C'est en parcourant le sujet du forum réservé aux plus belles couvertures de BD que je suis tombé sur celle du tome 1 de Papeete. Quelle claque visuelle ! Sublime. Tout comme celle du tome 2.
Le dessin de Morice est d'ailleurs très beau. J'ai adoré me plonger dans ses planches. L'art de la perspective est maîtrisé à l'absolu, par exemple. Bel artiste. Et gentil bonhomme qui plus est. Rencontré deux fois à Angougou en 2012 et 2013 pour deux dédicaces des deux tomes de Papeete, Morice est vraiment un homme abordable et adorable (cela va souvent ensemble me direz-vous). Je le suivrai désormais, c'est sûr.
L'histoire maintenant. Un tome 1 alléchant. Envoûtant. La petite histoire dans la grande Histoire. Tout est bien ficelé, tout donne envie de tourner les pages. A partir d'un évènement peu connu de la Grande Guerre, Didier Quella-Guyot nous emmène dans un polar efficace qui nous transporte dans Tahiti. J'ai vraiment adoré ce tome. Le rythme, les coups de théâtre, les odeurs, les couleurs sont bien retranscrites à travers le dessin, certes, mais aussi par le scénario. Le tome 2 est dans la même veine. Sauf qu'il manque peut-être un tome 3 en effet. Je ne sais pas si c'est de la frustration ou si, en effet, l'histoire se termine trop vite mais j'ai trouvé ce tome 2 un peu trop rapide.
Mais il faut bien une fin à tout...
J'ai vraiment beaucoup aimé ce diptyque et je le conseille à tous les amateurs de polars et à toutes les personnes qui aiment voyager et apprendre des autres.
Mon album préféré de la collection, je suis d’ailleurs étonné du peu d’avis ?!
A sa sortie je m’en suis bien méfié, j’avais trop vite catalogué Tébo en auteur jeunesse pipi caca, une belle bêtise !!
Il m’avait déjà agréablement surpris avec Alice au pays des singes mais il n’assurait que le scénario. Cette fois ci, il officie en tant qu’auteur complet et j’y ai découvert véritablement son trait, au potentiel comique indéniable.
Je trouve sa version de la célèbre souris : cultissime, à mes yeux une reprise de très haute volée. Je n’imagine même pas les contraintes, vétos etc de la maison mère pour ce genre d’exercice, laissant une liberté toute relative aux différents repreneurs.
Tébo s’en sort comme un chef, il a tout compris et trouve le bon angle pour son hommage. Son aventure est une petite friandise, un petit bonbon sucré qui trouve le juste équilibre et joue avec les codes. Ça s’adresse aux petits comme aux grands je trouve, une prouesse.
Ce Mickey troisième âge, qui raconte ses nombreuses aventures à un de ses arrières petits neveux, est absolument jubilatoire. C’est varié et fun, une sorte de best of de l’univers.
Déjà on a le droit à de nombreux environnements ou périodes (far west, prohibition, espace …), l’apparition de nombreux personnages de la franchise (Dingo, Donald, Pat, Minnie …) et le nouveau, Norbert (le petit neveu) est fort réussi.
Mais c’est surtout le ton donné par l’auteur qui relève l’ensemble. Pépé Mickey n’hésitant pas à enjoliver ses histoires, les AR avec Norbert sont drôlissimes. C’est frais et rythmé.
Le tout est accentué par le dessin, dynamique et comique, j’adore les bouilles des persos, les pages des chapitres et les dessins double pages.
L’ensemble va à cent à l’heure jusqu’à l’épilogue. Je ressors à chaque fois émerveillé de ma lecture. Si il n’y avait qu’un album à posséder de notre héros, ça serait celui la.
Moomin est un curieux personnage, un troll en forme d’hippopotame dont il n’existe qu’une seule famille, vivant dans la vallée des Moomins.
Né de l’imagination d’une artiste finlandaise, il prend vie d’abord sous forme de roman jeunesse à la fin de la guerre. L’auteure le déclinera en bd dans les années 50. C’est donc vieux et pourtant, c’est d’une incroyable modernité.
J’ai découvert les Moomins en cherchant de la littérature jeunesse pour mes enfants. Et bien sûr je lis tout avant de leur donner. Et je suis tombée amoureuse, littéralement. Des romans.
Je n’ai lu la forme bd que bien après, et c’est ça qui me perturbe un peu dans mon avis, j’ai du mal à faire la part des choses.
J’aime beaucoup la bd. Comme je le disais, malgré l’âge, je la trouve très moderne, le dessin, la mise en page, le rythme. Le dessin est incroyable, quelle expressivité sur ces hippopotames sans bouche, avec quelques traits, toutes les émotions passent. Les autres créatures peuplant cette vallée sont bien expressives aussi. Et l’auteure utilise joyeusement les objets et éléments du décor pour séparer les cases, j’adore.
Le rythme est soutenu, Moomin et ses amis vivent de petites aventures de quelques pages. L’intérêt est renouvelé par les thématiques différentes. Parfois purement divertissantes mais souvent sujets de société. Le rapport à l’autorité, la reconnaissance sociale, l’amitié, le désir de posséder, l’image de soi, la jalousie… Vous ai-je dit déjà que c’était moderne ? On s’attendrait presque à voir un thème sur les réseaux sociaux et les likes…
Voilà, quatre étoiles pour la bd, mais j’en aurais mis cinq pour les romans. Surtout le premier que j’ai lu, « Moumine le troll », petit pamphlet contre la société de consommation bien enrobé en conte pour enfants, j’adore.
Moomin est une institution en Scandinavie. Au Japon aussi où il s’est largement exporté. Succès bien mérité.
Je ne lis presque plus de bandes dessinées, mais quand c'est un prof de ma fille qui est aux crayons, je ne me pose pas de questions et je replonge sans hésiter !
Damien, c'est une voilier de 10 mètres, personnage à part entière d'une aventure autour du monde hors du commun, dont je n'avais jamais entendu parler avant ma lecture ! Réalisé de 1969 à 1973, avec des équipements de navigation qui n'ont rien à voir avec ce que l'on connait aujourd'hui, ce voyage commencé à 3 et terminé à 2 a conduit nos aventuriers d'extrêmes en extrêmes : qu'ils soient climatiques, visuels ou émotionnels et les a surtout transformés humainement parlant, forcément.
168 pages c'est beaucoup, et finalement pas encore assez pour tout raconter, alors j'ai parfois été un peu désarçonnée par les sauts dans le temps et des transitions abruptes mais c'est vraiment pour dire quelque chose !
Le dessin de Vincent est juste magnifique (mer calme ou déchaînée, grand nord, forêt amazonienne, îles paradisiaques, villages perdus ou métropoles gigantesques : on en prend plein les yeux sans les désagréments du voyage !).
Bref : je recommande vivement !
En cherchant comment exprimer mon ressenti sur cet album, j’ai repensé à « Automne en baie de Somme ». Pourquoi ai-je adoré Halifax alors qu’il présente bien des similitudes au niveau de la construction de son récit avec Automne en baie de Somme ? Où se fait la différence dans mon appréciation ?
Dans les deux cas, nous avons un récit de type policier dans lequel le théâtre historique joue un grand rôle. Dans les deux cas, l’intrigue policière n’est pas la plus extraordinaire qui soit. Pourtant, j’ai adoré l’un et trouvé l’autre quelconque…
Halifax, c’est d’abord un dessin, un style, une patte ; celle de Pascal Regnauld, un auteur rare qui me fascine. Un trait ultra-lisible, une colorisation à la fois franche et nuancée, un encrage inversé (les contours des personnages sont blancs et non noirs comme c’est le cas dans 99 pourcent des albums de bande dessinée). Dès que j’ouvre un de ses livres, je suis happé par le dessin, j’ai envie de lire l’histoire. C’est fascinant de pureté, ce trait a la beauté de l’évidence.
Halifax, c’est ensuite un contexte historique. Deux accidents maritimes ont marqué la ville qui servit ainsi de base arrière pour le repêchage des cadavres du Titanic. Et là encore se trouve un des points forts du récit : cette évocation de la récupération des corps des victimes du Titanic, flottant dans des eaux glacées, avec tous les problèmes de logistique qu’elle entraine. C’est le genre d’anecdote historique qui me fascine. Et ce n’est qu’un des aspects historiques développés par cet album, et nous naviguons ainsi dans les eaux de la petite histoire derrière la grande histoire, loin de ce que l’on nous enseigne à l’école mais proches de ce qui fait que l’humanité est telle qu’elle est.
Halifax, ce sont des personnages marquants autant que marqués. Marqués par l’histoire autant que par les événements fictifs auxquels ils sont confrontés. J’ai aimé ces gueules, à commencer par celle du héros, Roy Collins, qui dégage cette impression d’être aussi déterminé que désabusé.
Halifax, enfin, c’est une enquête policière. Pas la plus incroyable qui soit (comme je l’ai dit en début de chronique) mais qui permet de faire le lien entre les deux tragiques naufrages sans trahir les faits historiques avérés, qui nous tient en haleine quand bien même on devine rapidement qui est l’assassin et, enfin, lorsque l’on se dit que c’était quand même un peu facile, qui nous apporte une petite information en plus qui éclaire le personnage sous un nouvel angle, le rendant plus crédible.
En fait, pour moi, Halifax aurait été un ‘sans-fautes’ si l’intrigue policière avait été un peu moins linéaire. En l’état, c’est juste franchement, mais vraiment franchement bien !
Je recommande chaudement !
J'ai un défaut, en matière de lecture, je résiste rarement à la tentation de feuilleter la fin des albums, ou des séries, avant même d'avoir tout lu. Il n'est donc pas rare que certains effets du récit tombent à plat. Mais pour cette fois-ci, pas question que ça arrive. J'étais déterminé à lire d'une traite cette série dont j'avais plusieurs albums chez moi depuis longtemps, mais que je n'ai complétée que dernièrement, et que j'attendais donc de lire depuis un moment. Je commence donc le premier tome, le lit, ne comprend pas tout mais ai bien envie de lire la suite. Et là, je me rends compte que j'avais classé les bds de la série dans l'ordre décroissant. Je venais de lire l'intégralité du tome 6, et donc la conclusion de la série, sans avoir du tout lu les précédents tomes.
Autant dire que ma lecture a parfois été embrouillées, puisque je connaissais déjà certains personnages, ou ce qui allait leur arriver, et ça m'a enlevé un peu de sel à la lecture. D'habitude, je ne me spoile qu'une partie de l'intrigue, un point culminant, mais il reste toujours des zones d'ombres qui s'éclaircissent au fur et à mesure. Là, c'était un peu différent, je conaissais déjà toute la fin et ses détail. Sans compter qu'il y a pas mal de sauts dans le temps et de flashbacks qui m'ont encore plus fait douter de la chronologie de la narration.
Mais j'ai quand même beaucoup apprécié ma lecture, preuve de la réussite du duo Nury-Vallée pour cette histoire qui conte la vie de Joseph Joanovici, immigré qui fit fortune avant la guerre puis pendant, avant de terminer en disgrâce et sans le sou.
L'histoire est passionnante, elle permet de se replonger dans le contexte historique de la 2e guerre mondiale a travers les yeux d'un homme assez peu scrupuleux, mais qui se retrouve en vrai danger et qui fait tout pour échapper à son funeste destin. L'ambivalence du personnage principal est très bien rendue, avec d'un côté des actes souvent très égoïstes et parfois criminels et de l'autre des instants de prise de conscience et une volonté d'aider les autres, ou de sauver sa peau coûte que coûte. Difficile de ne pas comprendre ceux qui font de lui un salaud fini comme difficile de ne pas comprendre ceux qui le érigent en héros.
L'histoire de cet homme est passionnante, mais elle est aussi extrêmement bien racontée. Nury s'y connait pour dire de bonnes histoires, et il n'y a pas grand chose à redire sur la narration, peut être sur les sauts dans le temps dans les derniers albums mais vu que je n'ai pas lu dans l'ordre c'est peut être juste moi que ça a un peu perdu. C'est passionnant, on voit bien l'évolution de la personnalité du héros, et la différence entre cruelle froideur et moments de prise de conscience de ce qu'il est en train de devenir.
J'ai bien aimé cette ambivalence des personnages qui ne sont pas tout blancs ou tout noirs. Joseph est présenté comme ayant des côtés bons parfois, et le "petit juge de Melun", au contraire, alors qu'il sert une cause à priori juste, celle de la justice, est présenté avec des côté plus obscurs et s'assombrit au fur et à mesure du récit. Pareil pour les autres personnages, ils sont tous plutôt bien construits et intéressants, même si évidemment certains sont plus secondaires que d'autres et donc moins profonds, comme Lucie Fer qui est essentiellement le soutien de Joseph ou son frère qui le soutient coûte que coûte puis s'en détache. Mais ils restent tous intéressants et il n'y a pas un personnage ou je me suis dit que son développement était pas terrible.
Quant au dessin, c'est celui de Vallée. Il est comme d'habitude très bon, mais je note une différence avec les deux autres bds que j'ai lues de lui, à savoir Katanga et Tananarive. "Il était une fois en France" est antérieur à ces deux bds, et le style de Vallée n'en était pas au même stade de maturité.
Et j'avoue que je ne sais pas exactement ce que je préfère. Ce style là est plus réaliste (surtout pour ce qui concerne les têtes des personnages) et, pour un récit "historique", ce n'est pas plus mal. A l'inverse, le style "nouveau" de Sylvain Vallée est plus marqué et plus reconnaissable, mais les têtes particulières de certains personnages atténuent un peu ce côté réaliste. Mais au moins maintenant on reconnait tous les personnages alors que dans "Il était une fois en France" j'ai parfois eu un peu de mal.
Bref, quoi qu'il en soit, le dessin ici est très bon, même si j'aime bien quand les dessinateurs ont leur patte, leur petit truc particulier, et donc j'aime bien le chemin pris par le dessin de Vallée récemment.
Je conseille donc évidemment cette bd pour ceux qui seraient passés à côté.
En découvrant cet album et son titre, j’ai un temps pensé qu’il traitait du siège et du massacre qui se sont déroulés dans les années 1990, autour d’une secte d’illuminés. Mais en fait pas du tout, il s’agit d’une autre horreur, liée aux lynchages de Noirs, au début du XXème siècle.
Le sujet est violent, mais son traitement est plutôt « doux », presque calme. Du fait du dessin de Stéphane Soularue, et de la colorisation « apaisée ».
Mais aussi ce de certains choix, comme celui de montrer indirectement l’extrême violence du lynchage de Jesse Washington. Les photos existantes, qui ont choqué l’opinion à l’époque, sont ainsi seulement évoquées. Mais un très long passage, où une gamine témoin de la scène décrit ce qu’elle a vu, en accompagnant son témoignage de dessins, et d’une rare brutalité !
Cet album est aussi l’occasion pour moi de découvrir le personnage d’Elisabeth Freeman, qui a milité au sein des suffragettes anglaises (sujet exploré dans le précédent album des scénaristes, Jujitsuffragettes - Les Amazones de Londres), avant de faire de même en Amérique. Elle est aussi ici une pionnière du reportage de guerre (et quasi une enquêtrice de haut vol !), car envoyée enquêter sur cette sordide affaire par le journal d’un homme noir engagé, Du Bois (que je connaissais, lui). Beau personnage, de conviction, que cette Elisabeth Freeman, qui se rend compte que toutes les luttes sont liées, et que l’égalité des droits est valable pour les Noirs comme pour les femmes.
Dans un dossier et une interview en fin d’album, les auteurs expliquent comment ils en sont arrivés à traiter de ce sujet, et il semblerait qu’ils n’aient pas modifié grand-chose à la personnalité et aux actions de madame Freeman, effectivement un sacré bout de femme et une belle personnalité.
Un album intéressant et une lecture recommandée.
D'abord un grand merci à Noirdesir pour la découverte de cet album.
Je découvre Andrei Puica auteur roumain, dont c'est la première bd publiée en France.
Une lecture hypnotique, le dessin est d'une incroyable originalité et d'une puissance évocatrice hors norme. Je suis subjugué par tant d'imagination et la mise en page audacieuse. Il sert à merveille ce conte onirique. Et la superbe mise en couleur magnifie le tout.
Mais que c'est BEAU !
Encore un récit impossible à résumer.
Une ville perchée sur un rocher erre dans l'espace et on va y découvrir ses habitants, ceux qui ont survécu aux massacres et les oppresseurs. La dystopie.
Une narration onirique, philosophique, symbolique et poétique où la métaphore est bien présente.
Un conte à plusieurs niveaux de lecture que je vous laisse découvrir. Chacun en aura sa propre interprétation.
Le bien et le mal ne sont-ils pas inséparables ? Quid du libre arbitre ?
Une lecture qui se mérite.
Andrei Puica, un artiste à suivre.
Un gros coup de cœur graphique.
La malle aux images propose des titres qui s'orientent vers le domaine de l'enfance.
Comme les ouvrages ne sont pas toujours produits par des "spécialistes" de la littérature jeunesse cela donne des ouvrages originaux et intéressants.
J'ai vraiment eu un coup de coeur pour "L'Empire des Hauts Murs" de Simon Hureau. J'affectionne particulièrement le graphisme de Hureau. Son trait fin, précis et souple fait vivre ses héros de façon très convaincante.
Mais surtout Hureau soigne ses décors et ses extérieurs. Il n'est jamais meilleur qu'au milieu de vieilles pierres envahies par les ronces et peuplées d'araignées monstrueuses. (j'aime les araignées !!).
C'est le cas dans cette bâtisse aux mille fenêtres où Matteo et son frère Didi vont découvrir l'Aventure à la rencontre de cette bande de joyeux gamins menés par la Princesse pirate. Aventure pleine d'un courage de 12 ans pour se découvrir et découvrir l'autre.
Un Autre présent mais aussi un Autre absent mais qui peuple toutes ces salles abandonnées. Que de costumes, de livres, de jeux, de fêtes, de chats à découvrir, inventer et vivre.
Simon Hureau nous montre que les concepteurs de jeux vidéo n'ont rien inventé en capturant les enfants dans des jeux labyrinthes. Sauf que dans ces derniers, il manque cette intensité vécue et cette poésie du moment unique d'une nuit étoilée sur un toit, les uns à côté des autres et que l'on voudrait partager avec tous les enfants du monde.
Une très belle lecture poétique où Simon Hureau nous invite à prendre soin du monde de l'enfance et du monde de l'histoire. Car les bulldozers des promoteurs ne sont pas si différents de ceux de Daesh quand ils détruisent ce qui fait notre âme.
Bertille & Bertille est un réjouissant cocktail de genres : à la fois profondément ancré dans le genre policier, dans le pur fantastique limite science-fiction, mais aussi dans l'Historique.
Le cadre est sa première originalité puisque l'histoire se déroule peu de temps après la Première Guerre Mondiale. L'ambiance politique de l'époque joue un rôle très présent, avec un gouvernement soucieux de montrer la France victorieuse sous son meilleur jour quitte à mentir au peuple et à mettre une arrogante pression sur ses fonctionnaires. Le héros lui-même est un ancien des tranchées qui n'a pas gardé de séquelles physiques, contrairement à son meilleur ami, mais ça l'a rendu nettement plus rude et taiseux, n'hésitant pas à faire preuve de violence pour arriver à ses fins.
Je suppose que la série comportera une suite d'histoires complètes en un tome. Pour ce qui est de la première, elle mêle deux intrigues en parallèle.
Il y a d'abord l'enquête du commissaire Bertille pour retrouver un militant anarchiste ardemment recherché par le préfet de Paris et pour comprendre ce qui se trame autour de lui. Nous sommes ici dans le cadre d'une enquête policière très réaliste, crédible et bien menée.
Et en parallèle donc, il y a tout le mystère autour de cette étrange boule rouge qui s'est écrasée dans la forêt sous les yeux du commissaire et dont il est chargé de s'occuper avant d'être remplacé par de plus hautes autorités quand il s'avère que la boule est indestructible et surtout qu'elle grandit inlassablement. Cette partie là de l'intrigue flirte nettement plus avec le fantastique et la science-fiction sans pour autant réduire le réalisme de l'ensemble. Les réactions de tous les protagonistes sont crédibles et tiennent la route du moment qu'on accepte le concept incroyable de cette boule mystérieuse.
Et c'est là qu'intervient aussi l'autre Bertille, une riche héritière un peu extravagante, elle aussi témoin de l'atterrissage de la boule. Elle va rapidement lier des liens avec le commissaire bougon, lui apporter sa légèreté, son imagination et lui ouvrir l'esprit sur une autre manière d'appréhender cet évènement fantastique. La relation entre les deux personnages fonctionne très bien et on s'attache autant à l'une qu'à l'autre.
L'ensemble est mis en scène avec un graphisme élégant, en teintes sépia marquées de rouge par-ci par-là pour rappeler la couleur de la fameuse boule. De l'ouvrage de qualité.
J'ai pris grand plaisir à lire cette BD. J'ai beaucoup apprécié sa maturité, son cadre historique, son rythme, son ton à la fois léger et sérieux, la complexité crédible et prenante de ses protagonistes, ainsi que son mélange de ton, entre le polar sérieux, la politique grinçante et le fantastique teinté d'un peu d'absurde et de poésie.
Je lirai avec grand plaisir d'autres aventures de ces deux héros là.
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Papeete 1914
C'est en parcourant le sujet du forum réservé aux plus belles couvertures de BD que je suis tombé sur celle du tome 1 de Papeete. Quelle claque visuelle ! Sublime. Tout comme celle du tome 2. Le dessin de Morice est d'ailleurs très beau. J'ai adoré me plonger dans ses planches. L'art de la perspective est maîtrisé à l'absolu, par exemple. Bel artiste. Et gentil bonhomme qui plus est. Rencontré deux fois à Angougou en 2012 et 2013 pour deux dédicaces des deux tomes de Papeete, Morice est vraiment un homme abordable et adorable (cela va souvent ensemble me direz-vous). Je le suivrai désormais, c'est sûr. L'histoire maintenant. Un tome 1 alléchant. Envoûtant. La petite histoire dans la grande Histoire. Tout est bien ficelé, tout donne envie de tourner les pages. A partir d'un évènement peu connu de la Grande Guerre, Didier Quella-Guyot nous emmène dans un polar efficace qui nous transporte dans Tahiti. J'ai vraiment adoré ce tome. Le rythme, les coups de théâtre, les odeurs, les couleurs sont bien retranscrites à travers le dessin, certes, mais aussi par le scénario. Le tome 2 est dans la même veine. Sauf qu'il manque peut-être un tome 3 en effet. Je ne sais pas si c'est de la frustration ou si, en effet, l'histoire se termine trop vite mais j'ai trouvé ce tome 2 un peu trop rapide. Mais il faut bien une fin à tout... J'ai vraiment beaucoup aimé ce diptyque et je le conseille à tous les amateurs de polars et à toutes les personnes qui aiment voyager et apprendre des autres.
La Jeunesse de Mickey
Mon album préféré de la collection, je suis d’ailleurs étonné du peu d’avis ?! A sa sortie je m’en suis bien méfié, j’avais trop vite catalogué Tébo en auteur jeunesse pipi caca, une belle bêtise !! Il m’avait déjà agréablement surpris avec Alice au pays des singes mais il n’assurait que le scénario. Cette fois ci, il officie en tant qu’auteur complet et j’y ai découvert véritablement son trait, au potentiel comique indéniable. Je trouve sa version de la célèbre souris : cultissime, à mes yeux une reprise de très haute volée. Je n’imagine même pas les contraintes, vétos etc de la maison mère pour ce genre d’exercice, laissant une liberté toute relative aux différents repreneurs. Tébo s’en sort comme un chef, il a tout compris et trouve le bon angle pour son hommage. Son aventure est une petite friandise, un petit bonbon sucré qui trouve le juste équilibre et joue avec les codes. Ça s’adresse aux petits comme aux grands je trouve, une prouesse. Ce Mickey troisième âge, qui raconte ses nombreuses aventures à un de ses arrières petits neveux, est absolument jubilatoire. C’est varié et fun, une sorte de best of de l’univers. Déjà on a le droit à de nombreux environnements ou périodes (far west, prohibition, espace …), l’apparition de nombreux personnages de la franchise (Dingo, Donald, Pat, Minnie …) et le nouveau, Norbert (le petit neveu) est fort réussi. Mais c’est surtout le ton donné par l’auteur qui relève l’ensemble. Pépé Mickey n’hésitant pas à enjoliver ses histoires, les AR avec Norbert sont drôlissimes. C’est frais et rythmé. Le tout est accentué par le dessin, dynamique et comique, j’adore les bouilles des persos, les pages des chapitres et les dessins double pages. L’ensemble va à cent à l’heure jusqu’à l’épilogue. Je ressors à chaque fois émerveillé de ma lecture. Si il n’y avait qu’un album à posséder de notre héros, ça serait celui la.
Moomin
Moomin est un curieux personnage, un troll en forme d’hippopotame dont il n’existe qu’une seule famille, vivant dans la vallée des Moomins. Né de l’imagination d’une artiste finlandaise, il prend vie d’abord sous forme de roman jeunesse à la fin de la guerre. L’auteure le déclinera en bd dans les années 50. C’est donc vieux et pourtant, c’est d’une incroyable modernité. J’ai découvert les Moomins en cherchant de la littérature jeunesse pour mes enfants. Et bien sûr je lis tout avant de leur donner. Et je suis tombée amoureuse, littéralement. Des romans. Je n’ai lu la forme bd que bien après, et c’est ça qui me perturbe un peu dans mon avis, j’ai du mal à faire la part des choses. J’aime beaucoup la bd. Comme je le disais, malgré l’âge, je la trouve très moderne, le dessin, la mise en page, le rythme. Le dessin est incroyable, quelle expressivité sur ces hippopotames sans bouche, avec quelques traits, toutes les émotions passent. Les autres créatures peuplant cette vallée sont bien expressives aussi. Et l’auteure utilise joyeusement les objets et éléments du décor pour séparer les cases, j’adore. Le rythme est soutenu, Moomin et ses amis vivent de petites aventures de quelques pages. L’intérêt est renouvelé par les thématiques différentes. Parfois purement divertissantes mais souvent sujets de société. Le rapport à l’autorité, la reconnaissance sociale, l’amitié, le désir de posséder, l’image de soi, la jalousie… Vous ai-je dit déjà que c’était moderne ? On s’attendrait presque à voir un thème sur les réseaux sociaux et les likes… Voilà, quatre étoiles pour la bd, mais j’en aurais mis cinq pour les romans. Surtout le premier que j’ai lu, « Moumine le troll », petit pamphlet contre la société de consommation bien enrobé en conte pour enfants, j’adore. Moomin est une institution en Scandinavie. Au Japon aussi où il s’est largement exporté. Succès bien mérité.
Damien - L'Empreinte du vent
Je ne lis presque plus de bandes dessinées, mais quand c'est un prof de ma fille qui est aux crayons, je ne me pose pas de questions et je replonge sans hésiter ! Damien, c'est une voilier de 10 mètres, personnage à part entière d'une aventure autour du monde hors du commun, dont je n'avais jamais entendu parler avant ma lecture ! Réalisé de 1969 à 1973, avec des équipements de navigation qui n'ont rien à voir avec ce que l'on connait aujourd'hui, ce voyage commencé à 3 et terminé à 2 a conduit nos aventuriers d'extrêmes en extrêmes : qu'ils soient climatiques, visuels ou émotionnels et les a surtout transformés humainement parlant, forcément. 168 pages c'est beaucoup, et finalement pas encore assez pour tout raconter, alors j'ai parfois été un peu désarçonnée par les sauts dans le temps et des transitions abruptes mais c'est vraiment pour dire quelque chose ! Le dessin de Vincent est juste magnifique (mer calme ou déchaînée, grand nord, forêt amazonienne, îles paradisiaques, villages perdus ou métropoles gigantesques : on en prend plein les yeux sans les désagréments du voyage !). Bref : je recommande vivement !
Halifax, mon chagrin
En cherchant comment exprimer mon ressenti sur cet album, j’ai repensé à « Automne en baie de Somme ». Pourquoi ai-je adoré Halifax alors qu’il présente bien des similitudes au niveau de la construction de son récit avec Automne en baie de Somme ? Où se fait la différence dans mon appréciation ? Dans les deux cas, nous avons un récit de type policier dans lequel le théâtre historique joue un grand rôle. Dans les deux cas, l’intrigue policière n’est pas la plus extraordinaire qui soit. Pourtant, j’ai adoré l’un et trouvé l’autre quelconque… Halifax, c’est d’abord un dessin, un style, une patte ; celle de Pascal Regnauld, un auteur rare qui me fascine. Un trait ultra-lisible, une colorisation à la fois franche et nuancée, un encrage inversé (les contours des personnages sont blancs et non noirs comme c’est le cas dans 99 pourcent des albums de bande dessinée). Dès que j’ouvre un de ses livres, je suis happé par le dessin, j’ai envie de lire l’histoire. C’est fascinant de pureté, ce trait a la beauté de l’évidence. Halifax, c’est ensuite un contexte historique. Deux accidents maritimes ont marqué la ville qui servit ainsi de base arrière pour le repêchage des cadavres du Titanic. Et là encore se trouve un des points forts du récit : cette évocation de la récupération des corps des victimes du Titanic, flottant dans des eaux glacées, avec tous les problèmes de logistique qu’elle entraine. C’est le genre d’anecdote historique qui me fascine. Et ce n’est qu’un des aspects historiques développés par cet album, et nous naviguons ainsi dans les eaux de la petite histoire derrière la grande histoire, loin de ce que l’on nous enseigne à l’école mais proches de ce qui fait que l’humanité est telle qu’elle est. Halifax, ce sont des personnages marquants autant que marqués. Marqués par l’histoire autant que par les événements fictifs auxquels ils sont confrontés. J’ai aimé ces gueules, à commencer par celle du héros, Roy Collins, qui dégage cette impression d’être aussi déterminé que désabusé. Halifax, enfin, c’est une enquête policière. Pas la plus incroyable qui soit (comme je l’ai dit en début de chronique) mais qui permet de faire le lien entre les deux tragiques naufrages sans trahir les faits historiques avérés, qui nous tient en haleine quand bien même on devine rapidement qui est l’assassin et, enfin, lorsque l’on se dit que c’était quand même un peu facile, qui nous apporte une petite information en plus qui éclaire le personnage sous un nouvel angle, le rendant plus crédible. En fait, pour moi, Halifax aurait été un ‘sans-fautes’ si l’intrigue policière avait été un peu moins linéaire. En l’état, c’est juste franchement, mais vraiment franchement bien ! Je recommande chaudement !
Il était une fois en France
J'ai un défaut, en matière de lecture, je résiste rarement à la tentation de feuilleter la fin des albums, ou des séries, avant même d'avoir tout lu. Il n'est donc pas rare que certains effets du récit tombent à plat. Mais pour cette fois-ci, pas question que ça arrive. J'étais déterminé à lire d'une traite cette série dont j'avais plusieurs albums chez moi depuis longtemps, mais que je n'ai complétée que dernièrement, et que j'attendais donc de lire depuis un moment. Je commence donc le premier tome, le lit, ne comprend pas tout mais ai bien envie de lire la suite. Et là, je me rends compte que j'avais classé les bds de la série dans l'ordre décroissant. Je venais de lire l'intégralité du tome 6, et donc la conclusion de la série, sans avoir du tout lu les précédents tomes. Autant dire que ma lecture a parfois été embrouillées, puisque je connaissais déjà certains personnages, ou ce qui allait leur arriver, et ça m'a enlevé un peu de sel à la lecture. D'habitude, je ne me spoile qu'une partie de l'intrigue, un point culminant, mais il reste toujours des zones d'ombres qui s'éclaircissent au fur et à mesure. Là, c'était un peu différent, je conaissais déjà toute la fin et ses détail. Sans compter qu'il y a pas mal de sauts dans le temps et de flashbacks qui m'ont encore plus fait douter de la chronologie de la narration. Mais j'ai quand même beaucoup apprécié ma lecture, preuve de la réussite du duo Nury-Vallée pour cette histoire qui conte la vie de Joseph Joanovici, immigré qui fit fortune avant la guerre puis pendant, avant de terminer en disgrâce et sans le sou. L'histoire est passionnante, elle permet de se replonger dans le contexte historique de la 2e guerre mondiale a travers les yeux d'un homme assez peu scrupuleux, mais qui se retrouve en vrai danger et qui fait tout pour échapper à son funeste destin. L'ambivalence du personnage principal est très bien rendue, avec d'un côté des actes souvent très égoïstes et parfois criminels et de l'autre des instants de prise de conscience et une volonté d'aider les autres, ou de sauver sa peau coûte que coûte. Difficile de ne pas comprendre ceux qui font de lui un salaud fini comme difficile de ne pas comprendre ceux qui le érigent en héros. L'histoire de cet homme est passionnante, mais elle est aussi extrêmement bien racontée. Nury s'y connait pour dire de bonnes histoires, et il n'y a pas grand chose à redire sur la narration, peut être sur les sauts dans le temps dans les derniers albums mais vu que je n'ai pas lu dans l'ordre c'est peut être juste moi que ça a un peu perdu. C'est passionnant, on voit bien l'évolution de la personnalité du héros, et la différence entre cruelle froideur et moments de prise de conscience de ce qu'il est en train de devenir. J'ai bien aimé cette ambivalence des personnages qui ne sont pas tout blancs ou tout noirs. Joseph est présenté comme ayant des côtés bons parfois, et le "petit juge de Melun", au contraire, alors qu'il sert une cause à priori juste, celle de la justice, est présenté avec des côté plus obscurs et s'assombrit au fur et à mesure du récit. Pareil pour les autres personnages, ils sont tous plutôt bien construits et intéressants, même si évidemment certains sont plus secondaires que d'autres et donc moins profonds, comme Lucie Fer qui est essentiellement le soutien de Joseph ou son frère qui le soutient coûte que coûte puis s'en détache. Mais ils restent tous intéressants et il n'y a pas un personnage ou je me suis dit que son développement était pas terrible. Quant au dessin, c'est celui de Vallée. Il est comme d'habitude très bon, mais je note une différence avec les deux autres bds que j'ai lues de lui, à savoir Katanga et Tananarive. "Il était une fois en France" est antérieur à ces deux bds, et le style de Vallée n'en était pas au même stade de maturité. Et j'avoue que je ne sais pas exactement ce que je préfère. Ce style là est plus réaliste (surtout pour ce qui concerne les têtes des personnages) et, pour un récit "historique", ce n'est pas plus mal. A l'inverse, le style "nouveau" de Sylvain Vallée est plus marqué et plus reconnaissable, mais les têtes particulières de certains personnages atténuent un peu ce côté réaliste. Mais au moins maintenant on reconnait tous les personnages alors que dans "Il était une fois en France" j'ai parfois eu un peu de mal. Bref, quoi qu'il en soit, le dessin ici est très bon, même si j'aime bien quand les dessinateurs ont leur patte, leur petit truc particulier, et donc j'aime bien le chemin pris par le dessin de Vallée récemment. Je conseille donc évidemment cette bd pour ceux qui seraient passés à côté.
Waco Horror - Elisabeth Freeman, l'infiltrée
En découvrant cet album et son titre, j’ai un temps pensé qu’il traitait du siège et du massacre qui se sont déroulés dans les années 1990, autour d’une secte d’illuminés. Mais en fait pas du tout, il s’agit d’une autre horreur, liée aux lynchages de Noirs, au début du XXème siècle. Le sujet est violent, mais son traitement est plutôt « doux », presque calme. Du fait du dessin de Stéphane Soularue, et de la colorisation « apaisée ». Mais aussi ce de certains choix, comme celui de montrer indirectement l’extrême violence du lynchage de Jesse Washington. Les photos existantes, qui ont choqué l’opinion à l’époque, sont ainsi seulement évoquées. Mais un très long passage, où une gamine témoin de la scène décrit ce qu’elle a vu, en accompagnant son témoignage de dessins, et d’une rare brutalité ! Cet album est aussi l’occasion pour moi de découvrir le personnage d’Elisabeth Freeman, qui a milité au sein des suffragettes anglaises (sujet exploré dans le précédent album des scénaristes, Jujitsuffragettes - Les Amazones de Londres), avant de faire de même en Amérique. Elle est aussi ici une pionnière du reportage de guerre (et quasi une enquêtrice de haut vol !), car envoyée enquêter sur cette sordide affaire par le journal d’un homme noir engagé, Du Bois (que je connaissais, lui). Beau personnage, de conviction, que cette Elisabeth Freeman, qui se rend compte que toutes les luttes sont liées, et que l’égalité des droits est valable pour les Noirs comme pour les femmes. Dans un dossier et une interview en fin d’album, les auteurs expliquent comment ils en sont arrivés à traiter de ce sujet, et il semblerait qu’ils n’aient pas modifié grand-chose à la personnalité et aux actions de madame Freeman, effectivement un sacré bout de femme et une belle personnalité. Un album intéressant et une lecture recommandée.
Les Oiseaux lumineux
D'abord un grand merci à Noirdesir pour la découverte de cet album. Je découvre Andrei Puica auteur roumain, dont c'est la première bd publiée en France. Une lecture hypnotique, le dessin est d'une incroyable originalité et d'une puissance évocatrice hors norme. Je suis subjugué par tant d'imagination et la mise en page audacieuse. Il sert à merveille ce conte onirique. Et la superbe mise en couleur magnifie le tout. Mais que c'est BEAU ! Encore un récit impossible à résumer. Une ville perchée sur un rocher erre dans l'espace et on va y découvrir ses habitants, ceux qui ont survécu aux massacres et les oppresseurs. La dystopie. Une narration onirique, philosophique, symbolique et poétique où la métaphore est bien présente. Un conte à plusieurs niveaux de lecture que je vous laisse découvrir. Chacun en aura sa propre interprétation. Le bien et le mal ne sont-ils pas inséparables ? Quid du libre arbitre ? Une lecture qui se mérite. Andrei Puica, un artiste à suivre. Un gros coup de cœur graphique.
L'Empire des hauts murs
La malle aux images propose des titres qui s'orientent vers le domaine de l'enfance. Comme les ouvrages ne sont pas toujours produits par des "spécialistes" de la littérature jeunesse cela donne des ouvrages originaux et intéressants. J'ai vraiment eu un coup de coeur pour "L'Empire des Hauts Murs" de Simon Hureau. J'affectionne particulièrement le graphisme de Hureau. Son trait fin, précis et souple fait vivre ses héros de façon très convaincante. Mais surtout Hureau soigne ses décors et ses extérieurs. Il n'est jamais meilleur qu'au milieu de vieilles pierres envahies par les ronces et peuplées d'araignées monstrueuses. (j'aime les araignées !!). C'est le cas dans cette bâtisse aux mille fenêtres où Matteo et son frère Didi vont découvrir l'Aventure à la rencontre de cette bande de joyeux gamins menés par la Princesse pirate. Aventure pleine d'un courage de 12 ans pour se découvrir et découvrir l'autre. Un Autre présent mais aussi un Autre absent mais qui peuple toutes ces salles abandonnées. Que de costumes, de livres, de jeux, de fêtes, de chats à découvrir, inventer et vivre. Simon Hureau nous montre que les concepteurs de jeux vidéo n'ont rien inventé en capturant les enfants dans des jeux labyrinthes. Sauf que dans ces derniers, il manque cette intensité vécue et cette poésie du moment unique d'une nuit étoilée sur un toit, les uns à côté des autres et que l'on voudrait partager avec tous les enfants du monde. Une très belle lecture poétique où Simon Hureau nous invite à prendre soin du monde de l'enfance et du monde de l'histoire. Car les bulldozers des promoteurs ne sont pas si différents de ceux de Daesh quand ils détruisent ce qui fait notre âme.
Bertille & Bertille
Bertille & Bertille est un réjouissant cocktail de genres : à la fois profondément ancré dans le genre policier, dans le pur fantastique limite science-fiction, mais aussi dans l'Historique. Le cadre est sa première originalité puisque l'histoire se déroule peu de temps après la Première Guerre Mondiale. L'ambiance politique de l'époque joue un rôle très présent, avec un gouvernement soucieux de montrer la France victorieuse sous son meilleur jour quitte à mentir au peuple et à mettre une arrogante pression sur ses fonctionnaires. Le héros lui-même est un ancien des tranchées qui n'a pas gardé de séquelles physiques, contrairement à son meilleur ami, mais ça l'a rendu nettement plus rude et taiseux, n'hésitant pas à faire preuve de violence pour arriver à ses fins. Je suppose que la série comportera une suite d'histoires complètes en un tome. Pour ce qui est de la première, elle mêle deux intrigues en parallèle. Il y a d'abord l'enquête du commissaire Bertille pour retrouver un militant anarchiste ardemment recherché par le préfet de Paris et pour comprendre ce qui se trame autour de lui. Nous sommes ici dans le cadre d'une enquête policière très réaliste, crédible et bien menée. Et en parallèle donc, il y a tout le mystère autour de cette étrange boule rouge qui s'est écrasée dans la forêt sous les yeux du commissaire et dont il est chargé de s'occuper avant d'être remplacé par de plus hautes autorités quand il s'avère que la boule est indestructible et surtout qu'elle grandit inlassablement. Cette partie là de l'intrigue flirte nettement plus avec le fantastique et la science-fiction sans pour autant réduire le réalisme de l'ensemble. Les réactions de tous les protagonistes sont crédibles et tiennent la route du moment qu'on accepte le concept incroyable de cette boule mystérieuse. Et c'est là qu'intervient aussi l'autre Bertille, une riche héritière un peu extravagante, elle aussi témoin de l'atterrissage de la boule. Elle va rapidement lier des liens avec le commissaire bougon, lui apporter sa légèreté, son imagination et lui ouvrir l'esprit sur une autre manière d'appréhender cet évènement fantastique. La relation entre les deux personnages fonctionne très bien et on s'attache autant à l'une qu'à l'autre. L'ensemble est mis en scène avec un graphisme élégant, en teintes sépia marquées de rouge par-ci par-là pour rappeler la couleur de la fameuse boule. De l'ouvrage de qualité. J'ai pris grand plaisir à lire cette BD. J'ai beaucoup apprécié sa maturité, son cadre historique, son rythme, son ton à la fois léger et sérieux, la complexité crédible et prenante de ses protagonistes, ainsi que son mélange de ton, entre le polar sérieux, la politique grinçante et le fantastique teinté d'un peu d'absurde et de poésie. Je lirai avec grand plaisir d'autres aventures de ces deux héros là.