Pour ce numéro c’est clairement le dessin qui m’a attiré. Je ne connaissais pas Ivan Reis, et c’est superbe ce qu’il fait. J’aime tout, les cadrages, le trait, les couleurs… mais surtout sa qualité d’encreur, vraiment ça change de 90 % des comics random. Dommage que le bonhomme ne s’illustre que dans le comics de super héros… ‘fin bon.
Concernant l’histoire je n’ai pas bien saisi comme Gaston en quoi c’était un « bad one day ». Le plan se déroule avec quelques accrocs mais à la fin Ras al Ghul obtient ce qu’il veut. La tonalité globale du récit m’a bien emballé, comme pour le Gueule d’Argile c’est assez violent, ça zigouille bien méchamment, ce n’est pas à mettre entre toutes les mains, et si tous les numéros de cette collection sont dans ce ton là je risque de m’y intéresser.
Donc malgré quelques scories pour l’instant j’aime vraiment cette collection qui dénote complètement avec tous ce que j’ai pu lire sur le chevalier noir, que ce soit en terme de dessin ou de narration.
To be continued.
Je ne connais pas l'histoire du conte originel (si ce n'est que je connais Peau d'Âne, sa réinterprétation postérieure) donc je ne pourrais pas juger cet album sous l'angle de l'adaptation.
En revanche, en tant que lecture indépendante, l'album m'a bluffé.
Tout d'abord, ce qui frappe, c'est le dessin de Stéphane Fert. J'aime énormément son style jouant sur les teintes de bleus et de roses contrastés par du noir.
Sa façon d'illustrer les personnages, les décors, les actions, n'est pas réaliste mais poétique. C'est sans doute bête comme façon de le dire, mais je n'ai pas d'autre mot : c'est poétique. De la poésie en dessin.
Les récits qu'il scénarise tiennent bien souvent du conte (voir La Marche Brume par exemple) et son dessin joue vraiment sur l'aspect magique de ces histoires.
Ici, c'est un conte donc.
Un conte avec une princesse, un prince, un méchant roi, une sorcière/fée, des enchantements, des promesses, une histoire d'amour et des situations compliquées dont nos protagonistes devront s'extirper par la ruse. Pas de doute, pour tout-e amateur-ice de conte, on est en terrain connu.
Et moi, bah je suis plus qu'amatrice de conte, j'adore ça. Donc quand ils sont aussi bien racontés (et aussi bien illustrés) qu'ici, je ne peux qu'avoir un coup de cœur.
Le texte est beau. Il se permet de nombreux passages en rimes, mais même lorsqu'il s'agit de prose les dialogues gardent une sorte de rythme assez joli à entendre. En tant qu'amatrice de théâtre, je suis comblée.
Il y a plusieurs propos qui se dégagent de cette histoire : on nous parle de désir (global comme le désir de liberté ou plus terre à terre comme celui de la chair), d'inceste, de traumas et surtout (surtout !) d'amour. D'amour romantique, oui, mais encore plus d'amour de la lecture.
L'importance de la lecture est un point central de ce récit. Qu'elle soit pour s'instruire, voyager, rêver ou tout simplement se permettre de faire fi de ce qui a été précédemment écrit (il n'y a qu'à voir les quelques propos métaxtuels de certains personnages ou l'une des scènes finales).
Le conte d'origine est ici modernisé.
Même sans connaître le conte d'origine, on le sait, notamment grâce aux remarques métatextuelles précédemment citées, mais aussi par cette volonté qui se dégage de vouloir sincèrement s'intéresser aux traumas, émois et désir de son personnage féminin principal. Encore une fois, je ne connais pas le conte d'origine, mais je ne pense pas prendre de gros risque en pensant qu'un conte allemand du XIXème siècle ne devait pas être vraiment très féministe.
Je ne développerais pas trop sur l'intrigue car, bien que simple, sa découverte joue un peu sur son charme. Comme tout conte, la première écoute/lecture influe sur notre imaginaire.
Bon, qu'on se rassure quand-même, j'ai déjà lu l'album plusieurs fois et il ne perd pas de ses qualités avec les lectures.
L'album n'est sans doute pas parfait (mais après tout quelle œuvre l'est vraiment ?).
Pour moi, en tout cas, il mérite un statut de culte.
C'est difficile de noter un ouvrage comme celui-ci (et comme Catharsis d'ailleurs). C'est un ouvrage plein d'émotions, bien sur, dans lequel on se rend compte de l'impact et l'ampleur des attentats de 2015. Ce sont des BD chargées en émotions (et qui rappelle l'impact des attentats sur les victimes, comme dans Après le 13 novembre), mais qui sont aussi des comptes-rendus de la vie dans un journal satirique, son intégration dans la rédaction et les valeurs que celui-ci véhiculait.
Il est difficile de critiquer un tel ouvrage : c'est de l'ordre du ressenti, avec également une importance que chacun aura ou non de l'information sur Charlie Hebdo que la BD véhicule. Ainsi que l'autobiographie de l'autrice qui raconte la façon dont elle y est rentrée et comment cet évènement fut difficile à surmonter (on la comprend). Personnellement j'ai bien aimé, surtout lorsque Coco présente son premier reportage et le rappel de ce que fut Charlie Hebdo dans le paysage médiatique de ces années-là : une voix dissonante et méchante, contre une bêtise crasse.
La BD est un mélange du style visuel de Coco, avec des aquarelles et des ombres énormes qui parsèment les pages, métaphore de son étouffement et de ses angoisses. C'est visuel, comme l'a fait Luz d'ailleurs, mais c'est fluide et lisible. Pour ceux qui s'attendrait à des difficultés puisque le passage de la caricature à la BD n'est pas forcément simple, soyez rassuré, c'est bel et bien un objet de BD qui est là.
Je n'ai pas grand chose à en dire, et en fait j'aime mieux ne pas trop me prononcer. Cette BD est personnelle, violente et difficile, mais en même temps un rappel salutaire d'à quel point l'obscurantisme doit être combattu tout le temps. Et que tout les censeurs, tout les conservateurs, tout les rétrogrades n'ont pas de fusils dans les mains, juste des mots. Heureusement, on a le rire !
Le cerveau ne voit pas, n'entend pas ne parle pas, ni ne pense.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, plutôt une réflexion sur le sujet. Sa publication originale date de 2023. Il a été réalisé conjointement par Miguel Benasayag pour le livre original Cerveau augmenté, homme diminué (2016) et pour la discussion, avec Thierry Murat bédéiste qui en a réalisé cette adaptation, ou plutôt cette lecture commentée. Il s'agit d'un ouvrage en noir & blanc avec une teinte marron. Il comprend cent-quatre-vingt-deux pages de bande dessinée.
Un courriel du 21 juillet 2021 à 15h32 : Thierry indique à Miguel qu'il est en possession de son adresse mail. Les éditions Delcourt via les éditions La Découverte la lui ont gentiment communiquée, à la demande du philosophe. Il le remercie pour cette délicate attention, et lui propose de se parler un peu au téléphone, un de ces jours d'été afin de faire connaissance. Miguel lui répond un peu plus tard : il est très content de la proposition et indique qu'ils peuvent aussi se parler par Skype, un de ces prochains jours. Cela désole le bédéiste car il déteste Skype, il déteste tous ces moyens de communication où l'on est obligé de regarder bouger virtuellement les lèvres de son interlocuteur. Ça le stresse et il déteste le stress. Malgré tout il lui répond que ça lui va, et que l'application est installée sur la tablette de sa fille dont il lui communique l'adresse. S'en suivent quelques échanges. Thierry se souvient que chez Paul Auster, dans Cité de verre, c'est un faux numéro de téléphone qui déclenche tout. Là, c'est une véritable lettre qui est à l'origine de cette bande dessinée, celle que Thierry a adressée au philosophe pour adapter son livre.
Après des échanges téléphoniques, l'artiste met son projet en suspens quelques semaines car il est invité par l'alliance française en Colombie. Dans l'avion, n'arrivant pas à choisir dans la multitude de films à regarder, il repense au dilemme de l'âne idiot de Buridan. Finalement il s'endort. Rêver que l'on est en train de dormir, ou rêver que l'on est en train de rêver, est un état de conscience tout aussi vertigineux que l'étude de l'objet par l'objet lui-même. Depuis la nuit des temps, le cerveau humain observe, connaît, étudie, s'explique des choses, comprend… Mais à partir du XXIe siècle, grâce aux récentes avancées en imagerie médicale, en biochimie, en neurosciences, le cerveau humain en est arrivé au stade où il est devenu… son propre sujet d'étude. Cette auto-rencontre est une rupture anthropologique sans précédent, certainement la quatrième blessure narcissique de l'humanité. Les trois premières blessures narcissiques, infligées par la science à l'homme dans l'histoire de l'Occident, on le sait, furent douloureuses et le sont peut-être encore. La première déclenchée par Copernic et Galilée : non seulement la Terre n'est pas au centre de l'univers, sous le regard de plein d'amour paternel de Dieu, mais elle n'est qu'un simple caillou parmi tant d'autres, perdu dans l'infini intersidéral. La deuxième, causée par Darwin…
Au cours de la bande dessinée, le bédéiste indique que les éditeurs qualifient ce genre d'ouvrage d'Essai graphique, terme repris dans le texte de la quatrième de couverture. S'il lui prend l'envie de feuilleter l'ouvrage pour s'en faire une première idée, le lecteur découvre des illustrations disposées en case, à raison en moyenne de trois par page, avec des cartouches de texte plus ou moins copieux, une forme de bande dessinée, mais pas de narration séquentielle. S'il n'est pas a priori attiré par le sujet ou par l'auteur, il est possible qu'il en reste là, craignant une lecture fastidieuse, et peut-être intellectuelle dans le mauvais sens du terme. Sinon, il franchit le pas en pleine connaissance de cause, et il éprouve la surprise de d'une lecture agréable, même s'il ne s'agit pas effectivement d'une narration traditionnelle en bande dessinée. Le bédéiste aborde explicitement cette question au cours de l'ouvrage en disant : On s'imagine souvent que la bande dessinée doit formellement et absolument mettre en scène des bonshommes à gros nez, bavardant frénétiquement à grands coups de phylactère ovoïde… Il continue : Certains lecteurs auront alors été un peu déstabilisés à la lecture des premières pages du présent ouvrage, où il s'essaie librement à ce genre nouveau que les éditeurs, les libraires et les journalistes de la modernité ont baptisé : l'essai graphique. Il s'agit surtout, là aussi, de créer un monde pour inventer une forme narrative. Ne pas prendre le lecteur pour un âne. Ne pas se contenter de penser que l'on a trouvé ce qu'on cherche en illustrant un catéchisme savant… Ne pas se faire croire que le lecteur doit systématiquement être en position confortable. Chercher. Essayer… Oser surestimer ce qui se passe entre les cases, et y explorer cette temporalité alternative de la lecture que permet le médium Bande dessinée. Les idées visuelles enfermées dans des cases ne sont rien avant de prendre corps entre les mains du lecteur. Libre à lui d'en faire des points d'exclamation, d'interrogation, ou de suspension.
Seconde originalité dans cet ouvrage, Thierry Murat fait plus que simplement mettre en image le livre du philosophe franco-argentin : il en reprend la structure, les thèmes, la logique, et il évoque son dialogue avec l'auteur sur différents passages, sur certains questionnements, évoquant également la résonnance avec son quotidien ou ses propres choix. Ce parti pris constitue effectivement un prolongement de l'ouvrage initial, et le lecteur peut faire l'expérience de la rencontre entre ces deux auteurs, de leurs idées communes, exprimées chacun à leur manière. Ce principe est affiché dès les première pages dans lesquelles le bédéiste alterne des images de circuits imprimés schématisés, avec les paysages des Landes en mode semi-nocturne, alors qu'il conduit sa voiture, opposant ainsi le minéral du silicone au paysage ouvert des silhouettes d'arbres et des oiseaux dans le ciel. Dans le même temps, il évoque le processus laborieux de prise de contact directe avec le philosophe, et sa réticence à utiliser un logiciel de visioconférence. Les auteurs mettent en scène l'opposition entre l'artificialité du monde numérique et le vivant organique du réel. Enfin une première conversation téléphonique peut avoir lieu, puis Murat doit différer la réalisation de ce projet du fait de son départ pour la Colombie. Puis le dessinateur évoque le paradoxe de l'âne de Buridan (Jean Buridan, 1292-1363, philosophe français) : cette question philosophique est reprise par la suite sous un angle de logique, en évoquant Deep Blue, développé par IBM au début des années 1990, le logiciel qui a battu Gary Kasparov aux échecs en 1997.
Le lecteur se prend rapidement au jeu de la lecture : les échanges entre les deux auteurs qui reprennent le processus de création de l'adaptation et de la bande dessinée, induisant à la fois une forme légère de mise en abîme, une lecture personnelle de l’œuvre, une invitation à la prise de recul de la part du lecteur. Le titre annonce clairement le positionnement des auteurs sur le sujet : le point d'interrogation étant quasiment superflu. En effet, Murat annonce qu'il a abandonné l'usage de tous les réseaux sociaux, Benasayag insistant dès le début sur la comparaison erronée entre le fonctionnement d'une intelligence artificielle et celle du cerveau. Le titre de ses ouvrages parle d'eux-mêmes : La singularité du vivant (2017), Fonctionner ou exister (2018), La tyrannie des algorithmes (2019). Conscient du parti pris des auteurs, le lecteur relève plus facilement que tous les arguments contre le monde du numérique sont à charge. Il se rend compte des omissions sciemment effectuées ou de l'absence de mention des apports du numérique au sens large dans la vie quotidienne, ce qui ne diminue en rien le point de vue des auteurs. Dans cette forme unique, ils évoquent aussi bien les spécificités du fonctionnement organique du cerveau humain, que les techniques de captation de l'attention, le circuit de récompense de la dopamine, ou encore les conséquences des fonctions déléguées aux machines informatiques et aux algorithmes. Il s'agit donc d'une lecture active, se faisant tout naturellement, sans avoir besoin de s'arrêter pour réfléchir sciemment aux liens entre textes et images, au pourquoi du choix de telles illustrations.
L'artiste impressionne par son usage de silhouettes, d'icônes, de paysages naturels, de rapprochements visuels, de métaphores imagées. Il couvre tout le spectre de la représentation du dessin descriptif réaliste au symbole visuel, en passant par l'image conceptuelle à en être parfois abstraite si elle est prise hors de contexte de celle d'avant ou celle d'après (ce qui illustre le travail du cerveau pour identifier les schémas et produire du sens, ce qui se passe entre les cases), le facsimilé de bande dessinée humoristique (Les aventures de Thierry & Miguel), des dessins reproduisant des artefacts culturels comme un écran de Pac-Man, le tableau La Joconde, des affiches de réclame, des logos d'entreprise, d'autres œuvres d'art (une sculpture d'Alberto Giacometti, 1901-1966), des écrans d'ordinateur d'avant l'interface graphique, des kanjis, etc., pour une grande diversité graphique que ne laisse pas supposer un simple feuilletage préalable.
Cet exposé graphique s'avère fort riche dans son ensemble. Il fait appel à de nombreux éléments cultures, par exemple : La cité de verre (1987) de Paul Auster, Moby Dick (1851) d'Herman Melville (1819-1891), la notion d'apercetion de Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), La grande vague de Kanagawa (environ 1830) de Katsushika Hokusai (1760-1849), la qualité des pensées que l'on a en marchant d'après Friedrich Nietzsche (1844-1900), Blade Runner (1982) de Ridley Scott, l'invention de l'imprimerie par Johannes Gutenberg (1400-1468), la fable du scorpion et de la grenouille de Lev Nitoburg (1899-1937), le corps sans organe d'Antonin Artaud (1896-1948), l'utilité de l'inutile développé par Tchouang Tseu (-369 à -288), l'autobiographie de Corto Maltese (Le désir d'être inutile) par Hugo Pratt (1927-1995), lé dégénérescence des utopies par Claude Shannon (1916-2001, mathématicien, un des fondateurs de la théorie de l'information) & Norbert Wiener (1894-1964, père fondateur de la cybernétique), Bug (2017-2022) d'Enki Bilal, la notion de biopouvoir développée par Michel Foucault (1926-1984), le petit Prince (1943) d'Antoine Saint Exupéry (1900-1944), etc. Les auteurs savent apporter les informations nécessaires pour que tous les lecteurs puissent comprendre ces références et leur rapport avec l'exposé. Ainsi le lecteur saisit aisément la différence fondamentale entre le fonctionnement du cerveau et une intelligence informatique (Tout le corps pense… Pas seulement le cerveau.), la réalité déjà présente du transhumanisme (l'impact de l'omniprésence de l'information disponible en permanence par exemple), le problème avec le progrès (on voit ce qu'on gagne, mais on ignore ce qu'on perd), l'avènement de la société normative (ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas), le principe de mariage parfait qui unit aujourd'hui les technosciences et la macroéconomie néolibérale (deux formes d'une même dérégulation), etc.
Le titre indique clairement que les auteurs adoptent un point de vue partial sur la question, certainement pour compenser la généralisation et l'enthousiasme pour les technologies numériques sous toutes leurs formes. Malgré une apparence éloignée d'une bande dessinée traditionnelle, le lecteur se rend vite compte du confort de lecture, de l'intelligence de la mise en images, conçue sur mesure pour cet exposé graphique. Il apprécie les points de vue du philosophe grâce à la richesse des références, la clarté du propos, sans pour autant perdre son propre esprit critique. du grand art, de la réflexion très humaine.
Je n’irais pas jusqu’au coup de cœur mais ce 1er tome est une très bonne entrée en matière, parfaitement équilibré, je suis curieux de découvrir la suite.
Après des premières pages intrigantes (pour la suite notamment ), le récit démarre sur un ton réaliste en présentant notre héros alors petite frappe, membre d’un gang et antipathique à souhait. Puis le fantastique va faire son apparition gentiment et nous allons découvrir un pan caché de notre réalité où monstres et sorcières s’affrontent. Le ton m’a bien plu.
Honnêtement dit comme ça, rien de franchement novateur mais c’est très bien amené avec suffisamment de mystères pour titiller. Je dois également préciser que le plaisir de lecture découle énormément de la partie graphique, je découvre le dessinateur mais il possède un style vraiment solide, des pages dynamiques aux ambiances réussies.
Un rien classique mais parfaitement réalisé, une bonne surprise au final. J’espère que les auteurs vont conserver ce petit côté sombre et sanglant insufflé.
MàJ Tome 2 :
Une série qui ne faiblit pas. Je trouve toujours ça franchement très sympa.
L’univers est attachant et l’aventure rythmée avec sa part de mystères. On explore cette fois bien plus le monde de l’autre côté du miroir.
C’est surtout (toujours) magnifiquement mis en page. Johann Corgié a bien fait de délaisser son rôle préalable de coloriste, il livre du superbe boulot. J’accroche bien à son design.
Ados, cette série aurait été dans mes must mais çà reste efficace pour tout âge.
Une belle réussite que cet album, et ce sur plusieurs plans.
D’abord tout le côté « militaire », l’engagement de ces étrangers dans les armées alliées, ici française, la « Nueve » donc, au sein de la Deuxième division blindée de Leclerc, est bien retranscrit. Avec le courage, l’insouciance, mais surtout la volonté de lutter contre les idées fascistes – et l’espérance – entretenue hypocritement par certains officiers et officiels français – qu’ensuite viendrai la libération de l’Espagne du régime franquiste.
On retrouve aussi en parallèle les errements français durant cette guerre. De la part des pétainistes, mais aussi des gaullistes, de Gaulle voulant bien enrôler étrangers et coloniaux, mais pas que ceux-ci soient visibles et mentionnés dans l’Histoire nationale qu’il s’apprêtait à réécrire.
Mais la meilleure part de l’album tourne autour des hommes, de leurs idéaux, ces Républicains martyrs, persécutés par les Franquistes (et fusillés en masse jusque bien après l’arrivée au pouvoir de Franco, sans réaction des « démocraties »), déportés dans des camps de concentration français, massacrés par les Nazis lorsqu’ils étaient pris, etc.
Et le récit tournant autour du témoignage d’un ancien de la Nueve, cela donne une épaisseur à l’intrigue, de la chair. C’est émouvant de voir ce vieil homme, véritable héros anonyme, qui redécouvre en même temps que l’auteur (qui se met en scène) son lointain passé – qui n’est pas passé.
La narration est fluide et agréable. Elle alterne flash-back en couleur (toute l’épopée des Espagnols durant ces 6 années de conflit) et passages contemporains en Noir et Blanc (où l’auteur rencontre le vieux Républicain et note son témoignage).
Une page d’Histoire un peu occultée, et une aventure humaine, on a là un récit prenant et bien monté.
Un Manga coup de cœur je savoure! J'ai vraiment apprécié le début de cette série. Ma BM n'ayant que les quatre premiers numéros je vais vite acheté le nouveau. J'ai trouvé le scénario bien construit avec ce duel à distance entre le beau détective dandy, Akechi et sa rivale en mode femme fatale tueuse à distance, la séduisante Mary. Il faut accepter le manque de crédibilité de la facilité de contact entre Mary et ses disciples potentiels qui deviennent des assassins. L'originalité du récit est dans ce mélange de finesse et de brutalité voire de gore dans le tome 3. Une finesse que partage Mary et Akechi à travers la cuisine française et japonaise dans leurs versions traditionnelles basées sur la qualité des produits. Mais aussi les deux rivaux partagent un goût prononcé pour la culture classique occidentale ou japonaise. La brutalité voire la sauvagerie se retrouve dans les meurtres ( liés à l'univers de la cuisine) perpétués par des assassins tous très … sympathiques. L'autrice, Akiko, réussit à créer une ambiance très étrange qui m'a tenu en haleine toute ma lecture .De plus Akiko parsème son récit de passage remplis d'humour à la fois dans la relation Akechi-Go ("mon nom est Hichigo!") sa collaboratrice et formidable cuisinière de bento. Mais Akiko en profite aussi pour épingler les travers de la jeune génération ( inculture, malbouffe, inélégance, vestimentaire, smartphone) en effet miroir d'un Akechi très BG Oldschool. Il y a même une pointe d'autodérision sur son propre graphisme qui peint ses JF de 25 ans comme des ados de 13-15 ans dans une scène du T4 très drôle.
Le graphisme est un Manga très classique avec un personnage masculin très lisse et androgyne et des personnages féminins classiquement très gamines à l'exception de Mary.
Une belle découverte d'une série très bien construite avec de bons rebondissements et un texte intéressant.
Oups ! en terminant "La ligne de vie" je me suis aperçu que je n'avais pas avisé Corto Maltese! Je reviendrai plus tard sur les opus 13-17 (à ce jour)
Canales/Pellejero pour me circonscrire aux 12 opus Hugo Pratt (comme sur le site).
Je suis de la génération Corto, et Pratt avec Bilal sont les deux auteurs qui m'ont fait sortir de la BD jeunesse. Ce ne fut pas simple tellement Corto est un personnage aux antipodes d'un Tintin par exemple. Il faut probablement avoir soi-même un certain vécu dans plusieurs domaines ( histoire, voyage, littérature) pour bien savourer l'univers de Pratt. En effet la narration parfois très poétique, des personnages énigmatiques et ambigus des lieux hors des circuits traditionnels rendent la lecture rébarbative ou passionnante. Corto c'est aussi l'apparition, dans le monde un peu figé de la BD, de personnages non Blancs d'une grande dignité et profondeur psychologique et graphique. C'est l'éclosion d'un monde nouveau post colonial qui se crée sur les désillusions et les injustices de l'ancien. Car Corto promène partout sur les océans et les continents sa désillusion des causes justes condamnées à se soumettre ou à utiliser des moyens peu nobles.
Le graphisme souvent en N&B fut aussi une rupture d'un monde ancien. En travaillant principalement sur les expressions énigmatiques des personnages au discours rares mais précieux Pratt nous fais plonger encore plus profondément dans cette atmosphère onirique presque fantastique.
On peut probablement ne pas aimer Corto à l'exemple de Tintin. Il reste toutefois un personnage incontournable de l'histoire de la BD.
Un vrai (très) bon classique de Medieval Fantasy. Et comme j'aime beaucoup ce genre, j'ai beaucoup aimé cette lecture. Dès les premières pages, on sent une forte ambition, tant graphique que narrative. Éric Bourgier offre un dessin d’une richesse remarquable, où chaque case est travaillée comme un tableau. Les détails sont omniprésents, que ce soit dans les visages, les décors ou les costumes, et le choix des teintes sépia et ocres renforce ce sentiment de plonger dans une chronique ancienne. J'ai eu peur au début que cette palette uniforme manque de contraste, mais je m'y suis très bien fait et elle donne une patine qui fonctionne très bien avec le récit.
L’univers en lui-même est foisonnant. Fabrice David et Éric Bourgier ont manifestement puisé dans une multitude de références historiques et mythologiques pour construire un monde crédible et complexe. On y retrouve des échos de civilisations antiques, de grands sièges médiévaux et de légendes anciennes. Les annexes en fin de volume, avec leurs cartes et leur lexique, témoignent du travail de fond impressionnant qui soutient le récit. Cet effort de cohérence est appréciable, même s’il peut parfois sembler très dense : la profusion de personnages, de royaumes et de factions demande une lecture assez concentrée.
Les enjeux se dévoilent par couches successives, avec une mise en place qui prend son temps pour poser les bases d’une fresque complexe. Ce n’est pas une lecture légère ou immédiate : il faut s’installer, revenir parfois en arrière pour saisir toutes les nuances, mais l’effort est largement récompensé.
Des paysages grandioses, des intrigues tissées avec minutie et ce sentiment d’avoir entre les mains une œuvre pensée sur le long terme. Une proposition qui élève clairement la barre dans le domaine du médiéval-fantastique et qui mérite qu’on s’y attarde.
Je mets un 4 car il est objectivement impossible de mettre en dessous. Et je comprends très bien qu'on puisse considérer cette oeuvre comme culte. 7 ans, cela faisait 7 ans qu'il trônait dans ma bibliothèque car c'était un cadeau et un beau cadeau. Mais un cadeau que j'appréhendais de lire car je sentais que je n'allais pas y prendre beaucoup de plaisir. Et ça a malheureusement été le cas.
C’est une œuvre qui frappe par sa densité, autant par le récit que par l’atmosphère qui s’en dégage. Polza Mancini n’est pas qu’un personnage, c’est un concept, une masse de souffrance et de lucidité qui cherche un absolu insaisissable. Avec lui, on se perd dans une quête mystique où le “blast” devient à la fois une échappatoire et une confrontation brutale avec l’essence de l’existence. Larcenet explore ici la puissance brute de la bande dessinée, un médium capable de condenser en une page un moment de vie, une pensée ou une émotion, qui s’imprime directement dans l’esprit du lecteur.
Le trait en noir et blanc, tantôt épuré, tantôt oppressant, semble sculpter la psychologie du personnage autant qu’il illustre l’histoire. On ressent presque physiquement le poids des lavis, des noirs denses, des silences. La narration est lente, immersive, et pour moi souvent frustrante. Je comprends que c’est précisément cette lenteur qui permet de creuser les méandres de l’esprit de Mancini mais c'est ce qui a aussi un peu transformé ma lecture en chemin de croix si je suis honnête. .
L’errance de Polza, c’est aussi celle d’un homme en rupture avec tout : les normes, la société, et même lui-même. Il y a dans cette série une rage sous-jacente, une volonté de fuir le monde rationnel pour un absolu qui se dérobe à chaque “blast”. Mais c’est aussi une histoire d’échec, celui de ne jamais pouvoir se libérer de sa propre existence, de sa propre souffrance. Les interactions entre Polza et les policiers qui l’interrogent ajoutent un niveau supplémentaire : on ne sait jamais vraiment qui manipule qui, ni où se situe la vérité.
Ce récit est une démonstration de la transformation de Larcenet en auteur majeur, dépassant son héritage humoristique pour entrer dans une maturité artistique pleine de paradoxes. Pourtant, cette longueur m'a laissé une impression d’étirement, ça a été mon cas. Si chaque page est un plaisir visuel et narratif, on peut se demander si l’intrigue elle-même justifie 800 pages.
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Pour ce numéro c’est clairement le dessin qui m’a attiré. Je ne connaissais pas Ivan Reis, et c’est superbe ce qu’il fait. J’aime tout, les cadrages, le trait, les couleurs… mais surtout sa qualité d’encreur, vraiment ça change de 90 % des comics random. Dommage que le bonhomme ne s’illustre que dans le comics de super héros… ‘fin bon. Concernant l’histoire je n’ai pas bien saisi comme Gaston en quoi c’était un « bad one day ». Le plan se déroule avec quelques accrocs mais à la fin Ras al Ghul obtient ce qu’il veut. La tonalité globale du récit m’a bien emballé, comme pour le Gueule d’Argile c’est assez violent, ça zigouille bien méchamment, ce n’est pas à mettre entre toutes les mains, et si tous les numéros de cette collection sont dans ce ton là je risque de m’y intéresser. Donc malgré quelques scories pour l’instant j’aime vraiment cette collection qui dénote complètement avec tous ce que j’ai pu lire sur le chevalier noir, que ce soit en terme de dessin ou de narration. To be continued.
Peau de Mille Bêtes
Je ne connais pas l'histoire du conte originel (si ce n'est que je connais Peau d'Âne, sa réinterprétation postérieure) donc je ne pourrais pas juger cet album sous l'angle de l'adaptation. En revanche, en tant que lecture indépendante, l'album m'a bluffé. Tout d'abord, ce qui frappe, c'est le dessin de Stéphane Fert. J'aime énormément son style jouant sur les teintes de bleus et de roses contrastés par du noir. Sa façon d'illustrer les personnages, les décors, les actions, n'est pas réaliste mais poétique. C'est sans doute bête comme façon de le dire, mais je n'ai pas d'autre mot : c'est poétique. De la poésie en dessin. Les récits qu'il scénarise tiennent bien souvent du conte (voir La Marche Brume par exemple) et son dessin joue vraiment sur l'aspect magique de ces histoires. Ici, c'est un conte donc. Un conte avec une princesse, un prince, un méchant roi, une sorcière/fée, des enchantements, des promesses, une histoire d'amour et des situations compliquées dont nos protagonistes devront s'extirper par la ruse. Pas de doute, pour tout-e amateur-ice de conte, on est en terrain connu. Et moi, bah je suis plus qu'amatrice de conte, j'adore ça. Donc quand ils sont aussi bien racontés (et aussi bien illustrés) qu'ici, je ne peux qu'avoir un coup de cœur. Le texte est beau. Il se permet de nombreux passages en rimes, mais même lorsqu'il s'agit de prose les dialogues gardent une sorte de rythme assez joli à entendre. En tant qu'amatrice de théâtre, je suis comblée. Il y a plusieurs propos qui se dégagent de cette histoire : on nous parle de désir (global comme le désir de liberté ou plus terre à terre comme celui de la chair), d'inceste, de traumas et surtout (surtout !) d'amour. D'amour romantique, oui, mais encore plus d'amour de la lecture. L'importance de la lecture est un point central de ce récit. Qu'elle soit pour s'instruire, voyager, rêver ou tout simplement se permettre de faire fi de ce qui a été précédemment écrit (il n'y a qu'à voir les quelques propos métaxtuels de certains personnages ou l'une des scènes finales). Le conte d'origine est ici modernisé. Même sans connaître le conte d'origine, on le sait, notamment grâce aux remarques métatextuelles précédemment citées, mais aussi par cette volonté qui se dégage de vouloir sincèrement s'intéresser aux traumas, émois et désir de son personnage féminin principal. Encore une fois, je ne connais pas le conte d'origine, mais je ne pense pas prendre de gros risque en pensant qu'un conte allemand du XIXème siècle ne devait pas être vraiment très féministe. Je ne développerais pas trop sur l'intrigue car, bien que simple, sa découverte joue un peu sur son charme. Comme tout conte, la première écoute/lecture influe sur notre imaginaire. Bon, qu'on se rassure quand-même, j'ai déjà lu l'album plusieurs fois et il ne perd pas de ses qualités avec les lectures. L'album n'est sans doute pas parfait (mais après tout quelle œuvre l'est vraiment ?). Pour moi, en tout cas, il mérite un statut de culte.
Dessiner encore
C'est difficile de noter un ouvrage comme celui-ci (et comme Catharsis d'ailleurs). C'est un ouvrage plein d'émotions, bien sur, dans lequel on se rend compte de l'impact et l'ampleur des attentats de 2015. Ce sont des BD chargées en émotions (et qui rappelle l'impact des attentats sur les victimes, comme dans Après le 13 novembre), mais qui sont aussi des comptes-rendus de la vie dans un journal satirique, son intégration dans la rédaction et les valeurs que celui-ci véhiculait. Il est difficile de critiquer un tel ouvrage : c'est de l'ordre du ressenti, avec également une importance que chacun aura ou non de l'information sur Charlie Hebdo que la BD véhicule. Ainsi que l'autobiographie de l'autrice qui raconte la façon dont elle y est rentrée et comment cet évènement fut difficile à surmonter (on la comprend). Personnellement j'ai bien aimé, surtout lorsque Coco présente son premier reportage et le rappel de ce que fut Charlie Hebdo dans le paysage médiatique de ces années-là : une voix dissonante et méchante, contre une bêtise crasse. La BD est un mélange du style visuel de Coco, avec des aquarelles et des ombres énormes qui parsèment les pages, métaphore de son étouffement et de ses angoisses. C'est visuel, comme l'a fait Luz d'ailleurs, mais c'est fluide et lisible. Pour ceux qui s'attendrait à des difficultés puisque le passage de la caricature à la BD n'est pas forcément simple, soyez rassuré, c'est bel et bien un objet de BD qui est là. Je n'ai pas grand chose à en dire, et en fait j'aime mieux ne pas trop me prononcer. Cette BD est personnelle, violente et difficile, mais en même temps un rappel salutaire d'à quel point l'obscurantisme doit être combattu tout le temps. Et que tout les censeurs, tout les conservateurs, tout les rétrogrades n'ont pas de fusils dans les mains, juste des mots. Heureusement, on a le rire !
Cerveaux augmentés (Humanité diminuée ?)
Le cerveau ne voit pas, n'entend pas ne parle pas, ni ne pense. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, plutôt une réflexion sur le sujet. Sa publication originale date de 2023. Il a été réalisé conjointement par Miguel Benasayag pour le livre original Cerveau augmenté, homme diminué (2016) et pour la discussion, avec Thierry Murat bédéiste qui en a réalisé cette adaptation, ou plutôt cette lecture commentée. Il s'agit d'un ouvrage en noir & blanc avec une teinte marron. Il comprend cent-quatre-vingt-deux pages de bande dessinée. Un courriel du 21 juillet 2021 à 15h32 : Thierry indique à Miguel qu'il est en possession de son adresse mail. Les éditions Delcourt via les éditions La Découverte la lui ont gentiment communiquée, à la demande du philosophe. Il le remercie pour cette délicate attention, et lui propose de se parler un peu au téléphone, un de ces jours d'été afin de faire connaissance. Miguel lui répond un peu plus tard : il est très content de la proposition et indique qu'ils peuvent aussi se parler par Skype, un de ces prochains jours. Cela désole le bédéiste car il déteste Skype, il déteste tous ces moyens de communication où l'on est obligé de regarder bouger virtuellement les lèvres de son interlocuteur. Ça le stresse et il déteste le stress. Malgré tout il lui répond que ça lui va, et que l'application est installée sur la tablette de sa fille dont il lui communique l'adresse. S'en suivent quelques échanges. Thierry se souvient que chez Paul Auster, dans Cité de verre, c'est un faux numéro de téléphone qui déclenche tout. Là, c'est une véritable lettre qui est à l'origine de cette bande dessinée, celle que Thierry a adressée au philosophe pour adapter son livre. Après des échanges téléphoniques, l'artiste met son projet en suspens quelques semaines car il est invité par l'alliance française en Colombie. Dans l'avion, n'arrivant pas à choisir dans la multitude de films à regarder, il repense au dilemme de l'âne idiot de Buridan. Finalement il s'endort. Rêver que l'on est en train de dormir, ou rêver que l'on est en train de rêver, est un état de conscience tout aussi vertigineux que l'étude de l'objet par l'objet lui-même. Depuis la nuit des temps, le cerveau humain observe, connaît, étudie, s'explique des choses, comprend… Mais à partir du XXIe siècle, grâce aux récentes avancées en imagerie médicale, en biochimie, en neurosciences, le cerveau humain en est arrivé au stade où il est devenu… son propre sujet d'étude. Cette auto-rencontre est une rupture anthropologique sans précédent, certainement la quatrième blessure narcissique de l'humanité. Les trois premières blessures narcissiques, infligées par la science à l'homme dans l'histoire de l'Occident, on le sait, furent douloureuses et le sont peut-être encore. La première déclenchée par Copernic et Galilée : non seulement la Terre n'est pas au centre de l'univers, sous le regard de plein d'amour paternel de Dieu, mais elle n'est qu'un simple caillou parmi tant d'autres, perdu dans l'infini intersidéral. La deuxième, causée par Darwin… Au cours de la bande dessinée, le bédéiste indique que les éditeurs qualifient ce genre d'ouvrage d'Essai graphique, terme repris dans le texte de la quatrième de couverture. S'il lui prend l'envie de feuilleter l'ouvrage pour s'en faire une première idée, le lecteur découvre des illustrations disposées en case, à raison en moyenne de trois par page, avec des cartouches de texte plus ou moins copieux, une forme de bande dessinée, mais pas de narration séquentielle. S'il n'est pas a priori attiré par le sujet ou par l'auteur, il est possible qu'il en reste là, craignant une lecture fastidieuse, et peut-être intellectuelle dans le mauvais sens du terme. Sinon, il franchit le pas en pleine connaissance de cause, et il éprouve la surprise de d'une lecture agréable, même s'il ne s'agit pas effectivement d'une narration traditionnelle en bande dessinée. Le bédéiste aborde explicitement cette question au cours de l'ouvrage en disant : On s'imagine souvent que la bande dessinée doit formellement et absolument mettre en scène des bonshommes à gros nez, bavardant frénétiquement à grands coups de phylactère ovoïde… Il continue : Certains lecteurs auront alors été un peu déstabilisés à la lecture des premières pages du présent ouvrage, où il s'essaie librement à ce genre nouveau que les éditeurs, les libraires et les journalistes de la modernité ont baptisé : l'essai graphique. Il s'agit surtout, là aussi, de créer un monde pour inventer une forme narrative. Ne pas prendre le lecteur pour un âne. Ne pas se contenter de penser que l'on a trouvé ce qu'on cherche en illustrant un catéchisme savant… Ne pas se faire croire que le lecteur doit systématiquement être en position confortable. Chercher. Essayer… Oser surestimer ce qui se passe entre les cases, et y explorer cette temporalité alternative de la lecture que permet le médium Bande dessinée. Les idées visuelles enfermées dans des cases ne sont rien avant de prendre corps entre les mains du lecteur. Libre à lui d'en faire des points d'exclamation, d'interrogation, ou de suspension. Seconde originalité dans cet ouvrage, Thierry Murat fait plus que simplement mettre en image le livre du philosophe franco-argentin : il en reprend la structure, les thèmes, la logique, et il évoque son dialogue avec l'auteur sur différents passages, sur certains questionnements, évoquant également la résonnance avec son quotidien ou ses propres choix. Ce parti pris constitue effectivement un prolongement de l'ouvrage initial, et le lecteur peut faire l'expérience de la rencontre entre ces deux auteurs, de leurs idées communes, exprimées chacun à leur manière. Ce principe est affiché dès les première pages dans lesquelles le bédéiste alterne des images de circuits imprimés schématisés, avec les paysages des Landes en mode semi-nocturne, alors qu'il conduit sa voiture, opposant ainsi le minéral du silicone au paysage ouvert des silhouettes d'arbres et des oiseaux dans le ciel. Dans le même temps, il évoque le processus laborieux de prise de contact directe avec le philosophe, et sa réticence à utiliser un logiciel de visioconférence. Les auteurs mettent en scène l'opposition entre l'artificialité du monde numérique et le vivant organique du réel. Enfin une première conversation téléphonique peut avoir lieu, puis Murat doit différer la réalisation de ce projet du fait de son départ pour la Colombie. Puis le dessinateur évoque le paradoxe de l'âne de Buridan (Jean Buridan, 1292-1363, philosophe français) : cette question philosophique est reprise par la suite sous un angle de logique, en évoquant Deep Blue, développé par IBM au début des années 1990, le logiciel qui a battu Gary Kasparov aux échecs en 1997. Le lecteur se prend rapidement au jeu de la lecture : les échanges entre les deux auteurs qui reprennent le processus de création de l'adaptation et de la bande dessinée, induisant à la fois une forme légère de mise en abîme, une lecture personnelle de l’œuvre, une invitation à la prise de recul de la part du lecteur. Le titre annonce clairement le positionnement des auteurs sur le sujet : le point d'interrogation étant quasiment superflu. En effet, Murat annonce qu'il a abandonné l'usage de tous les réseaux sociaux, Benasayag insistant dès le début sur la comparaison erronée entre le fonctionnement d'une intelligence artificielle et celle du cerveau. Le titre de ses ouvrages parle d'eux-mêmes : La singularité du vivant (2017), Fonctionner ou exister (2018), La tyrannie des algorithmes (2019). Conscient du parti pris des auteurs, le lecteur relève plus facilement que tous les arguments contre le monde du numérique sont à charge. Il se rend compte des omissions sciemment effectuées ou de l'absence de mention des apports du numérique au sens large dans la vie quotidienne, ce qui ne diminue en rien le point de vue des auteurs. Dans cette forme unique, ils évoquent aussi bien les spécificités du fonctionnement organique du cerveau humain, que les techniques de captation de l'attention, le circuit de récompense de la dopamine, ou encore les conséquences des fonctions déléguées aux machines informatiques et aux algorithmes. Il s'agit donc d'une lecture active, se faisant tout naturellement, sans avoir besoin de s'arrêter pour réfléchir sciemment aux liens entre textes et images, au pourquoi du choix de telles illustrations. L'artiste impressionne par son usage de silhouettes, d'icônes, de paysages naturels, de rapprochements visuels, de métaphores imagées. Il couvre tout le spectre de la représentation du dessin descriptif réaliste au symbole visuel, en passant par l'image conceptuelle à en être parfois abstraite si elle est prise hors de contexte de celle d'avant ou celle d'après (ce qui illustre le travail du cerveau pour identifier les schémas et produire du sens, ce qui se passe entre les cases), le facsimilé de bande dessinée humoristique (Les aventures de Thierry & Miguel), des dessins reproduisant des artefacts culturels comme un écran de Pac-Man, le tableau La Joconde, des affiches de réclame, des logos d'entreprise, d'autres œuvres d'art (une sculpture d'Alberto Giacometti, 1901-1966), des écrans d'ordinateur d'avant l'interface graphique, des kanjis, etc., pour une grande diversité graphique que ne laisse pas supposer un simple feuilletage préalable. Cet exposé graphique s'avère fort riche dans son ensemble. Il fait appel à de nombreux éléments cultures, par exemple : La cité de verre (1987) de Paul Auster, Moby Dick (1851) d'Herman Melville (1819-1891), la notion d'apercetion de Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), La grande vague de Kanagawa (environ 1830) de Katsushika Hokusai (1760-1849), la qualité des pensées que l'on a en marchant d'après Friedrich Nietzsche (1844-1900), Blade Runner (1982) de Ridley Scott, l'invention de l'imprimerie par Johannes Gutenberg (1400-1468), la fable du scorpion et de la grenouille de Lev Nitoburg (1899-1937), le corps sans organe d'Antonin Artaud (1896-1948), l'utilité de l'inutile développé par Tchouang Tseu (-369 à -288), l'autobiographie de Corto Maltese (Le désir d'être inutile) par Hugo Pratt (1927-1995), lé dégénérescence des utopies par Claude Shannon (1916-2001, mathématicien, un des fondateurs de la théorie de l'information) & Norbert Wiener (1894-1964, père fondateur de la cybernétique), Bug (2017-2022) d'Enki Bilal, la notion de biopouvoir développée par Michel Foucault (1926-1984), le petit Prince (1943) d'Antoine Saint Exupéry (1900-1944), etc. Les auteurs savent apporter les informations nécessaires pour que tous les lecteurs puissent comprendre ces références et leur rapport avec l'exposé. Ainsi le lecteur saisit aisément la différence fondamentale entre le fonctionnement du cerveau et une intelligence informatique (Tout le corps pense… Pas seulement le cerveau.), la réalité déjà présente du transhumanisme (l'impact de l'omniprésence de l'information disponible en permanence par exemple), le problème avec le progrès (on voit ce qu'on gagne, mais on ignore ce qu'on perd), l'avènement de la société normative (ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas), le principe de mariage parfait qui unit aujourd'hui les technosciences et la macroéconomie néolibérale (deux formes d'une même dérégulation), etc. Le titre indique clairement que les auteurs adoptent un point de vue partial sur la question, certainement pour compenser la généralisation et l'enthousiasme pour les technologies numériques sous toutes leurs formes. Malgré une apparence éloignée d'une bande dessinée traditionnelle, le lecteur se rend vite compte du confort de lecture, de l'intelligence de la mise en images, conçue sur mesure pour cet exposé graphique. Il apprécie les points de vue du philosophe grâce à la richesse des références, la clarté du propos, sans pour autant perdre son propre esprit critique. du grand art, de la réflexion très humaine.
Vermines
Je n’irais pas jusqu’au coup de cœur mais ce 1er tome est une très bonne entrée en matière, parfaitement équilibré, je suis curieux de découvrir la suite. Après des premières pages intrigantes (pour la suite notamment ), le récit démarre sur un ton réaliste en présentant notre héros alors petite frappe, membre d’un gang et antipathique à souhait. Puis le fantastique va faire son apparition gentiment et nous allons découvrir un pan caché de notre réalité où monstres et sorcières s’affrontent. Le ton m’a bien plu. Honnêtement dit comme ça, rien de franchement novateur mais c’est très bien amené avec suffisamment de mystères pour titiller. Je dois également préciser que le plaisir de lecture découle énormément de la partie graphique, je découvre le dessinateur mais il possède un style vraiment solide, des pages dynamiques aux ambiances réussies. Un rien classique mais parfaitement réalisé, une bonne surprise au final. J’espère que les auteurs vont conserver ce petit côté sombre et sanglant insufflé. MàJ Tome 2 : Une série qui ne faiblit pas. Je trouve toujours ça franchement très sympa. L’univers est attachant et l’aventure rythmée avec sa part de mystères. On explore cette fois bien plus le monde de l’autre côté du miroir. C’est surtout (toujours) magnifiquement mis en page. Johann Corgié a bien fait de délaisser son rôle préalable de coloriste, il livre du superbe boulot. J’accroche bien à son design. Ados, cette série aurait été dans mes must mais çà reste efficace pour tout âge.
La Nueve - Les Républicains Espagnols qui ont libéré Paris
Une belle réussite que cet album, et ce sur plusieurs plans. D’abord tout le côté « militaire », l’engagement de ces étrangers dans les armées alliées, ici française, la « Nueve » donc, au sein de la Deuxième division blindée de Leclerc, est bien retranscrit. Avec le courage, l’insouciance, mais surtout la volonté de lutter contre les idées fascistes – et l’espérance – entretenue hypocritement par certains officiers et officiels français – qu’ensuite viendrai la libération de l’Espagne du régime franquiste. On retrouve aussi en parallèle les errements français durant cette guerre. De la part des pétainistes, mais aussi des gaullistes, de Gaulle voulant bien enrôler étrangers et coloniaux, mais pas que ceux-ci soient visibles et mentionnés dans l’Histoire nationale qu’il s’apprêtait à réécrire. Mais la meilleure part de l’album tourne autour des hommes, de leurs idéaux, ces Républicains martyrs, persécutés par les Franquistes (et fusillés en masse jusque bien après l’arrivée au pouvoir de Franco, sans réaction des « démocraties »), déportés dans des camps de concentration français, massacrés par les Nazis lorsqu’ils étaient pris, etc. Et le récit tournant autour du témoignage d’un ancien de la Nueve, cela donne une épaisseur à l’intrigue, de la chair. C’est émouvant de voir ce vieil homme, véritable héros anonyme, qui redécouvre en même temps que l’auteur (qui se met en scène) son lointain passé – qui n’est pas passé. La narration est fluide et agréable. Elle alterne flash-back en couleur (toute l’épopée des Espagnols durant ces 6 années de conflit) et passages contemporains en Noir et Blanc (où l’auteur rencontre le vieux Républicain et note son témoignage). Une page d’Histoire un peu occultée, et une aventure humaine, on a là un récit prenant et bien monté.
Gourmet Détective
Un Manga coup de cœur je savoure! J'ai vraiment apprécié le début de cette série. Ma BM n'ayant que les quatre premiers numéros je vais vite acheté le nouveau. J'ai trouvé le scénario bien construit avec ce duel à distance entre le beau détective dandy, Akechi et sa rivale en mode femme fatale tueuse à distance, la séduisante Mary. Il faut accepter le manque de crédibilité de la facilité de contact entre Mary et ses disciples potentiels qui deviennent des assassins. L'originalité du récit est dans ce mélange de finesse et de brutalité voire de gore dans le tome 3. Une finesse que partage Mary et Akechi à travers la cuisine française et japonaise dans leurs versions traditionnelles basées sur la qualité des produits. Mais aussi les deux rivaux partagent un goût prononcé pour la culture classique occidentale ou japonaise. La brutalité voire la sauvagerie se retrouve dans les meurtres ( liés à l'univers de la cuisine) perpétués par des assassins tous très … sympathiques. L'autrice, Akiko, réussit à créer une ambiance très étrange qui m'a tenu en haleine toute ma lecture .De plus Akiko parsème son récit de passage remplis d'humour à la fois dans la relation Akechi-Go ("mon nom est Hichigo!") sa collaboratrice et formidable cuisinière de bento. Mais Akiko en profite aussi pour épingler les travers de la jeune génération ( inculture, malbouffe, inélégance, vestimentaire, smartphone) en effet miroir d'un Akechi très BG Oldschool. Il y a même une pointe d'autodérision sur son propre graphisme qui peint ses JF de 25 ans comme des ados de 13-15 ans dans une scène du T4 très drôle. Le graphisme est un Manga très classique avec un personnage masculin très lisse et androgyne et des personnages féminins classiquement très gamines à l'exception de Mary. Une belle découverte d'une série très bien construite avec de bons rebondissements et un texte intéressant.
Corto Maltese
Oups ! en terminant "La ligne de vie" je me suis aperçu que je n'avais pas avisé Corto Maltese! Je reviendrai plus tard sur les opus 13-17 (à ce jour) Canales/Pellejero pour me circonscrire aux 12 opus Hugo Pratt (comme sur le site). Je suis de la génération Corto, et Pratt avec Bilal sont les deux auteurs qui m'ont fait sortir de la BD jeunesse. Ce ne fut pas simple tellement Corto est un personnage aux antipodes d'un Tintin par exemple. Il faut probablement avoir soi-même un certain vécu dans plusieurs domaines ( histoire, voyage, littérature) pour bien savourer l'univers de Pratt. En effet la narration parfois très poétique, des personnages énigmatiques et ambigus des lieux hors des circuits traditionnels rendent la lecture rébarbative ou passionnante. Corto c'est aussi l'apparition, dans le monde un peu figé de la BD, de personnages non Blancs d'une grande dignité et profondeur psychologique et graphique. C'est l'éclosion d'un monde nouveau post colonial qui se crée sur les désillusions et les injustices de l'ancien. Car Corto promène partout sur les océans et les continents sa désillusion des causes justes condamnées à se soumettre ou à utiliser des moyens peu nobles. Le graphisme souvent en N&B fut aussi une rupture d'un monde ancien. En travaillant principalement sur les expressions énigmatiques des personnages au discours rares mais précieux Pratt nous fais plonger encore plus profondément dans cette atmosphère onirique presque fantastique. On peut probablement ne pas aimer Corto à l'exemple de Tintin. Il reste toutefois un personnage incontournable de l'histoire de la BD.
Servitude
Un vrai (très) bon classique de Medieval Fantasy. Et comme j'aime beaucoup ce genre, j'ai beaucoup aimé cette lecture. Dès les premières pages, on sent une forte ambition, tant graphique que narrative. Éric Bourgier offre un dessin d’une richesse remarquable, où chaque case est travaillée comme un tableau. Les détails sont omniprésents, que ce soit dans les visages, les décors ou les costumes, et le choix des teintes sépia et ocres renforce ce sentiment de plonger dans une chronique ancienne. J'ai eu peur au début que cette palette uniforme manque de contraste, mais je m'y suis très bien fait et elle donne une patine qui fonctionne très bien avec le récit. L’univers en lui-même est foisonnant. Fabrice David et Éric Bourgier ont manifestement puisé dans une multitude de références historiques et mythologiques pour construire un monde crédible et complexe. On y retrouve des échos de civilisations antiques, de grands sièges médiévaux et de légendes anciennes. Les annexes en fin de volume, avec leurs cartes et leur lexique, témoignent du travail de fond impressionnant qui soutient le récit. Cet effort de cohérence est appréciable, même s’il peut parfois sembler très dense : la profusion de personnages, de royaumes et de factions demande une lecture assez concentrée. Les enjeux se dévoilent par couches successives, avec une mise en place qui prend son temps pour poser les bases d’une fresque complexe. Ce n’est pas une lecture légère ou immédiate : il faut s’installer, revenir parfois en arrière pour saisir toutes les nuances, mais l’effort est largement récompensé. Des paysages grandioses, des intrigues tissées avec minutie et ce sentiment d’avoir entre les mains une œuvre pensée sur le long terme. Une proposition qui élève clairement la barre dans le domaine du médiéval-fantastique et qui mérite qu’on s’y attarde.
Blast
Je mets un 4 car il est objectivement impossible de mettre en dessous. Et je comprends très bien qu'on puisse considérer cette oeuvre comme culte. 7 ans, cela faisait 7 ans qu'il trônait dans ma bibliothèque car c'était un cadeau et un beau cadeau. Mais un cadeau que j'appréhendais de lire car je sentais que je n'allais pas y prendre beaucoup de plaisir. Et ça a malheureusement été le cas. C’est une œuvre qui frappe par sa densité, autant par le récit que par l’atmosphère qui s’en dégage. Polza Mancini n’est pas qu’un personnage, c’est un concept, une masse de souffrance et de lucidité qui cherche un absolu insaisissable. Avec lui, on se perd dans une quête mystique où le “blast” devient à la fois une échappatoire et une confrontation brutale avec l’essence de l’existence. Larcenet explore ici la puissance brute de la bande dessinée, un médium capable de condenser en une page un moment de vie, une pensée ou une émotion, qui s’imprime directement dans l’esprit du lecteur. Le trait en noir et blanc, tantôt épuré, tantôt oppressant, semble sculpter la psychologie du personnage autant qu’il illustre l’histoire. On ressent presque physiquement le poids des lavis, des noirs denses, des silences. La narration est lente, immersive, et pour moi souvent frustrante. Je comprends que c’est précisément cette lenteur qui permet de creuser les méandres de l’esprit de Mancini mais c'est ce qui a aussi un peu transformé ma lecture en chemin de croix si je suis honnête. . L’errance de Polza, c’est aussi celle d’un homme en rupture avec tout : les normes, la société, et même lui-même. Il y a dans cette série une rage sous-jacente, une volonté de fuir le monde rationnel pour un absolu qui se dérobe à chaque “blast”. Mais c’est aussi une histoire d’échec, celui de ne jamais pouvoir se libérer de sa propre existence, de sa propre souffrance. Les interactions entre Polza et les policiers qui l’interrogent ajoutent un niveau supplémentaire : on ne sait jamais vraiment qui manipule qui, ni où se situe la vérité. Ce récit est une démonstration de la transformation de Larcenet en auteur majeur, dépassant son héritage humoristique pour entrer dans une maturité artistique pleine de paradoxes. Pourtant, cette longueur m'a laissé une impression d’étirement, ça a été mon cas. Si chaque page est un plaisir visuel et narratif, on peut se demander si l’intrigue elle-même justifie 800 pages.