Les derniers avis (38248 avis)

Par Josq
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Carmélites de Compiègne
Les Carmélites de Compiègne

Difficile d'être parfaitement objectif sur cette bande dessinée... L'histoire des carmélites de Compiègne est bien connue depuis que Bernanos en a tiré sa célèbre pièce de théâtre Le Dialogue des Carmélites, adapté à l'opéra (par Poulenc) et au cinéma. C'est surtout un des récits les plus poignants que je connaisse, et quel que soit le média par lequel je redécouvre cette histoire, j'en ressors toujours sous le coup d'une émotion difficilement contrôlable. Il est donc évident que cette bande dessinée a pas mal de défauts. Le principal est pour moi à trouver au niveau de la narration. Non que les auteurs aient mal synthétisé cette histoire, ils s'en sortent plutôt honorablement (même si j'aurais parfois fait certains choix différents), mais on trouve régulièrement des phylactères qui chevauchent la case du dessus, comme s'il n'y avait pas assez de place dans cette bande dessinée pour y mettre tous les dialogues. Le problème est que parfois, on ne sait plus si on doit lire le phylactère au moment où on lit le strip du dessus ou du dessous. C'est un peu du détail, mais ça gêne régulièrement la fluidité de lecture. L'autre petit reproche que je ferai sur la forme à cette bande dessinée, c'est qu'elle a tendance à multiplier inutilement les astérisques. C'est souvent intéressant, car cela apporte une information sur les sources historiques ou le contexte de l'époque, mais il y aurait souvent eu moyen de caser l'information délivrée dans une ligne supplémentaire de dialogue. Sur le fond, à titre personnel, je n'aurais pas grand-chose à redire. Toutefois, il est probablement utile de préciser qu'on est face à une bande dessinée catholique adressée en priorité à un public catholique, les éditions Plein Vent semblant être spécialisées dans ce type de créneau qu'occupent également les Éditions du Triomphe (pas uniquement des oeuvres religieuses, donc, mais on perçoit bien leur ligne éditoriale). Rien de gravissime, ça ne signifie pas qu'un lecteur non catholique restera sur le carreau, mais il trouvera sans doute peu d'intérêt dans la plupart des dialogues, qui tournent essentiellement autour de la notion de sacrifice (d'holocauste, au sens religieux du terme, exactement), des persécutions de la Terreur envers l'Église, et de la fidélité à ses vœux religieux. La portée du récit va toutefois bien au-delà de son aspect religieux, et ce qui me saisit le plus à chaque fois, personnellement, c'est le courage et la force incroyables de ces seize femmes résistant à l'oppression révolutionnaire. Je suis toujours fasciné par cet esprit de douceur et d'humilité qu'elles opposèrent à la brutalité de ces hommes qui voulaient leur enlever leur liberté au nom de... la liberté, justement. On comprend que la vocation religieuse et le fait d'aller s'enfermer dans un cloître loin du monde puisse étonner voire choquer la conscience d'hommes non religieux. Mais il est odieux de penser qu'on ait pu vouloir interdire à des femmes ayant fait ce choix librement et sans contrainte de continuer à vivre comme elles l'entendaient. Alors imaginer qu'on ait pu aller jusqu'au meurtre, et les exécuter en place publique uniquement pour cette raison est quelque chose qui dépasse mon entendement. Encore une de ces innombrables contradictions de cette Révolution française, dont les actes furent rarement accordés au discours... Bref, on comprendra donc que mon attachement à cette bande dessinée porte probablement davantage au sujet dont elle traite qu'aux qualités intrinsèques de l'album. J'apprécie toutefois la rigueur historique dont font preuve les auteurs en plaçant le plus souvent possible dans la bouche de leurs personnages des dialogues qu'on sait authentiques et en citant leurs sources (l'épisode étant fort bien documenté, ce qui laisse peu de place au doute et à l'interprétation). Malgré ses défauts de narration, j'ai tout de même été particulièrement séduit par le dessin de Fabrizio Russo, qui est vraiment magnifique. On est habitué au style réaliste toujours un peu maladroit de ces bandes dessinées biographiques typiques des éditions catholiques comme le Triomphe ou Plein Vent, mais ici, Russo sait lui insuffler une âme supplémentaire, qui change beaucoup de choses. C'est très vivant, souvent trop coloré, mais on s'y croit. Et certains passages de la narration visuelle confinent à l'excellence. Mention spéciale à cette mise en parallèle de deux cases : l'une où la religieuse est allongée les bras en croix par terre le jour de ses voeux religieux (symbole de sa mort au monde pour renaître à la vie religieuse) et l'autre où elle est allongée la tête sous la guillotine... Magnifique. Voilà donc une lecture que je ne recommande pas à tout le monde, au vu de la portée religieuse de son sujet et de sa manière de le raconter, il est nécessaire d'avoir quelque appétence pour ce genre de récit. Pour ma part, j'ai tout de même ressenti la même émotion qu'à la lecture/vision de chacune des oeuvres traitant des carmélites de Compiègne, et je trouve toujours louable qu'on continue encore aujourd'hui à raconter l'histoire de ces femmes qui surent préserver leur foi et leur liberté jusque dans la mort. Les injustices terribles qu'elles ont subies leur méritent de ne pas sombrer dans l'oubli.

27/01/2025 (modifier)
Par Charly
Note: 4/5
Couverture de la série Cours Particuliers
Cours Particuliers

J’ai trouvé que l’histoire de Cours Particuliers était vraiment décalée et pleine d’humour. Ce n’est clairement pas un manga à prendre au sérieux, mais plutôt une suite de situations absurdes et provocantes. Les deux profs, Mayumi et Miki, s’amusent à explorer des scénarios complètement fous où elles enseignent des “cours particuliers” très spéciaux. C’est osé, parfois choquant, mais toujours raconté avec un ton léger. Même si ça ne brille pas par une intrigue profonde, j’ai bien rigolé en suivant leurs péripéties. Ce manga joue clairement avec des fantasmes exagérés, mais il apporte aussi une touche d’humour qui m’a surpris. Les scènes sont très explicites, parfois extrêmes, et montrent une sexualité sans filtre. Ce qui m’a plu, c’est l’idée que les femmes prennent le contrôle tout au long des histoires. On est loin des clichés où elles sont soumises, et ça change agréablement. Par contre, certaines scènes vont très loin et peuvent mettre mal à l’aise, mais elles restent dans l’esprit volontairement provocateur du manga. Mayumi et Miki sont complètement déjantées. Ce sont des profs qui n’ont aucun filtre et qui adorent dominer leurs élèves d’une manière plutôt originale. Ce duo est à la fois drôle et dérangeant, mais elles sont bien écrites pour ce type de manga. Les élèves sont un peu des victimes consentantes et certains moments avec le jeune homme “très bien équipé” m’ont vraiment fait sourire. Les personnages secondaires sont peu développés, mais ce n’est pas gênant pour ce genre d’histoire. Le style de dessin est assez old school, mais ça fonctionne bien. Les personnages féminins sont exagérés, avec des formes très généreuses et un style qui attire l’attention. Les scènes sont très détaillées, ce qui est un point fort pour ce type de manga. Par contre, les décors sont presque absents, ce qui peut être un peu répétitif. Malgré ça, j’ai trouvé que les expressions des personnages et certaines mises en page pleine page rendaient le tout très vivant.

27/01/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Revoir Comanche
Revoir Comanche

Il a pris en photo des fantômes… - Ce tome contient une histoire complète, qui libère plus de saveurs pour le lecteur familier de la série Comanche, de Greg (Michel Regnier, 1931-1999) & Hermann (Hermann Huppen). Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Romain Renard, pour le scénario, les dessins, les nuances de gris, et les références musicales. Il comprend cent-quarante-huit pages de bande dessinée. En Californie, un cavalier fait avancer son cheval au pas, dans le bord de l’océan, sur une plage déserte. Une voiture emprunte la route sinueuse de la côte. En traversant une ville, la conductrice arrête son véhicule à la station-service Texaco. Elle pénètre dans la boutique et elle demande si les pompes sont ouvertes, tout en se massant délicatement son ventre bien arrondi. Le pompiste sort à l’extérieur pour lui faire le plein, alors que les deux clients se remettent au comptoir pour finir leur consommation. Tout en faisant le plein, le pompiste indique que c’est rare de voir des automobilistes étrangers par ici, et des dames dans son état. Elle explique qu’elle est ici pour le travail : elle cherche un certain Cole Hupp. Il lui demande si elle est de la famille, ou peut-être de la police. Elle explicite qu’elle cherche juste à le joindre pour son travail. À sa demande, elle sort une carte et il indique le chemin à suivre : faut descendre la route 1 le long de la côte, puis prendre l’embranchement à Tinder Cove, là il y a une petite route qui s’enfonce dans les bois, et la maison se trouve au bout du chemin. Arrivée sur place, Vivienne Bosch descend de voiture et demande à l‘homme en train de couper du bois si elle est bien chez monsieur Hupp, ou peut-être Red Dust. Vivienne Bosch se présente et elle explique qu’elle travaille pour la bibliothèque du Congrès. Elle est historienne, elle collecte les témoignages des dernières personnes vivantes ayant connu l’âge du Wild West. Elle aimerait l’interviewer, et tout en discutant elle sort une photographie d’un dossier, qu’elle laisse tomber à terre dans un faux mouvement. Elle le ramasse, alors que son interlocuteur lui dit qu’elle se trompe de bonhomme. Elle lui montre le cliché, il date de l’époque du ranch Triple 6. Il répond que ce n’est pas lui, et qu’elle ferait mieux de s’adresser directement aux gens qu’elle cherche plutôt que de venir le déranger. Avec un petit sourire en coin, elle lui demande s’il ne veut pas savoir ce qu’est devenue Comanche. Il la chasse de chez lui en la menaçant avec sa hache. Elle repart. Il rentre dans sa cabane, tout en se demandant pourquoi ils ne répondent pas au ranch. Derrière lui, le spectre d’un cowboy avec son arme à la main lui fait observer que c’est bizarre qu’ils ne répondent pas, et lui demande s’il y a des souvenirs qui remontent. Le lendemain, l’homme se rend en ville et entre dans la boutique Texaco pour demander un appel téléphonique au ranch Triple 6. Personne ne décroche à l’autre bout. Il demande alors un livre avec les horaires de train, et il commence à l’étudier. En ressortant, il tombe sur Vivienne Bosch en train de mettre sa valise dans son coffre. Il aide cette femme enceinte. Le titre promet de revoir Comanche, le personnage principal de la série du même nom, quinze tomes de 1972 à 2002, avec un scénario de Greg (avec Rodolphe pour la fin du tome 15), et des dessins d’Hermann (tomes 1 à 10), puis de Michel Rouge (tomes 11 à 15). En effet, le lecteur retrouve l’un des personnages principaux : Red Dust, qui a pris le nom de Cole Hupp et qui a vieilli puisque la présente histoire se déroule 1930 (comme en atteste une pierre tombale en page cent-onze). Avec l’impulsion de la bibliothécaire, il entreprend un voyage qui va le mener de la côte californienne au Wyoming, où se trouve le ranch Triple 6. Il sera question de Comanche (Verna Fremont), et aussi Clem Ryan, de Toby et de Tache-de-Lune, un de ces personnages jouant un rôle dans le récit. Le lecteur familier de la série reprend ainsi contact avec un des personnages principaux, et il lui tarde de retrouver les autres, de savoir ce qu’ils sont devenus. L’auteur a également pensé au lecteur néophyte : l’histoire se suffit à elle-même, y compris pour celui qui n’a jamais ouvert un tome de la série initiale ou qui n’en a jamais entendu parler. Le fil directeur s’avère d’une remarquable clarté : un voyage pour rallier le ranch Triple 6 où personne ne répond au téléphone. La jeune bibliothécaire enceinte essaye de faire œuvre de mémoire en recueillant des informations auprès d’une personne qui a vécu cette époque, alors que Cole Hupp / Red Dust est un vieil homme mutique et peu commode. La couverture promet un récit de vengeance ou de règlement de compte, avec usage d’armes à feu. La première planche impressionne d’entrée de jeu : une illustration en pleine page, avec une impression de photographie. Celle-ci provient de la texture de la plage, de la légère brume, de l’exactitude de la silhouette des arbres. Régulièrement, le lecteur jurerait que l’artiste s’est servi d’une photographie comme fond de sa case, ou même comme support de composition de tout un dessin : la forêt autour de la cabane avec la texture d’écorce des très hauts arbres, les voitures dans la grand rue, les poteaux télégraphiques, une carte routière, une vue aérienne de la route serpentant dans la vallée, un pistolet, des images d’un film du genre Western, la file ininterrompue de voitures sur une route (des paysans fuyant l’ouragan qui approche), le nuage de poussière soulevé par un cyclone, la très surprenante pièce transformée en musée dans le ranch Triple 6, etc. Dans le même temps, le lecteur voit bien que ces images à l’allure photographique s’intègrent trop parfaitement dans le récit pour n’être que le réemploi de clichés existants, et qu’il ne peut s’agir que de constructions graphiques fort sophistiquées. Le lecteur retrouve tout ce qui fait la spécificité de cet artiste, par exemple dans sa série Melvile (trois tomes et un hors-série, 2013-2022). L’artiste a choisi de faire ressortir les personnages par rapport aux décors, en les détourant d’un trait fin et simple, accentuant ainsi le contraste avec des arrière-plans évoquant régulièrement la photographie. Cela confère plus de vie aux personnages, tout en les rendant également plus fragiles, en particulier le vieil homme Red Dust, et la jeune femme enceinte. Le lecteur constate rapidement que le dessinateur tire parti du fait qu’il soit l’auteur complet de cette bande dessinée. Il peut ainsi moduler le ratio entre informations portées par les dialogues et informations portées exclusivement par les cases. Ainsi, il réalise quarante-deux pages totalement dépourvues de texte, laissant les images raconter l’histoire, instaurant des temps de silence entre les personnages perdus dans leurs pensées, dans leurs réminiscences. Le lecteur voit bien que Cole Hupp n’est pas très causant, et Vivienne Bosch se heurte à son caractère de solitaire. De son côté, le lecteur s’interroge sur ce à quoi ils peuvent penser chacun de leur côté durant ces longs trajets en voiture. Cette forme de narration a également pour effet de donner à voir le paysage, la manière dont il affecte les pensées des personnages, de ce qui vivent dans ces environnements. Le scénariste a choisi une construction de récit très simple et linéaire : le voyage de la Californie jusqu’au ranch Triple 6 dans le Wyoming. Les deux voyageurs sont amenés à s’arrêter de temps à autre : pour manger, pour faire le plein, pour faire face à une panne, pour aller saluer un ancien ami. Chaque arrêt permet de voir comment se comporte Red Dust : retrouvant la superbe de sa jeunesse devant deux jeunes hommes essayant de draguer Vivienne dans un bar, discutant du bon vieux temps avec un ancien du ranch Triple, assistant pour la première fois de sa vie à la projection d’un film (The big trail, 1930, La piste des géants, de Raoul Walsh, avec John Wayne), partageant le repas d’un couple de rednecks, découvrant qui se trouve au ranch Triple 6. Et bien sûr l’évolution de sa relation avec sa conductrice Vivienne Bosch au fur et à mesure des jours qui passent. Bien sûr, la perspective de l’enfant à naître s’oppose avec la vieillesse de Red Dust, une époque qui disparaît et qui doit laisser la place à une nouvelle génération. Le lecteur peut anticiper quelques-uns des thèmes qui vont être abordés : la nostalgie d’une époque révolue, une nouvelle ère qui n’a que faire de la précédente et de ses survivants devenus des reliques d’un autre temps, une partie de la mythologie de l’Ouest américain. Tout cela est bien présent, et bien plus encore, avec une sensibilité remarquable, dont l’auteur avait déjà fait preuve en s’associant avec la poétesse Kateri Lemmens pour Passer l’hiver (2022). Le passé est révolu et un Amérindien le constate avec violence alors qu’un photographe lui demande de revêtir sa tenue traditionnelle, et cet ancien du ranch Triple 6 éprouve la sensation que l’autre a pris en photo des fantômes. Red Dust le constate avec amertume : que ce soit les paysans abandonnant leur terre devenue stérile à force d’avoir été exploitées, ou les incendies qui ravagent la Californie, les ouragans qui ravagent le Wyoming, l’absence de bétail dans le ranch, etc. L’auteur va plus loin : lors de ce voyage, il est évoqué un pays ravagé par les catastrophes naturelles, une facette du rêve américain (le mythe de se faire tout seul, d’abord évoqué par Vivienne Bosch, puis par le propriétaire du ranch Triple 6), la réalité historique du Wild West (des hommes essayant de trouver des emplois rémunérés, des propriétaires terriens derrière leur bureau), la misère, et le cercle de la violence. Celle-ci est mise en scène et évoquée par la citation du verset quinze du livre L’Ecclésiaste : Ce qui a déjà été, et ce qui est à venir est déjà arrivé, et Dieu ramène ce qui est passé. D’une manière très délicate, l’auteur aborde également le regret associé à ce qui aurait pu être, ainsi que la souffrance engendrée par le manque de culture, par le biais d’un extrait d’un sonnet (CXLV-71) de Shakespeare, appris par cœur. Le dernier chapitre d’une série débutée dans les années 1970, par un autre auteur, dans un registre différent. L’auteur parvient à réaliser un récit qui parle aussi bien au lecteur de la série initiale Comanche, qu’à celui qui n’en a jamais entendu parler. La narration visuelle apparaît immédiatement très personnelle, mêlant apparences quasi photographiques et des détourages classiques avec un trait fin, faisant la part belle à une narration portée uniquement par les dessins. Ce voyage en voiture fait se côtoyer un vieil homme, ancien porte-flingue, et une jeune bibliothécaire, ramenant à la surface de vieux souvenirs, le constat du temps qui passe, d’une époque révolue, de regrets, de régions sinistrées, de l’importance vitale de la poésie. Inoubliable.

27/01/2025 (modifier)
Couverture de la série She Wasn't a Guy
She Wasn't a Guy

Ce manga a été à l'origine publié sur internet par petits chapitres (bon, techniquement il est toujours sur la toile et est toujours en cours), et est rapidement devenu un véritable phénomène. Je suivais sa publication à l'origine sur le compte twitter de l'artiste et n'arrivais à comprendre que grâce à la générosité et le travail de traducteur-ice-s amateur-ice-s (un grand merci à toutes ces personnes, d'ailleurs). Alors quand j'ai vu que ce manga allait être publié dans nos vertes contrées l'année dernière, j'ai bondi sur l'occasion de me l'acheter. Bon, en vrai non, je ne l'ai pas acheté tout de suite, j'avais bien trop peur d'un petit phénomène auquel j'ai trop souvent fait face dans ma vie : les traductions hasardeuses. Pour une raison inconnue j'ai souvent constaté que les yuris ne recevaient pas les meilleurs soins au niveau de leurs traductions, et j'ai souvent fini avec des dialogues comiques qui sonnaient poussifs et des langages et expressions courants traduits dans un patois qui, sans aucune doute, avaient dû être écrit par un-e quadragénaire un peu coupée des us et coutumes du langage moderne (je parle dans ce cas précis de personnages censés être jeunes dans le texte). Fort heureusement, ici, mes peurs étaient infondées, la traduction est bonne. Le texte respecte bien les émotions, l'intensité de certaines scènes et le langage semble bien en accord avec ces jeunes lycéennes. Le tout fait vivant, c'est tout ce que j'attendais. Je parle de techniques et d'erreurs (ou plutôt d'absence d'erreur dans le cas présent), mais quid du récit ? Il est bon, là aussi. Au début, le sel de l'histoire est qu'Aya, jeune lycéenne populaire et extravertie, développe un crush sur le beau disquaire du magasin de musique qu'elle fréquente après les cours, sans savoir que ce beau gosse est en réalité sa voisine de classe, Mitsuki, jeune fille aux tendances malheureusement asociales. Sauf qu'en réalité ce quiproquo ne dure pas si longtemps que ça, le récit muant et se centrant davantage sur la relation de ces deux jeunes filles, devenant rapidement amies (même si Aya, ayant toujours le béguin, et même chaque jour davantage, aimerait sans doute quelque chose de plus) et se rejoignant malgré toutes leurs différences apparentes sur leur passion commune : le rock ! Eh oui, ici pas que du sentiment et de la romance, on nous parle aussi d'amour de la musique. Foo Fighters, Red Hot Chilli Peppers, Nirvana, ... L'auteur-ice se fait plaisir à parler de son genre musical préféré et l'engouement des personnages est contagieux. L'oncle de Mitsuki, tenant de la boutique de disque, est lui aussi un personnage assez touchant. La scène où lui et ses ami-e-s se revoient dans leur jeunesse en écoutant Aya et Mitsuki parler est très belle. Un mot également sur le dessin, très joli et marqué avec cette belle bichromie noire et verte. Le dessin de Sumiko Arai est très beau (et iel se permet plusieurs fois des gros plans, des poses et des compositions de cases assez chiadées) et je le trouve ici encore mieux travaillé que dans ses précédentes créations, mais c'est vraiment cette bichromie si identifiable qui marque la forme de cette œuvre. Vraiment une bonne série, chaudement recommandée de mon côté (et en plus la VF est bien !). Un succès amplement mérité selon moi.

27/01/2025 (modifier)
Par Ludmilla
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Mémoires de la Shoah
Les Mémoires de la Shoah

Cette BD m’a bouleversée ! Le thème n’est pas facile et a été souvent exploité mais jamais sous cette sensibilité et cette pudeur. Les textes sont poignants et les dessins splendides. Le message de fin nous pousse à être vigilant et à ne plus minimiser et ignorer les faits qui se déroulent en ce moment même partout dans le monde, même en Occident.

26/01/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Journal inquiet d'Istanbul
Journal inquiet d'Istanbul

Volume 1 : Ersin Karabulut, figure emblématique de la bande dessinée turque, signe avec Journal inquiet d’Istanbul une autobiographie vibrante, où se mêlent talent graphique, récit poignant et critique sociale. Istanbul, ville qu’il dépeint avec amour et réalisme, devient un véritable personnage, avec ses ruelles animées, ses minarets omniprésents et ses contrastes saisissants entre tradition et modernité. Pas de doute, on y est ! Et pour ceux qui n 'y auraient jamais mis les pieds, c'est une excellente occasion de découvrir un pays finalement assez méconnu de ce côté-ci de l'Europe. Le premier volume pose les bases d’un récit intime et universel. Karabulut y raconte son enfance marquée par une passion précoce pour Tintin, Astérix, Popeye, Superman et les comics US, ses débuts difficiles liés à un environnement peu favorable, et ses premiers pas comme caricaturiste. À travers un style fluide et un humour candide, il expose les entraves rencontrées : un contexte familial exigeant, des contraintes financières, et la montée d’un climat politique plus conservateur sous l’influence des islamistes. Le quartier de Beyoglu, refuge des artistes, devient un symbole de liberté dans un parcours semé d’embûches. Sur le plan graphique, le trait dynamique de Karabulut, mêlant finesse de la ligne claire franco-belge et impact du comics indépendant américain, capte l’attention. La richesse de ses couleurs et son sens aigu de la mise en scène renforcent l’immersion dans ce récit sincère et attachant. Tome 2, 2007-2017 : La seconde partie, plus sombre, explore les années 2007-2017, marquées par l’ascension autoritaire de Recep Tayyip Erdogan et le recul des valeurs laïques d’Atatürk. Karabulut y décrit la répression croissante, l’intolérance religieuse et les menaces pesant sur les voix dissidentes, y compris les caricaturistes. Malgré cette atmosphère pesante, il partage également des moments de solidarité, notamment la création du magazine Uykusuz avec ses amis, un projet mêlant passion et débrouillardise. Des anecdotes lumineuses, comme sa visite au festival d’Angoulême, contrastent avec des épisodes douloureux, tels que l’impact des attentats contre Charlie Hebdo. Cette conjonction d’événements nourrit ses doutes quant à l’avenir de son métier et de son pays, mais aussi son désir de continuer à créer, malgré le poids des incertitudes. Au-delà de la qualité exceptionnelle de son dessin et de son écriture, on peut saluer l’humanité de Karabulut. Son œuvre, à la fois personnelle et politique, trouve un écho universel. Par son regard lucide et son ton empreint d’autodérision, il incarne un pont entre l’Orient et l’Occident, à l’instar de Riad Sattouf. "Journal inquiet d’Istanbul" est une œuvre coup de cœur, promettant de laisser une empreinte durable dans le paysage de la bande dessinée internationale. On attend la suite avec une sincère impatience. Et comme le dit très bien Canarde, vous allez entendre parler de lui, c'est certain ! Hasard du calendrier ou pas, notons que le volume 2 est paru le 3 janvier 2025, soit dix ans après le massacre à Charlie Hebdo, à trois jours près.

26/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Les Pistes Invisibles
Les Pistes Invisibles

Voilà un album assez original sur la forme – et du coup sans doute clivant. Amateurs de dessins franco-belges classiques s’abstenir. Mais les plus curieux gagneront à se pencher sur cette production de Xavier Mussat, biberonné au collectif ego comme X. Mais ici rien d’autobiographique. Mussat s’inspire d’une histoire réelle et improbable (et que je ne connaissais pas) : un homme s’est « caché » pendant près de 25 ans dans les forêts du Maine aux États-Unis, cherchant à tout prix à ne laisser aucune trace de son passage (il ne fuyait rien de spécial). Volant régulièrement dans les résidences secondaires proches de quoi survivre, il est ainsi passé inaperçu jusqu’à ce que son existence étrange et inquiétante amène traque et arrestation. Tous les efforts faits pour éviter pendant plusieurs années de se faire remarquer m’ont fait penser, toutes proportions gardées (car là la tension était plus forte) au livre bouleversant de Theodora Kroeber « Ishi ». Une histoire improbable, que Mussat traite de façon littéraire et poétique, dépassionnée (je ne sais pas ce qu’il « aménage » de la vraie histoire de Christopher Thomas Knight). Là aussi ça peut rebuter. Mais j’ai trouvé ce parti pris intéressant. D’autant plus qu’il est parfaitement accompagné par un choix encore plus original au niveau du dessin et de la colorisation. En effet, une grande partie de l’histoire est accompagnée de dessins aux formes géométriques et abstraites. Et la bichromie tranchée est elle aussi originale. Mais tous ces choix esthétiques ne gênent pas la lecture, bien au contraire. En effet, ça donne un souffle quasi magique au récit.

26/01/2025 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Au-Dedans.
Au-Dedans.

Cet album m’a beaucoup plu. La première partie (les deux premiers tiers) se présente sous la forme d’une autobiographie un peu nombriliste et bobo, avec cet artiste Newyorkais qui nous raconte son quotidien et ses inhibitions sociales. J’aurais pu le trouver antipathique, mais voilà, l’humour loufoque et l’autodérision omniprésente m’ont beaucoup plu, et m’ont un peu rappelé le style de Fabcaro. J’ai bien ri, j’aime notamment sa façon de se moquer de ces cafés modernes et de leurs boissons chaudes « intellos » et hors de prix. Je m’apprêtais à mettre un bon 3/5, et puis… Le dernier tiers du récit devient beaucoup plus sérieux, avec la maladie de la maman. Cette partie m’a beaucoup ému, sans doute parce que je suis à un âge où je réfléchis beaucoup à ces thématiques. Du coup je monte la note à 4/5, et je mets un coup de cœur. Une lecture marquante en ce qui me concerne.

26/01/2025 (modifier)
Par Canarde
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Rosalie Blum
Rosalie Blum

J'arrive un peu après la bataille, mais j'ai beaucoup aimé cet album où j'ai retrouvé les qualités de "Juliette, les fantômes reviennent au printemps"' C'est l'histoire d'un coiffeur qui se met à suivre dans la rue une épicière... A partir de ce pitch de quinzaine commerciale, tout l'univers des deux personnages va se mettre en place devant nous, et les incapacités des uns associées à l'oisiveté des autres va finir par faire une belle histoire d'amour éclairée par un ancien fait divers. Pour résumer : Des personnages et des paysages péri-urbains qui semblent sortir de notre quotidien. Un humour délicat ou les aléas du désir restent souvent en toile de fond. Un dessin entre Sempé, Davodeau et Bernadette Després (Tom-Tom et Nana), mais avec des couleurs et contrastes plus sensuels et jouisseurs. Bref si on aime cet univers de tous les jours, à la fois bien observé et bien transformé pour nous mettre de bonne humeur et nous émouvoir, il ne faut pas hésiter.

26/01/2025 (modifier)
Par Canarde
Note: 4/5
Couverture de la série Coboye
Coboye

Cet album mérite d'être dans toutes les bibliothèques et dans toutes les familles. C'est le décalage entre les aventures réelles de la petite Cécile autour de sa maison et le récit qu'elle en fait, avec sa mère en shérif, et elle en "coboye", qui fait le sel du volume. Un dessin charnu et coloré prend presque toute la place, et cette voix off, pas du tout bavarde (2 phrases max à chaque page ou double-page : une au début, une à la fin) qui crée le décalage. Un dispositif simple et efficace qui nous rend le personnage attachant, et installe Cécile dans son rôle de fillette entreprenante, inventive et joufflue. Un cadeau qui marchera je pense pour tout enfant, de n'importe quel âge. A lire avec eux sur les genoux pour ceux qui ne savent pas encore lire, pourquoi pas même apprendre à lire dessus ?

26/01/2025 (modifier)