Un Manga coup de cœur je savoure! J'ai vraiment apprécié le début de cette série. Ma BM n'ayant que les quatre premiers numéros je vais vite acheté le nouveau. J'ai trouvé le scénario bien construit avec ce duel à distance entre le beau détective dandy, Akechi et sa rivale en mode femme fatale tueuse à distance, la séduisante Mary. Il faut accepter le manque de crédibilité de la facilité de contact entre Mary et ses disciples potentiels qui deviennent des assassins. L'originalité du récit est dans ce mélange de finesse et de brutalité voire de gore dans le tome 3. Une finesse que partage Mary et Akechi à travers la cuisine française et japonaise dans leurs versions traditionnelles basées sur la qualité des produits. Mais aussi les deux rivaux partagent un goût prononcé pour la culture classique occidentale ou japonaise. La brutalité voire la sauvagerie se retrouve dans les meurtres ( liés à l'univers de la cuisine) perpétués par des assassins tous très … sympathiques. L'autrice, Akiko, réussit à créer une ambiance très étrange qui m'a tenu en haleine toute ma lecture .De plus Akiko parsème son récit de passage remplis d'humour à la fois dans la relation Akechi-Go ("mon nom est Hichigo!") sa collaboratrice et formidable cuisinière de bento. Mais Akiko en profite aussi pour épingler les travers de la jeune génération ( inculture, malbouffe, inélégance, vestimentaire, smartphone) en effet miroir d'un Akechi très BG Oldschool. Il y a même une pointe d'autodérision sur son propre graphisme qui peint ses JF de 25 ans comme des ados de 13-15 ans dans une scène du T4 très drôle.
Le graphisme est un Manga très classique avec un personnage masculin très lisse et androgyne et des personnages féminins classiquement très gamines à l'exception de Mary.
Une belle découverte d'une série très bien construite avec de bons rebondissements et un texte intéressant.
Oups ! en terminant "La ligne de vie" je me suis aperçu que je n'avais pas avisé Corto Maltese! Je reviendrai plus tard sur les opus 13-17 (à ce jour)
Canales/Pellejero pour me circonscrire aux 12 opus Hugo Pratt (comme sur le site).
Je suis de la génération Corto, et Pratt avec Bilal sont les deux auteurs qui m'ont fait sortir de la BD jeunesse. Ce ne fut pas simple tellement Corto est un personnage aux antipodes d'un Tintin par exemple. Il faut probablement avoir soi-même un certain vécu dans plusieurs domaines ( histoire, voyage, littérature) pour bien savourer l'univers de Pratt. En effet la narration parfois très poétique, des personnages énigmatiques et ambigus des lieux hors des circuits traditionnels rendent la lecture rébarbative ou passionnante. Corto c'est aussi l'apparition, dans le monde un peu figé de la BD, de personnages non Blancs d'une grande dignité et profondeur psychologique et graphique. C'est l'éclosion d'un monde nouveau post colonial qui se crée sur les désillusions et les injustices de l'ancien. Car Corto promène partout sur les océans et les continents sa désillusion des causes justes condamnées à se soumettre ou à utiliser des moyens peu nobles.
Le graphisme souvent en N&B fut aussi une rupture d'un monde ancien. En travaillant principalement sur les expressions énigmatiques des personnages au discours rares mais précieux Pratt nous fais plonger encore plus profondément dans cette atmosphère onirique presque fantastique.
On peut probablement ne pas aimer Corto à l'exemple de Tintin. Il reste toutefois un personnage incontournable de l'histoire de la BD.
Un vrai (très) bon classique de Medieval Fantasy. Et comme j'aime beaucoup ce genre, j'ai beaucoup aimé cette lecture. Dès les premières pages, on sent une forte ambition, tant graphique que narrative. Éric Bourgier offre un dessin d’une richesse remarquable, où chaque case est travaillée comme un tableau. Les détails sont omniprésents, que ce soit dans les visages, les décors ou les costumes, et le choix des teintes sépia et ocres renforce ce sentiment de plonger dans une chronique ancienne. J'ai eu peur au début que cette palette uniforme manque de contraste, mais je m'y suis très bien fait et elle donne une patine qui fonctionne très bien avec le récit.
L’univers en lui-même est foisonnant. Fabrice David et Éric Bourgier ont manifestement puisé dans une multitude de références historiques et mythologiques pour construire un monde crédible et complexe. On y retrouve des échos de civilisations antiques, de grands sièges médiévaux et de légendes anciennes. Les annexes en fin de volume, avec leurs cartes et leur lexique, témoignent du travail de fond impressionnant qui soutient le récit. Cet effort de cohérence est appréciable, même s’il peut parfois sembler très dense : la profusion de personnages, de royaumes et de factions demande une lecture assez concentrée.
Les enjeux se dévoilent par couches successives, avec une mise en place qui prend son temps pour poser les bases d’une fresque complexe. Ce n’est pas une lecture légère ou immédiate : il faut s’installer, revenir parfois en arrière pour saisir toutes les nuances, mais l’effort est largement récompensé.
Des paysages grandioses, des intrigues tissées avec minutie et ce sentiment d’avoir entre les mains une œuvre pensée sur le long terme. Une proposition qui élève clairement la barre dans le domaine du médiéval-fantastique et qui mérite qu’on s’y attarde.
Je passe mon avis de 4 à 3 après la lecture du 2e tome. Le principe de l'axonométrie, cette mise en page très originale et qui fonctionne très bien ne suffit pas pour moi à relever un certain manque de profondeur.
J'aime beaucoup le principe de cette mosaïque d’histoires et de personnages, où chaque fragment semble murmurer un bout de vérité. Pas de grande intrigue ou de résolution éclatante ici, mais une exploration subtile des liens invisibles qui nous relient – ou nous isolent, d'où le nom de cette BD.
Le dessin de Jeanneau est à la fois précis et épuré, avec ce qu’il faut de retenue pour laisser l’imagination combler les blancs. Les cases oscillent entre le plein et le vide.
Les personnages évoluent dans des trajectoires fragmentées, comme des satellites qui gravitent les uns autour des autres sans toujours se croiser. On sent chez eux une quête, un besoin de sens ou d’appartenance, mais aussi cette cruelle difficulté à se comprendre ou à se raccrocher au monde. Jeanneau capte avec justesse ces moments suspendus, où tout semble possible mais où rien ne se passe vraiment. Et c'est la que le bât blesse pour moi, on sent que l'auteur n'est pas là pour donner des réponses mais poser des questions, pour ouvrir des espaces de réflexion sur ce qui nous unit. Seulement cela se fait je trouve au détriment d'une compréhension plus profonde des personnages, de ce qui les anime.
C'est cette mise en page en forme d'alvéoles qui avait retenu mon attention à la base. Loin d'être déstabilisante, je trouve que cela permet de mettre le focus sur l'endroit ou l'auteur a envie de le mettre et permet d'ajouter du contexte avec la bonne dose pour que cela serve l'histoire. Et c'est justement je pense aussi le bon médium pour donner de l'épaisseur à des personnages qui en manquent un peu. Peut être trop de personnages à développer dans un format aussi court ? Parce qu'avec de grandes illustrations en pleine page qui viennent poser des respirations, il reste peu de temps pour cela.
C'est donc à la fois une très belle surprise sur le fond (cette thématique des connexions qui nous lient) et la forme (avec cette mise en page particulière) mais aussi la frustration d'un scénario qui manquent pour le moment d'épaisseur.
Je mets un 4 car il est objectivement impossible de mettre en dessous. Et je comprends très bien qu'on puisse considérer cette oeuvre comme culte. 7 ans, cela faisait 7 ans qu'il trônait dans ma bibliothèque car c'était un cadeau et un beau cadeau. Mais un cadeau que j'appréhendais de lire car je sentais que je n'allais pas y prendre beaucoup de plaisir. Et ça a malheureusement été le cas.
C’est une œuvre qui frappe par sa densité, autant par le récit que par l’atmosphère qui s’en dégage. Polza Mancini n’est pas qu’un personnage, c’est un concept, une masse de souffrance et de lucidité qui cherche un absolu insaisissable. Avec lui, on se perd dans une quête mystique où le “blast” devient à la fois une échappatoire et une confrontation brutale avec l’essence de l’existence. Larcenet explore ici la puissance brute de la bande dessinée, un médium capable de condenser en une page un moment de vie, une pensée ou une émotion, qui s’imprime directement dans l’esprit du lecteur.
Le trait en noir et blanc, tantôt épuré, tantôt oppressant, semble sculpter la psychologie du personnage autant qu’il illustre l’histoire. On ressent presque physiquement le poids des lavis, des noirs denses, des silences. La narration est lente, immersive, et pour moi souvent frustrante. Je comprends que c’est précisément cette lenteur qui permet de creuser les méandres de l’esprit de Mancini mais c'est ce qui a aussi un peu transformé ma lecture en chemin de croix si je suis honnête. .
L’errance de Polza, c’est aussi celle d’un homme en rupture avec tout : les normes, la société, et même lui-même. Il y a dans cette série une rage sous-jacente, une volonté de fuir le monde rationnel pour un absolu qui se dérobe à chaque “blast”. Mais c’est aussi une histoire d’échec, celui de ne jamais pouvoir se libérer de sa propre existence, de sa propre souffrance. Les interactions entre Polza et les policiers qui l’interrogent ajoutent un niveau supplémentaire : on ne sait jamais vraiment qui manipule qui, ni où se situe la vérité.
Ce récit est une démonstration de la transformation de Larcenet en auteur majeur, dépassant son héritage humoristique pour entrer dans une maturité artistique pleine de paradoxes. Pourtant, cette longueur m'a laissé une impression d’étirement, ça a été mon cas. Si chaque page est un plaisir visuel et narratif, on peut se demander si l’intrigue elle-même justifie 800 pages.
On nous assimile à des Communards. Alors faisons la Commune de l’Art.
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Ce tome contient une biographie de Gustave Caillebotte sur une courte période de sa vie. La première édition date de 2017. Il a été réalisé par Laurent Colonnier, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de sept pages, intitulé Le célèbre inconnu, rédigé par Dimitri Joannidès. Après une courte introduction en un paragraphe, il développe la vie de l’artiste au fil de chapitres intitulés Une enfance dorée, Vers l’émancipation, Le legs Caillebotte, Le compagnonnage impressionniste, Les raboteurs de parquet, Le jardin du postimpressionnisme, Un visionnaire en avance sur son temps. Ce dossier est agrémenté de reproductions de tableaux de l’artiste : Autoportrait (vers 1882), Partie de bateau ou Le canotier au chapeau haut-de-forme (1878), Vue depuis le balcon (1880), La Seine à Argenteuil (1882), Les raboteurs de parquet (1875), Baigneurs se préparant à plonger bord de l’Yerres (1878), Vue des toits effets de neige à Paris (1878).
Dans le Palais de l’Industrie, à Paris, en 1875, un groupe d’hommes commentent les tableaux exposés. Les critiques fusent : quelle horreur ! C’est pire chaque année ! Manet et sa clique font des émules. Ils continuent : Une peinture se doit d’être historique, religieuse ou mythologique, certainement pas vulgaire. Des raboteurs de parquet, ce n’est pas un sujet. Ce panneau peut tout juste servir d’enseigne à un artisan, mais n’a aucunement sa place au Salon officiel. Les trois hommes se penchent sur le cas particulier du tableau de Caillebotte, le jugement tombe : C’est de la peinture de démocrate, de ces hommes qui ne changent pas de linge et veulent s’imposer au monde. Messieurs du jury, le verdict est donc unanime : Refusé ! Le salon est un organisme de protection et de salubrité publique.
Édouard Manet et Auguste Caillebotte prennent un fiacre pour rentre chez eux, tout en devisant : Le monde moderne n’a que faire de la mythologie, le labyrinthe moderne n’est pas celui de Dédale, mais celui du baron Haussmann. Les gens se perdent dans toutes ces façades identiques. L’homme moderne est un fantôme qui glisse silencieusement sur le pavé mouillé de la ville grise. Ils estiment que le salon reste figé sur de vieilles lunes, ils refusent de voir que le monde change. Manet descend car son atelier est à deux pas, tout en saluant Caillebotte, et en l’assurant qu’il est un grand peintre et qu’il ne doit jamais laisser personne dire le contraire. Caillebotte continue de réfléchir : pourquoi figer la perspective dans des règles aussi strictes ? Après tout Piero Della Francesca dépeignait la modernité de son époque comme il la voyait. Pourquoi ne pourrait-on dépeindre sa propre modernité ? Ils sont dans l’ère de l’industrie, de la vapeur, des trains et des gares. Il est de retour dans l’hôtel particulier familial. Une lettre l’attend : une invitation des intransigeants à venir exposer à leur côté, le groupe de peintres refusés au salon officiel qui ont exposé il y a deux ans chez Nadar.
Le lecteur constate d’entrée de jeu qu’il ne s’agit pas d’une biographie complète de l’artiste : le récit commence en 1875, alors que la tableau Raboteurs parquet est refusé au Salon de peinture et de sculpture (dit le Salon), il s’achève avec la troisième exposition des impressionnistes en 1877. Intégrée, se trouve une séquence dans le passé de la page huit à la page treize, montrant le peintre solliciter la participation d’un raboteur de parquet travaillant dans un appartement de l’autre côté de la rue, qu’il aperçoit travailler depuis son appartement, pour réaliser son tableau. L’auteur s’attache à faire revivre ce moment charnière dans l’histoire de l’art, depuis le point de vue de Caillebotte, à la fois artiste, mécène et participant à l’organisation d’une exposition d’impressionnistes, fréquentant plusieurs autres peintres, et ami de Manet. C’est ainsi qu’il croise, outre Édouard Manet (1832-1883) : Auguste Renoir (1841-1919), Henri Rouart (1833-1912), Edgar Degas (1834-1917), Berthe Morisot (1841-1895), Paul Cézanne (1839-1906), Claude Monet (1840-1926) & Camille Monet (1847-1879), Paul Durand-Ruel (1831-1922), Camille Pissarro (1830-1903), Alfred Sisley (1839-1899). Lors d’une discussion, une partie de ces artistes évoquent le jugement d’Émile Zola (1840-1902) sur les Raboteurs de parquet : Caillebotte a exposé les raboteurs de parquet et un jeune à sa fenêtre d’un relief étonnant. Seulement c’est une peinture tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le verre, bourgeoise à force d’exactitude. La photographie de la réalité, lorsqu’elle n’est pas rehaussée par l’empreinte originale du talent artistique, est une chose pitoyable.
Le premier contact avec les dessins peut s’avérer déconcertant : le lecteur voit des traits encrés un peu irréguliers, des traits fins pour les contours, des aplats de noir aux formes irrégulières non lissées. Cela donne une sensation de réalité perçue un peu grossièrement, une impression de description pas entièrement précise, pouvant être perçue comme désagréable. Dans le même temps, l’artiste a investi un temps et une énergie considérable pour réaliser une reconstitution historique solide, fiable et tangible. Le lecteur le constate dès la première case avec la façade du palais de l’Industrie : une reproduction détaillée, les arcades, les colonnes, les statues, la forme des toits, jusqu’au trottoir planté, alors que l’impression de surface est celle d’un dessin pas bien fini du fait de traits de contours un peu irréguliers. La scène passe en intérieur, et la verrière est montrée avec le même souci d’exactitude. Lors du trajet en fiacre, le lecteur peut admirer les façades d’immeubles parisiens haussmanniens, reconnaître les places, identifier le modèle de candélabre, retrouver la structure métallique caractéristique du pont de l’Europe, sans oublier les pavés parisiens et les persiennes aux fenêtres. Par la suite, il ralentit son rythme de lecture pour regarder le Café de la Nouvelle Athènes place Pigalle, le moulin de la Galette sur la butte Montmartre, la rue Moncey, ce qu’il reste du palais des Tuileries après la Commune, etc. Il prend tout autant plaisir à regarder les intérieurs, ceux de l’hôtel particulier des Caillebotte, ou de l’appartement accueillant la troisième exposition des impressionnistes, ainsi que l’aménagement des différents cafés parisiens fréquentés par ces artistes.
Dans le même temps, le lecteur observe que la mise en couleurs vient nourrir chaque surface détourée, le plus souvent avec une approche de camaïeu autour de la couleur réaliste principale, déclinée en nuances pour rehausser le relief de la forme détourée. Il note dès la deuxième case que l’artiste change de technique et de palette de couleurs pour la représentation du tableau Raboteurs de parquet : avec un résultat évoquant plus l’œuvre d’art, qu’un facsimilé à base de contours détourés à l’encre. Il en a la confirmation en page huit, dans une case représentant les raboteurs à l’œuvre dans l’appartement en vis-à-vis de la pièce où se tient caillebotte : à nouveau l’artiste utilise la couleur directe, établissant le lien visuel avec l’œuvre d’art. D’ailleurs cette technique s’étend également au torse nu de l’ouvrier devenu modèle, avec lequel le peintre discute. Colonnier mixe cette technique avec quelques traits de contour pour les formes principales, afin d’évoquer les autres œuvres d’art présentées lors des différentes expositions, facsimilés qui fonctionnent parfaitement, l’esprit du lecteur effectuant instantanément l’association avec les chefs d’œuvre évoqués. Ayant repéré ce dispositif chromatique, le lecteur le relève à chaque utilisation, et voit comment il sert aussi de repère pour souligner l’évocation d’autres toiles de Caillebotte dans une séquence, comme décor naturel ou urbain.
Le lecteur réalise rapidement que l’auteur a choisi de focaliser son histoire sur ces trois années où convergent les impressionnistes au moment des expositions, remettant en cause l’ordre établi. Il perçoit ce mouvement artistique du point de vue Caillebotte, individualité bien distincte, artiste jouissant de la fortune familiale, à l’abri du besoin, achetant des toiles à ses contemporains, leur venant en aide financièrement pour certains. Il découvre son credo artistique en début d’album lors de la discussion avec Manet : dépeindre sa propre modernité. L’auteur sait inclure de manière organique sa méthode de travail : réalisation de nombreux dessins préparatoires, décomposer la toile en carrés, effectuer plusieurs esquisses, jouer sur la perspective en la tronquant, etc. La bande dessinée s’achève avec une réflexion du peintre sur le sens (et la futilité) de leur art : chercher dans la matière, chercher dans les pigments, chercher à faire surgir la lumière de l’opacité. Pas étonnant que les gens les prennent pour des fous. Les peintres se consolent d’être injuriés, d’être niés en comptant sur la postérité, sur l’équité des siècles à venir. Mais si les générations futures se trompaient et préféraient d’aimables bêtises aux œuvres fortes, alors leurs existences de forçats cloués au travail, pour quoi ? Comment rester debout sous les huées sans l’illusion consolante d’être aimé un jour. Quand la Terre claquera dans l’espace comme une noix sèches, leurs œuvres n’ajouteront pas un atome de poussière. À quoi bon vouloir combler le néant. Et dire qu’ils le savent, et que leur orgueil s’acharne !
Peut-être venu avec des a priori, le lecteur commence par s’étonner de l’apparence graphique un peu rugueuse, et de la très courte période retenue. Il entame sa lecture et apprécie sa fluidité, la richesse et la solidité de la reconstitution historique, la manière dont le mouvement impressionniste est montré du point de vue de Gustave Caillebotte. Il repère également l’art consommé avec lequel l’artiste intègre des évocations des tableaux du maître, et de quelques autres peintres. Il comprend en quoi ce mouvement pictural va à l’encontre de l’ordre établi et doit se développer en marge des institutions. Une belle réussite.
Des citations bibliques (qui m’ont fait un peu penser à Universal War One) un casting de taulards dangereux à la « Douze salopards », et un scénario qui mâtine de la bonne SF avec pas mal de fantastique, on entre de plain-pied dans une histoire très rythmée, violente, mais prenante.
En effet, le scénario est bien huilé, et cette entame (l’histoire est prévue en trois tomes) augure d’une série dynamique et intéressante. Si certains flash-backs nous font découvrir le passé de certains protagonistes, il reste beaucoup de zones d’ombre. Idem pour l’histoire, qui nous mène sur une planète inconnue, un « mur noir » quasi infranchissable cachant une civilisation perdue.
Si les taulards recrutés/sacrifiés pour percer ce mystère (accompagnés d’un officier chargé de les « escorter ») se révèlent pour le moment moins « fous » que je ne le pensais, ce premier tome est déjà très bien mené, pose le décor, situe les personnages, et est rempli d’action.
Surtout, il pose pas mal de questions (sur cette civilisation, ces ruines entrevues, sur ce brouillard qui déchaine les « monstres »). Et il se finit sur un gros cliffhanger !
Un tome inaugural qui donne envie de lire la suite en tout cas.
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MAJ après lecture du tome 2:
Un deuxième tome moins surprenant et original, et un peu frustrant, puisqu'il n'y est plus (momentanément !?) question du mystère de la planète Képler. Le récit est bâti ici sur des flash-backs, mais aussi sur la révolte qui gronde, menée par les rescapés de l'équipe de "salopards" découverts dans le tome précédent. Le début de la fin pour la dictature du Gouverneur ? On en sait en tout cas un peu plus sur le fonctionnement de ce régime, entre jeux du cirque romain (tendance Roller Ball) et cynisme censure/propagande de pas mal de régime contemporains.
Si Kepler est absente de cet album, celui-ci est dynamique et très rythmé, l'action ne manque pas, et l'intrigue donne toujours envie de connaitre la suite. C'est une série intéressante en tout cas.
Note réelle 3,5/5.
Entamer la lecture de « D’or et d’oreillers » équivaut un peu à franchir le fameux miroir d’Alice. D’abord, il y a cette très jolie couverture mise en valeur par la technique d’impression à l’or (logique) du titre, un travail éditorial soigné très en phase avec le contenu empreint d’une fine poésie. Parce que cet album est une véritable gâterie d’un point de vue graphique, parvenant d’emblée à envelopper le lecteur comme le ferait un drapé de soie, et c’est bien cette sensation qui nous accompagnera sans discontinuer au fil des pages. Le travail sur le dessin est tout à fait remarquable, sur ce plan, il est rare qu’une œuvre de bande dessinée procure une telle extase. Il y a la grâce et la sensualité du trait, la diversité dans la palette de couleurs, agencées avec un goût incomparable, le tout étayé par une mise en page variée, avec nombre de pleines pages se laissant admirer avec bonheur. Mayalen Goust montre ici toute l’étendue de son talent, bien plus que n’auraient pu les faire ses précédentes productions, qui pourtant livraient déjà un bon aperçu de son potentiel artistique. « D’or et d’oreillers » est dans la parfaite lignée d’une autre parution sortie il y a trois ans, "Le Jardin – Paris" de Gaëlle Geniller, qui produisait également un effet très similaire.
Pour illustrer ce récit se déroulant dans le cadre de l’Angleterre victorienne, l’autrice mêle avec brio et délicatesse un style un peu gothique à un art nouveau revisité, ce dernier étant incontestablement le mouvement artistique le plus sensuel de l’Histoire européenne. Ainsi, une telle approche est tout à fait appropriée pour narrer cette histoire d’amour (apparemment) impossible entre un jeune lord reclus dans son immense château et une « roturière », la néanmoins belle et mystérieuse Sadima.
La fascination de l’objet se trouve renforcée par le choix du genre, le conte. Le récit de Flora Vesco, dont s’est inspiré Mayalen Goust, respecte les fondamentaux avec tout ce qu’il faut de noirceur nécessaire. Avec moult références aux grands classiques : « Cendrillon », « La Belle et la Bête », « La Princesse et le Petit Pois », « Alice au pays des merveilles » (avec ici un lapin qui va mal finir) … Et c’est bien la magie du conte qui permet de métaphoriser cette relation toxique et fusionnelle entre une mère diabolique et son fils pris au piège de sa folie possessive, repoussoir inébranlable pour toutes les potentielles épouses. Autour d’un axe narratif linéaire viennent s’enrouler des digressions très oniriques mais complémentaires. La seule chose que l’on pourrait regretter est que la tension liée à la folie inhérente à l’histoire, cette tension caractéristique des contes qui fait que l’on adore sentir ses cheveux se dresser sur la tête, apparaît quelque peu diluée par l’écrin graphique dans son extravagance poétique.
Malgré ce très léger bémol, « D’or et d’oreillers » demeure une belle réussite, offrant à nos yeux ébahis un très bel univers pour enchanter nos âmes de ses chatoiements. On sera presque surpris de voir que l’ouvrage n’ait pas été publié dans le cadre de la collection Métamorphose, cette dernière ayant réussi à se distinguer en faisant de la féérie sa ligne éditoriale. Ce livre ressortira très certainement comme un des musts de l’année, prouvant par la même occasion, et on ne pourra que s’en réjouir, la place croissante et légitime occupée par les femmes dans la bande dessinée.
3.5
Parodier la bible n'est pas nouveau et j'avais peur de ne voir que du déjà vu. Mes craintes ont été vite balayées lorsque les premiers gags m'ont bien fait rire et que cela a continué durant tout l'album qui comporte peu de gags pourris.
Faire des gags en une ou deux pages est un exercice difficile selon moi et le scénariste s'en sort bien. Les gags basés sur les dialogues m'ont fait penser à du Fabcaro et du Trondheim. Il y aussi des gags un peu trash qui je pense vont plaire aux amateurs du genre. On revoit les grands moments de l'ancien et du nouveau testament et vers la fin on a des gags qui se passent à différentes époques historiques, ce qui permet à l'album de bien se renouveler.
Je sais pas trop quoi dire de plus hormis que c'est une BD humoristique qui m'a fait rigoler. Le seul défaut est que le dessin est un peu pauvre et je n'aime pas trop comment sont dessinés les humains, mais au moins c'est lisible et la mise en scène est bien faite, ce qui est le minimum que je demande au niveau du dessin.
Répondre à des petits tests sur la question
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Comme son titre l’indique, ce tome constitue un exposé historique sur l’éducation. Sa première publication date de 2024. Il a été réalisé par Jean-Yves Seguy (maître de conférence émérite en sciences de l’éducation à l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne) pour le scénario, par Eva Rollin (bédéiste de profession) pour les dessins, et Nicolas Bègue (coloriste professionnel) pour la mise en couleurs. Il comprend environ deux-cent-cinquante pages de bandes dessinées. En fin d’ouvrage se trouve un chapitre sources et bibliographie de neuf pages. Puis viennent deux pages de notes et références des citations. Suivent deux pages listant les images gravures, photographies et autres qui ont été utilisées comme appui documentaire par la dessinatrice, qui a systématiquement réinterprété ces images, ajoutant ainsi sa propre créativité à l’œuvre originale, une page de remerciements et une page pour la table des matières.
Chapitre I : Préhistoire, des formes élémentaires de transmission. On ne sait pas vraiment grand-chose de la manière d’éduquer à la préhistoire. Les traces ne permettent que de formuler quelques hypothèses. Que se passe-t-il à la fin du Paléolithique avec l’ami Cro-Magnon ? On peut parler d’éducation naturelle, face à un environnement hostile. Les jeunes vivent avec les adultes et apprennent à leur contact. On apprend en participant à la vie collective. On fait avec… On apprend en imitant. On apprend en observant. On fait ensemble. On en sait peu sur les rapports de domination de l’époque… mais la femme avait peut-être une place plus importante que ce que les premiers préhistoriens avaient imaginé. La plupart des représentations des humains dans l’art préhistorique ne sont pas sexuées… et, quand elles le sont, les femmes sont très présentes. Enfin, bref, on est bien loin de l’école, encore que !
Chapitre II : L’éducation chez les Gaulois. Pour les Gaulois, l’éducation, réservée à une élite, devait se faire au contact de la nature, de la forêt, du monde animal… on y apprend les cycles de la nature… et de la chasse… et aussi un peu la guerre ! Une éducation fortement teintée de magie, essentiellement orale, sous la forme de chants poétiques. Cette éducation est assurée par les druides. Le druide est un personnage central du monde gaulois, assurant des fonctions religieuses, politiques et éducatives. Et puis il y avait les bardes – une sous-catégorie de druide –, spécialistes des chants religieux ou guerriers… Les bardes étaient classés en dix catégories selon la capacité de leur mémoire. Les champions pouvaient connaître par cœur jusqu’à 350 histoires. On l’a compris, l’éducation chez les Gaulois est surtout une affaire orale. Jules César (100-44 avant J.-C.) s’est beaucoup interrogé sur les raisons de ce refus de l’écrit pour transmettre les connaissances. Cela dit, il faut se méfier de ce que disait César. Cette image des Gaulois provient pour beaucoup de son best-seller La Guerre des Gaules… et on peut s’interroger sur l’objectivité des propos d’un acteur essentiel de cette époque, qui plus est, vainqueur desdits Gaulois !
Dans l’avant-propos, l’auteur énumère les questions abordées, ainsi que les choix effectués pour concevoir cet exposé. Qui a inventé l’école ? Qu’enseigne-t-on dans l’université du Moyen-Âge, dans les collèges de l’Ancien Régime, dans les écoles primaires de la Troisième République ? Comment l’enseignement s’adapte-t-il aux situations de guerre ? Quelles sont les conceptions de l’éducation dans la famille dans l’Antiquité, au Moyen-Âge ou au XXe siècle ? Quelle place accorde-t-on à l’éducation des filles tout au long de cette histoire ? […] Écrire une histoire de l’éducation, comme toute histoire, suppose des choix et des renoncements. La vérité historique n’existe pas dans l’absolu, et il faut, de ce fait, rendre scrupuleusement compte de ses sources… et expliciter ses choix. Il a ainsi été décidé de limiter le propos à l’espace géographique et politique de la France, non que l’histoire de l’éducation d’autres pays manquât d’intérêt, mais une histoire universelle aurait nécessité une large multiplication du nombre de pages de l’ouvrage. […] Le lecteur constate que l’ouvrage retrace plus les formes de cadres structurés de système scolaire, que l’action en elle-même, c’est-à-dire la façon de développer les facultés intellectuelles et morales de l’enfant, même si cette facette est reflétée par les différentes structures éducatives.
L’ouvrage se compose de neuf chapitres chronologiques, en plus de l’avant-propos : Préhistoire (des formes élémentaires de transmission), Antiquité (un modèle d’éducation autoritaire), Moyen-Âge (des expériences multiples qui s’organisent peu à peu), Renaissance et Ancien Régime (la construction de la forme scolaire), Révolution (de grandes ambitions… et des réalisations relativement modestes), Consulat et Empire (un monde éducatif sous contrôle), XIXe siècle, de la Restauration aux débuts de la IIIe République (des luttes pour le contrôle de l’éducation), XXe siècle (l’ère des grands bouleversements), XXIe siècle (suite de l’histoire… et nouveaux enjeux). L’auteur tient toutes les promesses contenues dans l’avant-propos. Il contextualise les notions qui sont passées dans la culture populaire, voire dans l’inconscient collectif, par exemple la culture orale des Gaulois, la prédominance tenace du latin dans les études pendant de nombreux siècles, la présence de l’Église dans les structures de l’éducation (également pendant de nombreux siècles). Il évoque de nombreux personnages historiques passés à la postérité pour leur apport à l’éducation : Charlemagne (742-814, A-t-il eu un jour cette idée folle d’inventer l’école ?), Ignace de Loyola (1491-1556, fondateur de la Compagnie de Jésus, c’est-à-dire les Jésuites), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778, Émile ou De l’éducation), Jules Ferry (1832-1893, lois de 1881 & 1882, sur la gratuité, l’obligation d’instruction et la laïcité), Élise (1898-1983) & Célestin Freinet (1896-1966, Pédagogie Freinet), Maria Montessori (1870-1952, méthode Montessori).
Le lecteur découvre également des personnages dont le nom lui dit vaguement quelque chose ou dont il n’a jamais entendu parler : Christine de Pizan (1363-1431, égalité de nature entre l’homme et la femme en matière éducative), Jean Standonck (1443-1504, le collège Montaigu de Paris), Claudio Acquaviva (1543-1615, le Ratio Studorium), Angèle Merici (1474-1540, congrégation des Ursulines, créée en 1535), Madame de Maintenon (1635-1719, fondation de l’école de Saint-Cyr), Poulain de la Barre (1647-1723, un ouvrage pour l’égalité des filles et des garçons dans l’éducation), Joseph Lakanal (1762-1845, ouverture d’écoles publiques et d’écoles privées), Antoine-François Fourcroy (1755-1809, création des lycées), Augustine Fouillé (1833-1923, Le tour de France par deux enfants), etc. Le découpage en période lui permet de garder le fil chronologique. À la fois pour les grands événements historiques politiques, mais aussi pour des inventions majeures comme celle de l’imprimerie par Johannes Gutenberg (1400-1468), les différents plans d’éductions, par exemple ceux après la Révolution de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838), Nicolas de Condorcet (1743-1794), Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau (1760-1793), ou encore les enjeux de l’éducation pendant les périodes de guerre, en particulier la première et la seconde guerre mondiale.
Le lecteur a bien conscience de la nature de l’ouvrage qu’il s’apprête à lire : un exposé de nature universitaire, dépassant largement la simple vulgarisation. Il sait que ce genre d’ouvrages se présente avec de copieux textes, et une place très contrainte pour la dimension bande dessinée. Au pire, il s’agit d’une collection de vignettes illustrant littéralement ce que dit le texte avec une tentative humoristique de ci de là, au mieux l’exposé a été conçu avec la bédéiste pour assurer un minimum d’interaction. Cet ouvrage n’échappe pas au principe du texte illustré. Pour autant, la dessinatrice n’est pas cantonnée à montrer des personnalités en plan serré, en train de parler. La narration en images recouvre plusieurs champs d’expression. L’artiste réalise des dessins un peu simplifiés, oscillant entre une description fidèle, et une exagération comique. Dans le premier registre, elle reproduit l’apparence connue des femmes et hommes célèbres, ainsi que certains tableaux, ou documents visuels, toujours en citant ces derniers dans la case, donnant ainsi la latitude au lecteur d’aller consulter l’original par lui-même. Elle intègre des éléments historiques dans ses cases, de manière à ancrer la scène dans l’époque. Dans le second registre, elle force les expressions des visages, les postures, elle intègre quelques anachronismes (difficile de résister à Christine de Pizan répondant au micro d’un intervieweur), et quelques comportements récurrents en coordination avec des remarques récurrentes. Elle rend l’exposé plus vivant, et plus incarné.
Cette bande dessinée développe un exposé sans mesure commune avec une simple énumération. Très vite, le lecteur relève deux thèmes majeurs récurrents : la question du latin dans l’enseignement, l’enseignement destiné aux filles (au pire inexistant, au mieux au rabais par rapport à celui des garçons). Même s’il se doutait que Rome ne s’est pas faite en un jour, il n’anticipait pas forcément de voir chaque étape de la forme de l’organisation éducative qu’il connaît en France, école maternelle, école primaire, enseignement secondaire, enseignement supérieur, avec les structures nécessaires pour former les enseignants, l’idée de consacrer des bâtiments à l’éducation, la coexistence d’une école religieuse et d’une école laïque dans des proportions très variables en fonction des siècles, la notion de programme scolaire, jusqu’aux inspecteurs. Il apprécie de découvrir des enjeux de nature très différentes : imposer l’école à des parents qui font travailler leurs enfants, d’où viennent les bons points (du Maréchal), l’affichage contre l’alcoolisme dans les classes, etc. Outre une vision détaillée de l’évolution des structures éducatives, le lecteur en ressort avec la compréhension que le modèle d’aujourd’hui provient d’une évolution sur le long terme, qu’il n’est pas immuable, et il lui revient à l’esprit que l’éducation ne figure pas dans les ministères régaliens de l’État.
À nouveau un titre très ambitieux dans la collection L’incroyable histoire de…, à nouveau une réussite. Le scénariste est un expert en la matière, et le lecteur perçoit qu’il plonge dans un ouvrage enrichi par une longue pratique, sachant respecter l’ordre chronologique tout en montrant que la construction du système éducatif a fait des tours et des détours, prenant un soin exemplaire à citer ses sources, faisant apparaître les enjeux pérennes. La narration visuelle ne se limite pas à une simple caution pour rentrer dans le champ de la BD, elle montre les différents personnages historiques ce qui rend l’exposé incarné, elle apporte des touches d’humour très humaines, elle montre l’époque, elle fait ressortir les hypocrisies et les injustices. Magistral.
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Gourmet Détective
Un Manga coup de cœur je savoure! J'ai vraiment apprécié le début de cette série. Ma BM n'ayant que les quatre premiers numéros je vais vite acheté le nouveau. J'ai trouvé le scénario bien construit avec ce duel à distance entre le beau détective dandy, Akechi et sa rivale en mode femme fatale tueuse à distance, la séduisante Mary. Il faut accepter le manque de crédibilité de la facilité de contact entre Mary et ses disciples potentiels qui deviennent des assassins. L'originalité du récit est dans ce mélange de finesse et de brutalité voire de gore dans le tome 3. Une finesse que partage Mary et Akechi à travers la cuisine française et japonaise dans leurs versions traditionnelles basées sur la qualité des produits. Mais aussi les deux rivaux partagent un goût prononcé pour la culture classique occidentale ou japonaise. La brutalité voire la sauvagerie se retrouve dans les meurtres ( liés à l'univers de la cuisine) perpétués par des assassins tous très … sympathiques. L'autrice, Akiko, réussit à créer une ambiance très étrange qui m'a tenu en haleine toute ma lecture .De plus Akiko parsème son récit de passage remplis d'humour à la fois dans la relation Akechi-Go ("mon nom est Hichigo!") sa collaboratrice et formidable cuisinière de bento. Mais Akiko en profite aussi pour épingler les travers de la jeune génération ( inculture, malbouffe, inélégance, vestimentaire, smartphone) en effet miroir d'un Akechi très BG Oldschool. Il y a même une pointe d'autodérision sur son propre graphisme qui peint ses JF de 25 ans comme des ados de 13-15 ans dans une scène du T4 très drôle. Le graphisme est un Manga très classique avec un personnage masculin très lisse et androgyne et des personnages féminins classiquement très gamines à l'exception de Mary. Une belle découverte d'une série très bien construite avec de bons rebondissements et un texte intéressant.
Corto Maltese
Oups ! en terminant "La ligne de vie" je me suis aperçu que je n'avais pas avisé Corto Maltese! Je reviendrai plus tard sur les opus 13-17 (à ce jour) Canales/Pellejero pour me circonscrire aux 12 opus Hugo Pratt (comme sur le site). Je suis de la génération Corto, et Pratt avec Bilal sont les deux auteurs qui m'ont fait sortir de la BD jeunesse. Ce ne fut pas simple tellement Corto est un personnage aux antipodes d'un Tintin par exemple. Il faut probablement avoir soi-même un certain vécu dans plusieurs domaines ( histoire, voyage, littérature) pour bien savourer l'univers de Pratt. En effet la narration parfois très poétique, des personnages énigmatiques et ambigus des lieux hors des circuits traditionnels rendent la lecture rébarbative ou passionnante. Corto c'est aussi l'apparition, dans le monde un peu figé de la BD, de personnages non Blancs d'une grande dignité et profondeur psychologique et graphique. C'est l'éclosion d'un monde nouveau post colonial qui se crée sur les désillusions et les injustices de l'ancien. Car Corto promène partout sur les océans et les continents sa désillusion des causes justes condamnées à se soumettre ou à utiliser des moyens peu nobles. Le graphisme souvent en N&B fut aussi une rupture d'un monde ancien. En travaillant principalement sur les expressions énigmatiques des personnages au discours rares mais précieux Pratt nous fais plonger encore plus profondément dans cette atmosphère onirique presque fantastique. On peut probablement ne pas aimer Corto à l'exemple de Tintin. Il reste toutefois un personnage incontournable de l'histoire de la BD.
Servitude
Un vrai (très) bon classique de Medieval Fantasy. Et comme j'aime beaucoup ce genre, j'ai beaucoup aimé cette lecture. Dès les premières pages, on sent une forte ambition, tant graphique que narrative. Éric Bourgier offre un dessin d’une richesse remarquable, où chaque case est travaillée comme un tableau. Les détails sont omniprésents, que ce soit dans les visages, les décors ou les costumes, et le choix des teintes sépia et ocres renforce ce sentiment de plonger dans une chronique ancienne. J'ai eu peur au début que cette palette uniforme manque de contraste, mais je m'y suis très bien fait et elle donne une patine qui fonctionne très bien avec le récit. L’univers en lui-même est foisonnant. Fabrice David et Éric Bourgier ont manifestement puisé dans une multitude de références historiques et mythologiques pour construire un monde crédible et complexe. On y retrouve des échos de civilisations antiques, de grands sièges médiévaux et de légendes anciennes. Les annexes en fin de volume, avec leurs cartes et leur lexique, témoignent du travail de fond impressionnant qui soutient le récit. Cet effort de cohérence est appréciable, même s’il peut parfois sembler très dense : la profusion de personnages, de royaumes et de factions demande une lecture assez concentrée. Les enjeux se dévoilent par couches successives, avec une mise en place qui prend son temps pour poser les bases d’une fresque complexe. Ce n’est pas une lecture légère ou immédiate : il faut s’installer, revenir parfois en arrière pour saisir toutes les nuances, mais l’effort est largement récompensé. Des paysages grandioses, des intrigues tissées avec minutie et ce sentiment d’avoir entre les mains une œuvre pensée sur le long terme. Une proposition qui élève clairement la barre dans le domaine du médiéval-fantastique et qui mérite qu’on s’y attarde.
Connexions
Je passe mon avis de 4 à 3 après la lecture du 2e tome. Le principe de l'axonométrie, cette mise en page très originale et qui fonctionne très bien ne suffit pas pour moi à relever un certain manque de profondeur. J'aime beaucoup le principe de cette mosaïque d’histoires et de personnages, où chaque fragment semble murmurer un bout de vérité. Pas de grande intrigue ou de résolution éclatante ici, mais une exploration subtile des liens invisibles qui nous relient – ou nous isolent, d'où le nom de cette BD. Le dessin de Jeanneau est à la fois précis et épuré, avec ce qu’il faut de retenue pour laisser l’imagination combler les blancs. Les cases oscillent entre le plein et le vide. Les personnages évoluent dans des trajectoires fragmentées, comme des satellites qui gravitent les uns autour des autres sans toujours se croiser. On sent chez eux une quête, un besoin de sens ou d’appartenance, mais aussi cette cruelle difficulté à se comprendre ou à se raccrocher au monde. Jeanneau capte avec justesse ces moments suspendus, où tout semble possible mais où rien ne se passe vraiment. Et c'est la que le bât blesse pour moi, on sent que l'auteur n'est pas là pour donner des réponses mais poser des questions, pour ouvrir des espaces de réflexion sur ce qui nous unit. Seulement cela se fait je trouve au détriment d'une compréhension plus profonde des personnages, de ce qui les anime. C'est cette mise en page en forme d'alvéoles qui avait retenu mon attention à la base. Loin d'être déstabilisante, je trouve que cela permet de mettre le focus sur l'endroit ou l'auteur a envie de le mettre et permet d'ajouter du contexte avec la bonne dose pour que cela serve l'histoire. Et c'est justement je pense aussi le bon médium pour donner de l'épaisseur à des personnages qui en manquent un peu. Peut être trop de personnages à développer dans un format aussi court ? Parce qu'avec de grandes illustrations en pleine page qui viennent poser des respirations, il reste peu de temps pour cela. C'est donc à la fois une très belle surprise sur le fond (cette thématique des connexions qui nous lient) et la forme (avec cette mise en page particulière) mais aussi la frustration d'un scénario qui manquent pour le moment d'épaisseur.
Blast
Je mets un 4 car il est objectivement impossible de mettre en dessous. Et je comprends très bien qu'on puisse considérer cette oeuvre comme culte. 7 ans, cela faisait 7 ans qu'il trônait dans ma bibliothèque car c'était un cadeau et un beau cadeau. Mais un cadeau que j'appréhendais de lire car je sentais que je n'allais pas y prendre beaucoup de plaisir. Et ça a malheureusement été le cas. C’est une œuvre qui frappe par sa densité, autant par le récit que par l’atmosphère qui s’en dégage. Polza Mancini n’est pas qu’un personnage, c’est un concept, une masse de souffrance et de lucidité qui cherche un absolu insaisissable. Avec lui, on se perd dans une quête mystique où le “blast” devient à la fois une échappatoire et une confrontation brutale avec l’essence de l’existence. Larcenet explore ici la puissance brute de la bande dessinée, un médium capable de condenser en une page un moment de vie, une pensée ou une émotion, qui s’imprime directement dans l’esprit du lecteur. Le trait en noir et blanc, tantôt épuré, tantôt oppressant, semble sculpter la psychologie du personnage autant qu’il illustre l’histoire. On ressent presque physiquement le poids des lavis, des noirs denses, des silences. La narration est lente, immersive, et pour moi souvent frustrante. Je comprends que c’est précisément cette lenteur qui permet de creuser les méandres de l’esprit de Mancini mais c'est ce qui a aussi un peu transformé ma lecture en chemin de croix si je suis honnête. . L’errance de Polza, c’est aussi celle d’un homme en rupture avec tout : les normes, la société, et même lui-même. Il y a dans cette série une rage sous-jacente, une volonté de fuir le monde rationnel pour un absolu qui se dérobe à chaque “blast”. Mais c’est aussi une histoire d’échec, celui de ne jamais pouvoir se libérer de sa propre existence, de sa propre souffrance. Les interactions entre Polza et les policiers qui l’interrogent ajoutent un niveau supplémentaire : on ne sait jamais vraiment qui manipule qui, ni où se situe la vérité. Ce récit est une démonstration de la transformation de Larcenet en auteur majeur, dépassant son héritage humoristique pour entrer dans une maturité artistique pleine de paradoxes. Pourtant, cette longueur m'a laissé une impression d’étirement, ça a été mon cas. Si chaque page est un plaisir visuel et narratif, on peut se demander si l’intrigue elle-même justifie 800 pages.
Gustave Caillebotte
On nous assimile à des Communards. Alors faisons la Commune de l’Art. - Ce tome contient une biographie de Gustave Caillebotte sur une courte période de sa vie. La première édition date de 2017. Il a été réalisé par Laurent Colonnier, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend quarante-six pages de bande dessinée. Il se termine par un dossier de sept pages, intitulé Le célèbre inconnu, rédigé par Dimitri Joannidès. Après une courte introduction en un paragraphe, il développe la vie de l’artiste au fil de chapitres intitulés Une enfance dorée, Vers l’émancipation, Le legs Caillebotte, Le compagnonnage impressionniste, Les raboteurs de parquet, Le jardin du postimpressionnisme, Un visionnaire en avance sur son temps. Ce dossier est agrémenté de reproductions de tableaux de l’artiste : Autoportrait (vers 1882), Partie de bateau ou Le canotier au chapeau haut-de-forme (1878), Vue depuis le balcon (1880), La Seine à Argenteuil (1882), Les raboteurs de parquet (1875), Baigneurs se préparant à plonger bord de l’Yerres (1878), Vue des toits effets de neige à Paris (1878). Dans le Palais de l’Industrie, à Paris, en 1875, un groupe d’hommes commentent les tableaux exposés. Les critiques fusent : quelle horreur ! C’est pire chaque année ! Manet et sa clique font des émules. Ils continuent : Une peinture se doit d’être historique, religieuse ou mythologique, certainement pas vulgaire. Des raboteurs de parquet, ce n’est pas un sujet. Ce panneau peut tout juste servir d’enseigne à un artisan, mais n’a aucunement sa place au Salon officiel. Les trois hommes se penchent sur le cas particulier du tableau de Caillebotte, le jugement tombe : C’est de la peinture de démocrate, de ces hommes qui ne changent pas de linge et veulent s’imposer au monde. Messieurs du jury, le verdict est donc unanime : Refusé ! Le salon est un organisme de protection et de salubrité publique. Édouard Manet et Auguste Caillebotte prennent un fiacre pour rentre chez eux, tout en devisant : Le monde moderne n’a que faire de la mythologie, le labyrinthe moderne n’est pas celui de Dédale, mais celui du baron Haussmann. Les gens se perdent dans toutes ces façades identiques. L’homme moderne est un fantôme qui glisse silencieusement sur le pavé mouillé de la ville grise. Ils estiment que le salon reste figé sur de vieilles lunes, ils refusent de voir que le monde change. Manet descend car son atelier est à deux pas, tout en saluant Caillebotte, et en l’assurant qu’il est un grand peintre et qu’il ne doit jamais laisser personne dire le contraire. Caillebotte continue de réfléchir : pourquoi figer la perspective dans des règles aussi strictes ? Après tout Piero Della Francesca dépeignait la modernité de son époque comme il la voyait. Pourquoi ne pourrait-on dépeindre sa propre modernité ? Ils sont dans l’ère de l’industrie, de la vapeur, des trains et des gares. Il est de retour dans l’hôtel particulier familial. Une lettre l’attend : une invitation des intransigeants à venir exposer à leur côté, le groupe de peintres refusés au salon officiel qui ont exposé il y a deux ans chez Nadar. Le lecteur constate d’entrée de jeu qu’il ne s’agit pas d’une biographie complète de l’artiste : le récit commence en 1875, alors que la tableau Raboteurs parquet est refusé au Salon de peinture et de sculpture (dit le Salon), il s’achève avec la troisième exposition des impressionnistes en 1877. Intégrée, se trouve une séquence dans le passé de la page huit à la page treize, montrant le peintre solliciter la participation d’un raboteur de parquet travaillant dans un appartement de l’autre côté de la rue, qu’il aperçoit travailler depuis son appartement, pour réaliser son tableau. L’auteur s’attache à faire revivre ce moment charnière dans l’histoire de l’art, depuis le point de vue de Caillebotte, à la fois artiste, mécène et participant à l’organisation d’une exposition d’impressionnistes, fréquentant plusieurs autres peintres, et ami de Manet. C’est ainsi qu’il croise, outre Édouard Manet (1832-1883) : Auguste Renoir (1841-1919), Henri Rouart (1833-1912), Edgar Degas (1834-1917), Berthe Morisot (1841-1895), Paul Cézanne (1839-1906), Claude Monet (1840-1926) & Camille Monet (1847-1879), Paul Durand-Ruel (1831-1922), Camille Pissarro (1830-1903), Alfred Sisley (1839-1899). Lors d’une discussion, une partie de ces artistes évoquent le jugement d’Émile Zola (1840-1902) sur les Raboteurs de parquet : Caillebotte a exposé les raboteurs de parquet et un jeune à sa fenêtre d’un relief étonnant. Seulement c’est une peinture tout à fait anti-artistique, une peinture claire comme le verre, bourgeoise à force d’exactitude. La photographie de la réalité, lorsqu’elle n’est pas rehaussée par l’empreinte originale du talent artistique, est une chose pitoyable. Le premier contact avec les dessins peut s’avérer déconcertant : le lecteur voit des traits encrés un peu irréguliers, des traits fins pour les contours, des aplats de noir aux formes irrégulières non lissées. Cela donne une sensation de réalité perçue un peu grossièrement, une impression de description pas entièrement précise, pouvant être perçue comme désagréable. Dans le même temps, l’artiste a investi un temps et une énergie considérable pour réaliser une reconstitution historique solide, fiable et tangible. Le lecteur le constate dès la première case avec la façade du palais de l’Industrie : une reproduction détaillée, les arcades, les colonnes, les statues, la forme des toits, jusqu’au trottoir planté, alors que l’impression de surface est celle d’un dessin pas bien fini du fait de traits de contours un peu irréguliers. La scène passe en intérieur, et la verrière est montrée avec le même souci d’exactitude. Lors du trajet en fiacre, le lecteur peut admirer les façades d’immeubles parisiens haussmanniens, reconnaître les places, identifier le modèle de candélabre, retrouver la structure métallique caractéristique du pont de l’Europe, sans oublier les pavés parisiens et les persiennes aux fenêtres. Par la suite, il ralentit son rythme de lecture pour regarder le Café de la Nouvelle Athènes place Pigalle, le moulin de la Galette sur la butte Montmartre, la rue Moncey, ce qu’il reste du palais des Tuileries après la Commune, etc. Il prend tout autant plaisir à regarder les intérieurs, ceux de l’hôtel particulier des Caillebotte, ou de l’appartement accueillant la troisième exposition des impressionnistes, ainsi que l’aménagement des différents cafés parisiens fréquentés par ces artistes. Dans le même temps, le lecteur observe que la mise en couleurs vient nourrir chaque surface détourée, le plus souvent avec une approche de camaïeu autour de la couleur réaliste principale, déclinée en nuances pour rehausser le relief de la forme détourée. Il note dès la deuxième case que l’artiste change de technique et de palette de couleurs pour la représentation du tableau Raboteurs de parquet : avec un résultat évoquant plus l’œuvre d’art, qu’un facsimilé à base de contours détourés à l’encre. Il en a la confirmation en page huit, dans une case représentant les raboteurs à l’œuvre dans l’appartement en vis-à-vis de la pièce où se tient caillebotte : à nouveau l’artiste utilise la couleur directe, établissant le lien visuel avec l’œuvre d’art. D’ailleurs cette technique s’étend également au torse nu de l’ouvrier devenu modèle, avec lequel le peintre discute. Colonnier mixe cette technique avec quelques traits de contour pour les formes principales, afin d’évoquer les autres œuvres d’art présentées lors des différentes expositions, facsimilés qui fonctionnent parfaitement, l’esprit du lecteur effectuant instantanément l’association avec les chefs d’œuvre évoqués. Ayant repéré ce dispositif chromatique, le lecteur le relève à chaque utilisation, et voit comment il sert aussi de repère pour souligner l’évocation d’autres toiles de Caillebotte dans une séquence, comme décor naturel ou urbain. Le lecteur réalise rapidement que l’auteur a choisi de focaliser son histoire sur ces trois années où convergent les impressionnistes au moment des expositions, remettant en cause l’ordre établi. Il perçoit ce mouvement artistique du point de vue Caillebotte, individualité bien distincte, artiste jouissant de la fortune familiale, à l’abri du besoin, achetant des toiles à ses contemporains, leur venant en aide financièrement pour certains. Il découvre son credo artistique en début d’album lors de la discussion avec Manet : dépeindre sa propre modernité. L’auteur sait inclure de manière organique sa méthode de travail : réalisation de nombreux dessins préparatoires, décomposer la toile en carrés, effectuer plusieurs esquisses, jouer sur la perspective en la tronquant, etc. La bande dessinée s’achève avec une réflexion du peintre sur le sens (et la futilité) de leur art : chercher dans la matière, chercher dans les pigments, chercher à faire surgir la lumière de l’opacité. Pas étonnant que les gens les prennent pour des fous. Les peintres se consolent d’être injuriés, d’être niés en comptant sur la postérité, sur l’équité des siècles à venir. Mais si les générations futures se trompaient et préféraient d’aimables bêtises aux œuvres fortes, alors leurs existences de forçats cloués au travail, pour quoi ? Comment rester debout sous les huées sans l’illusion consolante d’être aimé un jour. Quand la Terre claquera dans l’espace comme une noix sèches, leurs œuvres n’ajouteront pas un atome de poussière. À quoi bon vouloir combler le néant. Et dire qu’ils le savent, et que leur orgueil s’acharne ! Peut-être venu avec des a priori, le lecteur commence par s’étonner de l’apparence graphique un peu rugueuse, et de la très courte période retenue. Il entame sa lecture et apprécie sa fluidité, la richesse et la solidité de la reconstitution historique, la manière dont le mouvement impressionniste est montré du point de vue de Gustave Caillebotte. Il repère également l’art consommé avec lequel l’artiste intègre des évocations des tableaux du maître, et de quelques autres peintres. Il comprend en quoi ce mouvement pictural va à l’encontre de l’ordre établi et doit se développer en marge des institutions. Une belle réussite.
Noir Horizon
Des citations bibliques (qui m’ont fait un peu penser à Universal War One) un casting de taulards dangereux à la « Douze salopards », et un scénario qui mâtine de la bonne SF avec pas mal de fantastique, on entre de plain-pied dans une histoire très rythmée, violente, mais prenante. En effet, le scénario est bien huilé, et cette entame (l’histoire est prévue en trois tomes) augure d’une série dynamique et intéressante. Si certains flash-backs nous font découvrir le passé de certains protagonistes, il reste beaucoup de zones d’ombre. Idem pour l’histoire, qui nous mène sur une planète inconnue, un « mur noir » quasi infranchissable cachant une civilisation perdue. Si les taulards recrutés/sacrifiés pour percer ce mystère (accompagnés d’un officier chargé de les « escorter ») se révèlent pour le moment moins « fous » que je ne le pensais, ce premier tome est déjà très bien mené, pose le décor, situe les personnages, et est rempli d’action. Surtout, il pose pas mal de questions (sur cette civilisation, ces ruines entrevues, sur ce brouillard qui déchaine les « monstres »). Et il se finit sur un gros cliffhanger ! Un tome inaugural qui donne envie de lire la suite en tout cas. **************************** MAJ après lecture du tome 2: Un deuxième tome moins surprenant et original, et un peu frustrant, puisqu'il n'y est plus (momentanément !?) question du mystère de la planète Képler. Le récit est bâti ici sur des flash-backs, mais aussi sur la révolte qui gronde, menée par les rescapés de l'équipe de "salopards" découverts dans le tome précédent. Le début de la fin pour la dictature du Gouverneur ? On en sait en tout cas un peu plus sur le fonctionnement de ce régime, entre jeux du cirque romain (tendance Roller Ball) et cynisme censure/propagande de pas mal de régime contemporains. Si Kepler est absente de cet album, celui-ci est dynamique et très rythmé, l'action ne manque pas, et l'intrigue donne toujours envie de connaitre la suite. C'est une série intéressante en tout cas. Note réelle 3,5/5.
D'or et d'oreillers
Entamer la lecture de « D’or et d’oreillers » équivaut un peu à franchir le fameux miroir d’Alice. D’abord, il y a cette très jolie couverture mise en valeur par la technique d’impression à l’or (logique) du titre, un travail éditorial soigné très en phase avec le contenu empreint d’une fine poésie. Parce que cet album est une véritable gâterie d’un point de vue graphique, parvenant d’emblée à envelopper le lecteur comme le ferait un drapé de soie, et c’est bien cette sensation qui nous accompagnera sans discontinuer au fil des pages. Le travail sur le dessin est tout à fait remarquable, sur ce plan, il est rare qu’une œuvre de bande dessinée procure une telle extase. Il y a la grâce et la sensualité du trait, la diversité dans la palette de couleurs, agencées avec un goût incomparable, le tout étayé par une mise en page variée, avec nombre de pleines pages se laissant admirer avec bonheur. Mayalen Goust montre ici toute l’étendue de son talent, bien plus que n’auraient pu les faire ses précédentes productions, qui pourtant livraient déjà un bon aperçu de son potentiel artistique. « D’or et d’oreillers » est dans la parfaite lignée d’une autre parution sortie il y a trois ans, "Le Jardin – Paris" de Gaëlle Geniller, qui produisait également un effet très similaire. Pour illustrer ce récit se déroulant dans le cadre de l’Angleterre victorienne, l’autrice mêle avec brio et délicatesse un style un peu gothique à un art nouveau revisité, ce dernier étant incontestablement le mouvement artistique le plus sensuel de l’Histoire européenne. Ainsi, une telle approche est tout à fait appropriée pour narrer cette histoire d’amour (apparemment) impossible entre un jeune lord reclus dans son immense château et une « roturière », la néanmoins belle et mystérieuse Sadima. La fascination de l’objet se trouve renforcée par le choix du genre, le conte. Le récit de Flora Vesco, dont s’est inspiré Mayalen Goust, respecte les fondamentaux avec tout ce qu’il faut de noirceur nécessaire. Avec moult références aux grands classiques : « Cendrillon », « La Belle et la Bête », « La Princesse et le Petit Pois », « Alice au pays des merveilles » (avec ici un lapin qui va mal finir) … Et c’est bien la magie du conte qui permet de métaphoriser cette relation toxique et fusionnelle entre une mère diabolique et son fils pris au piège de sa folie possessive, repoussoir inébranlable pour toutes les potentielles épouses. Autour d’un axe narratif linéaire viennent s’enrouler des digressions très oniriques mais complémentaires. La seule chose que l’on pourrait regretter est que la tension liée à la folie inhérente à l’histoire, cette tension caractéristique des contes qui fait que l’on adore sentir ses cheveux se dresser sur la tête, apparaît quelque peu diluée par l’écrin graphique dans son extravagance poétique. Malgré ce très léger bémol, « D’or et d’oreillers » demeure une belle réussite, offrant à nos yeux ébahis un très bel univers pour enchanter nos âmes de ses chatoiements. On sera presque surpris de voir que l’ouvrage n’ait pas été publié dans le cadre de la collection Métamorphose, cette dernière ayant réussi à se distinguer en faisant de la féérie sa ligne éditoriale. Ce livre ressortira très certainement comme un des musts de l’année, prouvant par la même occasion, et on ne pourra que s’en réjouir, la place croissante et légitime occupée par les femmes dans la bande dessinée.
Genèse et Prozac
3.5 Parodier la bible n'est pas nouveau et j'avais peur de ne voir que du déjà vu. Mes craintes ont été vite balayées lorsque les premiers gags m'ont bien fait rire et que cela a continué durant tout l'album qui comporte peu de gags pourris. Faire des gags en une ou deux pages est un exercice difficile selon moi et le scénariste s'en sort bien. Les gags basés sur les dialogues m'ont fait penser à du Fabcaro et du Trondheim. Il y aussi des gags un peu trash qui je pense vont plaire aux amateurs du genre. On revoit les grands moments de l'ancien et du nouveau testament et vers la fin on a des gags qui se passent à différentes époques historiques, ce qui permet à l'album de bien se renouveler. Je sais pas trop quoi dire de plus hormis que c'est une BD humoristique qui m'a fait rigoler. Le seul défaut est que le dessin est un peu pauvre et je n'aime pas trop comment sont dessinés les humains, mais au moins c'est lisible et la mise en scène est bien faite, ce qui est le minimum que je demande au niveau du dessin.
L'Incroyable Histoire de l'éducation
Répondre à des petits tests sur la question - Comme son titre l’indique, ce tome constitue un exposé historique sur l’éducation. Sa première publication date de 2024. Il a été réalisé par Jean-Yves Seguy (maître de conférence émérite en sciences de l’éducation à l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne) pour le scénario, par Eva Rollin (bédéiste de profession) pour les dessins, et Nicolas Bègue (coloriste professionnel) pour la mise en couleurs. Il comprend environ deux-cent-cinquante pages de bandes dessinées. En fin d’ouvrage se trouve un chapitre sources et bibliographie de neuf pages. Puis viennent deux pages de notes et références des citations. Suivent deux pages listant les images gravures, photographies et autres qui ont été utilisées comme appui documentaire par la dessinatrice, qui a systématiquement réinterprété ces images, ajoutant ainsi sa propre créativité à l’œuvre originale, une page de remerciements et une page pour la table des matières. Chapitre I : Préhistoire, des formes élémentaires de transmission. On ne sait pas vraiment grand-chose de la manière d’éduquer à la préhistoire. Les traces ne permettent que de formuler quelques hypothèses. Que se passe-t-il à la fin du Paléolithique avec l’ami Cro-Magnon ? On peut parler d’éducation naturelle, face à un environnement hostile. Les jeunes vivent avec les adultes et apprennent à leur contact. On apprend en participant à la vie collective. On fait avec… On apprend en imitant. On apprend en observant. On fait ensemble. On en sait peu sur les rapports de domination de l’époque… mais la femme avait peut-être une place plus importante que ce que les premiers préhistoriens avaient imaginé. La plupart des représentations des humains dans l’art préhistorique ne sont pas sexuées… et, quand elles le sont, les femmes sont très présentes. Enfin, bref, on est bien loin de l’école, encore que ! Chapitre II : L’éducation chez les Gaulois. Pour les Gaulois, l’éducation, réservée à une élite, devait se faire au contact de la nature, de la forêt, du monde animal… on y apprend les cycles de la nature… et de la chasse… et aussi un peu la guerre ! Une éducation fortement teintée de magie, essentiellement orale, sous la forme de chants poétiques. Cette éducation est assurée par les druides. Le druide est un personnage central du monde gaulois, assurant des fonctions religieuses, politiques et éducatives. Et puis il y avait les bardes – une sous-catégorie de druide –, spécialistes des chants religieux ou guerriers… Les bardes étaient classés en dix catégories selon la capacité de leur mémoire. Les champions pouvaient connaître par cœur jusqu’à 350 histoires. On l’a compris, l’éducation chez les Gaulois est surtout une affaire orale. Jules César (100-44 avant J.-C.) s’est beaucoup interrogé sur les raisons de ce refus de l’écrit pour transmettre les connaissances. Cela dit, il faut se méfier de ce que disait César. Cette image des Gaulois provient pour beaucoup de son best-seller La Guerre des Gaules… et on peut s’interroger sur l’objectivité des propos d’un acteur essentiel de cette époque, qui plus est, vainqueur desdits Gaulois ! Dans l’avant-propos, l’auteur énumère les questions abordées, ainsi que les choix effectués pour concevoir cet exposé. Qui a inventé l’école ? Qu’enseigne-t-on dans l’université du Moyen-Âge, dans les collèges de l’Ancien Régime, dans les écoles primaires de la Troisième République ? Comment l’enseignement s’adapte-t-il aux situations de guerre ? Quelles sont les conceptions de l’éducation dans la famille dans l’Antiquité, au Moyen-Âge ou au XXe siècle ? Quelle place accorde-t-on à l’éducation des filles tout au long de cette histoire ? […] Écrire une histoire de l’éducation, comme toute histoire, suppose des choix et des renoncements. La vérité historique n’existe pas dans l’absolu, et il faut, de ce fait, rendre scrupuleusement compte de ses sources… et expliciter ses choix. Il a ainsi été décidé de limiter le propos à l’espace géographique et politique de la France, non que l’histoire de l’éducation d’autres pays manquât d’intérêt, mais une histoire universelle aurait nécessité une large multiplication du nombre de pages de l’ouvrage. […] Le lecteur constate que l’ouvrage retrace plus les formes de cadres structurés de système scolaire, que l’action en elle-même, c’est-à-dire la façon de développer les facultés intellectuelles et morales de l’enfant, même si cette facette est reflétée par les différentes structures éducatives. L’ouvrage se compose de neuf chapitres chronologiques, en plus de l’avant-propos : Préhistoire (des formes élémentaires de transmission), Antiquité (un modèle d’éducation autoritaire), Moyen-Âge (des expériences multiples qui s’organisent peu à peu), Renaissance et Ancien Régime (la construction de la forme scolaire), Révolution (de grandes ambitions… et des réalisations relativement modestes), Consulat et Empire (un monde éducatif sous contrôle), XIXe siècle, de la Restauration aux débuts de la IIIe République (des luttes pour le contrôle de l’éducation), XXe siècle (l’ère des grands bouleversements), XXIe siècle (suite de l’histoire… et nouveaux enjeux). L’auteur tient toutes les promesses contenues dans l’avant-propos. Il contextualise les notions qui sont passées dans la culture populaire, voire dans l’inconscient collectif, par exemple la culture orale des Gaulois, la prédominance tenace du latin dans les études pendant de nombreux siècles, la présence de l’Église dans les structures de l’éducation (également pendant de nombreux siècles). Il évoque de nombreux personnages historiques passés à la postérité pour leur apport à l’éducation : Charlemagne (742-814, A-t-il eu un jour cette idée folle d’inventer l’école ?), Ignace de Loyola (1491-1556, fondateur de la Compagnie de Jésus, c’est-à-dire les Jésuites), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778, Émile ou De l’éducation), Jules Ferry (1832-1893, lois de 1881 & 1882, sur la gratuité, l’obligation d’instruction et la laïcité), Élise (1898-1983) & Célestin Freinet (1896-1966, Pédagogie Freinet), Maria Montessori (1870-1952, méthode Montessori). Le lecteur découvre également des personnages dont le nom lui dit vaguement quelque chose ou dont il n’a jamais entendu parler : Christine de Pizan (1363-1431, égalité de nature entre l’homme et la femme en matière éducative), Jean Standonck (1443-1504, le collège Montaigu de Paris), Claudio Acquaviva (1543-1615, le Ratio Studorium), Angèle Merici (1474-1540, congrégation des Ursulines, créée en 1535), Madame de Maintenon (1635-1719, fondation de l’école de Saint-Cyr), Poulain de la Barre (1647-1723, un ouvrage pour l’égalité des filles et des garçons dans l’éducation), Joseph Lakanal (1762-1845, ouverture d’écoles publiques et d’écoles privées), Antoine-François Fourcroy (1755-1809, création des lycées), Augustine Fouillé (1833-1923, Le tour de France par deux enfants), etc. Le découpage en période lui permet de garder le fil chronologique. À la fois pour les grands événements historiques politiques, mais aussi pour des inventions majeures comme celle de l’imprimerie par Johannes Gutenberg (1400-1468), les différents plans d’éductions, par exemple ceux après la Révolution de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838), Nicolas de Condorcet (1743-1794), Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau (1760-1793), ou encore les enjeux de l’éducation pendant les périodes de guerre, en particulier la première et la seconde guerre mondiale. Le lecteur a bien conscience de la nature de l’ouvrage qu’il s’apprête à lire : un exposé de nature universitaire, dépassant largement la simple vulgarisation. Il sait que ce genre d’ouvrages se présente avec de copieux textes, et une place très contrainte pour la dimension bande dessinée. Au pire, il s’agit d’une collection de vignettes illustrant littéralement ce que dit le texte avec une tentative humoristique de ci de là, au mieux l’exposé a été conçu avec la bédéiste pour assurer un minimum d’interaction. Cet ouvrage n’échappe pas au principe du texte illustré. Pour autant, la dessinatrice n’est pas cantonnée à montrer des personnalités en plan serré, en train de parler. La narration en images recouvre plusieurs champs d’expression. L’artiste réalise des dessins un peu simplifiés, oscillant entre une description fidèle, et une exagération comique. Dans le premier registre, elle reproduit l’apparence connue des femmes et hommes célèbres, ainsi que certains tableaux, ou documents visuels, toujours en citant ces derniers dans la case, donnant ainsi la latitude au lecteur d’aller consulter l’original par lui-même. Elle intègre des éléments historiques dans ses cases, de manière à ancrer la scène dans l’époque. Dans le second registre, elle force les expressions des visages, les postures, elle intègre quelques anachronismes (difficile de résister à Christine de Pizan répondant au micro d’un intervieweur), et quelques comportements récurrents en coordination avec des remarques récurrentes. Elle rend l’exposé plus vivant, et plus incarné. Cette bande dessinée développe un exposé sans mesure commune avec une simple énumération. Très vite, le lecteur relève deux thèmes majeurs récurrents : la question du latin dans l’enseignement, l’enseignement destiné aux filles (au pire inexistant, au mieux au rabais par rapport à celui des garçons). Même s’il se doutait que Rome ne s’est pas faite en un jour, il n’anticipait pas forcément de voir chaque étape de la forme de l’organisation éducative qu’il connaît en France, école maternelle, école primaire, enseignement secondaire, enseignement supérieur, avec les structures nécessaires pour former les enseignants, l’idée de consacrer des bâtiments à l’éducation, la coexistence d’une école religieuse et d’une école laïque dans des proportions très variables en fonction des siècles, la notion de programme scolaire, jusqu’aux inspecteurs. Il apprécie de découvrir des enjeux de nature très différentes : imposer l’école à des parents qui font travailler leurs enfants, d’où viennent les bons points (du Maréchal), l’affichage contre l’alcoolisme dans les classes, etc. Outre une vision détaillée de l’évolution des structures éducatives, le lecteur en ressort avec la compréhension que le modèle d’aujourd’hui provient d’une évolution sur le long terme, qu’il n’est pas immuable, et il lui revient à l’esprit que l’éducation ne figure pas dans les ministères régaliens de l’État. À nouveau un titre très ambitieux dans la collection L’incroyable histoire de…, à nouveau une réussite. Le scénariste est un expert en la matière, et le lecteur perçoit qu’il plonge dans un ouvrage enrichi par une longue pratique, sachant respecter l’ordre chronologique tout en montrant que la construction du système éducatif a fait des tours et des détours, prenant un soin exemplaire à citer ses sources, faisant apparaître les enjeux pérennes. La narration visuelle ne se limite pas à une simple caution pour rentrer dans le champ de la BD, elle montre les différents personnages historiques ce qui rend l’exposé incarné, elle apporte des touches d’humour très humaines, elle montre l’époque, elle fait ressortir les hypocrisies et les injustices. Magistral.