L’intrépide légion Condor écrase vaillamment Madrid assiégée, sous un tapis de bombes.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. L’édition originale date de 2018. Il a été réalisé par Yann (Yann Le Pennetier) pour le scénario et par André Juillard (1948-2024) pour les dessins et la mise en couleurs. Il comprend soixante-quatre planches de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction de quatre pages sur la guerre d’Espagne (1936-1939), comprenant une colonne de texte par double page, et des esquisses de l’artiste. Ces deux créateurs ont précédemment collaboré pour Mezek (2011), un récit évoquant des pilotes de l’armée Israélienne aux premiers jours de l’état d’Israël en 1948.
Hiver 1936… Comme chaque jour, désormais, l’intrépide légion Condor écrase vaillamment Madrid assiégée, sous un tapis de bombes. Dans la rue, les civils courent pour essayer de trouver un abri. Un homme d’une cinquantaine d’années constate qu’ils pilonnent Carabanchel et la cité universitaire. Une femme lui répond que ça veut dire que ces chiens de phalangistes s’apprêtent à donner l’assaut aux braves miliciens qui tiennent toujours le parc Casa de Campo. L’homme répond qu’il paraît que les Regulares marocains ont investi le quartier d’Argüelles, ou ce qu’il en reste. La mère de famille se lamente : si ces barbares s’emparent de Madrid, ils vont violer toutes les femmes et les éventrer comme des animaux, comme ils l’ont fait à Badajoz ! Un de ses garçons demande si les Moscas vont bientôt arriver et venir chasser les autres avions. Le monsieur explique que Mouche est le surnom donné aux petits chasseurs soviétiques offerts par Staline pour défendre la liberté espagnole. La femme demande : Depuis quand un pays offrirait-il si généreusement avions et pilotes à de pauvres pouilleux d’Espagnols, abandonnés de tous ?! Elle ajoute : Ces lâches de Français craignent trop Hitler pour les aider.
À quelques mètres d’eux, une bombe fait tomber un pan de mur. Du nuage de poussière qui a envahi la rue, émergent Ernest Hemingway et Martha Gellhorn. L’homme âgé leur suggère de rester à l’abri dans les caves de l’hôtel Florida avec les autres journalistes. L’écrivain et reporter de guerre lui explique que c’est hors de question. La mère de famille leur enjoint d’aller se mettre à l’abri car les trois veuves reviennent. Hemingway explique que c’est le surnom des bombardiers de la légion Condor, car ils arrivent toujours par groupes de trois. Ils se mettent à marcher rapidement vers Salamanca, le quartier de Madrid qui n’est jamais bombardé parce que… c’est le plus beau des quartiers bourgeois de Madrid. Les traîtres nationalistes et les familles des amis de Franco y résident. Hemingway ironise que les fascistes ont inventé le bombardement de classe. Enfin les Moscas apparaissent dans le ciel. Sur les toits, un groupe de miliciens voient les avions fascistes décamper, mais les franquistes sont toujours là et continuent de leur tirer dessus. Lulia Montago prend le risque de passer de toit en toit pour lancer une grenade dans la pièce où ils se tiennent.
Second album pour ce duo de créateurs, et ils choisissent à nouveau un endroit et un moment de l’Histoire très précis : la guerre d’Espagne (ou guerre civile espagnole) qui a opposé le camp des républicains aux rebelles putschistes menés par le général Franco. En fonction de sa connaissance historique du sujet, ou de sa méconnaissance, l’introduction de l’auteur s’avère plus ou moins précieuse, en particulier en rappelant les termes du soutien de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) aux républicains. Le lecteur effectue rapidement le constat que les personnages sont amenés à expliquer une facette de la situation à leur interlocuteur, à chaque conversation ou presque. Les dialogues sont menés de manière naturaliste, tout en apportant une forte densité d’informations. De ce point de vue, le récit comprend une dimension pédagogique. De l’autre, il faut avoir quelques notions pour resituer l’importance de certains personnages ayant réellement existé comme Ernest Hemingway (1899-1961) correspondant de guerre, Martha Gellhorn (1908-1998) également correspondante de guerre. Pour replacer des personnages uniquement évoqués comme Francisco Franco (1892-1975) et Andreu Nin (1892-1937). Et pour bien situer les différentes organisations évoquées : le NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures), le POUM (Partido Obrero de Unificación Marxista, parti ouvrier d'unification marxiste), la CNT (Confederación Nacional del Trabajo, Confédération nationale du travail), le SIM (Service d’investigation militaire espagnole), la légion Condor, les Mujeres Libres. Il est également fait référence aux massacres de Paracuellos ('assassinat de plusieurs milliers de prisonniers politiques et religieux) et à un bombardement d’une ville basque espagnol (opération Rügen).
Comme pour Mezek, le récit s’inscrit dans une veine réaliste et descriptive, avec des explications régulières sur les enjeux à l’échelle des personnages, tant pour l’intrigue que pour les dessins. Le scénariste colle à la chronologie des événements avec un ou deux aménagements pour un effet dramatique (par exemple la date d’arrivée d’Hemingway à Madrid légèrement anticipée) et le dessinateur effectue un impressionnant travail de reconstitution historique, minutieux et détaillé. Il s’inscrit dans le registre de la ligne claire, avec quelques petits plus comme des ombres pour certains personnages, et une mise en couleurs qui intègre des nuances de teinte dans une même surface au lieu de s’en tenir à de stricts aplats. L’artiste a fort à faire pour parvenir à une reconstitution tangible et solide : les tenues vestimentaires, les uniformes militaires, les bâtiments et les rues de Madrid, la base aérienne militaire, les armes à feu, les avions. Ils apparaissent dans le ciel dès la première page avec le bombardement de la capitale, et une première bataille aérienne de la page 14 à la page 17, parfaitement lisible. La seconde se déroule plus rapidement sur deux pages, 44 & 45, tout aussi facile à suivre. Un Stuka lâche une bombe sur un véhicule blindé en pages 62 & 63. Les bombardiers ne sont pas représentés lors de la destruction de Guernica, le plan de prise de vue restant au sol.
Le lecteur ressent la densité d’informations apportées par les dialogues, sans forcément se rendre compte qu’il en va de même pour la narration visuelle, dont la clarté remarquable donne l’impression d’une lecture immédiate et facile. Pour autant, il lui suffit de de quelques scènes pour prendre conscience de l’élégante habileté du dessinateur. L’action d’éclat de Lulia Montago pour lancer une grenade dans la pièce où se trouvent des tireurs franquistes semble évidente et plausible, alors qu’elle saute de toit en toit, en prenant en compte les angles de tir des ennemis, et la couverture que lui assurent les tireurs de son groupe. La discussion risquée entre deux officiers russes dans une des cabines d’un navire apparaît naturelle tout en restant visuellement intéressante, alors qu’ils sont assis sur leur chaise, parce que leur langage corporel évolue en fonction de la conversation, ainsi que les expressions de leur visage, alors qu’ils fument et boivent dans le même temps. Impossible de résister aux postures de Roman Kapulov exprimant un comportement insolent face au commissaire politique Fridiatov. La scène dans le bar Chicote mêlant clients habitués, les trois pilotes (Frank Tinkbaum, Roman Kapulov et Jean Dary, surnommés les trois mousquetaires), les membres de la brigade de la Mort, des bonnes sœurs, un cinquantenaire indigné refusant de se soumettre, puis l’irruption des femmes de l’association Mujeres Libres est d’une lisibilité épatante, grâce à une gestion experte du nombre des intervenants et de leur placement. Le lecteur garde longtemps en souvenir Lulia Montago agenouillée sur la berge d’une rivière pour faire la lessive, humiliation terrible pour cette combattante, malgré la luminosité d’une belle journée. André Juillard maîtrise tout autant les scènes d’action, et le lecteur a encore en tête la course-poursuite en automobile sur une route déserte.
La reconstitution historique occupe donc une place importante, centrale même, dans l’intrigue dont le déroulement dépend entièrement de cette situation complexe entre plusieurs belligérants aux objectifs très disparates. Les personnages subissent l’Histoire, tout en en étant les acteurs. Comme dans Mezek, l’auteur met en scène que les forces armées comptent également des étrangers motivés par des raisons diverses, chacun avec leur histoire personnelle. Au vu de la couverture, le lecteur s’attend à une belle histoire d’amour (qui finirait peut-être mal) entre la républicaine espagnole et le pilote militaire russe. Ils se rencontrent pour la première fois en page 34, et la seconde en page 42. Leur histoire d’amour s’avère assez restreinte en termes de pagination, à la fois réaliste, et à la fois avec une composante romantique. Elle fait écho à celle de Frank Tinkbaum dont l’amoureuse l’a poussé à s’engager. Dans un parallèle né de l’opposition, le lecteur associe également la nudité de Roman Kapulov lors d’ébats avec Lulia, à celle de Tinkbaum alors qu’il est torturé, les auteurs mettant ainsi en avant comment des circonstances incontrôlables emmènent les individus dans des directions opposées. Le récit met également en scène comment les petits chefs se sentent légitimes pour imposer des ordres s’apparentant à des brimades, entre mesquinerie et sadisme. Il fait apparaitre les conséquences de la politique de Joseph Staline (1878-1953) sur le peuple espagnol, et à quel point les idéaux sont dévoyés.
Un récit très ambitieux présentant un moment de la guerre civile espagnole avec les enjeux correspondants, une histoire d’amour. La narration visuelle effectue un travail colossal de reconstitution, de direction d’acteurs, de mise en scène de moments d’échanges et de moments d’action, avec une lisibilité exemplaire. Le scénariste développe également une histoire d’amour, la particularité de chaque protagoniste impliqué, leurs motivations personnelles, l’incidence de la politique de Staline, la présence de la presse étrangère, le financement des armes, etc. Une grande réussite.
Une adaptation bouleversante et empreinte de poésie
Avec Dans la forêt, Lomig offre une adaptation saisissante du roman de Jean Hegland, à la fois fidèle et profondément personnelle. L’histoire de ces deux sœurs, isolées dans une maison en pleine forêt après l’effondrement de la civilisation, est un récit bouleversant sur la survie, l’amour familial et notre lien à la nature.
Au-delà de la tension et des épreuves qu’affrontent les personnages, cette bande dessinée nous invite à réfléchir sur notre mode de vie et sur l’importance de se reconnecter à l’essentiel : la nature, nos racines, et ce qui nous nourrit véritablement. La forêt, omniprésente, devient un personnage à part entière, à la fois protecteur et indifférent, sublimé par les magnifiques dessins en noir et blanc de Lomig.
Le choix graphique, tout en sobriété, renforce l’intensité du récit. Les traits épurés et les jeux d’ombres et de lumières capturent à merveille la beauté et la rudesse de ce retour à l’état sauvage.
Dans la forêt n’est pas seulement une adaptation réussie, c’est une œuvre profondément actuelle, qui nous questionne sur notre rapport à l’écologie, à la modernité et à la résilience humaine. Une lecture puissante, qui reste en tête longtemps après la dernière page.
Un chef-d’œuvre du genre post-apocalyptique
The Walking Dead, c’est bien plus qu’un simple comics. C’est une œuvre qui m’a complètement happé, une plongée dans l’horreur et l’humanité la plus brute. Ce qui rend cette série si incroyable, ce sont les personnages : ils sont tellement humains, avec leurs forces, leurs failles, leurs erreurs… On s’attache à eux, on souffre avec eux, et parfois, on est dévasté par leurs pertes.
Les relations sociales et les dilemmes moraux sont au cœur de l’histoire, et c’est ce qui m’a le plus touché. Ce n’est pas juste une histoire de zombies, c’est une réflexion sur ce que signifie survivre dans un monde où tout s’effondre.
Le noir et blanc renforce cette immersion : il donne une ambiance sombre, réaliste, et chaque dessin de Charlie Adlard est chargé d’émotion et de tension. Les morts sont brutales, imprévisibles, et elles nous rappellent constamment que personne n’est à l’abri.
Franchement, je manque de mots pour décrire à quel point cette série est exceptionnelle. C’est une œuvre qui reste en tête longtemps après l’avoir lue. Pour moi, The Walking Dead est incontournable, que vous soyez fan de comics ou non.
Mens agitat molem.
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Ce tome contient une histoire complète, de nature biographique. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Nicolas Barral pour le scénario, les dessins et les couleurs, avec la participation Marie Baral pour les couleurs. Il comprend cent-trente-et-une pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction de Simño Cerdeira. Il se termine avec une photographie de la malle remplie de manuscrits de l’écrivain, et une page comprenant une bibliographie recensant trois ouvrages sur l’écrivain, et huit ouvrages de l’écrivain, ainsi que la liste des ouvrages de Barral chez le même éditeur et chez d’autres éditeurs.
Lisbonne, en 1935, Fernando Pessoa est en consultation chez son médecin qui lui annonce que son foie est très abimé. Le poète regarde le chantier de la cathédrale Sainte-Marie-Majeure. Il demande au docteur s’il a déjà pris l’ascenseur. Il explique que celui-ci a été créé par un ingénieur français, Raoul Megnier, et appartient à la compagnie des tramways électriques. Il dessert le Largo du Carmo. Le billet pour accéder tout en haut est un cher, mais quel panorama ! Le médecin ne se laisse pas distraire : il indique qu’il est très sérieux et qu’il va falloir qu’il hospitalise Pessoa. Ce dernier lui répond qu’il doit lui faire une confidence : il est immortel. Le médecin ne s’en laisse toujours pas conter et il ajoute qu’en attendant il adresse l’écrivain à un confrère à l’hôpital Saint-Louis des Français, il lui conseille de prendre ses dispositions. Pessoa sort du cabinet, et il salue un homme habillé de tout de noir dans la salle d’attente. En descendant dans l’escalier, il tousse et crache un peu de sang dans son mouchoir. Il sort dans la rue, et il marche sur le motif pavé de vagues de la place du Rossio. Son esprit se met à vagabonder.
Fernando Pessoa se souvient d’un épisode de son enfance, en 1936 sur un navire de ligne au large du cap de Bonne Espérance. Il était dans une cabine avec sa mère et elle lui lit une histoire pour l’endormir : celle du chevalier de Pas qui plonge dans les douves pour échapper aux gardes du château, et qui reste sous l’eau en utilisant un roseau pour respirer. Le jeune garçon s’endort paisiblement en suçant son pouce. La mère va s’assoir sur le lit en face, regarde le portrait d’un homme qu’elle a sorti de ses affaires, et sort un calepin où elle écrit un court poème destiné à cet homme. Puis elle prend son châle, et elle sort prendre l’air. Le bruit de la porte réveille Fernando et il lit le poème d’amour. Il déchire le poème car il comprend qu’il est destiné au nouvel amoureux de sa mère alors qu’elle avait promis de n’aimer qu’un seul, son défunt mari, le père de Fernando. La mère rentre dans la cabine à ce moment et elle est prise de colère. Elle récupère la feuille déchirée, et elle jette le ballon de son fils par le hublot. Geste qu’elle regrette immédiatement et elle demande pardon à son fils. 28 novembre 1935, à Lisbonne au petit matin, dans la salle de rédaction du Diario de Lisboa, le rédacteur-en-chef M. Da Silva comprend qu’il va falloir rédiger une nécrologie. Il la confie à Simão Cerdeira.
Fernando Pessoa (1888-1935), écrivain et poète portugais : pas forcément un auteur connu du lecteur, une référence dans son pays d’origine. En fonction de sa familiarité avec cet auteur, le lecteur comprend immédiatement que le récit commence à quelques jours de son décès, et il constate qu’il revient en arrière de temps à autre. Il apparaît plusieurs personnages au temps présent : Pessoa lui-même, Simão Cerdeira un jeune pigiste et écrivain débutant, qui va à la rencontre de personnes ayant connu le grand homme, Rosa la secrétaire du journal Diario de Lisboa, Henriqueta Nogueira la sœur de Fernando Pessoa, et quelques personnages plus secondaires comme son barbier, M. Da Silva rédacteur-en-chef du quotidien, ou Artur Portela qui a connu Pessoa, le ministre António Ferro (1895-1956), la jeune secrétaire Ofelia Queiroz. Dans le passé, apparaissent rapidement la mère de Fernando, les amis avec lesquels il a fondé la revue Orpheu, le second époux de sa mère. Le lecteur ne prête pas forcément attention au monsieur dans la salle d’attente du médecin. Il est représenté avec la même approche réaliste que les autres personnages : un visage un peu simplifié pour en faciliter la lecture et l’identification, une morphologie tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Il est surpris de le retrouver en page cinquante-cinq alors que Pessoa se promène dans un cimetière.
Le récit s’ouvre avec un dessin qui occupe les deux tiers de la page, sous le rappel du titre : une vue du sommet de l’échafaudage qui entoure le sommet d’une des deux tours de la cathédrale en rénovation, et une vue des derniers étages et des toits de ce quartier de Lisbonne. L’artiste prend soin de représenter la ville telle qu’elle était à cette époque, avec une approche descriptive et réaliste : les motifs du pavage de la place du Rossio, différentes rues de Lisbonne avec son tramway, un café, les installations portuaires, un grand parc, les quais, un cimetière, la cathédrale, et plusieurs intérieurs comme l’appartement de Pessoa, le cabinet du docteur, la salle de rédaction du Diario de Lisboa, une chambre d’hôpital, etc. Ces dessins peuvent devenir très détaillés pour insister sur un élément : par exemple, la métallerie de la construction permettant d’accéder à la tour de la cathédrale. Il fait preuve du souci de l’authenticité historique, à la fois dans les éléments urbains, à la fois dans les accessoires de la vie quotidiennes et dans les tenues vestimentaires. Le dessinateur utilise des traits de contour pour délimiter les personnages et les éléments du décor, avec une épaisseur parfois un peu plus appuyée, et un souci de lisibilité, de ne pas surcharger les cases. Il réalise une mise en couleurs naviguant entre le réalisme et une approche plus impressionniste, en particulier pour accompagner Pessoa et ses états d’âme, restreignant alors sa palette majoritairement des tons ocre et marron. Il fait preuve d’une sensibilité particulière pour la direction d’acteurs, en particulier pour le langage corporel du poète qui apparaît comme fragile et précautionneux, posé et mesuré.
Dès le départ, le lecteur apprécie la place laissée à la narration visuelle. Il remarque que la troisième planche est muette, laissant ainsi les dessins porter toute la narration. L’auteur a ainsi réalisé vingt-quatre planches muettes, avec des moments insoupçonnables comme une filature (Simão Cerdeira emboîtant le pas à Pessoa pour savoir où il se rend), et une tuerie à l’arme à feu dans cette structure métallique autour de la cathédrale. Le dessinateur met à profit des dispositifs visuels comme le motif du pavage qui rappelle les vagues à Pessoa, suscitant ainsi la remontée d’un souvenir d’enfance. Ou encore la possibilité d’inclure un personnage fiction, le chevalier Pas se tenant aux côtés de Fernando enfant. La mystérieuse présence de papillons virevoltant dans la chambre de son appartement : entre symbole et métaphore de la manifestation de l’inspiration et de la liberté fragile de création. Des pages où la mise en couleurs se restreint à des teintes bleutées correspondant à des scènes dans le passé. Ou encore la vie d’un personnage de fiction, Bernardo Soares, représenté dans le même registre réaliste que celle de Fernando Pessoa, l’auteur. Soucieux de la compréhension de son lecteur, l’auteur fait expliquer la notion d’hétéronyme par Artur Portela à Simão Cerdeira. Le lecteur se souvient alors de l’homme dans la salle d’attente du médecin.
Dans un premier temps, la démarche de l’auteur apparaît comme étant de relater les derniers jours de l’écrivain, de le mettre en relation au regard des personnes qu’il côtoie. Dans un second temps, le lecteur comprend que la scène en 1936 du voyage en bateau, celle de la rencontre avec Ofelia Queiroz, ou encore d’un repas de famille correspondent à des moments que Nicolas Baral a jugés comme déterminant dans la vie du poète, à la fois dans la construction de sa personnalité, à la fois dans sa vocation d’écrivain et de ce qu’il souhaite exprimer. Dans un troisième temps, il saisit également leur fibre psychanalytique, particulièrement émouvante concernant le ballon jeté par le hublot en page quatorze, un acte qui traumatise le jeune garçon comprenant que sa mère le punit en lui faisant mal. Toutefois en page soixante-six, Pessoa entreprend d’expliquer l’importance de la littérature à son barbier, en lui demandant de décrire un ballon, ce qui apporte une tout autre perspective audit traumatisme. En page trente-deux, Artur Portal explique la notion d’hétéronyme à Simão Cerdeira, une marque de fabrique de l’écrivain. Ainsi le lecteur néophyte peut comprendre ce qui se joue au cimetière, puis dans plusieurs scènes après. L’auteur met ainsi en scène les déclarations mêmes de Pessoa quant à la réalité de ces hétéronymes, ce qui a pour effet de donner à voir au lecteur ce pan de sa vie tel que l’écrivain lui-même le ressent. Avec ces différentes composantes, ce récit biographique amalgame les faits avec la vision d’auteur de Fernando Pessoa, et sa méthode d’écriture.
Les auteurs de bande dessinée biographique naviguent entre la transcription factuelle et académique des faits, parfois alourdie par de copieux cartouches, et une interprétation à l’aune des œuvres de l’artiste. Ici, l’auteur sait combiner ces deux façons d’appréhender une telle biographie, avec une narration visuelle descriptive consistante et légère à la fois, et un tour de main élégant mêlant harmonieusement les faits avec les intentions de Fernando Pessoa, l’impact émotionnel et psychologique de certains événements et le carburant créatif qu’ils constituent. Inspirant.
Comment est-il possible que le citoyen Allemand moyen ait pu tolérer, accepter, voire encourager les horreurs nazies commises autour d’eux au quotidien ? C’est une question judicieuse dont les historiens et sociologues débattent beaucoup depuis des décennies.
« Irmina » apporte sa pierre à l’édifice de cette réflexion, un début d’explication, une fenêtre sur la vie d’une jeune femme qui a vraiment existé, et dont le destin interpelle. On observe sa lente transformation, son assimilation « malgré elle » au système de pensée nazi. L’autrice réussit à rendre sa vie crédible, sa passivité logique, inévitable… la fin est effectivement juste et touchante, alors que Irmina se retrouve forcée de faire un bilan finalement assez douloureux et rempli de regrets.
La mise en image est magnifique, j’ai pris beaucoup de plaisir à visiter Londres, Oxford, Berlin, et enfin Bridgetown.
Un excellent moment de lecture.
Adaptation quasiment mot pour mot du Podcast éponyme, on y suit le parcours d'Anne Bonny la célèbre pirate qui raconte son histoire au soir de sa vie.
Entre récit fantasmé et envie de décrire le plus fidèlement possible l'aventure d'une femme (dans toute sa complexité).
Le dessin est dynamique et trés agréable dans l'ensemble, même s'il manque un peu d'iconisation des personnage. Mais c'est aussi dû a une certaine faiblesse du scénario. En effet on ne connait pas le destin d'Anne Bonny après son procès (mort, évasion, survie ?), et finalement sa période de piraterie a été de courte durée. Et c'est la force est la faiblesse du livre : force pour son ancrage historique et faiblesse pour son manque d'épique.
Mais l'ensemble a marché sur moi, même pour l'intervention des historiens que j'ai trouvé intéressante (bien qu'il manque une conclusion à celle ci), permettant de prendre du recul sur le récit et de le remettre ne perspective.
Il aurait utilisé quelque chose de plus ingénieux, de plus complexe…
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Ce tome est le premier d’un diptyque de la reprise d’une série Bruce J. Hawker créée par William Vance en 1976, comprenant sept tomes parus de 1979 à 1987. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Christophe Bec pour le scénario, et par Carlos Puerta pour le dessin et les couleurs. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée.
Dans la forêt de Chizé, Haut-Poitou, dans la nuit du douze octobre 1307 : un groupe de templiers a établi son campement pour la nuit, certains sont encore sur leur monture. Aymeric, un cavalier, s’adresse à un autre pour lui indiquer qu’ils doivent prendre la mer avant le lever du jour, et lui demandant s’il est certain que frère Hughes va bien les rejoindre. L’autre lui enjoint de garder la foi, ils ont encore du temps, le crépuscule vient à peine de tomber, et il est certain que le frère a lui aussi pris la fuite. Il continue : Le Seigneur ne les abandonnera pas, Il guide les pas de Hughes de Chalons jusqu’à eux. En effet, un soldat vient leur annoncer que frère Hughes approche avec trois charrettes recouvertes de paille. Chaque cavalier revêt un lourd manteau informe pour cacher leur blason. Il ne faut pas qu’ils risquent d’être découverts une fois hors de cette forêt. Ils continuent d’échanger des consignes et des informations. Ils doivent gagner le port de la Rochelle, là où leurs nefs les attendent. Ils se demandent si frère Jean saura garder le secret, tout en étant sûrs qu’il sera supplicié. C’est le sort réservé par Guillaume de Nogaret à beaucoup de leurs frères. Le roi les accuse d’idolâtrie et de sodomie. Philippe le Bel ne veut pas seulement l’anéantissement de leur ordre, il veut aussi leur mort. Alors qu’ils arrivent au port, deux dockers identifient le maître précepteur, et il en déduit que les charrettes sont chargées du trésor du visiteur général. Les templiers sont prêts à prendre la mer les coffres remplis d’argent, avec les archives et les artefacts ramenés de Terre sainte placés dans la cale, et les cartes vikings.
Vendredi treize octobre 1307, sur l'île aux Juifs, à Paris, tous les templiers de France sont arrêtés sur ordre du roi Philippe IV. Dix-huit mars 1314, Jacques de Molay est exécuté, sur un bûcher dressé et il prononce sa malédiction. Le vingt-huit août 1803, dans la baie de Gibraltar, mister Dunn explique l’origine mythologique de cette formation à Bruce J. Hawker : Merlqart est l’équivalent d’Hercule pour les phéniciens, dans les légendes il aurait brisé les chaînes de l’isthme et percé une brèche divine dans la masse montagneuse mariant ainsi les eaux de l’océan et celles de la Méditerranée. Hawker le remercie et se félicite d’avoir à son bord en qualité de second quelqu’un d’aussi érudit. Il regrette de ne pas en dire autant de ce jeune loup des Royal Marines, le lieutenant Lowe. Il n’a jamais trop apprécié les soldats d’infanterie blanchis à la terre à pipe, car ils ne voient guère plus loin que la pointe de leur baïonnette. Dunn ironise que le lieutenant sait bien pourquoi ils ont des marines à bord : car les chèvres sortiraient trop facilement du lot. Hawker monte dans le canot qui doit l’amener à bord du Victory où il est attendu par l’amiral Nelson.
Un exercice délicat : la reprise d’une série qui a laissé une empreinte dans la mémoire collective, majoritairement du fait de l’implication de son créateur et auteur, de sa personnalité. En entamant ce tome, l’horizon d’attente du lecteur comprend une aventure maritime, un personnage principal droit dans ses bottes, sans beaucoup de personnalités, et bien sûr des références aux aventures originales. Les auteurs répondent à ces attentes. Bruce J. Hawker est égal à lui-même : un beau jeune homme, bien fait de sa personne, à la silhouette un peu guindée, avec une chevelure fournie blond platine. Au détour d’une discussion, un marin du Lark mentionne l’âge du lieutenant : vingt-trois ans, ce qui correspond à la création de William Vance. Il est fait mention des aventures des deux premiers albums : la mission du Lark sous les ordres de Hawker, et même l’anecdote selon laquelle il aurait sauvé la vie de l’amiral Nelson. Celle-ci est évoquée par l’amiral directement avec Hawker, avec une certaine froideur. Au cœur des aventures originales se trouvaient la nationalité du héros et sa qualité de militaire. Le lecteur retrouve ces caractéristiques au début du récit elles revêtent moins d’importance dans la deuxième moitié de ce tome. Enfin, il retrouve la responsabilité de commander un navire britannique, soumis aux conséquences de croiser un bâtiment ennemi. Indéniablement les auteurs ont lu les récits de William et veillent à en respecter l’esprit.
En fonction de sa sensibilité, le lecteur attend peut-être une forme d’intrigue plutôt qu’une autre. Le scénariste a choisi de faire partir le héros depuis Gibraltar, et de l’envoyer vers le nouveau monde. En cela, il s’écarte du schéma des sept tomes précédents, tout en conservant le principe que Bruce J. Hawker que la responsabilité militaire d’un navire le place dans des situations périlleuses et il assume pleinement les responsabilités de sa charge, recourant à la violence comme à la discussion. La dynamique de l’intrigue repose sur la recherche d’un trésor. L’auteur se sert du mythe du trésor des templiers, et des différentes hypothèses historiques. Il évoque en trois cases autant de faits historiques : le départ de la flotte des templiers, l’arrestation des templiers, l’exécution de Jacques de Molay (1244/49-1314) vingt-troisième et dernier maître de l’ordre du Temple, sans mention explicative, en tenant ces faits comme connus du lecteur. En fonction des événements historiques, il les mentionne comme connus de tout le monde, ou il les complète d’une brève mention. Le lecteur voit ainsi Horatio Nelson (1758-1805) le temps d’une scène, Jacques de Molay le temps d’une case, et Félicité de Lannion (1745–1830), comtesse de la Rochefoucauld joue un rôle important dans le récit (reprenant ainsi l’habitude d’avoir un personnage féminin fort). Enfin, le scénariste reprend l’hypothèse des voyages de Le chevalier Henri Sinclair (1355-1404).
Le lecteur peut être familier de la personnalité graphique de l’artiste avec ses précédentes séries, comme Baron Rouge (trois tomes, 2012-2013-2015) avec Pierre Veys, Maudit sois-tu (trois tomes, 2019-2021-2022) avec Philippe Pelaez, Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie (deux tomes, 2016-2017) avec Gil Esther. La première planche s’avère très caractéristique de son approche : une mise en couleurs très sophistiquée, apportant une sensation de rendu photographique pour certains éléments, ou relevant d’une impression donnée par un camaïeu. Dans la première catégorie, le rendu s’avère saisissant quand il reproduit à la perfection la texture de la roche pour Gibraltar, les vaguelettes de la mer, ou encore les brins d’herbe dans une vaste étendue verdoyante. Dans la deuxième catégorie, il réussit à donner l’impression d’un ciel de tempête avec un camaïeu de gris et de fines zébrures, des habits dégoutant d’eau dans la tempête par un jeu de bleus, une terre à l’horizon par des formes vertes indistinctes, ou encore une feuillage vert tel que le lecteur peut s’imaginer en avoir la perception dans le lointain. L’artiste joue de la même manière avec la façon de représenter les visages, en rendu quasi photographique, ou une approche plus classique avec trait de contour, hachure et mise en couleur. Il est possible que le lecteur ait besoin de disposer d’un temps d’adaptation pour accepter ces fluctuations au sein d’une même page. Pour autant, la maîtrise graphique a tôt fait de l’enthousiasmer en mariant ainsi des descriptions d’un rare réalisme avec des ambiances relevant plus des sensations.
Le lecteur se sent vite emmené aux côtés de Bruce J. Hawker dans une vraie aventure, plausible, avec des moments attendus (bataille maritime, emprisonnement à fond de cale, recherche d’un trésor, tempête en plein océan), avec un enjeu de taille dans un contexte historique nourri et développé. Il fait l’expérience de deux créateurs en phase, au point de ne faire qu’un, avec des moments mémorables : la première apparition du navire avec ses voiles blanches ornées de croix rouges, le médecin préparant ses instruments dans le pont inférieur, les canons crachant le feu, le navire bringuebalé par les vagues immenses, le feu de Saint Elme, un navire vu du ciel à la verticale, la végétation luxuriante, la découverte de la forme artificielle d’un marais, le ciel nocturne embrasé par les fusées volantes, etc. Il se rend compte que la narration présente une densité élevée : à la fois par le volume d’informations contenues dans les dialogues, et au cours d’une ou deux explications plus longues, à la fois par les éléments visuels. Parfois, il lui semble que le scénariste tient à rentrer dans le détail, afin de rester concret et plausible, qualité qui se propage aux éléments fictionnels. Le dessinateur en fait de même de son côté. Cela peut avoir pour effet d’amoindrir la dimension spectaculaire de certaines moments (par exemple la découverte des restes de la charpente d’un navire enterré, qui n’est que le résultat de jours et de semaine du dur labeur de pelletage). À d’autres moments, cela rehausse un événement, comme la découverte de la fuite nocturne des prisonniers anglais.
La promesse de découvrir un héros emblématique d’une série, ou de le retrouver, dans une interprétation différente par de nouveaux créateurs : un pari à double tranchant, entre la certitude de ne pas faire aussi bien que l’équipe originelle, et l’obligation de reprendre les éléments caractérisant la série. Bec & Puerta remplissent cette seconde condition : la beauté et la froideur de Bruce J. Hawker, des scènes de mer, une dynamique conflictuelle entre Anglais et leurs ennemis de l’époque, un ancrage dans une époque historique. L’artiste se montre aussi ambitieux que William Vance, tout en conservant ses propres caractéristiques visuelles, peut-être en deçà pour rendre l’océan vivant, peut-être plus convaincantes pour le réalisme. Le scénariste intègre et cite des éléments des précédentes aventures, tout en emmenant le personnage plus loin qu’il n’a jamais navigué. Une histoire solide pour elle-même, respectant les conventions de l’hommage, tout en prenant des libertés. Un beau voyage exploratoire.
Je surveille toujours les nouvelles parutions de Ram V, et cette histoire mêlant polar noir et « Blade Runner » avait tout pour me plaire. Et je ressors plutôt satisfait de ma lecture.
Un mot sur le format de parution, plutôt inédit. Il existe en fait deux séries VO : « The One Hand » tomes #1 à #5 (avec Ram V au scenario et Laurence Campbell au dessin), et « The Six Fingers » tomes #1 à #5 (avec Dan Watters au scenario et Sumit Kumar au dessin). Il faut lire les deux en parallèle, cad les deux #1, puis les deux #2 etc…, ce qui fournit au lecteur deux points de vue sur les évènements (celui du détective et celui du tueur). Le format de parution chez Urban reflète d’ailleurs la chose (le tome 1 VF contient The One Hand #1 et The Six Fingers #1). Notez que cet avis porte sur l’intégrale de l’histoire (cad les 10 comics VO).
L’histoire est prenante, l’univers mis en place est riche et intrigant, et les évènements mystérieux tiennent le lecteur en haleine… on se demande un peu comment les auteurs vont arriver à apporter des réponses logiques et satisfaisantes, mais le dénouement est réussi, même si je l’ai trouvé un peu nébuleux. Je pense avoir tout saisi, mais de justesse. La réflexion proposée sur les IA et son impact sur nos vies est bien traitée et plus pertinente que jamais.
La mise en image est magnifique, et contribue beaucoup à l’ambiance cyber-hallucinatoire, notamment grâce à des couleurs du plus bel effet. Certains enchainements sont remarquablement mis en scène.
Un polar science-fiction prenant et bien réalisé, mais un peu ardu à suivre par moment. J’ai toutefois passé un excellent moment de lecture. « Un album recommandé aux fans de Blade Runner, Ghost in the Shell, et Black Mirror », comme le suggère l’éditeur VO Image Comics.
Une série relativement surprenante, et agréable à lire (en tout cas les trois premiers albums, seuls parus à ce jour).
Le dessin est simple mais efficace, dynamique. Tout juste suis-je un peu moins convaincu par la colorisation, un chouia trop terne à mon goût.
L’histoire est assez prenante. De la SF bien fichue. Qui joue sur les allers-retours entre la réalité et un jeu usant d’intelligence artificielle et de réalité virtuelle, les joueurs ayant tous un avatar pour les représenter dans le « Bolchoï », un jeu assez violent où la plupart cherchent à dominer les passages, les planètes, à les exploiter, quitte à mener des raids pour piller les ressources.
Au milieu de cette jungle de l’espace, une jeune femme qui s’est prise au jeu, et qui ne survit plus que par son avatar, puisqu’un bug l’a grièvement blessée. Cet avatar est sa seule chance de tenir, avec l’aide de quelques amis, alors que son père (gros cliffhanger en fin de troisième tome !) cherche à éliminer sa fille pour récupérer ses richesses virtuelles.
C’est mené tambour battant (surtout les deux premiers tomes), mais l’intrigue se pose aussi, pose des questions, ajoute un petit côté polar. Et les personnages gagnent en profondeur au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, qui se révèle plus complexe que je ne le pensais de prime abord.
Une lecture plaisante. J’espère que la série n’a pas été abandonnée, et que l’on aura rapidement la conclusion (je ne sais pas combien de tome les auteurs ont prévus).
Note réelle 3,5/5.
Pouah pouah pouah mais quelle BD. Un vrai coup de cœur !!
J’en ai lu des chouettes trucs de 2024 mais pour l’instant cet album sort clairement du lot. Il semble être malheureusement passé un peu inaperçu mais si je n’avais qu’un mot à dire, c’est : Foncez !
C’est une œuvre qui vous surprendra et vous charmera. Une petite pépite venue d’Égypte.
C’est rempli de spontanéité, de fraîcheur, d’émotions, d’intelligence, de trouvailles, de surprises … une lecture tout simplement excellente et magnifique. Je l’ai lu en 3 soirées et en espérant que ça ne s’arrête jamais.
Je vous renvoie au bien bel avis de Spooky pour en connaître davantage (que je remercie pour la découverte). Je passe juste pour vous encourager à tomber dessus le plus rapidement possible (pourquoi pas pour le prix bdtheque ? ;) ça serait mérité.
J’en suis sorti franchement bluffé, une autrice à suivre et de grands talents. Bravo à elle !!
J’ai adoré son univers et le soin apporté : c’est ponctué d’articles, chiffres dans la veine de doggybags ; il y a une belle variété dans le trait et couleurs (ne vous arrêtez pas à la galerie ou couverture) ; le message transmis est superbe, l’usage du conte judicieux, les personnages magnifiques …
Bon vous l’aurez compris je suis plus qu’enthousiaste, il s’en dégage une magie indéniable, je n’ai rien à redire. Plus qu’une bouffée d’air frais, une véritable bouteille d’oxygène.
Merci Mme Mohamed.
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L’intrépide légion Condor écrase vaillamment Madrid assiégée, sous un tapis de bombes. - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. L’édition originale date de 2018. Il a été réalisé par Yann (Yann Le Pennetier) pour le scénario et par André Juillard (1948-2024) pour les dessins et la mise en couleurs. Il comprend soixante-quatre planches de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction de quatre pages sur la guerre d’Espagne (1936-1939), comprenant une colonne de texte par double page, et des esquisses de l’artiste. Ces deux créateurs ont précédemment collaboré pour Mezek (2011), un récit évoquant des pilotes de l’armée Israélienne aux premiers jours de l’état d’Israël en 1948. Hiver 1936… Comme chaque jour, désormais, l’intrépide légion Condor écrase vaillamment Madrid assiégée, sous un tapis de bombes. Dans la rue, les civils courent pour essayer de trouver un abri. Un homme d’une cinquantaine d’années constate qu’ils pilonnent Carabanchel et la cité universitaire. Une femme lui répond que ça veut dire que ces chiens de phalangistes s’apprêtent à donner l’assaut aux braves miliciens qui tiennent toujours le parc Casa de Campo. L’homme répond qu’il paraît que les Regulares marocains ont investi le quartier d’Argüelles, ou ce qu’il en reste. La mère de famille se lamente : si ces barbares s’emparent de Madrid, ils vont violer toutes les femmes et les éventrer comme des animaux, comme ils l’ont fait à Badajoz ! Un de ses garçons demande si les Moscas vont bientôt arriver et venir chasser les autres avions. Le monsieur explique que Mouche est le surnom donné aux petits chasseurs soviétiques offerts par Staline pour défendre la liberté espagnole. La femme demande : Depuis quand un pays offrirait-il si généreusement avions et pilotes à de pauvres pouilleux d’Espagnols, abandonnés de tous ?! Elle ajoute : Ces lâches de Français craignent trop Hitler pour les aider. À quelques mètres d’eux, une bombe fait tomber un pan de mur. Du nuage de poussière qui a envahi la rue, émergent Ernest Hemingway et Martha Gellhorn. L’homme âgé leur suggère de rester à l’abri dans les caves de l’hôtel Florida avec les autres journalistes. L’écrivain et reporter de guerre lui explique que c’est hors de question. La mère de famille leur enjoint d’aller se mettre à l’abri car les trois veuves reviennent. Hemingway explique que c’est le surnom des bombardiers de la légion Condor, car ils arrivent toujours par groupes de trois. Ils se mettent à marcher rapidement vers Salamanca, le quartier de Madrid qui n’est jamais bombardé parce que… c’est le plus beau des quartiers bourgeois de Madrid. Les traîtres nationalistes et les familles des amis de Franco y résident. Hemingway ironise que les fascistes ont inventé le bombardement de classe. Enfin les Moscas apparaissent dans le ciel. Sur les toits, un groupe de miliciens voient les avions fascistes décamper, mais les franquistes sont toujours là et continuent de leur tirer dessus. Lulia Montago prend le risque de passer de toit en toit pour lancer une grenade dans la pièce où ils se tiennent. Second album pour ce duo de créateurs, et ils choisissent à nouveau un endroit et un moment de l’Histoire très précis : la guerre d’Espagne (ou guerre civile espagnole) qui a opposé le camp des républicains aux rebelles putschistes menés par le général Franco. En fonction de sa connaissance historique du sujet, ou de sa méconnaissance, l’introduction de l’auteur s’avère plus ou moins précieuse, en particulier en rappelant les termes du soutien de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) aux républicains. Le lecteur effectue rapidement le constat que les personnages sont amenés à expliquer une facette de la situation à leur interlocuteur, à chaque conversation ou presque. Les dialogues sont menés de manière naturaliste, tout en apportant une forte densité d’informations. De ce point de vue, le récit comprend une dimension pédagogique. De l’autre, il faut avoir quelques notions pour resituer l’importance de certains personnages ayant réellement existé comme Ernest Hemingway (1899-1961) correspondant de guerre, Martha Gellhorn (1908-1998) également correspondante de guerre. Pour replacer des personnages uniquement évoqués comme Francisco Franco (1892-1975) et Andreu Nin (1892-1937). Et pour bien situer les différentes organisations évoquées : le NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures), le POUM (Partido Obrero de Unificación Marxista, parti ouvrier d'unification marxiste), la CNT (Confederación Nacional del Trabajo, Confédération nationale du travail), le SIM (Service d’investigation militaire espagnole), la légion Condor, les Mujeres Libres. Il est également fait référence aux massacres de Paracuellos ('assassinat de plusieurs milliers de prisonniers politiques et religieux) et à un bombardement d’une ville basque espagnol (opération Rügen). Comme pour Mezek, le récit s’inscrit dans une veine réaliste et descriptive, avec des explications régulières sur les enjeux à l’échelle des personnages, tant pour l’intrigue que pour les dessins. Le scénariste colle à la chronologie des événements avec un ou deux aménagements pour un effet dramatique (par exemple la date d’arrivée d’Hemingway à Madrid légèrement anticipée) et le dessinateur effectue un impressionnant travail de reconstitution historique, minutieux et détaillé. Il s’inscrit dans le registre de la ligne claire, avec quelques petits plus comme des ombres pour certains personnages, et une mise en couleurs qui intègre des nuances de teinte dans une même surface au lieu de s’en tenir à de stricts aplats. L’artiste a fort à faire pour parvenir à une reconstitution tangible et solide : les tenues vestimentaires, les uniformes militaires, les bâtiments et les rues de Madrid, la base aérienne militaire, les armes à feu, les avions. Ils apparaissent dans le ciel dès la première page avec le bombardement de la capitale, et une première bataille aérienne de la page 14 à la page 17, parfaitement lisible. La seconde se déroule plus rapidement sur deux pages, 44 & 45, tout aussi facile à suivre. Un Stuka lâche une bombe sur un véhicule blindé en pages 62 & 63. Les bombardiers ne sont pas représentés lors de la destruction de Guernica, le plan de prise de vue restant au sol. Le lecteur ressent la densité d’informations apportées par les dialogues, sans forcément se rendre compte qu’il en va de même pour la narration visuelle, dont la clarté remarquable donne l’impression d’une lecture immédiate et facile. Pour autant, il lui suffit de de quelques scènes pour prendre conscience de l’élégante habileté du dessinateur. L’action d’éclat de Lulia Montago pour lancer une grenade dans la pièce où se trouvent des tireurs franquistes semble évidente et plausible, alors qu’elle saute de toit en toit, en prenant en compte les angles de tir des ennemis, et la couverture que lui assurent les tireurs de son groupe. La discussion risquée entre deux officiers russes dans une des cabines d’un navire apparaît naturelle tout en restant visuellement intéressante, alors qu’ils sont assis sur leur chaise, parce que leur langage corporel évolue en fonction de la conversation, ainsi que les expressions de leur visage, alors qu’ils fument et boivent dans le même temps. Impossible de résister aux postures de Roman Kapulov exprimant un comportement insolent face au commissaire politique Fridiatov. La scène dans le bar Chicote mêlant clients habitués, les trois pilotes (Frank Tinkbaum, Roman Kapulov et Jean Dary, surnommés les trois mousquetaires), les membres de la brigade de la Mort, des bonnes sœurs, un cinquantenaire indigné refusant de se soumettre, puis l’irruption des femmes de l’association Mujeres Libres est d’une lisibilité épatante, grâce à une gestion experte du nombre des intervenants et de leur placement. Le lecteur garde longtemps en souvenir Lulia Montago agenouillée sur la berge d’une rivière pour faire la lessive, humiliation terrible pour cette combattante, malgré la luminosité d’une belle journée. André Juillard maîtrise tout autant les scènes d’action, et le lecteur a encore en tête la course-poursuite en automobile sur une route déserte. La reconstitution historique occupe donc une place importante, centrale même, dans l’intrigue dont le déroulement dépend entièrement de cette situation complexe entre plusieurs belligérants aux objectifs très disparates. Les personnages subissent l’Histoire, tout en en étant les acteurs. Comme dans Mezek, l’auteur met en scène que les forces armées comptent également des étrangers motivés par des raisons diverses, chacun avec leur histoire personnelle. Au vu de la couverture, le lecteur s’attend à une belle histoire d’amour (qui finirait peut-être mal) entre la républicaine espagnole et le pilote militaire russe. Ils se rencontrent pour la première fois en page 34, et la seconde en page 42. Leur histoire d’amour s’avère assez restreinte en termes de pagination, à la fois réaliste, et à la fois avec une composante romantique. Elle fait écho à celle de Frank Tinkbaum dont l’amoureuse l’a poussé à s’engager. Dans un parallèle né de l’opposition, le lecteur associe également la nudité de Roman Kapulov lors d’ébats avec Lulia, à celle de Tinkbaum alors qu’il est torturé, les auteurs mettant ainsi en avant comment des circonstances incontrôlables emmènent les individus dans des directions opposées. Le récit met également en scène comment les petits chefs se sentent légitimes pour imposer des ordres s’apparentant à des brimades, entre mesquinerie et sadisme. Il fait apparaitre les conséquences de la politique de Joseph Staline (1878-1953) sur le peuple espagnol, et à quel point les idéaux sont dévoyés. Un récit très ambitieux présentant un moment de la guerre civile espagnole avec les enjeux correspondants, une histoire d’amour. La narration visuelle effectue un travail colossal de reconstitution, de direction d’acteurs, de mise en scène de moments d’échanges et de moments d’action, avec une lisibilité exemplaire. Le scénariste développe également une histoire d’amour, la particularité de chaque protagoniste impliqué, leurs motivations personnelles, l’incidence de la politique de Staline, la présence de la presse étrangère, le financement des armes, etc. Une grande réussite.
Dans la forêt - d'après le roman de Jean Hegland
Une adaptation bouleversante et empreinte de poésie Avec Dans la forêt, Lomig offre une adaptation saisissante du roman de Jean Hegland, à la fois fidèle et profondément personnelle. L’histoire de ces deux sœurs, isolées dans une maison en pleine forêt après l’effondrement de la civilisation, est un récit bouleversant sur la survie, l’amour familial et notre lien à la nature. Au-delà de la tension et des épreuves qu’affrontent les personnages, cette bande dessinée nous invite à réfléchir sur notre mode de vie et sur l’importance de se reconnecter à l’essentiel : la nature, nos racines, et ce qui nous nourrit véritablement. La forêt, omniprésente, devient un personnage à part entière, à la fois protecteur et indifférent, sublimé par les magnifiques dessins en noir et blanc de Lomig. Le choix graphique, tout en sobriété, renforce l’intensité du récit. Les traits épurés et les jeux d’ombres et de lumières capturent à merveille la beauté et la rudesse de ce retour à l’état sauvage. Dans la forêt n’est pas seulement une adaptation réussie, c’est une œuvre profondément actuelle, qui nous questionne sur notre rapport à l’écologie, à la modernité et à la résilience humaine. Une lecture puissante, qui reste en tête longtemps après la dernière page.
Walking Dead
Un chef-d’œuvre du genre post-apocalyptique The Walking Dead, c’est bien plus qu’un simple comics. C’est une œuvre qui m’a complètement happé, une plongée dans l’horreur et l’humanité la plus brute. Ce qui rend cette série si incroyable, ce sont les personnages : ils sont tellement humains, avec leurs forces, leurs failles, leurs erreurs… On s’attache à eux, on souffre avec eux, et parfois, on est dévasté par leurs pertes. Les relations sociales et les dilemmes moraux sont au cœur de l’histoire, et c’est ce qui m’a le plus touché. Ce n’est pas juste une histoire de zombies, c’est une réflexion sur ce que signifie survivre dans un monde où tout s’effondre. Le noir et blanc renforce cette immersion : il donne une ambiance sombre, réaliste, et chaque dessin de Charlie Adlard est chargé d’émotion et de tension. Les morts sont brutales, imprévisibles, et elles nous rappellent constamment que personne n’est à l’abri. Franchement, je manque de mots pour décrire à quel point cette série est exceptionnelle. C’est une œuvre qui reste en tête longtemps après l’avoir lue. Pour moi, The Walking Dead est incontournable, que vous soyez fan de comics ou non.
L'Intranquille monsieur Pessoa
Mens agitat molem. - Ce tome contient une histoire complète, de nature biographique. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Nicolas Barral pour le scénario, les dessins et les couleurs, avec la participation Marie Baral pour les couleurs. Il comprend cent-trente-et-une pages de bande dessinée. Il s’ouvre avec une introduction de Simño Cerdeira. Il se termine avec une photographie de la malle remplie de manuscrits de l’écrivain, et une page comprenant une bibliographie recensant trois ouvrages sur l’écrivain, et huit ouvrages de l’écrivain, ainsi que la liste des ouvrages de Barral chez le même éditeur et chez d’autres éditeurs. Lisbonne, en 1935, Fernando Pessoa est en consultation chez son médecin qui lui annonce que son foie est très abimé. Le poète regarde le chantier de la cathédrale Sainte-Marie-Majeure. Il demande au docteur s’il a déjà pris l’ascenseur. Il explique que celui-ci a été créé par un ingénieur français, Raoul Megnier, et appartient à la compagnie des tramways électriques. Il dessert le Largo du Carmo. Le billet pour accéder tout en haut est un cher, mais quel panorama ! Le médecin ne se laisse pas distraire : il indique qu’il est très sérieux et qu’il va falloir qu’il hospitalise Pessoa. Ce dernier lui répond qu’il doit lui faire une confidence : il est immortel. Le médecin ne s’en laisse toujours pas conter et il ajoute qu’en attendant il adresse l’écrivain à un confrère à l’hôpital Saint-Louis des Français, il lui conseille de prendre ses dispositions. Pessoa sort du cabinet, et il salue un homme habillé de tout de noir dans la salle d’attente. En descendant dans l’escalier, il tousse et crache un peu de sang dans son mouchoir. Il sort dans la rue, et il marche sur le motif pavé de vagues de la place du Rossio. Son esprit se met à vagabonder. Fernando Pessoa se souvient d’un épisode de son enfance, en 1936 sur un navire de ligne au large du cap de Bonne Espérance. Il était dans une cabine avec sa mère et elle lui lit une histoire pour l’endormir : celle du chevalier de Pas qui plonge dans les douves pour échapper aux gardes du château, et qui reste sous l’eau en utilisant un roseau pour respirer. Le jeune garçon s’endort paisiblement en suçant son pouce. La mère va s’assoir sur le lit en face, regarde le portrait d’un homme qu’elle a sorti de ses affaires, et sort un calepin où elle écrit un court poème destiné à cet homme. Puis elle prend son châle, et elle sort prendre l’air. Le bruit de la porte réveille Fernando et il lit le poème d’amour. Il déchire le poème car il comprend qu’il est destiné au nouvel amoureux de sa mère alors qu’elle avait promis de n’aimer qu’un seul, son défunt mari, le père de Fernando. La mère rentre dans la cabine à ce moment et elle est prise de colère. Elle récupère la feuille déchirée, et elle jette le ballon de son fils par le hublot. Geste qu’elle regrette immédiatement et elle demande pardon à son fils. 28 novembre 1935, à Lisbonne au petit matin, dans la salle de rédaction du Diario de Lisboa, le rédacteur-en-chef M. Da Silva comprend qu’il va falloir rédiger une nécrologie. Il la confie à Simão Cerdeira. Fernando Pessoa (1888-1935), écrivain et poète portugais : pas forcément un auteur connu du lecteur, une référence dans son pays d’origine. En fonction de sa familiarité avec cet auteur, le lecteur comprend immédiatement que le récit commence à quelques jours de son décès, et il constate qu’il revient en arrière de temps à autre. Il apparaît plusieurs personnages au temps présent : Pessoa lui-même, Simão Cerdeira un jeune pigiste et écrivain débutant, qui va à la rencontre de personnes ayant connu le grand homme, Rosa la secrétaire du journal Diario de Lisboa, Henriqueta Nogueira la sœur de Fernando Pessoa, et quelques personnages plus secondaires comme son barbier, M. Da Silva rédacteur-en-chef du quotidien, ou Artur Portela qui a connu Pessoa, le ministre António Ferro (1895-1956), la jeune secrétaire Ofelia Queiroz. Dans le passé, apparaissent rapidement la mère de Fernando, les amis avec lesquels il a fondé la revue Orpheu, le second époux de sa mère. Le lecteur ne prête pas forcément attention au monsieur dans la salle d’attente du médecin. Il est représenté avec la même approche réaliste que les autres personnages : un visage un peu simplifié pour en faciliter la lecture et l’identification, une morphologie tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Il est surpris de le retrouver en page cinquante-cinq alors que Pessoa se promène dans un cimetière. Le récit s’ouvre avec un dessin qui occupe les deux tiers de la page, sous le rappel du titre : une vue du sommet de l’échafaudage qui entoure le sommet d’une des deux tours de la cathédrale en rénovation, et une vue des derniers étages et des toits de ce quartier de Lisbonne. L’artiste prend soin de représenter la ville telle qu’elle était à cette époque, avec une approche descriptive et réaliste : les motifs du pavage de la place du Rossio, différentes rues de Lisbonne avec son tramway, un café, les installations portuaires, un grand parc, les quais, un cimetière, la cathédrale, et plusieurs intérieurs comme l’appartement de Pessoa, le cabinet du docteur, la salle de rédaction du Diario de Lisboa, une chambre d’hôpital, etc. Ces dessins peuvent devenir très détaillés pour insister sur un élément : par exemple, la métallerie de la construction permettant d’accéder à la tour de la cathédrale. Il fait preuve du souci de l’authenticité historique, à la fois dans les éléments urbains, à la fois dans les accessoires de la vie quotidiennes et dans les tenues vestimentaires. Le dessinateur utilise des traits de contour pour délimiter les personnages et les éléments du décor, avec une épaisseur parfois un peu plus appuyée, et un souci de lisibilité, de ne pas surcharger les cases. Il réalise une mise en couleurs naviguant entre le réalisme et une approche plus impressionniste, en particulier pour accompagner Pessoa et ses états d’âme, restreignant alors sa palette majoritairement des tons ocre et marron. Il fait preuve d’une sensibilité particulière pour la direction d’acteurs, en particulier pour le langage corporel du poète qui apparaît comme fragile et précautionneux, posé et mesuré. Dès le départ, le lecteur apprécie la place laissée à la narration visuelle. Il remarque que la troisième planche est muette, laissant ainsi les dessins porter toute la narration. L’auteur a ainsi réalisé vingt-quatre planches muettes, avec des moments insoupçonnables comme une filature (Simão Cerdeira emboîtant le pas à Pessoa pour savoir où il se rend), et une tuerie à l’arme à feu dans cette structure métallique autour de la cathédrale. Le dessinateur met à profit des dispositifs visuels comme le motif du pavage qui rappelle les vagues à Pessoa, suscitant ainsi la remontée d’un souvenir d’enfance. Ou encore la possibilité d’inclure un personnage fiction, le chevalier Pas se tenant aux côtés de Fernando enfant. La mystérieuse présence de papillons virevoltant dans la chambre de son appartement : entre symbole et métaphore de la manifestation de l’inspiration et de la liberté fragile de création. Des pages où la mise en couleurs se restreint à des teintes bleutées correspondant à des scènes dans le passé. Ou encore la vie d’un personnage de fiction, Bernardo Soares, représenté dans le même registre réaliste que celle de Fernando Pessoa, l’auteur. Soucieux de la compréhension de son lecteur, l’auteur fait expliquer la notion d’hétéronyme par Artur Portela à Simão Cerdeira. Le lecteur se souvient alors de l’homme dans la salle d’attente du médecin. Dans un premier temps, la démarche de l’auteur apparaît comme étant de relater les derniers jours de l’écrivain, de le mettre en relation au regard des personnes qu’il côtoie. Dans un second temps, le lecteur comprend que la scène en 1936 du voyage en bateau, celle de la rencontre avec Ofelia Queiroz, ou encore d’un repas de famille correspondent à des moments que Nicolas Baral a jugés comme déterminant dans la vie du poète, à la fois dans la construction de sa personnalité, à la fois dans sa vocation d’écrivain et de ce qu’il souhaite exprimer. Dans un troisième temps, il saisit également leur fibre psychanalytique, particulièrement émouvante concernant le ballon jeté par le hublot en page quatorze, un acte qui traumatise le jeune garçon comprenant que sa mère le punit en lui faisant mal. Toutefois en page soixante-six, Pessoa entreprend d’expliquer l’importance de la littérature à son barbier, en lui demandant de décrire un ballon, ce qui apporte une tout autre perspective audit traumatisme. En page trente-deux, Artur Portal explique la notion d’hétéronyme à Simão Cerdeira, une marque de fabrique de l’écrivain. Ainsi le lecteur néophyte peut comprendre ce qui se joue au cimetière, puis dans plusieurs scènes après. L’auteur met ainsi en scène les déclarations mêmes de Pessoa quant à la réalité de ces hétéronymes, ce qui a pour effet de donner à voir au lecteur ce pan de sa vie tel que l’écrivain lui-même le ressent. Avec ces différentes composantes, ce récit biographique amalgame les faits avec la vision d’auteur de Fernando Pessoa, et sa méthode d’écriture. Les auteurs de bande dessinée biographique naviguent entre la transcription factuelle et académique des faits, parfois alourdie par de copieux cartouches, et une interprétation à l’aune des œuvres de l’artiste. Ici, l’auteur sait combiner ces deux façons d’appréhender une telle biographie, avec une narration visuelle descriptive consistante et légère à la fois, et un tour de main élégant mêlant harmonieusement les faits avec les intentions de Fernando Pessoa, l’impact émotionnel et psychologique de certains événements et le carburant créatif qu’ils constituent. Inspirant.
Irmina
Comment est-il possible que le citoyen Allemand moyen ait pu tolérer, accepter, voire encourager les horreurs nazies commises autour d’eux au quotidien ? C’est une question judicieuse dont les historiens et sociologues débattent beaucoup depuis des décennies. « Irmina » apporte sa pierre à l’édifice de cette réflexion, un début d’explication, une fenêtre sur la vie d’une jeune femme qui a vraiment existé, et dont le destin interpelle. On observe sa lente transformation, son assimilation « malgré elle » au système de pensée nazi. L’autrice réussit à rendre sa vie crédible, sa passivité logique, inévitable… la fin est effectivement juste et touchante, alors que Irmina se retrouve forcée de faire un bilan finalement assez douloureux et rempli de regrets. La mise en image est magnifique, j’ai pris beaucoup de plaisir à visiter Londres, Oxford, Berlin, et enfin Bridgetown. Un excellent moment de lecture.
La Dernière Nuit d'Anne Bonny
Adaptation quasiment mot pour mot du Podcast éponyme, on y suit le parcours d'Anne Bonny la célèbre pirate qui raconte son histoire au soir de sa vie. Entre récit fantasmé et envie de décrire le plus fidèlement possible l'aventure d'une femme (dans toute sa complexité). Le dessin est dynamique et trés agréable dans l'ensemble, même s'il manque un peu d'iconisation des personnage. Mais c'est aussi dû a une certaine faiblesse du scénario. En effet on ne connait pas le destin d'Anne Bonny après son procès (mort, évasion, survie ?), et finalement sa période de piraterie a été de courte durée. Et c'est la force est la faiblesse du livre : force pour son ancrage historique et faiblesse pour son manque d'épique. Mais l'ensemble a marché sur moi, même pour l'intervention des historiens que j'ai trouvé intéressante (bien qu'il manque une conclusion à celle ci), permettant de prendre du recul sur le récit et de le remettre ne perspective.
Les Nouvelles Aventures de Bruce J. Hawker
Il aurait utilisé quelque chose de plus ingénieux, de plus complexe… - Ce tome est le premier d’un diptyque de la reprise d’une série Bruce J. Hawker créée par William Vance en 1976, comprenant sept tomes parus de 1979 à 1987. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Christophe Bec pour le scénario, et par Carlos Puerta pour le dessin et les couleurs. Il comprend soixante-deux pages de bande dessinée. Dans la forêt de Chizé, Haut-Poitou, dans la nuit du douze octobre 1307 : un groupe de templiers a établi son campement pour la nuit, certains sont encore sur leur monture. Aymeric, un cavalier, s’adresse à un autre pour lui indiquer qu’ils doivent prendre la mer avant le lever du jour, et lui demandant s’il est certain que frère Hughes va bien les rejoindre. L’autre lui enjoint de garder la foi, ils ont encore du temps, le crépuscule vient à peine de tomber, et il est certain que le frère a lui aussi pris la fuite. Il continue : Le Seigneur ne les abandonnera pas, Il guide les pas de Hughes de Chalons jusqu’à eux. En effet, un soldat vient leur annoncer que frère Hughes approche avec trois charrettes recouvertes de paille. Chaque cavalier revêt un lourd manteau informe pour cacher leur blason. Il ne faut pas qu’ils risquent d’être découverts une fois hors de cette forêt. Ils continuent d’échanger des consignes et des informations. Ils doivent gagner le port de la Rochelle, là où leurs nefs les attendent. Ils se demandent si frère Jean saura garder le secret, tout en étant sûrs qu’il sera supplicié. C’est le sort réservé par Guillaume de Nogaret à beaucoup de leurs frères. Le roi les accuse d’idolâtrie et de sodomie. Philippe le Bel ne veut pas seulement l’anéantissement de leur ordre, il veut aussi leur mort. Alors qu’ils arrivent au port, deux dockers identifient le maître précepteur, et il en déduit que les charrettes sont chargées du trésor du visiteur général. Les templiers sont prêts à prendre la mer les coffres remplis d’argent, avec les archives et les artefacts ramenés de Terre sainte placés dans la cale, et les cartes vikings. Vendredi treize octobre 1307, sur l'île aux Juifs, à Paris, tous les templiers de France sont arrêtés sur ordre du roi Philippe IV. Dix-huit mars 1314, Jacques de Molay est exécuté, sur un bûcher dressé et il prononce sa malédiction. Le vingt-huit août 1803, dans la baie de Gibraltar, mister Dunn explique l’origine mythologique de cette formation à Bruce J. Hawker : Merlqart est l’équivalent d’Hercule pour les phéniciens, dans les légendes il aurait brisé les chaînes de l’isthme et percé une brèche divine dans la masse montagneuse mariant ainsi les eaux de l’océan et celles de la Méditerranée. Hawker le remercie et se félicite d’avoir à son bord en qualité de second quelqu’un d’aussi érudit. Il regrette de ne pas en dire autant de ce jeune loup des Royal Marines, le lieutenant Lowe. Il n’a jamais trop apprécié les soldats d’infanterie blanchis à la terre à pipe, car ils ne voient guère plus loin que la pointe de leur baïonnette. Dunn ironise que le lieutenant sait bien pourquoi ils ont des marines à bord : car les chèvres sortiraient trop facilement du lot. Hawker monte dans le canot qui doit l’amener à bord du Victory où il est attendu par l’amiral Nelson. Un exercice délicat : la reprise d’une série qui a laissé une empreinte dans la mémoire collective, majoritairement du fait de l’implication de son créateur et auteur, de sa personnalité. En entamant ce tome, l’horizon d’attente du lecteur comprend une aventure maritime, un personnage principal droit dans ses bottes, sans beaucoup de personnalités, et bien sûr des références aux aventures originales. Les auteurs répondent à ces attentes. Bruce J. Hawker est égal à lui-même : un beau jeune homme, bien fait de sa personne, à la silhouette un peu guindée, avec une chevelure fournie blond platine. Au détour d’une discussion, un marin du Lark mentionne l’âge du lieutenant : vingt-trois ans, ce qui correspond à la création de William Vance. Il est fait mention des aventures des deux premiers albums : la mission du Lark sous les ordres de Hawker, et même l’anecdote selon laquelle il aurait sauvé la vie de l’amiral Nelson. Celle-ci est évoquée par l’amiral directement avec Hawker, avec une certaine froideur. Au cœur des aventures originales se trouvaient la nationalité du héros et sa qualité de militaire. Le lecteur retrouve ces caractéristiques au début du récit elles revêtent moins d’importance dans la deuxième moitié de ce tome. Enfin, il retrouve la responsabilité de commander un navire britannique, soumis aux conséquences de croiser un bâtiment ennemi. Indéniablement les auteurs ont lu les récits de William et veillent à en respecter l’esprit. En fonction de sa sensibilité, le lecteur attend peut-être une forme d’intrigue plutôt qu’une autre. Le scénariste a choisi de faire partir le héros depuis Gibraltar, et de l’envoyer vers le nouveau monde. En cela, il s’écarte du schéma des sept tomes précédents, tout en conservant le principe que Bruce J. Hawker que la responsabilité militaire d’un navire le place dans des situations périlleuses et il assume pleinement les responsabilités de sa charge, recourant à la violence comme à la discussion. La dynamique de l’intrigue repose sur la recherche d’un trésor. L’auteur se sert du mythe du trésor des templiers, et des différentes hypothèses historiques. Il évoque en trois cases autant de faits historiques : le départ de la flotte des templiers, l’arrestation des templiers, l’exécution de Jacques de Molay (1244/49-1314) vingt-troisième et dernier maître de l’ordre du Temple, sans mention explicative, en tenant ces faits comme connus du lecteur. En fonction des événements historiques, il les mentionne comme connus de tout le monde, ou il les complète d’une brève mention. Le lecteur voit ainsi Horatio Nelson (1758-1805) le temps d’une scène, Jacques de Molay le temps d’une case, et Félicité de Lannion (1745–1830), comtesse de la Rochefoucauld joue un rôle important dans le récit (reprenant ainsi l’habitude d’avoir un personnage féminin fort). Enfin, le scénariste reprend l’hypothèse des voyages de Le chevalier Henri Sinclair (1355-1404). Le lecteur peut être familier de la personnalité graphique de l’artiste avec ses précédentes séries, comme Baron Rouge (trois tomes, 2012-2013-2015) avec Pierre Veys, Maudit sois-tu (trois tomes, 2019-2021-2022) avec Philippe Pelaez, Jules Verne et l’astrolabe d’Uranie (deux tomes, 2016-2017) avec Gil Esther. La première planche s’avère très caractéristique de son approche : une mise en couleurs très sophistiquée, apportant une sensation de rendu photographique pour certains éléments, ou relevant d’une impression donnée par un camaïeu. Dans la première catégorie, le rendu s’avère saisissant quand il reproduit à la perfection la texture de la roche pour Gibraltar, les vaguelettes de la mer, ou encore les brins d’herbe dans une vaste étendue verdoyante. Dans la deuxième catégorie, il réussit à donner l’impression d’un ciel de tempête avec un camaïeu de gris et de fines zébrures, des habits dégoutant d’eau dans la tempête par un jeu de bleus, une terre à l’horizon par des formes vertes indistinctes, ou encore une feuillage vert tel que le lecteur peut s’imaginer en avoir la perception dans le lointain. L’artiste joue de la même manière avec la façon de représenter les visages, en rendu quasi photographique, ou une approche plus classique avec trait de contour, hachure et mise en couleur. Il est possible que le lecteur ait besoin de disposer d’un temps d’adaptation pour accepter ces fluctuations au sein d’une même page. Pour autant, la maîtrise graphique a tôt fait de l’enthousiasmer en mariant ainsi des descriptions d’un rare réalisme avec des ambiances relevant plus des sensations. Le lecteur se sent vite emmené aux côtés de Bruce J. Hawker dans une vraie aventure, plausible, avec des moments attendus (bataille maritime, emprisonnement à fond de cale, recherche d’un trésor, tempête en plein océan), avec un enjeu de taille dans un contexte historique nourri et développé. Il fait l’expérience de deux créateurs en phase, au point de ne faire qu’un, avec des moments mémorables : la première apparition du navire avec ses voiles blanches ornées de croix rouges, le médecin préparant ses instruments dans le pont inférieur, les canons crachant le feu, le navire bringuebalé par les vagues immenses, le feu de Saint Elme, un navire vu du ciel à la verticale, la végétation luxuriante, la découverte de la forme artificielle d’un marais, le ciel nocturne embrasé par les fusées volantes, etc. Il se rend compte que la narration présente une densité élevée : à la fois par le volume d’informations contenues dans les dialogues, et au cours d’une ou deux explications plus longues, à la fois par les éléments visuels. Parfois, il lui semble que le scénariste tient à rentrer dans le détail, afin de rester concret et plausible, qualité qui se propage aux éléments fictionnels. Le dessinateur en fait de même de son côté. Cela peut avoir pour effet d’amoindrir la dimension spectaculaire de certaines moments (par exemple la découverte des restes de la charpente d’un navire enterré, qui n’est que le résultat de jours et de semaine du dur labeur de pelletage). À d’autres moments, cela rehausse un événement, comme la découverte de la fuite nocturne des prisonniers anglais. La promesse de découvrir un héros emblématique d’une série, ou de le retrouver, dans une interprétation différente par de nouveaux créateurs : un pari à double tranchant, entre la certitude de ne pas faire aussi bien que l’équipe originelle, et l’obligation de reprendre les éléments caractérisant la série. Bec & Puerta remplissent cette seconde condition : la beauté et la froideur de Bruce J. Hawker, des scènes de mer, une dynamique conflictuelle entre Anglais et leurs ennemis de l’époque, un ancrage dans une époque historique. L’artiste se montre aussi ambitieux que William Vance, tout en conservant ses propres caractéristiques visuelles, peut-être en deçà pour rendre l’océan vivant, peut-être plus convaincantes pour le réalisme. Le scénariste intègre et cite des éléments des précédentes aventures, tout en emmenant le personnage plus loin qu’il n’a jamais navigué. Une histoire solide pour elle-même, respectant les conventions de l’hommage, tout en prenant des libertés. Un beau voyage exploratoire.
The One Hand & The Six Fingers
Je surveille toujours les nouvelles parutions de Ram V, et cette histoire mêlant polar noir et « Blade Runner » avait tout pour me plaire. Et je ressors plutôt satisfait de ma lecture. Un mot sur le format de parution, plutôt inédit. Il existe en fait deux séries VO : « The One Hand » tomes #1 à #5 (avec Ram V au scenario et Laurence Campbell au dessin), et « The Six Fingers » tomes #1 à #5 (avec Dan Watters au scenario et Sumit Kumar au dessin). Il faut lire les deux en parallèle, cad les deux #1, puis les deux #2 etc…, ce qui fournit au lecteur deux points de vue sur les évènements (celui du détective et celui du tueur). Le format de parution chez Urban reflète d’ailleurs la chose (le tome 1 VF contient The One Hand #1 et The Six Fingers #1). Notez que cet avis porte sur l’intégrale de l’histoire (cad les 10 comics VO). L’histoire est prenante, l’univers mis en place est riche et intrigant, et les évènements mystérieux tiennent le lecteur en haleine… on se demande un peu comment les auteurs vont arriver à apporter des réponses logiques et satisfaisantes, mais le dénouement est réussi, même si je l’ai trouvé un peu nébuleux. Je pense avoir tout saisi, mais de justesse. La réflexion proposée sur les IA et son impact sur nos vies est bien traitée et plus pertinente que jamais. La mise en image est magnifique, et contribue beaucoup à l’ambiance cyber-hallucinatoire, notamment grâce à des couleurs du plus bel effet. Certains enchainements sont remarquablement mis en scène. Un polar science-fiction prenant et bien réalisé, mais un peu ardu à suivre par moment. J’ai toutefois passé un excellent moment de lecture. « Un album recommandé aux fans de Blade Runner, Ghost in the Shell, et Black Mirror », comme le suggère l’éditeur VO Image Comics.
Bolchoi arena
Une série relativement surprenante, et agréable à lire (en tout cas les trois premiers albums, seuls parus à ce jour). Le dessin est simple mais efficace, dynamique. Tout juste suis-je un peu moins convaincu par la colorisation, un chouia trop terne à mon goût. L’histoire est assez prenante. De la SF bien fichue. Qui joue sur les allers-retours entre la réalité et un jeu usant d’intelligence artificielle et de réalité virtuelle, les joueurs ayant tous un avatar pour les représenter dans le « Bolchoï », un jeu assez violent où la plupart cherchent à dominer les passages, les planètes, à les exploiter, quitte à mener des raids pour piller les ressources. Au milieu de cette jungle de l’espace, une jeune femme qui s’est prise au jeu, et qui ne survit plus que par son avatar, puisqu’un bug l’a grièvement blessée. Cet avatar est sa seule chance de tenir, avec l’aide de quelques amis, alors que son père (gros cliffhanger en fin de troisième tome !) cherche à éliminer sa fille pour récupérer ses richesses virtuelles. C’est mené tambour battant (surtout les deux premiers tomes), mais l’intrigue se pose aussi, pose des questions, ajoute un petit côté polar. Et les personnages gagnent en profondeur au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, qui se révèle plus complexe que je ne le pensais de prime abord. Une lecture plaisante. J’espère que la série n’a pas été abandonnée, et que l’on aura rapidement la conclusion (je ne sais pas combien de tome les auteurs ont prévus). Note réelle 3,5/5.
Shubeik Lubeik
Pouah pouah pouah mais quelle BD. Un vrai coup de cœur !! J’en ai lu des chouettes trucs de 2024 mais pour l’instant cet album sort clairement du lot. Il semble être malheureusement passé un peu inaperçu mais si je n’avais qu’un mot à dire, c’est : Foncez ! C’est une œuvre qui vous surprendra et vous charmera. Une petite pépite venue d’Égypte. C’est rempli de spontanéité, de fraîcheur, d’émotions, d’intelligence, de trouvailles, de surprises … une lecture tout simplement excellente et magnifique. Je l’ai lu en 3 soirées et en espérant que ça ne s’arrête jamais. Je vous renvoie au bien bel avis de Spooky pour en connaître davantage (que je remercie pour la découverte). Je passe juste pour vous encourager à tomber dessus le plus rapidement possible (pourquoi pas pour le prix bdtheque ? ;) ça serait mérité. J’en suis sorti franchement bluffé, une autrice à suivre et de grands talents. Bravo à elle !! J’ai adoré son univers et le soin apporté : c’est ponctué d’articles, chiffres dans la veine de doggybags ; il y a une belle variété dans le trait et couleurs (ne vous arrêtez pas à la galerie ou couverture) ; le message transmis est superbe, l’usage du conte judicieux, les personnages magnifiques … Bon vous l’aurez compris je suis plus qu’enthousiaste, il s’en dégage une magie indéniable, je n’ai rien à redire. Plus qu’une bouffée d’air frais, une véritable bouteille d’oxygène. Merci Mme Mohamed.