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Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Moderne Olympia
Moderne Olympia

Le spectacle continue ! - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. C’est le premier d’une série de collaborations entre le musée d’Orsay et l’éditeur Futuropolis. Son édition originale date de 2014. Il a été réalisé par Catherine Meurisse pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-quatre pages de bande dessinée. Il se termine par la liste de cinquante œuvres des collections du musée qui ont inspiré l’autrice : il y a d’abord neuf pages qui comprennent la reproduction de douze tableaux, puis deux pages qui liste les cinquante œuvres par ordre d’apparition, avec leur créateur, leur titre la date de création, leurs dimensions et la date d’acquisition, ainsi que le numéro de page de l’album dans laquelle elles sont citées. Roméo Montaigu vient de tuer le comte Pâris qui l’avait provoqué en duel. Les soldats arrivent et découvrent le cadavre, avec le valet de Roméo encore sur place. Ils le ramènent à leur responsable qui décide d’attendre l’arrivée du roi. Celui-ci ne tarde pas et demande qu’on lui explique l’épouvante qui fait tressaillir ses oreilles. Après avoir entendu ce qui s’est passé, la reine fait le constat du fléau par lequel le ciel châtie la haine, pour tuer leurs joies, il se sert de l’amour. Le roi se désole d’avoir fermé les yeux sur leurs discordes, il a perdu deux parents. Roméo et Juliette, pauvres victimes de leurs inimitiés. Cette matinée apporte avec elle une paix sinistre. Le soleil se voile la face de douleur. Jamais ouverture n’aura été plus douloureuses que celle de Juliette et de son Roméo. Le film se termine, et les crédits défilent sur l’écran, avec Vénus dans le rôle de Juliette, Paolo Malatesta dans le rôle de Roméo, etc. Olympia et le petit joueur de fifre se lèvent : il remarque que c’est la cinquième fois qu’ils voient cette toile, et qu’elle pleure encore. Elle répond que cette histoire lui brise le cœur, elle adorerait être Juliette, elle pense qu’elle a les qualités pour jouer les grandes amoureuses. Le fifre lui demande si Juliette avait de l’eczéma aux fesses ; Olympia peste qu’elle s’est encore assise sur du pop-corn. De retour chez elle, Olympia déclame des répliques de Juliette à sa servante en présence du fifre. La servante lui conseille de frapper ses consonnes et d’attaquer chacune de ses répliques. Elle continue : Si Olympia continue à déclamer en yaourt, sa carrière est finie avant d’avoir commencé. Cela fait penser le fifre à une blague : un Noir qui passe devant une pharmacie et qui lit sur la vitrine Oméopathie. Alors il se dit : Pauv’ Juliette. Olympia lui renverse un pot de fleurs sur la tête. Puis elle se demande à quoi bon articuler : son prochain rôle est muet, elle joue une esclave dans le Cheikh, une grosse production orientaliste, Chassériau à la mise en scène, Regnault aux décors, Dehodencq aux costumes. Elle a une scène clé : elle sort des cuisines du palais un couscous royal dans les bras, le cheikh la voit, la viole, la jette en pâture à ses éléphants qui, excités par l’odeur de la semoule, la… Lors de la prise de vue, elle glisse sur un pois chiche et il s’en suit une cavalcade hors de contrôle. Le musée d’Orsay décide de s’associer avec l’éditeur Futuropolis pour produire plusieurs bandes dessinées ayant pour thème aussi bien cette institution que ses collections. Catherine Meurisse choisit une construction originale : elle met en scène une des femmes représentées sur les toiles du musée, Olympia (1866) peint par Édouard Manet (1834-1917). Ainsi elle raconte une histoire avec un personnage central fictif, une forme très différente d’une visite du musée, d’un passage en revue d’une collection d’œuvres choisies, ou d’une mise en valeur de son architecture. La mise en scène s’effectue dans un dispositif pouvant surprendre : Olympia évolue comme sortie de la toile du même nom, dans le plus simple appareil, si ce n’est un nœud dans les cheveux et un ruban autour du cou, sans que Victorine Meurent (1844-1927, peintre), qui a servi de modèle, ne soit citée, ni Laure qui a posé pour la servante. De temps à autre, elle se retrouve à devoir se vêtir pour poser dans une autre toile. Elle fut effectivement le modèle pour le Déjeuner sur l’herbe (1863) de Manet. Ainsi quelques personnages de toiles célèbres (dont Vénus) se rendent à des prises de vue de type cinéma pour poser dans la réalisation d’un tableau célèbre. Avec ses dessins descriptifs aux formes déliées et humoristiques, l’artiste rend ainsi hommage à cinquante œuvres en les évoquant, sans chercher à les reproduire, parfois dans la mise en scène, parfois par une allusion comme le test de l’asperge (peinture à l’huile de 1880, de Manet) pour vérifier la fermeté de la poitrine d’Olympia. En fonction de sa familiarité avec le musée d’Orsay et ses collections, le lecteur identifie plus ou moins facilement les œuvres. Selon les pages, l’artiste en intègre un nombre variable. Par exemple, il n’y en a pas dans les pages treize à quinze, et il y en a six dans la page seize : Vénus à Paphos (1852) par Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), L’assaut (1898) par William Bouguereau (1825-1905), La source (1856) par Jean Auguste Dominique Ingres, La jeunesse et l’amour (1877) par William Bouguereau, La chaste Suzanne (1864) par Jean-Jacques Heiner (1829-1905), Naissance de Vénus (1879) par William Bouguereau. Le lecteur a également bien compris que la première séquence correspond à une adaptation plus ou moins fidèles (en fonction des répliques) de la pièce de théâtre Roméo et Juliette (1597) de William Shakespeare (1564-1616). De la même manière, il reconnaît un spectacle de french-cancan dans les pages treize à quinze, une première allusion au film West Side Story (1961), réalisé par Jerome Robbins (1918-1998) et Robert Wise (1914-2005) en page vingt-neuf (reprise pour la couverture) et une scène tirée du même film dans les pages trente-cinq à trente-sept. La dessinatrice reste dans le même registre graphique, avec ces personnages un peu caoutchouteux, aux expressions exagérées, aux silhouettes dessinées de façon comique, avec une direction d’acteurs empruntant régulièrement à la pantomime et au burlesque. De temps à autre, le lecteur relève également une référence supplémentaire à l’occasion d’un dialogue, par exemple quand Olympia évoque Alfred Dehodencq (1822-1882), un peintre et dessinateur français, ou quand des figurantes se mettent à chanter qu’il faut coucher pour réussir dans ce métier, en particulier pour figurer en couverture du magazine Télérama. La narration visuelle étant alerte et vive, pleine d’humour, le lecteur prend plaisir au récit pour le divertissement qu’il constitue. Il suit donc cette Olympia moderne, cantonnée aux seconds rôles, en bute à la jalousie de Vénus, modèle établie posant pour des tableaux de style classique ou relevant de la peinture dite classique. Il la voit tomber amoureuse de Romain, un second rôle ou même un figurant dans le tableau La chute de Rome n’aura pas lieu. – Romains de la décadence (1847) par Thomas Couture (1815-1879). La narration s’avère d’autant plus agréable que l’artiste raconte des événements spectaculaires régulièrement : un parachutage depuis un avion pour créer Les Oréades (1902) de William Bouguereau, l’arrivée de Napoléon à la tête de son armée pour mettre fin à une rixe urbaine, romain en train d’interpréter le célèbre numéro de danse de Singin’ in the rain (1952), film musical de Stanley Donen (1924-2019) et Gene Kelly (1912-1996), ou encore une traversée de jungle devant autant à celle de La charmeuse de serpents (1907) du Douanier Rousseau (1844-1910) qu’à l’étang des Nymphéas (1914-26) de Claude Monet (1840-1926). Il arrive ainsi au terme de l’ouvrage et l’intrigue, le sourire aux lèvres, découvrant que Olympia n’était que doublure cuisses pour L‘origine du monde (1866) de Gustave Courbet (1819-1877). Dans le même temps, le lecteur sent bien qu’il se joue autre chose qu’une simple série de péripéties pour que Olympia parvienne à décrocher des emplois pour une prise de vue. Le tableau de Manet est exposé au Salon (Salon de peinture et de sculpture) de 1865, qui a lieu à Paris. Ce Salon avait vocation d’exposer les œuvres des artistes agréés par l'Académie des beaux-arts, c’est-à-dire des œuvres ou des artistes revêtant un caractère officiel. Le thème du tableau ne correspond pas aux critères officiels. Dans ses propos, Olympia évoque également le Salon des refusés, c’est-à-dire une exposition des œuvres non admises qui se tient dans un autre lieu, où le même Manet avec exposé son Déjeuner sur l’herbe en 1863. Une décennie plus tard, les Impressionnistes organiseront leur propre salon en 1874, faisant également partie des Refusés. Avec ces événements en tête, le lecteur comprend que l’autrice met également en scène cette opposition entre les deux classes d’artistes, les Officiels et les Refusés. L’histoire d’amour entre Olympia (une Refusée) et Romain (un Officiel) s’apparente alors à un amour tragique entre deux personnes issues de deux groupes sociaux en conflit, comme pour les Capulets (Juliette) et les Montaigu (Roméo). Fort heureusement, l’issue de ce récit s’avère moins tragique, puisque c’est l’avènement d’une nouvelle technologie qui oblige les uns et les autres à s’adapter. Pour rendre hommage au musée d’Orsay et à ses collections, l’autrice a imaginé une forme originale, reposant sur le fait que chaque œuvre fait l’objet d’une mise en scène cinématographique nécessitant la participation d’acteurs et d’actrices établis, et de figurants non-conformistes. Dans un registre graphique humoristique et plein de vie, elle raconte les errances d’Olympia, appartenant à la classe des Refusés, et rejetée par Vénus (celle de La naissance de Vénus – 1863 – de Alexandre Cabanel - 1823 - 1889) et ses trois petits angelots. Il s’en suit une évocation pleine de vie des œuvres majeures du musée, et une mise en scène de la confrontation entre Officiels et Refusés. Belle vulgarisation.

25/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Lightfall
Lightfall

Un petit avis rapide pour dire que c’est bien cool à suivre. Ça fait des mois que je dois aviser cette série. J’ai dévoré les 2 premiers tomes mais pas moyen de pouvoir emprunter le 3eme, il est sorti à chacune de mes visites, je suis carrément en conflit avec les gosses du village. ;) Bref tout ça pour dire qu’ils ne sont pas trompés. Lightfall est très chouette et agréable à parcourir. Ça leur est adressé en priorité mais le vieux con que je suis y a largement trouvé son compte. Tim Probert possède une patte très intéressante, ronde et colorée pour le graphisme, et pas neuneu dans son intrigue. Ça m’a bien chatoyé. Du bel ouvrage.

24/04/2025 (modifier)
Par bab jr2
Note: 4/5
Couverture de la série L'Île de Minuit
L'Île de Minuit

J'ai bien aimé cette bd. C'est une aventure très mystérieuse. Elle raconte que au début il y a deux enfants sur une île déserte qui ne se souviennent de rien du tout. Ils découvrent deux autres enfants. Ils vont ensemble découvrir un automate qui va leur donner des ordres. J'ai aimé les dessins que j'ai trouvé beaux avec des couleurs bien choisies. J'ai bien aimé le début quand ils découvrent qu'ils sont dans une île déserte. C'est une histoire avec plein de mystères, qui me donne envie de lire la suite. Ecrit par bab jr n°2 (8ans)

24/04/2025 (modifier)
Couverture de la série #J'Accuse...!
#J'Accuse...!

Un format original (un album à l’italienne contenu dans un étui au format standard). Et une présentation elle aussi originale, puisque utilisant un rendu proche des journaux et des gravures du XIXème siècle, le tout dans une page représentant l’écran d’un ordinateur, comme si le lecteur était en train de faire des recherches sur internet pour corroborer ce que nous présente Dytar. Ou comme pour le suivre dans ses recherches. Car il s’est bien documenté, multipliant les sources (articles de presse, journaux intimes, livres, etc.) pour nourrir son récit. Ainsi bien armé, il nous présente une sorte de travail journalistique qui reprend tous les points de cette affaire, et qui remet en lumière le militarisme exacerbé, le nationalisme virulent, mais aussi et surtout l’antisémitisme nauséabond qui ont permis cette affaire sordide, aux relents hélas encore d’actualité. Un parallèle est ainsi possible, avec la caisse de résonance des médias et des réseaux sociaux d’extrême droite et/ou complotistes sur ce type de sujet. Sur un sujet maintes fois traité sur divers supports, Dytar réussit son pari de renouveler le traitement, tout en ne cédant rien en matière de sérieux dans le travail. Une lecture recommandable en tout cas.

24/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Solitude d'un autre genre
Solitude d'un autre genre

Allez, c'est fait, j'ai enfin lu ce manga très connu et que l'on m'a maintes fois recommandé. Verdict ? Déprimant. Profondément déprimant. Bon, j'exagère, la fin est relativement positive, en tout cas douce-amère, une promesse de jours meilleurs, mais le récit n'en reste pas moins grave et très intime. Pour les personnes n'ayant jamais entendu parler de cette œuvre, il s'agit d'une autobiographie d'abord écrite en ligne avant d'être réécrite pour une publication papier. C'est l'histoire d'une jeune femme névrosée, dépressive, perdue, en un mot comme en cent : seule. L'autrice nous raconte toutes ses peurs, ses craintes, ses angoisses, son manque de contrôle total sur sa vie, son incapacité à prendre soin d'elle-même. Elle nous raconte sa vie, nous parle de son parcours chaotique et de la naissance de ses problèmes, de comment elle a vécu tout ça, en prenant comme ligne d'arrivée l'évènement qui lui a enfin permis de reprendre un semblant de contrôle sur sa vie : le jour où elle a fait appel à une prostituée pour enfin recevoir de la chaleur humaine. Spoiler (il s'agit de l'amorce du dernier tiers de l'album), l'évènement est un échec. Mais c'est tout de même par cette expérience que l'autrice va découvrir beaucoup de choses sur elle-même, et surtout lancer la création de cette autobiographie qui lui vaudra enfin le succès. L'œuvre m'a (malheureusement) beaucoup parlé. La dépression constante, l'absence totale de contrôle sur sa vie, le délaissement de son bien être, le rapport ultra-chaotique avec la nourriture, l'incapacité à visualiser sa vie sans l'approbation parentale (ou un équivalent) car l'on cherche désespérément à ce que quelqu'un d'autre (plus compétent que nous) trouve la solution à tous ces problèmes et nous fasse sortir de ce désastre, … Oui, sans avoir vécu la même situation, je connais malheureusement ce genre d'expérience. En ça, j'atteste de la (déprimante) réalité de ce genre de témoignages. Je conseille l'œuvre, elle est très intéressante, mais je mettrais tout de même en garde sur le fait que l'on parle énormément de sujets sensibles et potentiellement lourds comme les troubles dépressifs ou l'auto-mutilation.

24/04/2025 (modifier)
Par Gotham007
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série L'Incal
L'Incal

Culte. Tout simplement. Dessin, scénario, tout y est. La référence BD SF des années 80. Prochainement (2029?) en salle dans un cinéma près de chez vous avec Taika Waititi aux commandes. À noter que Nicolas Winding Refn s’y était cassé les dents néanmoins.

24/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Page noire
Page noire

J'ai été bien séduit par cette série malgré un final assez banal. Je me suis laissé porté immédiatement par ce double récit parfois un peu facile mais toujours bien construit. J'ai trouvé la progression des deux personnages féminins bien équilibrée et le passage d'un récit à l'autre intelligemment proposé avec une égale envie de découvrir la suite pour les deux aventures. On pourrait reprocher aux auteurs d'avoir une vision manichéenne des événements au proche orient mais l'actualité montre que leur thématique reste très actuelle. J'ai aussi apprécié que les deux jeunes et jolies femmes ne soient pas des simples potiches sexuelles mais sachent faire face à leurs difficultés. Le final , très happy end et un peu facile est un peu trop convenu mais il respecte l'esprit général d'une narration qui suggère d'aller de l'avant et de tourner la page fut elle noire. J'ai trouvé le graphisme de Meyer un ton en dessous de la qualité du scénario. En effet par moment certains personnages sont juste ébauchés et manquent de précisions dans les dernières planches. C'est dommage car son style semi réaliste bien travaillé convient bien à la nature 'd'un récit qui mêle suspens, aventure et exotisme. Une lecture récréative qui m'a bien séduit malgré mes petites réserves.

24/04/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série L'Escamoteur
L'Escamoteur

Mêlant biographie romancée et reconstitution historique, cet album nous plonge dans la trajectoire trouble de Gabriel Chahine, artiste baroudeur d’origine libanaise, lié de près aux milieux d’extrême-gauche des années 1970-80. Figure aussi charismatique que déroutante, Chahine donna à tous ses proches l'impression qu’il partageait leur engagement révolutionnaire, tout en livrant en secret des informations aux Renseignements Généraux français, allant jusqu’à participer activement à la traque de certains membres fondateurs du groupuscule Action Directe. Un homme en clair-obscur, insaisissable, que les auteurs tentent de cerner, conscients que son esprit déjoue toute tentative de mise en récit linéaire. Peu amateur de la période des années 70 et encore moins des magouilles politiques de l'époque, j'ai cru que cette lecture allait me barber. Pourtant, malgré un récit dense, bavard et parfois complexe, j’ai été progressivement happé. La narration fluide parvient à rendre accessible un enchevêtrement de témoignages contradictoires, d’enjeux politiques et de manipulations souterraines. Arrivé à mi-parcours, lorsque l’organisation Action Directe entre pleinement en scène et que Chahine s'engage pour de bon à les arrêter, le récit gagne en intensité et prend une dimension passionnante. C’est une lecture exigeante, au rythme volontairement lent et à la construction rigoureuse, mais c’est surtout une enquête remarquable, solidement documentée, qui éclaire et explique une époque souvent floue et un nom, Action Directe, que l’on connaît souvent sans en mesurer réellement la portée. Et en même temps, il permet de découvrir ce personnage vraiment surprenant qu'était Gabriel Chahine, la définition même de l'esprit humain insaisissable et multiple, à la fois acteur et spectateur d’une histoire qu’il contribue à écrire tout en restant hors-champ. Une œuvre riche, intelligente, à la croisée du récit politique, du polar et du portrait psychologique, qui mérite d’être découverte et digérée avec le temps qu’elle requiert.

23/04/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5
Couverture de la série Columbusstraße
Columbusstraße

Bon, attention, cet album est le fruit de nombreuses recherches dans des archives nationales et familiales, d'entretiens familiaux, de repérages, probablement des milliers d'heures de travail pour un auteur qui a fait de l'autobiographie et et du stakhanovisme ses deux axes de labeur. Les bonus présents en fin d'ouvrage, parmi les plus fournis que j'aie pu voir, en témoignent : deux pages entières de remerciements envers toutes celles et tous ceux qui ont aidé Tobi Dahmen dans sa tâche ; 15 pages de glossaire, pour éclairer les termes et certains éléments des quelques 525 pages de cette BD ; des précisions sur les images et les textes "authentiques" qui ont pu être reproduits, sans oublier une bibliographie impressionnante. C'est lors d'un long trajet en train avec son père que l'auteur a commencé à constituer le squelette de ce qui allait devenir, dix ans plus tard, cette brique (1, 2 kg pour le bébé) incontournable. La disparition brutale de ce père, au début du processus, n'a pas dissuadé Tobi de continuer son entreprise, a contraire. Il a choisi de raconter les bribes de vie qu'il a pu reconstituer de manière chronologique, ce qui permet de e pas perdre de vue la situation de chaque membre de ces deux familles pendant la décennie où le destin de l'Allemagne a basculé. Il a choisi de laisser les quelques approximations qui ont pu apparaître dans les témoignages qu'il a pu recueillir, pour garder une certaine authenticité. Ainsi a-t-il imaginé la vie de son oncle sur le front russe en se basant sur ses lettres, qui se voulaient souvent allusives. Prévoyez trois un quatre heures pour lire l'album, car il est difficile de le lâcher ; il comporte de nombreuses scènes poignantes, comme lorsque les enfants sont séparés de leurs parents, ou les retrouvent, ou qu'ils doivent détourner le regard en croisant par exemple des "travailleurs forcés" (encore un truc que je découvre sur la guerre), des prisonniers qui n'ont pas accès aux abris et doivent nettoyer les décombres après un raid aérien. Le style graphique de Dahmen est une ligne claire en tons de gris, mais on sent qu'il a extrêmement travaillé chaque case pour provoquer l'émotion sur chaque séquence, et cela fonctionne totalement. Voici donc un nouvel album essentiel pour comprendre comme la guerre a été vécue par une (enfin, deux) famille(s) ordinaire(s) en Allemagne.

23/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Bleu est une couleur chaude
Le Bleu est une couleur chaude

J'ai lu cette série avec les yeux de Candide. En effet je n'en avais jamais entendu parler ni du film d'ailleurs. Oui oui c'est possible ! Je n'ai toujours pas vu le film mais je me suis rattrapé avec la BD. Dès le début du récit j'ai été séduit par le ton employé par Julie Maroh. Cette montée progressive de la découverte de soi de Clémentine à partir de ses 15 ans sonne juste. L'autrice prend le temps d'installer Clémentine dans son personnage. La découverte de son moi sexuel se fait malgré ses réticences. Je ne suis pas homosexuel mais j'imagine que le débat intérieur n'a pas du être simple pour de nombreux ados, beaucoup se retrouvant à la porte de chez eux dans des conditions parfois dramatiques. Le scénario est vraiment bien construit car en dévoilant le décès de Clémentine dès les premières planches on aurait pu craindre que l'autrice tue l'effet dramatique immédiatement. En fait c'est tout le contraire, pour ma lecture, car je me suis constamment demandé comment on arrive à cette situation. Ensuite Julie Maroh prend le risque d'installer un texte pesant via une voix off lourde et omniprésente. Ici encore le piège est évité avec brio grâce à un équilibre judicieux entre cette narration indirecte et l'action sous nos yeux. Les deux textes font échos et se répondent en permanence. Ensuite c'est une histoire d'homosexualité qui reprend certains messages convenus comme la stigmatisation ou l'affirmation identitaire via la Gay Pride mais je trouve cela assez marginal. Comme le souligne Emma à la mère de Clem, si Emma avait été un garçon rien n'aurait changé et Clem serait tombé amoureuse. C'est vraiment le sentiment que j'ai eu en lisant ce récit. C'est l'histoire d'amour entre Clem et Emma qui fonde le récit avec les mêmes questionnements que pour un couple hétéro : les risques à prendre, la place que chacun donne à l'autre dans son avenir, les jalousies passagères jusqu'aux interrogations d'avoir un enfant pour compléter ce bonheur. Le militantisme pour Emma et l'intimité pour Clem. La mort de celle-ci évite à l'autrice de trancher. Enfin le final travaille plus sur l'émotion que sur le dramatique avec un choix qui m'a surpris. J'ai aussi apprécié le graphisme de l'autrice que je trouve très expressif sans charger trop. On reste dans la bonne mesure pour toute la palette des sentiments. Ma seule vraie réserve concerne le saut temporel qui amène les jeunes femmes à des femmes adultes établies. Au bout de dix ans , on peut imaginer que l'amour fusionnel s'étiole. On ne voit pas dans le récit ce qu'elles ont construit pour solidifier le couple et c'est un manque. De même le graphisme a du mal à faire vieillir le couple. Cela reste toutefois une très bonne lecture, très accessible et souvent pleine de délicatesse.

23/04/2025 (modifier)