Comme pour son précédent opus, « Le Jardin- Paris », Gaëlle Geniller nous emmène une fois encore dans son univers si particulier, hors du temps, et cela est fort plaisant. Après le monde des cabarets aux velours froufroutants, elle nous invite dans un immense manoir victorien aux recoins sombres où des fantômes ont élu domicile.
A la façon des spectres du récit, qu’il s’agisse des trois corneilles, des portraits ou de cette ombre un peu inquiétante, le lecteur va observer Guerlain déambuler dans les vastes pièces de la demeure, en cherchant le sommeil comme les réponses aux questions qui l’assaillent. Notamment cette amnésie sur son enfance dans les lieux, amnésie qui a fait du jeune dandy trentenaire une sorte de zombie fragile, marqué par la fatigue avant l’âge. Présence rassurante, son fils Nisse semble avoir ce don de converser avec les esprits du lieu et sera peut-être celui qui l’aidera à recomposer le puzzle d’une vie où les souvenirs se sont émiettés. Constamment en éveil, c’est le gamin qui va trouver par hasard dans un tiroir un herbier oublié par son père. Il s’avère que celui-ci l’avait fabriqué durant son enfance, en imaginant que chaque fleur correspondait à une émotion…
Et pourtant, il ne manque pas d’amour, Guerlain. Choyé par son épouse depuis le premier coup de foudre il y a douze ans, qui doit le rejoindre dès qu’elle sera moins accaparée par son boulot, admiré par son fils dont l’affection est totalement réciproque, couvé par ses trois sœurs qui l’appellent sans relâche pour savoir s’il va bien, le jeune homme *
ne trouve pas le temps d’aller mal, même si au fond de son âme, il ressent comme un manque, avec cette sensation d’être prisonnier d’un labyrinthe aux parois de verre. C’est alors une quête irréelle qui va s’engager pour lui permettre de remonter le fil de son enfance égarée…
A l’instar du « Jardin – Paris », « Minuit passé » est un pur enchantement graphique, traversé par une poésie immersive aux senteurs florales, peut-être celles des pétales déposées délicatement sur le visage de Guerlain par les trois corneilles… On a vraiment l’impression d’y être dans cette demeure, où tout n’est que calme et volupté. Le trait tout en finesse est rehaussé d’une savante mise en couleur, qui rappelle le travail de Mayalen Goust avec son récent « D’or et d’oreillers », davantage dans le registre du conte noir. Ce qui distingue Gaëlle Geniller de sa consœur, c’est clairement l’influence manga pour la représentation des visages, mais néanmoins cette autrice creuse son propre sillon, loin des codes « industriels » de la BD nipponne. C’est avec générosité qu’elle nous offre ici un travail d’orfèvre pour ravir nos pupilles gourmettes.
Avec « Minuit passé » ce n’est pas tant la narration qui marquera le lecteur que la sensation éthérée qui s’en dégage, car il faut l’avouer, les plus impatients risquent de ne point y trouver leur compte. Le livre se déguste à la façon d’un scone qu’on prendrait à l’heure du thé dans un salon anglais, et sans risque de trouver de l’arsenic dans sa tasse. Ainsi se décrit l’univers de Gaëlle Geniller, un univers aimable et chatoyant, sorte de cocon étranger à la violence du monde. Certains esprits chagrins le déploreront peut-être, mais il sera difficile pour toute âme amoureuse du beau de résister au charme de ce que l’on pourrait qualifier d'oasis graphique. On notera pour terminer le travail éditorial, assez rare faut-il le préciser, sur les tranches de l’ouvrage agrémentées de jolis motifs floraux aux tonalités vertes. Un raffinement jusqu’au bout de l’objet, et un argument de plus en faveur du livre imprimé…
J'ai acheté ce livre dans une bourse aux livres de bibliothèque municipale et donc payé un tout petit prix. Je n’en attendais rien et la couverture ne m’a pas franchement attirée mais, je ne suis pas déçue de cet ouvrage, que je trouve très optimiste.
Il se dévore rapidement et je regrette simplement l’absence de couleur de l’album (nuances de noir et blanc). Une bande dessinée qui nous éclaire sur le sens de nos vies et la perception que l’on peut avoir de la réussite.
Je recommande !
3.5
Un bon documentaire qui montre les efforts que l'historienne Rebecca Hall a faits pour retrouver des informations sur la révolte d'esclaves faite par des femmes noires.
J'avais un peu peur au début parce que je n'aime pas trop le dessin qui est typé dans le style underground américain que je n'aime pas trop, mais j'ai fini par m'habituer parce que la quête de Hal est passionnante à lire. J'aime l'histoire et j'ai bien aimé voir comment est fait le travail de recherche d'une historienne. On voit notamment que c'est souvent difficile d'avoir accès à des archives, car certaines personnes haut placées n'ont pas trop envie qu'on rouvre le dossier sur l'esclavage transatlantique. Rebecca Hall met aussi les points sur les i sur certaines idées reçues sur l'esclavage. À travers les témoignages qu'elle réussit à retrouver, on sent la déshumanisation des noirs (les esclaves n'ont plus de noms ou de passés) et aussi le sexisme dans la société patriarcale.
Un one-shot pour ceux qui s'intéressent à des questions sociales qui sont encore d'actualité, et qui le seront malheureusement pendant encore longtemps.
Quand on a fini de scroller, on a l’impression de sortir d’une faille temporelle.
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Ce tome contient un exposé complet qui ne nécessite pas de connaissance préalable pour être apprécié et compris. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Gurvan Kristanadjaja pour le scénario, et par Joseph Falzon pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-neuf pages de bande dessinée. Il se termine avec une page référençant les seize sources citées, et une photographie du chien Sirius.
Le narrateur est confortablement installé sur son lit, en train de scroller. Un jour, il s’est fait avoir. C’était en 2019, au moment où Instagram prenait une place de plus en plus importante dans les vies. Quand il s’ennuyait, il regardait des stories pour tuer le temps. Il voyait constamment la même pub pour un sac à main végan. Il était présenté par une marque assez connue sur les réseaux sociaux, qui montrait régulièrement de jolis objets. À force de le voir, il a fini par l’acheter pour sa copine. Il ignore pourquoi, il sait seulement qu’il n’avait pas d’idée cadeau et que ça lui est venu comme ça, sans réfléchir. Le jour de Noël venu, il offre le sac et sa copine lui rappelle qu’il sait bien qu’elle déteste la couleur orange. Quand elle lui a rappelé ça, il est tombé de haut. Ce sac, il pense qu’il ne l’aurait jamais acheté sans Instagram. C’est comme si quelqu’un lui avait soufflé plusieurs fois par jour au creux de l’oreille directement à son cerveau : Achète ce sac… Bref, il a réalisé qu’il avait été sous influence. Oui, il s’est fait avoir par une pub, quoi… Hé bien pas tout à fait. La publicité ça a toujours plus ou moins existé. On pourrait trouver trace du premier affichage publicitaire à Thèbes, en Égypte antique, 1000 avant Jésus-Christ. Ou dans la Rome antique. En France, les années 1960 marquent un premier tournant avec l’arrivée de la télévision dans les salons.
Dans l’hexagone, la publicité a toujours été considérée comme abrutissant, immorale. Pourtant, sous l’impulsion de ces nouveaux modes de diffusion, elle gagne du terrain. Les marques et les diffuseurs vont désormais cibler leur public. Avant un dessin animé pour enfant, ils vont vanter les mérites d’un nouveau jouet. Avant le JT, à l’heure du dîner, ceux d’un nouveau robot mixeur. À la bascule des années 2000, la publicité connaît une autre révolution. Secrètement, dans leurs open spaces, les cadres se prennent à rêver. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, qui marque l’entrée dans une nouvelle ère de communication, ce sont des algorithmes qui font la loi. Ce sont des petits programmes informatiques qui indiquent à l’ordinateur comment effectuer une tâche. Les algorithmes vont suggérer, en fonction de nos goûts, ce que l’on doit voir ou non. Les cadres de la pub se sont servis de ces nouveaux usages pour faire de la publicité ciblée. Ils vont suggérer à Brendan et Monique d’acheter des produits proches de leurs goûts. C’est l’émergence des influenceurs, dans les années 2010 qui a bouleversé le monde tel qu’on le connaît aujourd’hui. Sur Instagram, Youtube ou TikTok, des personnalités ont acquis une popularité telle qu’elles sont à même de faire bouger les foules.
La couverture très réussie montre une influenceuse suivie par une foule formant un cœur comme pour Liker, avec une zone libre pour le titre, et avec le recul, le lecteur constate qu’il peut y voir Sirius en bonne place, le chien du narrateur, l’animal de compagnie pour lequel il crée un compte Instagram au nom de sirius_lekiki. L’ouvrage est de nature didactique et vulgarisateur. Il se compose d’une introduction, et de sept chapitres dont les titres sont : 1 – À la recherche du premier influenceur, 2 – Dans l’intimité des influenceurs : derrière la vie de rêve, la pression du Like, 3 – Notre monde façonné par l’influence, 4 - -Au fait combien ça rapporte ?, 5 - Les influenceurs peuvent-ils faire élire le prochain président de la République ?, 6 – L’influence, un modèle de soft-power de l’Occident, 7 – Sommes-nous tous l’influenceur de quelqu’un d’autre ? Comme souvent dans ce genre d’ouvrage, la narration visuelle repose sur des dessins avec une saveur humoristique : une exagération des visages, de leurs expressions, des corps simplifiés, des décors représentés de manière simplifiés, des couleurs agréables à l’œil, des cases sans bordures, avec souvent un texte au-dessus (une ou deux phrases assez courtes), et l’illustration en-dessous qui vient montrer un exemple, ou qui sert à humaniser le propos avec des personnages se livrant à des pitreries, exagérant ou subissant dans une comique.
Sur le rabat intérieur, le scénariste se présente en tant que journaliste, publiant depuis plus de dix ans des enquêtes et des reportages sur la vie numérique et ses effets sur les vies. L’entrée en la matière de la bande dessinée laisse deviner une position assez claire : le pouvoir pernicieux des influenceurs capables de faire fléchir la volonté du premier venu, à des fins commerciales, vendus au grand capital. Le premier chapitre se positionne à l’identique : créer un compte Instagram pour son chien participe de la dérision, toutefois dépourvue de méchanceté. Les auteurs soulignent le mélange des genres entre influenceurs, célébrités, artistes, posts insignifiants et navrants de banalité, cette même banalité qui est très humaine. Le deuxième chapitre continue dans la même veine : les influenceurs vivent d’accords commerciaux avec des marques pour des placements produits, et enfoncent encore un peu le clou. En pages quarante-deux et quarante-trois, les auteurs y vont franchement : Beaucoup de jeunes qui grandissent dans un quartier pauvre veulent devenir footballeurs ou influenceurs parce qu’il y a une quête de réussite et d’amour et que ça leur permet de réussir rapidement, explique le psychanalyste Michaël Stora. Ils continuent : Pour beaucoup d’apprentis influenceurs, le virtuel est devenu la seule échappatoire à la réalité du monde. Plus un être est heureux dans le monde réel, moins il aura besoin d’aller s’épanouir dans le monde virtuel. La course aux Like permet à certaines personnes de combler une faille narcissique. Arrivé à ce stade le lecteur craint que la suite aligne les clichés et les jugements réducteurs.
Le lecteur remarque également que régulièrement la lecture provoque des sensations similaires à la un exposé agrémenté d’illustrations. D’un côté, la forme relève bien de celle d’une bande dessinée : des cases disposées en bande, des personnages et des décors, des cartouches de texte (sans bordure le plus souvent), des phylactères. D’un autre côté, de temps à autre, il suffit de lire le texte dans les cartouches pour disposer des éléments d’analyse et de réflexion. Pour autant, la narration visuelle s’avère agréable : l’idée de mettre en scène un jeune homme avec son chien présente une vraie originalité, avec le principe de lui créer un compte Instagram ce qui constitue une mise en pratique et une illustration. Le dessinateur opte pour l’exagération ce qui donne une allure particulièrement ordinaire au personnage principal : oreilles décollées, mèche lui tombant sur les yeux, réactions émotionnelles amplifiées. Les autres personnages participent de la même approche, y compris le chien Sirius. Le lecteur se rend compte que le traitement des décors s’inscrit dans un registre un peu différent : plus réaliste, décalage qui rend les personnages plus vivants et plus expressifs.
Au fur et à mesure des séquences, le lecteur prend conscience de l’interaction entre le texte et les images, nettement plus élaborées que de simples illustrations conçues à partir d’un texte déjà finalisé : les images sur l’écran du téléphone du narrateur, les évocations historiques (Égypte ancienne, Rome antique), une forme anthropomorphe pour incarner un algorithme, une promenade dans le parc pour le chien Sirius et son maître, une visite touristique des endroits instagrammables de Dubaï, les pitreries du président Macron pour séduire l’électorat des moins de trente ans, la reproduction de l’Origine du Monde (1866) de Gustave Courbet (1819-1877), etc. D’ailleurs, à partir de ce dernier exemple, il se rend compte que l’artiste met à profit les possibilités de la bande dessinée pour composer des planches fonctionnant de manière diversifiée : une image centrale avec des images en médaillons (illustrant le scrolling du narrateur), des dessins en pleine page, des compositions conceptuelles (une rue où chaque espace est occupée par des enseignes de marques, sur le trottoir, la chaussée, les immeubles, partout), un marionnettiste géant avec des anonymes au bout de ses fils, une case aspirée par le trou noir d’Internet, des individus tous identiques avec le logo d’Instagram à la place de la tête, des émoticons, des fac-similés de photographie, des métaphores visuelles, etc.
En fait, le discours lui aussi s’aventure plus loin qu’une collection de clichés, ou qu’une vulgarisation basique. De chapitre en chapitre, les auteurs passent en revue de nombreuses facettes de la notion d’influenceurs. Après les bases de l’inscription et de la création de posts réguliers, ils expliquent des notions techniques comme la pratique du dropshipping, ou la distinction entre l’envie de partage (par exemple une mamie mettant en avant son chien) et une pratique professionnelle (générer des revenus à partir des posts sur son chien) sans oublier le côté addictif (consulter incessamment l’évolution du nombre de Like). Une facette psychologique : des personnes se créent une forme d’injonction à publier souvent. Le rôle de l’influenceur renverrait à la petite enfance, quand bébé naît et que tout le monde le trouve trop mignon mais qu’on ne s’intéresse pas vraiment à son discours parce qu’on l’estime dénué d’intérêt. Et son corollaire : Quand une femme poste une nouvelle photo, on lui parle comme à une enfant avec un corps sexualisé. C’est son image qu’on valorise, pas elle. La nature d’Internet : un média comme les autres avec ses codes, et le développement d’une forme d’immunisation contre la propagande spécifique des réseaux sociaux, comme elle s’est développée également vis-à-vis de la télévision. Une professionnalisation : influenceur considéré comme un métier, des compétences à développer pour trouver le bon dosage entre actions commerciales (partenariats) pour disposer d’une autonomie financière et authenticité pour continuer à intéresser sa communauté. Une industrialisation avec l’envers du décor : Dubaï et ses décors instagrammables au prix d’une main d’œuvre maltraitée. Jusqu’aux enjeux culturels sous-jacents : Instagram, Facebook ou Snapchat participent au puissant soft-power des États-Unis, TikTok et ses règles portent en lui la culture chinoise. Ainsi, des pièces se mettent en place pour le lecteur, entre notions et conséquences évidentes pour lui, et prises de conscience formalisées. Par exemple, en page soixante-treize, deux gigantesques yachts sont à quai, un instagrammeur sur un pont supérieur sur chaque, et une foule de followers occupant toute la place sur le quai. Un instagrammeur crie qu’il doit tout à la foule, qui lui répond qu’il n’est rien sans eux : une illustration magistrale de la fortune financière d’un unique individu faite sur le dos de dizaines de milliers d’anonymes.
Une BD de type Les influenceurs pour les nuls ? Dans un premier temps, le lecteur peut ressentir certains passages ainsi, avec l’impression également de découvrir un texte complet qui a été confié, clé en main, à un dessinateur. Or rapidement, il prend goût au principe d’un narrateur ouvrant un compte Instagram pour son chien, il découvre des visuels variés et inventifs. Il perçoit comment les auteurs présentent des facettes variées du phénomène, y compris certaines auxquelles il ne s’attendait pas, avec une analyse plus profonde et révélatrice du système.
Un petit avis rapide pour conforter la bonne côte de cet album. Mon ressenti serait plus proche du 3,5 mais je bonifie de bon cœur tant l’exercice m’a semblé réussi.
Je suis un grand amateur de whisky, Masataka Taketsuru ne m’était pas inconnu et je connaissais dans les grandes lignes son histoire … et malgré tout ça, j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette bd.
La partie graphique m’a d’emblée convenu, on y remarque bien quelques imperfections mais elle sied parfaitement au récit, lui ajoutant même une belle plus-value. On dévore facilement les plus de 100 pages. Sympa.
Mais la vrai surprise, vraiment agréable qui plus est, va vraiment pour la façon de raconter le parcours de notre rêveur japonais. L’histoire est belle mais elle est ici sublimée façon fresque romanesque (mais sans en faire trop). Malgré de nombreux bons temporels, ça reste fluide et les périodes explorées sont judicieuses et intéressantes (je minorais pas mal d’obstacles rencontrés). J’ai aimé connaître la rivalité entre les 2 grandes maisons du whisky japonais par ex. Non vraiment bien construit, on ressent même ce petit moment d’émotions à la toute fin lors de la reconnaissance.
Finalement, le seul gros défaut décelé est de donner envie de boire un de ces breuvages maltés de l’île du soleil levant … et si je leurs reconnais de grandes qualités, ils ont malheureusement été victimes de leurs immense succès, leurs prix sont maintenant tout simplement excessifs. Petit coup de gueule perso !! mais ça n’enlève en rien à la lecture ;)
La Cité des secrets, c'est une agréable série d'aventure jeunesse en deux tomes.
Le premier tome se déroule à Oskars, une gigantesque ville construite sur plusieurs étages et où chaque strate catégorise une tranche différente de la population, les plus fortuné-e-s se trouvant bien évidemment dans les étages supérieurs. On y suit Ever, un jeune orphelin protégeant un secret et fuyant d'étranges personnes souhaitant sa mort, ainsi que Hannah, une riche jeune fille du dernier étage dont la curiosité va faire croiser la route d'Ever. Ensemble, iels vont essayer de percer les mystères de cette étrange cité, en tentant tant bien que mal de survivre face aux affrontements d'une organisation secrète et d'un syndicat d'assassins.
Ce premier album part sur une base simple mais arrive à donner une fraîcheur et un charme très sympathique à son résultat. Cette gigantesque ville mécanique dans laquelle sont dissimulés de nombreux leviers et boutons secrets est fascinante et donne sincèrement envie d'être explorée. Le mystère est prenant, le tension marche, il y a un petit côté "Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire" avec ces organisations secrètes aux signes étranges tirant les ficelles dans l'ombre et se tirant des bâtons dans les roues, ... Mais cet album brille surtout à mes yeux pour son découpage de l'action et sa représentation des mouvements. La ville bouge sans cesse, par ses mécanismes activant et déplaçant des plateformes, à l'horizontale comme à la verticale, les personnages qui s'affrontent le font avec une aisance et une grâce qui me ferait presque penser à de la danse, … Bref, ça bouge beaucoup et surtout ça bouge bien. Pour être honnête, je pense même qu'il y a ici un bon matériau de base pour une adaptation en film ou série animé-e.
Malheureusement, le second tome m'a un peu moins emballée. Cette fois-ci plus classique, plus rapide sur sa conclusion aussi, il m'a moins plu. La qualité est toujours là, le dessin de Victoria Ying est toujours aussi beau, et cette nouvelle ville d'Alexios a son esthétique qui la différencie un peu d'Oskars, mais les éléments s'enchaînent un peu trop vite, on nous introduit certaines choses un peu trop sans explications. Par exemple, là ou le premier album tenait à nous préciser qu'il n'y avait pas de magie (même si une ambiance très fantastique avec ces vestiges mécaniques), cette fois-ci on nous explique qu'il en existe en fait une. Et elle est très importante apparemment, parce que tout l'acte final tourne autour. Nos protagonistes brillent un peu moins par leur perspicacité, semblent moins entreprenants, mais il faut dire aussi que cette fois-ci iels ne jouent plus à domicile, devant survivre dans une ville qui leur est inconnue (ou presque, Hannah la connait un peu). Mais la morale de fin de cette série semblant être la paix et l'harmonie, on peut comprendre qu'Ever et Hannah soient légèrement mis en retrait, afin d'aussi mettre en avant d'autres personnages avec qui il faudra bien sûr s'allier. Le message de fin sur l'harmonie est d'ailleurs un peu trop "sucré" sur la forme je pense, mais il reste louable.
La série reste bien, même si le deuxième tome ne m'a pas semblé à la hauteur du premier.
Bonne aventure jeunesse.
(Note réelle 3,5)
Je n'ai rien à ajouter à l'avis de Grogro : Vous devez lire cette BD pour deux raisons :
- ça vous tire les larmes
- c'est d'utilité publique.
Comment le désir irrationnel de profit peut-il mettre à bas les petits vies pauvres et paisibles de centaines de milliers de personnes et de millions d'animaux, sans parler des écosystèmes tout entiers ? On voit le costard de René Dumont agronome, qui soutient dans la première partie de sa vie l'augmentation attendue de la productivité et se rend compte qu'il n'obtient que la mort des sols et donc de la potabilité de l'eau....et se présente aux élections en 1974.
Toutes ces femmes restées seules après la guerre qui se font rouler dans la farine, voient leurs fils se faire tabasser par la gendarmerie, les méandres de leurs rivières rectifiées à coup de tractopelles, leurs pommiers arrachés... Les voisins qui se déchirent (les uns pour et les autres contre) pour le profit des actionnaires...
Apparemment il y a peu de publications sur ce sujet , pourtant c'est vraiment le nœud de l'agriculture paysanne qui a été tranché pour fabriquer du gluten, des protéines animales, et végétales, et l'industrie agro-alimentaire, et mettre tout le monde en ville... Et maintenant quoi ? ce système performant n'est pas résiliant : en arrière toute !
Il faut peut-être un peu de temps pour entrer dans le récit, mais le trait dynamique de N. Gobbi, et surtout l'humour du scénario de S. Laliberté font de ce roman graphique un voyage très intéressant dans la tête des archéologues. J'ai vraiment beaucoup aimé voir comment se faisait la construction du savoir et de la recherche dans cette discipline dont on entend souvent parler, mais dont on ne sait pas vraiment comment les archéologues travaillent ! Non, vraiment très sympa, et on découvre aussi à quoi servait les cerfs volants (franchement c'est étonnant et assez fascinant), et puis il y a les histoire de plans d'architecture à l'échelle les plus anciens, ça c'est assez fou quand même ! Voilà, une bédé que je recommande chaudement !
Allez, je fais remonter la moyenne de cet album. Comme je l’explique déjà dans mon avis sur Histoire de la Grande Chartreuse en BD, j’ai grandi au pied de la Chartreuse, et la liqueur verte au cœur de cette histoire occupe une place importante dans ma vie, et ce depuis mon enfance : « Mal au cœur ? Quelques gouttes de Chartreuse sur un sucre te feront du bien ». Ah, c’était une autre époque. Elle se trouve aussi dans certains chocolats produits localement, se rajoute dans le chocolat chaud pour se réchauffer les pieds après le ski… bref, elle est partout !
Le scenario de Laurent Bidot raconte parfaitement l’histoire compliquée et la longue gestation du fameux digestif, dont la recette a été perdue, retrouvée, et adaptée moultes fois au cours des siècles… passionnant pour le régional que je suis.
Par contre comme le dit canarde dans son avis, l’auteur a choisi de greffer à son récit une enquête moderne pas vraiment palpitante… j’aurais à titre personnel préféré que les pages soient utilisées pour développer l’aspect historique. Bon, rien de grave, ça n’a pas gâché ma lecture.
La mise en image est un peu académique, mais sert parfaitement le récit. La Grande-Chartreuse et ses alentours sont superbement représentés.
Une note un peu généreuse, mais qui représente vraiment mon engouement pour cette boisson, et les moines et montagnes qui lui sont associés.
L’histoire de Lanfeust de Troy m’a vraiment transporté. Dès les premières pages, on entre dans un monde incroyable, plein de magie, d’aventures et d’humour. L’intrigue est très bien pensée, avec des moments de tension, des surprises et un rythme qui ne faiblit jamais. J’ai pris un vrai plaisir à suivre Lanfeust dans ses aventures, et je voulais toujours savoir ce qui allait lui arriver ensuite. Tout s’enchaîne naturellement, et chaque chapitre m’a laissé avec l’envie d’en lire plus.
Ce que j’ai adoré dans cette bande dessinée, c’est la façon dont elle mélange des thèmes légers et des sujets plus profonds. Il y a beaucoup de magie, d’amitié et de quête héroïque, mais aussi des réflexions sur le pouvoir, la responsabilité et même la nature humaine. C’est un univers riche où tout le monde peut trouver quelque chose qui lui parle. J’ai aimé la façon dont ces thèmes sont abordés avec humour et légèreté, sans jamais être trop sérieux.
Les personnages sont vraiment le coeur de cette BD. Lanfeust est drôle et attachant, et ses compagnons sont tous uniques. Cixi, Hébus, Nicolède… chacun a sa personnalité, ses forces et ses faiblesses. J’ai beaucoup ri avec eux, et parfois, j’ai même eu un pincement au coeur en voyant ce qu’ils traversaient. Ce que j’ai préféré, c’est que les personnages évoluent au fil de l’histoire. On s’attache à eux parce qu’ils sont humains, avec leurs bons côtés comme leurs défauts.
Les illustrations sont tout simplement magnifiques. Chaque page est un vrai plaisir à regarder. Les décors sont riches en détails, et le monde de Troy prend vie sous nos yeux. Les personnages sont expressifs, et les scènes d’action sont dynamiques et claires. Les couleurs ajoutent une ambiance unique, que ce soit dans les moments légers ou dans les scènes plus intenses. Tout est soigné, et on sent que chaque dessin a été pensé avec soin.
Entre l’histoire pleine de rebondissements, les thèmes intéressants, les personnages attachants et les dessins superbes, j’ai adoré chaque moment passé avec cette BD. Je la recommande à tous ceux qui aiment les aventures pleines d’imagination et de magie.
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Minuit Passé
Comme pour son précédent opus, « Le Jardin- Paris », Gaëlle Geniller nous emmène une fois encore dans son univers si particulier, hors du temps, et cela est fort plaisant. Après le monde des cabarets aux velours froufroutants, elle nous invite dans un immense manoir victorien aux recoins sombres où des fantômes ont élu domicile. A la façon des spectres du récit, qu’il s’agisse des trois corneilles, des portraits ou de cette ombre un peu inquiétante, le lecteur va observer Guerlain déambuler dans les vastes pièces de la demeure, en cherchant le sommeil comme les réponses aux questions qui l’assaillent. Notamment cette amnésie sur son enfance dans les lieux, amnésie qui a fait du jeune dandy trentenaire une sorte de zombie fragile, marqué par la fatigue avant l’âge. Présence rassurante, son fils Nisse semble avoir ce don de converser avec les esprits du lieu et sera peut-être celui qui l’aidera à recomposer le puzzle d’une vie où les souvenirs se sont émiettés. Constamment en éveil, c’est le gamin qui va trouver par hasard dans un tiroir un herbier oublié par son père. Il s’avère que celui-ci l’avait fabriqué durant son enfance, en imaginant que chaque fleur correspondait à une émotion… Et pourtant, il ne manque pas d’amour, Guerlain. Choyé par son épouse depuis le premier coup de foudre il y a douze ans, qui doit le rejoindre dès qu’elle sera moins accaparée par son boulot, admiré par son fils dont l’affection est totalement réciproque, couvé par ses trois sœurs qui l’appellent sans relâche pour savoir s’il va bien, le jeune homme * ne trouve pas le temps d’aller mal, même si au fond de son âme, il ressent comme un manque, avec cette sensation d’être prisonnier d’un labyrinthe aux parois de verre. C’est alors une quête irréelle qui va s’engager pour lui permettre de remonter le fil de son enfance égarée… A l’instar du « Jardin – Paris », « Minuit passé » est un pur enchantement graphique, traversé par une poésie immersive aux senteurs florales, peut-être celles des pétales déposées délicatement sur le visage de Guerlain par les trois corneilles… On a vraiment l’impression d’y être dans cette demeure, où tout n’est que calme et volupté. Le trait tout en finesse est rehaussé d’une savante mise en couleur, qui rappelle le travail de Mayalen Goust avec son récent « D’or et d’oreillers », davantage dans le registre du conte noir. Ce qui distingue Gaëlle Geniller de sa consœur, c’est clairement l’influence manga pour la représentation des visages, mais néanmoins cette autrice creuse son propre sillon, loin des codes « industriels » de la BD nipponne. C’est avec générosité qu’elle nous offre ici un travail d’orfèvre pour ravir nos pupilles gourmettes. Avec « Minuit passé » ce n’est pas tant la narration qui marquera le lecteur que la sensation éthérée qui s’en dégage, car il faut l’avouer, les plus impatients risquent de ne point y trouver leur compte. Le livre se déguste à la façon d’un scone qu’on prendrait à l’heure du thé dans un salon anglais, et sans risque de trouver de l’arsenic dans sa tasse. Ainsi se décrit l’univers de Gaëlle Geniller, un univers aimable et chatoyant, sorte de cocon étranger à la violence du monde. Certains esprits chagrins le déploreront peut-être, mais il sera difficile pour toute âme amoureuse du beau de résister au charme de ce que l’on pourrait qualifier d'oasis graphique. On notera pour terminer le travail éditorial, assez rare faut-il le préciser, sur les tranches de l’ouvrage agrémentées de jolis motifs floraux aux tonalités vertes. Un raffinement jusqu’au bout de l’objet, et un argument de plus en faveur du livre imprimé…
L'Echangeur
J'ai acheté ce livre dans une bourse aux livres de bibliothèque municipale et donc payé un tout petit prix. Je n’en attendais rien et la couverture ne m’a pas franchement attirée mais, je ne suis pas déçue de cet ouvrage, que je trouve très optimiste. Il se dévore rapidement et je regrette simplement l’absence de couleur de l’album (nuances de noir et blanc). Une bande dessinée qui nous éclaire sur le sens de nos vies et la perception que l’on peut avoir de la réussite. Je recommande !
Wake - L'histoire cachée des femmes meneuses de révoltes d'esclaves
3.5 Un bon documentaire qui montre les efforts que l'historienne Rebecca Hall a faits pour retrouver des informations sur la révolte d'esclaves faite par des femmes noires. J'avais un peu peur au début parce que je n'aime pas trop le dessin qui est typé dans le style underground américain que je n'aime pas trop, mais j'ai fini par m'habituer parce que la quête de Hal est passionnante à lire. J'aime l'histoire et j'ai bien aimé voir comment est fait le travail de recherche d'une historienne. On voit notamment que c'est souvent difficile d'avoir accès à des archives, car certaines personnes haut placées n'ont pas trop envie qu'on rouvre le dossier sur l'esclavage transatlantique. Rebecca Hall met aussi les points sur les i sur certaines idées reçues sur l'esclavage. À travers les témoignages qu'elle réussit à retrouver, on sent la déshumanisation des noirs (les esclaves n'ont plus de noms ou de passés) et aussi le sexisme dans la société patriarcale. Un one-shot pour ceux qui s'intéressent à des questions sociales qui sont encore d'actualité, et qui le seront malheureusement pendant encore longtemps.
Qui m'aime me suive - Bienvenue dans le monde des influenceurs
Quand on a fini de scroller, on a l’impression de sortir d’une faille temporelle. - Ce tome contient un exposé complet qui ne nécessite pas de connaissance préalable pour être apprécié et compris. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Gurvan Kristanadjaja pour le scénario, et par Joseph Falzon pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-neuf pages de bande dessinée. Il se termine avec une page référençant les seize sources citées, et une photographie du chien Sirius. Le narrateur est confortablement installé sur son lit, en train de scroller. Un jour, il s’est fait avoir. C’était en 2019, au moment où Instagram prenait une place de plus en plus importante dans les vies. Quand il s’ennuyait, il regardait des stories pour tuer le temps. Il voyait constamment la même pub pour un sac à main végan. Il était présenté par une marque assez connue sur les réseaux sociaux, qui montrait régulièrement de jolis objets. À force de le voir, il a fini par l’acheter pour sa copine. Il ignore pourquoi, il sait seulement qu’il n’avait pas d’idée cadeau et que ça lui est venu comme ça, sans réfléchir. Le jour de Noël venu, il offre le sac et sa copine lui rappelle qu’il sait bien qu’elle déteste la couleur orange. Quand elle lui a rappelé ça, il est tombé de haut. Ce sac, il pense qu’il ne l’aurait jamais acheté sans Instagram. C’est comme si quelqu’un lui avait soufflé plusieurs fois par jour au creux de l’oreille directement à son cerveau : Achète ce sac… Bref, il a réalisé qu’il avait été sous influence. Oui, il s’est fait avoir par une pub, quoi… Hé bien pas tout à fait. La publicité ça a toujours plus ou moins existé. On pourrait trouver trace du premier affichage publicitaire à Thèbes, en Égypte antique, 1000 avant Jésus-Christ. Ou dans la Rome antique. En France, les années 1960 marquent un premier tournant avec l’arrivée de la télévision dans les salons. Dans l’hexagone, la publicité a toujours été considérée comme abrutissant, immorale. Pourtant, sous l’impulsion de ces nouveaux modes de diffusion, elle gagne du terrain. Les marques et les diffuseurs vont désormais cibler leur public. Avant un dessin animé pour enfant, ils vont vanter les mérites d’un nouveau jouet. Avant le JT, à l’heure du dîner, ceux d’un nouveau robot mixeur. À la bascule des années 2000, la publicité connaît une autre révolution. Secrètement, dans leurs open spaces, les cadres se prennent à rêver. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, qui marque l’entrée dans une nouvelle ère de communication, ce sont des algorithmes qui font la loi. Ce sont des petits programmes informatiques qui indiquent à l’ordinateur comment effectuer une tâche. Les algorithmes vont suggérer, en fonction de nos goûts, ce que l’on doit voir ou non. Les cadres de la pub se sont servis de ces nouveaux usages pour faire de la publicité ciblée. Ils vont suggérer à Brendan et Monique d’acheter des produits proches de leurs goûts. C’est l’émergence des influenceurs, dans les années 2010 qui a bouleversé le monde tel qu’on le connaît aujourd’hui. Sur Instagram, Youtube ou TikTok, des personnalités ont acquis une popularité telle qu’elles sont à même de faire bouger les foules. La couverture très réussie montre une influenceuse suivie par une foule formant un cœur comme pour Liker, avec une zone libre pour le titre, et avec le recul, le lecteur constate qu’il peut y voir Sirius en bonne place, le chien du narrateur, l’animal de compagnie pour lequel il crée un compte Instagram au nom de sirius_lekiki. L’ouvrage est de nature didactique et vulgarisateur. Il se compose d’une introduction, et de sept chapitres dont les titres sont : 1 – À la recherche du premier influenceur, 2 – Dans l’intimité des influenceurs : derrière la vie de rêve, la pression du Like, 3 – Notre monde façonné par l’influence, 4 - -Au fait combien ça rapporte ?, 5 - Les influenceurs peuvent-ils faire élire le prochain président de la République ?, 6 – L’influence, un modèle de soft-power de l’Occident, 7 – Sommes-nous tous l’influenceur de quelqu’un d’autre ? Comme souvent dans ce genre d’ouvrage, la narration visuelle repose sur des dessins avec une saveur humoristique : une exagération des visages, de leurs expressions, des corps simplifiés, des décors représentés de manière simplifiés, des couleurs agréables à l’œil, des cases sans bordures, avec souvent un texte au-dessus (une ou deux phrases assez courtes), et l’illustration en-dessous qui vient montrer un exemple, ou qui sert à humaniser le propos avec des personnages se livrant à des pitreries, exagérant ou subissant dans une comique. Sur le rabat intérieur, le scénariste se présente en tant que journaliste, publiant depuis plus de dix ans des enquêtes et des reportages sur la vie numérique et ses effets sur les vies. L’entrée en la matière de la bande dessinée laisse deviner une position assez claire : le pouvoir pernicieux des influenceurs capables de faire fléchir la volonté du premier venu, à des fins commerciales, vendus au grand capital. Le premier chapitre se positionne à l’identique : créer un compte Instagram pour son chien participe de la dérision, toutefois dépourvue de méchanceté. Les auteurs soulignent le mélange des genres entre influenceurs, célébrités, artistes, posts insignifiants et navrants de banalité, cette même banalité qui est très humaine. Le deuxième chapitre continue dans la même veine : les influenceurs vivent d’accords commerciaux avec des marques pour des placements produits, et enfoncent encore un peu le clou. En pages quarante-deux et quarante-trois, les auteurs y vont franchement : Beaucoup de jeunes qui grandissent dans un quartier pauvre veulent devenir footballeurs ou influenceurs parce qu’il y a une quête de réussite et d’amour et que ça leur permet de réussir rapidement, explique le psychanalyste Michaël Stora. Ils continuent : Pour beaucoup d’apprentis influenceurs, le virtuel est devenu la seule échappatoire à la réalité du monde. Plus un être est heureux dans le monde réel, moins il aura besoin d’aller s’épanouir dans le monde virtuel. La course aux Like permet à certaines personnes de combler une faille narcissique. Arrivé à ce stade le lecteur craint que la suite aligne les clichés et les jugements réducteurs. Le lecteur remarque également que régulièrement la lecture provoque des sensations similaires à la un exposé agrémenté d’illustrations. D’un côté, la forme relève bien de celle d’une bande dessinée : des cases disposées en bande, des personnages et des décors, des cartouches de texte (sans bordure le plus souvent), des phylactères. D’un autre côté, de temps à autre, il suffit de lire le texte dans les cartouches pour disposer des éléments d’analyse et de réflexion. Pour autant, la narration visuelle s’avère agréable : l’idée de mettre en scène un jeune homme avec son chien présente une vraie originalité, avec le principe de lui créer un compte Instagram ce qui constitue une mise en pratique et une illustration. Le dessinateur opte pour l’exagération ce qui donne une allure particulièrement ordinaire au personnage principal : oreilles décollées, mèche lui tombant sur les yeux, réactions émotionnelles amplifiées. Les autres personnages participent de la même approche, y compris le chien Sirius. Le lecteur se rend compte que le traitement des décors s’inscrit dans un registre un peu différent : plus réaliste, décalage qui rend les personnages plus vivants et plus expressifs. Au fur et à mesure des séquences, le lecteur prend conscience de l’interaction entre le texte et les images, nettement plus élaborées que de simples illustrations conçues à partir d’un texte déjà finalisé : les images sur l’écran du téléphone du narrateur, les évocations historiques (Égypte ancienne, Rome antique), une forme anthropomorphe pour incarner un algorithme, une promenade dans le parc pour le chien Sirius et son maître, une visite touristique des endroits instagrammables de Dubaï, les pitreries du président Macron pour séduire l’électorat des moins de trente ans, la reproduction de l’Origine du Monde (1866) de Gustave Courbet (1819-1877), etc. D’ailleurs, à partir de ce dernier exemple, il se rend compte que l’artiste met à profit les possibilités de la bande dessinée pour composer des planches fonctionnant de manière diversifiée : une image centrale avec des images en médaillons (illustrant le scrolling du narrateur), des dessins en pleine page, des compositions conceptuelles (une rue où chaque espace est occupée par des enseignes de marques, sur le trottoir, la chaussée, les immeubles, partout), un marionnettiste géant avec des anonymes au bout de ses fils, une case aspirée par le trou noir d’Internet, des individus tous identiques avec le logo d’Instagram à la place de la tête, des émoticons, des fac-similés de photographie, des métaphores visuelles, etc. En fait, le discours lui aussi s’aventure plus loin qu’une collection de clichés, ou qu’une vulgarisation basique. De chapitre en chapitre, les auteurs passent en revue de nombreuses facettes de la notion d’influenceurs. Après les bases de l’inscription et de la création de posts réguliers, ils expliquent des notions techniques comme la pratique du dropshipping, ou la distinction entre l’envie de partage (par exemple une mamie mettant en avant son chien) et une pratique professionnelle (générer des revenus à partir des posts sur son chien) sans oublier le côté addictif (consulter incessamment l’évolution du nombre de Like). Une facette psychologique : des personnes se créent une forme d’injonction à publier souvent. Le rôle de l’influenceur renverrait à la petite enfance, quand bébé naît et que tout le monde le trouve trop mignon mais qu’on ne s’intéresse pas vraiment à son discours parce qu’on l’estime dénué d’intérêt. Et son corollaire : Quand une femme poste une nouvelle photo, on lui parle comme à une enfant avec un corps sexualisé. C’est son image qu’on valorise, pas elle. La nature d’Internet : un média comme les autres avec ses codes, et le développement d’une forme d’immunisation contre la propagande spécifique des réseaux sociaux, comme elle s’est développée également vis-à-vis de la télévision. Une professionnalisation : influenceur considéré comme un métier, des compétences à développer pour trouver le bon dosage entre actions commerciales (partenariats) pour disposer d’une autonomie financière et authenticité pour continuer à intéresser sa communauté. Une industrialisation avec l’envers du décor : Dubaï et ses décors instagrammables au prix d’une main d’œuvre maltraitée. Jusqu’aux enjeux culturels sous-jacents : Instagram, Facebook ou Snapchat participent au puissant soft-power des États-Unis, TikTok et ses règles portent en lui la culture chinoise. Ainsi, des pièces se mettent en place pour le lecteur, entre notions et conséquences évidentes pour lui, et prises de conscience formalisées. Par exemple, en page soixante-treize, deux gigantesques yachts sont à quai, un instagrammeur sur un pont supérieur sur chaque, et une foule de followers occupant toute la place sur le quai. Un instagrammeur crie qu’il doit tout à la foule, qui lui répond qu’il n’est rien sans eux : une illustration magistrale de la fortune financière d’un unique individu faite sur le dos de dizaines de milliers d’anonymes. Une BD de type Les influenceurs pour les nuls ? Dans un premier temps, le lecteur peut ressentir certains passages ainsi, avec l’impression également de découvrir un texte complet qui a été confié, clé en main, à un dessinateur. Or rapidement, il prend goût au principe d’un narrateur ouvrant un compte Instagram pour son chien, il découvre des visuels variés et inventifs. Il perçoit comment les auteurs présentent des facettes variées du phénomène, y compris certaines auxquelles il ne s’attendait pas, avec une analyse plus profonde et révélatrice du système.
Whisky San
Un petit avis rapide pour conforter la bonne côte de cet album. Mon ressenti serait plus proche du 3,5 mais je bonifie de bon cœur tant l’exercice m’a semblé réussi. Je suis un grand amateur de whisky, Masataka Taketsuru ne m’était pas inconnu et je connaissais dans les grandes lignes son histoire … et malgré tout ça, j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette bd. La partie graphique m’a d’emblée convenu, on y remarque bien quelques imperfections mais elle sied parfaitement au récit, lui ajoutant même une belle plus-value. On dévore facilement les plus de 100 pages. Sympa. Mais la vrai surprise, vraiment agréable qui plus est, va vraiment pour la façon de raconter le parcours de notre rêveur japonais. L’histoire est belle mais elle est ici sublimée façon fresque romanesque (mais sans en faire trop). Malgré de nombreux bons temporels, ça reste fluide et les périodes explorées sont judicieuses et intéressantes (je minorais pas mal d’obstacles rencontrés). J’ai aimé connaître la rivalité entre les 2 grandes maisons du whisky japonais par ex. Non vraiment bien construit, on ressent même ce petit moment d’émotions à la toute fin lors de la reconnaissance. Finalement, le seul gros défaut décelé est de donner envie de boire un de ces breuvages maltés de l’île du soleil levant … et si je leurs reconnais de grandes qualités, ils ont malheureusement été victimes de leurs immense succès, leurs prix sont maintenant tout simplement excessifs. Petit coup de gueule perso !! mais ça n’enlève en rien à la lecture ;)
La Cité des secrets (Ying)
La Cité des secrets, c'est une agréable série d'aventure jeunesse en deux tomes. Le premier tome se déroule à Oskars, une gigantesque ville construite sur plusieurs étages et où chaque strate catégorise une tranche différente de la population, les plus fortuné-e-s se trouvant bien évidemment dans les étages supérieurs. On y suit Ever, un jeune orphelin protégeant un secret et fuyant d'étranges personnes souhaitant sa mort, ainsi que Hannah, une riche jeune fille du dernier étage dont la curiosité va faire croiser la route d'Ever. Ensemble, iels vont essayer de percer les mystères de cette étrange cité, en tentant tant bien que mal de survivre face aux affrontements d'une organisation secrète et d'un syndicat d'assassins. Ce premier album part sur une base simple mais arrive à donner une fraîcheur et un charme très sympathique à son résultat. Cette gigantesque ville mécanique dans laquelle sont dissimulés de nombreux leviers et boutons secrets est fascinante et donne sincèrement envie d'être explorée. Le mystère est prenant, le tension marche, il y a un petit côté "Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire" avec ces organisations secrètes aux signes étranges tirant les ficelles dans l'ombre et se tirant des bâtons dans les roues, ... Mais cet album brille surtout à mes yeux pour son découpage de l'action et sa représentation des mouvements. La ville bouge sans cesse, par ses mécanismes activant et déplaçant des plateformes, à l'horizontale comme à la verticale, les personnages qui s'affrontent le font avec une aisance et une grâce qui me ferait presque penser à de la danse, … Bref, ça bouge beaucoup et surtout ça bouge bien. Pour être honnête, je pense même qu'il y a ici un bon matériau de base pour une adaptation en film ou série animé-e. Malheureusement, le second tome m'a un peu moins emballée. Cette fois-ci plus classique, plus rapide sur sa conclusion aussi, il m'a moins plu. La qualité est toujours là, le dessin de Victoria Ying est toujours aussi beau, et cette nouvelle ville d'Alexios a son esthétique qui la différencie un peu d'Oskars, mais les éléments s'enchaînent un peu trop vite, on nous introduit certaines choses un peu trop sans explications. Par exemple, là ou le premier album tenait à nous préciser qu'il n'y avait pas de magie (même si une ambiance très fantastique avec ces vestiges mécaniques), cette fois-ci on nous explique qu'il en existe en fait une. Et elle est très importante apparemment, parce que tout l'acte final tourne autour. Nos protagonistes brillent un peu moins par leur perspicacité, semblent moins entreprenants, mais il faut dire aussi que cette fois-ci iels ne jouent plus à domicile, devant survivre dans une ville qui leur est inconnue (ou presque, Hannah la connait un peu). Mais la morale de fin de cette série semblant être la paix et l'harmonie, on peut comprendre qu'Ever et Hannah soient légèrement mis en retrait, afin d'aussi mettre en avant d'autres personnages avec qui il faudra bien sûr s'allier. Le message de fin sur l'harmonie est d'ailleurs un peu trop "sucré" sur la forme je pense, mais il reste louable. La série reste bien, même si le deuxième tome ne m'a pas semblé à la hauteur du premier. Bonne aventure jeunesse. (Note réelle 3,5)
Champs de Bataille - L'histoire enfouie du remembrement
Je n'ai rien à ajouter à l'avis de Grogro : Vous devez lire cette BD pour deux raisons : - ça vous tire les larmes - c'est d'utilité publique. Comment le désir irrationnel de profit peut-il mettre à bas les petits vies pauvres et paisibles de centaines de milliers de personnes et de millions d'animaux, sans parler des écosystèmes tout entiers ? On voit le costard de René Dumont agronome, qui soutient dans la première partie de sa vie l'augmentation attendue de la productivité et se rend compte qu'il n'obtient que la mort des sols et donc de la potabilité de l'eau....et se présente aux élections en 1974. Toutes ces femmes restées seules après la guerre qui se font rouler dans la farine, voient leurs fils se faire tabasser par la gendarmerie, les méandres de leurs rivières rectifiées à coup de tractopelles, leurs pommiers arrachés... Les voisins qui se déchirent (les uns pour et les autres contre) pour le profit des actionnaires... Apparemment il y a peu de publications sur ce sujet , pourtant c'est vraiment le nœud de l'agriculture paysanne qui a été tranché pour fabriquer du gluten, des protéines animales, et végétales, et l'industrie agro-alimentaire, et mettre tout le monde en ville... Et maintenant quoi ? ce système performant n'est pas résiliant : en arrière toute !
Sur les traces des archéologues
Il faut peut-être un peu de temps pour entrer dans le récit, mais le trait dynamique de N. Gobbi, et surtout l'humour du scénario de S. Laliberté font de ce roman graphique un voyage très intéressant dans la tête des archéologues. J'ai vraiment beaucoup aimé voir comment se faisait la construction du savoir et de la recherche dans cette discipline dont on entend souvent parler, mais dont on ne sait pas vraiment comment les archéologues travaillent ! Non, vraiment très sympa, et on découvre aussi à quoi servait les cerfs volants (franchement c'est étonnant et assez fascinant), et puis il y a les histoire de plans d'architecture à l'échelle les plus anciens, ça c'est assez fou quand même ! Voilà, une bédé que je recommande chaudement !
Le Secret de la Chartreuse
Allez, je fais remonter la moyenne de cet album. Comme je l’explique déjà dans mon avis sur Histoire de la Grande Chartreuse en BD, j’ai grandi au pied de la Chartreuse, et la liqueur verte au cœur de cette histoire occupe une place importante dans ma vie, et ce depuis mon enfance : « Mal au cœur ? Quelques gouttes de Chartreuse sur un sucre te feront du bien ». Ah, c’était une autre époque. Elle se trouve aussi dans certains chocolats produits localement, se rajoute dans le chocolat chaud pour se réchauffer les pieds après le ski… bref, elle est partout ! Le scenario de Laurent Bidot raconte parfaitement l’histoire compliquée et la longue gestation du fameux digestif, dont la recette a été perdue, retrouvée, et adaptée moultes fois au cours des siècles… passionnant pour le régional que je suis. Par contre comme le dit canarde dans son avis, l’auteur a choisi de greffer à son récit une enquête moderne pas vraiment palpitante… j’aurais à titre personnel préféré que les pages soient utilisées pour développer l’aspect historique. Bon, rien de grave, ça n’a pas gâché ma lecture. La mise en image est un peu académique, mais sert parfaitement le récit. La Grande-Chartreuse et ses alentours sont superbement représentés. Une note un peu généreuse, mais qui représente vraiment mon engouement pour cette boisson, et les moines et montagnes qui lui sont associés.
Lanfeust de Troy
L’histoire de Lanfeust de Troy m’a vraiment transporté. Dès les premières pages, on entre dans un monde incroyable, plein de magie, d’aventures et d’humour. L’intrigue est très bien pensée, avec des moments de tension, des surprises et un rythme qui ne faiblit jamais. J’ai pris un vrai plaisir à suivre Lanfeust dans ses aventures, et je voulais toujours savoir ce qui allait lui arriver ensuite. Tout s’enchaîne naturellement, et chaque chapitre m’a laissé avec l’envie d’en lire plus. Ce que j’ai adoré dans cette bande dessinée, c’est la façon dont elle mélange des thèmes légers et des sujets plus profonds. Il y a beaucoup de magie, d’amitié et de quête héroïque, mais aussi des réflexions sur le pouvoir, la responsabilité et même la nature humaine. C’est un univers riche où tout le monde peut trouver quelque chose qui lui parle. J’ai aimé la façon dont ces thèmes sont abordés avec humour et légèreté, sans jamais être trop sérieux. Les personnages sont vraiment le coeur de cette BD. Lanfeust est drôle et attachant, et ses compagnons sont tous uniques. Cixi, Hébus, Nicolède… chacun a sa personnalité, ses forces et ses faiblesses. J’ai beaucoup ri avec eux, et parfois, j’ai même eu un pincement au coeur en voyant ce qu’ils traversaient. Ce que j’ai préféré, c’est que les personnages évoluent au fil de l’histoire. On s’attache à eux parce qu’ils sont humains, avec leurs bons côtés comme leurs défauts. Les illustrations sont tout simplement magnifiques. Chaque page est un vrai plaisir à regarder. Les décors sont riches en détails, et le monde de Troy prend vie sous nos yeux. Les personnages sont expressifs, et les scènes d’action sont dynamiques et claires. Les couleurs ajoutent une ambiance unique, que ce soit dans les moments légers ou dans les scènes plus intenses. Tout est soigné, et on sent que chaque dessin a été pensé avec soin. Entre l’histoire pleine de rebondissements, les thèmes intéressants, les personnages attachants et les dessins superbes, j’ai adoré chaque moment passé avec cette BD. Je la recommande à tous ceux qui aiment les aventures pleines d’imagination et de magie.