C'est presque par hasard que j'ai découvert cette bande-dessinée. En la feuilletant, j'ai retrouvé mes souvenirs quand je lisais ces western en petit format et en noir& blanc. J'ai donc rapidement cédé , et j'avoue avoir bien fait.
Les éditons Paquet ont eu en effet la très bonne idée de rééditer cette saga illustrée et surtout dirigée par Gino d'Antonio, auteur que j'ai découvert à cette occasion.
Malgré ses près de 310 pages, j'ai lu ce premier volume d'une traite. C'est passionnant et surtout prenant.Même si parfois les personnages sont caricaturaux,je me suis laissé embarqué dans les aventures de Brett Mac Donald. Pour les plus vieux d'entre-nous, il vous rappellera sans nul doute la série éponyme de la fin des années 70 " la conquête de l'Ouest" avec le fameux Zébulon, qui retraçait les aventures de la famille des Macahan.
Pour les cinéphiles, l'esprit du film "la conquête de l'Ouest" de John Ford et compagnie (pas un de ses meilleurs) est bien présent dans cette série.
Les dessins de Gino d'Antonio et des autres dessinateurs sont parfaits, et j'ai songé, parfois en tournant les pages, à cette série que j'achetais, et que j'ai pieusement conservé, lorsque j'étais enfant "l'histoire du Far-West en bande dessinée Larousse".
En découvrant la préface, j'ai noté que cette saga qui compte près de 75 épisodes ( cette présente intégrale regroupe les trois premiers épisodes) a connu pas mal de soubresauts dans l'histoire de son édition.
Espérons que les éditions Paquet puissent aller au bout de cette aventure éditoriale qui devrait compter plus de vingt volumes.
En tout cas, le format choisi, et la mise en couleur font de cette intégrale une de mes meilleures découvertes du patrimoine éditorial de la bande dessinée.
A redécouvrir d'urgence.
Et je rejoins tous les camarades qui m'ont précédé. En effet, superbement dessiné. On reste dans le style des précédents albums. C'est vif, coloré, beau.
Les personnages sont à peine crédibles, juste assez pour nous maintenir dans le rythme de l'histoire.
Cette mise en image du far "est" de la Russie des années 1990 est juste une dinguerie à découvrir.
Encore une histoire touchante où cette fois la narratrice se fait diagnostiquer épileptique, puis entame avec ses parents un long parcours de lutte contre cette maladie. Outre la force de ce récit, j'ai aussi particulièrement apprécié les mises en image, en page du mal, des journées répétitives, des dessins du moment... Tout autant un beau récit de lutte qu'un beau geste artistique.
J'avais pour ma part beaucoup aimé Blast et j'ai vraiment apprécié " La route ".
En principe, je fuis les adaptations, en principe, je fuis les bds trop sombres voire celles qui comportent peu de textes, mais il y a ces bds et celles de Larcenet. Et Larcenet, vos principes, il s'en fout, il est juste immense.
Lors de ma lecture (alors que j'y allais à reculons en pensant que l'adaptation serait forcément manquée donc), j'ai vraiment été happé par l'ambiance. J'ai même trouvé certains moments touchants alors que je connaissais déjà l'histoire (Larcenet n'est pas dans la surenchère, le ton est juste), ce que contiennent les regards peut parfois nous étreindre et je trouve qu'il a justement réussi à retranscrire l'âpreté du récit.
Le dessin est vraiment impressionnant : chaque case (le tableau le plus noir, l'apparition d'un cadavre, un pendentif d'os humains, un panache de fumée et de cendres...) devient une gravure qui évoque notamment Dürer ou O. Dix. Larcenet peint l'horreur et c'est beau. Je garde en tête également les cases du robinet en gros plan, du plat de pâtes, qui montrent le confort retrouvé de façon inespérée dans ce local souterrain par exemple et cette sensation finit même par irradier le lecteur.
Pour moi, on ne pouvait retrouver l'ambiance du roman (que j'avais bien aimé), ça me semblait impossible de retranscrire en même temps dans une BD, la progression difficile au milieu de la désolation, la combat quotidien pour la survie, la tendresse du père pour son fils, la faim qui tenaillle, le froid et le vent, de peindre ce sentiment étrange aussi face à cette mer qu'ils ont cherché obstinément à atteindre et qui s'étend devant eux, grise, indolente...
Et on retrouve tout cela, Larcenet condense même tout cela parfois dans les yeux du père.
Très bel album.
Je ne connaissais pas Cati Baur, réalisant après ma lecture qu'elle était l'autrice de Pisse-Mémé, mais j'ai été immédiatement séduit par cette histoire menée de bout en bout comme un savon sur lequel on glisse en sortant de la douche. Paf ! T'arrive à la fin, et c'est déjà fini et c'était trop bien.
Le trait de l'autrice évoque celui de Camille Jourdy, soit un petit trait frais et léger qui semble vous prendre dans le creux de la main, jouissant d'un colorisation sans esbroufe. C'est très agréable à lire et ne souffre d'aucune critique, tout comme les dialogues qui articulent très bien la narration. Les personnages respirent la vie vraie et on s'attache à eux d'emblée. En outre, c'est très drôle et l'humour n'est jamais forcé.
Marcie est une cinquantenaire en pleine crise de préménopause qui cherche un second souffle professionnel. Poussée par sa fille, elle devient détective privée. Dans un premier temps, elle résout des affaires de chiens volés avant de se voir confier une sombre histoire de suicide, potentiellement maquillé. Le scénario est très bien ficelé. Marcie enquête sur cette fille "tombée" d'une fenêtre, et en s'investissant dans cette affaire, elle va peu à peu avancer vers la résolution de sa crise existentielle : en effet, sans rien dévoiler, on peut se contenter de dire qu'il y a en effet des situations renversées dans cette BD, des effets de miroir.
Oui, ce récit simple regorge de petites subtilités qui lui donnent toute sa saveur. Une lecture très agréable, à la fois légère et palpitante, crédible et hors du commun, avec des personnages aussi vrais que nature. Bonne surprise !
Il serait souhaitable que l'excellent travail d'Iris-Amata Dion et de Xavier Henrion ne prenne pas la poussière des étagères d'une BM mais arrive jusqu'aux bureaux des élus à quelques mètres de là. En effet à partir de la rencontre avec neufs spécialistes ( 3 femmes et 6 hommes) du GIEC les deux auteurs-trices ont réussi à produire un ouvrage clair, facile d'accès et qui invite à la fois à approfondir le sujet au niveau communautaire ( les élus) et au niveau personnel ( le citoyen).
Le scénario proposé par Xavier Henrion est très intelligent. Il structure son récit en étapes/rencontres qui suivent la courbe du deuil de Kübler-Ross pour les malades en phase terminale reprise par Joanna Macy pour l'écologie. Cela donne beaucoup de fluidité, de sens et même d'espoir à la narration. Pourtant la thématique est lourde comme un deuil prochain. La volonté des auteurs est multiple. Il faut d'abord transmettre le savoir via un medium attractif et simple ( pas simpliste) sans dénaturer la rigueur et l'impartialité scientifique du discours. Le sujet est tellement complexe qu'il a fallu recentrer sur les thématiques premières sans se perdre dans des digressions perturbatrice. Pari réussi pour ma part. Malgré mon intérêt pour le sujet depuis Rio j'ai encore appris bien des choses. C'est le mérite de cette excellente construction de recentrer sur l'essentiel , les émissions de GES (gaz à effet de serre) (ramenées à tonnes d'équivalent CO2) dans l'atmosphère . Aucunement besoin d'avoir un bagage scientifique fourni pour comprendre et être touché(e) par le message. Le récit aborde le sujet par différents angles ( technique, social, économique, culturel, éthique) ce qui donne un aperçu qui me semble complet et cohérent. Enfin si les intervenants se veulent lucides et pas naïfs, ils évitent une dramatisation anxiogène dans une volonté de redressement.
A mon avis c'est le meilleur état des lieux impartial, simple et accessible que j'ai lu sur le sujet malgré quelques petites réserves.
De plus j'ai été sous le charme de la mise en image de Xavier Henrion. Le dessinateur réussit à donner un très fort dynamisme à des situations d'interview par définition statiques. Henrion se met en scène d'une façon très convaincante dans ses questions toujours pertinentes, ses états d'âmes devant la situation d'urgence sans oublier une pointe d'humour bienvenue pour alléger l'ambiance. Ses propositions visuelles participent pleinement à la fluidité et à la facilité de la lecture. Cela reste tout de même une lecture exigeante mais non rébarbative.
Et moi dans tout cela ? L'un des attraits du livre est de renvoyer chaque lectrice et lecteur à sa responsabilité comportementale pour participer aux fameuses 2t par habitant et par an. En France c'est un chiffre impossible à atteindre puisque chaque habitant part de 1,5 t ( services publics). Comme la moyenne française est de 11t (p122) on voit le travail gigantesque à faire très rapidement.
Finalement c'est le grand plus de cet ouvrage. Il invite à laisser de côté un climat anxiogène paralysateur et démoralisateur pour se prendre en main de façon responsable et clairvoyante. C'est un regard vers l'avenir plus qu'une lamentation sur un passé révolu.
Une lecture indispensable pour affronter les années qui viennent en pleine conscience.
Inimaginable
-
Ce tome relate la vie d’Edward Gein (1906-1924) en bande dessinée. La première édition VO date de 2021. Elle a été réalisée par Harold Schechter pour le scénario, et par Eric Powell pour les dessins et les couleurs. C’est un récit en noir & blanc avec des nuances de gris, qui comportent un peu plus de deux cents pages. Il se termine avec deux pages précisant la source de certains faits, un premier appendice constitué d’une interview de George Arndt, et d’une deuxième constitué d’une interview d’Irene Hill Bailey. Le scénariste est un écrivain qui avait déjà consacré un ouvrage à ce tueur en série, au début de sa carrière : Deviant: The True Story of Ed Gein, the Original Psycho, paru en 1998.
Basé sur une histoire vraie. On ne peut pas appliquer des critères de moralité à un fou. Le 16 juin 1960, sort le nouveau film du réalisateur Alfred Hitchcock. Après La mort aux trousses, il a fait le pari d’adapter un court roman de Robert Bloch : Psychose, paru en 1959. Le sujet était tellement violent que les studios Paramount ont refusé de la financer et que le réalisateur a dû le financer sur ses fonds propres. Il avait également interdit l’accès aux salles de projections, aux retardataires, et enjoint aux spectateurs de ne pas révéler la fin. Interrogé, il se défendait que son film soit à l’origine de meurtres sur des femmes, car il fallait le regarder avec une touche d’humour, en tout cas il lui en avait fallu pour le faire. Il ajoutait qu’il savait que l’histoire avait été écrite à partir d’un fait réel survenu dans le Wisconsin. Dans le cimetière de Plainfield, situé dans cet état, en 1957, l’équipe du coroner se livre à la tâche peu enviable de rouvrir un cercueil, après avoir établi un cordon de police pour empêcher les curieux et les journalistes d’approcher. Ils répriment un frisson de dégout en découvrant que le cercueil ne contient plus qu’un pied de biche usagé.
Mauvais départ : la mère d’Ed lui promet qu’il ne deviendra pas comme les autres hommes, et Dieu lui en est témoin, elle s’en assurera. À la Crosse, dans le Wisconsin en 1904, Augusta Wilhelmine est agenouillée et prie le Seigneur pour son enfant à venir soit une fille. Elle fait l’effort de s’avilir pour se coucher avec son pari George, un bon à rien, et elle se sent trop seule. Elle souhaite avoir une fille pour pouvoir l’élever dans la Foi. Le vingt-sept août 1904, elle accouche d’Edward Theodore Gein. Elle indique à la sage-femme que ce n’est pas la peine d’aller le présenter à son père qui ne saurait pas comment réagir. Elle fait la promesse solennelle de l’élever dans le respect de la parole de Dieu, afin qu’il ne devienne pas un pécheur comme tous les autres hommes. Il a un frère plus âgé : Henry, né en 1901. Dans un premier temps, le couple Gein s’installe dans la petite ville de La Crosse, et parvient à acheter une petite épicerie, qui est mise au nom d’Augusta. Sa façon de juger ses clientes ne va pas dans le sens commerçant. Son époux passe le balai et s’occupe des tâches manuelles, tout en se réconfortant régulièrement avec une lampée d’alcool.
L’exercice de la biographie en bande dessinée, n’est pas un exercice facile : doser une reconstruction pas trop académique, mais pas trop dans l’invention, et effectuer une reconstitution historique, exacte, sans qu’elle ne prenne le pas sur la vie de l’individu passé à la postérité. Pour ouvrir leur récit, les auteurs contextualisent la notoriété de ce tueur : il a inspiré, par un roman interposé, le personnage de Norman Bates dans Psychose, film qui a prouvé qu’une histoire consacrée à un assassin dérangé pouvait faire un carton. Dans ces trois pages d’ouverture, le lecteur relève la première avec une reproduction fidèle et précise de la façade du cinéma Demille à New York, à la première dudit film. Savant dosage entre la précision descriptive des traits et l’ambiance apportée par les nuances de gris. La seconde page comporte trois cases, avec un texte assez fourni. Et la troisième est constituée de cinq cases, chacune étant un gros plan sur le bas du visage d’Alfred Hitchcock, de son col de chemise à son cou, les phylactères reprenant ses réponses à un journaliste sur le mauvais exemple que constitue un film et les critiques négatives, réponses très savoureuses. Une façon assez élégante de le mettre en scène en focalisant l’attention du lecteur sur ce qu’il dit, avec ce bas de visage aisément reconnaissable, plutôt que sur son apparence médiatique célèbre au point d’une faire une icône. Deuxième scène introductive trois ans avant lors de l’enquête policière après l’arrestation du tueur. Puis passage au deuxième chapitre en reprenant les choses au début, c’est-à-dire la présentation de la famille Gein et la naissance du benjamin Edward.
L’ouvrage se compose de neuf chapitres, avec un prologue et un épilogue. Une fois passé le prologue, ils suivent un ordre chronologique. Dans le premier appendice, le scénariste apporte une précision d’un élément qu’il a modifié pour une raison de dramaturgie, et il indique que le reporter a été créé pour donner un point de focalisation dans la narration. Pour le reste, il s’agit d’un ouvrage basé sur des recherches rigoureuses, indiquant quand il existe plusieurs versions d’un même fait (les causes du décès du frère aîné Henry) ou quand les déclarations d’Ed Gein sont sujettes à caution. Il n’y a pas de volonté de dramatisation pour rendre le criminel plus abject, ou les crimes plus sensationnalistes. Le scénariste s’appuie sur les témoignages d’époque, les archives d’interrogatoire et de procès, les nombreuses déclarations du tueur lui-même, parfois contradictoires entre elles. Les images ne viennent pas démentir ou confirmer des hypothèses, elles participent à rendre compte de cet état de fait. Par la force des choses, il y a beaucoup de gens en train de parler, à la police, au reporter, aux enquêteurs, au juge. L’artiste utilise alors des cadrages allant du plan taille au gros plan. Il a un don pour croquer une gueule avec une émotion ou un état d’esprit. Il évite de forcer le trait pour tomber dans la caricature, tout en insufflant une vraie personnalité à chacun. D’un point de vue purement de narration visuelle, ces cases de têtes en train de parler peuvent induire une forme de pauvreté graphique malgré la qualité des portraits. Cependant, ils correspondent à la situation dans laquelle ces témoignages ont été recueillis. Enfin ce type de plan correspond à moins de vingt pourcents de la pagination.
D’un côté, il est vrai que le scénariste a beaucoup d’informations à intégrer à cette reconstitution. De l’autre côté, la narration visuelle donne vie aux individus impliqués, montrent les lieux. Elle place le lecteur aux côtés des policiers qui pénètrent pour la première fois dans la maison du tueur, puis aux côtés d’Ed Gein lorsqu’il donne sa version des faits, pour une reconstitution. Comme le scénariste, le dessinateur ne se complaît pas dans le gore ou dans les détails voyeuristes. Toutefois, il montre ce qui relève des aspects barbares des trophées conservés par cet homme jugé fou. Il ne s’applique pas à transcrire la texture de la peau pour l’abat-jour, mais il représente la ceinture faite de tétons. Le lecteur peut ainsi se projeter dans cette ferme éloignée de la petite ville, participer à une partie de pêche et accrocher son hameçon, aider les voisins pour des petites choses, pleurer sur une tombe à minuit, découvrir les objets macabres et monstrueux dans la maison des Gein, etc. Il se rend compte que les moments les plus monstrueux ne sont pas forcément les actes de barbarie, peu représentés, mais l’expression d’émotions contre nature, comme lorsque le fils aide la mère à s’habiller, ou qu’il se met à saliver devant des photographies de sévices physiques.
Au fur et à mesure, se pose la question de fond : Ed Gein était-il fou ? Cela le rendait-il irresponsable de ses actes ? Dans les deux premiers tiers, l’auteur s’en tient aux faits, indiquant quand un doute plane sur l’un d’eux. Il a choisi une interprétation de la personnalité de Augusta Wilhelmine : lui et Powell mettent en scène son autorité et sa ferveur religieuse, ainsi que la faiblesse de caractère de son époux. Au fur et à mesure, il apparaît qu’ils développent une interprétation psychanalytique tranchée. Comme tout être humain, Ed Gein est le fruit de son éducation, des personnes qui l’ont élevé, des adultes qui lui ont servi de modèle, de milieu socio-économique et culturel dans lequel il a grandi. Ils établissent des liens directs de cause à effet, entre certains événements de sa vie, et certains actes qu’il a commis. Le lecteur peut trouver ça évident, ou estimer que la réalité est forcément plus compliquée que ça, que les processus psychiques ne peuvent pas être aussi simples. Dans le même temps, ils ne décrivent pas le mécanisme qui a conduit cet homme à transgresser des tabous au cœur de chaque société humaine. Il y a des conditions qui sont réunies pour que sa façon d’interpréter la réalité soit faussée et orienté, pour qu’il sache comment tanner et conserver une peau, pour se montrer rusé et prudent, pour concevoir des envies monstrueuses. Mais il n'y a pas d’explication du passage à l’acte. Il y a une pulsion irrépressible que Ed Gein ne sait pas gérer autrement que par s’y adonner.
Raconter la vie d’un tueur immonde sous la forme d’une bande dessinée : un pari très risqué car ce média peut s’avérer très littéral dans sa manière de raconter, très descriptif au point de sous-entendre que les faits se sont bien passés comme ils sont dessinés qu’ils sont réductibles à ce qui est montré. Un amateur de bande dessinée peut trouver certains passages un peu lourds en texte, ou statiques en termes de mise en scène. Dans le même temps, il est rapidement impressionné par la capacité de l’artiste à insuffler de la vie dans chaque personnage, sans les caricaturer, à reconstituer une époque et un environnement, dans un savant équilibre évitant la description figée, et l’évocation sans substance. Même s’il n’est pas entièrement convaincu par la façon de d’expliquer une partie des pulsions de Ed Gein, le lecteur est vite fasciné par la reconstitution de sa vie, par l’horreur de ce que découvrent les enquêteurs, par la question insoluble de la santé mentale de cet individu. Il en ressort à la fois écœuré par la nature des meurtres et la confection d’objets macabres, et très déstabilisé par le questionnement sur la responsabilité de cet individu.
J’aime beaucoup les nouvelles de Lovecraft, malgré le style ampoulé et vieillot, mais je n’ai jamais été attiré par leurs adaptations graphiques, préférant laisser court à mon imagination. La magnifique expo Tanabe à Angoulême 2025 m’a pourtant convaincu de franchir le pas.
« Les Montagnes hallucinées » n’est pas ma nouvelle préférée - je la trouve un peu longue (il s’agit d’ailleurs plutôt d’un roman court), mais c’est celle qui m’intriguait le plus au niveau adaptation graphique, car les délires hallucinatoires et la ville à la « géométrie impossible » du roman présentaient un sacré challenge… et je dois avouer que je ressors bluffé de ma lecture. Les planches sont vraiment magnifiques, et Tanabe a selon moi parfaitement retranscrit l’ambiance horrifique et la froideur mortelle du récit original.
L’adaptation de l’histoire est fidèle, je l’ai à nouveau trouvée un peu longuette, mais il faut avouer qu’elle reste prenante malgré son âge.
Une expérience positive, que je retenterai sans doute avec l’adaptation de mes nouvelles préférées (La Couleur tombée du ciel et L'Abomination de Dunwich).
Une fois de plus, je partage l'avis de Noirdésir ! ;-)
J'ai passé un très bon moment avec ce western moderne. Certes, il y a quelques redondances avec les échanges entre le protagoniste et son petit compagnon, mais ça passe bien, ça vient ponctuer comme une morale chaque péripétie (ça reste du Matz quand même, il faut bien qu'il fasse quelques grandes phrases) et l'animal a une bonne bouille...
L'histoire est intéressante et instructive (avec cet historique de la protection des témoins), la tension est palpable et l'action, si on met de côté les flash-back, est finalement ramassée (quelques jours qui se concentrent autour du procès).
J'ai apprécié le découpage cinématographique, les clins d'oeil réjouissants au fil des pages, l'ambiance réussie des années 60-70 avec des marqueurs de l'époque habilement parsemés ici ou là, des personnages consistants et un dessin que personnellement j'ai beaucoup aimé (les paysages notamment sont superbes, la compagne de Giu' aussi) c'était chouette !
Certains ont évoqué une histoire qui s'étirait un peu, mais pour ma part, j'aurais pu suivre encore le parcours du camping-car de Giu' dans ces grands espaces lumineux et arides, même si là encore, je trouve la conclusion très satisfaisante.
A chaque fois c’est pareil ! Quand je vais au festival d’Angoulême, pas moyen de trouver une seule personne durant les 4 jours du festival, adepte du génialissime Léo. Pas grave au final car je vais rester sur mes positions et je ne vais surtout pas renier mes goûts.
N’en déplaise donc à mes détracteurs – j’ai les noms – avec Centaurus nous voilà de nouveau dans un monde imaginé par Léo et son colistier habituel Rodolphe. Petite précision sur cette série Léo n’est pas au dessin mais au scénario avec son complice. Les illustrations ont été confiées à Zoran Janjetov qui reprend habilement le style Léo.
Le décor est planté dés le premier album. Nous sommes transportés dans un futur où l'humanité, à bord d'un gigantesque vaisseau-monde, cherche une nouvelle planète habitable après la destruction de la Terre.
"Terre promise" : Le premier tome nous plonge immédiatement dans une intrigue palpitante et les défis auxquels les personnages doivent faire face. Le vaisseau-monde arrive enfin à proximité de Vera, une planète potentiellement habitable. L'équipage est envoyé en reconnaissance, découvrant un monde mystérieux et dangereux
"Terre étrangère" : L'équipe d'exploration découvre que Vera est peuplée de créatures étranges et hostiles. Ils doivent naviguer dans cet environnement inconnu tout en essayant de maintenir la communication avec le vaisseau-monde.
"Terre de folie" : Les tensions montent à bord du vaisseau-monde alors que les explorateurs rapportent des découvertes troublantes. Les mystères de Vera commencent à se dévoiler, révélant des secrets qui pourraient changer le cours de l'humanité.
"Terre d'angoisse" : Les explorateurs font face à des dangers encore plus grands alors qu'ils approfondissent leurs recherches sur Vera. Le suspense est à son comble alors que les personnages luttent pour survivre et comprendre les mystères de cette nouvelle planète.
"Terre de mort" : Le dernier tome de la série est un crescendo d'action et de révélations. Les explorateurs doivent faire face à des défis mortels pour sauver l'humanité et découvrir la vérité derrière les mystères de Vera.
Vous ne pouvez lire ces 5 albums d’une seule traite. L’exaltation est bien présente. Que dire des paysages fantastiques et de sa faune mystérieuse. Un régal pour les yeux.
Le suspens est bien là tout au long de votre lecture. La fin nous invite à découvrir encore et encore de nouveaux mondes.
C’est de nouveau un chef-d’œuvre de la science-fiction, qui saura toucher les lecteurs les plus exigeants et les passionnés de récits interstellaires.
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La Conquête de l'Ouest (Histoire de l'Ouest)
C'est presque par hasard que j'ai découvert cette bande-dessinée. En la feuilletant, j'ai retrouvé mes souvenirs quand je lisais ces western en petit format et en noir& blanc. J'ai donc rapidement cédé , et j'avoue avoir bien fait. Les éditons Paquet ont eu en effet la très bonne idée de rééditer cette saga illustrée et surtout dirigée par Gino d'Antonio, auteur que j'ai découvert à cette occasion. Malgré ses près de 310 pages, j'ai lu ce premier volume d'une traite. C'est passionnant et surtout prenant.Même si parfois les personnages sont caricaturaux,je me suis laissé embarqué dans les aventures de Brett Mac Donald. Pour les plus vieux d'entre-nous, il vous rappellera sans nul doute la série éponyme de la fin des années 70 " la conquête de l'Ouest" avec le fameux Zébulon, qui retraçait les aventures de la famille des Macahan. Pour les cinéphiles, l'esprit du film "la conquête de l'Ouest" de John Ford et compagnie (pas un de ses meilleurs) est bien présent dans cette série. Les dessins de Gino d'Antonio et des autres dessinateurs sont parfaits, et j'ai songé, parfois en tournant les pages, à cette série que j'achetais, et que j'ai pieusement conservé, lorsque j'étais enfant "l'histoire du Far-West en bande dessinée Larousse". En découvrant la préface, j'ai noté que cette saga qui compte près de 75 épisodes ( cette présente intégrale regroupe les trois premiers épisodes) a connu pas mal de soubresauts dans l'histoire de son édition. Espérons que les éditions Paquet puissent aller au bout de cette aventure éditoriale qui devrait compter plus de vingt volumes. En tout cas, le format choisi, et la mise en couleur font de cette intégrale une de mes meilleures découvertes du patrimoine éditorial de la bande dessinée. A redécouvrir d'urgence.
Slava
Et je rejoins tous les camarades qui m'ont précédé. En effet, superbement dessiné. On reste dans le style des précédents albums. C'est vif, coloré, beau. Les personnages sont à peine crédibles, juste assez pour nous maintenir dans le rythme de l'histoire. Cette mise en image du far "est" de la Russie des années 1990 est juste une dinguerie à découvrir.
La Parenthèse
Encore une histoire touchante où cette fois la narratrice se fait diagnostiquer épileptique, puis entame avec ses parents un long parcours de lutte contre cette maladie. Outre la force de ce récit, j'ai aussi particulièrement apprécié les mises en image, en page du mal, des journées répétitives, des dessins du moment... Tout autant un beau récit de lutte qu'un beau geste artistique.
La Route
J'avais pour ma part beaucoup aimé Blast et j'ai vraiment apprécié " La route ". En principe, je fuis les adaptations, en principe, je fuis les bds trop sombres voire celles qui comportent peu de textes, mais il y a ces bds et celles de Larcenet. Et Larcenet, vos principes, il s'en fout, il est juste immense. Lors de ma lecture (alors que j'y allais à reculons en pensant que l'adaptation serait forcément manquée donc), j'ai vraiment été happé par l'ambiance. J'ai même trouvé certains moments touchants alors que je connaissais déjà l'histoire (Larcenet n'est pas dans la surenchère, le ton est juste), ce que contiennent les regards peut parfois nous étreindre et je trouve qu'il a justement réussi à retranscrire l'âpreté du récit. Le dessin est vraiment impressionnant : chaque case (le tableau le plus noir, l'apparition d'un cadavre, un pendentif d'os humains, un panache de fumée et de cendres...) devient une gravure qui évoque notamment Dürer ou O. Dix. Larcenet peint l'horreur et c'est beau. Je garde en tête également les cases du robinet en gros plan, du plat de pâtes, qui montrent le confort retrouvé de façon inespérée dans ce local souterrain par exemple et cette sensation finit même par irradier le lecteur. Pour moi, on ne pouvait retrouver l'ambiance du roman (que j'avais bien aimé), ça me semblait impossible de retranscrire en même temps dans une BD, la progression difficile au milieu de la désolation, la combat quotidien pour la survie, la tendresse du père pour son fils, la faim qui tenaillle, le froid et le vent, de peindre ce sentiment étrange aussi face à cette mer qu'ils ont cherché obstinément à atteindre et qui s'étend devant eux, grise, indolente... Et on retrouve tout cela, Larcenet condense même tout cela parfois dans les yeux du père. Très bel album.
Marcie
Je ne connaissais pas Cati Baur, réalisant après ma lecture qu'elle était l'autrice de Pisse-Mémé, mais j'ai été immédiatement séduit par cette histoire menée de bout en bout comme un savon sur lequel on glisse en sortant de la douche. Paf ! T'arrive à la fin, et c'est déjà fini et c'était trop bien. Le trait de l'autrice évoque celui de Camille Jourdy, soit un petit trait frais et léger qui semble vous prendre dans le creux de la main, jouissant d'un colorisation sans esbroufe. C'est très agréable à lire et ne souffre d'aucune critique, tout comme les dialogues qui articulent très bien la narration. Les personnages respirent la vie vraie et on s'attache à eux d'emblée. En outre, c'est très drôle et l'humour n'est jamais forcé. Marcie est une cinquantenaire en pleine crise de préménopause qui cherche un second souffle professionnel. Poussée par sa fille, elle devient détective privée. Dans un premier temps, elle résout des affaires de chiens volés avant de se voir confier une sombre histoire de suicide, potentiellement maquillé. Le scénario est très bien ficelé. Marcie enquête sur cette fille "tombée" d'une fenêtre, et en s'investissant dans cette affaire, elle va peu à peu avancer vers la résolution de sa crise existentielle : en effet, sans rien dévoiler, on peut se contenter de dire qu'il y a en effet des situations renversées dans cette BD, des effets de miroir. Oui, ce récit simple regorge de petites subtilités qui lui donnent toute sa saveur. Une lecture très agréable, à la fois légère et palpitante, crédible et hors du commun, avec des personnages aussi vrais que nature. Bonne surprise !
Horizons climatiques - Rencontre avec neuf scientifiques du G.I.E.C.
Il serait souhaitable que l'excellent travail d'Iris-Amata Dion et de Xavier Henrion ne prenne pas la poussière des étagères d'une BM mais arrive jusqu'aux bureaux des élus à quelques mètres de là. En effet à partir de la rencontre avec neufs spécialistes ( 3 femmes et 6 hommes) du GIEC les deux auteurs-trices ont réussi à produire un ouvrage clair, facile d'accès et qui invite à la fois à approfondir le sujet au niveau communautaire ( les élus) et au niveau personnel ( le citoyen). Le scénario proposé par Xavier Henrion est très intelligent. Il structure son récit en étapes/rencontres qui suivent la courbe du deuil de Kübler-Ross pour les malades en phase terminale reprise par Joanna Macy pour l'écologie. Cela donne beaucoup de fluidité, de sens et même d'espoir à la narration. Pourtant la thématique est lourde comme un deuil prochain. La volonté des auteurs est multiple. Il faut d'abord transmettre le savoir via un medium attractif et simple ( pas simpliste) sans dénaturer la rigueur et l'impartialité scientifique du discours. Le sujet est tellement complexe qu'il a fallu recentrer sur les thématiques premières sans se perdre dans des digressions perturbatrice. Pari réussi pour ma part. Malgré mon intérêt pour le sujet depuis Rio j'ai encore appris bien des choses. C'est le mérite de cette excellente construction de recentrer sur l'essentiel , les émissions de GES (gaz à effet de serre) (ramenées à tonnes d'équivalent CO2) dans l'atmosphère . Aucunement besoin d'avoir un bagage scientifique fourni pour comprendre et être touché(e) par le message. Le récit aborde le sujet par différents angles ( technique, social, économique, culturel, éthique) ce qui donne un aperçu qui me semble complet et cohérent. Enfin si les intervenants se veulent lucides et pas naïfs, ils évitent une dramatisation anxiogène dans une volonté de redressement. A mon avis c'est le meilleur état des lieux impartial, simple et accessible que j'ai lu sur le sujet malgré quelques petites réserves. De plus j'ai été sous le charme de la mise en image de Xavier Henrion. Le dessinateur réussit à donner un très fort dynamisme à des situations d'interview par définition statiques. Henrion se met en scène d'une façon très convaincante dans ses questions toujours pertinentes, ses états d'âmes devant la situation d'urgence sans oublier une pointe d'humour bienvenue pour alléger l'ambiance. Ses propositions visuelles participent pleinement à la fluidité et à la facilité de la lecture. Cela reste tout de même une lecture exigeante mais non rébarbative. Et moi dans tout cela ? L'un des attraits du livre est de renvoyer chaque lectrice et lecteur à sa responsabilité comportementale pour participer aux fameuses 2t par habitant et par an. En France c'est un chiffre impossible à atteindre puisque chaque habitant part de 1,5 t ( services publics). Comme la moyenne française est de 11t (p122) on voit le travail gigantesque à faire très rapidement. Finalement c'est le grand plus de cet ouvrage. Il invite à laisser de côté un climat anxiogène paralysateur et démoralisateur pour se prendre en main de façon responsable et clairvoyante. C'est un regard vers l'avenir plus qu'une lamentation sur un passé révolu. Une lecture indispensable pour affronter les années qui viennent en pleine conscience.
Ed Gein - Autopsie d'un tueur en série
Inimaginable - Ce tome relate la vie d’Edward Gein (1906-1924) en bande dessinée. La première édition VO date de 2021. Elle a été réalisée par Harold Schechter pour le scénario, et par Eric Powell pour les dessins et les couleurs. C’est un récit en noir & blanc avec des nuances de gris, qui comportent un peu plus de deux cents pages. Il se termine avec deux pages précisant la source de certains faits, un premier appendice constitué d’une interview de George Arndt, et d’une deuxième constitué d’une interview d’Irene Hill Bailey. Le scénariste est un écrivain qui avait déjà consacré un ouvrage à ce tueur en série, au début de sa carrière : Deviant: The True Story of Ed Gein, the Original Psycho, paru en 1998. Basé sur une histoire vraie. On ne peut pas appliquer des critères de moralité à un fou. Le 16 juin 1960, sort le nouveau film du réalisateur Alfred Hitchcock. Après La mort aux trousses, il a fait le pari d’adapter un court roman de Robert Bloch : Psychose, paru en 1959. Le sujet était tellement violent que les studios Paramount ont refusé de la financer et que le réalisateur a dû le financer sur ses fonds propres. Il avait également interdit l’accès aux salles de projections, aux retardataires, et enjoint aux spectateurs de ne pas révéler la fin. Interrogé, il se défendait que son film soit à l’origine de meurtres sur des femmes, car il fallait le regarder avec une touche d’humour, en tout cas il lui en avait fallu pour le faire. Il ajoutait qu’il savait que l’histoire avait été écrite à partir d’un fait réel survenu dans le Wisconsin. Dans le cimetière de Plainfield, situé dans cet état, en 1957, l’équipe du coroner se livre à la tâche peu enviable de rouvrir un cercueil, après avoir établi un cordon de police pour empêcher les curieux et les journalistes d’approcher. Ils répriment un frisson de dégout en découvrant que le cercueil ne contient plus qu’un pied de biche usagé. Mauvais départ : la mère d’Ed lui promet qu’il ne deviendra pas comme les autres hommes, et Dieu lui en est témoin, elle s’en assurera. À la Crosse, dans le Wisconsin en 1904, Augusta Wilhelmine est agenouillée et prie le Seigneur pour son enfant à venir soit une fille. Elle fait l’effort de s’avilir pour se coucher avec son pari George, un bon à rien, et elle se sent trop seule. Elle souhaite avoir une fille pour pouvoir l’élever dans la Foi. Le vingt-sept août 1904, elle accouche d’Edward Theodore Gein. Elle indique à la sage-femme que ce n’est pas la peine d’aller le présenter à son père qui ne saurait pas comment réagir. Elle fait la promesse solennelle de l’élever dans le respect de la parole de Dieu, afin qu’il ne devienne pas un pécheur comme tous les autres hommes. Il a un frère plus âgé : Henry, né en 1901. Dans un premier temps, le couple Gein s’installe dans la petite ville de La Crosse, et parvient à acheter une petite épicerie, qui est mise au nom d’Augusta. Sa façon de juger ses clientes ne va pas dans le sens commerçant. Son époux passe le balai et s’occupe des tâches manuelles, tout en se réconfortant régulièrement avec une lampée d’alcool. L’exercice de la biographie en bande dessinée, n’est pas un exercice facile : doser une reconstruction pas trop académique, mais pas trop dans l’invention, et effectuer une reconstitution historique, exacte, sans qu’elle ne prenne le pas sur la vie de l’individu passé à la postérité. Pour ouvrir leur récit, les auteurs contextualisent la notoriété de ce tueur : il a inspiré, par un roman interposé, le personnage de Norman Bates dans Psychose, film qui a prouvé qu’une histoire consacrée à un assassin dérangé pouvait faire un carton. Dans ces trois pages d’ouverture, le lecteur relève la première avec une reproduction fidèle et précise de la façade du cinéma Demille à New York, à la première dudit film. Savant dosage entre la précision descriptive des traits et l’ambiance apportée par les nuances de gris. La seconde page comporte trois cases, avec un texte assez fourni. Et la troisième est constituée de cinq cases, chacune étant un gros plan sur le bas du visage d’Alfred Hitchcock, de son col de chemise à son cou, les phylactères reprenant ses réponses à un journaliste sur le mauvais exemple que constitue un film et les critiques négatives, réponses très savoureuses. Une façon assez élégante de le mettre en scène en focalisant l’attention du lecteur sur ce qu’il dit, avec ce bas de visage aisément reconnaissable, plutôt que sur son apparence médiatique célèbre au point d’une faire une icône. Deuxième scène introductive trois ans avant lors de l’enquête policière après l’arrestation du tueur. Puis passage au deuxième chapitre en reprenant les choses au début, c’est-à-dire la présentation de la famille Gein et la naissance du benjamin Edward. L’ouvrage se compose de neuf chapitres, avec un prologue et un épilogue. Une fois passé le prologue, ils suivent un ordre chronologique. Dans le premier appendice, le scénariste apporte une précision d’un élément qu’il a modifié pour une raison de dramaturgie, et il indique que le reporter a été créé pour donner un point de focalisation dans la narration. Pour le reste, il s’agit d’un ouvrage basé sur des recherches rigoureuses, indiquant quand il existe plusieurs versions d’un même fait (les causes du décès du frère aîné Henry) ou quand les déclarations d’Ed Gein sont sujettes à caution. Il n’y a pas de volonté de dramatisation pour rendre le criminel plus abject, ou les crimes plus sensationnalistes. Le scénariste s’appuie sur les témoignages d’époque, les archives d’interrogatoire et de procès, les nombreuses déclarations du tueur lui-même, parfois contradictoires entre elles. Les images ne viennent pas démentir ou confirmer des hypothèses, elles participent à rendre compte de cet état de fait. Par la force des choses, il y a beaucoup de gens en train de parler, à la police, au reporter, aux enquêteurs, au juge. L’artiste utilise alors des cadrages allant du plan taille au gros plan. Il a un don pour croquer une gueule avec une émotion ou un état d’esprit. Il évite de forcer le trait pour tomber dans la caricature, tout en insufflant une vraie personnalité à chacun. D’un point de vue purement de narration visuelle, ces cases de têtes en train de parler peuvent induire une forme de pauvreté graphique malgré la qualité des portraits. Cependant, ils correspondent à la situation dans laquelle ces témoignages ont été recueillis. Enfin ce type de plan correspond à moins de vingt pourcents de la pagination. D’un côté, il est vrai que le scénariste a beaucoup d’informations à intégrer à cette reconstitution. De l’autre côté, la narration visuelle donne vie aux individus impliqués, montrent les lieux. Elle place le lecteur aux côtés des policiers qui pénètrent pour la première fois dans la maison du tueur, puis aux côtés d’Ed Gein lorsqu’il donne sa version des faits, pour une reconstitution. Comme le scénariste, le dessinateur ne se complaît pas dans le gore ou dans les détails voyeuristes. Toutefois, il montre ce qui relève des aspects barbares des trophées conservés par cet homme jugé fou. Il ne s’applique pas à transcrire la texture de la peau pour l’abat-jour, mais il représente la ceinture faite de tétons. Le lecteur peut ainsi se projeter dans cette ferme éloignée de la petite ville, participer à une partie de pêche et accrocher son hameçon, aider les voisins pour des petites choses, pleurer sur une tombe à minuit, découvrir les objets macabres et monstrueux dans la maison des Gein, etc. Il se rend compte que les moments les plus monstrueux ne sont pas forcément les actes de barbarie, peu représentés, mais l’expression d’émotions contre nature, comme lorsque le fils aide la mère à s’habiller, ou qu’il se met à saliver devant des photographies de sévices physiques. Au fur et à mesure, se pose la question de fond : Ed Gein était-il fou ? Cela le rendait-il irresponsable de ses actes ? Dans les deux premiers tiers, l’auteur s’en tient aux faits, indiquant quand un doute plane sur l’un d’eux. Il a choisi une interprétation de la personnalité de Augusta Wilhelmine : lui et Powell mettent en scène son autorité et sa ferveur religieuse, ainsi que la faiblesse de caractère de son époux. Au fur et à mesure, il apparaît qu’ils développent une interprétation psychanalytique tranchée. Comme tout être humain, Ed Gein est le fruit de son éducation, des personnes qui l’ont élevé, des adultes qui lui ont servi de modèle, de milieu socio-économique et culturel dans lequel il a grandi. Ils établissent des liens directs de cause à effet, entre certains événements de sa vie, et certains actes qu’il a commis. Le lecteur peut trouver ça évident, ou estimer que la réalité est forcément plus compliquée que ça, que les processus psychiques ne peuvent pas être aussi simples. Dans le même temps, ils ne décrivent pas le mécanisme qui a conduit cet homme à transgresser des tabous au cœur de chaque société humaine. Il y a des conditions qui sont réunies pour que sa façon d’interpréter la réalité soit faussée et orienté, pour qu’il sache comment tanner et conserver une peau, pour se montrer rusé et prudent, pour concevoir des envies monstrueuses. Mais il n'y a pas d’explication du passage à l’acte. Il y a une pulsion irrépressible que Ed Gein ne sait pas gérer autrement que par s’y adonner. Raconter la vie d’un tueur immonde sous la forme d’une bande dessinée : un pari très risqué car ce média peut s’avérer très littéral dans sa manière de raconter, très descriptif au point de sous-entendre que les faits se sont bien passés comme ils sont dessinés qu’ils sont réductibles à ce qui est montré. Un amateur de bande dessinée peut trouver certains passages un peu lourds en texte, ou statiques en termes de mise en scène. Dans le même temps, il est rapidement impressionné par la capacité de l’artiste à insuffler de la vie dans chaque personnage, sans les caricaturer, à reconstituer une époque et un environnement, dans un savant équilibre évitant la description figée, et l’évocation sans substance. Même s’il n’est pas entièrement convaincu par la façon de d’expliquer une partie des pulsions de Ed Gein, le lecteur est vite fasciné par la reconstitution de sa vie, par l’horreur de ce que découvrent les enquêteurs, par la question insoluble de la santé mentale de cet individu. Il en ressort à la fois écœuré par la nature des meurtres et la confection d’objets macabres, et très déstabilisé par le questionnement sur la responsabilité de cet individu.
Les Montagnes hallucinées (Tanabe)
J’aime beaucoup les nouvelles de Lovecraft, malgré le style ampoulé et vieillot, mais je n’ai jamais été attiré par leurs adaptations graphiques, préférant laisser court à mon imagination. La magnifique expo Tanabe à Angoulême 2025 m’a pourtant convaincu de franchir le pas. « Les Montagnes hallucinées » n’est pas ma nouvelle préférée - je la trouve un peu longue (il s’agit d’ailleurs plutôt d’un roman court), mais c’est celle qui m’intriguait le plus au niveau adaptation graphique, car les délires hallucinatoires et la ville à la « géométrie impossible » du roman présentaient un sacré challenge… et je dois avouer que je ressors bluffé de ma lecture. Les planches sont vraiment magnifiques, et Tanabe a selon moi parfaitement retranscrit l’ambiance horrifique et la froideur mortelle du récit original. L’adaptation de l’histoire est fidèle, je l’ai à nouveau trouvée un peu longuette, mais il faut avouer qu’elle reste prenante malgré son âge. Une expérience positive, que je retenterai sans doute avec l’adaptation de mes nouvelles préférées (La Couleur tombée du ciel et L'Abomination de Dunwich).
Le Serpent et le Coyote
Une fois de plus, je partage l'avis de Noirdésir ! ;-) J'ai passé un très bon moment avec ce western moderne. Certes, il y a quelques redondances avec les échanges entre le protagoniste et son petit compagnon, mais ça passe bien, ça vient ponctuer comme une morale chaque péripétie (ça reste du Matz quand même, il faut bien qu'il fasse quelques grandes phrases) et l'animal a une bonne bouille... L'histoire est intéressante et instructive (avec cet historique de la protection des témoins), la tension est palpable et l'action, si on met de côté les flash-back, est finalement ramassée (quelques jours qui se concentrent autour du procès). J'ai apprécié le découpage cinématographique, les clins d'oeil réjouissants au fil des pages, l'ambiance réussie des années 60-70 avec des marqueurs de l'époque habilement parsemés ici ou là, des personnages consistants et un dessin que personnellement j'ai beaucoup aimé (les paysages notamment sont superbes, la compagne de Giu' aussi) c'était chouette ! Certains ont évoqué une histoire qui s'étirait un peu, mais pour ma part, j'aurais pu suivre encore le parcours du camping-car de Giu' dans ces grands espaces lumineux et arides, même si là encore, je trouve la conclusion très satisfaisante.
Centaurus
A chaque fois c’est pareil ! Quand je vais au festival d’Angoulême, pas moyen de trouver une seule personne durant les 4 jours du festival, adepte du génialissime Léo. Pas grave au final car je vais rester sur mes positions et je ne vais surtout pas renier mes goûts. N’en déplaise donc à mes détracteurs – j’ai les noms – avec Centaurus nous voilà de nouveau dans un monde imaginé par Léo et son colistier habituel Rodolphe. Petite précision sur cette série Léo n’est pas au dessin mais au scénario avec son complice. Les illustrations ont été confiées à Zoran Janjetov qui reprend habilement le style Léo. Le décor est planté dés le premier album. Nous sommes transportés dans un futur où l'humanité, à bord d'un gigantesque vaisseau-monde, cherche une nouvelle planète habitable après la destruction de la Terre. "Terre promise" : Le premier tome nous plonge immédiatement dans une intrigue palpitante et les défis auxquels les personnages doivent faire face. Le vaisseau-monde arrive enfin à proximité de Vera, une planète potentiellement habitable. L'équipage est envoyé en reconnaissance, découvrant un monde mystérieux et dangereux "Terre étrangère" : L'équipe d'exploration découvre que Vera est peuplée de créatures étranges et hostiles. Ils doivent naviguer dans cet environnement inconnu tout en essayant de maintenir la communication avec le vaisseau-monde. "Terre de folie" : Les tensions montent à bord du vaisseau-monde alors que les explorateurs rapportent des découvertes troublantes. Les mystères de Vera commencent à se dévoiler, révélant des secrets qui pourraient changer le cours de l'humanité. "Terre d'angoisse" : Les explorateurs font face à des dangers encore plus grands alors qu'ils approfondissent leurs recherches sur Vera. Le suspense est à son comble alors que les personnages luttent pour survivre et comprendre les mystères de cette nouvelle planète. "Terre de mort" : Le dernier tome de la série est un crescendo d'action et de révélations. Les explorateurs doivent faire face à des défis mortels pour sauver l'humanité et découvrir la vérité derrière les mystères de Vera. Vous ne pouvez lire ces 5 albums d’une seule traite. L’exaltation est bien présente. Que dire des paysages fantastiques et de sa faune mystérieuse. Un régal pour les yeux. Le suspens est bien là tout au long de votre lecture. La fin nous invite à découvrir encore et encore de nouveaux mondes. C’est de nouveau un chef-d’œuvre de la science-fiction, qui saura toucher les lecteurs les plus exigeants et les passionnés de récits interstellaires.