Les derniers avis (108 avis)

Par Ro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Foudroyants
Foudroyants

L'Atlantide existe toujours mais elle a perdu l'énergie qui alimentait sa technologie et elle a régressé pour devenir une société de bergers et de ramasseurs de coquillages. Le souvenir de leur passé demeure et il est enseigné à l'école. Mais les enfants de l'île savent qu'ils ne pourront jamais la quitter car les courants marins y ramènent toujours les bateaux qui tentent de s'en éloigner. Le jeune Icare vit avec sa grand-mère dans sa bergerie et s'il est secrètement amoureux de la sage et belle Kalio, il ne se doute pas que ce qu'il ressent physiquement en sa présence n'est pas un coup de foudre mais une véritable émanation d'électricité, cette fameuse énergie qui manque à l'Atlantide. Il découvre alors que les élus comme lui capables de produire cette électricité se cachent car depuis plus d'un siècle de mystérieux personnages sortent du fond de l'océan pour s'emparer d'eux et les faire disparaitre à jamais. Excellente série d'aventure tous publics, cette BD mêle des thèmes de la mythologie grecque et de l'aventure science fictionnelle classique à base de dangers, de super-pouvoirs et de civilisations mystérieuses. Elle propose une belle gamme de protagonistes tous intéressants, même le plus abruti d'entre eux qui brutalise le jeune héros et cache ses tourments sentimentaux derrière sa violence stupide. Le jeune héros est facilement attachant et courageux malgré sa faiblesse physique. Celle dont il est amoureux est charmante et très intelligente. Sa petite sœur est mignonne malgré son mutisme. La grand-mère est pleine de vie, de sagesse et se comporte exactement comme il faut pour à la fois protéger et laisser s'épanouir son petit-fils. C'est une BD aussi dépaysante qu'entrainante qui capte le lecteur avec un excellent rythme et une très grosse envie de tenir compagnie aux jeunes héros et d'aller de l'avant avec eux pour partir à l'aventure et découvrir les mystères autour de leur île, de la fameuse armée de Neptune et des pouvoirs dont sont dotés les élus. Les amoureux des Mystérieuses Cités d'Or y retrouveront d'ailleurs des éléments qui leur sont chers. Très bonne série pour jeunes et moins jeunes, j'ai très envie de lire la suite.

06/01/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série Metal (Rinaudo)
Metal (Rinaudo)

Mon avis est forcément subjectif car si cette BD avait eu pour thème le R&B ou le hip-hop, j'aurais été largement moins intéressé. J'étais en effet un gentil hardos dans ma jeunesse (comme le dit Sylvain Dorange dans cet album, on ne disait pas métalleux à l'époque) et j'adorais Metallica, Iron Maiden, RATM, Killing Joke et autres Sepultura... sans même savoir qu'il y avait une différence entre Hard Rock et Metal, et sans même savoir distinguer un genre de metal d'un autre même si forcément j'avais déjà entendu différents noms que j'attribuais plus ou moins à certains styles. Cet album m'a fait découvrir l'énorme quantité de ces genres et m'a fait réaliser que non seulement il y en avait beaucoup que je ne connaissais pas du tout si ce n'est de nom, mais aussi que mes groupes préférés étaient dispersés dans des genres différents sans même que je le sache. Et qu'a contrario, ce n'est pas parce que j'aimais un groupe d'un certain genre que j'aimais forcément les autres groupes du même genre. Cet album est structuré en 20 chapitres dédiés à chacun de ces genres de metal, ainsi qu'une poignée sur la fin sur les styles musicaux proches du metal (Hard rock, grunge et punk), les groupes de metal français ou encore les festivals de musique metal. Après une page titre, chaque chapitre contient une histoire courte en bande dessinée consistant soit à un témoignage personnel sur le rapport entre l'auteur et ce style de metal, soit au témoignage ou récit du parcours d'un des musiciens ou intervenants de ces groupes de metal, soit à une évocation plus ou moins libre de l'esprit même de ce genre de metal (ce qui donne un récit bien gore pour le death metal par exemple, et bien malsain pour le black metal). Et suite à cette histoire, on a droit à une double page de texte et de photos décrivant l'histoire et les caractéristiques de chacun de ces genres de metal, leurs groupes phares ainsi que des anecdotes, des conseils d'écoute et aussi un concert phare qui aura marqué l'histoire du genre. En ce qui concerne les BD elles-mêmes, s'agissant d'un collectif, on en a les caractéristiques habituels : du bon et du moins bon, tant en matière de graphisme que de contenu des histoires. Globalement, ça reste pro et plutôt bien fait, avec quelques BD qui m'ont vraiment intéressé ou su me rappeler ma jeunesse. La lecture de cet album m'aura en quasi permanence donné envie de réécouter telle ou telle musique que j'adorais ou voulais redécouvrir, ainsi que d'écouter ces titres de groupes et de genres que je ne connaissais pas encore. A travers lui, on découvre l'histoire du metal, depuis le moment où il s'est détaché du hard rock, avec son âge d'or dans les années 80 puis ses résurgences dans les décennies suivantes et jusqu'à nos jours. Entre les années 90 et aujourd'hui, je réalise que bien des genres se sont succédés sans que je suive leur évolution. Il m'aura également largement instruit sur un domaine musical que j'aimais sans en connaitre les détails ; à la fois plus restreint que mes goûts musicaux puisque le grunge et le hard rock en sont exclus, mais aussi plus vaste avec ces si nombreux genres différents. Et j'ai pu aussi découvrir le côté étonnant de certains de ses genres encore plus extrêmes que je l'imaginais... avec une sincérité qui ne me donne pas vraiment envie de les écouter ceci étant dit. A moins d'être véritablement curieux, cet album ne parlera probablement vraiment qu'aux amateurs de metal et de rock en général, mais si c'est votre cas, je le trouve chouette et très instructif.

06/01/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Rwanda - À la poursuite des génocidaires
Rwanda - À la poursuite des génocidaires

Un documentaire-choc qui parle de tout l'horreur du génocide rwandais et de la lutte pour faire condamner des coupables qui se sont enfuit pénard en France. C'est encore une fois une lecture qui peut être dur pour certains lecteurs tellement ce qui est montré est violent. Ça pue la mort pratiquement à chaque page et on se mets à se questionner sur l'humanité. Comment est-ce que des humains peuvent être tellement imprégner de haines qu'ils se mettent à commettre des massacres aussi meurtriers ? Et comment d'autres peuvent regarder sans rien faire alors qu'ils pouvaient stop les massacres ? Et pourquoi des politiques sont restés aussi passives et que la justice française a trainé autant avant d'emmener devant la justice des responsables du génocide vivant sur son territoire depuis des décennies ? Le documentaire est prenant avec un bon résumé historique du Rwanda qui explique comment on en est arrivé à un génocide et aussi comment les gens vivent depuis qu'il a eu lieu. Le dessin est pas mal et j'ai bien aimé que les couleurs choisies sont des couleurs sombres, je pense pas que la BD aurait aussi bien fonctionné si c'était fait avec des couleurs vives.

05/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Senso
Senso

Une petite comédie italienne (comme il s’en faisait dans les années 1960). Alfred part d’un postulat ultra classique : deux personnes qui ne se connaissent pas se croisent dans un mariage, vont se découvrir et amorcer une relation (ou pas…). Mais sur ce canevas déjà-vu, Alfred nous présente quelque chose d’original, et d’agréable. Le sentiment qui domine après cette lecture est la légèreté. Et pourtant, mine de rien, Alfred aborde des thèmes parfois lourds. Mais il le fait par la bande – sans vraiment les approfondir d’ailleurs – comme le retour que le héros fait sur sa vie et sur sa relation avec sa fille juste à la fin en regardant une expo photo. C’est globalement du romantisme léger, mais Alfred y ajoute quelques pointes d’humour (le héros est maladroit et se retrouve bêtement dans la mouise, se fait agresser et moquer, etc.). Quelques pointes poétiques aussi (l’intervention du taureau par exemple). Tout ceci accompagne très bien le récit, assez léger donc (à tous points de vue) et sympathique.

05/01/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série Apogée
Apogée

Apogée est une saga de space-opera mettant en scène le conflit interplanétaire entre une civilisation belliqueuse et expansionniste, les Ouroboros, et une puissante fédération de civilisations extraterrestres, le Complexe. Nous suivons cette guerre par les yeux de quatre personnages principaux, deux adolescents issus d'une civilisation mineure du Complexe, une journaliste Ouroboros opposée au conflit et ayant rejoint les rangs du Complexe, et enfin un humain, soldat Romain arraché à sa planète pour une mystérieuse raison et qui se retrouve perdu dans ce conflit futuriste où seul son entrainement militaire lui permet d'y apporter un peu d'aide. Je suis très bon client de ce genre de récit de science-fiction sans limite, entre aventure épique à l'ancienne, anticipation technologique et contexte géopolitique spatial qui n'est pas sans réfléter certaines réalités de notre bonne vieille Terre. A noter qu'il est probable que la série se déroule dans le même univers que Renaissance mais des milliers d'années plus tôt. La forme est ici très académique, avec un dessin propre, des décors planétaires exotiques et des technologies surprenantes et imaginatives. Les différentes races extraterrestres me convainquent un peu moins, car trop souvent humanoïdes façon races de Star Trek, et aussi par leurs faciés parfois un peu moches, mais je passe outre volontiers. Le ton de la narration m'a aussi un peu surpris au départ, en particulier les héros adolescents qui parlent et ont des préoccupations beaucoup trop similaires aux jeunes humains de nos jours avec leurs réseaux sociaux, leurs portables et leur râleries d'ados. Ca brise un peu l'ambiance de science-fiction en donnant l'impression de s'apparenter à une parodie du monde moderne. Heureusement, cet aspect disparait au bout de quelques pages quand on rentre vraiment dans l'action. Et après ça, j'ai accroché pour de bon. C'est du space opera à grand spectacle, avec des civilisations et des véhicules étonnants, des batailles épiques, de l'action et du dynamisme. On la suit à échelle "humaine" grâce aux quatre protagonistes, tout en ayant quelques aperçus également de ce qu'il se passe ailleurs pour une vision plus globale des évènements. En parallèle, le lecteur est poussé par l'envie d'en savoir plus, de voir où les choses vont nous mener, et aussi par le mystère plus précis portant sur ce qui a amené ce soldat romain à être transporté sur une planète extraterrestre : pourquoi ? Par qui ? Et dans quel but ? J'ai très envie de lire la suite en espérant qu'elle ne déçoive pas.

05/01/2025 (modifier)
Par Yann135
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Survival - Warm Springs
Survival - Warm Springs

Po po po po po ! Attention avec Survival Warn Springs vous allez vous régaler. Oui oui c’est une œuvre magistrale qui témoigne du talent inégalé de Christophe Bec au scénario et de Valério Giangiordano au dessin. Dès les premières pages, vous plongez dans un univers montagneux d’une intensité rare. Christophe Bec, connu pour ses récits captivants et ses intrigues complexes, nous offre – encore une fois - ici une histoire riche en émotions et en rebondissements. Chaque personnage est finement ciselé, avec des motivations profondes et des arcs narratifs saisissants. C’est du grand art ! Le dessin de Valério Giangiordano est tout simplement époustouflant. Ses illustrations détaillées et expressives donnent vie à ce monde ingrat avec une précision et une beauté qui captivent l’œil. Les paysages désolés, les scènes d’action dynamiques et les moments de calme introspectif sont rendus avec une maîtrise technique impressionnante. Chaque case est une œuvre d’art en soi, contribuant à vous immergez totalement dans l’histoire. La collaboration entre Christophe et Valério est une véritable symbiose artistique. Le scénario de christophe, avec ses dialogues percutants et ses situations dramatiques, trouve un écho parfait dans les dessins de Valério. Ensemble, ils créent une atmosphère oppressante et poignante, où l’espoir et le désespoir se côtoient constamment. Cel duo est remarquable ! Christophe sait s’entourer encore et encore de dessinateurs talentueux. Bravo. Survival Warn Springs n’est pas seulement une bande dessinée, c’est une expérience sensorielle et émotionnelle. Les thèmes abordés, tels que la survie, la résilience et la nature humaine, sont traités avec une profondeur et une sensibilité rare. Cette œuvre est un témoignage de la capacité de la bande dessinée à explorer des sujets complexes et à toucher le lecteur de manière profonde. Bing ! Une fleche dans ton coeur ! Survival Warn Springs est une réussite éclatante. C’est une lecture incontournable pour tous les amateurs de bande dessinée et une preuve supplémentaire du génie créatif de Christophe Bec ! Je ne peux que recommander chaudement de courir chez votre libraire pour vous procurer cet album.

04/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Big Black - Stand at Attica
Big Black - Stand at Attica

C’est un témoignage très factuel, assez froid, clinique, tout ceci étant la force, et sans doute la faiblesse de cet album. Mais il décrit un événement et une situation scandaleux, mais représentatifs de l’univers carcéral américain des années 1970. En effet, j’avais lu Panthers in the hole il y a quelques temps, et il y a de fortes similitudes dans le traitement inhumain et raciste des détenus noirs dans les prisons américaines, avec d’énormes abus de pouvoir, et une vision des « droits de l’homme » plus que cynique (voir ici les actions et propos du gouverneur Rockefeller, pétri de préjugés racistes et de classe, qui pense uniquement à son éventuelle nomination comme vice-président – on ne parle pas de Nixon…). Bâti autour du témoignage d’un des principaux protagonistes, cet album commence par montrer les traitements racistes, sadiques, subis par les détenus du pénitencier d’Attica (près de New-York), puis comment cette poudrière s’est brusquement enflammée, suite à un événement finalement quelconque. Et surtout on nous montre la réaction disproportionnée de l’armée, qui a froidement abattu – dans ce qui s’apparente quand même à du tir au pigeons ou, comme certaines victimes l’ont signalé, à une « chasse aux nègres » – plusieurs dizaines de détenus, mais aussi de matons otages. Tous abattus froidement, d’une balle dans la tête, voire de plusieurs dans le dos, dans une violence d’autant plus hallucinante que les détenus avaient réussi à calmer les plus excités d’entre eux et gardaient les otages dans des conditions très sereines. La suite est classique, puisque, à la suite de témoignages farfelus de matons racistes (et Blancs), dirigeants politiques (Blancs) et médias vont justifier cette tuerie en en masquant le bilan, et en accusant les détenus révoltés d’actes de barbarie imaginaires. Heureusement, quelques médecins et avocats intègres vont in-extremis parvenir à sauvegarder quelques preuves, et mener ensuite un long combat de plusieurs dizaines d’années pour obtenir vérité et « réparations » (difficiles pour les morts, mais aussi ceux qui ont survécu et qui, comme Frank Smith, ont été par la suite torturés). Je ne suis pas forcément fan du dessin d’Ameziane, mais il fait le boulot, et c’est très lisible. Le récit manque peut-être de souffle romanesque. Mais ça n'était pas son but, et ce témoignage glaçant est à lire. En plus de l’album cité plus haut, j’ai aussi pensé en le lisant à Kent State, quatre morts dans l'Ohio. Tous ces témoignages et documentaires montrent comment un pays prétendument démocratique traitait ses « opposants » (ou « parias ») dans les années 1970. On ne voit pas trop de différences avec certaines dictatures (et on voit bien le prolongement avec les dictatures sud-américaines soutenues par les États-Unis à la même époque). Si la situation a heureusement évolué, la violence et le racisme (qui s’ajoute aux préjugés de classe) frappent encore durement les systèmes judiciaires et carcéraux américains (de nombreuses affaires le rappellent encore récemment – voire le mouvement « Black lives matter »). Un témoignage/documentaire dur, mais à lire.

04/01/2025 (modifier)
Couverture de la série Blacksad
Blacksad

Je ne suis pas très polar. Bien que j'aime les mystères et les enquêtes j'ai souvent du mal avec les poncifs du genre. Pourtant, Blacksad est une excellente exception selon moi ! Déjà, ce qui saute aux yeux : c'est beau ! Le dessin de Guarnido est magnifique et colle parfaitement aux décors et à cette ambiance recherché de polar noir. Ensuite, les histoires : elles sont très bonnes. Les intrigues sont entraînantes, les personnages charismatiques et fascinants, les situations sombres et tragiques, ... Bref, ça donne envie d'être lu ! Les intrigues prenantes et souvent glauques prennent vraiment aux tripes. Du dramatique qui sait ne jamais en faire trop. Si je ne devais conseiller qu'un seul des albums, sans aucune hésitation (et sans grande originalité) je citerais sans doute le second, Arctic Nation. Bien que, polar noir oblige, tous les albums de cette série nous dépeignent les pires traits de l'âme humaine (comment ça se sont des animaux ?), c'est véritablement celui-ci qui m'a marqué dans son aspect terrifiant. Bon après, comme défaut personnel, j'avoue que l'hypersexualisation quasi-constante des corps féminins me gène un peu, mais on va dire que c'est quasiment un cliché du genre désormais. Je n'ai malheureusement pas encore pu lire les tomes 6 et 7 mais je compte bien rattraper cela dès que possible. (Note réelle 3,5)

04/01/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Le Prof qui a sauvé sa vie
Le Prof qui a sauvé sa vie

Les parents n’ont pas porté plainte, mais essayez de vous contrôler. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, à caractère autobiographique. Sa parution date de 2023. Il a été réalisé par Albert Algoud pour le scénario, et par Florence Cestac pour les dessins et les couleurs. Il comprend cinquante-neuf pages de bande dessinée. Florence Cestac a commencé à dessiner la première page, et elle demande à Albert à quoi correspond ce titre : Le prof qui a sauvé sa vie. Elle trouve que c’est plutôt lui qui a sauvé la vie à bien des élèves. Il répond que certes, mais il a bien failli y laisser sa peau. Et il commence son histoire : Septembre 1978, sa première affectation, à Bruyère, dans la vallée de la Vologne. Il est assis sur le lit d’une chambre d’hôtel, accablé, ses valises pas encore défaites, et étant sûr qu’il va crever d’ennui dans ce bled maudit, maudit car plus tard c’est ici qu’éclatera l’affaire du petit Grégory en 1984. Heureusement, trois mois plus tard, il reçoit une lettre du rectorat lui indiquant qu’il est titularisé : il va être prof de français au collège Tom-Morel de Roc-les-Forges, en Haute-Savoie. Son père s’était livré à une imposture auprès du ministère : il les avait appelés en se faisant passer pour Jean-Jacques Chaban-Delmas, et en exigeant qu’ils reçoivent rapidement le jeune Albert Algoud. Il fut convoqué très vite par un conseiller peu aimable. Pendant l’entretien, Albert remarque qu’il y a un journal de gauche sur le bureau du conseiller, et il sort son propre exemplaire du même journal ; l’entretien devient immédiatement cordial. Après un interminable périple en train et en autocar, il se retrouve dans une riante bourgade savoyarde, sous une pluie battante. Le lendemain matin, c’est le jour de la rentrée. Albert commence par passer à la boulangerie pour acheter un croissant. La boulangère lui dit ne pas s’encoubler à cause qu’elle a laissé la panosse. Devant l’air ahuri du client, elle traduit : ne pas se prendre les pieds dans la serpillère. Elle lui demande s’il faut mettre le croissant dans un cornet… Elle explique : un sachet. Au collège, il est accueilli par le principal : surnommé le Hareng, à cause de sa forte ressemblance au fourbe Acidenitrix, dans Le grand fossé, de René Goscinny & Albert Urderzo. Il se présente : Jacques Dacaure, le principal. Puis il lui présente ses collègues. Entre autres, il y avait Fanfoulé, prof de français et latin, personnage hors du commun. Pierre prof de gym, fumeur, laïc résolu, mélomane, sarcastique et grand lecteur. Mme Y, prof de maths, il s’est toujours demandé si elle n’était pas un homme. Jean-Paul, prof d’anglais, chanteur et joueur de saxo. Mme Tambet, prof de maths, dite la Vénus, acariâtre et terreur des nuls. Albéric, prof de dessin, toujours sympa et enthousiaste. Mlle M., prof d’histoire, chahutée, elle menace régulièrement ses élèves de se suicider. M. Z, prof de techno, sympa mais très porté sur la boutanche. M. D, alias la Science, prof de Sciences Nat, cordial, diplomate. Le jour suivant, rentrée des élèves et premier jour de classe. Les élèves de cette classe de sixième le dévisagent d’une façon incrédule. Un titre qui retourne une expression, puisque ici, c’est le professeur qui doit sauver sa vie, plutôt que de sauver la vie de ses élèves. Le lecteur peut avoir été attiré par la dessinatrice également autrice de Harry Mickson, Les Déblok, Le Démon de midi, ou encore Ginette. Elle est également la co-fondatrice de la maison d’édition Futuropolis avec Étienne Robial. Il peut aussi avoir envie d’en savoir plus sur les circonstances qui ont amené l’auteur à quitter l’éducation nationale pour devenir humoriste et travailler avec Antoine de Caunes et Karl Zéro dans Nulle Part Ailleurs, puis faire connaissance avec le professeur Choron, puis l’équipe d’Hara Kiri (Charlie Schlingo, Vuillemin, Jackie Berroyer, Gourio, Gébé, Cabu, Cavanna, Wolinski). Le titre indique également que l’auteur ne s’épanouissait pas dans son métier initial, et que l’ouvrage va donc être à charge contre le système éducatif en France, tout du moins tel qu’il existait à son époque. Ce parti pris apparaît dès la première page, dans laquelle Albert Algoud répond à l’artiste qu’il a bien failli y laisser sa vie. Puis il effectue un rapprochement entre le lieu de son affection et le fait qu’il sera le siège de l’affaire du petit Grégory six ans plus tard, établissant ainsi une curieuse relation de cause à effet à rebours de l’ordre chronologique. La description de ses collègues s’avère également très orientée : d’un côté les gens originaux et sympathiques, de l’autre les conformistes forcément névrosés et mortifères. Bien sûr, la tonalité de la narration s’inscrit dans un registre humoristique du fait des caractéristiques des dessins. L’artiste dessine ses personnages avec des gros nez, de type bande dessinée humoristique franco-belge et des mains ne comprenant que quatre doigts. Elle exagère les expressions de visage pour en faire des mimiques, avec le double effet de rendre apparent l’état d’esprit de chaque personnage et d’obtenir un effet comique doux. Le lecteur remarque d’ailleurs que le volume imposant de ces nez arrondis induit un décalage de côté un peu particulier de la bouche pour qu’elle puisse être visible. Pour autant, la direction d’acteurs reste dans un registre exprimant des nuances, sans tomber dans la caricature. Le lecteur éprouve ainsi de l’empathie pour chaque personnage : l’air sérieux du père d’Albert se faisant passer pour Chaban-Delmas, l’accueil souriant de la boulangère, le caractère acariâtre de Mme Tambet, la posture dépressive de Mlle M, les émotions plus intenses des adolescents, l’énergie mise par le prof quand il joue littéralement les scènes lors de la lecture à voix haute à ses élèves, l’insolence inébranlable de Félix qui imite Roland Magdane, le rire sans retenue des élèves devant un tableau de Joan Miró, la curiosité naturelle de ces mêmes élèves lors de la sortie à la foire aux bestiaux chaude en septembre, l’énervement du fonctionnaire de police découvrant que les lettres dénonçant les émissions de radio d’Albert Algoud ont été écrites par lui-même, la haine viscérale des skins comprenant qu’ils ont été moqués lors de leur propre défilé, sans oublier toutes les fois où Albert lui-même perd son contrôle de soi et explose. Le lecteur se retrouve en pleine empathie avec ce jeune professeur, avec ses amis, avec ses élèves, complètement de son côté. Il comprend qu’il voit les personnes et les lieux avec le point de vue subjectif d’Albert. Quand il arrive à Roc-les-Forges, le dessin montre une ville morose avec une couleur terne, et une pluie incessante, ce qui reflète l’état d’esprit dans lequel se trouve le professeur. Quand il entre s’acheter un croissant, la boulangère est tout sourire, le prof étant rasséréné par ce contact humain souriant et chaleureux. Lorsqu’il se trouve pour la première fois dans sa classe, les murs sont nus et sans identité, comme ceux d’une cellule. En revanche, lorsqu’il se trouve devant les rayonnages d’une bibliothèque, les dos sont colorés, un décor beaucoup plus attirant. Lors de la sortie scolaire à la foire aux bestiaux, les cases semblent pleines à craquer, pleines de nouvelles choses à découvrir. Lorsqu’il projette des diapositives d’œuvres d’art contemporaines, tous les élèves deviennent indistincts dans la pénombre, comme rendus anonymes par l’originalité des œuvres d’art de Paul Klee, Jackson Pollock, Joan Miró, René Magritte. Albert Algoud raconte cette période de sa vie de manière chronologique : l’annonce de sa titularisation en Haute-Savoie (où il semble se rendre tout seul, sans son épouse, ni sa fille), sa prise de contact avec les élèves et les autres professeurs, ses accrochages avec les élèves, ses échanges avec ses collègues sur ses difficultés pédagogiques, ses innovations pédagogiques (à cette époque, et dans cette région de la France), sa gaffe avec l’expression Crétin des Alpes (et le fond de vérité historique), ses relations extra-professionnelles avec certains collègues, avec certains élèves (tout en ayant conscience du risque), et enfin d’autres activités, à commencer par l’animation d’une émission sur une radio-libre, jusqu’à démissionner de l’éducation nationale. Le lecteur est de tout cœur avec lui pour cet investissement à trouver le bon mode d’intéressement des élèves, pour son côté redresseur de torts, pour son inventivité et son énergie lui permettant d’exprimer sa personnalité en sortant du cadre rigide de l’éducation nationale. De temps à autre, le lecteur ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur une facette ou une autre de ce qui est raconté. Il a bien noté qu’Albert tient un nourrisson dans ses bras en page 4, et qu’il doit être marié ou en couple, mais il n’est plus jamais fait mention d’eux par la suite, le jeune professeur ayant certainement dû se délocaliser seul en Haute-Savoie. Il ne peut pas s’empêcher non plus de penser de temps à autre à ses collègues. Albert semble plein de respect pour le prof de français et pour ses citations latines peu communes, en revanche les autres n’ont pas le droit à sa considération. Il indique à plusieurs reprises qu’il dérobe des livres dans des librairies pour les intégrer dans la bibliothèque de sa classe. Ces attitudes renvoient à la mission affichée dans le titre : sauver sa vie, en s’échappant d’un système trop strict. Une bande dessinée autobiographique pétrie de bonne humeur. Les dessins font voir le monde par les yeux du scénariste : des personnages pleins d’entrain, sauf pour quelques adultes morts à l’intérieur, l’énergie inépuisable des adolescents, les emportements du professeur, soit d’enthousiasme, soit d’indignation. Le scénariste revient sur cette période de sa vie : une solide motivation pour exercer son métier de professeur, mais un système éducatif qui perpétue l’injustice sociale, et qui exige que pour enseigner il faut avoir la foi dans sa vocation. En prime, une anecdote savoureuse avec Fabrice Luchini découvrant que son chauffeur de taxi connaît Albert Algoud.

04/01/2025 (modifier)
Par BENEYTO
Note: 5/5
Couverture de la série La Quête de l'Oiseau du Temps
La Quête de l'Oiseau du Temps

J'ai découvert la série au tout début donc il y a pas loin de quarante ans. J'ai eu pendant des années le dessin de Pélisse (qui était donné avec le N° 4 Collector) accroché à un mur de ma chambre. Je suis un fan absolu de cette série. Je regrette juste qu'ils aient mis aussi longtemps à écrire la suite (ou plutôt le prequel) qui est fabuleux lui aussi. Le final ne pouvait pas nous décevoir. Il est à l'image du final de la première série. C'est un monde à la Jack Vance. D'ailleurs, je proposerai bien à Loisel et Letendre de tenter de mettre en images au choix Rhialto le Merveilleux ou Cugel l'Astucieux.

04/01/2025 (modifier)