche sur les visages masculins. J'ai eu un peu plus de mal sur les visages féminins. Surtout j'ai admiré le travail pour transcrire les détails du bidonville. A la fois dans ces extérieurs et pour la vie intime les atmosphères décrites sont très crédible. J'ai vraiment été impressionné. Une lecture qui traverse de nombreuses thématiques: historique, sociale, sociétale qui mérite la lecture d'un public large. Perso un très bon 4

21/11/2024 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
Couverture de la série Journal d'un prof à la gomme
Journal d'un prof à la gomme

Ah oui quand même ! Si j'ai été de suite séduit par le dessin (et le sujet) de cette BD au point d'en faire l'acquisition, j'avoue que je ne m'attendais pas à un être atteint à ce point. J'imaginais quelque chose d'assez drôle et finalement léger. Or drôle, ça l'est, mais il s'y lit quelque chose de bien plus profond. Quelque chose qui chez moi résonne avec la série italienne Anna, vue récemment. Quelque chose qui interroge sur le type même d'êtres humains que nous sommes actuellement en train de "lâcher dans la nature". Notre auteur à la gomme nous embarque dans son expérience aussi aisément qu'un toboggan. Très vite, il plante le contexte : profondément secoué par la mort de Samuel Paty, il décide de prendre les armes par les cornes et de monter au front. En quelques mois, il passe le concours et devient prof, avec la volonté farouche d'accomplir son devoir du mieux possible. Il se heurte rapidement aux discours ineptes du système éducatif et son imbitable catalogue d'acronymes, mais surtout à la réalité du terrain. Et c'est là que Fred Leclerc dresse une carte des opérations proprement glaçante. Il se passe manifestement quelque chose de grave dans la jeunesse d'aujourd'hui, et l'Education Nationale se révèle totalement incapable d'agir. Ce à quoi le lecteur assiste ici, c'est au sauvetage désespéré des enfants par des professeurs qui font tout ce qu'ils peuvent. Tout cela, Fred nous le raconte avec une franchise sans reproche. Il nous expose ses faiblesses et comment il a fini par renoncer devant cette tâche herculéenne qui consiste aujourd'hui à éduquer les enfants dans les zones délaissées. Au cours de la lecture, on passe par tous les états du spectre émotionnel. On partage ses ironies face aux discours, ses colères devant l'impuissance, et derrière tout ça, l'amour pour ses élèves, malgré tout. Mais au passage, Leclerc n'oublie pas d'être drôle. S'il use de quelques ressorts comiques très sattoufiens, on ne lui en tient pas rigueur. Journal d'un prof à la gomme est un petit condensé vif d'une situation, une chronique vivante et honnête. Ca ne donne aucune leçon, c'est humble, mais c'est dit ! Et montré. Enfin, last but not least, tout cela est emballé par un formidable petit coup de crayon. Franchement !

21/11/2024 (modifier)
Par cac
Note: 4/5
Couverture de la série Le Rapport de Brodeck
Le Rapport de Brodeck

Lu après La Route, je ne peux qu'ajouter une belle note à cette adaptation du roman de Claudel que j'ai lu il y a un paquet d'années maintenant mais qui m'avait marqué. Une histoire de la cruauté et de la lâcheté humaine que Larcenet retranscrit dans certaines images choc. Les nazis sont figurés plus comme des animaux que des humains. Très beau travail graphique indéniable, un noir et blanc proche de la gravure dont on admire chaque page, des animaux par exemple d'un beau niveau de détail. Le format paysage permet de voir les choses en format cinéma avec souvent peu de textes. D'ailleurs dans le premier tome on a presque l'impression qu'il se passe peu de choses. Quel est ce fameux événement et qui est cet étranger venu dans le village isolé à propos duquel Brodeck doit rédiger un rapport ? On le découvre dans le tome 2 qui révèle l'injustice subie par Brodeck et sa famille, on peut le trouver étonnamment passif de continuer à vivre dans ce village avec ces lourds souvenirs.

20/11/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5
Couverture de la série Phantom Road
Phantom Road

« Phantom Road » est une nouvelle série fantastique/horreur de Jeff Lemire, et le moins qu’on puisse dire c’est que ce premier tome est scotchant ! L’histoire s’emballe après à peine 7 pages, et ne lâche rien pendant les 130 pages de ce premier tome, que j’ai englouti en un temps record. L’intrigue est prenante et enjouée, et parle de mondes parallèles, d’agents du FBI, de monstres bizarres et d’un objet mystérieux (et magique ?) devant être transporté par nos 2 compagnons d’infortune… ces derniers sont attachants et bien définis, grâce à une narration en flashbacks nous montrant leur passé. Les deux dernières pages introduisent un personnage qui m’a laissé dubitatif, mais je lirai quand-même la suite, en espérant que l’auteur réussisse à contenir son histoire et son univers. Gabriel Hernandez Walta avait déjà bossé avec Lemire sur Sentient, et propose ici une mise en image classique mais efficace. Les couleurs de Jordie Bellaire (qui n’en est plus à son coup d’essai) participent grandement à l’ambiance inquiétante du récit, tout en contribuant directement à la narration (les tons sont différents pour les deux « mondes »). Un premier tome prenant au possible, vivement la suite ! MAJ après lecture du tome 2 : pas de surprise, l’histoire continue sur sa lancée et reste scotchante, même si je déplore le manque de réponses après 2 tomes, on nage toujours en plein mystère, clairement les auteurs vont développer l’intrigue sur la longue… je lirai la suite, c’est sûr !

09/08/2024 (MAJ le 20/11/2024) (modifier)
Par Sam Cragg
Note: 4/5
Couverture de la série L'Orfèvre (Lozes)
L'Orfèvre (Lozes)

Je viens (enfin !) d'achever la lecture de cet album si singulier. Il se démarque réellement de ce qu'on peut lire actuellement. Il marche en dehors des sentiers battus tout en étant de facture classique; ce n'est d'ailleurs pas le seul paradoxe de L'ORFEVRE. Ce qui m'a le plus subjugué, c'est le soin extraordinaire accordé au dessin. C'est stupéfiant de précision. Aucun décor n'est laissé au hasard ni abandonné à l'esquisse. Avec un souci extrême, Lozes prend la peine d'aller jusqu'à distinguer chacune des matières qu'il dessine. C'est un travail pharaonique. Le titre de l'album n'est-il pas en fait l'écho du travail fourni par le dessinateur, un véritable travail d'orfèvre ? Le récit, en dépit de quelques défauts mineurs par instants, se révèle passionnant, émaillé de quelques scènes marquantes comme celle du cinéma Gaumont Palace. Ce n'est pas tant l'enquête qui nous tient en haleine que l'ambiance étrange liée à la succession inexorable d'événements nous conduisant à une spectaculaire boucle temporelle. Nous savons que nous assistons à un exercice de style et nous guettons sans cesse tous les détails pour s'assurer que les engrenages se calent parfaitement. Le parcours initiatique qui se déroule devant nos yeux alors que nous savons bien où il va nous mener, ce parcours nous oblige à développer une attention soutenue à l'égard de la structure même du récit. Nous restons tout du long un lecteur vigilant. C'est le tour de force de cet album que de nous nous rendre pleinement conscient de chaque détail qui se présente à nous; nous tentons constamment de trouver le sens de chaque chose et sa place dans la mécanique générale du récit. Au final c'est un album terriblement attachant que j'ai refermé à regret et que je relirai avec plaisir à n'en pas douter.

20/11/2024 (modifier)
Par Sam Cragg
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Mamie n'a plus toute sa tête
Mamie n'a plus toute sa tête

Voilà un album que j'ai adoré. Je ne connaissais pas Romain Dutreix, dorénavant je vais guetter ses futures productions avec beaucoup d'attention. Il y très longtemps que je ne m'étais amusé autant à lire une bande dessinée. Il y a même des moments franchement hilarants. L'histoire est prenante et merveilleusement racontée. Dutreix a un sens du rythme infaillible. Le dessin est épatant, avec une stylisation remarquable et un sens extraordinaire pour représenter les expressions des visages et les postures des corps des personnages. C'est vivant au possible. La mise en couleur est elle aussi très réussie. Bref les parties graphique et scénaristique sont de haut niveau et concourent à offrir un album de bande dessinée populaire et grand public de premier ordre. Et je dois avouer que l'annonce d'une suite en fin d'album m'enchante littéralement. note: 4,5/5

20/11/2024 (modifier)
Par Brodeck
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Alyte
Alyte

C'est à nouveau un très bel album de Jérémie Moreau. Dans cet ouvrage au format agréable (pratiquement un carré de petite taille), on suit le périple d'un jeune batricien, qui, comme son père l'avait fait avant lui, cherche la terre promise, une mare, un écrin de verdure qui permettra peut-être à sa progéniture de s'épanouir et de perpétuer à son tour le cycle de la vie. Alyte, petit orphelin miraculé, va faire des rencontres qui le marqueront et lui permettront de trouver le courage suffisant pour affronter la terrifiante " Léthalyte ", cette bande grise mortifère qui recrache impitoyablement ses victimes. Pour peindre cette ode à la nature et au monde animal, J. Moreau utilise comme il le fait depuis un certain temps une palette aux couleurs très vives, pop, acidulées, mais comme il le dit lui-même, cet univers est " faussement mignon " et souvent sans concession car la vie, comme le rappelle chaque péripétie d'Alyte, demeure incertaine, plus que jamais fragile, car les dangers qui la menacent se multiplient désormais sous l'effet de l'activité humaine et du réchauffement climatique. Les images de Moreau sont puissantes. Nul doute qu'elles marqueront également durablement les jeunes enfants qui découvriront ce joli conte écologique et poétique. Comme dans son " Discours de la panthère ", la nature est vue à hauteur d'animaux. Mais " Alyte " me semble plus homogène que Le Discours de la panthère (qui était composé d'histoires courtes parfois inégales). Le récit de ce dernier ouvrage est sans temps morts, moins sentencieux que celui de son grand-frère peut-être et il finit en beauté avec une rencontre particulièrement bien amenée entre notre crapaud héroïque et un personne dont je vous laisse découvrir l'identité ! Au fil de cette odyssée, j'ai également pensé à Miyasaki, il me semble en effet voir une filiation entre le célèbre auteur japonais de " Nausicaa " et Jérémie Moreau, à la fois dans les thèmes abordés et dans la représentation de la nature avec les eaux qui jaillissent, les arbres qui bruissent et la vie animale qui résiste tant bien que mal aux coups de boutoir d'hommes insensés. Pour moi, c'est ni plus ni moins un indispensable de cette année 2024 (!) et un coup de coeur bien sûr !

20/11/2024 (modifier)