Je n’ai eu que le 1er tome dans les mains.
Même si le contexte et l’époque sont différents, on retrouve pas mal d’aspects similaires à Magasin général, de la chronique sociale de qualité.
Nous nous situerons dans la campagne française du Sud-ouest et à l’aube des événements de mai 68. Nous y découvrirons 2 villages solidaires et en même temps rivaux. Nous rencontrerons de nombreux personnages, de tous âges et horizons …
La partie graphique accompagne parfaitement le récit, sans fioritures mais efficace et fluide. Horne a décidément un talent de caméléon, son trait est ici bien différent de ce que je lui connais.
Pas bien sorcier dans les péripéties mais il y a du savoir faire pour rendre ce petit monde attachant. Un bon moment.
3,5
Une adaptation très fidèle du conte des frères Grimm.
Ici, rien des apports de la version Disney (qui reste tout de même la version la plus connue de nos jours). Pas de baiser non-consenti pour réveiller la belle (merci !), plusieurs tentatives d'assassinat et non une seule, c'est Blanche Neige qui condamne la reine et non le "destin" qui l'élimine, et surtout les âges de Blanche Neige de la méchante reine sont ici beaucoup plus clairs et importants.
Sans être rarissime non plus, j'ai souvent remarqué que les adaptations de ce conte ont tendance à mésinterpréter (ou en tout cas ne rendent pas claire) la source du conflit entre Blanche Neige et sa belle-mère. Ce n'est pas juste que cette dernière est vaniteuse, c'est qu'elle se sent vieillir, que sa beauté et son charme, ses armes pour réaliser ses ambitions (la source symbolique de son pouvoir), lui filent petit à petit entre les doigts. Ce n'est pas juste que Blanche Neige serait plus belle qu'elle, c'est qu'elle-même le devient moins. La source du problème c'est le temps, l'âge. Et justement, autre chose encore plus souvent oubliée dans ces adaptations : Blanche Neige était une enfant lorsqu'elle a fuit son château.
Donc ici, je suis bien contente de voir que Blanche Neige n'est pas une pin up (comme j'ai eu bien trop souvent l'impression de voir), sa beauté est bien plus juvénile, innocente, et la méchante reine et elle vieillissent toutes deux au fur et à mesure de l'album. Un très bon point pour moi.
Dans le cas présent, la forme, et plus particulièrement le dessin, ont grandement joué sur mon appréciation. Les visages très beaux et délicats des personnages, les décors magnifiques, les couleurs chatoyantes, ... C'est beau, vraiment.
Peut-être que l'album aurait mieux mérité 3 étoiles. Qui sait ? En tout cas j'ai beaucoup aimé le dessin et cela me fait monter la note à 3,5, donc arrondissons à 4 étoiles.
J'étais jeune (majeur quand même) lorsque j'ai lu Druuna pour la première fois. Le scénario du premier tome m'a vraiment plu. Il y a une belle dynamique entre les personnages et l'intrigue est bien construite. Malheureusement, au fil des tomes, j'ai trouvé que l'histoire devenait de plus en plus confuse et difficile à suivre. C'était un peu décevant parce que le début promettait beaucoup.
Les thèmes abordés dans Druuna sont assez variés et parfois déroutants. On y retrouve des éléments de science-fiction, de dystopie et d'érotisme. Les questions de survie, de mutation et de quête de liberté sont omniprésentes. Toutefois, certains passages peuvent être un peu dérangeants, surtout en raison de la violence et des scènes érotiques très explicites.
Les personnages sont assez bien développés. Druuna, l'héroïne, est une femme courageuse et déterminée. J'ai trouvé intéressant de suivre son parcours et ses interactions avec les autres personnages, comme Lewis.
Ce qui m'a vraiment fasciné, c'est la beauté des dessins. Les décors sont incroyablement détaillés et les corps féminins sont magnifiquement représentés. Paolo Eleuteri Serpieri a un talent fou pour capturer les expressions et les mouvements de ses personnages. Chaque page est un véritable plaisir pour les yeux et cela a vraiment ajouté à mon appréciation de la bande dessinée.
Bien que le scénario se perde un peu au fil des tomes, la qualité des dessins et la richesse des thèmes abordés font de Druuna une bande dessinée que je recommande.
Une lecture plaisante.
Wiloucha est le nom de la ville de Troie dans la langue Hittite.
Cet album retrace les derniers instants de la guerre de Troie, donc, de ce côté pas de surprise, on sait comment ça se termine.
Un récit captivant qui permet de découvrir un troisième acteur dans cette guerre : les Hittites, ils avaient signé un traité d'alliance avec les Troyens.
Un récit violent, des têtes seront séparées de leur tronc, on jette un bébé par dessus les murailles de la cité et le sang va couler à flot. La bataille finale est bien orchestrée. On aura pu suivre auparavant les différentes intrigues et machinations qui amèneront au dénouement. La réalisation est maîtrisée, on passe d'un camp aux autres naturellement. Par contre, la mort du grand prêtre d'Apollon et de ses deux fils par une murène me laisse coi, c'est un peu n'importe quoi. Mais bon, les dieux en ont décidé ainsi.
Benjamin Blasco-Martinez a vraiment du talent, j'aime les ambiances qu'il arrive à créer dans des genres très différents, que ce soit le western avec Catamount ou la science-fiction avec Noir Horizon ou encore ici dans de l'historique. Un style réaliste qui plonge le lecteur dans de magnifiques contrées. Un visuel de toute beauté où les femmes sont félines et sensuelles.
Pour les amateurs du genre.
Habituellement pas fan des récits sur la seconde guerre mondiale, mais quand c'est bon il faut le dire !
L'histoire est à la fois très réaliste (guerre, résistance, risque de mort imminente, ...) et presque fantasque. Le postulat de base, bien qu'en réalité parfaitement réaliste aussi, sonne abracadabrantesque tant il parait risqué, on se dit que ça ne peut que mal finir.
On suit Marie-Noëlle, une enseignante bretonne qui va tout mettre en œuvre pour sauver l'un de ses élèves des mains de la milice, quitte à partir avec l'ensemble de sa classe dans la forêt en prétextant une sortie scolaire.
La tension est prenante, on craint tout du long pour la survie de tout ce petit groupe. L'institutrice essayant désespéramment de faire fuir son groupes d'enfants tout en devant leur cacher les horreurs et la menace qui leur court après, la cruauté sadique et malheureusement très humaine des miliciens, l'animosité d'un des enfants envers "le juif" (répétant les discours nauséabonds qu'il a entendu), les réactions très réalistes des enfants face à tout ce qui leur arrive, ... Oui, l'histoire prend aux tripes, il n'y a pas à dire.
N'ayant pas encore avisé une série avec Carole Maurel au dessin, j'en profite pour saluer ici son travail que je trouve très bon. Je trouve que ses dessins ont équilibre parfait entre le très expressif des dessins et cartoons caricaturaux et une forme plus réaliste.
Oh, le joli coup de foudre que voilà !
J'ai ouvert cette série par hasard, attirée initialement par la jolie petite bouille de la protagoniste sur les couvertures. Bonne pioche, j'ai envie de dire.
La série parle de Violette, jeune circassienne, fille d'une femme canon aux formes aussi rondes que son sourire et d'un éminent entomologiste reconverti en dompteur d'insectes, qui se questionne et s'émerveille sur sa vie. Sur la vie, et sur le beau aussi.
La série parle beaucoup du beau, en faisant intervenir de nombreux artistes (physiquement ou par citation), mais surtout en faisant de la beauté de ce qui nous entoure le sujet principal de l'œuvre. On nous parle de la beauté de la vie, dans sa simplicité, ses petits détails, et surtout dans ses gens. Celleux qui nous entourent, celleux que l'on croise un instant, celleux qui restent et celleux qui nous quittent. Le troisième album, tournant autour de la mort imminente de Papi Tenzin, figure paternelle du cirque, m'a faite pleurer. Tout cette succession d'anecdotes de moments clés de la vie de ce cirque, du rôle sympathique et pourtant si banal qu'a joué ce grand-père dans la vie de son entourage m'a fait pleurer, mais pleurer. A chaudes larmes.
La beauté de cette série ne tient pas qu'à son récit ou a ses personnages aux designs simples mais adorables, elle tient aussi et surtout aux textes, ou plus précisément à la narration de Violette, poète dans l'âme sans le savoir. Ses petites réflexions sur sa vie, sur les évènements qu'elle vit, et les mots qu'elle choisit pour leur donner sens dans son esprit sont beaux. J'ai peur de paraître hyperbolique quand je le dis, mais j'ai ressenti cette beauté simple et évidente que je n'arrive à ressentir que chez certain-e-s poète-sse-s précis-es. Les textes de cette série m'ont sincèrement touchée au cœur.
Bien joué madame Radice, vos mots m'ont sincèrement atteinte.
Superbe bd qui change de l'approche classique post apo. J'attends la suite de la série, mais elle sera en bonne place dans la bibliothèque ... A coté des conserves, provisions et rations de survie ;).
Madame, vous venez de voter, vous êtes émue ?
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Ce tome correspond à un récit biographique. Son édition originale date de 2024 Il a été réalisé par Marie Moinard pour le scénario et par Marine Tumelaire pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-vingt-trois pages de bande dessinée. Il se termine par un court texte rappelant l’adoption de l’amendement Fernand Grenier par l’Assemblée consultative le 24 mars 1944, l’ordonnance portant organisation des pouvoirs publics en France du 21 avril 1944, le préambule de la Constitution de la IVe République rédigé et adopté en 1946 rappelant que : La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.
Au volant de sa 2CV, Louise Weiss conduit à tombeau ouvert pour rallier le Parlement européen, en cette année 1979. Un fonctionnaire la mène à la tribune où elle prend la parole. Elle commence : Les étoiles du destin et les chemins de l’écriture l’ont porté à cette tribune pour y vivre, présidente d’un jour, un honneur don elle n’aurait jamais osé rêver et une joie. Elle continue : La joie la plus forte que puisse éprouver une créature au soir de son existence, la joie d’une vocation de jeunesse miraculeusement accomplie. Le 26 avril 1914, Louise Weiss, vingt-et-un ans, s’adresse à sa mère dans le salon familial. Elle lui demande si elle a vu que elles, les femmes, sont invitées à répondre à la question sur le droit de vote des femmes. Elle continue : C’est un vote blanc, elles peuvent déposer leur vote rue Scheffer. Sa mère lui propose d’y aller, en joignant le geste à la parole. Elles se rendent à un kiosque dans la rue, pour aller chercher leur bulletin. Son texte s’avère des plus directs : Mesdames, Mesdemoiselles, désirez-vous voter, Oui / Non ? Elles regardent des femmes présentes alentours incitant les passantes à voter.
Quelques jours plus tard, Louise se félicite auprès de sa sœur du fait qu’elles ont été très nombreuses à voter. Elle continue : Les résultats seront communiqués dans les prochains jours, les bulletins peuvent être envoyés jusqu’au trois mai, il n’y aura pas beaucoup de temps à attendre. En attendant, elle se remet à sa dissertation, et les deux sœurs récitent : Il pleure dans mon cœur, un poème de Paul Verlaine. Le lendemain devant le lycée Molière à Paris, elle papote avec une copine, lui demandant si elle a voté au référendum. Sa copine répond qu’elle n’était pas au courant, et puis avec son père pas question de faire des vagues en ce moment, avec les examens qui approchent, elle préfère se faire oublier. Louise ajoute que son père à elle n’est pas au courant non qu’elle prépare l’agrégation. Elle travaille en douce, et il l‘a déjà difficilement félicité pour son prix au lycée. Heureusement que leur maman les aides Eugénie et elle. Leur mère veut que ses filles soient diplômées pour gagner leur indépendance. Sa copine répond qu’elle préfère avoir un mari et lui cuisiner des petits plats que sa grand-mère lui a appris. Louise répond qu’elle peut lui donner des cours pour réaliser la meilleure choucroute de Paris. Sa copine la taquine en lui disant qu’elle a au moins appris ça dans son école ménagère.
En fonction de sa familiarité avec les bandes dessinées de type didactique à caractère historique, le lecteur s’est plus ou moins préparé à une lecture au rythme posé pour absorber une forte densité d’informations, et peut-être une narration visuelle réduite à des illustrations plus ou moins appliquées. Il est pris à contrepied avec la 2CV bondissante dans la première planche, sortant des cases, sans arrière-plan dessiné, mais avec des couleurs vivres, bleu, vert et jaune. La deuxième planche comprend trois cases de la largeur de la page, elles aussi très colorées, avec très peu de texte, et la troisième planche comprend un dessin en pleine page, sans aucun mot. L’inéluctable se produit dans la page suivante, alors que Louise Weiss entame son discours, il ne s’agit toutefois que d’un court extrait. En effet, les autrices ont pris le parti d’opter pour une narration aérée, laissant une place prépondérante aux dessins, se tenant à l’écart de l’effet pavé de texte. Dans le même ordre d’idée, l’artiste utilise une palette de couleurs variées, s’attachant aux ambiances, sans lien direct avec une approche de type photographique. Ainsi quand Louise et sa mère se rendent au kiosque de rue, les façades des immeubles ont pris une teinte verte, ainsi que la chaussée, et le trottoir est rose, la peau des personnages reste blanche. Lors d’une séquence à l’hôpital de Saint-Quay-Portrieux tout baigne dans une couleur saumon très douce.
La narration visuelle entraîne en douceur le lecteur aux côtés de Louise Weiss depuis avril 1914, jusqu’aux élections municipales du 29 avril 1945, les premières où les femmes peuvent voter. Tout du long, il peut apprécier la façon dont l’artiste met à profit sa liberté dans la mise en couleurs. Tout d’abord le choix des teintes, souvent inattendues, avec un rendu oscillant entre de la peinture, de l’aquarelle, des crayons de couleurs, des aplats solides. Ainsi le lecteur ressent la charge psychologique du père à l’encontre de sa fille, par ce jaune profond irradiant derrière lui, et la poursuivant dans son quotidien pour rappeler comment la décision du père conditionne la vie et le futur de sa fille. Le retour de la nuance saumon vire à l’organe puis tire vers le vert alors que Louise Weiss s’assoit à la table du salon tenu par Claire Jouvenel, accompagnant le fait qu’elle passe d’un mélange de crainte et d’excitation à une discussion vive et entraînante. Plus tard, les femmes distribuent des tracts dans la rue : le rose des papiers tranche sur le jaune délavé dans lequel baigne tout le reste de chaque case. Lors de l’intervention du très misogyne sénateur Raymond Duplantier (1874-1954), le rose vire au rouge cramoisi sous l’effet de ses propos insultants. Régulièrement, le regard du lecteur s’arrête sur une composition mariant plus de couleurs, telle cette superbe vue d’une rue de la butte Montmartre en 1936, page quatre-vingt-douze. Même s’il n’y prête une attention consciente, l’esprit du lecteur ressent la sensibilité et l’intelligence de cette mise en couleurs.
Pour peu qu’il dispose d’une culture BD, le lecteur s’attend à ce que la mise en couleurs sophistiquée serve pour partie à masquer des dessins manquant çà et là de consistance. La 2CV bondissante de la première planche le conforte dans cet a priori. Cependant celui-ci s’évanouit dès la seconde planche : des compositions de couleurs sophistiquées pour montrer l’extérieur du parlement européen. Or il s’avère tout de suite que la dessinatrice investit son temps et son énergie pour faire œuvre de reconstitution historique visuelle. Le lecteur peut voir les toilettes féminines évoluer avec les années et les décennies qui passent. Il prend le temps de regarder aussi bien les décorations intérieures, que les rues. L’artiste montre des lieux de nature très différente et variée : la chambre de la jeune Louise Weiss, un champ dans lequel trois femmes tirent une lourde charrue, une gare parisienne, une chambre parisienne dans les combles et les toits en zinc, les bureaux du journal l’Europe Nouvelle, l’intérieur du Parlement, l’intérieur du Sénat, le théâtre de l’Alhambra à Bordeaux, la grande halle couverte du marché de Lussac-les-Châteaux, la place de la Bastille sous un magnifique soleil d’été, le quartier de Montmartre sous la pluie, le stade olympique Yves-du-Manoir à Colombes, une salle de classe, le salon des arts ménagers, etc. D’un côté, le lecteur éprouve la sensation d’une narration visuelle un peu décompressée ; de l’autre, il fait l’expérience de dessins montrant beaucoup, que ce soient les lieux ou les personnages.
Pour les femmes et les hommes, l’artiste allie une forme de réalisme qui peut s’avérer très poussé, et parfois des représentations plus allégées, en fonction de la nature des événements, de la conversation intime à une manifestation de foule. Alors qu’il s’était préparé à des passages avec de longs exposés, le lecteur découvre un rythme léger, avec parfois un phylactère plus copieux, le plus souvent dans le registre vivant de la discussion. Les années et les décennies s’écoulent, et les autrices prennent soin d’inscrire chaque manifestation, chaque déclaration, chaque action dans l’époque concernée. Alors même que la lutte pour s’étend sur plus de trois décennies avec de nombreuses interventions auprès d’élus, la narration ne suscite jamais de sentiment de redondance. En fonction de son état d’esprit, le lecteur peut s’attacher plus à la personne de Louise Weiss et donc à la dimension biographique du récit, ou plus à l’histoire de la lutte pour gagner le droit de vote des femmes. Dans les deux cas, il reste conscient de l’autre dimension indissolublement liée, tout en constatant que cette revendication n’est pas le fait de la seule Louise Weiss, et que les formes qu’elle prend sont diverses et pacifistes. Le lecteur contemporain se pince parfois devant des déclarations d’une rare misogynie crasse, et d’autres fois il identifie des relents encore bien présents dans la société.
Le titre et la couverture donnent une image du contenu : un récit autobiographique entrelacé à une revendication évidente. La narration visuelle se révèle des plus agréables, nuancée et lumineuse, aérée et consistante, une réussite remarquable pour un ouvrage de nature historique et vulgarisateur. La construction de l’ouvrage tire profit du mélange biographique et didactique, ces deux dimensions se rehaussant entre elles pour plus de goût. La Française doit voter : une évidence, mais un droit qui ne s’est pas conquis en un jour.
J'ai lu cette série en y allant à l'aveugle et ce fut une agréable surprise.
L'idée est classique mais bien utilisée je trouve : et si l'on pouvait entrer dans les livres pour vivre leurs histoires ? Et de cette questions découlent tant d'autres : peut-on entrer dans un récit DANS un autre récit ? Peut-on faire se rencontrer des personnages d'œuvres très différentes ? etc.
Ici, sans surprise, on retrouve quelques dialogues métas (une référence textuelle au fait qu'il y a eu un tome 1 de cette série, notamment), mais aussi un propos filé sur les récits en eux-mêmes, ce qu'on en retire et ce que l'on gagne à les réinterpréter. Bon, ici, la réinterprétation de ces textes est plus concrète qu'elle ne le serait pour nous lecteur-ice-s lambdas, mais il n'empêche que le propos est là et que, même s'il n'est pas révolutionnaire, il me plait beaucoup.
Pour l'intrigue de la série en elle-même, elle est à la fois très simple et pleine de potentiel. La situation initiale nous est présentée très rapidement dans le premier tome (le deuxième nous introduit quant à lui le grand méchant à la volée) et les évènements et dialogues s'enchaînent avec grande rapidité et nonchalance. Les récits aux rythmes effrénés, pour moi, ça passe ou ça casse, mais lorsque l'histoire et la mise en scène tiennent la route, ça fonctionnent généralement très bien pour moi. Ici, ça fonctionne.
La situation initiale, donc, est celle de Benjamin Blackstone, hébergée chez sa tante suite au décès mystérieux de ses parents et qui va faire connaissance avec le fantomatique Lord Schenbock, personnage excentrique ayant la capacité de voyager dans les œuvres de fiction. Oui, le postulat de base est extravagant (et classique), mais je trouve que le scénario arrive à suffisamment jouer sur son aspect volontairement déjanté et référencé que cela passe.
En terme de références, préparez-vous à en voir passer quelques unes, et dans des univers parfois très éloignés (mais généralement très grand public). Je déplorerais quelques fois que le caractères de certains personnages s'éloigne un peu trop de leurs homologues littéraires, mais cela est en partie dû au statut de série jeunesse (et à l'aspect "loufoque et bon enfant" du récit).
Seuls deux albums sortis à ce jour et plus de nouvelle depuis 2017. Je croise les doigts pour que la série reprenne (si inspiration il y a), car je pense qu'il y a un bon potentiel là-dedans.
(Note réelle 3,5)
Très bon album !
On nous parle de magie, de rêves et d'amour. D'amour de liberté, d'amour romantique, d'amour toxique mais aussi (et surtout, j'ai envie de dire) d'amour propre. Le récit joue parfois à la frontière du réel et de l'imaginaire, glissant quelques fois des concepts anachroniques (jouant sur les flous de temporalité), jouant même avec la mise en scène propre au medium de la bande-dessinée. J'y ai ressenti une grande inspiration du Château ambulant - voire même du Château de Hurle dont il est adapté - avec cette relation amoureuse toxique et ce love interest mystérieux et immature (bien qu'ici cela se termine de manière beaucoup moins positive pour le couple, la maturation se payant à un prix plus élevé).
Les dessins sont beaux, j'ai particulièrement aimé le travail des visages, avec les grands yeux souvent écarquillés des personnages, cela jouait beaucoup sur les émotions de certaines scènes (la joie comme le malaise). Les couleurs bonbons et pétantes aident beaucoup à créer l'impression de "doux rêve" que vit Cléa, contrastant très bien avec l'apparition d'éléments plus horrifiques.
Je me rend compte qu'il y aurait tellement de choses à dire, je n'ose pas parler de beaucoup d'éléments intéressants que j'ai découvert à ma lecture. Je pense sincèrement que l'album fait parti de ces histoires qui gagnent a être lues sans connaissances au préalable.
Une très bonne surprise pour ma part.
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Je n’ai eu que le 1er tome dans les mains. Même si le contexte et l’époque sont différents, on retrouve pas mal d’aspects similaires à Magasin général, de la chronique sociale de qualité. Nous nous situerons dans la campagne française du Sud-ouest et à l’aube des événements de mai 68. Nous y découvrirons 2 villages solidaires et en même temps rivaux. Nous rencontrerons de nombreux personnages, de tous âges et horizons … La partie graphique accompagne parfaitement le récit, sans fioritures mais efficace et fluide. Horne a décidément un talent de caméléon, son trait est ici bien différent de ce que je lui connais. Pas bien sorcier dans les péripéties mais il y a du savoir faire pour rendre ce petit monde attachant. Un bon moment. 3,5
Blanche neige (Delcourt)
Une adaptation très fidèle du conte des frères Grimm. Ici, rien des apports de la version Disney (qui reste tout de même la version la plus connue de nos jours). Pas de baiser non-consenti pour réveiller la belle (merci !), plusieurs tentatives d'assassinat et non une seule, c'est Blanche Neige qui condamne la reine et non le "destin" qui l'élimine, et surtout les âges de Blanche Neige de la méchante reine sont ici beaucoup plus clairs et importants. Sans être rarissime non plus, j'ai souvent remarqué que les adaptations de ce conte ont tendance à mésinterpréter (ou en tout cas ne rendent pas claire) la source du conflit entre Blanche Neige et sa belle-mère. Ce n'est pas juste que cette dernière est vaniteuse, c'est qu'elle se sent vieillir, que sa beauté et son charme, ses armes pour réaliser ses ambitions (la source symbolique de son pouvoir), lui filent petit à petit entre les doigts. Ce n'est pas juste que Blanche Neige serait plus belle qu'elle, c'est qu'elle-même le devient moins. La source du problème c'est le temps, l'âge. Et justement, autre chose encore plus souvent oubliée dans ces adaptations : Blanche Neige était une enfant lorsqu'elle a fuit son château. Donc ici, je suis bien contente de voir que Blanche Neige n'est pas une pin up (comme j'ai eu bien trop souvent l'impression de voir), sa beauté est bien plus juvénile, innocente, et la méchante reine et elle vieillissent toutes deux au fur et à mesure de l'album. Un très bon point pour moi. Dans le cas présent, la forme, et plus particulièrement le dessin, ont grandement joué sur mon appréciation. Les visages très beaux et délicats des personnages, les décors magnifiques, les couleurs chatoyantes, ... C'est beau, vraiment. Peut-être que l'album aurait mieux mérité 3 étoiles. Qui sait ? En tout cas j'ai beaucoup aimé le dessin et cela me fait monter la note à 3,5, donc arrondissons à 4 étoiles.
Druuna
J'étais jeune (majeur quand même) lorsque j'ai lu Druuna pour la première fois. Le scénario du premier tome m'a vraiment plu. Il y a une belle dynamique entre les personnages et l'intrigue est bien construite. Malheureusement, au fil des tomes, j'ai trouvé que l'histoire devenait de plus en plus confuse et difficile à suivre. C'était un peu décevant parce que le début promettait beaucoup. Les thèmes abordés dans Druuna sont assez variés et parfois déroutants. On y retrouve des éléments de science-fiction, de dystopie et d'érotisme. Les questions de survie, de mutation et de quête de liberté sont omniprésentes. Toutefois, certains passages peuvent être un peu dérangeants, surtout en raison de la violence et des scènes érotiques très explicites. Les personnages sont assez bien développés. Druuna, l'héroïne, est une femme courageuse et déterminée. J'ai trouvé intéressant de suivre son parcours et ses interactions avec les autres personnages, comme Lewis. Ce qui m'a vraiment fasciné, c'est la beauté des dessins. Les décors sont incroyablement détaillés et les corps féminins sont magnifiquement représentés. Paolo Eleuteri Serpieri a un talent fou pour capturer les expressions et les mouvements de ses personnages. Chaque page est un véritable plaisir pour les yeux et cela a vraiment ajouté à mon appréciation de la bande dessinée. Bien que le scénario se perde un peu au fil des tomes, la qualité des dessins et la richesse des thèmes abordés font de Druuna une bande dessinée que je recommande.
Wiloucha - Les dernières heures de Troie
Une lecture plaisante. Wiloucha est le nom de la ville de Troie dans la langue Hittite. Cet album retrace les derniers instants de la guerre de Troie, donc, de ce côté pas de surprise, on sait comment ça se termine. Un récit captivant qui permet de découvrir un troisième acteur dans cette guerre : les Hittites, ils avaient signé un traité d'alliance avec les Troyens. Un récit violent, des têtes seront séparées de leur tronc, on jette un bébé par dessus les murailles de la cité et le sang va couler à flot. La bataille finale est bien orchestrée. On aura pu suivre auparavant les différentes intrigues et machinations qui amèneront au dénouement. La réalisation est maîtrisée, on passe d'un camp aux autres naturellement. Par contre, la mort du grand prêtre d'Apollon et de ses deux fils par une murène me laisse coi, c'est un peu n'importe quoi. Mais bon, les dieux en ont décidé ainsi. Benjamin Blasco-Martinez a vraiment du talent, j'aime les ambiances qu'il arrive à créer dans des genres très différents, que ce soit le western avec Catamount ou la science-fiction avec Noir Horizon ou encore ici dans de l'historique. Un style réaliste qui plonge le lecteur dans de magnifiques contrées. Un visuel de toute beauté où les femmes sont félines et sensuelles. Pour les amateurs du genre.
L'Institutrice
Habituellement pas fan des récits sur la seconde guerre mondiale, mais quand c'est bon il faut le dire ! L'histoire est à la fois très réaliste (guerre, résistance, risque de mort imminente, ...) et presque fantasque. Le postulat de base, bien qu'en réalité parfaitement réaliste aussi, sonne abracadabrantesque tant il parait risqué, on se dit que ça ne peut que mal finir. On suit Marie-Noëlle, une enseignante bretonne qui va tout mettre en œuvre pour sauver l'un de ses élèves des mains de la milice, quitte à partir avec l'ensemble de sa classe dans la forêt en prétextant une sortie scolaire. La tension est prenante, on craint tout du long pour la survie de tout ce petit groupe. L'institutrice essayant désespéramment de faire fuir son groupes d'enfants tout en devant leur cacher les horreurs et la menace qui leur court après, la cruauté sadique et malheureusement très humaine des miliciens, l'animosité d'un des enfants envers "le juif" (répétant les discours nauséabonds qu'il a entendu), les réactions très réalistes des enfants face à tout ce qui leur arrive, ... Oui, l'histoire prend aux tripes, il n'y a pas à dire. N'ayant pas encore avisé une série avec Carole Maurel au dessin, j'en profite pour saluer ici son travail que je trouve très bon. Je trouve que ses dessins ont équilibre parfait entre le très expressif des dessins et cartoons caricaturaux et une forme plus réaliste.
Violette autour du Monde
Oh, le joli coup de foudre que voilà ! J'ai ouvert cette série par hasard, attirée initialement par la jolie petite bouille de la protagoniste sur les couvertures. Bonne pioche, j'ai envie de dire. La série parle de Violette, jeune circassienne, fille d'une femme canon aux formes aussi rondes que son sourire et d'un éminent entomologiste reconverti en dompteur d'insectes, qui se questionne et s'émerveille sur sa vie. Sur la vie, et sur le beau aussi. La série parle beaucoup du beau, en faisant intervenir de nombreux artistes (physiquement ou par citation), mais surtout en faisant de la beauté de ce qui nous entoure le sujet principal de l'œuvre. On nous parle de la beauté de la vie, dans sa simplicité, ses petits détails, et surtout dans ses gens. Celleux qui nous entourent, celleux que l'on croise un instant, celleux qui restent et celleux qui nous quittent. Le troisième album, tournant autour de la mort imminente de Papi Tenzin, figure paternelle du cirque, m'a faite pleurer. Tout cette succession d'anecdotes de moments clés de la vie de ce cirque, du rôle sympathique et pourtant si banal qu'a joué ce grand-père dans la vie de son entourage m'a fait pleurer, mais pleurer. A chaudes larmes. La beauté de cette série ne tient pas qu'à son récit ou a ses personnages aux designs simples mais adorables, elle tient aussi et surtout aux textes, ou plus précisément à la narration de Violette, poète dans l'âme sans le savoir. Ses petites réflexions sur sa vie, sur les évènements qu'elle vit, et les mots qu'elle choisit pour leur donner sens dans son esprit sont beaux. J'ai peur de paraître hyperbolique quand je le dis, mais j'ai ressenti cette beauté simple et évidente que je n'arrive à ressentir que chez certain-e-s poète-sse-s précis-es. Les textes de cette série m'ont sincèrement touchée au cœur. Bien joué madame Radice, vos mots m'ont sincèrement atteinte.
Happy End
Superbe bd qui change de l'approche classique post apo. J'attends la suite de la série, mais elle sera en bonne place dans la bibliothèque ... A coté des conserves, provisions et rations de survie ;).
La Française doit voter ! - Les Combats de Louise Weiss
Madame, vous venez de voter, vous êtes émue ? - Ce tome correspond à un récit biographique. Son édition originale date de 2024 Il a été réalisé par Marie Moinard pour le scénario et par Marine Tumelaire pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-vingt-trois pages de bande dessinée. Il se termine par un court texte rappelant l’adoption de l’amendement Fernand Grenier par l’Assemblée consultative le 24 mars 1944, l’ordonnance portant organisation des pouvoirs publics en France du 21 avril 1944, le préambule de la Constitution de la IVe République rédigé et adopté en 1946 rappelant que : La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. Au volant de sa 2CV, Louise Weiss conduit à tombeau ouvert pour rallier le Parlement européen, en cette année 1979. Un fonctionnaire la mène à la tribune où elle prend la parole. Elle commence : Les étoiles du destin et les chemins de l’écriture l’ont porté à cette tribune pour y vivre, présidente d’un jour, un honneur don elle n’aurait jamais osé rêver et une joie. Elle continue : La joie la plus forte que puisse éprouver une créature au soir de son existence, la joie d’une vocation de jeunesse miraculeusement accomplie. Le 26 avril 1914, Louise Weiss, vingt-et-un ans, s’adresse à sa mère dans le salon familial. Elle lui demande si elle a vu que elles, les femmes, sont invitées à répondre à la question sur le droit de vote des femmes. Elle continue : C’est un vote blanc, elles peuvent déposer leur vote rue Scheffer. Sa mère lui propose d’y aller, en joignant le geste à la parole. Elles se rendent à un kiosque dans la rue, pour aller chercher leur bulletin. Son texte s’avère des plus directs : Mesdames, Mesdemoiselles, désirez-vous voter, Oui / Non ? Elles regardent des femmes présentes alentours incitant les passantes à voter. Quelques jours plus tard, Louise se félicite auprès de sa sœur du fait qu’elles ont été très nombreuses à voter. Elle continue : Les résultats seront communiqués dans les prochains jours, les bulletins peuvent être envoyés jusqu’au trois mai, il n’y aura pas beaucoup de temps à attendre. En attendant, elle se remet à sa dissertation, et les deux sœurs récitent : Il pleure dans mon cœur, un poème de Paul Verlaine. Le lendemain devant le lycée Molière à Paris, elle papote avec une copine, lui demandant si elle a voté au référendum. Sa copine répond qu’elle n’était pas au courant, et puis avec son père pas question de faire des vagues en ce moment, avec les examens qui approchent, elle préfère se faire oublier. Louise ajoute que son père à elle n’est pas au courant non qu’elle prépare l’agrégation. Elle travaille en douce, et il l‘a déjà difficilement félicité pour son prix au lycée. Heureusement que leur maman les aides Eugénie et elle. Leur mère veut que ses filles soient diplômées pour gagner leur indépendance. Sa copine répond qu’elle préfère avoir un mari et lui cuisiner des petits plats que sa grand-mère lui a appris. Louise répond qu’elle peut lui donner des cours pour réaliser la meilleure choucroute de Paris. Sa copine la taquine en lui disant qu’elle a au moins appris ça dans son école ménagère. En fonction de sa familiarité avec les bandes dessinées de type didactique à caractère historique, le lecteur s’est plus ou moins préparé à une lecture au rythme posé pour absorber une forte densité d’informations, et peut-être une narration visuelle réduite à des illustrations plus ou moins appliquées. Il est pris à contrepied avec la 2CV bondissante dans la première planche, sortant des cases, sans arrière-plan dessiné, mais avec des couleurs vivres, bleu, vert et jaune. La deuxième planche comprend trois cases de la largeur de la page, elles aussi très colorées, avec très peu de texte, et la troisième planche comprend un dessin en pleine page, sans aucun mot. L’inéluctable se produit dans la page suivante, alors que Louise Weiss entame son discours, il ne s’agit toutefois que d’un court extrait. En effet, les autrices ont pris le parti d’opter pour une narration aérée, laissant une place prépondérante aux dessins, se tenant à l’écart de l’effet pavé de texte. Dans le même ordre d’idée, l’artiste utilise une palette de couleurs variées, s’attachant aux ambiances, sans lien direct avec une approche de type photographique. Ainsi quand Louise et sa mère se rendent au kiosque de rue, les façades des immeubles ont pris une teinte verte, ainsi que la chaussée, et le trottoir est rose, la peau des personnages reste blanche. Lors d’une séquence à l’hôpital de Saint-Quay-Portrieux tout baigne dans une couleur saumon très douce. La narration visuelle entraîne en douceur le lecteur aux côtés de Louise Weiss depuis avril 1914, jusqu’aux élections municipales du 29 avril 1945, les premières où les femmes peuvent voter. Tout du long, il peut apprécier la façon dont l’artiste met à profit sa liberté dans la mise en couleurs. Tout d’abord le choix des teintes, souvent inattendues, avec un rendu oscillant entre de la peinture, de l’aquarelle, des crayons de couleurs, des aplats solides. Ainsi le lecteur ressent la charge psychologique du père à l’encontre de sa fille, par ce jaune profond irradiant derrière lui, et la poursuivant dans son quotidien pour rappeler comment la décision du père conditionne la vie et le futur de sa fille. Le retour de la nuance saumon vire à l’organe puis tire vers le vert alors que Louise Weiss s’assoit à la table du salon tenu par Claire Jouvenel, accompagnant le fait qu’elle passe d’un mélange de crainte et d’excitation à une discussion vive et entraînante. Plus tard, les femmes distribuent des tracts dans la rue : le rose des papiers tranche sur le jaune délavé dans lequel baigne tout le reste de chaque case. Lors de l’intervention du très misogyne sénateur Raymond Duplantier (1874-1954), le rose vire au rouge cramoisi sous l’effet de ses propos insultants. Régulièrement, le regard du lecteur s’arrête sur une composition mariant plus de couleurs, telle cette superbe vue d’une rue de la butte Montmartre en 1936, page quatre-vingt-douze. Même s’il n’y prête une attention consciente, l’esprit du lecteur ressent la sensibilité et l’intelligence de cette mise en couleurs. Pour peu qu’il dispose d’une culture BD, le lecteur s’attend à ce que la mise en couleurs sophistiquée serve pour partie à masquer des dessins manquant çà et là de consistance. La 2CV bondissante de la première planche le conforte dans cet a priori. Cependant celui-ci s’évanouit dès la seconde planche : des compositions de couleurs sophistiquées pour montrer l’extérieur du parlement européen. Or il s’avère tout de suite que la dessinatrice investit son temps et son énergie pour faire œuvre de reconstitution historique visuelle. Le lecteur peut voir les toilettes féminines évoluer avec les années et les décennies qui passent. Il prend le temps de regarder aussi bien les décorations intérieures, que les rues. L’artiste montre des lieux de nature très différente et variée : la chambre de la jeune Louise Weiss, un champ dans lequel trois femmes tirent une lourde charrue, une gare parisienne, une chambre parisienne dans les combles et les toits en zinc, les bureaux du journal l’Europe Nouvelle, l’intérieur du Parlement, l’intérieur du Sénat, le théâtre de l’Alhambra à Bordeaux, la grande halle couverte du marché de Lussac-les-Châteaux, la place de la Bastille sous un magnifique soleil d’été, le quartier de Montmartre sous la pluie, le stade olympique Yves-du-Manoir à Colombes, une salle de classe, le salon des arts ménagers, etc. D’un côté, le lecteur éprouve la sensation d’une narration visuelle un peu décompressée ; de l’autre, il fait l’expérience de dessins montrant beaucoup, que ce soient les lieux ou les personnages. Pour les femmes et les hommes, l’artiste allie une forme de réalisme qui peut s’avérer très poussé, et parfois des représentations plus allégées, en fonction de la nature des événements, de la conversation intime à une manifestation de foule. Alors qu’il s’était préparé à des passages avec de longs exposés, le lecteur découvre un rythme léger, avec parfois un phylactère plus copieux, le plus souvent dans le registre vivant de la discussion. Les années et les décennies s’écoulent, et les autrices prennent soin d’inscrire chaque manifestation, chaque déclaration, chaque action dans l’époque concernée. Alors même que la lutte pour s’étend sur plus de trois décennies avec de nombreuses interventions auprès d’élus, la narration ne suscite jamais de sentiment de redondance. En fonction de son état d’esprit, le lecteur peut s’attacher plus à la personne de Louise Weiss et donc à la dimension biographique du récit, ou plus à l’histoire de la lutte pour gagner le droit de vote des femmes. Dans les deux cas, il reste conscient de l’autre dimension indissolublement liée, tout en constatant que cette revendication n’est pas le fait de la seule Louise Weiss, et que les formes qu’elle prend sont diverses et pacifistes. Le lecteur contemporain se pince parfois devant des déclarations d’une rare misogynie crasse, et d’autres fois il identifie des relents encore bien présents dans la société. Le titre et la couverture donnent une image du contenu : un récit autobiographique entrelacé à une revendication évidente. La narration visuelle se révèle des plus agréables, nuancée et lumineuse, aérée et consistante, une réussite remarquable pour un ouvrage de nature historique et vulgarisateur. La construction de l’ouvrage tire profit du mélange biographique et didactique, ces deux dimensions se rehaussant entre elles pour plus de goût. La Française doit voter : une évidence, mais un droit qui ne s’est pas conquis en un jour.
Les Aventures ahurissantes de Benjamin Blackstone
J'ai lu cette série en y allant à l'aveugle et ce fut une agréable surprise. L'idée est classique mais bien utilisée je trouve : et si l'on pouvait entrer dans les livres pour vivre leurs histoires ? Et de cette questions découlent tant d'autres : peut-on entrer dans un récit DANS un autre récit ? Peut-on faire se rencontrer des personnages d'œuvres très différentes ? etc. Ici, sans surprise, on retrouve quelques dialogues métas (une référence textuelle au fait qu'il y a eu un tome 1 de cette série, notamment), mais aussi un propos filé sur les récits en eux-mêmes, ce qu'on en retire et ce que l'on gagne à les réinterpréter. Bon, ici, la réinterprétation de ces textes est plus concrète qu'elle ne le serait pour nous lecteur-ice-s lambdas, mais il n'empêche que le propos est là et que, même s'il n'est pas révolutionnaire, il me plait beaucoup. Pour l'intrigue de la série en elle-même, elle est à la fois très simple et pleine de potentiel. La situation initiale nous est présentée très rapidement dans le premier tome (le deuxième nous introduit quant à lui le grand méchant à la volée) et les évènements et dialogues s'enchaînent avec grande rapidité et nonchalance. Les récits aux rythmes effrénés, pour moi, ça passe ou ça casse, mais lorsque l'histoire et la mise en scène tiennent la route, ça fonctionnent généralement très bien pour moi. Ici, ça fonctionne. La situation initiale, donc, est celle de Benjamin Blackstone, hébergée chez sa tante suite au décès mystérieux de ses parents et qui va faire connaissance avec le fantomatique Lord Schenbock, personnage excentrique ayant la capacité de voyager dans les œuvres de fiction. Oui, le postulat de base est extravagant (et classique), mais je trouve que le scénario arrive à suffisamment jouer sur son aspect volontairement déjanté et référencé que cela passe. En terme de références, préparez-vous à en voir passer quelques unes, et dans des univers parfois très éloignés (mais généralement très grand public). Je déplorerais quelques fois que le caractères de certains personnages s'éloigne un peu trop de leurs homologues littéraires, mais cela est en partie dû au statut de série jeunesse (et à l'aspect "loufoque et bon enfant" du récit). Seuls deux albums sortis à ce jour et plus de nouvelle depuis 2017. Je croise les doigts pour que la série reprenne (si inspiration il y a), car je pense qu'il y a un bon potentiel là-dedans. (Note réelle 3,5)
Mon ami Pierrot
Très bon album ! On nous parle de magie, de rêves et d'amour. D'amour de liberté, d'amour romantique, d'amour toxique mais aussi (et surtout, j'ai envie de dire) d'amour propre. Le récit joue parfois à la frontière du réel et de l'imaginaire, glissant quelques fois des concepts anachroniques (jouant sur les flous de temporalité), jouant même avec la mise en scène propre au medium de la bande-dessinée. J'y ai ressenti une grande inspiration du Château ambulant - voire même du Château de Hurle dont il est adapté - avec cette relation amoureuse toxique et ce love interest mystérieux et immature (bien qu'ici cela se termine de manière beaucoup moins positive pour le couple, la maturation se payant à un prix plus élevé). Les dessins sont beaux, j'ai particulièrement aimé le travail des visages, avec les grands yeux souvent écarquillés des personnages, cela jouait beaucoup sur les émotions de certaines scènes (la joie comme le malaise). Les couleurs bonbons et pétantes aident beaucoup à créer l'impression de "doux rêve" que vit Cléa, contrastant très bien avec l'apparition d'éléments plus horrifiques. Je me rend compte qu'il y aurait tellement de choses à dire, je n'ose pas parler de beaucoup d'éléments intéressants que j'ai découvert à ma lecture. Je pense sincèrement que l'album fait parti de ces histoires qui gagnent a être lues sans connaissances au préalable. Une très bonne surprise pour ma part.