Lucas Vallerie traite ici – et très bien – d’un sujet tristement d’actualité (à défaut d’être réellement et correctement traité par les grands médias), à savoir les migrants fuyant la misère (et la guerre parfois) de l’Afrique, pour tenter de rejoindre l’Europe à partir de la Libye.
Et plus particulièrement, il a accompagné une mission du navire de sauvetage de MSF en Méditerranée, rencontrant ainsi une des parts douloureuses de cette réalité (les nombreux morts noyés), mais aussi parmi les « sauvés » des personnes lui racontant leur parcours.
L’album m’a fait penser à celui d’Hippolyte Le Murmure de la mer, album quasi équivalent (l’auteur ayant lui accompagné une opération de l’ONG SOS Méditerranée – mais j’ai aussi penser à À bord de l'Aquarius qui s’intéresse à une autre mission de cette même ONG). On retrouve en grande partie les mêmes problématiques et mêmes observations. Mais Vallerie développe lui en parallèle le parcours de quelques migrants recueillis sur son navire, de leur départ d’un pays d’Afrique subsaharienne à leur arrivée en Libye, où ils sont tous maltraités, volés, exploités, parfois violés, jusqu’au départ et leur « sauvetage ».
La narration est fluide, le sujet est traité en profondeur et de façon factuel, j’ai bien aimé cette lecture.
Comme dans les albums précédents (mais j’ai aussi lu des articles dans le monde diplomatique à ce sujet), on peut encore s’étonner de l’hypocrisie de l’UE face au traitement subi par les migrants en Libye…
Very Bad Ping, Premier set, est une BD accessible à tout lecteur/trice : pas besoin de pratiquer le ping-pong en club pour se plonger dans l'univers du ping ! De style franco-belge, on y retrouve l'influence de séries comme Joe Bar Team, Gaston Lagaffe, Le Petit Spirou. L'humour est décapant avec des chutes percutantes... Difficile toutefois d'être objectif puisque j'en suis l'un des auteurs (précision de taille quand même) ! Un travail de 7 années, une BD fabriquée avec le cœur. Les gags ne vous laisseront pas indifférent/e. Very bonne lecture !
Champs de bataille est une BD d'utilité publique. Très bien conçue, elle condense des années de recherches tout en restant accessible, mais surtout sans abdiquer sur le fond. Le contenu est tragique et vous colle un vrai coup de bambou car le constat est dramatique, c'est peu de le dire, et semble irréversible. Mais il faut la lire, tout le monde doit la lire. D'utilité publique que j'vous dis ! Bondiou !
Mais d'abord, de quoi ça cause ? Ben du remembrement pardi ! En gros, dans l'immédiat après-guerre, le pays est dévasté. C'est l'occasion ou jamais de faire entrer de plein fouet notre glorieuse nation dans la modernité et de l'arracher aux pécores qui, trop nombreux, entachent l'image du pays. Dans la foulée du plan Marshall, reprenant à leur compte un projet ébauché sous Vichy, la FNSEA va s'acharner à coups de lobbying et de primes accordées aux plus gros exploitants, à remodeler les terres et le paysage français. Une nouvelle guerre commence, menée cette fois à coups de bulldozers, qui verra progressivement l'ensemble des terres redistribué sans aucune prise en compte des réalités du terrain. L'Etat va ainsi raser les haies, faire disparaitre les chemins creux et les parcelles en partie boisées, et même détourner les cours d'eau. Tout cela afin d'adapter les pays aux dictats du commerce et de l'industrie mondiales. Les conséquences vous être, on s'en doute, désastreuses, au point qu'elles se font encore sentir aujourd'hui. Conséquences humaines : diminution du nombre de paysan (presque 9 sur dix), destruction des structures sociales villageoises, querelles de voisinages, perte d'autonomie et de compétences, endettement, perte de sens, stress, suicides en masse... Mais également conséquences écologiques d'une extrême gravité : destruction des écosystèmes, disparition des prédateurs, pollution des sols et des rivières, sécheresses et inondations (apparues dès les premières années du remembrement)... On en est là ! Pas la peine d'insister. Car oui, ce que nous vivons actuellement en France, est en grande partie une conséquence directe de politiques menées au détriment des populations. Il suffit de lire cette BD pour vous en convaincre !
Le dessin est nickel, tout comme la mise en couleur très efficace. Le récit est très bien ficelé et opère d'incessants aller retours entre l'Histoire et le concret, le passé et le présent. On passe de l'intime au général, tout cela se lit très très bien. On comprend vite, et grâce à un abondant matériel en annexe, ainsi que par de multiples renvois bibliographiques disséminés tout au long de la BD (références de livres, d'émissions télé ou radio, de documentaires filmés, d'articles), on sent la chose explorés dans ses moindres recoins. Tout cela est très solide.
Rarement, je n'ai ressenti une telle nostalgie, qui plus est pour une période que je n'ai même pas connue (ou si peu), mais franchement, il y a de quoi vous tirer toutes les larmes de votre corps, ou susciter en vous une colère sourde. Parce que le pire dans tout cela, c'est qu'en réalité, on savait ! L'Etat savait et n'ignorait rien des conséquences de cette politique brutale imposée envers et contre tout !... Heureusement, les dernières pages offrent une lueur d'espoir. Disons plutôt une étincelle d'espoir tant les dommages semblent aujourd'hui irréversibles. Mais lire cette BD, aussi sombre que lumineuse, constitue une première étape : mieux comprendre comment on en est arrivé là. Le suite appartient à chacun-e d'entre nous, et libre à nous de nous en saisir.
Le récit nous place d’emblée dans une perspective originale : celle d’un tableau témoin de l’Histoire, silencieux mais omniprésent. "Deux filles nues", peint par Otto Mueller en 1919, traverse les décennies, du chaos de l’entre-deux-guerres à la censure nazie, des spoliations au retour à une collection. Chaque étape raconte autant le destin de l’œuvre que celui du siècle qui l’a portée, malmenée, parfois oubliée.
Luz construit une narration fragmentée, où chaque chapitre explore un moment clé de cette trajectoire. On ne voit jamais directement le tableau avant la fin, mais tout se joue autour de lui. Les cases se plient à son cadre : penchées, obscurcies, cachées, elles traduisent son enfermement, ses déplacements et ses expositions. Cela donne au récit une vraie cohérence visuelle, sans pour autant alourdir l’ensemble.
Le dessin, sobre et précis, sert parfaitement le propos. Je trouve qu'il n'a ici rien à voir avec un Testosterror mais peut être est-ce un biais lié au fond du récit ? J'avais déjà été impressionné par le dessin de Luz dans Catharsis. Quoiqu'il en soit, on a ici un vrai dessin de BD, pas du dessin de presse (pour lequel j'ai un infini respect mais le but n'est pas le même). Les tons ocres et bruns installent une ambiance qui accompagne les époques traversées, et la mise en page joue habilement avec les contraintes narratives. Luz laisse de l’espace à chaque scène, à chaque silence, sans jamais surcharger.
Au-delà du parcours du tableau, l’histoire interroge la censure, la liberté d’expression, et le rôle de l’art face à la violence et à l’oppression. Luz met aussi en écho son propre rapport à la création, en lien avec son vécu. Tout cela se déroule sans grandiloquence, avec une retenue qui rend l’ensemble plus fort.
C’est une lecture dense, portée par une narration qui trouve son rythme et son équilibre. Une réflexion sur l’art, sur la mémoire, et sur ce que nous en faisons. Coup de coeur pour moi.
Il y a quelque chose qui m'a particulièrement touché dans Ailefroide - Altitude 3954 et Le Loup du même auteur, alors que je ne suis pas plus attiré que cela par la montagne à la base. Et j'ai retrouvé cette même densité dans cette histoire, un équilibre entre des thèmes universels et une mise en scène qui sait laisser de l’espace. Le récit, simple en apparence, explore des sujets comme l’amour, la violence et la mémoire avec une retenue qui lui donne sa force. Tout tourne autour de cette figure centrale, cette reine, métaphore d’un passé qu’on porte malgré soi, avec tout ce qu’il peut avoir de beau et de douloureux.
Le dessin accompagne bien cette narration. Pas de surenchère, mais un soin apporté aux détails, une attention particulière à ce qui se joue dans les regards, les gestes. Les choix de couleurs, parfois tranchés, parfois plus feutrés, participent à cette oscillation constante entre la dureté et la douceur. Cela donne une vraie cohérence à l’ensemble, même si certains passages, un peu appuyés, pourraient paraître moins nécessaires.
Ce qui reste, au final, c’est cette atmosphère. Pas tant une histoire marquante qu’un climat, une manière de raconter qui trouve son rythme sans chercher à en faire trop. Une lecture qui n’impressionne pas par ses grands effets, mais qui, par petites touches, laisse une empreinte discrète mais durable. Bref, encore une belle lecture, merci M. Rochette.
… comme l’enfant qu’il était et qu’il est resté par bien des côtés.
-
Ce tome contient dix-huit histoires à caractère autobiographique, ainsi qu’un copieux dossier final de trente-cinq pages, intitulé Crobards, archives et compagnie. Son édition originale date de 2024. Il est l’œuvre de Jean-Claude Fournier pour le scénario, les dessins, les couleurs et les souvenirs. Il s’ouvre avec une préface écrite par Emmanuel Lepage : un texte d’une page intitulé Jean-Claude Fournier est un passeur, agrémenté d’une photographie en pleine page, en vis-à-vis. Il compte une centaine de pages de bande dessinée, auxquelles ils convient d’ajouter des textes intercalaires entre chaque histoire, agrémentés de documents d’archives, et le dossier final qui comprend également des pages de bandes dessinées.
Drôle de tête, une page : Hôpital Tenon à Paris, le 21 mai 1948, à 21 heures, naissance de Jean-Claude Fournier, beau bébé, avec un crâne en pain de sucre. Le médecin accoucheur rassure les parents, : dans quelques jours il n’y paraîtra plus, le crâne va être manipulé, pressé, malaxé, massé, comprimé, il pourra même arriver qu’on lui souffle dedans. Le papa de Jean-Claude était parti à Paris pour échapper au STO. Avant de quitter le garage familial de Saint-Quay-Portrieux, il avait laissé un futur rejeton, en cadeau à sa maman. Comme elle tenait absolument à être près de son mari pour accoucher, elle partit pour la capitale en train, dans des conditions effroyables : c’était la guerre et l’Occupation… Il a donc vécu les trois premiers mois de sa vie à Paris, mais avec une tête redevenue normale en quelques jours, comme l’avait annoncé le médecin. Hélas, ainsi que ce brave homme l’avait redouté, il est diabétique !
Noël en auto, neuf pages ! Noël est encore loin, mais Jean-Claude et ses copains pensent déjà au cadeau qu’ils vont demander. Un appareil photo pour Jacky, une voiture pour Jean-Claude et pour son petit frère. Leur famille habitait un petit appartement en bois à l’intérieur d’un grand garage en tôle. Comme c’était au bord de la mer, le vent provoquait toutes sortes de bruits. Mais, c’est cette nuit-là que tout commença… Michel et Jean-Claude sont réveillés en pleine nuit par un drôle de bruit qu’ils n’arrivent pas à identifier. Le lendemain matin au petit-déjeuner, les parents sont très surpris de ce que racontent leurs deux fils, car ils n’ont rien entendu. – Parking diabolique, deux pages : le soir, le petit Jean-Claude a très peur de la profonde obscurité qui règne dans la maison, il se rend donc aux toilettes à tâtons. En bas de l’escalier, dans l’obscurité, il se fige : il a l’impression que plusieurs dizaines d’yeux l’épient. – Première BD, trois pages : Jean-Claude est très mauvais en sport à l’école, que ce soit le monter de corde, la course à pied, ou pire encore le football. Un jour, il se fait dribbler, et il chute lourdement, avec pour conséquence le bras gauche cassé et un plâtre pour un mois. Quelques jours plus tard, le maître d’école annonce un concours de bande dessinée proposé aux élèves de côte-du-Nord, sur le thème de la prévention routière.
Le texte de quatrième de couverture explicite la nature du contenu : l’auteur retrace les anecdotes qu’il réservait jusque-là à sa famille et ses amis. Le lecteur peut être attiré par cet ouvrage parce qu’il connaît déjà l’œuvre de ce bédéiste et que sa curiosité le porte à en savoir plus, ou parce qu’il est curieux de découvrir lesdites anecdotes qui portent pour partie sur des auteurs qu’il admire, à commencer par André Franquin (1924-1997, créateur du Marsupilami et de Gaston Lagaffe), ainsi que Maurice Tillieux (1921-1978, créateur de Gil Jourdan), Arthur Berckmans (1929-2020, dit Berck, créateur de Sammy), Willy Maltaite (1927-2000, alias Will, un des piliers du journal de Spirou), et même un voyage en avion avec Morris (Maurice de Bevere, 1923-2001, créateur de Lucky Luke). Dans la préface, Emmanuel Lepage loue les qualités de Jean-Claude Fournier : il a toujours su se renouveler et explorer d’autres champs graphiques et narratifs. Il continue : il a su s’affranchir de cette école franco-belge qui a bercé son enfance, éveillé son désir de bande dessinée, tout en y étant profondément ancré, c’est sûrement pour ça qu’il dessine toujours aujourd’hui avec passion, comme l’enfant qu’il était et qu’il est resté par bien des côtés. En effet, la narration est bon enfant : enjouée, sans méchanceté à part pour le récit Le gang des démolisseurs (sept pages) qui évoque son départ de la série Spirou en 1980, avec des dessins dans un registre réaliste simplifié, avec parfois quelques exagérations enfantines.
JC Fournier raconte une petite vingtaine d’anecdotes : la forme de son crâne à la naissance (une page), la préparation d’un cadeau de Noël par ses parents (neuf pages), sa première BD en école primaire (trois pages), sa fascination pour les bateaux-bouteilles (deux pages), un trajet en vélomoteur et en bicyclette de nuit à travers la Bretagne rurale pour aller voir un concert de bagad (dix pages), les premiers voyages à Bruxelles pour séjourner dans l’atelier d’André Franquin qui lui prodigue des conseils pour devenir meilleur professionnel (dix-neuf pages), les blagues entre collègues (deux histoires), la situation conflictuelle qui l’a amené à quitter la série Spirou (sept pages) et ce qu’il a fait après (neuf pages) en particulier sa collaboration avec Zidrou (Benoît Drousie) pour la création des personnages de la série Les Crannibales (huit tomes, de 1998 à 2005).
En fonction de sa familiarité avec l’auteur, le lecteur s’attend peut-être à retrouver une narration visuelle tout public, voire enfantine, à l’identique de ses pages pour Spirou (série dont il a pris la suite d’André Franquin, et dont il a réalisé les albums 20 à 23 et 25 à 29, soit neuf albums), ou celles de sa série Bizu. Ou alors il a plutôt en tête une narration visuelle plus adulte, celle du diptyque Les chevaux du vent (2008 & 2012, scénario de Christian Lax) ou du diptyque Plus près de toi (2017 & 2019, scénario de Kris / Christophe Goret). Pour ses souvenirs et anecdotes, Jean-Claude Fournier réalise des dessins plus proche d’un registre réaliste et descriptif, avec parfois quelques exagérations ou simplifications telles que des gros nez ou de bonnes bouilles bien rondes. Il utilise un trait très fin pour le détourage des individus et des objets, ainsi que pour les décors, un peu tremblé par moment, ce qui génère un effet de dessin empreint de spontanéité, avec une sensation humoristique bon enfant en toute circonstance, même dans les moments difficiles. Le lecteur peut y voir comme une politesse et un symptôme d’humilité : l’artiste ne souhaite pas attribuer plus d’importance que ça à ses petits moments de vie personnelle, finalement pas grand-chose au regard de l’histoire de l’humanité.
Dans le même temps, le lecteur ressent la narration visuelle comme construite et variée, l’expérience professionnelle infusant chaque page. L’artiste maîtrise à merveille le dosage de ses effets comiques, en particulier dans les expressions de visage, les moues et les mimiques. Il sait passer d’un registre mesuré et sérieux (tout est relatif) d’adulte, à des facéties enfantines (en particulier les farces de Maurice Tillieux lors des voyages en train). Il prend soin de dessiner les décors très régulièrement afin que le lecteur garde à l’esprit à chaque instant l’environnement dans lequel se déroule le souvenir : maternité, appartement familial, garage, salle de classe, infirmerie, maison d’un oncle, défilé d’un bagad dans les rues de Saint-Malo, lande bretonne et route de campagne, atelier de Franquin et magasin de fournitures de dessin, trains et compartiments, bureaux des éditions Dupuis, caravane, centrale nucléaire, etc. La mise en couleurs est réalisée à base d’aplats uniformes, avec parfois le recours à l’aquarelle le temps de quelques cases. L’auteur imagine des prises de vue variées, y compris pour les phases de dialogue statiques. Il a recours à un petit personnage à gros nez dans une tenue blanche à gros boutons noirs de Pierrot pour une case explicative, ou une transition entre deux moments. Sans en avoir l’air, la narration visuelle s’avère d’une grande richesse.
Le lecteur apprécie de côtoyer des individus majoritairement sympathiques, quelques-uns facétieux, avec souvent le sourire aux lèvres, à la seule exception de cette terrible réunion de Fournier avec les responsables éditoriaux de Dupuis en 1980, qui a conduit à son abandon de la série. L’amateur de bande dessinée se délecte de ces anecdotes de cet environnement professionnel vu de l’intérieur. La personnalité de Maurice Tillieux. L’amitié développée avec Willy Maltaite (Will). Il se sent privilégié d’assister à la rencontre entre Fournier et Franquin, la manière dont ce dernier le prend sous son aile et l’aide à progresser en critiquant ses planches de manière constructive. La version de Fournier quant à son départ de la série Spirou, avec le contentement de pouvoir découvrir les cinq planches commencées pour le tome La maison dans la mousse, jamais réalisé.
Le lecteur néophyte y trouve également son content. Il découvre un moment clé dans l’histoire de la bande dessinée franco-belge : la reprise de Spirou après Franquin. Il observe le témoignage d’une époque, avec des rapports sociaux plus policés, le port quasi généralisé de la chemise, avec ou sans cravate (et un nœud papillon pour Morris). Quelques modèles de voiture d’époque, dont une deux-chevaux. Une forme de camaraderie entre les différents bédéistes travaillant pour Dupuis. Il est ramené à la dure réalité des propriétés intellectuels quand l’éditeur impose une alternance d’auteurs pour produire plus d’albums, en opposition totale avec le sentiment de responsabilité personnelle de l’auteur vis-à-vis du personnage qu’il a contribué à développer comme si c’était sa propre création. Enfin, la réelle modestie et l’humilité de l’auteur s’avèrent compatibles avec des récits personnels et intimes, au travers desquels le lecteur en apprend plus sur lui. Certaines anecdotes combinent la dimension sociale de l’époque et le chemin de vie, telle celle sur la dédicace dans une centrale nucléaire.
Un recueil de souvenirs d’un auteur de BD… S’il le connaît déjà, le lecteur est enthousiaste à la promesse d’en apprendre plus sur Jean-Claude Fournier, de retrouver sa personnalité assurée et modeste, et de profiter d’un regard dans les coulisses. S’il ne le connaît pas, il peut nourrir quelques doutes quant à l’intérêt que présente un tel ouvrage. Il est vite charmé par la personnalité de l’auteur, et très heureux de pouvoir partager ces moments avec lui. Il ressent que derrière l’apparence peut-être fruste des dessins, se trouve une narration visuelle riche et sophistiquée, le fruit de décennies de pratique.
En s’inspirant des écrits du dramaturge et écrivain Diastème, Alain Kokor nous propose une tragédie contemporaine qui fera sans nul doute chavirer les cœurs les plus romanesques. Les deux amants, personnages récurrents dans l’œuvre de Diastème, sont des jeunes gens qui s’aiment, passent beaucoup de temps ensemble et cherchent à fuir la réalité d’un monde trop dur en se récitant des passages d’« Andromaque », la célèbre tragédie lyrique de Racine à laquelle ils s’identifient totalement. Enfants uniques livrés à eux-mêmes, ils trouvent du réconfort dans leur amour naissant, un amour exclusif que Simon va compromettre par un acte de folie : se taillader le bras en tentant d’y graver le nom de Lucie. Effrayée par son geste, Lucie va fuir en Bretagne chez son oncle mais Simon va « piquer » la mob de son père, afin, dit-il, de la « délivrer ». Jusqu’au dénouement, quelque peu imprévu, le récit fera des va-et-vient temporels entre le séjour à l’asile de Simon et les raisons qui ont conduit à son internement.
Très bien construite et assez captivante, la narration va évoluer en se centrant principalement sur le personnage de Simon, qui n’hésitera pas à s’abimer pour sauver l’amour qu’il croyait être réciproque avec Lucie. En effet, ce garçon possède un cœur pur, un rien romanesque. Et le monde est bien trop étroit pour abriter sa quête d’absolu, vers laquelle il cherche à entraîner son amante, en vain. Au docteur qui lui affirme que ce n’est pas en faisant des allers et retours dans la réalité qu’il s’en sortira, Simon lui rétorque qu’il a accepté l’idée d’être fou. Sa folie, c’est de ne pas lire jusqu’au bout les romans, ou de ne pas s’en souvenir, tout comme il refuse de croire à la fin de son histoire avec Lucie.
A l’image du récit, les personnages sont réalistes et attachants, y compris les deux pensionnaires de la clinique Barthelemy et « La Gosse ». Le mélange de mélancolie et de résilience dont fait preuve Simon est assez touchant, le lecteur ressent à la fois de la fascination et de l’empathie par rapport à son refus de la fatalité et le contrôle qu’il opère sur sa propre folie. Mais tout de même, le pauvre garçon semble se complaire dans son déni, ignorant sans doute que le retour de l’être aimé, ça ne se voit que dans les romans à l’eau de rose… il devrait pourtant le savoir, lui qui est si friand de tragédies !
Si le dessin de Kokor peut paraître parfois esquissé, il n’en est pas moins stylé et convient bien à l’ambiance intimiste du récit. Centré surtout sur les personnages et les attitudes, il sait restituer des paysages quand il le faut pour donner une respiration allégeant la descente aux enfers vécue par Simon, ou se faire plus abstrait pour traduire par exemple les effets de la camisole chimique. Pas de mise en couleurs ici, on reste principalement sur une monochromie discrète, douce-amère pourrait-on dire, ou une bichromie oscillant entre le beige et le rouge, plus rarement sur le bleu et le vert.
Que l’on croit ou pas aux histoires d’amour avec un grand A, on pourra trouver beaucoup de charme à ce roman graphique, d’une authenticité qui ne pourra laisser de glace. On pourra peut-être regretter le fait que le récit se détourne totalement de Lucie après l’épisode « des bras tailladés » pour se centrer uniquement sur Simon. On aurait aimé en savoir plus sur l’évolution psychologique de l’adolescente et ses « ciels changeants » à elle, même si cela risquait d’altérer l’effet de surprise du dénouement final. Une chose est sûre, « Simon et Lucie » est une œuvre marquante et qui ne laissera pas indifférent.
Un documentaire bien ficelé, circonstancié – le dossier final complète très bien la partie proprement BD. Comme d’autre avant lui, il confirme l’absence totale de débat éclairé dès qu’il s’agit de nucléaire (ici on est même franchement dans une caricature de tout ce qui est fait pour le contourner !). Il confirme aussi la violence employée sous Macron pour faire taire les mouvements sociaux.
Les auteurs nous présente donc un dossier complet de ce scandale, qui nie la démocratie, mais qui menace aussi d’une épée de Damoclès les générations futures, tout en faisant croire que des débats ont lieu et que ceux qui s’opposent à l’enfouissement des déchets nucléaire (à Bure ou ailleurs) sont des dangers pour la société (voir les fortunes investies, les moyens déployés pour « surveiller » et brider tous les individus qui de près oui de loin pourraient constituer un obstacle à ce projet, voir le harcèlement quotidien subi par certains riverains).
Mais, dans un pays où un ministre de l’Intérieur peut qualifier de terroriste n’importe quel écologiste, et saluer les dirigeants d’entreprises polluantes, on n’attend plus grand-chose hélas.
On est donc amené à lire cet album avec rage et/ou déprime. Mais au moins participe-t-il de l’information nécessaire au débat qui devrait, qui aurait dû avoir lieu concernant le nucléaire (puisque rien n’avait été anticipé concernant le devenir des déchets). Je me rappelle les sarcasmes des médias français (entre autres) lorsque les Soviétiques niaient l’existence d’un nuage radioactif suite à l’explosion de Tchernobyl (ou son caractère dangereux). Mais nous subissons le même type de désinformation, et la même négation des droits démocratiques. La façon dont tout est fait pour rendre les quelques habitants du secteurs dépendants des subventions en dit long sur les méthodes mafieuses employées.
Le nouvel album “Ton père, ce héros” de Didier Tronchet est vraiment bien. C’est une belle découverte. Même si cette BD est très éloignée de mes thèmes habituels, celle-ci se distingue par sa grande tendresse et son humour simple mais ô combien jubilatoire. Que cela fait du bien !
Adaptée de son roman paru en 2006, cette œuvre autobiographique explore la relation entre un père et son fils à travers des souvenirs émouvants et souvent drôles. Et je l’avoue sans vergogne, durant cette lecture, j’ai ri de bon cœur.
L’album est une véritable ode à la paternité, où Didier Tronchet partage des moments intimes et complices avec son fils Antoine. A chaque page vous plongerez dans une nouvelle scène de vie, parfois à travers un seul dessin ou parfois en pleine page. Cela donne du rythme bien évidemment et cela se lit bien. Bravo à Didier Tronchet qui a réussi à capturer l’essence de la relation père-fils avec une grande tendresse, avec humour tout en subtilité, rendant chaque anecdote poignante.
Coté graphique, pas trop de surprise. C’est du Didier Tronchet pur jus. Un style libre et expressif, qui ajoute une dimension supplémentaire à l’émotion véhiculée par la complicité d’un père et son fils.
Vous voulez sourire ? Vous voulez ressentir l’amour inconditionnel d’un papa à son fiston ? cet album est pour vous. Je recommande chaudement.
L'Atlantide existe toujours mais elle a perdu l'énergie qui alimentait sa technologie et elle a régressé pour devenir une société de bergers et de ramasseurs de coquillages. Le souvenir de leur passé demeure et il est enseigné à l'école. Mais les enfants de l'île savent qu'ils ne pourront jamais la quitter car les courants marins y ramènent toujours les bateaux qui tentent de s'en éloigner. Le jeune Icare vit avec sa grand-mère dans sa bergerie et s'il est secrètement amoureux de la sage et belle Kalio, il ne se doute pas que ce qu'il ressent physiquement en sa présence n'est pas un coup de foudre mais une véritable émanation d'électricité, cette fameuse énergie qui manque à l'Atlantide. Il découvre alors que les élus comme lui capables de produire cette électricité se cachent car depuis plus d'un siècle de mystérieux personnages sortent du fond de l'océan pour s'emparer d'eux et les faire disparaitre à jamais.
Excellente série d'aventure tous publics, cette BD mêle des thèmes de la mythologie grecque et de l'aventure science fictionnelle classique à base de dangers, de super-pouvoirs et de civilisations mystérieuses. Il propose une belle gamme de protagonistes tous intéressants, même le plus abruti d'entre eux qui brutalise le jeune héros et cache ses tourments sentimentaux derrière sa violence stupide. Le jeune héros est facilement attachant et courageux malgré sa faiblesse physique. Celle dont il est amoureux est charmante et très intelligente. Sa petite sœur est mignonne malgré son mutisme. La grand-mère est pleine de vie, de sagesse et se comporte exactement comme il faut pour à la fois protéger et laisser s'épanouir son petit-fils.
C'est une BD aussi dépaysante qu'entrainante qui capte le lecteur avec un excellent rythme et une très grosse envie de tenir compagnie aux jeunes héros et d'aller de l'avant avec eux pour partir à l'aventure et découvrir les mystères autour de leur île, de la fameuse armée de Neptune et des pouvoirs dont sont dotés les élus. Les amoureux des Mystérieuses Cités d'Or y retrouveront d'ailleurs des éléments qui leur sont chers.
Très bonne série pour jeunes et moins jeunes, j'ai très envie de lire la suite.
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Traversées - La Route de l'aventure
Lucas Vallerie traite ici – et très bien – d’un sujet tristement d’actualité (à défaut d’être réellement et correctement traité par les grands médias), à savoir les migrants fuyant la misère (et la guerre parfois) de l’Afrique, pour tenter de rejoindre l’Europe à partir de la Libye. Et plus particulièrement, il a accompagné une mission du navire de sauvetage de MSF en Méditerranée, rencontrant ainsi une des parts douloureuses de cette réalité (les nombreux morts noyés), mais aussi parmi les « sauvés » des personnes lui racontant leur parcours. L’album m’a fait penser à celui d’Hippolyte Le Murmure de la mer, album quasi équivalent (l’auteur ayant lui accompagné une opération de l’ONG SOS Méditerranée – mais j’ai aussi penser à À bord de l'Aquarius qui s’intéresse à une autre mission de cette même ONG). On retrouve en grande partie les mêmes problématiques et mêmes observations. Mais Vallerie développe lui en parallèle le parcours de quelques migrants recueillis sur son navire, de leur départ d’un pays d’Afrique subsaharienne à leur arrivée en Libye, où ils sont tous maltraités, volés, exploités, parfois violés, jusqu’au départ et leur « sauvetage ». La narration est fluide, le sujet est traité en profondeur et de façon factuel, j’ai bien aimé cette lecture. Comme dans les albums précédents (mais j’ai aussi lu des articles dans le monde diplomatique à ce sujet), on peut encore s’étonner de l’hypocrisie de l’UE face au traitement subi par les migrants en Libye…
Very Bad Ping
Very Bad Ping, Premier set, est une BD accessible à tout lecteur/trice : pas besoin de pratiquer le ping-pong en club pour se plonger dans l'univers du ping ! De style franco-belge, on y retrouve l'influence de séries comme Joe Bar Team, Gaston Lagaffe, Le Petit Spirou. L'humour est décapant avec des chutes percutantes... Difficile toutefois d'être objectif puisque j'en suis l'un des auteurs (précision de taille quand même) ! Un travail de 7 années, une BD fabriquée avec le cœur. Les gags ne vous laisseront pas indifférent/e. Very bonne lecture !
Champs de Bataille - L'histoire enfouie du remembrement
Champs de bataille est une BD d'utilité publique. Très bien conçue, elle condense des années de recherches tout en restant accessible, mais surtout sans abdiquer sur le fond. Le contenu est tragique et vous colle un vrai coup de bambou car le constat est dramatique, c'est peu de le dire, et semble irréversible. Mais il faut la lire, tout le monde doit la lire. D'utilité publique que j'vous dis ! Bondiou ! Mais d'abord, de quoi ça cause ? Ben du remembrement pardi ! En gros, dans l'immédiat après-guerre, le pays est dévasté. C'est l'occasion ou jamais de faire entrer de plein fouet notre glorieuse nation dans la modernité et de l'arracher aux pécores qui, trop nombreux, entachent l'image du pays. Dans la foulée du plan Marshall, reprenant à leur compte un projet ébauché sous Vichy, la FNSEA va s'acharner à coups de lobbying et de primes accordées aux plus gros exploitants, à remodeler les terres et le paysage français. Une nouvelle guerre commence, menée cette fois à coups de bulldozers, qui verra progressivement l'ensemble des terres redistribué sans aucune prise en compte des réalités du terrain. L'Etat va ainsi raser les haies, faire disparaitre les chemins creux et les parcelles en partie boisées, et même détourner les cours d'eau. Tout cela afin d'adapter les pays aux dictats du commerce et de l'industrie mondiales. Les conséquences vous être, on s'en doute, désastreuses, au point qu'elles se font encore sentir aujourd'hui. Conséquences humaines : diminution du nombre de paysan (presque 9 sur dix), destruction des structures sociales villageoises, querelles de voisinages, perte d'autonomie et de compétences, endettement, perte de sens, stress, suicides en masse... Mais également conséquences écologiques d'une extrême gravité : destruction des écosystèmes, disparition des prédateurs, pollution des sols et des rivières, sécheresses et inondations (apparues dès les premières années du remembrement)... On en est là ! Pas la peine d'insister. Car oui, ce que nous vivons actuellement en France, est en grande partie une conséquence directe de politiques menées au détriment des populations. Il suffit de lire cette BD pour vous en convaincre ! Le dessin est nickel, tout comme la mise en couleur très efficace. Le récit est très bien ficelé et opère d'incessants aller retours entre l'Histoire et le concret, le passé et le présent. On passe de l'intime au général, tout cela se lit très très bien. On comprend vite, et grâce à un abondant matériel en annexe, ainsi que par de multiples renvois bibliographiques disséminés tout au long de la BD (références de livres, d'émissions télé ou radio, de documentaires filmés, d'articles), on sent la chose explorés dans ses moindres recoins. Tout cela est très solide. Rarement, je n'ai ressenti une telle nostalgie, qui plus est pour une période que je n'ai même pas connue (ou si peu), mais franchement, il y a de quoi vous tirer toutes les larmes de votre corps, ou susciter en vous une colère sourde. Parce que le pire dans tout cela, c'est qu'en réalité, on savait ! L'Etat savait et n'ignorait rien des conséquences de cette politique brutale imposée envers et contre tout !... Heureusement, les dernières pages offrent une lueur d'espoir. Disons plutôt une étincelle d'espoir tant les dommages semblent aujourd'hui irréversibles. Mais lire cette BD, aussi sombre que lumineuse, constitue une première étape : mieux comprendre comment on en est arrivé là. Le suite appartient à chacun-e d'entre nous, et libre à nous de nous en saisir.
Deux Filles nues
Le récit nous place d’emblée dans une perspective originale : celle d’un tableau témoin de l’Histoire, silencieux mais omniprésent. "Deux filles nues", peint par Otto Mueller en 1919, traverse les décennies, du chaos de l’entre-deux-guerres à la censure nazie, des spoliations au retour à une collection. Chaque étape raconte autant le destin de l’œuvre que celui du siècle qui l’a portée, malmenée, parfois oubliée. Luz construit une narration fragmentée, où chaque chapitre explore un moment clé de cette trajectoire. On ne voit jamais directement le tableau avant la fin, mais tout se joue autour de lui. Les cases se plient à son cadre : penchées, obscurcies, cachées, elles traduisent son enfermement, ses déplacements et ses expositions. Cela donne au récit une vraie cohérence visuelle, sans pour autant alourdir l’ensemble. Le dessin, sobre et précis, sert parfaitement le propos. Je trouve qu'il n'a ici rien à voir avec un Testosterror mais peut être est-ce un biais lié au fond du récit ? J'avais déjà été impressionné par le dessin de Luz dans Catharsis. Quoiqu'il en soit, on a ici un vrai dessin de BD, pas du dessin de presse (pour lequel j'ai un infini respect mais le but n'est pas le même). Les tons ocres et bruns installent une ambiance qui accompagne les époques traversées, et la mise en page joue habilement avec les contraintes narratives. Luz laisse de l’espace à chaque scène, à chaque silence, sans jamais surcharger. Au-delà du parcours du tableau, l’histoire interroge la censure, la liberté d’expression, et le rôle de l’art face à la violence et à l’oppression. Luz met aussi en écho son propre rapport à la création, en lien avec son vécu. Tout cela se déroule sans grandiloquence, avec une retenue qui rend l’ensemble plus fort. C’est une lecture dense, portée par une narration qui trouve son rythme et son équilibre. Une réflexion sur l’art, sur la mémoire, et sur ce que nous en faisons. Coup de coeur pour moi.
La Dernière Reine (Rochette)
Il y a quelque chose qui m'a particulièrement touché dans Ailefroide - Altitude 3954 et Le Loup du même auteur, alors que je ne suis pas plus attiré que cela par la montagne à la base. Et j'ai retrouvé cette même densité dans cette histoire, un équilibre entre des thèmes universels et une mise en scène qui sait laisser de l’espace. Le récit, simple en apparence, explore des sujets comme l’amour, la violence et la mémoire avec une retenue qui lui donne sa force. Tout tourne autour de cette figure centrale, cette reine, métaphore d’un passé qu’on porte malgré soi, avec tout ce qu’il peut avoir de beau et de douloureux. Le dessin accompagne bien cette narration. Pas de surenchère, mais un soin apporté aux détails, une attention particulière à ce qui se joue dans les regards, les gestes. Les choix de couleurs, parfois tranchés, parfois plus feutrés, participent à cette oscillation constante entre la dureté et la douceur. Cela donne une vraie cohérence à l’ensemble, même si certains passages, un peu appuyés, pourraient paraître moins nécessaires. Ce qui reste, au final, c’est cette atmosphère. Pas tant une histoire marquante qu’un climat, une manière de raconter qui trouve son rythme sans chercher à en faire trop. Une lecture qui n’impressionne pas par ses grands effets, mais qui, par petites touches, laisse une empreinte discrète mais durable. Bref, encore une belle lecture, merci M. Rochette.
Fournier - Ma vie de rêves
… comme l’enfant qu’il était et qu’il est resté par bien des côtés. - Ce tome contient dix-huit histoires à caractère autobiographique, ainsi qu’un copieux dossier final de trente-cinq pages, intitulé Crobards, archives et compagnie. Son édition originale date de 2024. Il est l’œuvre de Jean-Claude Fournier pour le scénario, les dessins, les couleurs et les souvenirs. Il s’ouvre avec une préface écrite par Emmanuel Lepage : un texte d’une page intitulé Jean-Claude Fournier est un passeur, agrémenté d’une photographie en pleine page, en vis-à-vis. Il compte une centaine de pages de bande dessinée, auxquelles ils convient d’ajouter des textes intercalaires entre chaque histoire, agrémentés de documents d’archives, et le dossier final qui comprend également des pages de bandes dessinées. Drôle de tête, une page : Hôpital Tenon à Paris, le 21 mai 1948, à 21 heures, naissance de Jean-Claude Fournier, beau bébé, avec un crâne en pain de sucre. Le médecin accoucheur rassure les parents, : dans quelques jours il n’y paraîtra plus, le crâne va être manipulé, pressé, malaxé, massé, comprimé, il pourra même arriver qu’on lui souffle dedans. Le papa de Jean-Claude était parti à Paris pour échapper au STO. Avant de quitter le garage familial de Saint-Quay-Portrieux, il avait laissé un futur rejeton, en cadeau à sa maman. Comme elle tenait absolument à être près de son mari pour accoucher, elle partit pour la capitale en train, dans des conditions effroyables : c’était la guerre et l’Occupation… Il a donc vécu les trois premiers mois de sa vie à Paris, mais avec une tête redevenue normale en quelques jours, comme l’avait annoncé le médecin. Hélas, ainsi que ce brave homme l’avait redouté, il est diabétique ! Noël en auto, neuf pages ! Noël est encore loin, mais Jean-Claude et ses copains pensent déjà au cadeau qu’ils vont demander. Un appareil photo pour Jacky, une voiture pour Jean-Claude et pour son petit frère. Leur famille habitait un petit appartement en bois à l’intérieur d’un grand garage en tôle. Comme c’était au bord de la mer, le vent provoquait toutes sortes de bruits. Mais, c’est cette nuit-là que tout commença… Michel et Jean-Claude sont réveillés en pleine nuit par un drôle de bruit qu’ils n’arrivent pas à identifier. Le lendemain matin au petit-déjeuner, les parents sont très surpris de ce que racontent leurs deux fils, car ils n’ont rien entendu. – Parking diabolique, deux pages : le soir, le petit Jean-Claude a très peur de la profonde obscurité qui règne dans la maison, il se rend donc aux toilettes à tâtons. En bas de l’escalier, dans l’obscurité, il se fige : il a l’impression que plusieurs dizaines d’yeux l’épient. – Première BD, trois pages : Jean-Claude est très mauvais en sport à l’école, que ce soit le monter de corde, la course à pied, ou pire encore le football. Un jour, il se fait dribbler, et il chute lourdement, avec pour conséquence le bras gauche cassé et un plâtre pour un mois. Quelques jours plus tard, le maître d’école annonce un concours de bande dessinée proposé aux élèves de côte-du-Nord, sur le thème de la prévention routière. Le texte de quatrième de couverture explicite la nature du contenu : l’auteur retrace les anecdotes qu’il réservait jusque-là à sa famille et ses amis. Le lecteur peut être attiré par cet ouvrage parce qu’il connaît déjà l’œuvre de ce bédéiste et que sa curiosité le porte à en savoir plus, ou parce qu’il est curieux de découvrir lesdites anecdotes qui portent pour partie sur des auteurs qu’il admire, à commencer par André Franquin (1924-1997, créateur du Marsupilami et de Gaston Lagaffe), ainsi que Maurice Tillieux (1921-1978, créateur de Gil Jourdan), Arthur Berckmans (1929-2020, dit Berck, créateur de Sammy), Willy Maltaite (1927-2000, alias Will, un des piliers du journal de Spirou), et même un voyage en avion avec Morris (Maurice de Bevere, 1923-2001, créateur de Lucky Luke). Dans la préface, Emmanuel Lepage loue les qualités de Jean-Claude Fournier : il a toujours su se renouveler et explorer d’autres champs graphiques et narratifs. Il continue : il a su s’affranchir de cette école franco-belge qui a bercé son enfance, éveillé son désir de bande dessinée, tout en y étant profondément ancré, c’est sûrement pour ça qu’il dessine toujours aujourd’hui avec passion, comme l’enfant qu’il était et qu’il est resté par bien des côtés. En effet, la narration est bon enfant : enjouée, sans méchanceté à part pour le récit Le gang des démolisseurs (sept pages) qui évoque son départ de la série Spirou en 1980, avec des dessins dans un registre réaliste simplifié, avec parfois quelques exagérations enfantines. JC Fournier raconte une petite vingtaine d’anecdotes : la forme de son crâne à la naissance (une page), la préparation d’un cadeau de Noël par ses parents (neuf pages), sa première BD en école primaire (trois pages), sa fascination pour les bateaux-bouteilles (deux pages), un trajet en vélomoteur et en bicyclette de nuit à travers la Bretagne rurale pour aller voir un concert de bagad (dix pages), les premiers voyages à Bruxelles pour séjourner dans l’atelier d’André Franquin qui lui prodigue des conseils pour devenir meilleur professionnel (dix-neuf pages), les blagues entre collègues (deux histoires), la situation conflictuelle qui l’a amené à quitter la série Spirou (sept pages) et ce qu’il a fait après (neuf pages) en particulier sa collaboration avec Zidrou (Benoît Drousie) pour la création des personnages de la série Les Crannibales (huit tomes, de 1998 à 2005). En fonction de sa familiarité avec l’auteur, le lecteur s’attend peut-être à retrouver une narration visuelle tout public, voire enfantine, à l’identique de ses pages pour Spirou (série dont il a pris la suite d’André Franquin, et dont il a réalisé les albums 20 à 23 et 25 à 29, soit neuf albums), ou celles de sa série Bizu. Ou alors il a plutôt en tête une narration visuelle plus adulte, celle du diptyque Les chevaux du vent (2008 & 2012, scénario de Christian Lax) ou du diptyque Plus près de toi (2017 & 2019, scénario de Kris / Christophe Goret). Pour ses souvenirs et anecdotes, Jean-Claude Fournier réalise des dessins plus proche d’un registre réaliste et descriptif, avec parfois quelques exagérations ou simplifications telles que des gros nez ou de bonnes bouilles bien rondes. Il utilise un trait très fin pour le détourage des individus et des objets, ainsi que pour les décors, un peu tremblé par moment, ce qui génère un effet de dessin empreint de spontanéité, avec une sensation humoristique bon enfant en toute circonstance, même dans les moments difficiles. Le lecteur peut y voir comme une politesse et un symptôme d’humilité : l’artiste ne souhaite pas attribuer plus d’importance que ça à ses petits moments de vie personnelle, finalement pas grand-chose au regard de l’histoire de l’humanité. Dans le même temps, le lecteur ressent la narration visuelle comme construite et variée, l’expérience professionnelle infusant chaque page. L’artiste maîtrise à merveille le dosage de ses effets comiques, en particulier dans les expressions de visage, les moues et les mimiques. Il sait passer d’un registre mesuré et sérieux (tout est relatif) d’adulte, à des facéties enfantines (en particulier les farces de Maurice Tillieux lors des voyages en train). Il prend soin de dessiner les décors très régulièrement afin que le lecteur garde à l’esprit à chaque instant l’environnement dans lequel se déroule le souvenir : maternité, appartement familial, garage, salle de classe, infirmerie, maison d’un oncle, défilé d’un bagad dans les rues de Saint-Malo, lande bretonne et route de campagne, atelier de Franquin et magasin de fournitures de dessin, trains et compartiments, bureaux des éditions Dupuis, caravane, centrale nucléaire, etc. La mise en couleurs est réalisée à base d’aplats uniformes, avec parfois le recours à l’aquarelle le temps de quelques cases. L’auteur imagine des prises de vue variées, y compris pour les phases de dialogue statiques. Il a recours à un petit personnage à gros nez dans une tenue blanche à gros boutons noirs de Pierrot pour une case explicative, ou une transition entre deux moments. Sans en avoir l’air, la narration visuelle s’avère d’une grande richesse. Le lecteur apprécie de côtoyer des individus majoritairement sympathiques, quelques-uns facétieux, avec souvent le sourire aux lèvres, à la seule exception de cette terrible réunion de Fournier avec les responsables éditoriaux de Dupuis en 1980, qui a conduit à son abandon de la série. L’amateur de bande dessinée se délecte de ces anecdotes de cet environnement professionnel vu de l’intérieur. La personnalité de Maurice Tillieux. L’amitié développée avec Willy Maltaite (Will). Il se sent privilégié d’assister à la rencontre entre Fournier et Franquin, la manière dont ce dernier le prend sous son aile et l’aide à progresser en critiquant ses planches de manière constructive. La version de Fournier quant à son départ de la série Spirou, avec le contentement de pouvoir découvrir les cinq planches commencées pour le tome La maison dans la mousse, jamais réalisé. Le lecteur néophyte y trouve également son content. Il découvre un moment clé dans l’histoire de la bande dessinée franco-belge : la reprise de Spirou après Franquin. Il observe le témoignage d’une époque, avec des rapports sociaux plus policés, le port quasi généralisé de la chemise, avec ou sans cravate (et un nœud papillon pour Morris). Quelques modèles de voiture d’époque, dont une deux-chevaux. Une forme de camaraderie entre les différents bédéistes travaillant pour Dupuis. Il est ramené à la dure réalité des propriétés intellectuels quand l’éditeur impose une alternance d’auteurs pour produire plus d’albums, en opposition totale avec le sentiment de responsabilité personnelle de l’auteur vis-à-vis du personnage qu’il a contribué à développer comme si c’était sa propre création. Enfin, la réelle modestie et l’humilité de l’auteur s’avèrent compatibles avec des récits personnels et intimes, au travers desquels le lecteur en apprend plus sur lui. Certaines anecdotes combinent la dimension sociale de l’époque et le chemin de vie, telle celle sur la dédicace dans une centrale nucléaire. Un recueil de souvenirs d’un auteur de BD… S’il le connaît déjà, le lecteur est enthousiaste à la promesse d’en apprendre plus sur Jean-Claude Fournier, de retrouver sa personnalité assurée et modeste, et de profiter d’un regard dans les coulisses. S’il ne le connaît pas, il peut nourrir quelques doutes quant à l’intérêt que présente un tel ouvrage. Il est vite charmé par la personnalité de l’auteur, et très heureux de pouvoir partager ces moments avec lui. Il ressent que derrière l’apparence peut-être fruste des dessins, se trouve une narration visuelle riche et sophistiquée, le fruit de décennies de pratique.
Simon & Lucie - Les Ciels changeants
En s’inspirant des écrits du dramaturge et écrivain Diastème, Alain Kokor nous propose une tragédie contemporaine qui fera sans nul doute chavirer les cœurs les plus romanesques. Les deux amants, personnages récurrents dans l’œuvre de Diastème, sont des jeunes gens qui s’aiment, passent beaucoup de temps ensemble et cherchent à fuir la réalité d’un monde trop dur en se récitant des passages d’« Andromaque », la célèbre tragédie lyrique de Racine à laquelle ils s’identifient totalement. Enfants uniques livrés à eux-mêmes, ils trouvent du réconfort dans leur amour naissant, un amour exclusif que Simon va compromettre par un acte de folie : se taillader le bras en tentant d’y graver le nom de Lucie. Effrayée par son geste, Lucie va fuir en Bretagne chez son oncle mais Simon va « piquer » la mob de son père, afin, dit-il, de la « délivrer ». Jusqu’au dénouement, quelque peu imprévu, le récit fera des va-et-vient temporels entre le séjour à l’asile de Simon et les raisons qui ont conduit à son internement. Très bien construite et assez captivante, la narration va évoluer en se centrant principalement sur le personnage de Simon, qui n’hésitera pas à s’abimer pour sauver l’amour qu’il croyait être réciproque avec Lucie. En effet, ce garçon possède un cœur pur, un rien romanesque. Et le monde est bien trop étroit pour abriter sa quête d’absolu, vers laquelle il cherche à entraîner son amante, en vain. Au docteur qui lui affirme que ce n’est pas en faisant des allers et retours dans la réalité qu’il s’en sortira, Simon lui rétorque qu’il a accepté l’idée d’être fou. Sa folie, c’est de ne pas lire jusqu’au bout les romans, ou de ne pas s’en souvenir, tout comme il refuse de croire à la fin de son histoire avec Lucie. A l’image du récit, les personnages sont réalistes et attachants, y compris les deux pensionnaires de la clinique Barthelemy et « La Gosse ». Le mélange de mélancolie et de résilience dont fait preuve Simon est assez touchant, le lecteur ressent à la fois de la fascination et de l’empathie par rapport à son refus de la fatalité et le contrôle qu’il opère sur sa propre folie. Mais tout de même, le pauvre garçon semble se complaire dans son déni, ignorant sans doute que le retour de l’être aimé, ça ne se voit que dans les romans à l’eau de rose… il devrait pourtant le savoir, lui qui est si friand de tragédies ! Si le dessin de Kokor peut paraître parfois esquissé, il n’en est pas moins stylé et convient bien à l’ambiance intimiste du récit. Centré surtout sur les personnages et les attitudes, il sait restituer des paysages quand il le faut pour donner une respiration allégeant la descente aux enfers vécue par Simon, ou se faire plus abstrait pour traduire par exemple les effets de la camisole chimique. Pas de mise en couleurs ici, on reste principalement sur une monochromie discrète, douce-amère pourrait-on dire, ou une bichromie oscillant entre le beige et le rouge, plus rarement sur le bleu et le vert. Que l’on croit ou pas aux histoires d’amour avec un grand A, on pourra trouver beaucoup de charme à ce roman graphique, d’une authenticité qui ne pourra laisser de glace. On pourra peut-être regretter le fait que le récit se détourne totalement de Lucie après l’épisode « des bras tailladés » pour se centrer uniquement sur Simon. On aurait aimé en savoir plus sur l’évolution psychologique de l’adolescente et ses « ciels changeants » à elle, même si cela risquait d’altérer l’effet de surprise du dénouement final. Une chose est sûre, « Simon et Lucie » est une œuvre marquante et qui ne laissera pas indifférent.
Cent mille ans - Bure ou le scandale enfoui des déchets nucléaires
Un documentaire bien ficelé, circonstancié – le dossier final complète très bien la partie proprement BD. Comme d’autre avant lui, il confirme l’absence totale de débat éclairé dès qu’il s’agit de nucléaire (ici on est même franchement dans une caricature de tout ce qui est fait pour le contourner !). Il confirme aussi la violence employée sous Macron pour faire taire les mouvements sociaux. Les auteurs nous présente donc un dossier complet de ce scandale, qui nie la démocratie, mais qui menace aussi d’une épée de Damoclès les générations futures, tout en faisant croire que des débats ont lieu et que ceux qui s’opposent à l’enfouissement des déchets nucléaire (à Bure ou ailleurs) sont des dangers pour la société (voir les fortunes investies, les moyens déployés pour « surveiller » et brider tous les individus qui de près oui de loin pourraient constituer un obstacle à ce projet, voir le harcèlement quotidien subi par certains riverains). Mais, dans un pays où un ministre de l’Intérieur peut qualifier de terroriste n’importe quel écologiste, et saluer les dirigeants d’entreprises polluantes, on n’attend plus grand-chose hélas. On est donc amené à lire cet album avec rage et/ou déprime. Mais au moins participe-t-il de l’information nécessaire au débat qui devrait, qui aurait dû avoir lieu concernant le nucléaire (puisque rien n’avait été anticipé concernant le devenir des déchets). Je me rappelle les sarcasmes des médias français (entre autres) lorsque les Soviétiques niaient l’existence d’un nuage radioactif suite à l’explosion de Tchernobyl (ou son caractère dangereux). Mais nous subissons le même type de désinformation, et la même négation des droits démocratiques. La façon dont tout est fait pour rendre les quelques habitants du secteurs dépendants des subventions en dit long sur les méthodes mafieuses employées.
Ton père, ce héros
Le nouvel album “Ton père, ce héros” de Didier Tronchet est vraiment bien. C’est une belle découverte. Même si cette BD est très éloignée de mes thèmes habituels, celle-ci se distingue par sa grande tendresse et son humour simple mais ô combien jubilatoire. Que cela fait du bien ! Adaptée de son roman paru en 2006, cette œuvre autobiographique explore la relation entre un père et son fils à travers des souvenirs émouvants et souvent drôles. Et je l’avoue sans vergogne, durant cette lecture, j’ai ri de bon cœur. L’album est une véritable ode à la paternité, où Didier Tronchet partage des moments intimes et complices avec son fils Antoine. A chaque page vous plongerez dans une nouvelle scène de vie, parfois à travers un seul dessin ou parfois en pleine page. Cela donne du rythme bien évidemment et cela se lit bien. Bravo à Didier Tronchet qui a réussi à capturer l’essence de la relation père-fils avec une grande tendresse, avec humour tout en subtilité, rendant chaque anecdote poignante. Coté graphique, pas trop de surprise. C’est du Didier Tronchet pur jus. Un style libre et expressif, qui ajoute une dimension supplémentaire à l’émotion véhiculée par la complicité d’un père et son fils. Vous voulez sourire ? Vous voulez ressentir l’amour inconditionnel d’un papa à son fiston ? cet album est pour vous. Je recommande chaudement.
Foudroyants
L'Atlantide existe toujours mais elle a perdu l'énergie qui alimentait sa technologie et elle a régressé pour devenir une société de bergers et de ramasseurs de coquillages. Le souvenir de leur passé demeure et il est enseigné à l'école. Mais les enfants de l'île savent qu'ils ne pourront jamais la quitter car les courants marins y ramènent toujours les bateaux qui tentent de s'en éloigner. Le jeune Icare vit avec sa grand-mère dans sa bergerie et s'il est secrètement amoureux de la sage et belle Kalio, il ne se doute pas que ce qu'il ressent physiquement en sa présence n'est pas un coup de foudre mais une véritable émanation d'électricité, cette fameuse énergie qui manque à l'Atlantide. Il découvre alors que les élus comme lui capables de produire cette électricité se cachent car depuis plus d'un siècle de mystérieux personnages sortent du fond de l'océan pour s'emparer d'eux et les faire disparaitre à jamais. Excellente série d'aventure tous publics, cette BD mêle des thèmes de la mythologie grecque et de l'aventure science fictionnelle classique à base de dangers, de super-pouvoirs et de civilisations mystérieuses. Il propose une belle gamme de protagonistes tous intéressants, même le plus abruti d'entre eux qui brutalise le jeune héros et cache ses tourments sentimentaux derrière sa violence stupide. Le jeune héros est facilement attachant et courageux malgré sa faiblesse physique. Celle dont il est amoureux est charmante et très intelligente. Sa petite sœur est mignonne malgré son mutisme. La grand-mère est pleine de vie, de sagesse et se comporte exactement comme il faut pour à la fois protéger et laisser s'épanouir son petit-fils. C'est une BD aussi dépaysante qu'entrainante qui capte le lecteur avec un excellent rythme et une très grosse envie de tenir compagnie aux jeunes héros et d'aller de l'avant avec eux pour partir à l'aventure et découvrir les mystères autour de leur île, de la fameuse armée de Neptune et des pouvoirs dont sont dotés les élus. Les amoureux des Mystérieuses Cités d'Or y retrouveront d'ailleurs des éléments qui leur sont chers. Très bonne série pour jeunes et moins jeunes, j'ai très envie de lire la suite.