Avec une compagne africaine et un fils métis cette série ado m'a immédiatement parlé. La thématique de la coiffure est vraiment importante pour des populations très métissées. C'est le cas de Marlène d'origine Dominicaine (13 ans) qui doit affronter un double challenge. Une chevelure frisée pleine de nœuds qui part dans tous les sens et la comparaison avec sa cousine Diana (15 ans) qui est blonde et lisse comme une Suédoise. Cette thématique peut paraître futile avec nos yeux d'Européen mais ce n'est pas le cas pour un grand nombre de familles immigrées comme celle de Marlène qui désire s'intégrer aux USA. Le discours sur les apparences qui divise la maman et Tia Ruby est aussi très présent dans les familles qui ont un long passé de stigmatisation due à leurs origines ( notamment Noire comme l'explique Tia). Avoir une chevelure impeccable, c'est déjà éviter des critiques et moqueries et porter haut le visuel de la famille.
Le scénario de Claribel Ortega traite ce sujet avec beaucoup de finesse et d'intelligence. Sur un sujet peu visité, l'autrice développe avec doigté une voie pour rester soi même tout en acceptant une "obligation" d'image au monde si omniprésente aujourd'hui avec la toute puissance du numérique.
Le graphisme de Rose Bousamra est particulièrement attractif pour un lectorat assez jeune. C'est très expressif et ses héroïnes sont toutes très touchantes. La mise en couleur vive apporte un bon confort de lecture qui égaye des passages sombres comme le harcèlement que subit Marlène.
Une belle lecture pour ado mais pas que pour comprendre une certaine intériorité de nombreuses personnes ( pas seulement filles).
J'avais déjà été scotché par le talent de ces deux auteurs avec Sangoma - Les Damnés de Cape Town et voilà que Caryl Ferey et Corentin Rouge remettent cela avec le premier album de leur nouvelle trilogie.
Les deux auteurs surfent sur l'actualité avec ce nouveau récit, qui s'appuie sur les migrations de population, peut-être pour des raisons climatiques ou autres cataclysmes (guerre, épidémie...), on n'en saura pas plus dans ce premier volume.
Mais la politique n'est pas absente non plus, entre les nationalistes et les libéraux Islandais.
Mais le lecteur s'attachera surtout à suivre le destin de quelques personnages dont le professeur Zyzek, la fragile Livia, l’énigmatique Liam et une famille Islandaise déchirée par des choix politiques différents.
On ne sait pas trop où cela va nous mener mais c'est vraiment passionnant, et malgré ses 156 pages, on ne s'ennuie pas une seconde. Un véritable page-turner que cet album !
Mais c'est le dessin magnifique de Corentin Rouge qui captive le lecteur. Un dessin réaliste dans des décors somptueux. Les pleines pages ou les doubles pages sont d'une beauté à couper le souffle.
En tout cas, un de mes coups de cœur de ce début d'année.
Une intrigue passionnante.
A dévorer !
Cet album peut se révéler d’une lecture austère. Mais il est riche et vraiment très intéressant.
C’est l’adaptation d’un livre de Philippe Sands, grand avocat qui est amené à prononcer une conférence dans la ville ukrainienne de Lviv en 2010.
Alors que cette ville ne lui disait rien, il va découvrir de fils en aiguilles qu’elle a été le berceau d’une partie de sa famille, en particulier d’un grand-père. Et le lieu de vie et de formation de deux éminents juristes, qui ont été à l’origine de l’idée de génocide pour l’un, et d’une partie des idées ayant mené aux réquisitoires des procès de Nuremberg.
Son histoire personnelle rejoint donc la grande Histoire. Car Lemberg – dont le nom ne me disait rien non plus – a elle aussi connu un vingtième siècle mouvementé. En effet, sa situation géographique et les soubresauts de l’Histoire l’ont tour à tour faite Austro-hongroise, Polonaise, Soviétique, Allemande et Ukrainienne. Et elle a été durant la seconde guerre mondiale au cœur du génocide subi par les Juifs, avec la personne d’Otto Frank comme maître d’œuvre du crime.
Voilà un décor très riche, et très bien planté. Et je dois dire que le récit est passionnant à suivre. Car Sands mène, à partir de quelques documents épars, une véritable enquête policière pour reconstituer la vie et le destin de sa famille, en même temps qu’il retrace l’action de Frank et de ses sbires dans la région, jusqu’aux procès de Nuremberg. Le mélange des deux aspects fonctionne très bien.
On est autant intéressé par les destins variables (souvent tragiques) de ses lointains proches, que par les débats autour des notions de crime contre l’humanité ou de génocide.
Le dessin de Picaud – que je découvre ici – est très bon. Sans doute un peu froid, son trait fin et classique accompagne bien le récit lui aussi presque « clinique » d’une catastrophe.
Je n'ai lu que le premier tome pour le moment (Les Amériques, trouvé par hasard d'occasion) et je trouve le regard de Blain très subtile, en particulier sur les rapports homme/femme de l'époque, sur la place de la religion, ce que je n'attendais pas forcément dans une BD de pirate.
Le dessin de Blain que je qualifierais de réaliste stylisé, sait être expressif, et lorsque son trait exagère dans le mouvement grandiloquent ou au contraire dans l'humour, les dialogues réajustent le ton. Les couleurs sont un peu ternes en revanche.
Le fait qu'Isaac soit un dessinateur compulsif, et que ce soit la première série en solo de l'auteur, laisse à penser que Blain y a mis beaucoup de lui (en tout cas pas physiquement si l'on en juge par la tête carrée du personnage et celle toute mince de la photo de wikipédia. ) Cette proximité nous aide sans doute à nous identifier à ce personnage, jeune, imaginatif, et naïf par certains cotés qui se trouve ballotté dans une aventure inespérée. Le rôle de sa compagne qui reste à Paris n'est pas effacé, et l'on suit aussi ses stratégies de survie, qui sont d'autres aventures, peut-être plus originales finalement...
En lisant l'avis d'Alix, j'ai très envie de lire la suite, puisque le premier album est le moins bien noté. Pourtant c'est bien ce volume qui a eu le prix du meilleur Album au festival d'Angoulême en 2002.
La modestie, c’est bon pour ceux dont le talent est modeste.
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Il s'agit d'histoires courtes de cinq pages, mettant en scène Blotch, personnage fictif dessinateur de presse. Ces récits ont initialement été publiés dans le magazine Fluide Glacial, de 1998 à 2000. Parution initiale en album : Le roi de Paris (1999) et Blotch face à son destin (2000), puis d’une intégrale en 2009, rééditée en 2024. C’est l’œuvre de Blutch (Christian Hincker), scénario & dessin. Ce recueil comprend un peu plus d’une centaine de pages de bande dessinée, en noir & blanc.
Blotch est attablé à la terrasse d’un café, avec trois autres artistes travaillant pour Fluide Glacial. Il pérore sur ses collègues : La petite Binette avec sa série Les Bidoches, il va se ramasser ! On prend pas les Français pour des ballots… Savez-vous ce qu‘on murmure à propos de ce bon Hugolo ? Tenez-vous bien… Eh bien, L’enfant du zoo, c’est lui ! C’est de l’autobiographie. ! Remarquez ! Avec cette dégaine, on l’imagine aisément sur la paille ! Ce pauvre Goutelette ! Le malheureux est complètement à côté de la plaque ! Il est fini ! Dans son esprit, Blotch voit ses collègues s’extasier sur lui : Insurpassable ! Un génie ! L’honneur de leur profession ! La nuit venue, Blotch, bien aviné, hèle deux passantes en leur criant qu’il va leur rendre hommage, en tout bien tout honneur. Le lendemain matin, madame Gerboix, sa logeuse, vient frapper à sa porte pour lui réclamer son arriéré de loyer, c’est-à-dire deux mois. Il promet de régler demain, dernier délai. Il téléphone à son journal pour demander une avance, en vain. Il demande à son meilleur ami de lui acheter une toile, mais l’autre en a déjà jusque dans sa salle de bains de ses toiles. Il essaye d’en vendre à des touristes sur la voie publique, sans succès. À dix-huit heures aux Puces, il finit par échanger son lot de toiles contre une unique autre, parce que le vendeur lui raconte que sous la peinture, il y aurait un Rembrandt !
Une autre journée, Blotch se réveille en piètre forme à midi, dans sa petite chambre. Il commence par tousser tout ce qu’il peut au-dessus du lavabo. Après une toilette de fond en comble, il est enfin présentable. Il entend un bruit dans le couloir et il va coller son œil au trou de la serrure. C’est Lucienne la fille de la concierge… À peine dix ans, cette dévergondée tente de l’exciter en se laissant glisser sur la rampe de l’escalier, la culotte relevée. Chaque matin, il la repère au froissement de son tablier. Chaque matin, elle se croit maligne parce qu’elle lui exhibe son derrière menu et frais. Enfin, il sort, avec un carton à dessin sous le bras, et il croise la fillette en bas de l’escalier qui le regarde passer effrontément. Il hait les enfants. Il se rend dans les bureaux du magazine Fluide Glacial : la rédaction est le lieu où se côtoient les grands esprits et les plus modestes. Monsieur Delapiche, leur éclairé rédacteur en chef, sort de son bureau et demande aux artistes présents de se conduire avec dignité, car il reçoit ce jour la visite d’un jeune dessinateur étranger, un sujet belge qui vient de Bruxelles. À son bureau, la secrétaire annonce l’arrivant : M. Rémi.
Un homme bien mis, signant son nom avec style et classe… mais voilà que la première histoire en donne une idée bien différente. Le lecteur constate rapidement que cet ouvrage met en scène Blotch, un dessinateur de presse, dans le contexte des années 1930 en France, à Paris. Ce recueil se compose de vingt-et-une histoires de cinq pages chacune, autant de nouvelles, dont vingt consacrées à Blotch, et une à Georgette sa compagne. Il comprend qu’il se produit une forme de mise en abîme avec décalage, puisque Blotch soumet ses dessins à la revue Fluide Glacial, qui dans la réalité a été fondée en avril 1975, par Marcel Gotlib, Alexis (Dominique Vallet) et Jacques Diament. Cela le rend attentif à des consonnances similaires entre le nom de certains personnages et d’autres auteurs du magazine. Le Binette avec Les Bidoches apparaît comme une référence directe aux Bidochon de Binet. Ici, le rédacteur en chef s’appelle Monsieur Pierre Delapiche (peut-être un clin d’œil à Jean-Christophe Delpierre). En revanche, il ne fait pas de doute que le très chic, impressionnant et respectable Monsieur Marcel, fondateur du journal, rend hommage à Marcel Gotlib, même s’il n’y a aucune ressemblance physique. Le lecteur assidu de la revue Fluide Glacial pourra trouver d’autres clins d’œil et taquineries référentielles. Le lecteur novice en la matière ne se sentira pas exclus pour autant.
Donc voici ce monsieur peut-être trente ans ou plus qui réalise des dessins comiques, à l’humour ringard, misogyne et raciste. S’il porte beau en public, habillé avec goût, la deuxième histoire offre de le voir au réveil, affalé dans son lit en pantalon et marcel, pas rasé, pas coiffé, pas lavé : le spectacle est consternant et affligeant. Dès la quatrième case, il est apprêté, et il apparaît comme un homme du monde, aux manières raffinées. Au cours de cette vingtaine d’histoires, il se montre arrogant, condescendant, méprisant, suffisant, raciste, envieux, pleutre, lâche, misogyne, maître-chanteur, rétrograde, réactionnaire, menteur, maltraitant, mauvais perdant, ingrat, obséquieux, complaisant, traître, perfide, fourbe, imbu de sa personne, etc. Heureusement qu’il n’y a que vingt histoires qui lui soient consacrées… Son langage corporel est l’avenant avec une moue parfaite quand il dénigre la personne à qui il s’adresse ou qu’il se montre servile avec un autre. À quelques reprises, il perd toute contenance et s’emporte, son visage devenant alors un masque grimaçant et hideux. Le lecteur peut voir à sa posture que Blotch souffre quand il travaille pour produire un dessin à la ligne raffinée, tout en étant assez pauvre visuellement.
En découvrant le caractère de Blotch et ses failles morales, le lecteur se dit que les autres personnages ne pourront qu’apparaître sous un bon jour. Les deux premiers collègues attablés avec lui boivent ses paroles, se délectant des ragots et des jugements négatifs. Sa logeuse donne l’impression de très bien savoir que son locataire ne pourra pas la payer, tout en étant sans état d’âme, même sa fille d’à peine dix ans semble nourrir des pensées méchantes. Son éternel rival, Jean Bonnot, distille moins de fiel, tout en étant prêt à en découdre avec Blotch. Le rédacteur en chef et le président de Fluide Glacial affichent la morgue de leur classe sociale. Il faut attendre la huitième histoire pour faire connaissance avec Nora Foster, une comédienne réellement admirative du travail de Jean Bonnot. Puis vient Arthur, un trompettiste de jazz afro-américain déclarant son admiration pour le dessinateur, et encore Georgette la compagne de Blotch. L’auteur met en scène avec conviction et art les personnages de cette comédie humaine, leur insufflant vie et plausibilité, sans rien cacher de leurs défauts et de leur mesquinerie morale.
Blutch réalise des cases chargées en traits de texture et d’ombrage, épaississant son trait pour les scènes nocturnes (l’assassinat du poète Saint Chamoux au couteau), recourant à de solides aplats pour le noir des costumes des messieurs lors d’une soirée. Ainsi les cases apparaissent chargées avec une sensation quasi tactile. Le lecteur voit qu’il ne s’agit pas d’un artifice pour donner l’impression de dessins denses. L’artiste représente soigneusement les tenues vestimentaires, en veillant à ce qu’elles soient conformes à l’époque, sans oublier les couvre-chefs de ces messieurs. Il plante le décor pour chaque scène avec des accessoires également d’époque, et des arrière-plans réguliers. Ainsi le lecteur se retrouve attablé à la terrasse d’un café parisien, dans un minuscule appartement parisien d’un quartier populaire, dans les bureaux de Fluide Glacial, à la réception ou dans le somptueux bureau du rédacteur en chef, assis sur un banc au bois de nuit, à baguenauder dans les rues de Montmartre, à manifester sur un grand boulevard, au théâtre, dans l’appartement chargé de Balthazar Léandru à la décoration exotique et hétéroclite, dans un club de jazz, dans un atelier d’artiste, dans un stade pour assister à un match de boxe, à regarder une opérette, à visiter l’atelier d’impression des éditions Cornélius, dans la chambre à coucher de l’appartement de Georgette, etc.
Rapidement, le lecteur prend goût à la forme d’humour qui se dégage du caractère et du comportement de Blotch, sans pour autant se mettre à le mépriser, parce qu’il ne souhaite pas se rabaisser à son niveau. Il se rend progressivement compte que le dispositif de mise en abîme produit son effet. Chaque nouvelle s’ouvre avec une case de la largeur de la page dans laquelle Blotch signe son nom en grosses lettres sur une toile vierge, avec dans un cartouche, un bref texte dans lequel il chante lui-même ses louanges de façon dithyrambique et démesurée. À mesure des nouvelles, l’auteur gagne en confiance pour ces introductions, parvenant à des sommets d’autosatisfaction. Par exemple : À la mort de Victor Hugo, j’avais un an. Quelle perte pour le grand homme : il ne m’aura pas connu. Le lecteur peut voir dans la mise en scène d’un artiste au talent médiocre vantant sans cesse ses propres mérites, une parodie de l’auteur lui-même, exposant ainsi les tentations de se griser de son succès (relatif ou réel), de gonfler son importance, et de croire à ses propres boniments pour assurer son autopromotion. Dans le même temps, personne n’est dupe dans l’entourage de Blotch. La mise en avant de soi-même fait partie des conventions sociales admises dans son milieu et personne n’y ajoute foi. Il est également possible de percevoir une fibre morale, dans la mesure où le comportement de Blotch ne lui permet que de faire du sur-place social, voire ne le préserve pas toujours de redescendre à un état de dénuement pécunier. Bien mal acquis ne profite jamais. Le lecteur ne plaint pas Blotch au vu de sa personnalité peu reluisante, mais il ne souhaite pas non plus sa déchéance, reconnaissant en lui ses propres tendances à des penchants avilissants.
Le portrait d’un artiste imbu de lui-même, au talent très relatif, au comportement méprisable. Une mise en abîme du métier d’humoriste bédéiste pour Fluide Glacial. Une parodie des années 1930 à Paris. Il y a de tout cela, avec une narration visuelle tactile, des personnages jouant la comédie sociale avec des attitudes empruntées. Un regard brut sur la gente humaine mesquine et peu reluisante. Il y a de tout cela dans cette vingtaine d’histoires courtes de cinq pages chacune, et aussi beaucoup d’humanité, le lecteur ne pouvant pas s’empêcher de ressentir de l’empathie pour Blotch, malgré tous ses défauts.
Dani Futuro était une série récurrente du journal Tintin dans les années 70. Et à l’époque les séries de science-fiction n’étaient pas forcément nombreuses. Dani est un enfant du passé qui est resté endormi dans une capsule projetée dans l'espace pendant plus de 130 ans. Il fait vite la connaissance d’Iris qui va tomber sous son charme, même si les deux héros n’ont aucune relation sentimentale. Dani et Iris ne sont donc pas les Olivier Rameau et Colombe Tire-d’aile des temps futurs. Cette histoire de héros endormi qui se réveille après des années d’hibernation fait furieusement penser aux Naufragés du temps de Paul Gillon, même si la comparaison s’arrête là. Chaque histoire de Dani Futuro se lit indépendamment et ce n’est donc pas une saga.
La série vaut avant tout par la qualité du trait de Gimenez. A mon sens le dessin n’est pas servi par la mise en couleur de l’époque bien trop « flashy » à mon sens. Les éditions Fluide Glacial qui ont également publié des œuvres de Carlos Gimenez y étaient bien inspirées de publier ses histoires en noir et blanc, car ce grand auteur espagnol maîtrise fort bien le contraste des deux couleurs.
Les histoires de Mora sont inégales. On commence par des histoires courtes dans le tome 1 puis on passe à des histoires en 44 ou 46 où Dani Futuro explore des planètes où règne l’anarchie. Honnêtement les scénarios ne sont pas toujours d’une grande qualité même si les albums se laissent lire. A noter que la série est parue initialement dans la collection Jeune Europe en format broché pour les 5 premiers albums, puis en format cartonné pour les deux derniers. Entre ces deux périodes il s’est écoulé près de 5 ans et on le voit très bien dans le style de Carlos Gimenez qui au début des années 80 est bien plus épuré que dans les années 70.
Bien que de qualité inégale, cette série n’est donc pas dénuée d’intérêt et mérite d’être redécouverte.
Cette série fait partie des bande-dessinées jeunesses les plus empruntées de ma bibliothèque, j'ai donc, par curiosité, voulu voir de quoi il s'agissait. Bonne surprise, j'ai envie de dire !
5 mondes, c'est une série de science fiction avec de la magie, des peuplades variées, des couleurs chatoyantes, des personnages hauts en couleurs et sympathiques devant porter sur leurs frêles épaules le poids de la survie de leur monde, que dis-je, de leurs mondes ! Bref, du space opéra au look et à l'ambiance bien retro avec une touche de fantasy. Mais ici, bien que le scénario est classique sur la forme, je trouve que le récit et la mise en scène arrivent à rendre le tout très rafraîchissant. J'ai pris un réel plaisir à enchaîner les cinq tomes de cette série.
Récit de science-fiction avec différents peuples oblige, on nous parle ici de cohabitations entre formes de vies différentes, de ségrégations, de guerres, de conflits et de rancœurs ancien-ne-s. On aborde également les sujets du fanatisme, de l'isolationnisme, de la créations d'ennemis factices communs pour prendre le contrôle d'une population, de désinformation médiatique et de propagande, ... Bref, même si le récit est tout public et donc parfaitement accessible à des enfants, les enjeux n'en sont pas amoindris. Et ici, pas n'importe quels enjeux : comme dit précédemment, c'est la survie des cinq mondes qui est en jeu !
Mon Domani et ses quatre satellites (Lune Yatta, Salassandra, Grimbo(E) et Toki) sont au bord de la destruction, des cataclysmes ravagent les habitations et les inégalités et tensions s'accroissent. Oona, jeune danseuse de sable, va se voir donner la mission de rallumer les cinq phares protecteurs laissés sur chacun des mondes par une antique civilisation appelée les Félidés. Pour ça, elle devra apprendre à maîtriser les sables spécifiques à chacune des planètes et aider les populations locales.
Cette histoires des sables différents, chacun nécessitant une approche spécifique et donnant accès à des capacités hors du commun, m'a beaucoup fait penser à "Avatar le dernier maître de l'air". Tout comme Aang, Oona est un élue qui doit apprendre beaucoup de choses sur le passé et qui doit également voyager à travers le monde (les mondes, ici) pour apprendre à maîtriser des dons spécifiques dans un temps imparti. La comparaison est positive, j'y ai retrouvé la fraîcheur de l'approche et le soin apporté aux différentes cultures présentées que l'on trouvait dans Avatar (même si ici, le tout fait un peu plus enfantin). La lecture est plaisante, vraiment.
J'ai beaucoup aimé le fait que le sable se contrôle par la danse, cela donne une esthétique assez unique à la magie locale. Une autre forme de magie liée à la musique apparait également, et je dois dire que les deux se mélangent bien. J'ai hésité à classer cette série en fantastique, d'ailleurs, étant donné la présence importante du sujet de la magie, mais c'est vraiment l'ambiance space opera qui domine ici, je trouve. La magie du sable est ici comme la force dans Star Wars, même s'il existe une part de magie, de fantastique, l'ambiance et le contexte spatiale sont plus proéminents.
Je déplorerais seulement un final un peu trop convenu et une résolution un peu trop rapide à mon goût, mais vraiment cela n'entachait pas de beaucoup mon plaisir à la sortie de ma lecture.
La série est on ne peut plus recommandée de mon côté. Bonne surprise.
(Visiblement, il y a une adaptation en série d'animation dans les fourneaux, je compte bien la suivre à sa sortie).
Les Indes fourbes raconte l'historie de Pablos, pauvre miséreux, escroc par nécessité, ambitieux par vanité, cruel par lâcheté et surtout beau parleur. Préparez-vous à entendre l'histoire grandiose du plus grand fourbe que le Nouveau Monde est jamais vu.
Ici, pas de personnage bon ou innocent. On nous montre la conquête de l'Amérique dans tous ses pires aspects (y en a-t-il réellement eu des bons ?) : les pillages, les massacres, les vols, les pires cruautés commises sur les populations locales par les européens. Les scènes de tortures, d'esclavage, de massacres et autres joyeusetés sont assez crues, personnellement elles m'ont proprement mise mal à l'aise, mais elles restent assez fidèles aux actes commis à l'époque. Le thème récurrent chez tous les personnages que nous croiserons ici est qu'ils sont désireux, de liberté, de pouvoir ou de richesses, peu importe, on nous parle avant tout de cupidité (seuls le désir de liberté des esclaves et des indigènes est justifiable à mes yeux, les autres sont vraiment antipathiques de bout en bout). Évidemment, cette cupidité est représentée par la légendaire cité pavée d'or du Nouveau Monde : l'Eldorado, source de tous les fantasmes.
Pablos est un vaurien, un miséreux avide d'une meilleure vie, d'or, de richesse, un moins que rien désireux de devenir quelqu'un de grand, de riche. Son histoire, au delà d'être celle d'un personnage parfaitement immoral et égoïste, est celle du plus gros casse imaginable, d'un escamotage de haute volée, de l'ultime fourberie, tout simplement. Sans vous révéler le coup final, Pablos tente un véritable coup de poker, un pari absurdement gros et risqué. C'est fascinant à regarder.
Le récit critique également les grandes inégalités sociales et de statut de l'époque, les traitements et la pédanterie exécrables des nobles et des riches aux personnes qu'elles jugent inférieures. On aborde même le sujet des miséreux, quelques soient leurs origines ou leurs couleurs de peaux, réduits à s'entretuer pour les miettes et la folie des puissants. Critique sociale classique mais bien mise en image.
Le dessin de Guarnido est, comme à son habitude, magnifique. Des visages très expressifs, des décors vivants, un découpage et une action qui ont du peps, ... C'est du bon. Du très bon.
Lecture recommandée pour ma part mais l'album n'a pas vraiment besoin de mon aide pour faire parler de lui.
C'est le type de lecture détente que j'apprécie particulièrement. J'aime bien le concept de Nouvelles qui propose toujours des récits vifs et dynamiques où la chute finale donne un relief particulier à l'intrigue. C'est surtout vérifié ici avec le second récit ( le Cygne) somme toute assez classique et prévisible si le final imprévu ne lui donnait pas une dimension supplémentaire. Le premier récit est bien travaillé presque romanesque mais il manque une touche pour développer le contexte du Dia de los Muertos dans lequel il s'inscrit. La dernière histoire est prévisible et un ton en dessous.
J'aime beaucoup la ligne claire de Berthet. Elle traduit à merveille l'élégance des années Pin up. A mes yeux Berthet est probablement l'un des meilleurs dessinateurs du sex-appeal féminin. Voilà un auteur qui n'a nul besoin de déshabiller ses héroïnes pour faire passer un courant de séduction entre le lecteur et son personnage. De plus Berthet ne se cloisonne pas à un modèle répétitif mais sait diversifier ses modèles.
Ma note est généreuse mais elle permet d'ajuster sa moyenne générale à un niveau plus conforme à mon idée.
J’adore les histoires de Rodolphe et le dessin de Prugne, cet album avait donc tout pour me plaire… et je ressors ravi de ma lecture.
Le scénario débute comme une fable champêtre qui tourne assez rapidement au fantastique, avec une apparition intrigante et des événements pour le moins mystérieux. Les révélations successives sont certes un peu convenues mais satisfaisantes et bien amenées, et la fin m’a beaucoup plu. Bref, une histoire classique mais prenante et bien racontée.
Surtout que Patrick Prugne s’est fait plaisir à dessiner la campagne française, ses aquarelles sont comme d’habitude magnifiques. Les planches dégagent une atmosphère remplie de poésie et de quiétude, on entend presque les ruisseaux clapoter et les oiseaux chanter.
Une lecture reposante et remplie de mystère.
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Avec une compagne africaine et un fils métis cette série ado m'a immédiatement parlé. La thématique de la coiffure est vraiment importante pour des populations très métissées. C'est le cas de Marlène d'origine Dominicaine (13 ans) qui doit affronter un double challenge. Une chevelure frisée pleine de nœuds qui part dans tous les sens et la comparaison avec sa cousine Diana (15 ans) qui est blonde et lisse comme une Suédoise. Cette thématique peut paraître futile avec nos yeux d'Européen mais ce n'est pas le cas pour un grand nombre de familles immigrées comme celle de Marlène qui désire s'intégrer aux USA. Le discours sur les apparences qui divise la maman et Tia Ruby est aussi très présent dans les familles qui ont un long passé de stigmatisation due à leurs origines ( notamment Noire comme l'explique Tia). Avoir une chevelure impeccable, c'est déjà éviter des critiques et moqueries et porter haut le visuel de la famille. Le scénario de Claribel Ortega traite ce sujet avec beaucoup de finesse et d'intelligence. Sur un sujet peu visité, l'autrice développe avec doigté une voie pour rester soi même tout en acceptant une "obligation" d'image au monde si omniprésente aujourd'hui avec la toute puissance du numérique. Le graphisme de Rose Bousamra est particulièrement attractif pour un lectorat assez jeune. C'est très expressif et ses héroïnes sont toutes très touchantes. La mise en couleur vive apporte un bon confort de lecture qui égaye des passages sombres comme le harcèlement que subit Marlène. Une belle lecture pour ado mais pas que pour comprendre une certaine intériorité de nombreuses personnes ( pas seulement filles).
Islander
J'avais déjà été scotché par le talent de ces deux auteurs avec Sangoma - Les Damnés de Cape Town et voilà que Caryl Ferey et Corentin Rouge remettent cela avec le premier album de leur nouvelle trilogie. Les deux auteurs surfent sur l'actualité avec ce nouveau récit, qui s'appuie sur les migrations de population, peut-être pour des raisons climatiques ou autres cataclysmes (guerre, épidémie...), on n'en saura pas plus dans ce premier volume. Mais la politique n'est pas absente non plus, entre les nationalistes et les libéraux Islandais. Mais le lecteur s'attachera surtout à suivre le destin de quelques personnages dont le professeur Zyzek, la fragile Livia, l’énigmatique Liam et une famille Islandaise déchirée par des choix politiques différents. On ne sait pas trop où cela va nous mener mais c'est vraiment passionnant, et malgré ses 156 pages, on ne s'ennuie pas une seconde. Un véritable page-turner que cet album ! Mais c'est le dessin magnifique de Corentin Rouge qui captive le lecteur. Un dessin réaliste dans des décors somptueux. Les pleines pages ou les doubles pages sont d'une beauté à couper le souffle. En tout cas, un de mes coups de cœur de ce début d'année. Une intrigue passionnante. A dévorer !
Retour à Lemberg
Cet album peut se révéler d’une lecture austère. Mais il est riche et vraiment très intéressant. C’est l’adaptation d’un livre de Philippe Sands, grand avocat qui est amené à prononcer une conférence dans la ville ukrainienne de Lviv en 2010. Alors que cette ville ne lui disait rien, il va découvrir de fils en aiguilles qu’elle a été le berceau d’une partie de sa famille, en particulier d’un grand-père. Et le lieu de vie et de formation de deux éminents juristes, qui ont été à l’origine de l’idée de génocide pour l’un, et d’une partie des idées ayant mené aux réquisitoires des procès de Nuremberg. Son histoire personnelle rejoint donc la grande Histoire. Car Lemberg – dont le nom ne me disait rien non plus – a elle aussi connu un vingtième siècle mouvementé. En effet, sa situation géographique et les soubresauts de l’Histoire l’ont tour à tour faite Austro-hongroise, Polonaise, Soviétique, Allemande et Ukrainienne. Et elle a été durant la seconde guerre mondiale au cœur du génocide subi par les Juifs, avec la personne d’Otto Frank comme maître d’œuvre du crime. Voilà un décor très riche, et très bien planté. Et je dois dire que le récit est passionnant à suivre. Car Sands mène, à partir de quelques documents épars, une véritable enquête policière pour reconstituer la vie et le destin de sa famille, en même temps qu’il retrace l’action de Frank et de ses sbires dans la région, jusqu’aux procès de Nuremberg. Le mélange des deux aspects fonctionne très bien. On est autant intéressé par les destins variables (souvent tragiques) de ses lointains proches, que par les débats autour des notions de crime contre l’humanité ou de génocide. Le dessin de Picaud – que je découvre ici – est très bon. Sans doute un peu froid, son trait fin et classique accompagne bien le récit lui aussi presque « clinique » d’une catastrophe.
Isaac le pirate
Je n'ai lu que le premier tome pour le moment (Les Amériques, trouvé par hasard d'occasion) et je trouve le regard de Blain très subtile, en particulier sur les rapports homme/femme de l'époque, sur la place de la religion, ce que je n'attendais pas forcément dans une BD de pirate. Le dessin de Blain que je qualifierais de réaliste stylisé, sait être expressif, et lorsque son trait exagère dans le mouvement grandiloquent ou au contraire dans l'humour, les dialogues réajustent le ton. Les couleurs sont un peu ternes en revanche. Le fait qu'Isaac soit un dessinateur compulsif, et que ce soit la première série en solo de l'auteur, laisse à penser que Blain y a mis beaucoup de lui (en tout cas pas physiquement si l'on en juge par la tête carrée du personnage et celle toute mince de la photo de wikipédia. ) Cette proximité nous aide sans doute à nous identifier à ce personnage, jeune, imaginatif, et naïf par certains cotés qui se trouve ballotté dans une aventure inespérée. Le rôle de sa compagne qui reste à Paris n'est pas effacé, et l'on suit aussi ses stratégies de survie, qui sont d'autres aventures, peut-être plus originales finalement... En lisant l'avis d'Alix, j'ai très envie de lire la suite, puisque le premier album est le moins bien noté. Pourtant c'est bien ce volume qui a eu le prix du meilleur Album au festival d'Angoulême en 2002.
Blotch
La modestie, c’est bon pour ceux dont le talent est modeste. - Il s'agit d'histoires courtes de cinq pages, mettant en scène Blotch, personnage fictif dessinateur de presse. Ces récits ont initialement été publiés dans le magazine Fluide Glacial, de 1998 à 2000. Parution initiale en album : Le roi de Paris (1999) et Blotch face à son destin (2000), puis d’une intégrale en 2009, rééditée en 2024. C’est l’œuvre de Blutch (Christian Hincker), scénario & dessin. Ce recueil comprend un peu plus d’une centaine de pages de bande dessinée, en noir & blanc. Blotch est attablé à la terrasse d’un café, avec trois autres artistes travaillant pour Fluide Glacial. Il pérore sur ses collègues : La petite Binette avec sa série Les Bidoches, il va se ramasser ! On prend pas les Français pour des ballots… Savez-vous ce qu‘on murmure à propos de ce bon Hugolo ? Tenez-vous bien… Eh bien, L’enfant du zoo, c’est lui ! C’est de l’autobiographie. ! Remarquez ! Avec cette dégaine, on l’imagine aisément sur la paille ! Ce pauvre Goutelette ! Le malheureux est complètement à côté de la plaque ! Il est fini ! Dans son esprit, Blotch voit ses collègues s’extasier sur lui : Insurpassable ! Un génie ! L’honneur de leur profession ! La nuit venue, Blotch, bien aviné, hèle deux passantes en leur criant qu’il va leur rendre hommage, en tout bien tout honneur. Le lendemain matin, madame Gerboix, sa logeuse, vient frapper à sa porte pour lui réclamer son arriéré de loyer, c’est-à-dire deux mois. Il promet de régler demain, dernier délai. Il téléphone à son journal pour demander une avance, en vain. Il demande à son meilleur ami de lui acheter une toile, mais l’autre en a déjà jusque dans sa salle de bains de ses toiles. Il essaye d’en vendre à des touristes sur la voie publique, sans succès. À dix-huit heures aux Puces, il finit par échanger son lot de toiles contre une unique autre, parce que le vendeur lui raconte que sous la peinture, il y aurait un Rembrandt ! Une autre journée, Blotch se réveille en piètre forme à midi, dans sa petite chambre. Il commence par tousser tout ce qu’il peut au-dessus du lavabo. Après une toilette de fond en comble, il est enfin présentable. Il entend un bruit dans le couloir et il va coller son œil au trou de la serrure. C’est Lucienne la fille de la concierge… À peine dix ans, cette dévergondée tente de l’exciter en se laissant glisser sur la rampe de l’escalier, la culotte relevée. Chaque matin, il la repère au froissement de son tablier. Chaque matin, elle se croit maligne parce qu’elle lui exhibe son derrière menu et frais. Enfin, il sort, avec un carton à dessin sous le bras, et il croise la fillette en bas de l’escalier qui le regarde passer effrontément. Il hait les enfants. Il se rend dans les bureaux du magazine Fluide Glacial : la rédaction est le lieu où se côtoient les grands esprits et les plus modestes. Monsieur Delapiche, leur éclairé rédacteur en chef, sort de son bureau et demande aux artistes présents de se conduire avec dignité, car il reçoit ce jour la visite d’un jeune dessinateur étranger, un sujet belge qui vient de Bruxelles. À son bureau, la secrétaire annonce l’arrivant : M. Rémi. Un homme bien mis, signant son nom avec style et classe… mais voilà que la première histoire en donne une idée bien différente. Le lecteur constate rapidement que cet ouvrage met en scène Blotch, un dessinateur de presse, dans le contexte des années 1930 en France, à Paris. Ce recueil se compose de vingt-et-une histoires de cinq pages chacune, autant de nouvelles, dont vingt consacrées à Blotch, et une à Georgette sa compagne. Il comprend qu’il se produit une forme de mise en abîme avec décalage, puisque Blotch soumet ses dessins à la revue Fluide Glacial, qui dans la réalité a été fondée en avril 1975, par Marcel Gotlib, Alexis (Dominique Vallet) et Jacques Diament. Cela le rend attentif à des consonnances similaires entre le nom de certains personnages et d’autres auteurs du magazine. Le Binette avec Les Bidoches apparaît comme une référence directe aux Bidochon de Binet. Ici, le rédacteur en chef s’appelle Monsieur Pierre Delapiche (peut-être un clin d’œil à Jean-Christophe Delpierre). En revanche, il ne fait pas de doute que le très chic, impressionnant et respectable Monsieur Marcel, fondateur du journal, rend hommage à Marcel Gotlib, même s’il n’y a aucune ressemblance physique. Le lecteur assidu de la revue Fluide Glacial pourra trouver d’autres clins d’œil et taquineries référentielles. Le lecteur novice en la matière ne se sentira pas exclus pour autant. Donc voici ce monsieur peut-être trente ans ou plus qui réalise des dessins comiques, à l’humour ringard, misogyne et raciste. S’il porte beau en public, habillé avec goût, la deuxième histoire offre de le voir au réveil, affalé dans son lit en pantalon et marcel, pas rasé, pas coiffé, pas lavé : le spectacle est consternant et affligeant. Dès la quatrième case, il est apprêté, et il apparaît comme un homme du monde, aux manières raffinées. Au cours de cette vingtaine d’histoires, il se montre arrogant, condescendant, méprisant, suffisant, raciste, envieux, pleutre, lâche, misogyne, maître-chanteur, rétrograde, réactionnaire, menteur, maltraitant, mauvais perdant, ingrat, obséquieux, complaisant, traître, perfide, fourbe, imbu de sa personne, etc. Heureusement qu’il n’y a que vingt histoires qui lui soient consacrées… Son langage corporel est l’avenant avec une moue parfaite quand il dénigre la personne à qui il s’adresse ou qu’il se montre servile avec un autre. À quelques reprises, il perd toute contenance et s’emporte, son visage devenant alors un masque grimaçant et hideux. Le lecteur peut voir à sa posture que Blotch souffre quand il travaille pour produire un dessin à la ligne raffinée, tout en étant assez pauvre visuellement. En découvrant le caractère de Blotch et ses failles morales, le lecteur se dit que les autres personnages ne pourront qu’apparaître sous un bon jour. Les deux premiers collègues attablés avec lui boivent ses paroles, se délectant des ragots et des jugements négatifs. Sa logeuse donne l’impression de très bien savoir que son locataire ne pourra pas la payer, tout en étant sans état d’âme, même sa fille d’à peine dix ans semble nourrir des pensées méchantes. Son éternel rival, Jean Bonnot, distille moins de fiel, tout en étant prêt à en découdre avec Blotch. Le rédacteur en chef et le président de Fluide Glacial affichent la morgue de leur classe sociale. Il faut attendre la huitième histoire pour faire connaissance avec Nora Foster, une comédienne réellement admirative du travail de Jean Bonnot. Puis vient Arthur, un trompettiste de jazz afro-américain déclarant son admiration pour le dessinateur, et encore Georgette la compagne de Blotch. L’auteur met en scène avec conviction et art les personnages de cette comédie humaine, leur insufflant vie et plausibilité, sans rien cacher de leurs défauts et de leur mesquinerie morale. Blutch réalise des cases chargées en traits de texture et d’ombrage, épaississant son trait pour les scènes nocturnes (l’assassinat du poète Saint Chamoux au couteau), recourant à de solides aplats pour le noir des costumes des messieurs lors d’une soirée. Ainsi les cases apparaissent chargées avec une sensation quasi tactile. Le lecteur voit qu’il ne s’agit pas d’un artifice pour donner l’impression de dessins denses. L’artiste représente soigneusement les tenues vestimentaires, en veillant à ce qu’elles soient conformes à l’époque, sans oublier les couvre-chefs de ces messieurs. Il plante le décor pour chaque scène avec des accessoires également d’époque, et des arrière-plans réguliers. Ainsi le lecteur se retrouve attablé à la terrasse d’un café parisien, dans un minuscule appartement parisien d’un quartier populaire, dans les bureaux de Fluide Glacial, à la réception ou dans le somptueux bureau du rédacteur en chef, assis sur un banc au bois de nuit, à baguenauder dans les rues de Montmartre, à manifester sur un grand boulevard, au théâtre, dans l’appartement chargé de Balthazar Léandru à la décoration exotique et hétéroclite, dans un club de jazz, dans un atelier d’artiste, dans un stade pour assister à un match de boxe, à regarder une opérette, à visiter l’atelier d’impression des éditions Cornélius, dans la chambre à coucher de l’appartement de Georgette, etc. Rapidement, le lecteur prend goût à la forme d’humour qui se dégage du caractère et du comportement de Blotch, sans pour autant se mettre à le mépriser, parce qu’il ne souhaite pas se rabaisser à son niveau. Il se rend progressivement compte que le dispositif de mise en abîme produit son effet. Chaque nouvelle s’ouvre avec une case de la largeur de la page dans laquelle Blotch signe son nom en grosses lettres sur une toile vierge, avec dans un cartouche, un bref texte dans lequel il chante lui-même ses louanges de façon dithyrambique et démesurée. À mesure des nouvelles, l’auteur gagne en confiance pour ces introductions, parvenant à des sommets d’autosatisfaction. Par exemple : À la mort de Victor Hugo, j’avais un an. Quelle perte pour le grand homme : il ne m’aura pas connu. Le lecteur peut voir dans la mise en scène d’un artiste au talent médiocre vantant sans cesse ses propres mérites, une parodie de l’auteur lui-même, exposant ainsi les tentations de se griser de son succès (relatif ou réel), de gonfler son importance, et de croire à ses propres boniments pour assurer son autopromotion. Dans le même temps, personne n’est dupe dans l’entourage de Blotch. La mise en avant de soi-même fait partie des conventions sociales admises dans son milieu et personne n’y ajoute foi. Il est également possible de percevoir une fibre morale, dans la mesure où le comportement de Blotch ne lui permet que de faire du sur-place social, voire ne le préserve pas toujours de redescendre à un état de dénuement pécunier. Bien mal acquis ne profite jamais. Le lecteur ne plaint pas Blotch au vu de sa personnalité peu reluisante, mais il ne souhaite pas non plus sa déchéance, reconnaissant en lui ses propres tendances à des penchants avilissants. Le portrait d’un artiste imbu de lui-même, au talent très relatif, au comportement méprisable. Une mise en abîme du métier d’humoriste bédéiste pour Fluide Glacial. Une parodie des années 1930 à Paris. Il y a de tout cela, avec une narration visuelle tactile, des personnages jouant la comédie sociale avec des attitudes empruntées. Un regard brut sur la gente humaine mesquine et peu reluisante. Il y a de tout cela dans cette vingtaine d’histoires courtes de cinq pages chacune, et aussi beaucoup d’humanité, le lecteur ne pouvant pas s’empêcher de ressentir de l’empathie pour Blotch, malgré tous ses défauts.
Dani Futuro
Dani Futuro était une série récurrente du journal Tintin dans les années 70. Et à l’époque les séries de science-fiction n’étaient pas forcément nombreuses. Dani est un enfant du passé qui est resté endormi dans une capsule projetée dans l'espace pendant plus de 130 ans. Il fait vite la connaissance d’Iris qui va tomber sous son charme, même si les deux héros n’ont aucune relation sentimentale. Dani et Iris ne sont donc pas les Olivier Rameau et Colombe Tire-d’aile des temps futurs. Cette histoire de héros endormi qui se réveille après des années d’hibernation fait furieusement penser aux Naufragés du temps de Paul Gillon, même si la comparaison s’arrête là. Chaque histoire de Dani Futuro se lit indépendamment et ce n’est donc pas une saga. La série vaut avant tout par la qualité du trait de Gimenez. A mon sens le dessin n’est pas servi par la mise en couleur de l’époque bien trop « flashy » à mon sens. Les éditions Fluide Glacial qui ont également publié des œuvres de Carlos Gimenez y étaient bien inspirées de publier ses histoires en noir et blanc, car ce grand auteur espagnol maîtrise fort bien le contraste des deux couleurs. Les histoires de Mora sont inégales. On commence par des histoires courtes dans le tome 1 puis on passe à des histoires en 44 ou 46 où Dani Futuro explore des planètes où règne l’anarchie. Honnêtement les scénarios ne sont pas toujours d’une grande qualité même si les albums se laissent lire. A noter que la série est parue initialement dans la collection Jeune Europe en format broché pour les 5 premiers albums, puis en format cartonné pour les deux derniers. Entre ces deux périodes il s’est écoulé près de 5 ans et on le voit très bien dans le style de Carlos Gimenez qui au début des années 80 est bien plus épuré que dans les années 70. Bien que de qualité inégale, cette série n’est donc pas dénuée d’intérêt et mérite d’être redécouverte.
5 Mondes
Cette série fait partie des bande-dessinées jeunesses les plus empruntées de ma bibliothèque, j'ai donc, par curiosité, voulu voir de quoi il s'agissait. Bonne surprise, j'ai envie de dire ! 5 mondes, c'est une série de science fiction avec de la magie, des peuplades variées, des couleurs chatoyantes, des personnages hauts en couleurs et sympathiques devant porter sur leurs frêles épaules le poids de la survie de leur monde, que dis-je, de leurs mondes ! Bref, du space opéra au look et à l'ambiance bien retro avec une touche de fantasy. Mais ici, bien que le scénario est classique sur la forme, je trouve que le récit et la mise en scène arrivent à rendre le tout très rafraîchissant. J'ai pris un réel plaisir à enchaîner les cinq tomes de cette série. Récit de science-fiction avec différents peuples oblige, on nous parle ici de cohabitations entre formes de vies différentes, de ségrégations, de guerres, de conflits et de rancœurs ancien-ne-s. On aborde également les sujets du fanatisme, de l'isolationnisme, de la créations d'ennemis factices communs pour prendre le contrôle d'une population, de désinformation médiatique et de propagande, ... Bref, même si le récit est tout public et donc parfaitement accessible à des enfants, les enjeux n'en sont pas amoindris. Et ici, pas n'importe quels enjeux : comme dit précédemment, c'est la survie des cinq mondes qui est en jeu ! Mon Domani et ses quatre satellites (Lune Yatta, Salassandra, Grimbo(E) et Toki) sont au bord de la destruction, des cataclysmes ravagent les habitations et les inégalités et tensions s'accroissent. Oona, jeune danseuse de sable, va se voir donner la mission de rallumer les cinq phares protecteurs laissés sur chacun des mondes par une antique civilisation appelée les Félidés. Pour ça, elle devra apprendre à maîtriser les sables spécifiques à chacune des planètes et aider les populations locales. Cette histoires des sables différents, chacun nécessitant une approche spécifique et donnant accès à des capacités hors du commun, m'a beaucoup fait penser à "Avatar le dernier maître de l'air". Tout comme Aang, Oona est un élue qui doit apprendre beaucoup de choses sur le passé et qui doit également voyager à travers le monde (les mondes, ici) pour apprendre à maîtriser des dons spécifiques dans un temps imparti. La comparaison est positive, j'y ai retrouvé la fraîcheur de l'approche et le soin apporté aux différentes cultures présentées que l'on trouvait dans Avatar (même si ici, le tout fait un peu plus enfantin). La lecture est plaisante, vraiment. J'ai beaucoup aimé le fait que le sable se contrôle par la danse, cela donne une esthétique assez unique à la magie locale. Une autre forme de magie liée à la musique apparait également, et je dois dire que les deux se mélangent bien. J'ai hésité à classer cette série en fantastique, d'ailleurs, étant donné la présence importante du sujet de la magie, mais c'est vraiment l'ambiance space opera qui domine ici, je trouve. La magie du sable est ici comme la force dans Star Wars, même s'il existe une part de magie, de fantastique, l'ambiance et le contexte spatiale sont plus proéminents. Je déplorerais seulement un final un peu trop convenu et une résolution un peu trop rapide à mon goût, mais vraiment cela n'entachait pas de beaucoup mon plaisir à la sortie de ma lecture. La série est on ne peut plus recommandée de mon côté. Bonne surprise. (Visiblement, il y a une adaptation en série d'animation dans les fourneaux, je compte bien la suivre à sa sortie).
Les Indes fourbes
Les Indes fourbes raconte l'historie de Pablos, pauvre miséreux, escroc par nécessité, ambitieux par vanité, cruel par lâcheté et surtout beau parleur. Préparez-vous à entendre l'histoire grandiose du plus grand fourbe que le Nouveau Monde est jamais vu. Ici, pas de personnage bon ou innocent. On nous montre la conquête de l'Amérique dans tous ses pires aspects (y en a-t-il réellement eu des bons ?) : les pillages, les massacres, les vols, les pires cruautés commises sur les populations locales par les européens. Les scènes de tortures, d'esclavage, de massacres et autres joyeusetés sont assez crues, personnellement elles m'ont proprement mise mal à l'aise, mais elles restent assez fidèles aux actes commis à l'époque. Le thème récurrent chez tous les personnages que nous croiserons ici est qu'ils sont désireux, de liberté, de pouvoir ou de richesses, peu importe, on nous parle avant tout de cupidité (seuls le désir de liberté des esclaves et des indigènes est justifiable à mes yeux, les autres sont vraiment antipathiques de bout en bout). Évidemment, cette cupidité est représentée par la légendaire cité pavée d'or du Nouveau Monde : l'Eldorado, source de tous les fantasmes. Pablos est un vaurien, un miséreux avide d'une meilleure vie, d'or, de richesse, un moins que rien désireux de devenir quelqu'un de grand, de riche. Son histoire, au delà d'être celle d'un personnage parfaitement immoral et égoïste, est celle du plus gros casse imaginable, d'un escamotage de haute volée, de l'ultime fourberie, tout simplement. Sans vous révéler le coup final, Pablos tente un véritable coup de poker, un pari absurdement gros et risqué. C'est fascinant à regarder. Le récit critique également les grandes inégalités sociales et de statut de l'époque, les traitements et la pédanterie exécrables des nobles et des riches aux personnes qu'elles jugent inférieures. On aborde même le sujet des miséreux, quelques soient leurs origines ou leurs couleurs de peaux, réduits à s'entretuer pour les miettes et la folie des puissants. Critique sociale classique mais bien mise en image. Le dessin de Guarnido est, comme à son habitude, magnifique. Des visages très expressifs, des décors vivants, un découpage et une action qui ont du peps, ... C'est du bon. Du très bon. Lecture recommandée pour ma part mais l'album n'a pas vraiment besoin de mon aide pour faire parler de lui.
La Dame, le Cygne et l'Ombre
C'est le type de lecture détente que j'apprécie particulièrement. J'aime bien le concept de Nouvelles qui propose toujours des récits vifs et dynamiques où la chute finale donne un relief particulier à l'intrigue. C'est surtout vérifié ici avec le second récit ( le Cygne) somme toute assez classique et prévisible si le final imprévu ne lui donnait pas une dimension supplémentaire. Le premier récit est bien travaillé presque romanesque mais il manque une touche pour développer le contexte du Dia de los Muertos dans lequel il s'inscrit. La dernière histoire est prévisible et un ton en dessous. J'aime beaucoup la ligne claire de Berthet. Elle traduit à merveille l'élégance des années Pin up. A mes yeux Berthet est probablement l'un des meilleurs dessinateurs du sex-appeal féminin. Voilà un auteur qui n'a nul besoin de déshabiller ses héroïnes pour faire passer un courant de séduction entre le lecteur et son personnage. De plus Berthet ne se cloisonne pas à un modèle répétitif mais sait diversifier ses modèles. Ma note est généreuse mais elle permet d'ajuster sa moyenne générale à un niveau plus conforme à mon idée.
Écoute s’il pleut
J’adore les histoires de Rodolphe et le dessin de Prugne, cet album avait donc tout pour me plaire… et je ressors ravi de ma lecture. Le scénario débute comme une fable champêtre qui tourne assez rapidement au fantastique, avec une apparition intrigante et des événements pour le moins mystérieux. Les révélations successives sont certes un peu convenues mais satisfaisantes et bien amenées, et la fin m’a beaucoup plu. Bref, une histoire classique mais prenante et bien racontée. Surtout que Patrick Prugne s’est fait plaisir à dessiner la campagne française, ses aquarelles sont comme d’habitude magnifiques. Les planches dégagent une atmosphère remplie de poésie et de quiétude, on entend presque les ruisseaux clapoter et les oiseaux chanter. Une lecture reposante et remplie de mystère.