Les derniers avis (8 avis)

Par ThiBD
Note: 4/5
Couverture de la série Les Enfants de Buchenwald
Les Enfants de Buchenwald

Le roman graphique " Les Enfants de Buchenwald " est un travail méthodique de documentation qui aura duré deux ans. Écrit par l'historienne Dominique Missika, illustré par Anaïs Depommier et Alexakis Alessandrema, il est paru aux éditions Steinkis. L'histoire retrace le destin de quatre jeunes rescapés du camp de concentration de Buchenwald : Zeev, Fischel, Chaim et Aron (personnages fictifs). À la libération du camp en avril 1945, ces enfants, âgés de 4 à 18 ans, se retrouvent seuls et démunis, sans famille. De juin à septembre 1945, ils sont accueillis par I'Œuvre de Secours aux Enfants (OSE) dans la ville d'Écouis, en Normandie, où ils entament un processus de reconstruction physique et psychologique. Inspirée de faits réels et de témoignages de survivants et de personnes qui les ont accompagné, cette œuvre met en lumière la résilience de ces jeunes orphelins, l'importance de la solidarité et de la bienveillance dans leur parcours vers une nouvelle vie. Les dessins travaillés de Anaïs Depommier et la mise en couleur de Alessandrema Alexakis apportent une touche de douceur aux personnages et à l'histoire malgré l'horreur. Cela permet une lecture facile et agréable pour les plus jeunes. Par ailleurs, je trouve intéressant et original l'approche choisie: celle de l'après-guerre et de la reconstruction de ceux qui l'ont vécu. À travers un récit poignant et des illustrations sensibles, la bande dessinée rend hommage à ces enfants et à ceux qui les ont aidés à retrouver leur humanité. Ainsi, cette histoire sous forme du "roman graphique" s'adapte à toutes les générations et permet d'entretenir la mémoire des enfants rescapés de Buchenwald et de leurs sauveurs.

25/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Aciae z79
Aciae z79

A part peut-être avec Tremblez enfance Z46, j’ai à chaque fois été dérouté par les albums d’EMG, par leur construction étonnante et plus exigeante qu’il n’y parait de prime abord. Mais j’ai aussi à chaque fois été suffisamment intrigué pour passer outre cette étrangeté, et cet album confirme qu’EMG est un auteur original et intéressant. C’est aussi une personne très sympathique, avec laquelle j’avais échangé lors du dernier festival Quai des Bulles de Saint-Malo (cet album était alors en bonne voie). C’est le quatrième album qu’il publie chez Tanibis sur le même format très chouette : un à l’italienne avec une image par page, des couleur tranchées et chatoyantes, et surtout un graphisme très original et reconnaissable entre mille, avec des objets, décors et personnages construits avec des formes géométriques disjointes. Un rendu surprenant, mais que j’ai depuis longtemps appris à apprivoiser et à aimer. Comme souvent l’intrigue nécessite un bon investissement du lecteur, ne livre pas aisément ses clés. C’est même sans doute avec cet album que j’ai eu le plus le besoin de plusieurs lectures, pour saisir les tenants et aboutissants, alors que la pagination ne correspond pas dans sa présentation à la chronologie des événements. En tout cas, comme mon prédécesseur, je ne peux qu’encourager les lecteurs curieux à jeter plus qu’un œil sur cet album, et sur cet auteur, qui développe une œuvre singulière – toujours mise en valeur par le beau travail éditorial de Tanibis.

25/04/2025 (modifier)
Par Ana
Note: 4/5
Couverture de la série À la poursuite de Jack Gilet
À la poursuite de Jack Gilet

J'ai fait le choix de lire ce livre, parce que j'aimais la couverture de ce livre. Je trouve que les dessins sont magnifiques. Je trouve cette histoire triste et en même temps drôle. D'un autre côté, nous les humains ne pensons jamais aux animaux morts sur la route, en dessous des pneus de nos voitures, sans savoir ce qui leur est arrivé. Mais aussi, c'est drôle de voir tous ces humains qui sont morts à cause de ces bêtes, ignorantes de la loi.

25/04/2025 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Aciae z79
Aciae z79

Une lecture exigeante. Il te faudra rester concentré pour différencier les nombreux personnages et pour cela mémoriser formes / couleurs vêtements. Il faudra aussi faire attention aux détails qui se cachent sur les planches pour bien [comprendre] le récit, tout en gardant un œil au numéro de chaque planche. En effet, elles ne seront pas toutes proposées dans le sens chronologique (voir la galerie). Mais c'est bien toute cette complexité de lecture qui la rend unique. En introduction un petit récit : trinitate glycérol z7. Sept planches sans texte où des atomes prennent possession de l'espace pour donner naissance à la combinaison de la nitroglycérine. Bon, je fais le malin mais heureusement qu'internet existe. Puis place au récit principal : adoremus christum æternum z79 (adorons le Christ éternel). Soixante-dix-neuf planches dans un royaume d'Europe central où vont se jouer le destin de plusieurs personnages. Je disais donc une lecture exigeante, j'ai dû m'y prendre à deux fois pour en saisir le contenu (enfin, je crois), certains passages pourront passer pour inachevés, mais ce n'est pas le cas. La narration est atypique avec cette succession de planches dans un désordre ordonné, mais elle reste cohérente et compréhensible. Un désordre ordonné qui s'accélère au fil des pages. Ce récit n'est pas qu'une expérience narrative, il évoque aussi des sujets qui sont toujours d'actualité (mariage arrangé, la place de la religion, les conditions - dérèglement - climatiques... ). Une lecture qui se mérite. Autre particularité de cet album : la partie graphique. Un visuel en trois dimensions aux formes géométriques, les phylactères seront dans la même veine, au rendu singulier qui me plaît énormément. Un joli format à l'italienne avec une image par page pour un plaisir accentué. Les couleurs sont lumineuses. Tu seras aussi surpris par les trouvailles qui égaient le récit. J'adore. Une vraie curiosité. Un artiste à découvrir ! Après le [z], le chiffre ou le nombre correspond à la pagination du récit. ;)

25/04/2025 (modifier)
Couverture de la série De pierre et d'os
De pierre et d'os

Les superbes aquarelles de Krassinsky nous invitent à un beau voyage initiatique en pleine nuit arctique. Un régal pour les yeux et les esprits des vents et des glaces. Jean-Paul Krassinsky (né en 1972) est un auteur de BD connu pour quelques belles aquarelles. Ce dessinateur réputé adapte ici un roman (sorti en 2020) de Bérengère Cournut : De pierre et d'os, une fable initiatique qui suit le parcours d'une jeune inuite au pays des glaces. Uqsuralik est encore une jeune fille et l'album s'ouvre avec l'apparition de ses premières règles. Elle va se faire surprendre par la banquise qui se brise et l'éloigne de l'igloo familial. Elle se retrouve seule, séparée des siens, en pleine nuit arctique. Elle n'a pour compagnons que quelques chiens et il va lui falloir "chasser avec eux, apprendre d'eux, ou bien mourir par eux, il n'y a pas d'autre choix possible". Après plusieurs jours de marche et de survie difficile, elle rencontre un autre groupe d'humains, plusieurs familles à géométrie variable comme le veut la coutume, mais avec des "femmes mal tatouées et des chasseurs maladroits". Ils l'accueillent car "quiconque peuple la banquise par une telle nuit est le bienvenu" et ils vont l'appeler Arnaautuq ce qui veut dire garçon manqué. Elle n'est pas forcément la bienvenue, c'est une bouche de plus à nourrir et l'un des hommes va même la "couper en deux". L'album est précédé de la réputation du roman bien sûr (prix du roman Fnac 2019), mais ce sont surtout les superbes aquarelles de Krassinsky qui vont appâter l'amateur de BD. De véritables peintures qui se déploient sur de grandes pages (au format presque carré) avec des tableaux tantôt grandioses, tantôt intimes. On passe des étoiles sur la banquise glacée aux fleurs sur la toundra verdoyante au printemps. Ces magnifiques dessins comptent pour beaucoup dans le charme envoûtant de cette aventure écrite au féminin. Au cours de ce grand voyage initiatique, la jeune fille deviendra femme, mère, chasseuse et même chamane. La survie de ces nomades est réglée sur les saisons, la chasse et la pêche. Et là-bas on est obligé de compter les bouches à nourrir avant l'hiver aussi précisément que les réserves de gibier. L'album est généreux (200 pages) et le lecteur verra défiler les saisons puis les années, les générations. À travers Uqsuralik et ses multiples rencontres, le texte, adapté du livre de Bérengère Cournut, va nous permettre de découvrir les coutumes, les traditions, les chants et les superstitions du peuple de l'arctique. C'est un très beau voyage, éprouvant, émouvant.

25/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Mémoire de cendres
Mémoire de cendres

Une série parfaitement représentative de celles que Glénat a publiées dans sa belle collection historique Vécu. Jarbinet s’était fait la main au dessin sur Sandy Eastern, mais c’est sans doute avec cette série qu’il se révèle un auteur complet et mature. Son dessin est vraiment très beau, et remarquable pour les décors, les châteaux (les superbes paysages, et les non moins superbes forteresses du pays d’Oc sont vraiment bien rendus). Il s’est documenté (remarque aussi valable pour l’intrigue, qui suit la grande Histoire et la mêle très bien à la petite). Par contre sur les deux premiers tomes (le premier surtout), son trait est plus hésitant, le résultat plus irrégulier et moins heureux pour certains personnages (les visages en particulier). Mais bon, c’est vraiment du bon travail, dans le haut du panier de cette collection. L’intrigue est donc fortement ancrée dans l’univers cathare, au moment de la croisade menée par l’Église et la chevalerie du Nord du royaume, alors que l’intransigeance religieuse trouvait opportunément des alliés dans la soif de pouvoir du roi de France, et surtout la soif de terres et de seigneuries de certains de ses vassaux. Là aussi Jarbinet utilise bien sa matière historique pour dynamiser son intrigue, et les apports des personnages principaux, inventés, s’accordent bien avec la trame générale en décor. L’histoire se déroule durant le premier tiers du XIIIème siècle, siècle qui est l’une de mes périodes historiques préférées, donc j’étais a priori intéressé par cette série. Au final, j’ai plutôt aimé cette série. Du moins le premier cycle de cinq tomes que j’ai lu. J’aurais préféré que l’intrigue reste dans le sud-ouest de la France, même si les quatrième et cinquième tomes se déroulant en Angleterre se laissent lire (il m'ont un peu moins intéressé toutefois). L’accélération brutale en fin de cinquième tome, pour clore les intrigues, avec force happy-end, est quand même maladroite (comme le personnage de Guillaume est souvent utilisé trop facilement pour solutionner des situations critiques). Mais ça reste une bonne série de cette collection Vécu. Note réelle 3,5/5.

25/04/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Marchand de tapis de Constantinople
Le Marchand de tapis de Constantinople

Par nature j'aime bien découvrir des auteurs-trices de BD qui viennent de pays en dehors des circuits conventionnels. Cela se vérifie par mes lectures nombreuses d'auteurs-rices africains-es mais je n'ai pas boudé mon plaisir de découvrir cette jeune autrice originaire de Malaisie. En effet à travers son conte fantastique, Reimena Yee propose tout un univers et un vécu très éloigné de notre franco-belge quotidien. Ma première approche fut réservée à cause des presque 700 pages que représentent les deux tomes. Deux tomes qu'il faut lire pour toucher la profondeur du message de l'autrice. Une fois cette réserve évacuée, je me suis glissé délicieusement dans l'originalité de la narration et j'ai été surpris par les thématiques soulevées par l'autrice. Les éditions Kinaye proposent souvent des séries destinées aux ados issues de l'univers Comics. C'est le cas ici, même si la lecture est assez exigeante voire érudite par moment. Trois univers s'équilibrent tout au long du récit. La signification de l'importance et de la subtilité des tapis produits par les femmes de Usak en Turquie. Un récit parfois proche du documentaire contemplatif qui initie le néophyte aux subtilités des motifs et des histoires écrites au travers des fils de laines tissés. Cet univers conduit à la grande histoire d'amour sur toute la vie de Zeynel et Ayse. Cette vie est parsemée d'obstacles comme la mort des enfants ou la mauvaise rencontre de Zeynel. En effet Zeynel est un érudit destiné à devenir Iman mais qui se découvre fabuleux marchand aux côtés de son entreprenante épouse. Cette rencontre avec le vampire ou strigoÏ Mora aux confins de la Roumanie (Roumelnie) ouvre la porte au récit fantastique d'une histoire de vampires originale. C'est le récit central du second tome où la confrontation des deux vampires est inscrite sur les thématiques du pardon, de la compassion et de la rédemption. Enfin Zeynel est homme de Dieu. Comme le suggère la couverture du tome 2 qui ressemble à une icone orthodoxe c'est une véritable chemin vers la sainteté que suit Zeynel. Les référence à Allah sont omniprésentes dans la bouche de Zeynel et de son entourage. Les scènes de prières sont très nombreuses et s'inscrivent de façon naturelle dans le comportement de l'homme devenu Djinn sans abandonner sa foi. En débutant l'ouvrage j'ai été surpris par un graphisme qui me renvoyait à certaines illustrations orientales de mes livres d'histoire. J'ai trouvé que cela manquait de volume mais il faut probablement comprendre le dessin comme un rapport avec le théâtre d'ombre Turc pour les personnages. Les plantes et fleurs nous renvoient aux motifs des tapis. Il y a beaucoup de planches muettes qui invitent à la contemplation et à la découverte d'un autre univers que celui auquel nous sommes habitués. Les couleurs sont chaudes, les costumes chatoyants et d'une formidable richesse dans la recherche graphique. Une lecture qui mêle érudition, exotisme et originalité assez éloignée des thématiques commerciales aguichantes.

25/04/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Moderne Olympia
Moderne Olympia

Le spectacle continue ! - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. C’est le premier d’une série de collaborations entre le musée d’Orsay et l’éditeur Futuropolis. Son édition originale date de 2014. Il a été réalisé par Catherine Meurisse pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend soixante-quatre pages de bande dessinée. Il se termine par la liste de cinquante œuvres des collections du musée qui ont inspiré l’autrice : il y a d’abord neuf pages qui comprennent la reproduction de douze tableaux, puis deux pages qui liste les cinquante œuvres par ordre d’apparition, avec leur créateur, leur titre la date de création, leurs dimensions et la date d’acquisition, ainsi que le numéro de page de l’album dans laquelle elles sont citées. Roméo Montaigu vient de tuer le comte Pâris qui l’avait provoqué en duel. Les soldats arrivent et découvrent le cadavre, avec le valet de Roméo encore sur place. Ils le ramènent à leur responsable qui décide d’attendre l’arrivée du roi. Celui-ci ne tarde pas et demande qu’on lui explique l’épouvante qui fait tressaillir ses oreilles. Après avoir entendu ce qui s’est passé, la reine fait le constat du fléau par lequel le ciel châtie la haine, pour tuer leurs joies, il se sert de l’amour. Le roi se désole d’avoir fermé les yeux sur leurs discordes, il a perdu deux parents. Roméo et Juliette, pauvres victimes de leurs inimitiés. Cette matinée apporte avec elle une paix sinistre. Le soleil se voile la face de douleur. Jamais ouverture n’aura été plus douloureuses que celle de Juliette et de son Roméo. Le film se termine, et les crédits défilent sur l’écran, avec Vénus dans le rôle de Juliette, Paolo Malatesta dans le rôle de Roméo, etc. Olympia et le petit joueur de fifre se lèvent : il remarque que c’est la cinquième fois qu’ils voient cette toile, et qu’elle pleure encore. Elle répond que cette histoire lui brise le cœur, elle adorerait être Juliette, elle pense qu’elle a les qualités pour jouer les grandes amoureuses. Le fifre lui demande si Juliette avait de l’eczéma aux fesses ; Olympia peste qu’elle s’est encore assise sur du pop-corn. De retour chez elle, Olympia déclame des répliques de Juliette à sa servante en présence du fifre. La servante lui conseille de frapper ses consonnes et d’attaquer chacune de ses répliques. Elle continue : Si Olympia continue à déclamer en yaourt, sa carrière est finie avant d’avoir commencé. Cela fait penser le fifre à une blague : un Noir qui passe devant une pharmacie et qui lit sur la vitrine Oméopathie. Alors il se dit : Pauv’ Juliette. Olympia lui renverse un pot de fleurs sur la tête. Puis elle se demande à quoi bon articuler : son prochain rôle est muet, elle joue une esclave dans le Cheikh, une grosse production orientaliste, Chassériau à la mise en scène, Regnault aux décors, Dehodencq aux costumes. Elle a une scène clé : elle sort des cuisines du palais un couscous royal dans les bras, le cheikh la voit, la viole, la jette en pâture à ses éléphants qui, excités par l’odeur de la semoule, la… Lors de la prise de vue, elle glisse sur un pois chiche et il s’en suit une cavalcade hors de contrôle. Le musée d’Orsay décide de s’associer avec l’éditeur Futuropolis pour produire plusieurs bandes dessinées ayant pour thème aussi bien cette institution que ses collections. Catherine Meurisse choisit une construction originale : elle met en scène une des femmes représentées sur les toiles du musée, Olympia (1866) peint par Édouard Manet (1834-1917). Ainsi elle raconte une histoire avec un personnage central fictif, une forme très différente d’une visite du musée, d’un passage en revue d’une collection d’œuvres choisies, ou d’une mise en valeur de son architecture. La mise en scène s’effectue dans un dispositif pouvant surprendre : Olympia évolue comme sortie de la toile du même nom, dans le plus simple appareil, si ce n’est un nœud dans les cheveux et un ruban autour du cou, sans que Victorine Meurent (1844-1927, peintre), qui a servi de modèle, ne soit citée, ni Laure qui a posé pour la servante. De temps à autre, elle se retrouve à devoir se vêtir pour poser dans une autre toile. Elle fut effectivement le modèle pour le Déjeuner sur l’herbe (1863) de Manet. Ainsi quelques personnages de toiles célèbres (dont Vénus) se rendent à des prises de vue de type cinéma pour poser dans la réalisation d’un tableau célèbre. Avec ses dessins descriptifs aux formes déliées et humoristiques, l’artiste rend ainsi hommage à cinquante œuvres en les évoquant, sans chercher à les reproduire, parfois dans la mise en scène, parfois par une allusion comme le test de l’asperge (peinture à l’huile de 1880, de Manet) pour vérifier la fermeté de la poitrine d’Olympia. En fonction de sa familiarité avec le musée d’Orsay et ses collections, le lecteur identifie plus ou moins facilement les œuvres. Selon les pages, l’artiste en intègre un nombre variable. Par exemple, il n’y en a pas dans les pages treize à quinze, et il y en a six dans la page seize : Vénus à Paphos (1852) par Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867), L’assaut (1898) par William Bouguereau (1825-1905), La source (1856) par Jean Auguste Dominique Ingres, La jeunesse et l’amour (1877) par William Bouguereau, La chaste Suzanne (1864) par Jean-Jacques Heiner (1829-1905), Naissance de Vénus (1879) par William Bouguereau. Le lecteur a également bien compris que la première séquence correspond à une adaptation plus ou moins fidèles (en fonction des répliques) de la pièce de théâtre Roméo et Juliette (1597) de William Shakespeare (1564-1616). De la même manière, il reconnaît un spectacle de french-cancan dans les pages treize à quinze, une première allusion au film West Side Story (1961), réalisé par Jerome Robbins (1918-1998) et Robert Wise (1914-2005) en page vingt-neuf (reprise pour la couverture) et une scène tirée du même film dans les pages trente-cinq à trente-sept. La dessinatrice reste dans le même registre graphique, avec ces personnages un peu caoutchouteux, aux expressions exagérées, aux silhouettes dessinées de façon comique, avec une direction d’acteurs empruntant régulièrement à la pantomime et au burlesque. De temps à autre, le lecteur relève également une référence supplémentaire à l’occasion d’un dialogue, par exemple quand Olympia évoque Alfred Dehodencq (1822-1882), un peintre et dessinateur français, ou quand des figurantes se mettent à chanter qu’il faut coucher pour réussir dans ce métier, en particulier pour figurer en couverture du magazine Télérama. La narration visuelle étant alerte et vive, pleine d’humour, le lecteur prend plaisir au récit pour le divertissement qu’il constitue. Il suit donc cette Olympia moderne, cantonnée aux seconds rôles, en bute à la jalousie de Vénus, modèle établie posant pour des tableaux de style classique ou relevant de la peinture dite classique. Il la voit tomber amoureuse de Romain, un second rôle ou même un figurant dans le tableau La chute de Rome n’aura pas lieu. – Romains de la décadence (1847) par Thomas Couture (1815-1879). La narration s’avère d’autant plus agréable que l’artiste raconte des événements spectaculaires régulièrement : un parachutage depuis un avion pour créer Les Oréades (1902) de William Bouguereau, l’arrivée de Napoléon à la tête de son armée pour mettre fin à une rixe urbaine, romain en train d’interpréter le célèbre numéro de danse de Singin’ in the rain (1952), film musical de Stanley Donen (1924-2019) et Gene Kelly (1912-1996), ou encore une traversée de jungle devant autant à celle de La charmeuse de serpents (1907) du Douanier Rousseau (1844-1910) qu’à l’étang des Nymphéas (1914-26) de Claude Monet (1840-1926). Il arrive ainsi au terme de l’ouvrage et l’intrigue, le sourire aux lèvres, découvrant que Olympia n’était que doublure cuisses pour L‘origine du monde (1866) de Gustave Courbet (1819-1877). Dans le même temps, le lecteur sent bien qu’il se joue autre chose qu’une simple série de péripéties pour que Olympia parvienne à décrocher des emplois pour une prise de vue. Le tableau de Manet est exposé au Salon (Salon de peinture et de sculpture) de 1865, qui a lieu à Paris. Ce Salon avait vocation d’exposer les œuvres des artistes agréés par l'Académie des beaux-arts, c’est-à-dire des œuvres ou des artistes revêtant un caractère officiel. Le thème du tableau ne correspond pas aux critères officiels. Dans ses propos, Olympia évoque également le Salon des refusés, c’est-à-dire une exposition des œuvres non admises qui se tient dans un autre lieu, où le même Manet avec exposé son Déjeuner sur l’herbe en 1863. Une décennie plus tard, les Impressionnistes organiseront leur propre salon en 1874, faisant également partie des Refusés. Avec ces événements en tête, le lecteur comprend que l’autrice met également en scène cette opposition entre les deux classes d’artistes, les Officiels et les Refusés. L’histoire d’amour entre Olympia (une Refusée) et Romain (un Officiel) s’apparente alors à un amour tragique entre deux personnes issues de deux groupes sociaux en conflit, comme pour les Capulets (Juliette) et les Montaigu (Roméo). Fort heureusement, l’issue de ce récit s’avère moins tragique, puisque c’est l’avènement d’une nouvelle technologie qui oblige les uns et les autres à s’adapter. Pour rendre hommage au musée d’Orsay et à ses collections, l’autrice a imaginé une forme originale, reposant sur le fait que chaque œuvre fait l’objet d’une mise en scène cinématographique nécessitant la participation d’acteurs et d’actrices établis, et de figurants non-conformistes. Dans un registre graphique humoristique et plein de vie, elle raconte les errances d’Olympia, appartenant à la classe des Refusés, et rejetée par Vénus (celle de La naissance de Vénus – 1863 – de Alexandre Cabanel - 1823 - 1889) et ses trois petits angelots. Il s’en suit une évocation pleine de vie des œuvres majeures du musée, et une mise en scène de la confrontation entre Officiels et Refusés. Belle vulgarisation.

25/04/2025 (modifier)