Ahhhh !!! Quel bonheur de retrouver ce petit univers si singulier mais tellement attachant que celui de la Pieuvre !
Chaque nouveau tome vient compléter ce petit Paris de la fin XIXe développé par Gess de façon subtile et intelligente. Avec "Fanny la Renoueuse" c'est une grosse pièce du puzzle qui s'agence, même si chaque tome reste indépendant...
J'aime cette période historique tellement riche en innovations politiques, artistiques, scientifiques. Et Gess s'empare de tout cela à merveille pour nous restituer un Paris transcendé par cette touche de fantastique où la Pieuvre règne en maîtresse depuis des lustres. Et c'est qu'on en apprend beaucoup dans ce tome sur les origines de cette entité mafieuse ! Et c'est par l'intermédiaire du passé de certains de ses protagonistes que la lumière se fait petit à petit ; et quel passé ! Et quelles révélations !
On a aussi le plaisir de retrouver la Bête que nous avions découvert dans le premier tome de cette série La Malédiction de Gustave Babel. Tout commence à s'interpénétrer en nous révélant l'étendue spectatentaculaire de la Pieuvre et de sa mainmise. C'était déjà riche et dense, cela en devient magnifique et hallucinant quand la mythologie vient en plus s'en mêler !
Du côté de l'objet et du dessin, la maquette est toujours aussi bien travaillée avec ce dos toilé, ces fonds de planche faussement jaunis, qui assoient cette ambiance fin XIXe tout en valorisant pleinement de dessin de Gess et sa colorisation si personnelle.
Bref, avec ce 4e opus, je passe ma note à 5 (culte !), tant je suis conquis par l'univers qu'aura su nous proposer et développer l'auteur.
J'en REVEUX ! A quand un prochain tome ???
Voilà un bel album tout en sensibilité et en mélancolie. Le dessin est accompagné d'une colorisation aux tons peu variés, globalement assez sombre : noir, gris clair, gris foncé et quelques teintes de rouge... Triste ? comme cette histoire de frère et soeur, orphelins, séparés pendant la guerre. Mais malgré cette palette de couleurs monotone au premier abord, le dessin illumine bel et bien l'histoire.
La jeune fille va grandir, sans jamais cessé de penser à son frère. L'espoir de le retrouver l'anime sincèrement. Elle lui écrit de nombreuse lettres. Ce sont d'ailleurs ces correspondances qui racontent le récit, car, par ailleurs celui-ci est assez peu bavard. Au gré des lettres et des flashbacks on découvre la vie de ces deux jeunes enfants frappés par l'horreur de la guerre.
C'est poétique et mélancolique, et parfois le rythme est un peu lent, voire même assez mou. Mais si on aimerait que l'histoire avance un peu plus vite, c'est aussi parce qu'on est pressé d'en connaitre la fin... qu'est devenu le petit garçon ? Se retrouveront-il ? Et si on est pressé c'est bien qu'on s'est attaché aux personnages, que leur destinée ne laisse pas indifférent.
Un album qui se lit tout seul, le ton est juste, sensible, et le dessin sert de belle manière l'histoire.
Cet album est une pépite !
Hé oui, vous allez encore lire un avis enthousiaste !
Un album de grande taille qui permet de mettre en valeur le travail titanesque de Jean Dalin. Vous allez en prendre plein les mirettes !
Un dessin original, fluide et d'une froide beauté. Je suis resté bouche bée devant l'inventivité des mondes visités et du soin méticuleux apporté à chaque détail. Des doubles pages à couper le souffle.
Un plaisir des yeux qui doit beaucoup aux choix des couleurs, elles vont suivre les pérégrinations de nos personnages et évoluer au fil de leurs aventures. Des couleurs intenses aux contrastes saisissants !
L'agencement des planches est très varié et facile à suivre, il peut aller d'une pleine page à une quarantaine de cases sur une même planche.
N'hésitez pas à feuilletter l'album en librairie.
Du grand art !
Un monde futuriste où une lettre doit être remise en main propre à sa destinataire. Une intrigue qui se met en place sur fond d'amitié, d'amour, de trahison et de hiérarchisation.
Un récit abstrait, drôle, absurde, labyrinthique et touchant. Les dialogues sont savoureux, les situations cocasses sont nombreuses, mais une certaine noirceur demeure malgré tout.
Vivement le second volume pour en connaître la conclusion.
Un album novateur. Bravo à Jean Dalin pour ce premier coup d'essai.
Gros coup de cœur graphique.
Adaptation du roman éponyme de l’écrivain finlandais Arto Paasilinna, cette BD nous transporte dans un petit village du nord de la Finlande, peu après la Seconde Guerre mondiale, où un étranger, Gunnar Huttunen (dit Nanar), rachète et remet en marche le vieux moulin local. Bien que d’abord accueilli à bras ouverts, Huttunen révèle une particularité troublante : une certaine propension à hurler et à l'excentricité qui va perturber la quiétude des villageois. Ces derniers, dérangés par ses frasques, n’ont dès lors qu’une idée en tête : l’envoyer à l’asile.
Dumontheuil s’approprie avec jubilation cette histoire tragique où l’humour et une certaine soif d’absolu sont de mise. J'avais déjà adoré le dessin dans de Nicolas Dumontheuil dans Qui a tué l'idiot ?, et ai retrouvé ici avec grand plaisir les traits vivants, les formes dynamiques et les libertés géométrique qui créent ce dessin assez virevoltant qui colle très bien à l'histoire. Les décors faits de paysages forestiers sombres et de bâtiments en bois aux structures imposantes finissent de poser l’atmosphère visuelle.
Le récit oscille entre drame et comédie grinçante, offrant une critique en règle d’une société régie par les préjugés et l’arbitraire. Sous les aspects d'une comédie loufoque, c'est une critique subtile et incisive des groupes humains qui se met en place. À travers le rejet dont il est victime, l’œuvre pointe du doigt les travers d’une société conformiste, méfiante envers ceux qui sortent du cadre établi. Huttunen, avec son excentricité et sa sensibilité exacerbée, devient le bouc émissaire d’un village où l’ordre social repose sur des codes implicites mais rigides.
L’histoire met en lumière le poids des normes sociales et la peur de la différence, transformant une communauté apparemment paisible en un tribunal implacablement injuste. Les villageois, au lieu d’accepter les singularités de Gunnar, s’unissent pour l’exclure, symbolisant une société qui préfère réprimer ce qu’elle ne comprend pas plutôt que de chercher à l’intégrer. La folie apparente de Gunnar est en réalité un cri de liberté, un refus des carcans imposés, tandis que la “normalité” des villageois se révèle dans toute sa petitesse et sa cruauté tant et si bien qu'on finit par se demander qui est le fou de l'histoire.
C'est très grinçant mais contrairement à Canarde, je trouve que c'est une œuvre qui fait du bien, parce qu'elle a le mérite de remettre l'église au milieu du village.
Bravo Monsieur Dumontheuil, un coup de coeur pour moi.
Et si tout n'était que mensonges ?
Évidemment, avec ce titre, la religion va être au centre du récit. D'abord avec Judas Iscariot en personnage principal, mais deux autres protagonistes vont avoir des rôles majeurs : Jésus et le diable.
Si Judas n'avait pas facilité l'arrestation de Jésus, l'histoire n'aurait plus la même résonance, il n'aurait pas été jugé par Ponce Pilate, crucifié sur la croix et ressuscité trois jours plus tard. Car comme le souligne l'apôtre Paul : « Et si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et vaine aussi est votre foi. », sa résurrection est le cœur de la foi chrétienne.
A sa mort Jésus descend à l'Hadès et là... Jeff Loveness nous en donne sa version, en réunissant nos trois personnages pour un "Qui a trahi qui ?".
Un scénario inventif et bien construit, il puise dans la bible pour être au plus proche des évangiles. C'est cet aspect du récit qui met du grain à moudre dans la tête du lecteur, tout en suivant en parallèle les interrogations de Judas. Un Judas qui dégage une belle humanité. Rien n'est totalement noir ou totalement blanc.
Une fin qui ne pouvait que se terminer ainsi, et elle me satisfait.
Si j'ai autant aimé ce récit, Jakub Rebelka n'y est pas étranger. Sa composition graphique est totalement immersive avec le grand soin apporté aux décors, aux détails vestimentaires, à sa mise en page, à son trait gras et géométrie et à ses choix de couleurs. Un style à nul autre pareil, d'une efficacité redoutable.
Une reconstitution minutieuse de cette période historique et la partie se situant aux enfers sent le souffre et la putréfaction.
Très très beau !
Un comics très original sur le fond et sur la forme.
Mais un comics que je ne peux ni conseiller, ni déconseiller, le sujet risque d'en laisser certains sur le carreau.
Coup de cœur.
"Nul n'a plus grand amour que celui-ci : Donner sa vie pour ses amis."
Jean,15 : 13.
tome 1
La première chose que l'on remarque avec cette bd, c'est sa qualité éditoriale, une couverture remarquable, et un album de 135 pages qui pèse plus d'un kilo !
Certes, le prix est assez élevé, et un choix éditorial autre à un moindre coût aurait pu l'emporter mais c'est vrai que cette option, assez luxueuse, est discutable mais passons...
Ce qui frappe en ouvrant cet album, c'est le dessin de Thimothée Montaigne. J'avais découvert cet auteur avec la série Le Troisième Testament - Julius qu'il avait repris au pied levé avec un certain brio, il faut l'avouer. Certes son dessin lorgne sans ambiguïté aucune, vers celui de Mathieu Lauffray, avec lequel il avait collaboré sur Long John Silver.
Il n’y a rien à dire sur le dessin, c'est superbe, on en prend plein la vue avec quelques pleines pages ou doubles pages incroyables (je pense notamment à la découverte du Jakata, pages 22 et 23.)
En débutant la lecture, j'ai immédiatement songé au personnage de Lady Hasting de Long John Silver avec Lucretia Hans, qui veut rejoindre son époux, au delà des mers.
Je reste subjugué par la beauté des planches, malgré la noirceur de l'intrigue, au fil des pages.
Le scénario de Xavier Dorison n'est pas en reste, l'intrigue est très sombre, les personnages très tourmentés, et ce premier volume retrace avec une efficacité remarquable, l'atmosphère qui règne sur un navire où une mutinerie couve....
Parti d'un choix éditorial très discutable sur le coût, cet album rejoint, à mes yeux, un des meilleurs albums que j'ai lus cette année, bref un incontournable de cette année.
tome 2
La lecture du premier volume fut , pour moi, jubilatoire. Je ne connaissais pas du tout ce fait maritime, et je me suis fait souffrance pour ne pas aller en découvrir davantage , pour mieux appréhender ce second volume.
Je dois dire que cet album est époustouflant à tout point de vue. Un dessin de Thimothée Montaigne magnifique voire exceptionnel, les pleines pages sont d'une beauté à couper le souffle.
Mais c'est surtout le rythme du récit qui tient en haleine le lecteur, d'ailleurs je n'ai pas réussi à lâcher ce livre avant d'en connaitre le dénouement. On a du mal à imaginer tant d'atrocités dans ce récit, bien qu'il soit très fortement inspiré de faits réels. Le travail de Xavier Dorison est, une de fois de plus, remarquable dans cette adaptation.
J'ai bien évidement relu le premier volume de ce diptyque avant de me lancer dans cet album, et à mon avis, ce second tome dépasse encore le précédent, c'est dire!
Une de mes meilleures lectures de cette année.
Et je passe sous silence la qualité éditoriale de l'album,et son prix, certes élevé, mais lorsque le scénario et le dessin sont d'une telle qualité, on ne peut passer à côté d'un tel chef d’œuvre.
Ben Stenbeck s'est fait connaître pour ses collaborations avec Mike Mignola (qui signe d'ailleurs la préface de cet album). Pour ma part, c'est avec Hellboy et B.P.R.D. - Origines que j'ai découvert cet auteur. Le voici qui signe son premier album solo dans un registre qui sort du fantastique pour lequel on le connaissait pour nous proposer un album SF post-apo' d'une grande force.
Comme le relève la présentation de l'éditeur, on est ici dans un univers proche de Mad Max. C'est sur les pas agiles d'un jeune garçon sauvage et le regard curieux d'une IA en mission sur Terre que nous allons découvrir cet univers ravagé où pullulent des tribus cannibales. Un seul objectif : survivre. Pour y parvenir tout est permis, et ça notre jeune l'a bien compris. Quant à notre IA, son petit côté philanthrope va lui jouer des tours, car c'est en voulant venir en aide au garçon que tout ce petit monde va se retrouver impliqué dans une tragique chasse à l'homme. Chasseur, chassé, les rôles tournent, les têtes aussi et volent parfois : ça va saigner sec !
Voilà en tout cas un album surprenant, certainement un des meilleurs albums de SF lus depuis pas mal de temps. On se laisse en effet rapidement prendre par cette histoire âpre et noire où importe juste le fait de survivre. Les personnages sont bien campés et originaux, que ce soit notre mystérieux garçon, le duo d'IA ou même les personnages composants la meute humaine qui poursuit notre protagoniste.
Côté graphisme, le style épuré de Ben Stenbeck très bien mis en valeur par la colorisation sobre de Dave Stewart est d'une redoutable efficacité.
Un très bon one shot, qui donnerait presque envie de voir d'autres albums étoffer cet univers !
Musique d’ambiance : Ghost in the Shell – Nightstalker
Dans le making-of, Guillaume – Blaky – Singelin évoque des films d’animations tels qu’Akira ou Ghost in the Shell entre autres, parmi ses inspirations du décorum de P.T.S.D. et c’est effectivement ce qui m’a le plus frappé à ma lecture, je voulais donc l’évoquer en premier. L’action se situe dans une ville tentaculaire, étouffante de par le climat mais aussi parce que ça grouille d’êtres humains, la pauvreté, la misère sont partout, du plus bas de la ville parmi les rats et les miséreux, jusqu’au sommet des buildings tenus par les gangs.
J’ai grandement apprécié les inspirations asiatiques sur cet aspect là, qui sont aussi présents concernant le charadesign des personnages, quasi mangagesques avec leurs grands yeux expressifs. Les scènes de bouffe également ont un côté très « Miyazaki » dans l’approche, ça réchauffe les cœurs et pense les blessures aussi bien physiques que mentales. Les proportions des corps sont parfois un peu chelou mais cela fait partie du style du dessinateur, plutôt cool. Et puis ça contraste avec le code couleurs, très chaud souvent, exotique, c’est la ville dans la jungle on a l’impression. Et comme on nous raconte l’histoire d’une soldate sniper d’élite jamais totalement revenue de la guerre (qui s’apparente à celle du Vietnam), c’est un choix assez pertinent et intelligent.
L’histoire donc, c’est la fusion de First Blood, L’échelle de Jacob et Dredd, c’est G.I. Jane à la confrontation des gangs de rue. Mais que fait la police d’ailleurs?!
Enfin ça c’est pour les apparences, il y a tout un récit sur la rédemption, qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, un discours aussi sur l’entraide, le fait qu’on est plus fort ensemble que seul dans son coin. Certains trouveront ça un peu bateau peut être, moi j’ai trouvé que c’était une bonne piqûre de rappel, et puis que c’était bougrement bien mené. C’est tour à tour touchant et violent.
À ne pas rater.
Ce one-shot a été l'occasion de me (re)plonger dans la courte mais prolifique carrière de Robert Capa, considéré comme l'uns des tous meilleurs photographes de tous les temps et un pionnier du photojournalisme.
La bande dessinée revient sur les 20 dernières de sa vie, c'est à dire à partir du moment où sa compagne de l'époque Gerda Taro (autre photographe de guerre de génie) a l'idée d'un pseudonyme plus vendeur. Il s'agira de Robert Capa, plutot que Endre Friedmann, cela donne une sonorité plus américain et permettra au couple de vendre plus cher leurs clichés.
Je dois reconnaitre que j'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire et je pense que ça tient surtout à la narration, assez lente. Il n'y a quasiment pas de dialogues, ce sont essentiellement les pensées de Robert Capa, retranscrites à la première personne, en voix off, en support de l'image. Sans doute l'idée de l'auteur était-elle de donner à l'oeuvre un coté journal intime ou carnet de bord. Mais j'ai trouvé que ça n'aidait pas forcément à une lecture tres fluide. Et puis au fur et à mesure que l'on tourne les pages, l'ensemble gagne en cohérence, en consistence. Cette approche intimiste nous fait mieux comprendre les sentiments de Capa, son attente surtout, quasi maladive entre les conflits, son besoin d'action, d'être au plus près des combats, d'entendre les balles qui fusent autour de lui. Le point d'orgue étant le 6 juin 1944 avec ce débarquement sur les plages de Normandie, retranscrit avec beaucoup de force et d'émotion.
J'ai trouvé le dessin tres fin et très élégant, et les couleurs majoritairement sépias, aident parfaitement à inscrire le récit dans ce contexte de photojournalisme de guerre, qui était essentiellement en noir et blanc. La seule touche de couleur arrive avec la derniere planche, évidemment pour souligner la dramaturgie du moment et on pense bien évidemment à la liste de Schindler de Spielberg.
Plus que les différents conflits connus que Capa a couverts (la guerre civile en Espagne, la deuxième guerre mondiale, la guerre d'Indochine), ça a surtout été pour moi l'occasion de prendre la mesure du destin incroyable de Capa. Il aura en moins d'une vingtaine d'années rencontré et cotoyé (entre autres) Hemingway, Picasso, Matisse, Ingrid Bergman, Hitchcock, Roosevelt, Steinbeck. Il aura vécu en Europe, aux Etats Unis, en Asie, ... Ce que montre bien finalement cette BD c'est son coté insatiable et entier: joueur de poker invétéré (et visiblement pas très bon), buveur, et surtout avec cette envie constante de se retrouver sans cesse sur la ligne de front quelle qu'elle soit, à risquer sa vie à chaque instant. On finit meme par se demander si immortaliser l'instant et informer l'interessent finalement moins que l'adrénaline et la prise de risque. L'auteur réussit vraiment bien nous faire vivre cela. Cela fait d'ailleurs écho à un film sorti cette année sur le même thème: Civil War. Dans un futur proche on y voit des journalistes tout risquer également pour une photo et on se demande surtout si leur véritable motivation n'est pas cet éternel shoot adrénaline.
Belle BD donc à découvrir sur ce type incroyable qu'a été Robert Capa.
Voilà exactement une BD dont j'avais besoin.
J'ai lu quelques-uns des auteurs majeurs de son histoire, comme beaucoup de gens je pense, tels que Herman Melville, Henry James (qui était américain au départ avant de mal tourner et de devenir anglais), ou même Nathaniel Hawthorne. Mais je n'avais pas vraiment une vue d'ensemble des débuts de cette littérature, que l'autrice Catherine Mory place au début du XIXème siècle. Je pense qu'il y a eu quelques auteurs auparavant, mais qu'ils n'ont pas eu le rayonnement de la quinzaine de noms qui sont traités ici. L'enjeu est ici de nous montrer comment, à partir de James Fenimore Cooper (auteur du Dernier des Mohicans entre autres), ces femmes et ces hommes ont construit une véritable légende, une mythologie pour leur pays si disparate, si difficile à saisir. On notera au passage qu'une seule femme est présente dans ce casting, qu'à ma grande honte je ne connaissais pas, à part en ayant croisé son nom sans aller bien plus loin.
On nous présente donc la vie et l'œuvre de chacune de ces augustes personnes, en nous indiquant dans quel milieu il ou elle a grandi, comment il ou elle s'est construit(e) mais aussi les œuvres remarquables de chacun(e). Et c'est fait de façon assez accessible, didactique sans être lourdingue. Il y a des pincées d'humour, mais sans en rajouter. Catherine Mory, enseignante en littérature, est clairement dans son élément, aidée par ses éditeurs dont le nom figure en couverture. J'avoue que j'ai bien aimé ma lecture, j'ai appris énormément de choses en parcourant ce premier tome qui fait un tour d'horizon de l'autrice et de l'auteur nés au XIXème siècle, certains ayant terminé leur carrière et leur vie au début du XXème. Après chaque épisode bio-bibliographique, un arbre nous propose en un clin d'œil de voir qui sont les héritier(e)s de chaque grand nom au XXème siècle, de quoi prolonger les recherches ou piocher des idées de lecture en attendant le deuxième tome qui traitera du XXème.
Dans ce deuxième tome, on continue sur les mêmes bases, à savoir un panorama des auteurs majeurs de la littérature américaine. Je dis bien "auteurs", car malheureusement peu de femmes sont présentes : une seule sur les dix noms présentés, même si à l'issue de chaque chapitre, un arbre permet de voir quel(le)s autres auteurs/trices chacun(e) a pu influencer. C'est donc Flannery O'Connor, qui a écrit des romans noirs, empreints de son Sud profond, qui a l'honneur de représenter la gent féminine. C'est d'ailleurs celle dont la vie me semble la mieux décrite, de manière un peu moins scolaire que celle de gars comme Hemingway, Capote ou Tennessee Williams... Comme le souligne Gaston dans son avis, il est un peu dommage que l'on ait droit à des résumés entiers des œuvres, alors que la vocation d'une telle collection est plutôt de donner envie de découvrir les écrits de tel ou tel auteur... Mais cela reste pertinent, passionnant et indispensable.
Le dessin est assuré par Jean-Baptiste Hostache, qui a fait son petit bout de chemin depuis Clockwerx, et propose un style mêlant une certaine rigueur dans les costumes avec un relâchement à la Blutch dans les postures et les expressions des personnages parfois.
Bref, c'est passionnant, c'est indispensable, c'est très plaisant, je recommande évidemment.
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Ahhhh !!! Quel bonheur de retrouver ce petit univers si singulier mais tellement attachant que celui de la Pieuvre ! Chaque nouveau tome vient compléter ce petit Paris de la fin XIXe développé par Gess de façon subtile et intelligente. Avec "Fanny la Renoueuse" c'est une grosse pièce du puzzle qui s'agence, même si chaque tome reste indépendant... J'aime cette période historique tellement riche en innovations politiques, artistiques, scientifiques. Et Gess s'empare de tout cela à merveille pour nous restituer un Paris transcendé par cette touche de fantastique où la Pieuvre règne en maîtresse depuis des lustres. Et c'est qu'on en apprend beaucoup dans ce tome sur les origines de cette entité mafieuse ! Et c'est par l'intermédiaire du passé de certains de ses protagonistes que la lumière se fait petit à petit ; et quel passé ! Et quelles révélations ! On a aussi le plaisir de retrouver la Bête que nous avions découvert dans le premier tome de cette série La Malédiction de Gustave Babel. Tout commence à s'interpénétrer en nous révélant l'étendue spectatentaculaire de la Pieuvre et de sa mainmise. C'était déjà riche et dense, cela en devient magnifique et hallucinant quand la mythologie vient en plus s'en mêler ! Du côté de l'objet et du dessin, la maquette est toujours aussi bien travaillée avec ce dos toilé, ces fonds de planche faussement jaunis, qui assoient cette ambiance fin XIXe tout en valorisant pleinement de dessin de Gess et sa colorisation si personnelle. Bref, avec ce 4e opus, je passe ma note à 5 (culte !), tant je suis conquis par l'univers qu'aura su nous proposer et développer l'auteur. J'en REVEUX ! A quand un prochain tome ???
Les Notes rouges
Voilà un bel album tout en sensibilité et en mélancolie. Le dessin est accompagné d'une colorisation aux tons peu variés, globalement assez sombre : noir, gris clair, gris foncé et quelques teintes de rouge... Triste ? comme cette histoire de frère et soeur, orphelins, séparés pendant la guerre. Mais malgré cette palette de couleurs monotone au premier abord, le dessin illumine bel et bien l'histoire. La jeune fille va grandir, sans jamais cessé de penser à son frère. L'espoir de le retrouver l'anime sincèrement. Elle lui écrit de nombreuse lettres. Ce sont d'ailleurs ces correspondances qui racontent le récit, car, par ailleurs celui-ci est assez peu bavard. Au gré des lettres et des flashbacks on découvre la vie de ces deux jeunes enfants frappés par l'horreur de la guerre. C'est poétique et mélancolique, et parfois le rythme est un peu lent, voire même assez mou. Mais si on aimerait que l'histoire avance un peu plus vite, c'est aussi parce qu'on est pressé d'en connaitre la fin... qu'est devenu le petit garçon ? Se retrouveront-il ? Et si on est pressé c'est bien qu'on s'est attaché aux personnages, que leur destinée ne laisse pas indifférent. Un album qui se lit tout seul, le ton est juste, sensible, et le dessin sert de belle manière l'histoire.
La Trahison d'Olympe
Cet album est une pépite ! Hé oui, vous allez encore lire un avis enthousiaste ! Un album de grande taille qui permet de mettre en valeur le travail titanesque de Jean Dalin. Vous allez en prendre plein les mirettes ! Un dessin original, fluide et d'une froide beauté. Je suis resté bouche bée devant l'inventivité des mondes visités et du soin méticuleux apporté à chaque détail. Des doubles pages à couper le souffle. Un plaisir des yeux qui doit beaucoup aux choix des couleurs, elles vont suivre les pérégrinations de nos personnages et évoluer au fil de leurs aventures. Des couleurs intenses aux contrastes saisissants ! L'agencement des planches est très varié et facile à suivre, il peut aller d'une pleine page à une quarantaine de cases sur une même planche. N'hésitez pas à feuilletter l'album en librairie. Du grand art ! Un monde futuriste où une lettre doit être remise en main propre à sa destinataire. Une intrigue qui se met en place sur fond d'amitié, d'amour, de trahison et de hiérarchisation. Un récit abstrait, drôle, absurde, labyrinthique et touchant. Les dialogues sont savoureux, les situations cocasses sont nombreuses, mais une certaine noirceur demeure malgré tout. Vivement le second volume pour en connaître la conclusion. Un album novateur. Bravo à Jean Dalin pour ce premier coup d'essai. Gros coup de cœur graphique.
Le Meunier hurlant
Adaptation du roman éponyme de l’écrivain finlandais Arto Paasilinna, cette BD nous transporte dans un petit village du nord de la Finlande, peu après la Seconde Guerre mondiale, où un étranger, Gunnar Huttunen (dit Nanar), rachète et remet en marche le vieux moulin local. Bien que d’abord accueilli à bras ouverts, Huttunen révèle une particularité troublante : une certaine propension à hurler et à l'excentricité qui va perturber la quiétude des villageois. Ces derniers, dérangés par ses frasques, n’ont dès lors qu’une idée en tête : l’envoyer à l’asile. Dumontheuil s’approprie avec jubilation cette histoire tragique où l’humour et une certaine soif d’absolu sont de mise. J'avais déjà adoré le dessin dans de Nicolas Dumontheuil dans Qui a tué l'idiot ?, et ai retrouvé ici avec grand plaisir les traits vivants, les formes dynamiques et les libertés géométrique qui créent ce dessin assez virevoltant qui colle très bien à l'histoire. Les décors faits de paysages forestiers sombres et de bâtiments en bois aux structures imposantes finissent de poser l’atmosphère visuelle. Le récit oscille entre drame et comédie grinçante, offrant une critique en règle d’une société régie par les préjugés et l’arbitraire. Sous les aspects d'une comédie loufoque, c'est une critique subtile et incisive des groupes humains qui se met en place. À travers le rejet dont il est victime, l’œuvre pointe du doigt les travers d’une société conformiste, méfiante envers ceux qui sortent du cadre établi. Huttunen, avec son excentricité et sa sensibilité exacerbée, devient le bouc émissaire d’un village où l’ordre social repose sur des codes implicites mais rigides. L’histoire met en lumière le poids des normes sociales et la peur de la différence, transformant une communauté apparemment paisible en un tribunal implacablement injuste. Les villageois, au lieu d’accepter les singularités de Gunnar, s’unissent pour l’exclure, symbolisant une société qui préfère réprimer ce qu’elle ne comprend pas plutôt que de chercher à l’intégrer. La folie apparente de Gunnar est en réalité un cri de liberté, un refus des carcans imposés, tandis que la “normalité” des villageois se révèle dans toute sa petitesse et sa cruauté tant et si bien qu'on finit par se demander qui est le fou de l'histoire. C'est très grinçant mais contrairement à Canarde, je trouve que c'est une œuvre qui fait du bien, parce qu'elle a le mérite de remettre l'église au milieu du village. Bravo Monsieur Dumontheuil, un coup de coeur pour moi.
Judas
Et si tout n'était que mensonges ? Évidemment, avec ce titre, la religion va être au centre du récit. D'abord avec Judas Iscariot en personnage principal, mais deux autres protagonistes vont avoir des rôles majeurs : Jésus et le diable. Si Judas n'avait pas facilité l'arrestation de Jésus, l'histoire n'aurait plus la même résonance, il n'aurait pas été jugé par Ponce Pilate, crucifié sur la croix et ressuscité trois jours plus tard. Car comme le souligne l'apôtre Paul : « Et si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et vaine aussi est votre foi. », sa résurrection est le cœur de la foi chrétienne. A sa mort Jésus descend à l'Hadès et là... Jeff Loveness nous en donne sa version, en réunissant nos trois personnages pour un "Qui a trahi qui ?". Un scénario inventif et bien construit, il puise dans la bible pour être au plus proche des évangiles. C'est cet aspect du récit qui met du grain à moudre dans la tête du lecteur, tout en suivant en parallèle les interrogations de Judas. Un Judas qui dégage une belle humanité. Rien n'est totalement noir ou totalement blanc. Une fin qui ne pouvait que se terminer ainsi, et elle me satisfait. Si j'ai autant aimé ce récit, Jakub Rebelka n'y est pas étranger. Sa composition graphique est totalement immersive avec le grand soin apporté aux décors, aux détails vestimentaires, à sa mise en page, à son trait gras et géométrie et à ses choix de couleurs. Un style à nul autre pareil, d'une efficacité redoutable. Une reconstitution minutieuse de cette période historique et la partie se situant aux enfers sent le souffre et la putréfaction. Très très beau ! Un comics très original sur le fond et sur la forme. Mais un comics que je ne peux ni conseiller, ni déconseiller, le sujet risque d'en laisser certains sur le carreau. Coup de cœur. "Nul n'a plus grand amour que celui-ci : Donner sa vie pour ses amis." Jean,15 : 13.
1629 ou l'effrayante histoire des naufragés du Jakarta
tome 1 La première chose que l'on remarque avec cette bd, c'est sa qualité éditoriale, une couverture remarquable, et un album de 135 pages qui pèse plus d'un kilo ! Certes, le prix est assez élevé, et un choix éditorial autre à un moindre coût aurait pu l'emporter mais c'est vrai que cette option, assez luxueuse, est discutable mais passons... Ce qui frappe en ouvrant cet album, c'est le dessin de Thimothée Montaigne. J'avais découvert cet auteur avec la série Le Troisième Testament - Julius qu'il avait repris au pied levé avec un certain brio, il faut l'avouer. Certes son dessin lorgne sans ambiguïté aucune, vers celui de Mathieu Lauffray, avec lequel il avait collaboré sur Long John Silver. Il n’y a rien à dire sur le dessin, c'est superbe, on en prend plein la vue avec quelques pleines pages ou doubles pages incroyables (je pense notamment à la découverte du Jakata, pages 22 et 23.) En débutant la lecture, j'ai immédiatement songé au personnage de Lady Hasting de Long John Silver avec Lucretia Hans, qui veut rejoindre son époux, au delà des mers. Je reste subjugué par la beauté des planches, malgré la noirceur de l'intrigue, au fil des pages. Le scénario de Xavier Dorison n'est pas en reste, l'intrigue est très sombre, les personnages très tourmentés, et ce premier volume retrace avec une efficacité remarquable, l'atmosphère qui règne sur un navire où une mutinerie couve.... Parti d'un choix éditorial très discutable sur le coût, cet album rejoint, à mes yeux, un des meilleurs albums que j'ai lus cette année, bref un incontournable de cette année. tome 2 La lecture du premier volume fut , pour moi, jubilatoire. Je ne connaissais pas du tout ce fait maritime, et je me suis fait souffrance pour ne pas aller en découvrir davantage , pour mieux appréhender ce second volume. Je dois dire que cet album est époustouflant à tout point de vue. Un dessin de Thimothée Montaigne magnifique voire exceptionnel, les pleines pages sont d'une beauté à couper le souffle. Mais c'est surtout le rythme du récit qui tient en haleine le lecteur, d'ailleurs je n'ai pas réussi à lâcher ce livre avant d'en connaitre le dénouement. On a du mal à imaginer tant d'atrocités dans ce récit, bien qu'il soit très fortement inspiré de faits réels. Le travail de Xavier Dorison est, une de fois de plus, remarquable dans cette adaptation. J'ai bien évidement relu le premier volume de ce diptyque avant de me lancer dans cet album, et à mon avis, ce second tome dépasse encore le précédent, c'est dire! Une de mes meilleures lectures de cette année. Et je passe sous silence la qualité éditoriale de l'album,et son prix, certes élevé, mais lorsque le scénario et le dessin sont d'une telle qualité, on ne peut passer à côté d'un tel chef d’œuvre.
Poussière d'os
Ben Stenbeck s'est fait connaître pour ses collaborations avec Mike Mignola (qui signe d'ailleurs la préface de cet album). Pour ma part, c'est avec Hellboy et B.P.R.D. - Origines que j'ai découvert cet auteur. Le voici qui signe son premier album solo dans un registre qui sort du fantastique pour lequel on le connaissait pour nous proposer un album SF post-apo' d'une grande force. Comme le relève la présentation de l'éditeur, on est ici dans un univers proche de Mad Max. C'est sur les pas agiles d'un jeune garçon sauvage et le regard curieux d'une IA en mission sur Terre que nous allons découvrir cet univers ravagé où pullulent des tribus cannibales. Un seul objectif : survivre. Pour y parvenir tout est permis, et ça notre jeune l'a bien compris. Quant à notre IA, son petit côté philanthrope va lui jouer des tours, car c'est en voulant venir en aide au garçon que tout ce petit monde va se retrouver impliqué dans une tragique chasse à l'homme. Chasseur, chassé, les rôles tournent, les têtes aussi et volent parfois : ça va saigner sec ! Voilà en tout cas un album surprenant, certainement un des meilleurs albums de SF lus depuis pas mal de temps. On se laisse en effet rapidement prendre par cette histoire âpre et noire où importe juste le fait de survivre. Les personnages sont bien campés et originaux, que ce soit notre mystérieux garçon, le duo d'IA ou même les personnages composants la meute humaine qui poursuit notre protagoniste. Côté graphisme, le style épuré de Ben Stenbeck très bien mis en valeur par la colorisation sobre de Dave Stewart est d'une redoutable efficacité. Un très bon one shot, qui donnerait presque envie de voir d'autres albums étoffer cet univers !
P.T.S.D.
Musique d’ambiance : Ghost in the Shell – Nightstalker Dans le making-of, Guillaume – Blaky – Singelin évoque des films d’animations tels qu’Akira ou Ghost in the Shell entre autres, parmi ses inspirations du décorum de P.T.S.D. et c’est effectivement ce qui m’a le plus frappé à ma lecture, je voulais donc l’évoquer en premier. L’action se situe dans une ville tentaculaire, étouffante de par le climat mais aussi parce que ça grouille d’êtres humains, la pauvreté, la misère sont partout, du plus bas de la ville parmi les rats et les miséreux, jusqu’au sommet des buildings tenus par les gangs. J’ai grandement apprécié les inspirations asiatiques sur cet aspect là, qui sont aussi présents concernant le charadesign des personnages, quasi mangagesques avec leurs grands yeux expressifs. Les scènes de bouffe également ont un côté très « Miyazaki » dans l’approche, ça réchauffe les cœurs et pense les blessures aussi bien physiques que mentales. Les proportions des corps sont parfois un peu chelou mais cela fait partie du style du dessinateur, plutôt cool. Et puis ça contraste avec le code couleurs, très chaud souvent, exotique, c’est la ville dans la jungle on a l’impression. Et comme on nous raconte l’histoire d’une soldate sniper d’élite jamais totalement revenue de la guerre (qui s’apparente à celle du Vietnam), c’est un choix assez pertinent et intelligent. L’histoire donc, c’est la fusion de First Blood, L’échelle de Jacob et Dredd, c’est G.I. Jane à la confrontation des gangs de rue. Mais que fait la police d’ailleurs?! Enfin ça c’est pour les apparences, il y a tout un récit sur la rédemption, qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, un discours aussi sur l’entraide, le fait qu’on est plus fort ensemble que seul dans son coin. Certains trouveront ça un peu bateau peut être, moi j’ai trouvé que c’était une bonne piqûre de rappel, et puis que c’était bougrement bien mené. C’est tour à tour touchant et violent. À ne pas rater.
Capa - L'Etoile filante
Ce one-shot a été l'occasion de me (re)plonger dans la courte mais prolifique carrière de Robert Capa, considéré comme l'uns des tous meilleurs photographes de tous les temps et un pionnier du photojournalisme. La bande dessinée revient sur les 20 dernières de sa vie, c'est à dire à partir du moment où sa compagne de l'époque Gerda Taro (autre photographe de guerre de génie) a l'idée d'un pseudonyme plus vendeur. Il s'agira de Robert Capa, plutot que Endre Friedmann, cela donne une sonorité plus américain et permettra au couple de vendre plus cher leurs clichés. Je dois reconnaitre que j'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire et je pense que ça tient surtout à la narration, assez lente. Il n'y a quasiment pas de dialogues, ce sont essentiellement les pensées de Robert Capa, retranscrites à la première personne, en voix off, en support de l'image. Sans doute l'idée de l'auteur était-elle de donner à l'oeuvre un coté journal intime ou carnet de bord. Mais j'ai trouvé que ça n'aidait pas forcément à une lecture tres fluide. Et puis au fur et à mesure que l'on tourne les pages, l'ensemble gagne en cohérence, en consistence. Cette approche intimiste nous fait mieux comprendre les sentiments de Capa, son attente surtout, quasi maladive entre les conflits, son besoin d'action, d'être au plus près des combats, d'entendre les balles qui fusent autour de lui. Le point d'orgue étant le 6 juin 1944 avec ce débarquement sur les plages de Normandie, retranscrit avec beaucoup de force et d'émotion. J'ai trouvé le dessin tres fin et très élégant, et les couleurs majoritairement sépias, aident parfaitement à inscrire le récit dans ce contexte de photojournalisme de guerre, qui était essentiellement en noir et blanc. La seule touche de couleur arrive avec la derniere planche, évidemment pour souligner la dramaturgie du moment et on pense bien évidemment à la liste de Schindler de Spielberg. Plus que les différents conflits connus que Capa a couverts (la guerre civile en Espagne, la deuxième guerre mondiale, la guerre d'Indochine), ça a surtout été pour moi l'occasion de prendre la mesure du destin incroyable de Capa. Il aura en moins d'une vingtaine d'années rencontré et cotoyé (entre autres) Hemingway, Picasso, Matisse, Ingrid Bergman, Hitchcock, Roosevelt, Steinbeck. Il aura vécu en Europe, aux Etats Unis, en Asie, ... Ce que montre bien finalement cette BD c'est son coté insatiable et entier: joueur de poker invétéré (et visiblement pas très bon), buveur, et surtout avec cette envie constante de se retrouver sans cesse sur la ligne de front quelle qu'elle soit, à risquer sa vie à chaque instant. On finit meme par se demander si immortaliser l'instant et informer l'interessent finalement moins que l'adrénaline et la prise de risque. L'auteur réussit vraiment bien nous faire vivre cela. Cela fait d'ailleurs écho à un film sorti cette année sur le même thème: Civil War. Dans un futur proche on y voit des journalistes tout risquer également pour une photo et on se demande surtout si leur véritable motivation n'est pas cet éternel shoot adrénaline. Belle BD donc à découvrir sur ce type incroyable qu'a été Robert Capa.
Il était une fois l'Amérique - Une histoire de la littérature américaine
Voilà exactement une BD dont j'avais besoin. J'ai lu quelques-uns des auteurs majeurs de son histoire, comme beaucoup de gens je pense, tels que Herman Melville, Henry James (qui était américain au départ avant de mal tourner et de devenir anglais), ou même Nathaniel Hawthorne. Mais je n'avais pas vraiment une vue d'ensemble des débuts de cette littérature, que l'autrice Catherine Mory place au début du XIXème siècle. Je pense qu'il y a eu quelques auteurs auparavant, mais qu'ils n'ont pas eu le rayonnement de la quinzaine de noms qui sont traités ici. L'enjeu est ici de nous montrer comment, à partir de James Fenimore Cooper (auteur du Dernier des Mohicans entre autres), ces femmes et ces hommes ont construit une véritable légende, une mythologie pour leur pays si disparate, si difficile à saisir. On notera au passage qu'une seule femme est présente dans ce casting, qu'à ma grande honte je ne connaissais pas, à part en ayant croisé son nom sans aller bien plus loin. On nous présente donc la vie et l'œuvre de chacune de ces augustes personnes, en nous indiquant dans quel milieu il ou elle a grandi, comment il ou elle s'est construit(e) mais aussi les œuvres remarquables de chacun(e). Et c'est fait de façon assez accessible, didactique sans être lourdingue. Il y a des pincées d'humour, mais sans en rajouter. Catherine Mory, enseignante en littérature, est clairement dans son élément, aidée par ses éditeurs dont le nom figure en couverture. J'avoue que j'ai bien aimé ma lecture, j'ai appris énormément de choses en parcourant ce premier tome qui fait un tour d'horizon de l'autrice et de l'auteur nés au XIXème siècle, certains ayant terminé leur carrière et leur vie au début du XXème. Après chaque épisode bio-bibliographique, un arbre nous propose en un clin d'œil de voir qui sont les héritier(e)s de chaque grand nom au XXème siècle, de quoi prolonger les recherches ou piocher des idées de lecture en attendant le deuxième tome qui traitera du XXème. Dans ce deuxième tome, on continue sur les mêmes bases, à savoir un panorama des auteurs majeurs de la littérature américaine. Je dis bien "auteurs", car malheureusement peu de femmes sont présentes : une seule sur les dix noms présentés, même si à l'issue de chaque chapitre, un arbre permet de voir quel(le)s autres auteurs/trices chacun(e) a pu influencer. C'est donc Flannery O'Connor, qui a écrit des romans noirs, empreints de son Sud profond, qui a l'honneur de représenter la gent féminine. C'est d'ailleurs celle dont la vie me semble la mieux décrite, de manière un peu moins scolaire que celle de gars comme Hemingway, Capote ou Tennessee Williams... Comme le souligne Gaston dans son avis, il est un peu dommage que l'on ait droit à des résumés entiers des œuvres, alors que la vocation d'une telle collection est plutôt de donner envie de découvrir les écrits de tel ou tel auteur... Mais cela reste pertinent, passionnant et indispensable. Le dessin est assuré par Jean-Baptiste Hostache, qui a fait son petit bout de chemin depuis Clockwerx, et propose un style mêlant une certaine rigueur dans les costumes avec un relâchement à la Blutch dans les postures et les expressions des personnages parfois. Bref, c'est passionnant, c'est indispensable, c'est très plaisant, je recommande évidemment.