Le Barrucuda, c'est le nom d'un navire pirate commandé par le terrible Blackdog. C'est à son bord que nous ferons la connaissance de 3 adolescents, devenus jeunes adultes au fil des tomes. Mais c'est sur l'île de Puerto Blanco que nous suivrons leurs destins croisés.
Entre violence, complots et stratagèmes il n'est pas aisé de rester en vie sur l'île des pirates ...
Une histoire de pirates qui se déroule principalement à terre, voici le pari tenté par Dufaux. Pari risqué mais pari réussi.
En effet la terre ferme semble être un théâtre beaucoup plus propice aux rebondissements que la haute mer. Questions d'espace et de densité de vauriens sans doute.
Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est le fait que l'on ne s'ennuie pas à la lecture de cette série. Il y a sans cesse des rebondissements. Cette concentration d'évenement nous maintient alerte tout au long de la lecture.
Il y a une vraie qualité cinématographique à cette série. Cela correspond d'ailleurs à une volonté exprimée par Dufaux dans sa préface.
Ensuite viennent les dessins de Jéremy qui sont remarquables. D'ailleurs de ce point de vue là il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec Murena. Cela à d'ailleurs été une de mes premières réflexion à la lecture des premières pages.
Rien d'étonnant à cela vu que Jéremy fut l'élève de Delaby et participa également à la série mère.
Force est de constater que l'élève n'est plus très loin du maitre.
Le petit point négatif que je relèverai est peut-être la longueur de la série. Six tomes. Pour certains ça parait un peu court au vue de la quantité (et de la qualité) de développement qu'il aurait été possible de faire.
Pour ma part s'il est bien d'avoir une série qui ne s'étend pas indéfiniment, j'ai été un peu frustré d'un dénouement un poil trop rapide. Avec un ou deux tomes maxi en plus je pense qu'on aurait eu le droit à une série parfaite.
Au final j'ai été largement conquis par cette série et lui réserve donc une place de choix dans ma bibliothèque.
C'est avec plaisir que j'ai retrouvé deux de mes auteurs préférés. Une fois encore je n'ai pas été déçu par ce drame social évoqué dans le huis clos du tribunal. La construction du récit est très astucieuse sous des dehors classiques. Julie présumée suspecte d'un meurtre se voit contrainte d'exposer sa vie intime à un public impassible et surtout à un lecteur mis à contribution comme le dévoilera le final.
Malgré une voix off très présente et de nombreux flash back le récit reste très fluide et dynamique. J'ai bien trouvé quelques temps morts et quelques failles dans le T2 mais l'ensemble reste cohérent et solide. Il faut dire que Lapiere propose une galerie de personnages autour de la séduisante Julie avec des personnalités très bien travaillées. La description de cet amour adolescent égoïste dont est victime le couple Julie/Théo est un classique rencontré par de nombreux services sociaux qui aident des JF en difficultés. J'ai aussi beaucoup aimé les personnages d'Armand et surtout de sa femme qui sonnent vraiment justes.
Toutefois l'astuce première des auteurs est à mettre au crédit du graphisme de Grenson. Je me suis déjà exprimé sur l'admiration et l'immense plaisir de lecture que me procure cet auteur. Julie est envoûtante, les personnages sont tous finement travaillés sans aucun laissé pour compte, et les ambiances de Charleroi ou du luxe de la croisière ou de Paris renvoient à des réalités existantes. Le plus est évidemment cette séduction permanente qui émane de Julie. Grenson travaille son lecteur (surtout mâle) dès les premières images avec la tenue impeccable de Julie. Les auteurs placent subtilement leur lectorat dans le position d'un juré supplémentaire qui doit faire la part des choses entre une Julie séductrice et mythomane ou une victime sincère. Ce final superbe avec une Julie les yeux dans les yeux avec le lecteur renforce notre désarroi pour connaître le fin mot de l'histoire. Pour enfoncer le clou les deux auteurs s'amusent à conclure sur un épilogue australien qui n'explique rien puisque l'enfant est devenu ado.
Un diptyque très plaisant à redécouvrir pour un bon moment de lecture récréative.
J'aime beaucoup cette collection qui reprend les œuvres de Pagnol. Une fois encore Scotto et Stoffel ne m'ont pas déçu.
Jean de Florette reste inoubliable grâce à son interprétation cinématographique autour de Montand, Auteuil et Depardieu.
Comme d'habitude les auteurs suivent à la lettre la lettre et l'esprit de ce roman presque noir. Le premier tome prend le temps de travailler la personnalité dure et avide du Papet et de Ugolin. Le naïf et utopique Jean rempli de bons sentiments sera la victime de ces personnages inflexibles dans une montée de la dramatisation (tome 2) qui est fidèle au roman.
C'est Alexandre Tefenkgi qui lance le diptyque suivi par Christelle Galland sans que l'on note une grosse discontinuité dans l'approche graphique. Je suis plus habitué au style plus rond de Tanco mais je reconnait que ce trait plus dur convient parfaitement à la sècheresse et la dureté du récit.
Encore une belle lecture pleine de soleil peut être un peu trop ici.
Un manga que j’avais injustement boudé jusqu’il y a peu, m’imaginant un truc niais ou dans la veine de Sept naufragés. Verdict : c’est pas ça du tout, je ne pense pas relire un jour mais la série a réussi à me tenir en haleine de a à z.
Je la conseille de bon cœur.
Le dessin est de bonne facture et si j’avais un peu peur de suivre une bande de gamins, ces derniers se révèlent vite attachants.
Niveau histoire, je ne dirais rien et vous conseillerai de vous y lancer vraiment à l’aveugle. La surprise et l’enchaînement des événements participent pour beaucoup au plaisir de lecture, la fin m’a satisfait.
Bref n’en jetez plus, ce manga mérite son excellente réputation, plutôt astucieux dans son rendu teenage et un peu dark. On peut bien lui reprocher 2, 3 trucs (longueur, héroïne …) mais les nombreux points positifs l’emportent.
Un chouette voyage.
Un récit de jeunes garçons dans la Tunisie des années 80. Ils sont trois dans la même classe, un peu turbulents, surtout le plus âgé d'entre eux qui est un pur rebelle aux allures de petit caïd. A l'inverse, leur maître d'école est ultra sévère et les punit douloureusement à chacune de leurs bêtises. Poussé par le plus grand, ils vont chercher à se venger de lui et traverser la banlieue de Tunis à pied pour atteindre son logement. Sauf que le petit frère de l'un des trois l'a forcé à le laisser les accompagner. Et bien qu’il soit un excellent joueur de football et un garçon débrouillard, l’aventure est trop grande pour lui, tout comme pour les trois autres d’ailleurs.
Avec une économie de traits et un style volontairement lâché, l’auteur parvient à restituer avec justesse l’atmosphère des rues et des terrains vagues d’un Maghreb de l’époque, un décor familier à ceux, comme moi, qui ont grandi en Afrique dans les années 70 et 80. Ce récit m’a rappelé ces amitiés un peu risquées, ces aventures d’enfants audacieux qui se lancent dans des bêtises ensemble. Le quatuor de personnages, aux personnalités bien distinctes, fonctionne parfaitement. Il y a ce rebelle, d’abord effrayant dans son nihilisme, mais qui se dévoile sous un jour plus humain quand il nous montre ses failles, notamment à travers sa passion pour la danse. À ses côtés, un ami franco-tunisien, blond, qui lutte contre la perception qu’on a de lui comme étant plus français que tunisien. Puis, le petit frère, brillant et talentueux, mais encore trop immature pour saisir pleinement les enjeux de l’aventure. Enfin, le quatrième ami, plus sage, qui, bien que de nature raisonnable, suit néanmoins le rebelle comme un chef.
Leur périple à travers les quartiers en construction de la banlieue tunisienne prend des airs de traversée du désert, comme un groupe de cow-boys s’aventurant dans un environnement à la fois familier et menaçant. Peu à peu, nous découvrons leur véritable objectif, un secret que le petit frère ignore presque jusqu’à la fin, étant un peu l’intrus dans cette escapade. L’ambiance est d’une rare efficacité, évoquant de manière poignante et parfois dérangeante ces souvenirs d’enfance où l’on ressent à la fois l’excitation du danger et l’intensité de l’aventure, loin du regard des adultes, dans un monde pourtant banal.
La fin, bien que brusque, se révèle à la fois puissante et cruelle, laissant place à une ouverture qui fait écho à la nature même des souvenirs d’enfance : on ne saura jamais vraiment ce qu’il s’est passé après la fuite. J’aurais aimé des dessins plus soignés et des décors plus détaillés, mais peut-être que cela aurait diminué l’intensité de la narration et l’atmosphère si particulière qui se dégage de ce récit.
J’ai emprunté cet album un peu au hasard, et je pensais, à la vue de la couverture et de la citation en exergue, avoir affaire à un polar mâtiné de politique comme savait en écrire Manchette.
S’il y a bien de ça dans ce récit, c’est en fait bien plus complexe, et ça ressemble plutôt à un quasi documentaire tournant autour de l’engagement politique violent durant les années 1970, à propos de la cause palestinienne, mais surtout autour de groupes de l’ultra gauche, comme Action directe.
Les auteurs se sont énormément documentés (ce que confirme l’imposante bibliographie en fin de volume) et le récit est clair et complet, la narration est fluide. Il n’est pas nécessaire de connaitre le sujet avant d’entamer la lecture, même si, le sujet m’intéressant de longue date, j’y suis entré très facilement.
Outre la traque des leaders d’Action Directe par divers services de police et de renseignement, le récit est centré sur un personnage intrigant – et intriguant ! – que je ne connaissais pas du tout, Gabriel Chahine, qui a permis aux policiers d’infiltrer AD.
Le dessin est un peu inégal (surtout sur certains visages), mais globalement je l’ai bien aimé. Les décors sont réussis, et le rendu, usant de diverses bichromies, est agréable.
Une lecture intéressante.
Tiré d'un roman, cette histoire de fantasy allie un dessin tout ce qu'il y a de plus agréable et de plus lisible avec un scénario original. Le tout en respectant les codes du genre mais en évitant les clichés habituels. Il y aura donc bien une quête, qui impose la traversée d'une forêt hostile, à la recherche du mystérieux roi des fauves. Avant d'en arriver là, l'introduction permet de poser le contexte de cet univers et de faire connaissance avec nos héros. Au delà de la découverte de ces fondations, l'intrigue est vite prenante et, du coup, on part à l'aventure avec entrain et curiosité.
Il est donc question de 3 adolescents, condamnés pour diverses raisons avec d'autres personnages, à devenir des bersekirs, sortes de monstres mi animaux, mi humains. Pour cela on leur a injecté une sorte de ver dans l'organisme, qui va les dévorer petit à petit de l'intérieur et les transformer progressivement. Leur prison est une immense forêt froide et humide. Ils n'ont que quelques jours devant eux avant que la transformation ne s'opère...
Tout ça fonctionne vraiment très très bien. L'histoire est rythmée, prenante, originale. On suit avec curiosité la progression de nos jeunes héros. Qu'est ce qui est en train de leur arriver ? Vont ils vraiment se transformer en monstres ? Par petites touches intelligemment distillées, on voit les premiers effets des vers qui s'attaquent à eux. Ca amène une petite tension bienvenue. Ca amène surtout ce qu'il faut de mystères et d'originalité pour que cette histoire sorte du lot.
Je suis souvent critique avec l'heroic fantasy, un genre qui a du mal à se renouveler et à être original. Mais ici l'intrigue est interessante et rondement menée. Elle ne s'étire pas en longueurs inutiles. La conclusion est prévue avec le second tome. Et il y a dans le premier juste ce qu'il faut de suspens et de tension pour donner envie de connaitre le dénouement de ce diptyque.
Comment redessine-t-il le corps de la femme dans cette nouvelle collection ?
-
Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, s’attachant au Smoking et aux contextes de sa création. Son édition originale date de 2024 Il a été réalisé par Loo Hui Phang pour le scénario, et par Benjamin Bachelier pour les dessins et les couleurs. Il comprend environ cent-quarante pages de bande dessinée. Il se termine avec huit pages présentant de manière synthétique trente-quatre personnalités historiques croisées au cours de l’ouvrage, d’Anne-Marie Muñoz (1933-2020) à Marcel Proust (1871-1922), puis par une chronologie reprenant vingt-deux dates de la vie de Saint Laurent, et quatorze dates d’événements choisis dans l’évolution de la condition sociale de la femme en France.
Prologue en mouvement. En 1966, à sa table de travail, Yves Saint Laurent est en train de réaliser le croquis d’une nouvelle création. Anne-Marie, une assistante entre dans la pièce et lui indique que les premiers et les premières d’atelier attendent ses croquis. Il lui remet son dernier croquis, elle commente : un nouveau défi pour l’atelier. Il explique : un Smoking, comme celui des hommes, mais adapté à la femme. Le vestiaire masculin est une pyramide et le smoking en est le sommet. Elle répond qu’il fait un vrai hold-up : ce sera une révolution. Il corrige : non, juste une évolution. – Avancer. New York en 1967, Betty Catroux retrouve Yves Saint Laurent au pied d‘un immeuble. Il lui demande ce qu’elle a fait à ses cheveux. Il trouve que c’est sauvage, c’est chic. Quand elle lui dit qu’elle ne les a pas lavés depuis cinq jours, il s’exclame : Quelle horreur ! Et il lui demande d’aller les laver, ce qu’elle refuse. Il continue ses observations : parfum d’homme et cigarette, il ne lui demande pas ce qu’elle a fait cette nuit. Elle répond qu’elle a passé la nuit dans un bouge et qu’elle ne s’est pas changée.
Yves Saint Laurent constate que Betty Catroux porte un Smoking de la dernière collection, et rien en dessous, et les mains dans les poches en petite allumeuse. Il conclut qu’elle est son héroïne. Le grand couturier se lance dans un développement sur le pouvoir diabolique des poches. Il lui indique deux femmes devant qui demandent une table pour déjeuner dans un grand restaurant. La première sans poches se présente devant l’hôte d’accueil du Hilton qui lui demande si elle a réservé : Saint Laurent estime qu’elle a l’air d’une idiote et en effet elle n'obtient pas l’accès. La seconde se présente les mains dans les poches affichant une grande confidence et le majordome la prie de le suivre à l’intérieur. Le grand couturier explique : Les vêtements induisent des gestes, et ces gestes sont des signes. Il poursuit : en l’occurrence, les mains dans les poches sont l’attitude du dominant, celui-ci a le pouvoir en toute décontraction. À leur tour, ils s’approchent de l’entrée, et la femme sans poche reconnaît le créateur. Le maître d’hôtel répond qu’il ne peut pas les laisser entrer. Alors que Saint Laurent fait observer que le restaurant n’a pas l’air bondé, l’hôte explique que les femmes en pantalon ne sont pas admises dans l’établissement.
Le titre indique explicitement le sujet de l’ouvrage : en quoi le Smoking féminin créé par Yves Saint Laurent a constitué une révolution. Dans un premier temps, l’ouvrage peut apparaître déconcertant. Yves Saint Laurent (1936-2008) a remis le croquis fatidique : celui du premier Smoking pour femme, avec un S majuscule pour désigner cette variation sur un vêtement masculin. Puis, le lecteur le suit accompagné par le mannequin français Betty Catroux (1945-) qui fut également sa muse. Pour une question d’accès à un grand restaurant newyorkais, puis un autre, ils rencontrent différentes personnalités historiques, et ils évoquent leur parcours personnel, ainsi que des faits historiques comme la création du modèle initial du smoking (pour homme, sans majuscule). La narration visuelle présente elle aussi des particularités marquées. Elle commence avec des dessins réalisés au crayon sur une feuille de papier blanc cassé de jaune, dont l’artiste semble avoir découpé les contours pour les coller ensuite sur la page blanche, comme s’il avait lui-même réalisé des croquis, une mise en abîme de ceux réalisés par le grand couturier. Pour la première page du chapitre Avancer : une illustration en pleine page mêlant décors à la peinture, et Betty encrée en noir & blanc sur un trottoir blanc immaculé. Le reste de la bande dessinée va ainsi mêler ces trois modes graphiques : croquis sur papier jaune, noir & blanc, couleur directe.
Autre caractéristique très forte du récit : l’intervention de personnages historiques. Saint Laurent fait rapidement mention de Coco Chanel (1883-1971, Gabrielle Chasnel), puis il évoque Pélagie d’Antioche (Ve siècle), et il rentre dans le détail : Marguerite était une comédienne belle et frivole, elle voulait faire pénitence en se retirant dans un couvent de moines basiliens, sous le nom de frère Pélage. Elle voua son existence à Dieu, recluse dans une petite cellule. Son dévouement forgea son extraordinaire réputation. À sa mort, les moines et le clergé découvrirent que frère Pélage était une femme. Remplis d’admiration, ils rendirent grâce à Dieu. Cette femme est donc citée pour avoir porté le pantalon. Puis Betty & Yves rencontrent Julien Joseph Virex (1775-1846, naturaliste et anthropologue) : celui-ci affirme que le pantalon est l’attribut de l’homme et que Betty n’a pas le droit de l’usurper, jugement qu’il fonde sur ses études qui établissent que la nature a conçu l’homme pour penser, la femme pour enfanter. Mais voilà qu’intervient Madeleine Pelletier (1874-1939) habillée en costume masculin, première femme médecin diplômée en psychiatrie en France, accompagnée de Rrose Sélavy (c’est-à-dire Marcel Duchamp, 1887-1968, travesti en femme) et Candy Darling (1944-1974, née James Lawrence Slaterry) qui attestent qu’il existe des exemples de porosité entre les deux genres. Apparaissent ainsi une trentaine de personnes certaines connues comme Andy Warhol (1928-1987), Alexandra David-Néel (1868-1969, exploratrice, première femme occidentale à atteindre Lhassa), Yoko Ono (1933-, artiste), George Sand (1804-1876, écrivaine), jusqu’à Michel Butor (1926-2016, écrivain), Simone de Beauvoir (1908-1986, philosophe et féministe), Marcel Proust (1871-1922) et bien d’autres. Ainsi que certains moins connus du grand public comme Sophie Foucauld (années 19830, typote, surnommée la femme-culotte), Marie Marvingt (1875-1963, cycliste, soldat, infirmière de l’air) ou encore le grand couturier Paul Poiret (1879-1944).
Et d’ailleurs, le principe de couper puis de coller des dessins sur la page rappelle la manière de faire de Philippe Dupuis qui a consacré une bande dessinée à Paul Poiret : Peindre ou ne pas peindre (2019). Quoi qu’il en soit, celle-ci commence avec des dessins sans bordures, pour le prologue, puis avec une illustration en pleine page pour l’ouverture du premier chapitre, avec ensuite des cases alignées en bande, sans gouttière pour les séparer dans une même bande. Parfois un personnage ou un objet (comme une cravate découpée) peut dépasser de la bordure d’une case, sur la bande inférieure. À d’autres moments, l’artiste peut revenir à des images sans bordure, juxtaposées, ou comme en insert les unes à côté des autres. Une juxtaposition d’images par exemple pour les différents stades d’évolution des braies au pantalon des sans-culotte. Il continue de d’entremêler des passages en noir & blanc, avec des passages en couleurs, parfois au sein d’une même case. Lorsqu’il s’agit d’évoquer le noir du Smoking, le grand renoncement à la couleur, les fonds de page deviennent noirs. Puis les dessins se font plus conceptuels, se rapprochant de l’abstraction. Le lecteur a tôt fait de s’adapter à cette apparence sortant de l’ordinaire, pour apprécier la liberté qu’elle apporte, ainsi que son élégance, et sa capacité à aborder des thèmes et des idées très variées, autour du port du pantalon et du geste politique que constitue la conception de tenues pour les femmes.
De la même manière, la construction de la balade de Betty & Yves marie élégamment une approche chronologique sur le port du pantalon à travers différentes civilisations, des éléments techniques sur la haute couture et des informations personnelles sur ces deux personnages. Sans être de nature biographique, le récit évoque les origines de Betty et celles d’Yves ainsi que leur parcours professionnel, sans s’appesantir sur leur vie affective et amoureuse ou sur les polémiques de leur vie (par exemple les sources d’inspiration de La vilaine Lulu, 1967). Le lecteur découvre également le rôle des premiers d’atelier, avec Jean-Pierre Derbord et Alain Marchais premiers d’atelier pour Yves Saint Laurent, l’origine du smoking pour homme grâce aux goûts d’Édouard VII (1841-1910), l’importance des tenues militaires dans la création de Saint Laurent (le caban, la saharienne, le trench) le symbolisme du noir dans les vêtements, etc. Tout du long, la question du port du pantalon occupe également une place importante : en particulier la franche opposition des hommes à ce que les femmes puissent en porter, dans la société occidentale, avec de nombreuses références culturelles et historiques mettant en évidence que cette transgression relève d’une construction artificielle, qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Même si Yves Saint Laurent répond à Betty qu’il s’agit d’une évolution, le lecteur comprend en quoi le Smoking féminin a constitué une révolution, comme l’annonce le titre.
En effet, le Smoking (le modèle féminin créé par Yves Saint Laurent) est bien au centre de cet ouvrage qui le contextualise dans l’époque où il a vu le jour, aussi bien socialement que culturellement. Scénario et narration visuelle sont en phase : faisant usage d’une liberté de créer, de jouer sur les formes, aussi bien celle de la balade du couturier et de son modèle à New York qu’esthétiques entre couleurs et noir & blanc, représentations figuratives et croquis, pour mettre en scène une phase significative de la modernité, provoquée par cette création haute couture. Plus que la mode, une libération.
Qu'ajouter ?
Réellement, qu'ajouter aux autres avis ? Que dire sur cette série qui n'ait pas déjà été dit ?
Fabien Toulmé n'a ici qu'un seul objectif : humaniser les migrants, les réfugiés. Leur donner un visage, les laisser être humains à nouveau. A nos yeux.
Et son objectif, il l'accomplit haut la main. Hakim, quel que soit son nom, est un visage de réfugié parmi deux cent, mille, 5 millions et demi. Ceux qui ont fui la guerre, la dictature, la violence, bientôt les effets délétères d'un climat qui se détraque. Et eux, les autres, les envahisseurs, les ennemis, nous ne les voyons plus comme humain.
Cette BD est salutaire. Elle met en mot et en image leur parcours, rappelle que ces migrants étaient des familles, des patrons et des ouvriers, des amis, des frères, des pères, des proches. Qu'ils ont perdu leur vies, leur biens, leur travail, leur société, leur culture.
Hakim a survécu pour en parler. Il a eu de la chance, beaucoup de chances. 3.000 d'entre eux n'ont pas survécu à la traversée l'année dernière. Des milliers d'entre eux sont refoulés hors de frontières de notre UE pour les renvoyer dans les marchands de misère qui exploitent leur argent en leur vendant de l'espoir.
Cette BD, c'est une claque dans la gueule. Elle m'a arraché des larmes parfois devant des choses banales, comme cette solidarité très belle dont certains réussissent à faire preuve dans cet enfer de la migration. La bonté humaine, si simple et parfois cruciale, qui existe encore.
Cette série est à lire. Elle est à offrir. Elle est à faire lire aux plus jeunes. A refaire lire aux plus vieux.
Qu'ajouter ?
En France, les livres sont au même prix partout. C'est la loi !
Avec BDfugue, vous payez donc le même prix qu'avec les géants de la vente en ligne mais pour un meilleur service :
des promotions et des goodies en permanence
des réceptions en super état grâce à des cartons super robustes
une équipe joignable en cas de besoin
2. C'est plus avantageux pour nous
Si BDthèque est gratuit, il a un coût.
Pour financer le service et le faire évoluer, nous dépendons notamment des achats que vous effectuez depuis le site. En effet, à chaque fois que vous commencez vos achats depuis BDthèque, nous touchons une commission. Or, BDfugue est plus généreux que les géants de la vente en ligne !
3. C'est plus avantageux pour votre communauté
En choisissant BDfugue plutôt que de grandes plateformes de vente en ligne, vous faites la promotion du commerce local, spécialisé, éthique et indépendant.
Meilleur pour les emplois, meilleur pour les impôts, la librairie indépendante promeut l'émergence des nouvelles séries et donc nos futurs coups de cœur.
Chaque commande effectuée génère aussi un don à l'association Enfance & Partage qui défend et protège les enfants maltraités. Plus d'informations sur bdfugue.com
Pourquoi Cultura ?
Indépendante depuis sa création en 1998, Cultura se donne pour mission de faire vivre et aimer la culture.
La création de Cultura repose sur une vision de la culture, accessible et contributive. Nous avons ainsi considéré depuis toujours notre responsabilité sociétale, et par conviction, développé les pratiques durables et sociales. C’est maintenant au sein de notre stratégie de création de valeur et en accord avec les Objectifs de Développement Durable que nous déployons nos actions. Nous traitons avec lucidité l’impact de nos activités, avec une vision de long terme. Mais agir en responsabilité implique d’aller bien plus loin, en contribuant positivement à trois grands enjeux de développement durable.
Nos enjeux environnementaux
Nous sommes résolument engagés dans la réduction de notre empreinte carbone, pour prendre notre part dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la planète.
Nos enjeux culturels et sociétaux
La mission de Cultura est de faire vivre et aimer la culture. Pour cela, nous souhaitons stimuler la diversité des pratiques culturelles, sources d’éveil et d’émancipation.
Nos enjeux sociaux
Nous accordons une attention particulière au bien-être de nos collaborateurs à la diversité, l’inclusion et l’égalité des chances, mais aussi à leur épanouissement, en encourageant l’expression des talents artistiques.
Votre vote
Barracuda
Le Barrucuda, c'est le nom d'un navire pirate commandé par le terrible Blackdog. C'est à son bord que nous ferons la connaissance de 3 adolescents, devenus jeunes adultes au fil des tomes. Mais c'est sur l'île de Puerto Blanco que nous suivrons leurs destins croisés. Entre violence, complots et stratagèmes il n'est pas aisé de rester en vie sur l'île des pirates ... Une histoire de pirates qui se déroule principalement à terre, voici le pari tenté par Dufaux. Pari risqué mais pari réussi. En effet la terre ferme semble être un théâtre beaucoup plus propice aux rebondissements que la haute mer. Questions d'espace et de densité de vauriens sans doute. Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est le fait que l'on ne s'ennuie pas à la lecture de cette série. Il y a sans cesse des rebondissements. Cette concentration d'évenement nous maintient alerte tout au long de la lecture. Il y a une vraie qualité cinématographique à cette série. Cela correspond d'ailleurs à une volonté exprimée par Dufaux dans sa préface. Ensuite viennent les dessins de Jéremy qui sont remarquables. D'ailleurs de ce point de vue là il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec Murena. Cela à d'ailleurs été une de mes premières réflexion à la lecture des premières pages. Rien d'étonnant à cela vu que Jéremy fut l'élève de Delaby et participa également à la série mère. Force est de constater que l'élève n'est plus très loin du maitre. Le petit point négatif que je relèverai est peut-être la longueur de la série. Six tomes. Pour certains ça parait un peu court au vue de la quantité (et de la qualité) de développement qu'il aurait été possible de faire. Pour ma part s'il est bien d'avoir une série qui ne s'étend pas indéfiniment, j'ai été un peu frustré d'un dénouement un poil trop rapide. Avec un ou deux tomes maxi en plus je pense qu'on aurait eu le droit à une série parfaite. Au final j'ai été largement conquis par cette série et lui réserve donc une place de choix dans ma bibliothèque.
La Femme accident
C'est avec plaisir que j'ai retrouvé deux de mes auteurs préférés. Une fois encore je n'ai pas été déçu par ce drame social évoqué dans le huis clos du tribunal. La construction du récit est très astucieuse sous des dehors classiques. Julie présumée suspecte d'un meurtre se voit contrainte d'exposer sa vie intime à un public impassible et surtout à un lecteur mis à contribution comme le dévoilera le final. Malgré une voix off très présente et de nombreux flash back le récit reste très fluide et dynamique. J'ai bien trouvé quelques temps morts et quelques failles dans le T2 mais l'ensemble reste cohérent et solide. Il faut dire que Lapiere propose une galerie de personnages autour de la séduisante Julie avec des personnalités très bien travaillées. La description de cet amour adolescent égoïste dont est victime le couple Julie/Théo est un classique rencontré par de nombreux services sociaux qui aident des JF en difficultés. J'ai aussi beaucoup aimé les personnages d'Armand et surtout de sa femme qui sonnent vraiment justes. Toutefois l'astuce première des auteurs est à mettre au crédit du graphisme de Grenson. Je me suis déjà exprimé sur l'admiration et l'immense plaisir de lecture que me procure cet auteur. Julie est envoûtante, les personnages sont tous finement travaillés sans aucun laissé pour compte, et les ambiances de Charleroi ou du luxe de la croisière ou de Paris renvoient à des réalités existantes. Le plus est évidemment cette séduction permanente qui émane de Julie. Grenson travaille son lecteur (surtout mâle) dès les premières images avec la tenue impeccable de Julie. Les auteurs placent subtilement leur lectorat dans le position d'un juré supplémentaire qui doit faire la part des choses entre une Julie séductrice et mythomane ou une victime sincère. Ce final superbe avec une Julie les yeux dans les yeux avec le lecteur renforce notre désarroi pour connaître le fin mot de l'histoire. Pour enfoncer le clou les deux auteurs s'amusent à conclure sur un épilogue australien qui n'explique rien puisque l'enfant est devenu ado. Un diptyque très plaisant à redécouvrir pour un bon moment de lecture récréative.
Jean de Florette
J'aime beaucoup cette collection qui reprend les œuvres de Pagnol. Une fois encore Scotto et Stoffel ne m'ont pas déçu. Jean de Florette reste inoubliable grâce à son interprétation cinématographique autour de Montand, Auteuil et Depardieu. Comme d'habitude les auteurs suivent à la lettre la lettre et l'esprit de ce roman presque noir. Le premier tome prend le temps de travailler la personnalité dure et avide du Papet et de Ugolin. Le naïf et utopique Jean rempli de bons sentiments sera la victime de ces personnages inflexibles dans une montée de la dramatisation (tome 2) qui est fidèle au roman. C'est Alexandre Tefenkgi qui lance le diptyque suivi par Christelle Galland sans que l'on note une grosse discontinuité dans l'approche graphique. Je suis plus habitué au style plus rond de Tanco mais je reconnait que ce trait plus dur convient parfaitement à la sècheresse et la dureté du récit. Encore une belle lecture pleine de soleil peut être un peu trop ici.
The Promised Neverland
Un manga que j’avais injustement boudé jusqu’il y a peu, m’imaginant un truc niais ou dans la veine de Sept naufragés. Verdict : c’est pas ça du tout, je ne pense pas relire un jour mais la série a réussi à me tenir en haleine de a à z. Je la conseille de bon cœur. Le dessin est de bonne facture et si j’avais un peu peur de suivre une bande de gamins, ces derniers se révèlent vite attachants. Niveau histoire, je ne dirais rien et vous conseillerai de vous y lancer vraiment à l’aveugle. La surprise et l’enchaînement des événements participent pour beaucoup au plaisir de lecture, la fin m’a satisfait. Bref n’en jetez plus, ce manga mérite son excellente réputation, plutôt astucieux dans son rendu teenage et un peu dark. On peut bien lui reprocher 2, 3 trucs (longueur, héroïne …) mais les nombreux points positifs l’emportent. Un chouette voyage.
Haute enfance
Un récit de jeunes garçons dans la Tunisie des années 80. Ils sont trois dans la même classe, un peu turbulents, surtout le plus âgé d'entre eux qui est un pur rebelle aux allures de petit caïd. A l'inverse, leur maître d'école est ultra sévère et les punit douloureusement à chacune de leurs bêtises. Poussé par le plus grand, ils vont chercher à se venger de lui et traverser la banlieue de Tunis à pied pour atteindre son logement. Sauf que le petit frère de l'un des trois l'a forcé à le laisser les accompagner. Et bien qu’il soit un excellent joueur de football et un garçon débrouillard, l’aventure est trop grande pour lui, tout comme pour les trois autres d’ailleurs. Avec une économie de traits et un style volontairement lâché, l’auteur parvient à restituer avec justesse l’atmosphère des rues et des terrains vagues d’un Maghreb de l’époque, un décor familier à ceux, comme moi, qui ont grandi en Afrique dans les années 70 et 80. Ce récit m’a rappelé ces amitiés un peu risquées, ces aventures d’enfants audacieux qui se lancent dans des bêtises ensemble. Le quatuor de personnages, aux personnalités bien distinctes, fonctionne parfaitement. Il y a ce rebelle, d’abord effrayant dans son nihilisme, mais qui se dévoile sous un jour plus humain quand il nous montre ses failles, notamment à travers sa passion pour la danse. À ses côtés, un ami franco-tunisien, blond, qui lutte contre la perception qu’on a de lui comme étant plus français que tunisien. Puis, le petit frère, brillant et talentueux, mais encore trop immature pour saisir pleinement les enjeux de l’aventure. Enfin, le quatrième ami, plus sage, qui, bien que de nature raisonnable, suit néanmoins le rebelle comme un chef. Leur périple à travers les quartiers en construction de la banlieue tunisienne prend des airs de traversée du désert, comme un groupe de cow-boys s’aventurant dans un environnement à la fois familier et menaçant. Peu à peu, nous découvrons leur véritable objectif, un secret que le petit frère ignore presque jusqu’à la fin, étant un peu l’intrus dans cette escapade. L’ambiance est d’une rare efficacité, évoquant de manière poignante et parfois dérangeante ces souvenirs d’enfance où l’on ressent à la fois l’excitation du danger et l’intensité de l’aventure, loin du regard des adultes, dans un monde pourtant banal. La fin, bien que brusque, se révèle à la fois puissante et cruelle, laissant place à une ouverture qui fait écho à la nature même des souvenirs d’enfance : on ne saura jamais vraiment ce qu’il s’est passé après la fuite. J’aurais aimé des dessins plus soignés et des décors plus détaillés, mais peut-être que cela aurait diminué l’intensité de la narration et l’atmosphère si particulière qui se dégage de ce récit.
L'Escamoteur
J’ai emprunté cet album un peu au hasard, et je pensais, à la vue de la couverture et de la citation en exergue, avoir affaire à un polar mâtiné de politique comme savait en écrire Manchette. S’il y a bien de ça dans ce récit, c’est en fait bien plus complexe, et ça ressemble plutôt à un quasi documentaire tournant autour de l’engagement politique violent durant les années 1970, à propos de la cause palestinienne, mais surtout autour de groupes de l’ultra gauche, comme Action directe. Les auteurs se sont énormément documentés (ce que confirme l’imposante bibliographie en fin de volume) et le récit est clair et complet, la narration est fluide. Il n’est pas nécessaire de connaitre le sujet avant d’entamer la lecture, même si, le sujet m’intéressant de longue date, j’y suis entré très facilement. Outre la traque des leaders d’Action Directe par divers services de police et de renseignement, le récit est centré sur un personnage intrigant – et intriguant ! – que je ne connaissais pas du tout, Gabriel Chahine, qui a permis aux policiers d’infiltrer AD. Le dessin est un peu inégal (surtout sur certains visages), mais globalement je l’ai bien aimé. Les décors sont réussis, et le rendu, usant de diverses bichromies, est agréable. Une lecture intéressante.
Dantès
Je ne pouvais pas attendre de lire le prochain tome, l'histoire était très intéressante et prenante. Une série vraiment géniale. À lire !
Le Roi des fauves
Tiré d'un roman, cette histoire de fantasy allie un dessin tout ce qu'il y a de plus agréable et de plus lisible avec un scénario original. Le tout en respectant les codes du genre mais en évitant les clichés habituels. Il y aura donc bien une quête, qui impose la traversée d'une forêt hostile, à la recherche du mystérieux roi des fauves. Avant d'en arriver là, l'introduction permet de poser le contexte de cet univers et de faire connaissance avec nos héros. Au delà de la découverte de ces fondations, l'intrigue est vite prenante et, du coup, on part à l'aventure avec entrain et curiosité. Il est donc question de 3 adolescents, condamnés pour diverses raisons avec d'autres personnages, à devenir des bersekirs, sortes de monstres mi animaux, mi humains. Pour cela on leur a injecté une sorte de ver dans l'organisme, qui va les dévorer petit à petit de l'intérieur et les transformer progressivement. Leur prison est une immense forêt froide et humide. Ils n'ont que quelques jours devant eux avant que la transformation ne s'opère... Tout ça fonctionne vraiment très très bien. L'histoire est rythmée, prenante, originale. On suit avec curiosité la progression de nos jeunes héros. Qu'est ce qui est en train de leur arriver ? Vont ils vraiment se transformer en monstres ? Par petites touches intelligemment distillées, on voit les premiers effets des vers qui s'attaquent à eux. Ca amène une petite tension bienvenue. Ca amène surtout ce qu'il faut de mystères et d'originalité pour que cette histoire sorte du lot. Je suis souvent critique avec l'heroic fantasy, un genre qui a du mal à se renouveler et à être original. Mais ici l'intrigue est interessante et rondement menée. Elle ne s'étire pas en longueurs inutiles. La conclusion est prévue avec le second tome. Et il y a dans le premier juste ce qu'il faut de suspens et de tension pour donner envie de connaitre le dénouement de ce diptyque.
Smoking - La Révolution Yves Saint Laurent
Comment redessine-t-il le corps de la femme dans cette nouvelle collection ? - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, s’attachant au Smoking et aux contextes de sa création. Son édition originale date de 2024 Il a été réalisé par Loo Hui Phang pour le scénario, et par Benjamin Bachelier pour les dessins et les couleurs. Il comprend environ cent-quarante pages de bande dessinée. Il se termine avec huit pages présentant de manière synthétique trente-quatre personnalités historiques croisées au cours de l’ouvrage, d’Anne-Marie Muñoz (1933-2020) à Marcel Proust (1871-1922), puis par une chronologie reprenant vingt-deux dates de la vie de Saint Laurent, et quatorze dates d’événements choisis dans l’évolution de la condition sociale de la femme en France. Prologue en mouvement. En 1966, à sa table de travail, Yves Saint Laurent est en train de réaliser le croquis d’une nouvelle création. Anne-Marie, une assistante entre dans la pièce et lui indique que les premiers et les premières d’atelier attendent ses croquis. Il lui remet son dernier croquis, elle commente : un nouveau défi pour l’atelier. Il explique : un Smoking, comme celui des hommes, mais adapté à la femme. Le vestiaire masculin est une pyramide et le smoking en est le sommet. Elle répond qu’il fait un vrai hold-up : ce sera une révolution. Il corrige : non, juste une évolution. – Avancer. New York en 1967, Betty Catroux retrouve Yves Saint Laurent au pied d‘un immeuble. Il lui demande ce qu’elle a fait à ses cheveux. Il trouve que c’est sauvage, c’est chic. Quand elle lui dit qu’elle ne les a pas lavés depuis cinq jours, il s’exclame : Quelle horreur ! Et il lui demande d’aller les laver, ce qu’elle refuse. Il continue ses observations : parfum d’homme et cigarette, il ne lui demande pas ce qu’elle a fait cette nuit. Elle répond qu’elle a passé la nuit dans un bouge et qu’elle ne s’est pas changée. Yves Saint Laurent constate que Betty Catroux porte un Smoking de la dernière collection, et rien en dessous, et les mains dans les poches en petite allumeuse. Il conclut qu’elle est son héroïne. Le grand couturier se lance dans un développement sur le pouvoir diabolique des poches. Il lui indique deux femmes devant qui demandent une table pour déjeuner dans un grand restaurant. La première sans poches se présente devant l’hôte d’accueil du Hilton qui lui demande si elle a réservé : Saint Laurent estime qu’elle a l’air d’une idiote et en effet elle n'obtient pas l’accès. La seconde se présente les mains dans les poches affichant une grande confidence et le majordome la prie de le suivre à l’intérieur. Le grand couturier explique : Les vêtements induisent des gestes, et ces gestes sont des signes. Il poursuit : en l’occurrence, les mains dans les poches sont l’attitude du dominant, celui-ci a le pouvoir en toute décontraction. À leur tour, ils s’approchent de l’entrée, et la femme sans poche reconnaît le créateur. Le maître d’hôtel répond qu’il ne peut pas les laisser entrer. Alors que Saint Laurent fait observer que le restaurant n’a pas l’air bondé, l’hôte explique que les femmes en pantalon ne sont pas admises dans l’établissement. Le titre indique explicitement le sujet de l’ouvrage : en quoi le Smoking féminin créé par Yves Saint Laurent a constitué une révolution. Dans un premier temps, l’ouvrage peut apparaître déconcertant. Yves Saint Laurent (1936-2008) a remis le croquis fatidique : celui du premier Smoking pour femme, avec un S majuscule pour désigner cette variation sur un vêtement masculin. Puis, le lecteur le suit accompagné par le mannequin français Betty Catroux (1945-) qui fut également sa muse. Pour une question d’accès à un grand restaurant newyorkais, puis un autre, ils rencontrent différentes personnalités historiques, et ils évoquent leur parcours personnel, ainsi que des faits historiques comme la création du modèle initial du smoking (pour homme, sans majuscule). La narration visuelle présente elle aussi des particularités marquées. Elle commence avec des dessins réalisés au crayon sur une feuille de papier blanc cassé de jaune, dont l’artiste semble avoir découpé les contours pour les coller ensuite sur la page blanche, comme s’il avait lui-même réalisé des croquis, une mise en abîme de ceux réalisés par le grand couturier. Pour la première page du chapitre Avancer : une illustration en pleine page mêlant décors à la peinture, et Betty encrée en noir & blanc sur un trottoir blanc immaculé. Le reste de la bande dessinée va ainsi mêler ces trois modes graphiques : croquis sur papier jaune, noir & blanc, couleur directe. Autre caractéristique très forte du récit : l’intervention de personnages historiques. Saint Laurent fait rapidement mention de Coco Chanel (1883-1971, Gabrielle Chasnel), puis il évoque Pélagie d’Antioche (Ve siècle), et il rentre dans le détail : Marguerite était une comédienne belle et frivole, elle voulait faire pénitence en se retirant dans un couvent de moines basiliens, sous le nom de frère Pélage. Elle voua son existence à Dieu, recluse dans une petite cellule. Son dévouement forgea son extraordinaire réputation. À sa mort, les moines et le clergé découvrirent que frère Pélage était une femme. Remplis d’admiration, ils rendirent grâce à Dieu. Cette femme est donc citée pour avoir porté le pantalon. Puis Betty & Yves rencontrent Julien Joseph Virex (1775-1846, naturaliste et anthropologue) : celui-ci affirme que le pantalon est l’attribut de l’homme et que Betty n’a pas le droit de l’usurper, jugement qu’il fonde sur ses études qui établissent que la nature a conçu l’homme pour penser, la femme pour enfanter. Mais voilà qu’intervient Madeleine Pelletier (1874-1939) habillée en costume masculin, première femme médecin diplômée en psychiatrie en France, accompagnée de Rrose Sélavy (c’est-à-dire Marcel Duchamp, 1887-1968, travesti en femme) et Candy Darling (1944-1974, née James Lawrence Slaterry) qui attestent qu’il existe des exemples de porosité entre les deux genres. Apparaissent ainsi une trentaine de personnes certaines connues comme Andy Warhol (1928-1987), Alexandra David-Néel (1868-1969, exploratrice, première femme occidentale à atteindre Lhassa), Yoko Ono (1933-, artiste), George Sand (1804-1876, écrivaine), jusqu’à Michel Butor (1926-2016, écrivain), Simone de Beauvoir (1908-1986, philosophe et féministe), Marcel Proust (1871-1922) et bien d’autres. Ainsi que certains moins connus du grand public comme Sophie Foucauld (années 19830, typote, surnommée la femme-culotte), Marie Marvingt (1875-1963, cycliste, soldat, infirmière de l’air) ou encore le grand couturier Paul Poiret (1879-1944). Et d’ailleurs, le principe de couper puis de coller des dessins sur la page rappelle la manière de faire de Philippe Dupuis qui a consacré une bande dessinée à Paul Poiret : Peindre ou ne pas peindre (2019). Quoi qu’il en soit, celle-ci commence avec des dessins sans bordures, pour le prologue, puis avec une illustration en pleine page pour l’ouverture du premier chapitre, avec ensuite des cases alignées en bande, sans gouttière pour les séparer dans une même bande. Parfois un personnage ou un objet (comme une cravate découpée) peut dépasser de la bordure d’une case, sur la bande inférieure. À d’autres moments, l’artiste peut revenir à des images sans bordure, juxtaposées, ou comme en insert les unes à côté des autres. Une juxtaposition d’images par exemple pour les différents stades d’évolution des braies au pantalon des sans-culotte. Il continue de d’entremêler des passages en noir & blanc, avec des passages en couleurs, parfois au sein d’une même case. Lorsqu’il s’agit d’évoquer le noir du Smoking, le grand renoncement à la couleur, les fonds de page deviennent noirs. Puis les dessins se font plus conceptuels, se rapprochant de l’abstraction. Le lecteur a tôt fait de s’adapter à cette apparence sortant de l’ordinaire, pour apprécier la liberté qu’elle apporte, ainsi que son élégance, et sa capacité à aborder des thèmes et des idées très variées, autour du port du pantalon et du geste politique que constitue la conception de tenues pour les femmes. De la même manière, la construction de la balade de Betty & Yves marie élégamment une approche chronologique sur le port du pantalon à travers différentes civilisations, des éléments techniques sur la haute couture et des informations personnelles sur ces deux personnages. Sans être de nature biographique, le récit évoque les origines de Betty et celles d’Yves ainsi que leur parcours professionnel, sans s’appesantir sur leur vie affective et amoureuse ou sur les polémiques de leur vie (par exemple les sources d’inspiration de La vilaine Lulu, 1967). Le lecteur découvre également le rôle des premiers d’atelier, avec Jean-Pierre Derbord et Alain Marchais premiers d’atelier pour Yves Saint Laurent, l’origine du smoking pour homme grâce aux goûts d’Édouard VII (1841-1910), l’importance des tenues militaires dans la création de Saint Laurent (le caban, la saharienne, le trench) le symbolisme du noir dans les vêtements, etc. Tout du long, la question du port du pantalon occupe également une place importante : en particulier la franche opposition des hommes à ce que les femmes puissent en porter, dans la société occidentale, avec de nombreuses références culturelles et historiques mettant en évidence que cette transgression relève d’une construction artificielle, qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Même si Yves Saint Laurent répond à Betty qu’il s’agit d’une évolution, le lecteur comprend en quoi le Smoking féminin a constitué une révolution, comme l’annonce le titre. En effet, le Smoking (le modèle féminin créé par Yves Saint Laurent) est bien au centre de cet ouvrage qui le contextualise dans l’époque où il a vu le jour, aussi bien socialement que culturellement. Scénario et narration visuelle sont en phase : faisant usage d’une liberté de créer, de jouer sur les formes, aussi bien celle de la balade du couturier et de son modèle à New York qu’esthétiques entre couleurs et noir & blanc, représentations figuratives et croquis, pour mettre en scène une phase significative de la modernité, provoquée par cette création haute couture. Plus que la mode, une libération.
L'Odyssée d'Hakim
Qu'ajouter ? Réellement, qu'ajouter aux autres avis ? Que dire sur cette série qui n'ait pas déjà été dit ? Fabien Toulmé n'a ici qu'un seul objectif : humaniser les migrants, les réfugiés. Leur donner un visage, les laisser être humains à nouveau. A nos yeux. Et son objectif, il l'accomplit haut la main. Hakim, quel que soit son nom, est un visage de réfugié parmi deux cent, mille, 5 millions et demi. Ceux qui ont fui la guerre, la dictature, la violence, bientôt les effets délétères d'un climat qui se détraque. Et eux, les autres, les envahisseurs, les ennemis, nous ne les voyons plus comme humain. Cette BD est salutaire. Elle met en mot et en image leur parcours, rappelle que ces migrants étaient des familles, des patrons et des ouvriers, des amis, des frères, des pères, des proches. Qu'ils ont perdu leur vies, leur biens, leur travail, leur société, leur culture. Hakim a survécu pour en parler. Il a eu de la chance, beaucoup de chances. 3.000 d'entre eux n'ont pas survécu à la traversée l'année dernière. Des milliers d'entre eux sont refoulés hors de frontières de notre UE pour les renvoyer dans les marchands de misère qui exploitent leur argent en leur vendant de l'espoir. Cette BD, c'est une claque dans la gueule. Elle m'a arraché des larmes parfois devant des choses banales, comme cette solidarité très belle dont certains réussissent à faire preuve dans cet enfer de la migration. La bonté humaine, si simple et parfois cruciale, qui existe encore. Cette série est à lire. Elle est à offrir. Elle est à faire lire aux plus jeunes. A refaire lire aux plus vieux. Qu'ajouter ?