Une série qui contient plusieurs choses qui me dérangent beaucoup habituellement : un dessin très froid qui ne donne pas envie de lire la BD, des personnages qui ont souvent la même tête et beaucoup de textes narratifs.
Ce sont des éléments qui m'auraient embêté si on était dans une série de fiction et je pense que si cela avait été le cas j'aurais surement décroché avant d'avoir lu les 5 tomes. Comme cette série est un documentaire, cela a moins nuit à ma lecture parce que mon état d'esprit n'est pas le même et que le sujet de la série m'intéresse beaucoup vu que je suis un fan de true crime. Je pense toutefois que j'aurais fini par décrocher quand même si la série traitait d'un sujet qui me laisse indifférent alors pour moi c'est vraiment un documentaire de niche pour ceux qui aimeraient suivre le quotidien de la police, ce n'est pas un truc grand public comme ''Le monde sans fin'' qui est très accessibles même si on est pas fan de documentaire sur le nucléaire.
C'est donc l'adaptation du livre d'un journaliste qui a côtoyé la police de Baltimore pendant un an à la fin des années 80. On peut donc dire que le décor est daté et qu'il s'en est passé des choses depuis aux États-Unis, mais cela ne m'a pas trop dérangé parce que j'ai trouvé que cette immersion dans le monde des flics captivants. On montre le quotidien des policiers affectés au homicides sans filtres et on aborde tout : l'inspection de la scène du crime, les techniques d'interrogation, le coté sombre de la police comme la racisme... Cela m'a semblé très complet. On peut regretter que le tout est un peu décousu parce que des affaires criminelles trainent des mois et entre temps il se passe autre chose, mais cela ne m'a pas dérangé et cela renforce le coté réel de l'œuvre.
Enfin ! Les vérités qu'on pense sont dites de manière drôle et subtile. Une part de rêve dans cette révolte de celles et ceux qu'on n'entend pas crier lorsqu'ils et elles souffrent. Pas de fausses vérités non plus, on sent que la science a été consultée avant de faire dire n'importe quoi aux animaux, notamment l'exemple des interactions orques/bateaux. Cela fait du bien à lire, on rit et on sent que le récit va déranger ceux et celles qui "aiment" les animaux mais les mangent, ou les régulent.
Ahhhh !!! Quel bonheur de retrouver ce petit univers si singulier mais tellement attachant que celui de la Pieuvre !
Chaque nouveau tome vient compléter ce petit Paris de la fin XIXe développé par Gess de façon subtile et intelligente. Avec "Fanny la Renoueuse" c'est une grosse pièce du puzzle qui s'agence, même si chaque tome reste indépendant...
J'aime cette période historique tellement riche en innovations politiques, artistiques, scientifiques. Et Gess s'empare de tout cela à merveille pour nous restituer un Paris transcendé par cette touche de fantastique où la Pieuvre règne en maîtresse depuis des lustres. Et c'est qu'on en apprend beaucoup dans ce tome sur les origines de cette entité mafieuse ! Et c'est par l'intermédiaire du passé de certains de ses protagonistes que la lumière se fait petit à petit ; et quel passé ! Et quelles révélations !
On a aussi le plaisir de retrouver la Bête que nous avions découvert dans le premier tome de cette série La Malédiction de Gustave Babel. Tout commence à s'interpénétrer en nous révélant l'étendue spectatentaculaire de la Pieuvre et de sa mainmise. C'était déjà riche et dense, cela en devient magnifique et hallucinant quand la mythologie vient en plus s'en mêler !
Du côté de l'objet et du dessin, la maquette est toujours aussi bien travaillée avec ce dos toilé, ces fonds de planche faussement jaunis, qui assoient cette ambiance fin XIXe tout en valorisant pleinement de dessin de Gess et sa colorisation si personnelle.
Bref, avec ce 4e opus, je passe ma note à 5 (culte !), tant je suis conquis par l'univers qu'aura su nous proposer et développer l'auteur.
J'en REVEUX ! A quand un prochain tome ???
Je classerais volontiers cette BD dans un genre style Utilité Publique. En effet si presque tout le monde connaît le diabète, peu de personnes ont entendu des informations sur le diabète de type 1 (DT1). L'ouvrage de Ana Waalder et Mikhaël Allouche répare cette ignorance pour qui le veut. Sur un fond de fiction autobiographique intimiste les auteurs ont construit un documentaire scientifique qui embrasse thérapie, compétences médicales en France, positionnement de la recherche ou celle des labos et surtout les immenses difficultés pour le malade de vivre avec cette pathologie souvent incomprise par son entourage. Le DT1 peut vous tomber dessus à tout âge et quelque soit votre hygiène de vie. En effet il est du à la disparition de certaines cellules pancréatiques qui produisent l'insuline. Sans insuline la régulation du sucre dans le sang devient impossible et conduit immanquablement à des hypoglycémies (possiblement mortelles) suivies d'hyperglycémies destructrices.
Anna a trois ans quand son calvaire commence: tests, piqures, surveillance alimentaire draconienne, sociabilité compromise, angoisse des parents tous les jours, toute l'année sans il seul jour de répit. Heureusement son tonton lui offre une porte sur un imaginaire qui lui permet d'avancer en battante. En accompagnant Anna jusqu'à ses 20 ans, nous rencontrons les soignants, les faiblesses de la diabétologie française, les associations plus ou moins efficaces, les espoirs issus de la haute technologie , des héros de la science et des batailles pour un marché très lucratif. C'est une vraie prouesse des auteurs d'avoir su rendre toutes ces informations ( référencées et vérifiées) intelligibles pour le public. Tel un véritable document scientifique les sources sont explicitées en fin d'ouvrage, les scientifiques nommés et interviewés. C'est du solide et exigeant.
Le graphisme ne fait pas non plus dans la facilité. Il me rappelle un peu le graphisme underground américain des années 70/80 un peu à l'image de ce que produit un Daniel Clowes. Pourtant c'est très moderne dans la construction avec des planches qui changent de présentation ou de colorisation continuellement. Je le lis comme un graphisme de combat et d'engagement face aux variations brusques et erratiques de la courbe de glycémie des pauvres malades. Allouche passe du monde hospitalier dans des planches docu assez classiques à une ambiance cauchemardesque des crises que vit l'enfant. C'est un graphisme très adulte qu'il faut s'approprier et qui peut freiner à la lecture d'un public novice mais en recherche d'infos sur le DT1.
Une lecture exigeante mais très aboutie qui apporte au débat des soins en France.
Magique !
Comment être ensorcelé par un récit, des images ? Tout simplement en lisant cette aventure. Au début ça parait un peu minimaliste. Décors taillés à la serpe, travail qui parait bâclé mais en fait l'auteur installe une ambiance de conte. Alors oui il faut une âme d'enfant pour lire cette histoire. Mais tout est bien mené, on s'ennuie pas et ce côté féministe ! Des gentilles sorcières je vous dis ! J'attends la suite...
Un recueil sympathique, qui s’adresse avant tout à un jeune lectorat, mais ça passe quand même bien la barrière de l’âge, j’ai apprécié ma lecture.
Le titre laisse croire à un recueil humoristique tendance prout prout, du graveleux un peu lourdingue, mais en fait pas du tout. Certes, il y a bien de l’humour, uniquement d’ailleurs dans la dernière case le plus souvent, dans une chute amusante et/ou ironique. Mais la majeure partie de ces histoires courtes ne joue pas sur ça.
Les auteurs se sont bien appropriés l’univers africain (en tout cas c’est ce que je ressens, n’étant pas non plus très calé dans ce domaine). Des petits contes vaguement édifiants, très plaisants à lire. Et qui plus est bien illustrés par Duchazeau, dont j’aime bien le travail de toute façon, ici dans un style moderne épuré très agréable.
Un album que j’ai trouvé très bon, autant du point de vue de la forme que du fond.
Pour illustrer la question migratoire, les auteurs nous présentent – en courtes séquences correspondant chacune à une « étape » de leur parcours – deux exemples : une jeune femme et sa fille fuyant la guerre civile et DAESH en Syrie (ils tentent de rejoindre le mari, déjà réfugié en France), et deux amis fuyant la misère de Guinée pour aller en France. Ces deux exemples illustrent plusieurs « causes » de départ, mais aussi plusieurs « routes » de transit, et tous les dangers et obstacles divers qui se trouvent en travers de leur périple (nombreux sont les morts qui le jalonnent d’ailleurs).
Il y a un très bon équilibre entre les différents chapitres « découpant » les parcours chaotiques des migrants, et tous les dossiers (deux pages le plus souvent) donnant une foule d’informations sur les lois et leur évolution, les actions des acteurs (États, ONG, passeurs, Union européenne, etc.).
Cela donne une lecture à la fois intéressante et fluide, mais aussi instructive, synthétique, les parties où nous suivons les migrants « humanisant » un traitement administratif et politique de la question migratoire qui lui au contraire se révèle de moins en moins « humain ».
Une lecture fortement recommandée pour qui souhaiterait faire le point sur un sujet d’actualité, mais souvent mal traité (voire maltraité) par médias et dirigeants politiques. Comme le souligne Spooky avant moi, il est intéressant de savoir que les Français revenant dans le pays après une absence (peu importe la raison) de plus d’un an sont inclus dans les statistiques des migrants (ce que se gardent bien de préciser – le savent-ils ? – ceux qui agitent régulièrement le chiffon rouge de « l’invasion » ou du « grand remplacement » avec des chiffres prétendument inquiétants).
J'ajoute que les deux dessinateurs - au style très proche - usent d'un trait classique et réaliste très agréable (comme la colorisation en bichromie d'ailleurs).
Et bien moi il m'a bien fait kiffer cet album !
Ça part effectivement comme une petite enquête "bien tranquille" pour virer au fantastico/SF/psychédélique, et c'est pas pour me déplaire ! J'aime quand une BD arrive à nous surprendre tout en retombant sur ses pattes. Et là on a du beau monde pour conduire ce récit surprenant, tant dans son scénario que dans le dessin !
Jeff Lemire et Matt Kindt ne sont en effet pas tombés de la dernière pluie, il y a juste David Rubin que je découvre avec cet album. Et ça me donne fichtrement envie d'aller lire ses autres productions ! La composition de ses planches quand ça part en live restent sacrément lisibles tout en restant harmonieuses.
Alors oui, certains pourront ne pas apprécier ce côté "barré", mais moi je dis que quand c'est aussi bien mené, on aurait tort de bouder notre plaisir !
Je ne peux pas fourrer mon pied dans une pantoufle de verre.
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Ce tome contient une biographie de Lee Miller (1907-1977), modèle, photographe, reporter, égérie du surréalisme. La première édition date de 2013 pour la version originale en italien, et de 2024 pour la version française. Il a été réalisé par Eleonora Antonioni pour le scénario et les dessinés, et traduits par Laurent Lombard. Il comprend cent-cinquante-et-une pages de bande dessinée. Il se termine avec la présentation succincte de six des hommes de la vie de Lee (Theodore Miller, Man Ray, Erik Miller, Aziz Eloui Bey, David E. Scherman, Roland Penrose), et un lexique de toutes les autres personnes citées, chacune présentée avec ses dates de naissance et de mort, et un court paragraphe d’une phrase, au nombre de trente-cinq de George Antheil (1900-1959, pianiste, compositeur, écrivain) à Elizabeth Audrey Whithers (1905-2001, journaliste). Le tome s’achève avec une bibliographie minimale, des pages web intéressantes et des recherches iconographiques.
En 1928, l’atelier de Neysa McMein, à New York, Elizabeth Miller, vingt-et-un ans, rejoint une tablée qui l’accueille avec les honneurs. Un homme fait observer qu’il paraît que les hommes se souviennent toujours des blondes. Une jeune femme fait remarquer que le visage de Lee est l’un des plus connus des revues de M. Condé Nast. Un autre note qu’il lui manque juste un joli pseudonyme pour se lancer. Elle répond : Lee Miller. Enfance et adolescence. Originaire de Pennsylvanie, déterminé, curieux et tenance, Theodore Miller a fait carrière dans le domaine technique jusqu’à devenir directeur des établissements De Laval à Poughkeepsie dans l’état de New York. Productrice d’équipements pour traire et traiter le lait, De Laval était la plus grande et la plus importante entreprise de Poughkeepsie. Lors de son précédent emploi à Utica, Theodore fit la connaissance d’une jeune infirmière : Florence Mac Donald. Les fiançailles furent longues, car il ne voulait pas se marier avant d’avoir trouvé une stabilité financière et professionnelle. C’est donc après son recrutement chez De Laval que le couple se marie et que Florence s’installe à Poughkeepsie.
Florence Mac Donald, la jeune épouse, attire d’emblée l’attention des Daughters of the American Revolution qui l’invitent à faire partie de leur prestigieuse association patriotique. Invitation aussitôt retirée lorsqu’elles découvrent les origines canadiennes de Florence. En tout cas, cette anecdote n’empêche pas Florence de devenir une parfaite dame de la haute bourgeoisie comme l’exige la mode de l’époque. Outre sa passion pour la technologie, Theodore cultive un grand intérêt pour les arts, jusqu’à en faire un élément central de la vie familiale. Féru de photographie qu’il se plait à pratiquer en dilettante, il a recours à son épouse Florence comme modèle parmi ses sujets préférés, les nus féminins, selon lui, l’une des plus hautes expressions de l’art. Bien vite, Theodore et Florence ont des enfants : John naît en 1905, Ellizabeth en 1907, Erik en 1910. La petite et toute blonde Elizabeth, appelée Lili, conquiert Theodore au premier regard devenant, sans qu’il s’en cache trop, sa préférée.
Peut-être que le lecteur a une vague conscience de l’existence de Lee Miller et de ses œuvres, ou qu’il n’en a jamais entendu parler : cette bande dessinée constitue l’occasion d’en apprendre plus sur elle. De fait, l’autrice réalise une biographie chronologique, à l’exception de la scène d’introduction. Elle raconte les différentes phases de la vie de cette femme, en cinq chapitres : Enfance et adolescence d’Elizabeth Miller, Surréalisme, Nuage, Barbelés, Coupure. En fonction de sa familiarité avec ladite biographie, le lecteur peut parfois se retrouver décontenancé. Par exemple, le récit montre bien les rencontres entre Lee Miller et différents artistes de l’époque comme Man Ray (Emmanuel Radnitsky, 1890-1976) ou Pablo Picasso (1881-1973), sans pour autant la mettre en scène comme étant l’égérie du surréalisme. Pour autant, il retrouve bien sa carrière de modèle, puis son apprentissage de la photographie et ses fréquentations avec les surréalistes, son engagement comme photographe de guerre, et sa carrière d’autrice de recettes culinaires. La personnalité de la narration visuelle apparaît tout de suite : des traits encrés très fins et solides, un noir & blanc rehaussé de jaune, la plupart du temps en une seule nuance, parfois deux. Une approche réaliste avec un degré de simplification allant vers l’élégance, avec un sens très sûr de la gestion de densité d’information par case, soit un luxe de détails, ou une focalisation sur les personnages en train de parler, ou des effets de texture.
L’autrice insère son personnage dans le contexte historique à la fois par les événements évoqués, à la fois par les dessins. D’une certaine manière, le lecteur peut interpréter les caractéristiques graphiques comme une touche féminine délicate et élégante ; d’un autre côté, cela n’obère en rien l’investissement de la dessinatrice dans les représentations. La séquence introductive montre des jeunes gens de la haute bourgeoisie, bien habillés à l’occasion d’un rendez-vous mondain. Le lecteur remarque de suite l’attention portée aux tenues vestimentaires que ce soit la coupe des costumes pour les messieurs, ou les différentes robes avec leurs accessoires pour ces dames, y compris les bibis et les colliers. La présentation de Theodore Miller s’effectue par un dessin le représentant assis sur une chaise : belle veste avec un motif jaune, une paire de bottines à bouton. La présentation de Florence Mac Donald se déroule en deux temps : d’abord en robe simple avec tablier (et un petit chapeau), puis en robe habillée avec un chapeau plus sophistiqué et plus décoratif. L’artiste fait preuve du même degré d’implication tout du long de l’ouvrage pour les tenues vestimentaires : les habits plus simples des enfants, les robes de soirée ou pour faire la fête, les manteaux, les accessoires divers et variés, les uniformes militaires, jusqu’à la robe noire et simple avec tablier dans laquelle Lee Miller reçoit le journaliste à Farley’s Farm, à Chiddingly, Muddles Green, dans la dernière période de sa vie.
De la même manière, la reconstitution historique se trouve dans chaque lieu, chaque environnement. Les lampes avec leur abat-jour dans l’atelier de Neysa McMein, les meubles et les pots de fleurs chez les Miller, le modèle du landau, les différentes voitures, les évocations d’œuvres artistiques de l’époque (dont celles de Man Ray et de Picasso), l’appartement d’Adolf Hitler à Berlin, et bien d’autres encore. Progressivement, le lecteur prend conscience que la bédéiste utilise de nombreuses possibilités offertes par la bande dessinée : case avec bordure ou sans, éléments de décor devenant une ornementation pour les autres cases, cases en trapèze ou en losange pour accentuer un mouvement, cases de la hauteur ou de la largeur de la page, dessins en pleine page, cases en insert, carte de la région pour accompagner les voyages de la photographe, etc. Elle joue également avec les phylactères et la typographie : écriture blanche sur fond noir, titres en barbelés quand Miller accompagne l’armée libératrice vers l’Est, etc. Si dans un premier temps, les personnages peuvent apparaître un peu simplifiés, en particulier pour les traits de visage, le lecteur se rend vite compte que la direction d’acteurs et les expressions de visage relèvent d’adultes aux émotions complexes, certains silences ou certaines pauses fugaces attestant de l’impact d’une situation ou d’un constat.
Le lecteur mesure mieux les choix de l’autrice lorsqu’un médecin indique que : Elizabeth Lee a contracté une méchante maladie vénérienne, et que malheureusement le traitement sera long, que les parents devront surtout essayer de lui faire surmonter le traumatisme psychologique. Les deux pages suivantes montrent que la fillette se sent sale en permanence, puis elle se montre insupportable dans les différents établissements scolaires où elle est inscrite. En allant chercher plus d’informations, il apparaît qu’il s’agit d’un viol perpétré sur la fillette alors qu’elle avait sept ans, une façon déconcertante de présenter un tel crime et ses conséquences dévastatrices. Pour autant, lorsque Lee Miller accompagne l’armée américaine à Torgau, puis Dachau, puis Berlin, toute l’horreur de la guerre impacte de plein fouet la jeune femme. Le lecteur en déduit que cette biographie est racontée avec le point de vue de Lee Miller, en fonction de ce qu’elle ressent et de ce qu’elle peut exprimer, sa façon de se représenter le monde à chaque moment de sa vie. Il constate alors que l’autrice montre l’impact des événements, des expériences, des découvertes, de la manière dont l’artiste le ressent. Au fur et à mesure, le lecteur découvre la vie de cette femme, ou plutôt ses vies, de modèle pour photographes, à photographe de mode elle-même, photoreporter de guerre, autrice de recettes. En fonction de ses centres d’intérêt, il aurait pu souhaiter que telle ou telle facette de sa vie soit plus développée, tout en ayant conscience que cette biographie regorge d’informations et de moments sortant de l’ordinaire, qu’elle est riche et dense.
Réaliser une biographie constitue un exercice compliqué entre hagiographie et enfilade aride de faits avérés. Celle-ci combine les éléments factuels avec la vision que Lee Miller a pu en avoir au moment de leur survenance dans le contexte de sa vie, et dans celui historique. L’autrice se livre à une reconstitution extraordinaire de références et de détails pertinents et opportuns, en sachant montrer l’environnement correspondant. Le lecteur accompagne une jeune femme séduisante et libérée, menant sa vie comme elle l’entend, connectée au monde, réussissant aussi bien une carrière de modèle que de photoreporter de guerre (jusque dans la baignoire d’Hitler), tout en en faisant l’expérience de son point de vue, moments de plaisir comme traumatismes. Une réussite exemplaire.
Un très bon one-shot.
Les thèmes utilisés dans l'album sont du déjà vu, mais l'auteur les utilisent de manières intelligentes. Il faut dire que le récit est construit de manière originale. La réalité et la fiction sont mélangées, mais sans jamais perdre le lecteur qui comprends bien ce qui se passe. Je ne veux pas trop spoiler ce qui se passe dans le récit et tout ce que je peux dire c'est que c'est remplis d'émotions, le scénario est prenant même lorsque je devinais un peu ce qui se passait et le personnage principal est terriblement attachant.
J'ai vraiment aimé le dessin que je trouve très dynamique et les couleurs sont belles. La mise en scène est surprenante et audacieuse. Je trouve que jusqu'à présent c'est une des meilleurs bds de 2024 que j'ai lu. Elle a réussi à toucher mon âme d'enfant.
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Homicide - Une année dans les rues de Baltimore
Une série qui contient plusieurs choses qui me dérangent beaucoup habituellement : un dessin très froid qui ne donne pas envie de lire la BD, des personnages qui ont souvent la même tête et beaucoup de textes narratifs. Ce sont des éléments qui m'auraient embêté si on était dans une série de fiction et je pense que si cela avait été le cas j'aurais surement décroché avant d'avoir lu les 5 tomes. Comme cette série est un documentaire, cela a moins nuit à ma lecture parce que mon état d'esprit n'est pas le même et que le sujet de la série m'intéresse beaucoup vu que je suis un fan de true crime. Je pense toutefois que j'aurais fini par décrocher quand même si la série traitait d'un sujet qui me laisse indifférent alors pour moi c'est vraiment un documentaire de niche pour ceux qui aimeraient suivre le quotidien de la police, ce n'est pas un truc grand public comme ''Le monde sans fin'' qui est très accessibles même si on est pas fan de documentaire sur le nucléaire. C'est donc l'adaptation du livre d'un journaliste qui a côtoyé la police de Baltimore pendant un an à la fin des années 80. On peut donc dire que le décor est daté et qu'il s'en est passé des choses depuis aux États-Unis, mais cela ne m'a pas trop dérangé parce que j'ai trouvé que cette immersion dans le monde des flics captivants. On montre le quotidien des policiers affectés au homicides sans filtres et on aborde tout : l'inspection de la scène du crime, les techniques d'interrogation, le coté sombre de la police comme la racisme... Cela m'a semblé très complet. On peut regretter que le tout est un peu décousu parce que des affaires criminelles trainent des mois et entre temps il se passe autre chose, mais cela ne m'a pas dérangé et cela renforce le coté réel de l'œuvre.
La Révolte sans précédent
Enfin ! Les vérités qu'on pense sont dites de manière drôle et subtile. Une part de rêve dans cette révolte de celles et ceux qu'on n'entend pas crier lorsqu'ils et elles souffrent. Pas de fausses vérités non plus, on sent que la science a été consultée avant de faire dire n'importe quoi aux animaux, notamment l'exemple des interactions orques/bateaux. Cela fait du bien à lire, on rit et on sent que le récit va déranger ceux et celles qui "aiment" les animaux mais les mangent, ou les régulent.
Fannie la renoueuse
Ahhhh !!! Quel bonheur de retrouver ce petit univers si singulier mais tellement attachant que celui de la Pieuvre ! Chaque nouveau tome vient compléter ce petit Paris de la fin XIXe développé par Gess de façon subtile et intelligente. Avec "Fanny la Renoueuse" c'est une grosse pièce du puzzle qui s'agence, même si chaque tome reste indépendant... J'aime cette période historique tellement riche en innovations politiques, artistiques, scientifiques. Et Gess s'empare de tout cela à merveille pour nous restituer un Paris transcendé par cette touche de fantastique où la Pieuvre règne en maîtresse depuis des lustres. Et c'est qu'on en apprend beaucoup dans ce tome sur les origines de cette entité mafieuse ! Et c'est par l'intermédiaire du passé de certains de ses protagonistes que la lumière se fait petit à petit ; et quel passé ! Et quelles révélations ! On a aussi le plaisir de retrouver la Bête que nous avions découvert dans le premier tome de cette série La Malédiction de Gustave Babel. Tout commence à s'interpénétrer en nous révélant l'étendue spectatentaculaire de la Pieuvre et de sa mainmise. C'était déjà riche et dense, cela en devient magnifique et hallucinant quand la mythologie vient en plus s'en mêler ! Du côté de l'objet et du dessin, la maquette est toujours aussi bien travaillée avec ce dos toilé, ces fonds de planche faussement jaunis, qui assoient cette ambiance fin XIXe tout en valorisant pleinement de dessin de Gess et sa colorisation si personnelle. Bref, avec ce 4e opus, je passe ma note à 5 (culte !), tant je suis conquis par l'univers qu'aura su nous proposer et développer l'auteur. J'en REVEUX ! A quand un prochain tome ???
Escroqueuse - Quand l'hypo frappe
Je classerais volontiers cette BD dans un genre style Utilité Publique. En effet si presque tout le monde connaît le diabète, peu de personnes ont entendu des informations sur le diabète de type 1 (DT1). L'ouvrage de Ana Waalder et Mikhaël Allouche répare cette ignorance pour qui le veut. Sur un fond de fiction autobiographique intimiste les auteurs ont construit un documentaire scientifique qui embrasse thérapie, compétences médicales en France, positionnement de la recherche ou celle des labos et surtout les immenses difficultés pour le malade de vivre avec cette pathologie souvent incomprise par son entourage. Le DT1 peut vous tomber dessus à tout âge et quelque soit votre hygiène de vie. En effet il est du à la disparition de certaines cellules pancréatiques qui produisent l'insuline. Sans insuline la régulation du sucre dans le sang devient impossible et conduit immanquablement à des hypoglycémies (possiblement mortelles) suivies d'hyperglycémies destructrices. Anna a trois ans quand son calvaire commence: tests, piqures, surveillance alimentaire draconienne, sociabilité compromise, angoisse des parents tous les jours, toute l'année sans il seul jour de répit. Heureusement son tonton lui offre une porte sur un imaginaire qui lui permet d'avancer en battante. En accompagnant Anna jusqu'à ses 20 ans, nous rencontrons les soignants, les faiblesses de la diabétologie française, les associations plus ou moins efficaces, les espoirs issus de la haute technologie , des héros de la science et des batailles pour un marché très lucratif. C'est une vraie prouesse des auteurs d'avoir su rendre toutes ces informations ( référencées et vérifiées) intelligibles pour le public. Tel un véritable document scientifique les sources sont explicitées en fin d'ouvrage, les scientifiques nommés et interviewés. C'est du solide et exigeant. Le graphisme ne fait pas non plus dans la facilité. Il me rappelle un peu le graphisme underground américain des années 70/80 un peu à l'image de ce que produit un Daniel Clowes. Pourtant c'est très moderne dans la construction avec des planches qui changent de présentation ou de colorisation continuellement. Je le lis comme un graphisme de combat et d'engagement face aux variations brusques et erratiques de la courbe de glycémie des pauvres malades. Allouche passe du monde hospitalier dans des planches docu assez classiques à une ambiance cauchemardesque des crises que vit l'enfant. C'est un graphisme très adulte qu'il faut s'approprier et qui peut freiner à la lecture d'un public novice mais en recherche d'infos sur le DT1. Une lecture exigeante mais très aboutie qui apporte au débat des soins en France.
La Marche Brume
Magique ! Comment être ensorcelé par un récit, des images ? Tout simplement en lisant cette aventure. Au début ça parait un peu minimaliste. Décors taillés à la serpe, travail qui parait bâclé mais en fait l'auteur installe une ambiance de conte. Alors oui il faut une âme d'enfant pour lire cette histoire. Mais tout est bien mené, on s'ennuie pas et ce côté féministe ! Des gentilles sorcières je vous dis ! J'attends la suite...
Dieu qui pue, Dieu qui pète
Un recueil sympathique, qui s’adresse avant tout à un jeune lectorat, mais ça passe quand même bien la barrière de l’âge, j’ai apprécié ma lecture. Le titre laisse croire à un recueil humoristique tendance prout prout, du graveleux un peu lourdingue, mais en fait pas du tout. Certes, il y a bien de l’humour, uniquement d’ailleurs dans la dernière case le plus souvent, dans une chute amusante et/ou ironique. Mais la majeure partie de ces histoires courtes ne joue pas sur ça. Les auteurs se sont bien appropriés l’univers africain (en tout cas c’est ce que je ressens, n’étant pas non plus très calé dans ce domaine). Des petits contes vaguement édifiants, très plaisants à lire. Et qui plus est bien illustrés par Duchazeau, dont j’aime bien le travail de toute façon, ici dans un style moderne épuré très agréable.
Terres d'accueil
Un album que j’ai trouvé très bon, autant du point de vue de la forme que du fond. Pour illustrer la question migratoire, les auteurs nous présentent – en courtes séquences correspondant chacune à une « étape » de leur parcours – deux exemples : une jeune femme et sa fille fuyant la guerre civile et DAESH en Syrie (ils tentent de rejoindre le mari, déjà réfugié en France), et deux amis fuyant la misère de Guinée pour aller en France. Ces deux exemples illustrent plusieurs « causes » de départ, mais aussi plusieurs « routes » de transit, et tous les dangers et obstacles divers qui se trouvent en travers de leur périple (nombreux sont les morts qui le jalonnent d’ailleurs). Il y a un très bon équilibre entre les différents chapitres « découpant » les parcours chaotiques des migrants, et tous les dossiers (deux pages le plus souvent) donnant une foule d’informations sur les lois et leur évolution, les actions des acteurs (États, ONG, passeurs, Union européenne, etc.). Cela donne une lecture à la fois intéressante et fluide, mais aussi instructive, synthétique, les parties où nous suivons les migrants « humanisant » un traitement administratif et politique de la question migratoire qui lui au contraire se révèle de moins en moins « humain ». Une lecture fortement recommandée pour qui souhaiterait faire le point sur un sujet d’actualité, mais souvent mal traité (voire maltraité) par médias et dirigeants politiques. Comme le souligne Spooky avant moi, il est intéressant de savoir que les Français revenant dans le pays après une absence (peu importe la raison) de plus d’un an sont inclus dans les statistiques des migrants (ce que se gardent bien de préciser – le savent-ils ? – ceux qui agitent régulièrement le chiffon rouge de « l’invasion » ou du « grand remplacement » avec des chiffres prétendument inquiétants). J'ajoute que les deux dessinateurs - au style très proche - usent d'un trait classique et réaliste très agréable (comme la colorisation en bichromie d'ailleurs).
Cosmic detective
Et bien moi il m'a bien fait kiffer cet album ! Ça part effectivement comme une petite enquête "bien tranquille" pour virer au fantastico/SF/psychédélique, et c'est pas pour me déplaire ! J'aime quand une BD arrive à nous surprendre tout en retombant sur ses pattes. Et là on a du beau monde pour conduire ce récit surprenant, tant dans son scénario que dans le dessin ! Jeff Lemire et Matt Kindt ne sont en effet pas tombés de la dernière pluie, il y a juste David Rubin que je découvre avec cet album. Et ça me donne fichtrement envie d'aller lire ses autres productions ! La composition de ses planches quand ça part en live restent sacrément lisibles tout en restant harmonieuses. Alors oui, certains pourront ne pas apprécier ce côté "barré", mais moi je dis que quand c'est aussi bien mené, on aurait tort de bouder notre plaisir !
Les Cinq Vies de Lee Miller
Je ne peux pas fourrer mon pied dans une pantoufle de verre. - Ce tome contient une biographie de Lee Miller (1907-1977), modèle, photographe, reporter, égérie du surréalisme. La première édition date de 2013 pour la version originale en italien, et de 2024 pour la version française. Il a été réalisé par Eleonora Antonioni pour le scénario et les dessinés, et traduits par Laurent Lombard. Il comprend cent-cinquante-et-une pages de bande dessinée. Il se termine avec la présentation succincte de six des hommes de la vie de Lee (Theodore Miller, Man Ray, Erik Miller, Aziz Eloui Bey, David E. Scherman, Roland Penrose), et un lexique de toutes les autres personnes citées, chacune présentée avec ses dates de naissance et de mort, et un court paragraphe d’une phrase, au nombre de trente-cinq de George Antheil (1900-1959, pianiste, compositeur, écrivain) à Elizabeth Audrey Whithers (1905-2001, journaliste). Le tome s’achève avec une bibliographie minimale, des pages web intéressantes et des recherches iconographiques. En 1928, l’atelier de Neysa McMein, à New York, Elizabeth Miller, vingt-et-un ans, rejoint une tablée qui l’accueille avec les honneurs. Un homme fait observer qu’il paraît que les hommes se souviennent toujours des blondes. Une jeune femme fait remarquer que le visage de Lee est l’un des plus connus des revues de M. Condé Nast. Un autre note qu’il lui manque juste un joli pseudonyme pour se lancer. Elle répond : Lee Miller. Enfance et adolescence. Originaire de Pennsylvanie, déterminé, curieux et tenance, Theodore Miller a fait carrière dans le domaine technique jusqu’à devenir directeur des établissements De Laval à Poughkeepsie dans l’état de New York. Productrice d’équipements pour traire et traiter le lait, De Laval était la plus grande et la plus importante entreprise de Poughkeepsie. Lors de son précédent emploi à Utica, Theodore fit la connaissance d’une jeune infirmière : Florence Mac Donald. Les fiançailles furent longues, car il ne voulait pas se marier avant d’avoir trouvé une stabilité financière et professionnelle. C’est donc après son recrutement chez De Laval que le couple se marie et que Florence s’installe à Poughkeepsie. Florence Mac Donald, la jeune épouse, attire d’emblée l’attention des Daughters of the American Revolution qui l’invitent à faire partie de leur prestigieuse association patriotique. Invitation aussitôt retirée lorsqu’elles découvrent les origines canadiennes de Florence. En tout cas, cette anecdote n’empêche pas Florence de devenir une parfaite dame de la haute bourgeoisie comme l’exige la mode de l’époque. Outre sa passion pour la technologie, Theodore cultive un grand intérêt pour les arts, jusqu’à en faire un élément central de la vie familiale. Féru de photographie qu’il se plait à pratiquer en dilettante, il a recours à son épouse Florence comme modèle parmi ses sujets préférés, les nus féminins, selon lui, l’une des plus hautes expressions de l’art. Bien vite, Theodore et Florence ont des enfants : John naît en 1905, Ellizabeth en 1907, Erik en 1910. La petite et toute blonde Elizabeth, appelée Lili, conquiert Theodore au premier regard devenant, sans qu’il s’en cache trop, sa préférée. Peut-être que le lecteur a une vague conscience de l’existence de Lee Miller et de ses œuvres, ou qu’il n’en a jamais entendu parler : cette bande dessinée constitue l’occasion d’en apprendre plus sur elle. De fait, l’autrice réalise une biographie chronologique, à l’exception de la scène d’introduction. Elle raconte les différentes phases de la vie de cette femme, en cinq chapitres : Enfance et adolescence d’Elizabeth Miller, Surréalisme, Nuage, Barbelés, Coupure. En fonction de sa familiarité avec ladite biographie, le lecteur peut parfois se retrouver décontenancé. Par exemple, le récit montre bien les rencontres entre Lee Miller et différents artistes de l’époque comme Man Ray (Emmanuel Radnitsky, 1890-1976) ou Pablo Picasso (1881-1973), sans pour autant la mettre en scène comme étant l’égérie du surréalisme. Pour autant, il retrouve bien sa carrière de modèle, puis son apprentissage de la photographie et ses fréquentations avec les surréalistes, son engagement comme photographe de guerre, et sa carrière d’autrice de recettes culinaires. La personnalité de la narration visuelle apparaît tout de suite : des traits encrés très fins et solides, un noir & blanc rehaussé de jaune, la plupart du temps en une seule nuance, parfois deux. Une approche réaliste avec un degré de simplification allant vers l’élégance, avec un sens très sûr de la gestion de densité d’information par case, soit un luxe de détails, ou une focalisation sur les personnages en train de parler, ou des effets de texture. L’autrice insère son personnage dans le contexte historique à la fois par les événements évoqués, à la fois par les dessins. D’une certaine manière, le lecteur peut interpréter les caractéristiques graphiques comme une touche féminine délicate et élégante ; d’un autre côté, cela n’obère en rien l’investissement de la dessinatrice dans les représentations. La séquence introductive montre des jeunes gens de la haute bourgeoisie, bien habillés à l’occasion d’un rendez-vous mondain. Le lecteur remarque de suite l’attention portée aux tenues vestimentaires que ce soit la coupe des costumes pour les messieurs, ou les différentes robes avec leurs accessoires pour ces dames, y compris les bibis et les colliers. La présentation de Theodore Miller s’effectue par un dessin le représentant assis sur une chaise : belle veste avec un motif jaune, une paire de bottines à bouton. La présentation de Florence Mac Donald se déroule en deux temps : d’abord en robe simple avec tablier (et un petit chapeau), puis en robe habillée avec un chapeau plus sophistiqué et plus décoratif. L’artiste fait preuve du même degré d’implication tout du long de l’ouvrage pour les tenues vestimentaires : les habits plus simples des enfants, les robes de soirée ou pour faire la fête, les manteaux, les accessoires divers et variés, les uniformes militaires, jusqu’à la robe noire et simple avec tablier dans laquelle Lee Miller reçoit le journaliste à Farley’s Farm, à Chiddingly, Muddles Green, dans la dernière période de sa vie. De la même manière, la reconstitution historique se trouve dans chaque lieu, chaque environnement. Les lampes avec leur abat-jour dans l’atelier de Neysa McMein, les meubles et les pots de fleurs chez les Miller, le modèle du landau, les différentes voitures, les évocations d’œuvres artistiques de l’époque (dont celles de Man Ray et de Picasso), l’appartement d’Adolf Hitler à Berlin, et bien d’autres encore. Progressivement, le lecteur prend conscience que la bédéiste utilise de nombreuses possibilités offertes par la bande dessinée : case avec bordure ou sans, éléments de décor devenant une ornementation pour les autres cases, cases en trapèze ou en losange pour accentuer un mouvement, cases de la hauteur ou de la largeur de la page, dessins en pleine page, cases en insert, carte de la région pour accompagner les voyages de la photographe, etc. Elle joue également avec les phylactères et la typographie : écriture blanche sur fond noir, titres en barbelés quand Miller accompagne l’armée libératrice vers l’Est, etc. Si dans un premier temps, les personnages peuvent apparaître un peu simplifiés, en particulier pour les traits de visage, le lecteur se rend vite compte que la direction d’acteurs et les expressions de visage relèvent d’adultes aux émotions complexes, certains silences ou certaines pauses fugaces attestant de l’impact d’une situation ou d’un constat. Le lecteur mesure mieux les choix de l’autrice lorsqu’un médecin indique que : Elizabeth Lee a contracté une méchante maladie vénérienne, et que malheureusement le traitement sera long, que les parents devront surtout essayer de lui faire surmonter le traumatisme psychologique. Les deux pages suivantes montrent que la fillette se sent sale en permanence, puis elle se montre insupportable dans les différents établissements scolaires où elle est inscrite. En allant chercher plus d’informations, il apparaît qu’il s’agit d’un viol perpétré sur la fillette alors qu’elle avait sept ans, une façon déconcertante de présenter un tel crime et ses conséquences dévastatrices. Pour autant, lorsque Lee Miller accompagne l’armée américaine à Torgau, puis Dachau, puis Berlin, toute l’horreur de la guerre impacte de plein fouet la jeune femme. Le lecteur en déduit que cette biographie est racontée avec le point de vue de Lee Miller, en fonction de ce qu’elle ressent et de ce qu’elle peut exprimer, sa façon de se représenter le monde à chaque moment de sa vie. Il constate alors que l’autrice montre l’impact des événements, des expériences, des découvertes, de la manière dont l’artiste le ressent. Au fur et à mesure, le lecteur découvre la vie de cette femme, ou plutôt ses vies, de modèle pour photographes, à photographe de mode elle-même, photoreporter de guerre, autrice de recettes. En fonction de ses centres d’intérêt, il aurait pu souhaiter que telle ou telle facette de sa vie soit plus développée, tout en ayant conscience que cette biographie regorge d’informations et de moments sortant de l’ordinaire, qu’elle est riche et dense. Réaliser une biographie constitue un exercice compliqué entre hagiographie et enfilade aride de faits avérés. Celle-ci combine les éléments factuels avec la vision que Lee Miller a pu en avoir au moment de leur survenance dans le contexte de sa vie, et dans celui historique. L’autrice se livre à une reconstitution extraordinaire de références et de détails pertinents et opportuns, en sachant montrer l’environnement correspondant. Le lecteur accompagne une jeune femme séduisante et libérée, menant sa vie comme elle l’entend, connectée au monde, réussissant aussi bien une carrière de modèle que de photoreporter de guerre (jusque dans la baignoire d’Hitler), tout en en faisant l’expérience de son point de vue, moments de plaisir comme traumatismes. Une réussite exemplaire.
Anamnèse
Un très bon one-shot. Les thèmes utilisés dans l'album sont du déjà vu, mais l'auteur les utilisent de manières intelligentes. Il faut dire que le récit est construit de manière originale. La réalité et la fiction sont mélangées, mais sans jamais perdre le lecteur qui comprends bien ce qui se passe. Je ne veux pas trop spoiler ce qui se passe dans le récit et tout ce que je peux dire c'est que c'est remplis d'émotions, le scénario est prenant même lorsque je devinais un peu ce qui se passait et le personnage principal est terriblement attachant. J'ai vraiment aimé le dessin que je trouve très dynamique et les couleurs sont belles. La mise en scène est surprenante et audacieuse. Je trouve que jusqu'à présent c'est une des meilleurs bds de 2024 que j'ai lu. Elle a réussi à toucher mon âme d'enfant.