J'avais hésité à mettre 4/5 puis ai finalement opté pour un 5 car je n'arrive pas à trouver de défaut à cette série.
Le dessin est très bon et dynamique (mention spéciale à la meilleure représentation de pluie intense que j'aie vu dans une bd), les scénarii intelligents, les personnages travaillés...
Les designs sont excellents et l'ensemble très dépaysant tout en gardant une cohérence qui n'est pas présente dans d'autres (pourtant bonnes) séries comme par exemple Sillage.
On sent vraiment que les auteurs se creusent la tête pour arriver à ce résultat!
Bref, le seul défaut de cette série est qu'elle ne soit pas plus connue car j'aurais voulu la lire plus tôt...
J'espère donc que mon avis aidera à la faire découvrir au plus grand nombre.
Ohhhh mais c'est énorme ça !
C'est en somme une histoire simple... et complexe. Nous avons deux supposées sorcières, qui aidées par un gamin au coeur sur la main, essaient d'échapper à l'inquisition. Très vite les questions s'accumulent : qui sont-elles vraiment ? D'où viennent leurs pouvoirs ? Comment Georg les a-t-il sorties de leur prison ? Petit à petit on raccroche les wagons, on reconstitue le puzzle... Mais ce n'est pas facile, car Ongle et Pluie elles-mêmes ont oublié jusqu'à leur nom, leur vie d'avant, si tant est qu'elles en aient eu une... Le pauvre Georg, en butte avec ces questions constantes, essaie néanmoins d'aider ces deux malheureuses, armé de ses piètres talents et de sa gentillesse. Ce qui n'est pas facile. D'autant plus que le Mage lancé à leur poursuite, n'a aucune pitié, même si lui-même est en proie à des démons comparables à ceux de ses proies...
Le récit est incroyable, il brasse le traumatisme (j'ai RESSENTI physiquement la souffrance infinie des deux fuyardes), la rédemption et encense l'amitié, envers et contre tout. Les scènes où la tendresse qui lie ces trois personnages mais aussi leur séparation, la frustration de Georg, sont purement déchirantes. A la fin de ce premier volume Aniss El Hamouri laisse encore de nombreuses zones d'ombre au sujet de ses personnages, de leurs origines et de leur destin. Il y a plus de 200 pages, et on ne les voit pas passer, j'ai rarement connu une telle prouesse !
Graphiquement il y a du Sfar dans le style d'El Hamouri, mais dans une dimension différente, à la fois plus maîtrisée et plus torturée. Le tout est réalisé en bichromie, avec un brun savamment dosé. On eût pu croire qu'il utiliserait une autre couleur pour les scènes oniriques, mais elles sont dans les mêmes tons, respectant ainsi l'impression donnée par Ongle, que rêves et réalité sont difficilement différenciables, tellement l'horreur est présente partout...
Il va falloir attendre un an avant de lire la suite, espérons qu'elle sera à la hauteur de ce premier segment.
Manimal : Les vieux de la veille se souviennent probablement de cette courte série télé américaine diffusée sur FR3, euh France 3 dans les années 80. Si l'ensemble de cette oeuvre n'aura pas perduré dans la durée (annulée par manque d'audience outre-Atlantique), ses multiples rediffusions plus son caractère fantastique auront marqué durablement les gamins que nous étions, à savoir un justicier ayant la faculté de se transformer par la pensée en n'importe quel animal (mais surtout en faucon et en panthère pour des raisons probablement budgétaires).
Anouk Ricard s'est souvenue également de cette série et décide dès lors d'en développer sa propre version gauloise. Jonathan Chase devient ainsi Francis et sera Animan avec les mêmes pouvoirs mais dans un contexte assumé cette fois pour la rigolade !
La bande dessinée étant sans limites coté effets spéciaux, cette fois notre brave héros va devenir tour à tour un toutou pour discuter avec les chiens, une guêpe pour piquer les malfrats ou même un lombric pour aller mener une enquête outre tombe au sens propre !!!
Bien évidemment notre héros va trouver sur sa route son ennemi juré, Objecto dont la particularité est de se transformer en objets familiers !
Une nouvelle fois, le sens de la dérision de Anouk Ricard fait mouche. Ses dessins si simples forment un parfait contrepoids avec des dialogues absurdes et le rire est souvent au rendez=vous ! Francis vit avec une grenouille dotée de la parole et qui ignore la double vie de son compagnon. L'ensemble est un mélange déconnant de vie de couple, d'enquêtes improbables sans oublier l'aspect super héros dans un rythme pétaradant entrecoupé de petits strips.
Animan c'est un peu la synthèse de tout son travail, de Commissaire Toumi à Boule de Feu, et si elle dessine toujours aussi mal les voitures, son trait naïf participe grandement à la cohésion de l'ensemble sur un ton résolument décalé. Que du bonheur à lire et à relire, encore un sans fautes pour une autrice décidément pas comme les autres.
J'ai une infinie sympathie pour cette série.
Vanyda y évoque merveilleusement l'adolescence et les bouleversements rencontrés durant cette période : le corps qui se transforme, la découverte du sentiment amoureux, la personnalité qui se fixe, les amitiés qui évoluent en conséquence... Cela est réalisé avec une délicatesse rare, proche de celle vue dans l'inégalée série TV "My so-called life" / "Angéla 15 ans".
Vanyda parvient grâce à un trait rond, aérien et volontiers enfantin, à une mise en page dynamique et légère, à des cadrages réinterrogeant les situations, à signifier des sentiments aussi vaporeux que la timidité, le trouble, l’amour naissant, à donner vie au bouillonnement intérieur, aux doutes tus, à esquisser des sentiments éphémères.
Avec bienveillance, Vanyda invite son lecteur dans l’intimité de personnages devenus familiers, révélant une complicité douce et silencieuse, chaude comme des souvenirs nostalgiquement suspendus, belle comme une vérité malicieusement reconnue.
Futur fauve d'or d'Angoulême 2023 ?
Depuis presque 25 ans que je déambule sous les bulles, pour la première fois l'année dernière, j'ai vu juste quant à l'album lauréat du fauve d'or. Je retente donc ma chance pour 2023 (tout en prenant plus de risques car je ne sais même pas si la bd sera dans la liste officielle), avec cet album coup de poing plus que coup de cœur. Disons que je pars avec une belle cote, allez pour la beauté du geste disons 100/1.
Valentine Cuny-Le Callet est de ces personnes qui vont au bout des choses.
Elle est contre la peine de mort, comme je l'espère encore une large majorité d'entre nous.
Mais elle ne s'arrête pas là, comme personnellement je le fais, en me contentant de gueuler devant mon écran lors des débats télévisés sur la question. Non, elle, elle entame une relation épistolaire, à 19 ans !, avec un condamné à mort américain. Il faut déjà en avoir dans le bide. Oui, dans le bide, car faire ceci, c'est risquer de se prendre en pleine tronche les horreurs des crimes du condamné mais aussi se retrouver face à la grosse machine juridico-carcérale américaine, qui sans vouloir tomber dans le cliché hollywoodien, fait quand même vraiment peur.
Et comme si cela ne suffisait pas, elle prend la décision d'en faire un bouquin, dans un témoignage à la limite de la catharsis.
Non, franchement, rien que pour ça, je trouve que mon pari devient de moins en moins risqué. 70/1.
Et ce bouquin, qu'est ce qu'il vaut ?
Dès le départ, on entre dans le vif du sujet, Valentine Cuny-Le Callet nous fait entrer dans le système pénitentiaire américain et sa sentence maximale : la peine de mort. Dès le deuxième petit chapitre, des dessins reprenant des photos de condamnés à mort juste avant ou après la sentence nous place dans le contexte de ce bouquin. Ici, on va parler de mort. De mort données par d'autres. Que cela soit par les meurtriers condamnés ou par les bourreaux (justice, matons, État). Pas de complaisance donc, pas de fausse naïveté non plus, la plupart du temps, les condamnés sont de vrais méchants, le haut de la planche en page 16 nous le rappelle.
Néanmoins, la question posée est celle du droit à donner la mort, quel que soit le contexte. L'autrice y répondra plus tard dans le bouquin, pas la peine d'épiloguer sur sa réponse.
La puissance de l’œuvre se trouve donc ici, dans cette volonté de ne rien épargner aux lecteurs. Je salue d'ailleurs le choix de l'autrice de ne divulguer que sa première lettre, dès le début de l'ouvrage, pour ensuite laisser la part belle aux lettres de son correspondant. On entre dans sa peau, on vit avec elle les coups de poignard que sont les mots rédigés par l'autre. Comment peut-on être si solide et si mature à 19 ans ? J'en suis encore estomaqué. 50/1.
On suit donc les relations entre cette jeune femme d'une force incroyable et un condamné à mort. Je n'ai pas encore mentionné son nom, mais Renaldo McGirth est donc ce condamné à mort. Pour un crime horrible. Pour lequel il clame son innocence. Au cœur de l'ouvrage, Valentine nous explique, froidement, méthodiquement, le meurtre pour lequel Renaldo se retrouve dans le couloir de la mort. Sans se substituer à la justice, juste en pointant du doigt certains éléments troublants, et encore. Ce n'est pas le propos du bouquin, je l'ai mentionné plus haut.
Non, cet ouvrage nous renvoie à nos démons. A ce que nous sommes capables ou non de faire, à ce que nous sommes capables ou non de ressentir. 40/1.
Il y a réellement deux bouquins dans ce bouquin. L'un traite de la peine de mort donc, mais aussi des conditions de vie des condamnés dans le couloir de la mort, et par extension en prison, avec ce doux paradoxe bien hypocrite qui est celui de la réinsertion. L'autre nous raconte les échanges qui auront donnés naissance à la bd. C'est assez incroyable d'ailleurs de voir comment ces deux-là ont réussi à débattre artistiquement dans cet enfer. Si tout à l'heure je parlais de démon, là nous sommes face à l'incroyable capacité de l'Homme à se sublimer, et ce, même dans un contexte aussi dur que celui du couloir de la mort.
La lecture est dure. Très dure, on peine à imaginer la "vie" de Renaldo. Mais la lecture est fluide, passionnante. J'aurais pu tout lire en une soirée mais je me suis arrêté, j'en avais besoin.
Le dessin est magnifique. Tout en noir et blanc, très différent selon les pages. 30/1.
Seul petit bémol. Je n'ai pas saisi toutes les références graphiques parsemées tout au long de l’œuvre. Sont-elles trop personnelles (correspondant à l'état d'esprit de Valentine), suis-je passé à côté ? Je ne saurai dire.
Je ne mets pas (encore) 5/5, je dois laisser incuber mais cela viendra peut-être.
Enfin, trois derniers petits détails.
Le titre, magnifique, très poétique et d'un sens remarquable, à découvrir en fin d'ouvrage.
La couverture, époustouflante avec ce visage qui sort de l'ombre et ce serpent qui l'entoure.
La quatrième de couverture et ses trois cases, ces mains, cette lettre, d'une rare puissance.
10/1. Qui suit ?
EDIT (décembre 2022) : L'album n'est pas dans la sélection du FIBD, je suis davantage déçu pour l'autrice et Reinaldo que pour mon pari... Honnêtement, il n'aurait pas dépareillé et méritait de concourir.
300ème avis
Ça aurait pu être 300 de Miller pour le clin d’œil, mais il était temps de mettre véritablement à l’honneur un auteur qui m’est cher : Andreas, un homme exigeant envers lui mais également envers son lecteur. Un tueur dans son genre, il m’en aura mis des claques et fait perdre des cheveux.
Capricorne est sa série la plus abordable, un must pour qui souhaite découvrir l’auteur.
Je l’ai découverte à l’aube des années 2000, depuis je me suis précipité sur chaque parution, ainsi que sur toutes les autres œuvres d’Andreas. A noter qu’une de ses autres séries, Rork, partage le même univers. Sa lecture enrichit diablement certains passages de Capricorne (Deliah, les cavaliers de l’apocalypse …) et donne énormément de cohérence.
Capricorne est une série terminée en 20 tomes (prémédité par l’auteur) qui m’aura tenu en haleine de A à Z.
De l’aventure fantastique (un peu old school) qui me ravit à chaque relecture. Pourtant c’est animé par des personnages pas spécialement charismatiques, alors d’où vient la magie ?
Facile !! du style Andreas.
La lecture est magique, j’en prends plein les yeux à chaque fois avec sa narration. C’est un peu sa marque de fabrique, une mise en page inspirée, des perspectives improbables, il peut tout dessiner. Avec lui, c’est tout sauf monotone, quelle maestria dans la réalisation graphique. J’adore !! c’est ponctué de pages tout simplement fabuleuses. Sur certains albums, l’auteur s’est même amusé en s’imposant des contraintes graphiques.
L’aventure démarre gentiment avec les 5 premiers tomes. Des histoires uniques, on découvre les personnages, l’univers au style gentiment vieillot. Le 3 et 5 sont des pépites à mes yeux, ainsi que le début du 1er, plein de mystère et de promesses.
Puis arrive au tome 6, le début du cycle « Concept » qui s’achèvera dans le 9 (un double album) et chamboulera le fonctionnement de ce monde. Des réponses et des nouvelles questions arrivent. Andreas joue avec son lecteur et l’emmène où il veut. Les lecteurs commenceront à apercevoir toutes les miettes (indices) semées depuis le début.
Les 5 suivants affichent un changement de mentalité de notre héros. Comme une parenthèse dans la série, ils retracent son voyage retour vers New York. Andreas expérimente : il crée un huis clos dans le 10, teste une narration uniquement horizontale dans le 11, muette pour le 12, effet prison pour le 13… il continuera par la suite avec d’autres trouvailles.
Le 11 et 12 sont peut être le ventre mou de la série, pour les autres c’est du tout bon.
A compter du 15, du très lourd, on renoue avec les débuts, les fils se dénouent au compte goutte, jusqu’au tome 20, au final tant espéré.
Je dois avouer que la toute fin est cohérente cependant je n’ai pas eu le petit goût de satisfaction totale.
Mais qu’importe la destination tant qu’il y a le voyage.
Culte !!
J’adore cette série, chaque nouveauté me faisait systématiquement tout relire, on découvrait alors ce qui nous avait parfois échappé et le génie de son auteur. Le tout est d’une grande maîtrise, scotché par autant de talent, et dire que cette série a failli être abandonnée par l’éditeur en cours de route ?! Ça aurait été une hérésie.
Ah, voilà un album intéressant.
Intéressant car il s'attache à démythifier une figure historique que des centaines d'années de n'importe quoi ont contribué à ériger comme un personnage cruel, terrifiant, à l'instar d'un Barbe-Bleue ou d'un Gilles de Rais, un personnage que l'on a fini par assimiler à un vampire, du fait de la propension du sang dans son entourage. Mais Anne-Perrine Couët, dont c'est le premier album, s'est donc évertué au sortir d'un énorme travail de recherche (comme en témoigne la bibliographie en fin d'album), à rapprocher Erszebet Bathory, comtesse transylvanienne (le voisinage géographique avec un certain Comte n'est pas étranger à cette assimilation vampirique) de la figure historique qu'elle fut.
Figure historique, et surtout figure d'émancipation féminine, puisqu'en l'absence et après le décès de son mari, elle s'est attachée à prendre les rênes des nombreux domaines dont elle était la suzeraine, et ce de façon très énergique, envers et contre les usages de l'époque. ce qui a déplu à certains des ses proches collaborateurs, qui auraient sans doute espéré plus de pouvoir après le décès de leur maître. Ils ont ainsi instillé le doute, la rumeur sur les agissements de la Comtesse, qui est ici décrite comme une guérisseuse versée dans l'usage des plantes, plus orientée dans la science que dans la sorcellerie. l'album montre en grande partie l'instruction du procès (extrêmement rapide) dont elle fut l'objet au début du 17ème siècle, et qui l'a condamnée à la prison à vie, tandis que ses conseillers étaient eux condamnés à mort pour des exactions qui n'ont probablement jamais eu lieu. C'est vraiment bien raconté, et le parti pris d'Anne-Perrine Couët est bien sûr dans la défense d'Erszebet (appelée Elisabeth tout au long de l'album, comme on l'appelle en Occident).
Le dessin de la jeune autrice est remarquable, c'est du crayon très fin, accompagné d'une mise en couleurs en bichromie de tons pastel déclinant l'ocre. Un certain nombre de cases sont entourées de frises d'inspiration médiévale, tandis que les scènes de prétendues tortures commises par la Comtesse et ses valets se font dans des ambiances sombres proches de la carte à gratter. Remarquable, d'autant plus que la maturité dans le dessin est déjà là.
Vraiment un très bon album sur un mythe qui perdure encore aujourd'hui.
En voyant la couverture du tome 1 avec ce titre et cette image de voilier, je pensais qu'il s'agissait d'une adaptation en BD de l'Aigle des mers (the Sea Hawk), un des plus fabuleux films d'aventure maritime réalisé en 1940 par Michael Curtiz, avec le fringant Errol Flynn. Il n'en est rien puisqu'il s'agit bien d'une aventure maritime, mais qui se déroule en pleine Première guerre mondiale, inspirée de la biographie du comte Felix von Luckner.
J'avoue que j'ignorais en grande partie cet aspect de la guerre sur mer, je pensais que cette Grande Guerre n'avait eu lieu que dans les tranchées de Verdun et de la Somme, on a tellement cette image dans la tête. Il y a donc une part instructive sur ces manoeuvres d'un voilier gênant les ravitaillements alliés en coulant les navires marchands anglais ou français, c'est directement inspiré de faits réels tirés de cette biographie de von Luckner j'imagine. Mais à cela, les auteurs ajoutent une partie fictive avec une romance assez insolite entre le capitaine Hugo von Krüger et la belle Pénélope de Luynes, avec en plus quelques scènes de fesse. Cette romance m'a semblé bien vite engagée, de même que le prétendu code d'honneur de von Krüger semble peu réaliste, mais après tout, dans cette guerre et dans les airs, il y eut bien le fameux Baron Rouge qui fut connu comme étant un ennemi chevaleresque, alors pourquoi pas ?
Malgré des éléments improbables, on se laisse embarquer dans ce récit d'aventure bien rythmé, c'est de la grande aventure qu'on peut résumer par la formule suivante : aventure et romantisme en pleine mer, sur fond de guerre. On y trouve des ingrédients classiques de ce type de bande : abordages, camouflages, complots, trahisons, mutineries et rebondissements. Le passage entre les blocs de glace et la malchance de l'Avenger poursuivant le Seeadler m'a semblé un peu trop facile pour permettre à ce dernier de s'échapper, par contre l'échouage sur un atoll du Pacifique est un épisode réellement arrivé au Seeadler.
Voila donc un joli récit d'aventure, on pourra soit s'offusquer soit rester indifférent devant le fait qu'un Allemand aussi sympathique soit le héros d'un tel récit de guerre, mais ce qui compte c'est que ce diptyque soit passionnant et joliment dessiné par l'auteur de Cap Horn, il est dans son élément maritime, son dessin est clair et précis, ses navires sont superbement dessinés avec force détails, j'ai beaucoup aimé ce genre de dessin.
Une adaptation bd de Hawkmoon, ça faisait bien 10 ans que j’en entendais parler, depuis ma rencontre avec les auteurs d’Elric (Glénat) chez le même éditeur à un stand de dédicace. Et enfin, ça y est, avec une autre équipe, tout aussi talentueuse d’ailleurs, cette autre série culte appartenant au multivers du champion éternel du sieur Michael Moorcock voit le jour.
Je croise les doigts pour que l’équipe d’auteurs demeure la même, c’est à dire Jérôme Le Gris dans le rôle de maître du jeu, le duo qui se complète à merveille Benoît Dellac et Didier Poli (seul rescapé d’Elric) au dessin, et Bruno Tatti qui sublime tout cela avec sa palette de couleurs. Déjà sur le premier tome d’Elric il y avait du sacré level avec Recht, Bastide, Poli et Blondel, mais je suis très impressionné car j’ai bien l’impression qu’on est parti sur la même dynamique. Je veux dire par la que « Oh putain de bordel de merde, qu’est-ce que c’est beau ! ». J’avais lu les bouquins d’Elric le nécromancien, bien aimé les années pulp mais la suite sans plus, pas lu en revanche Hawkmoon, c’est l’occasion de se rattraper. C’est un univers un peu bâtard, et pour essayer d’en donner une définition c’est du post-apocalyptique (voir même en pleine apocalypse) se déroulant dans notre réalité, où la société est retournée à un état médiéval-féodal dystopique, mais où subsiste néanmoins des bribes d’une technologie plus avancée par rapport à la notre. Pas de trace de magie pour le moment mais si cet élément apparaît à l’avenir on pourra parler d’une série dark-science fantasy. C’est un projet ambitieux donc, avec Dellac et Poli on sort les poids lourds et les mecs assurent mais grave. Londra est flippante, on la croirait sortie de l’imaginaire de Clive Barker où les « pike head » d’Hellraiser dirigent cet empire destructeur et dévoreur. Les vaisseaux sont stylés façon Star Wars donc plutôt cool, les tenues et armures sont inspirées à fond par la fantasy plus que le médiéval historique, sachant qu’en plus on y ajoute des pistolets du XVIIIème siècle (mais qui crachent autre chose que de la poudre à canon, plus puissant) ; on a donc un univers visuel qui fait très « fourbi » mais qui reste cohérent et digeste. Et pour terminer là-dessus j’adore le style graphique, voilà si on connaît un peu le dessin de Dellac sur Nottingham ou Serpent Dieu, y aura pas de soucis, c’est un vrai régal. Respect à lui de sortir autant de séries de cette qualité dans ce laps de temps quand d’autres mettent des années à sortir un album… Force à toi mec, merci.
Quant à l’histoire, bon, j’imagine qu’on se dirige vers un Elric bis : le mythe du champion éternel où le héros est le jouet des dieux et de puissances qui le dépasse, la Loi contre le Chaos, critique intelligente contre tout type d’impérialisme rampant, le multivers tout ça… Je l’ai déjà lu, oui, mais si c’est bien raconté et que ça reste aussi bien chiadé que ce premier numéro, je veux être de la partie. La série est culte, donc en ce moment c’est la mode on adapte les grands classiques de la fantasy. Après je trouve quand même parfois les dialogues un peu poussiéreux et les péripéties ont été tellement rabâché que s’en est devenu cliché avec le temps : avec le héros qui nous fait sa victime durant trois plombs, le méchant qui est vraiment très très méchant et qui ne peut pas s’empêcher de faire le cake en toute circonstance, le héros a qui on laisse toujours la vie sauve tu te demandes pourquoi, etc. Bon, si les éditeurs manquent d’idées de cycles de fantasy de moins de 20 ans à adapter, où de grands auteurs n’ayant jamais été adapté, je peux leurs souffler quelques tuyaux…
En tout cas, pour tout amateur de fantasy, à lire impérativement. Combien la série va durer par contre je n’ai pas tout compris. J’ai lu que selon Dellac chaque roman sera divisé en deux albums. Si je compte bien, il y a sept romans, soit quatorze albums, mais pour l’instant l’éditeur prévoit d’adapter un premier cycle de quatre albums. Ça va se terminer comme Elric, je le sens bien (ou mal).
Vraiment un bel album ce « dernier week-end de Janvier » ! Tout en finesse, en subtilité, en délicatesse et également en sensualité ! Pourtant, l’auteur, Bastien Vivès, n’a rien inventé de neuf dans ce récit puisqu’il s’agit d’une énième variation sur le thème de l’amour.
Seules originalités de cette histoire : ça se passe pendant le festival de bandes dessinées d’Angoulème où on peut y reconnaitre facilement de nombreux lieux, sentir l’atmosphère particulière de cet évènement, et le personnage principal est un… dessinateur qui se soumet en trainant les pieds aux séances de dédicaces !
Mais tout cela ne présente pas l’intérêt essentiel du « Dernier week-end de Janvier » car Bastien Vivès a centré son récit sur la rencontre entre deux adultes bien établis : Denis, c’est-à-dire le dessinateur, et Vanessa. Quelques regards entre eux, quelques mots… et c’est le coup de foudre… et au diable leurs train-train habituels ! Et au placard, leurs vies de couple bien monotones et sans saveur ! Oui, il y a de l’adultère dans l’air… Je ne vous ferai ni un dessin pour que vous compreniez, ni la morale, je vous laisse juge ! Mais qu’est ce que ce récit est attachant et subtil !
Il faut dire que j’aime beaucoup le coup de crayon de Bastien Vivès et son sens de la narration qui siéent à merveille avec son scénario. Il suffit de feuilleter, parmi d’autres, la séquence en boîte de nuit pour entrevoir le talent de cet auteur, un régal de fluidité et de sensualité ! Et puis, Vanessa… qu’est-ce qu’elle est charmante !
Un bon, un très bon roman graphique, voilà ce que je retiens du « Dernier week-end de Janvier ». Bastien Vivès a un tel talent qu’il peut transformer facilement un récit banal en une histoire attachante et joliment mise en page. Vivement son prochain album !
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Ils brûlent
Ohhhh mais c'est énorme ça ! C'est en somme une histoire simple... et complexe. Nous avons deux supposées sorcières, qui aidées par un gamin au coeur sur la main, essaient d'échapper à l'inquisition. Très vite les questions s'accumulent : qui sont-elles vraiment ? D'où viennent leurs pouvoirs ? Comment Georg les a-t-il sorties de leur prison ? Petit à petit on raccroche les wagons, on reconstitue le puzzle... Mais ce n'est pas facile, car Ongle et Pluie elles-mêmes ont oublié jusqu'à leur nom, leur vie d'avant, si tant est qu'elles en aient eu une... Le pauvre Georg, en butte avec ces questions constantes, essaie néanmoins d'aider ces deux malheureuses, armé de ses piètres talents et de sa gentillesse. Ce qui n'est pas facile. D'autant plus que le Mage lancé à leur poursuite, n'a aucune pitié, même si lui-même est en proie à des démons comparables à ceux de ses proies... Le récit est incroyable, il brasse le traumatisme (j'ai RESSENTI physiquement la souffrance infinie des deux fuyardes), la rédemption et encense l'amitié, envers et contre tout. Les scènes où la tendresse qui lie ces trois personnages mais aussi leur séparation, la frustration de Georg, sont purement déchirantes. A la fin de ce premier volume Aniss El Hamouri laisse encore de nombreuses zones d'ombre au sujet de ses personnages, de leurs origines et de leur destin. Il y a plus de 200 pages, et on ne les voit pas passer, j'ai rarement connu une telle prouesse ! Graphiquement il y a du Sfar dans le style d'El Hamouri, mais dans une dimension différente, à la fois plus maîtrisée et plus torturée. Le tout est réalisé en bichromie, avec un brun savamment dosé. On eût pu croire qu'il utiliserait une autre couleur pour les scènes oniriques, mais elles sont dans les mêmes tons, respectant ainsi l'impression donnée par Ongle, que rêves et réalité sont difficilement différenciables, tellement l'horreur est présente partout... Il va falloir attendre un an avant de lire la suite, espérons qu'elle sera à la hauteur de ce premier segment.
Animan
Manimal : Les vieux de la veille se souviennent probablement de cette courte série télé américaine diffusée sur FR3, euh France 3 dans les années 80. Si l'ensemble de cette oeuvre n'aura pas perduré dans la durée (annulée par manque d'audience outre-Atlantique), ses multiples rediffusions plus son caractère fantastique auront marqué durablement les gamins que nous étions, à savoir un justicier ayant la faculté de se transformer par la pensée en n'importe quel animal (mais surtout en faucon et en panthère pour des raisons probablement budgétaires). Anouk Ricard s'est souvenue également de cette série et décide dès lors d'en développer sa propre version gauloise. Jonathan Chase devient ainsi Francis et sera Animan avec les mêmes pouvoirs mais dans un contexte assumé cette fois pour la rigolade ! La bande dessinée étant sans limites coté effets spéciaux, cette fois notre brave héros va devenir tour à tour un toutou pour discuter avec les chiens, une guêpe pour piquer les malfrats ou même un lombric pour aller mener une enquête outre tombe au sens propre !!! Bien évidemment notre héros va trouver sur sa route son ennemi juré, Objecto dont la particularité est de se transformer en objets familiers ! Une nouvelle fois, le sens de la dérision de Anouk Ricard fait mouche. Ses dessins si simples forment un parfait contrepoids avec des dialogues absurdes et le rire est souvent au rendez=vous ! Francis vit avec une grenouille dotée de la parole et qui ignore la double vie de son compagnon. L'ensemble est un mélange déconnant de vie de couple, d'enquêtes improbables sans oublier l'aspect super héros dans un rythme pétaradant entrecoupé de petits strips. Animan c'est un peu la synthèse de tout son travail, de Commissaire Toumi à Boule de Feu, et si elle dessine toujours aussi mal les voitures, son trait naïf participe grandement à la cohésion de l'ensemble sur un ton résolument décalé. Que du bonheur à lire et à relire, encore un sans fautes pour une autrice décidément pas comme les autres.
Celle que...
J'ai une infinie sympathie pour cette série. Vanyda y évoque merveilleusement l'adolescence et les bouleversements rencontrés durant cette période : le corps qui se transforme, la découverte du sentiment amoureux, la personnalité qui se fixe, les amitiés qui évoluent en conséquence... Cela est réalisé avec une délicatesse rare, proche de celle vue dans l'inégalée série TV "My so-called life" / "Angéla 15 ans". Vanyda parvient grâce à un trait rond, aérien et volontiers enfantin, à une mise en page dynamique et légère, à des cadrages réinterrogeant les situations, à signifier des sentiments aussi vaporeux que la timidité, le trouble, l’amour naissant, à donner vie au bouillonnement intérieur, aux doutes tus, à esquisser des sentiments éphémères. Avec bienveillance, Vanyda invite son lecteur dans l’intimité de personnages devenus familiers, révélant une complicité douce et silencieuse, chaude comme des souvenirs nostalgiquement suspendus, belle comme une vérité malicieusement reconnue.
Perpendiculaire au soleil
Futur fauve d'or d'Angoulême 2023 ? Depuis presque 25 ans que je déambule sous les bulles, pour la première fois l'année dernière, j'ai vu juste quant à l'album lauréat du fauve d'or. Je retente donc ma chance pour 2023 (tout en prenant plus de risques car je ne sais même pas si la bd sera dans la liste officielle), avec cet album coup de poing plus que coup de cœur. Disons que je pars avec une belle cote, allez pour la beauté du geste disons 100/1. Valentine Cuny-Le Callet est de ces personnes qui vont au bout des choses. Elle est contre la peine de mort, comme je l'espère encore une large majorité d'entre nous. Mais elle ne s'arrête pas là, comme personnellement je le fais, en me contentant de gueuler devant mon écran lors des débats télévisés sur la question. Non, elle, elle entame une relation épistolaire, à 19 ans !, avec un condamné à mort américain. Il faut déjà en avoir dans le bide. Oui, dans le bide, car faire ceci, c'est risquer de se prendre en pleine tronche les horreurs des crimes du condamné mais aussi se retrouver face à la grosse machine juridico-carcérale américaine, qui sans vouloir tomber dans le cliché hollywoodien, fait quand même vraiment peur. Et comme si cela ne suffisait pas, elle prend la décision d'en faire un bouquin, dans un témoignage à la limite de la catharsis. Non, franchement, rien que pour ça, je trouve que mon pari devient de moins en moins risqué. 70/1. Et ce bouquin, qu'est ce qu'il vaut ? Dès le départ, on entre dans le vif du sujet, Valentine Cuny-Le Callet nous fait entrer dans le système pénitentiaire américain et sa sentence maximale : la peine de mort. Dès le deuxième petit chapitre, des dessins reprenant des photos de condamnés à mort juste avant ou après la sentence nous place dans le contexte de ce bouquin. Ici, on va parler de mort. De mort données par d'autres. Que cela soit par les meurtriers condamnés ou par les bourreaux (justice, matons, État). Pas de complaisance donc, pas de fausse naïveté non plus, la plupart du temps, les condamnés sont de vrais méchants, le haut de la planche en page 16 nous le rappelle. Néanmoins, la question posée est celle du droit à donner la mort, quel que soit le contexte. L'autrice y répondra plus tard dans le bouquin, pas la peine d'épiloguer sur sa réponse. La puissance de l’œuvre se trouve donc ici, dans cette volonté de ne rien épargner aux lecteurs. Je salue d'ailleurs le choix de l'autrice de ne divulguer que sa première lettre, dès le début de l'ouvrage, pour ensuite laisser la part belle aux lettres de son correspondant. On entre dans sa peau, on vit avec elle les coups de poignard que sont les mots rédigés par l'autre. Comment peut-on être si solide et si mature à 19 ans ? J'en suis encore estomaqué. 50/1. On suit donc les relations entre cette jeune femme d'une force incroyable et un condamné à mort. Je n'ai pas encore mentionné son nom, mais Renaldo McGirth est donc ce condamné à mort. Pour un crime horrible. Pour lequel il clame son innocence. Au cœur de l'ouvrage, Valentine nous explique, froidement, méthodiquement, le meurtre pour lequel Renaldo se retrouve dans le couloir de la mort. Sans se substituer à la justice, juste en pointant du doigt certains éléments troublants, et encore. Ce n'est pas le propos du bouquin, je l'ai mentionné plus haut. Non, cet ouvrage nous renvoie à nos démons. A ce que nous sommes capables ou non de faire, à ce que nous sommes capables ou non de ressentir. 40/1. Il y a réellement deux bouquins dans ce bouquin. L'un traite de la peine de mort donc, mais aussi des conditions de vie des condamnés dans le couloir de la mort, et par extension en prison, avec ce doux paradoxe bien hypocrite qui est celui de la réinsertion. L'autre nous raconte les échanges qui auront donnés naissance à la bd. C'est assez incroyable d'ailleurs de voir comment ces deux-là ont réussi à débattre artistiquement dans cet enfer. Si tout à l'heure je parlais de démon, là nous sommes face à l'incroyable capacité de l'Homme à se sublimer, et ce, même dans un contexte aussi dur que celui du couloir de la mort. La lecture est dure. Très dure, on peine à imaginer la "vie" de Renaldo. Mais la lecture est fluide, passionnante. J'aurais pu tout lire en une soirée mais je me suis arrêté, j'en avais besoin. Le dessin est magnifique. Tout en noir et blanc, très différent selon les pages. 30/1. Seul petit bémol. Je n'ai pas saisi toutes les références graphiques parsemées tout au long de l’œuvre. Sont-elles trop personnelles (correspondant à l'état d'esprit de Valentine), suis-je passé à côté ? Je ne saurai dire. Je ne mets pas (encore) 5/5, je dois laisser incuber mais cela viendra peut-être. Enfin, trois derniers petits détails. Le titre, magnifique, très poétique et d'un sens remarquable, à découvrir en fin d'ouvrage. La couverture, époustouflante avec ce visage qui sort de l'ombre et ce serpent qui l'entoure. La quatrième de couverture et ses trois cases, ces mains, cette lettre, d'une rare puissance. 10/1. Qui suit ? EDIT (décembre 2022) : L'album n'est pas dans la sélection du FIBD, je suis davantage déçu pour l'autrice et Reinaldo que pour mon pari... Honnêtement, il n'aurait pas dépareillé et méritait de concourir.
Capricorne
300ème avis Ça aurait pu être 300 de Miller pour le clin d’œil, mais il était temps de mettre véritablement à l’honneur un auteur qui m’est cher : Andreas, un homme exigeant envers lui mais également envers son lecteur. Un tueur dans son genre, il m’en aura mis des claques et fait perdre des cheveux. Capricorne est sa série la plus abordable, un must pour qui souhaite découvrir l’auteur. Je l’ai découverte à l’aube des années 2000, depuis je me suis précipité sur chaque parution, ainsi que sur toutes les autres œuvres d’Andreas. A noter qu’une de ses autres séries, Rork, partage le même univers. Sa lecture enrichit diablement certains passages de Capricorne (Deliah, les cavaliers de l’apocalypse …) et donne énormément de cohérence. Capricorne est une série terminée en 20 tomes (prémédité par l’auteur) qui m’aura tenu en haleine de A à Z. De l’aventure fantastique (un peu old school) qui me ravit à chaque relecture. Pourtant c’est animé par des personnages pas spécialement charismatiques, alors d’où vient la magie ? Facile !! du style Andreas. La lecture est magique, j’en prends plein les yeux à chaque fois avec sa narration. C’est un peu sa marque de fabrique, une mise en page inspirée, des perspectives improbables, il peut tout dessiner. Avec lui, c’est tout sauf monotone, quelle maestria dans la réalisation graphique. J’adore !! c’est ponctué de pages tout simplement fabuleuses. Sur certains albums, l’auteur s’est même amusé en s’imposant des contraintes graphiques. L’aventure démarre gentiment avec les 5 premiers tomes. Des histoires uniques, on découvre les personnages, l’univers au style gentiment vieillot. Le 3 et 5 sont des pépites à mes yeux, ainsi que le début du 1er, plein de mystère et de promesses. Puis arrive au tome 6, le début du cycle « Concept » qui s’achèvera dans le 9 (un double album) et chamboulera le fonctionnement de ce monde. Des réponses et des nouvelles questions arrivent. Andreas joue avec son lecteur et l’emmène où il veut. Les lecteurs commenceront à apercevoir toutes les miettes (indices) semées depuis le début. Les 5 suivants affichent un changement de mentalité de notre héros. Comme une parenthèse dans la série, ils retracent son voyage retour vers New York. Andreas expérimente : il crée un huis clos dans le 10, teste une narration uniquement horizontale dans le 11, muette pour le 12, effet prison pour le 13… il continuera par la suite avec d’autres trouvailles. Le 11 et 12 sont peut être le ventre mou de la série, pour les autres c’est du tout bon. A compter du 15, du très lourd, on renoue avec les débuts, les fils se dénouent au compte goutte, jusqu’au tome 20, au final tant espéré. Je dois avouer que la toute fin est cohérente cependant je n’ai pas eu le petit goût de satisfaction totale. Mais qu’importe la destination tant qu’il y a le voyage. Culte !! J’adore cette série, chaque nouveauté me faisait systématiquement tout relire, on découvrait alors ce qui nous avait parfois échappé et le génie de son auteur. Le tout est d’une grande maîtrise, scotché par autant de talent, et dire que cette série a failli être abandonnée par l’éditeur en cours de route ?! Ça aurait été une hérésie.
Bathory - La Comtesse maudite
Ah, voilà un album intéressant. Intéressant car il s'attache à démythifier une figure historique que des centaines d'années de n'importe quoi ont contribué à ériger comme un personnage cruel, terrifiant, à l'instar d'un Barbe-Bleue ou d'un Gilles de Rais, un personnage que l'on a fini par assimiler à un vampire, du fait de la propension du sang dans son entourage. Mais Anne-Perrine Couët, dont c'est le premier album, s'est donc évertué au sortir d'un énorme travail de recherche (comme en témoigne la bibliographie en fin d'album), à rapprocher Erszebet Bathory, comtesse transylvanienne (le voisinage géographique avec un certain Comte n'est pas étranger à cette assimilation vampirique) de la figure historique qu'elle fut. Figure historique, et surtout figure d'émancipation féminine, puisqu'en l'absence et après le décès de son mari, elle s'est attachée à prendre les rênes des nombreux domaines dont elle était la suzeraine, et ce de façon très énergique, envers et contre les usages de l'époque. ce qui a déplu à certains des ses proches collaborateurs, qui auraient sans doute espéré plus de pouvoir après le décès de leur maître. Ils ont ainsi instillé le doute, la rumeur sur les agissements de la Comtesse, qui est ici décrite comme une guérisseuse versée dans l'usage des plantes, plus orientée dans la science que dans la sorcellerie. l'album montre en grande partie l'instruction du procès (extrêmement rapide) dont elle fut l'objet au début du 17ème siècle, et qui l'a condamnée à la prison à vie, tandis que ses conseillers étaient eux condamnés à mort pour des exactions qui n'ont probablement jamais eu lieu. C'est vraiment bien raconté, et le parti pris d'Anne-Perrine Couët est bien sûr dans la défense d'Erszebet (appelée Elisabeth tout au long de l'album, comme on l'appelle en Occident). Le dessin de la jeune autrice est remarquable, c'est du crayon très fin, accompagné d'une mise en couleurs en bichromie de tons pastel déclinant l'ocre. Un certain nombre de cases sont entourées de frises d'inspiration médiévale, tandis que les scènes de prétendues tortures commises par la Comtesse et ses valets se font dans des ambiances sombres proches de la carte à gratter. Remarquable, d'autant plus que la maturité dans le dessin est déjà là. Vraiment un très bon album sur un mythe qui perdure encore aujourd'hui.
L'Aigle des Mers
En voyant la couverture du tome 1 avec ce titre et cette image de voilier, je pensais qu'il s'agissait d'une adaptation en BD de l'Aigle des mers (the Sea Hawk), un des plus fabuleux films d'aventure maritime réalisé en 1940 par Michael Curtiz, avec le fringant Errol Flynn. Il n'en est rien puisqu'il s'agit bien d'une aventure maritime, mais qui se déroule en pleine Première guerre mondiale, inspirée de la biographie du comte Felix von Luckner. J'avoue que j'ignorais en grande partie cet aspect de la guerre sur mer, je pensais que cette Grande Guerre n'avait eu lieu que dans les tranchées de Verdun et de la Somme, on a tellement cette image dans la tête. Il y a donc une part instructive sur ces manoeuvres d'un voilier gênant les ravitaillements alliés en coulant les navires marchands anglais ou français, c'est directement inspiré de faits réels tirés de cette biographie de von Luckner j'imagine. Mais à cela, les auteurs ajoutent une partie fictive avec une romance assez insolite entre le capitaine Hugo von Krüger et la belle Pénélope de Luynes, avec en plus quelques scènes de fesse. Cette romance m'a semblé bien vite engagée, de même que le prétendu code d'honneur de von Krüger semble peu réaliste, mais après tout, dans cette guerre et dans les airs, il y eut bien le fameux Baron Rouge qui fut connu comme étant un ennemi chevaleresque, alors pourquoi pas ? Malgré des éléments improbables, on se laisse embarquer dans ce récit d'aventure bien rythmé, c'est de la grande aventure qu'on peut résumer par la formule suivante : aventure et romantisme en pleine mer, sur fond de guerre. On y trouve des ingrédients classiques de ce type de bande : abordages, camouflages, complots, trahisons, mutineries et rebondissements. Le passage entre les blocs de glace et la malchance de l'Avenger poursuivant le Seeadler m'a semblé un peu trop facile pour permettre à ce dernier de s'échapper, par contre l'échouage sur un atoll du Pacifique est un épisode réellement arrivé au Seeadler. Voila donc un joli récit d'aventure, on pourra soit s'offusquer soit rester indifférent devant le fait qu'un Allemand aussi sympathique soit le héros d'un tel récit de guerre, mais ce qui compte c'est que ce diptyque soit passionnant et joliment dessiné par l'auteur de Cap Horn, il est dans son élément maritime, son dessin est clair et précis, ses navires sont superbement dessinés avec force détails, j'ai beaucoup aimé ce genre de dessin.
Hawkmoon
Une adaptation bd de Hawkmoon, ça faisait bien 10 ans que j’en entendais parler, depuis ma rencontre avec les auteurs d’Elric (Glénat) chez le même éditeur à un stand de dédicace. Et enfin, ça y est, avec une autre équipe, tout aussi talentueuse d’ailleurs, cette autre série culte appartenant au multivers du champion éternel du sieur Michael Moorcock voit le jour. Je croise les doigts pour que l’équipe d’auteurs demeure la même, c’est à dire Jérôme Le Gris dans le rôle de maître du jeu, le duo qui se complète à merveille Benoît Dellac et Didier Poli (seul rescapé d’Elric) au dessin, et Bruno Tatti qui sublime tout cela avec sa palette de couleurs. Déjà sur le premier tome d’Elric il y avait du sacré level avec Recht, Bastide, Poli et Blondel, mais je suis très impressionné car j’ai bien l’impression qu’on est parti sur la même dynamique. Je veux dire par la que « Oh putain de bordel de merde, qu’est-ce que c’est beau ! ». J’avais lu les bouquins d’Elric le nécromancien, bien aimé les années pulp mais la suite sans plus, pas lu en revanche Hawkmoon, c’est l’occasion de se rattraper. C’est un univers un peu bâtard, et pour essayer d’en donner une définition c’est du post-apocalyptique (voir même en pleine apocalypse) se déroulant dans notre réalité, où la société est retournée à un état médiéval-féodal dystopique, mais où subsiste néanmoins des bribes d’une technologie plus avancée par rapport à la notre. Pas de trace de magie pour le moment mais si cet élément apparaît à l’avenir on pourra parler d’une série dark-science fantasy. C’est un projet ambitieux donc, avec Dellac et Poli on sort les poids lourds et les mecs assurent mais grave. Londra est flippante, on la croirait sortie de l’imaginaire de Clive Barker où les « pike head » d’Hellraiser dirigent cet empire destructeur et dévoreur. Les vaisseaux sont stylés façon Star Wars donc plutôt cool, les tenues et armures sont inspirées à fond par la fantasy plus que le médiéval historique, sachant qu’en plus on y ajoute des pistolets du XVIIIème siècle (mais qui crachent autre chose que de la poudre à canon, plus puissant) ; on a donc un univers visuel qui fait très « fourbi » mais qui reste cohérent et digeste. Et pour terminer là-dessus j’adore le style graphique, voilà si on connaît un peu le dessin de Dellac sur Nottingham ou Serpent Dieu, y aura pas de soucis, c’est un vrai régal. Respect à lui de sortir autant de séries de cette qualité dans ce laps de temps quand d’autres mettent des années à sortir un album… Force à toi mec, merci. Quant à l’histoire, bon, j’imagine qu’on se dirige vers un Elric bis : le mythe du champion éternel où le héros est le jouet des dieux et de puissances qui le dépasse, la Loi contre le Chaos, critique intelligente contre tout type d’impérialisme rampant, le multivers tout ça… Je l’ai déjà lu, oui, mais si c’est bien raconté et que ça reste aussi bien chiadé que ce premier numéro, je veux être de la partie. La série est culte, donc en ce moment c’est la mode on adapte les grands classiques de la fantasy. Après je trouve quand même parfois les dialogues un peu poussiéreux et les péripéties ont été tellement rabâché que s’en est devenu cliché avec le temps : avec le héros qui nous fait sa victime durant trois plombs, le méchant qui est vraiment très très méchant et qui ne peut pas s’empêcher de faire le cake en toute circonstance, le héros a qui on laisse toujours la vie sauve tu te demandes pourquoi, etc. Bon, si les éditeurs manquent d’idées de cycles de fantasy de moins de 20 ans à adapter, où de grands auteurs n’ayant jamais été adapté, je peux leurs souffler quelques tuyaux… En tout cas, pour tout amateur de fantasy, à lire impérativement. Combien la série va durer par contre je n’ai pas tout compris. J’ai lu que selon Dellac chaque roman sera divisé en deux albums. Si je compte bien, il y a sept romans, soit quatorze albums, mais pour l’instant l’éditeur prévoit d’adapter un premier cycle de quatre albums. Ça va se terminer comme Elric, je le sens bien (ou mal).
Dernier week-end de janvier
Vraiment un bel album ce « dernier week-end de Janvier » ! Tout en finesse, en subtilité, en délicatesse et également en sensualité ! Pourtant, l’auteur, Bastien Vivès, n’a rien inventé de neuf dans ce récit puisqu’il s’agit d’une énième variation sur le thème de l’amour. Seules originalités de cette histoire : ça se passe pendant le festival de bandes dessinées d’Angoulème où on peut y reconnaitre facilement de nombreux lieux, sentir l’atmosphère particulière de cet évènement, et le personnage principal est un… dessinateur qui se soumet en trainant les pieds aux séances de dédicaces ! Mais tout cela ne présente pas l’intérêt essentiel du « Dernier week-end de Janvier » car Bastien Vivès a centré son récit sur la rencontre entre deux adultes bien établis : Denis, c’est-à-dire le dessinateur, et Vanessa. Quelques regards entre eux, quelques mots… et c’est le coup de foudre… et au diable leurs train-train habituels ! Et au placard, leurs vies de couple bien monotones et sans saveur ! Oui, il y a de l’adultère dans l’air… Je ne vous ferai ni un dessin pour que vous compreniez, ni la morale, je vous laisse juge ! Mais qu’est ce que ce récit est attachant et subtil ! Il faut dire que j’aime beaucoup le coup de crayon de Bastien Vivès et son sens de la narration qui siéent à merveille avec son scénario. Il suffit de feuilleter, parmi d’autres, la séquence en boîte de nuit pour entrevoir le talent de cet auteur, un régal de fluidité et de sensualité ! Et puis, Vanessa… qu’est-ce qu’elle est charmante ! Un bon, un très bon roman graphique, voilà ce que je retiens du « Dernier week-end de Janvier ». Bastien Vivès a un tel talent qu’il peut transformer facilement un récit banal en une histoire attachante et joliment mise en page. Vivement son prochain album !