Élégant, émoustillant et malin : Rabaté est en grande forme.
Le dessin d'abord : le trait noir et fragile (et tellement humain !) rehaussé d'un ombrage de pèche sur les peaux. La couleur atténuée, presque bicolore bleu pâle et bistre. Dans l'ensemble une sorte de clarté lunaire qui rappelle peut-être un passé glorieux à l'auteur, les années 60.
Ce décor surexposé met en scène la confrontation de brocanteurs douteux et issus de parcours peu enviables avec la jeunesse dorée d'un village de bord de mer. Dans ce scénario, vaguement anarchiste, où les enfants des rupins s'encanaillent, un seul se rebelle véritablement contre son avenir de militaire fils de gradé.
C'est l'amour impromptu qui fait dérailler les projets et l'ordre social en même temps. Comme on aimerait que cette historiette puisse être vraie...
Peut-être l'est-elle finalement ?
C'est amusant, en lisant cet album sans voir les auteurs, j'étais persuadé que le dessinateur était Thierry Martin (Le Roman de Renart) dont j'aime beaucoup le style. C'est n'est pourtant pas lui mais bien Léonard Chemineau qui est ici au dessin, dans un style plus doux et mignon que celui que je lui connaissais dans Le Travailleur de la nuit ou Julio Popper. C'est en tout cas un style de dessin que j'apprécie vraiment. Il est à la fois esthétique, épuré et en même très lisible. Les décors sont beaux, lumineux, et les personnages sont très réussis. J'aime surtout la bouille de la mule dont les expressions me font rire presque à chaque fois.
L'histoire n'est pas en reste.
Son cadre historique est excellent et tellement rare en BD. Quel incroyable contraste entre la finesse de ce califat Andalou du Xe siècle et la barbarie violente du monde Franc et Viking de la même époque. Et quelle plongée intéressante dans cet univers. Quelle surprise d'y voir des gardes musulmans armés, vêtus et coiffés comme des soldats francs, loin des clichés de l'arabe en turban et au sabre courbe. Quelle surprise d'y voir justement quelques vikings aborder les rivages espagnols. Et quel véritable intérêt de découvrir les relations entre les peuples de l'époque, les machinations politiques et leur impact sur la science et la littérature qui ont fait la gloire du monde arabe d'alors.
Cela, nous le découvrons par le biais d'une véritable histoire à l'échelle humaine avec quatre protagonistes principaux, dont une mule, lancés dans une aventure pour sauver des livres précieux. C'est un récit qui mêle aventure et humour, avec de bons personnages, des dialogues ciselés, et surtout une très bonne tenue de route tant dans le rythme que dans l'attachement à son intrigue, sa crédibilité et son intelligence.
Un vrai plaisir de lecture qui apporte en outre son lot d'informations historiques particulièrement instructives.
Le pas de la manu n'a aucun rapport avec notre Président en exercice, il s'agit de la manufacture d'armes de Saint-Étienne qui a fait travailler beaucoup de monde depuis des décennies. C'est d'ailleurs de là comme je l'ai appris que vient le FAMAS, qui s'avère être un acronyme : fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne. Encore un savoir-faire qui se perd et une industrie dont la France a perdu la souveraineté...
Pour en revenir à ce récit, parfois cela fait rire et suscite des jalousies dans le monde ouvrier, car pour certains ce sont des planqués, payés à l'heure et pas à la pièce et qui ont parfois pas mal de temps pour des activités personnelles. C'est ce qui s'appelle la perruque et souvent ce sont de petites pièces pour bricoler, mais l'un d'entre eux veut y construire son bateau et ça représente un sacré paquet d'heures de boulot. Mais comment faire pour sortir le moteur discrètement au nez et à la barbe des gardiens de l'entrée ?
Bel hommage à ce monde ouvrier, on sent l'affection de l'auteur Baptiste Deyrail pour ce milieu. En tout cas son dessin, whaou. Plus de 200 planches avec une technique expliquée à la fin, comme de l'huile sur des plaques de zinc. De toute beauté. Une ambiance façon films de Renoir où on croise d'ailleurs un sosie de Gabin. Je dis bravo.
Le genre fantastique est un exercice difficile. Il a été peu utilisé dans la littérature française à quelques exceptions notables (Maupassant ou Mérimée).
La série Niklos Koda présente tous les critères du genre et je trouve que c'est une réussite totale.
Pourtant l'introduction d'un élément fantastique en BD peut être une facilité de scénario qui a tendance à m'agacer. C'est le cas dans Jessica Blandy où je trouve le personnage de Razza superfétatoire, débarquant au milieu de la série comme un cheveu sur la soupe.
Ici rien de tel, nous sommes plongés dans une ambiance fantastique dès les premières pages du tome 1. Le personnage de Barrio Jésus restera central dans l'esprit du récit jusqu'à la conclusion du tome 15.
Le dessin d'Olivier Grenson est parmi ceux que je préfère. L'expression de ses visages, ses positions de corps (Aïcha en tailleur sage sur son bureau jambes croisées devant Niklos, merveille d'érotisme), j'en raffole.
Mais le plus pour moi, ce sont toutes ces ambiances un peu glauques de Paris, Prague, Marrakech, Barcelone, Le Caire et autres villes d'Asie ou du Moyen Orient. C'est une vraie invitation à la rêverie et la flânerie un peu frissonnante.
Niklos est-il le Nième séducteur qui permet d'introduire une bonne dose d'érotisme dans le récit ? Et bien non. Le personnage murit au fil des épisodes. Il devient papa de Seleni et le rapport père-fille humainement et en magie va apporter énormément au récit.
D'ailleurs, il ne fait pas très bon entrer dans le lit du beau Koda, beaucoup y perdront la vie.
Cette paternité est une première trouvaille du scénario. La seconde c'est la confrontation de Niklos à deux méchants très intéressants. L'un matériel qui tendra vers le surnaturel Hali Mirvic, et l'autre surnaturel qui finira vers le réel, Barrio.
Je trouve chaque tome bon et d'un niveau sensiblement égal. Ce qui est rare dans une série mi-longue comme celle-ci.
Les femmes sont magnifiques, sur un modèle de magasines ouest européen mais cela correspond à l'action et à la géographie. Les scènes érotiques sont bien placées, dans la logique de l'action et de la construction de la personnalité ambiguë de Koda.
Les personnages secondaires du cercle sont vraiment top avec une véritable influence sur l'histoire.
Enfin l'élément fantastique du récit. C'est un parti pris qu'il faut accepter tout de suite. Je trouve que Dufaux respecte tous les codes du genre. C'est vraiment très bien fait.
Il y a à la fois unité du récit à travers les cartes et originalité des situations à travers le cercle.
J'ai oublié les couleurs... Subliiiiimes
Voilà une adaptation très réussie d’un récit de Pierre Mac Orlan, une histoire de piraterie comme on en lit peu… et pour cause : pas de héros, pas d’abordages tapageurs, pas de personnages extraordinaires. Non, plutôt un journal de bord qui décrit le quotidien bien ordinaire d’un équipage. Divisé en chapitres qui racontent chacun un épisode de la vie finalement assez routinière d’un pirate au 18e siècle, le récit est fluide, bien écrit et sobre. C’est ce qui en fait la force et l’efficacité.
Une suite de rencontres, d’événements, de rêves et de désillusions. Pas de héros, pas de trésor (ou si peu…) mais une floppée d’hommes qui traînent leur misérable vie sur les océans. Ajoutons-y une critique de la société de l’époque qui condamne les plus déshérités à une vie de misère et de dangers.
Le dessin en bichromie de Riff Reb’s est toujours aussi beau et toujours aussi puissant. On entend craquer le bateau sous le vent, on ressent la terreur des marins épouvantés par les fantômes de leurs victimes et la tension permanente entre eux qui ne demande qu’à tourner en bain de sang… et pourtant, des éclairs d’humanité subsistent. Des vies de pirates racontées crument, sans fard, sans héros, sans beaucoup d’espoir et la puissance de la mer, omniprésente, dont aucun ne peut plus se passer. Un album remarquable.
En retombant sur les anciennes BD qui trainaient, je me suis rendu compte que celle-ci n'était pas enregistrée dans la base de BDthèque.
Il faut dire que l'histoire de la BD est originale, puisque Ptiluc a tout d'abord publié la BD sur le net, sans avoir d'éditeur, puis que Paquet a accepté de le publier en album dans ses collections. La collaboration semble cependant s'être mal passée, mais cela est une autre histoire.
La BD est une satire sur les ONG officiant dans les pays d'Afrique, et le moins que l'on puisse dire, c'est que Ptiluc tire à boulets rouges ! Dès le début, on sent sa patte qui revient, dans les personnages (qui fument des pétards dès les premières cases), dans le décor et le trait, mais aussi dans la vulgarité et la crasse pas gratuite pour un sou.
Si je dis qu'elle n'est pas gratuite pour un sou, c'est que j'avais eu l'occasion de lire, lorsqu'il avait publié sa BD en blog, quelques commentaires qu'il avait ajoutés à ses planches. Et que ces quelques commentaires sont parfois très éclairants (à tel point que je regrette de ne pas les voir dans la BD éditée). Par exemple, la présence de joints dès les premières pages est expliquée par Ptiluc de la façon suivante :
"Alors, je lui ai expliqué que souvent, les logisticiens, sur le terrain, ils vivaient des trucs qu'ils auraient vite trouvés insupportables sans l'aide de substances variables mais qui toutes changent un peu la perception de l'insupportable. Après j'ai du lui expliquer que quand des rebelles prenaient des otages, s'il fallait en tuer un pour faire régner la terreur, c'était toujours un local, pas un blanc, un blanc ça vaut du pognon, un local ça vaut rien, mais si tu le dégommes devant les autres, tu sais qu'ils vont se tenir à carreau."
Bref, à travers les petits éclaircissements qu'il apportait, je comprenais mieux l'aspect caricatural qu'il mettait dans son œuvre. Ptiluc ne se contente pas de faire de la provocation gratuite, bien que ce soit assez facilement son style. Il parle ici de choses qu'il a connues, par lui ou par ses amis. La BD se veut une représentation générale de la situation de l'humanitaire en Afrique, et surtout pas une considération juste et exacte d'une opération en particulier.
Cela donne lieu à moult situations caricaturales, mais qui donnent une idée de la difficulté de ceux qui tentent d'aider l'Afrique. Sans remettre en question la volonté de ceux-ci, on en découvre les aspects confrontés au réel. Rien que la question de vacciner ou non des enfants soldats est déjà un sacré dilemme éthique. On balaye aussi l'implication des multinationales dans les conflits type Rwanda, l'exploitation de diamants, la question des représentations par les médias (et des liens avec ceux-ci), de la Françafrique et des liens entre dictateurs et politiques, etc ...
Mine de rien, je trouve que la BD a un aspect bien sombre, et je ne dis pas cela uniquement par rapport à la fin volontairement pessimiste. A travers les différentes situations, il dresse un portrait acide de l'Afrique et de l'aide humanitaire. Entre les volontés déçues et les réalités dures du terrain, le tout finissant sur cet occident qui préfère voir le cul de ses stars que la pauvreté de l'autre bout du monde ... C'est acide, très acide.
En y repensant, j'aime bien cette BD. Elle a quelque chose de méchant, un peu dans le style habituel de Ptiluc, mais avec des considérations derrière. On sent que ce n'est pas juste gratuit, mais réfléchi. Je me demande à quel point tout cela est actuel, mais je crois que la réponse me ferait peur. La BD a un message, pour peu que vous passiez le style de Ptiluc parfois trop provocateur ou trash, mais qui a le mérite d'une certaine franchise. Pas de considérations simples et faciles, on parle crument. Et ça fait du bien, aussi, de parfois se reprendre un peu de la réalité en pleine gueule.
Cinquantenaires de tous pays réjouissez-vous, Goldorak est de retour.
Nostalgiques de Recré A2, je vous invite à découvrir le nouvel album de Bajram, Cossu, Dorison, Sentenac et Guillo qui nous font revivre une nouvelle aventure de Goldorak.
Et quelle aventure !
Nous retrouvons nos héros vieillis, (la patrouille des aigles) presque désabusés pour certains (Actarus, étrangement barbu, particulièrement éprouvé au début de cet épisode), appelés, encore une fois, à sauver leur pays contre les Golgoths ; mais aussi Procyon, Rigel, Mizar, Banta.
Le tour de force est tout de même de ne faire figurer Goldorak qu’à la moitié de l’album, qui compte 136 pages, sans pour autant dénaturer les souvenirs que l’on avait de ce dessin animé. Je dois avouer avoir eu des frissons, lorsque Actarus prononce le mythique " Goldorak Go ! ", une véritable madeleine de Proust, vous dis-je, cet album. Et que dire du fameux « métamorphose ! » , parfaitement dessiné par le trio Bajram, Cossu et Sentenac.
Justement côté dessin il faut souligner la qualité du travail, mais aussi les couleurs en parfaites adéquation avec celles du dessin animé et des pages parfois audacieuses (page 64) au niveau du découpage. Quelques clins d’œil sympathiques égrènent la lecture de l’album, comme le disque 45 tours que sort Procyon (page 60).
L’album est agrémenté d’un cahier de 16 pages sur la genèse de cette histoire, qui montre, s’il fallait encore le prouver, que les auteurs ont une passion dévorante pour Goldorak depuis leur plus tendre enfance. Cette passion s’est ressentie dans l’album qui, pour moi, est une de mes meilleures lectures de cette année.
Finalement, je retire ce que je disais en introduction "cinquantenaires de tous pays réjouissez-vous, Goldorak est de retour !", mes enfants de 20 et 21 ans m’ont emprunté l’album en faisant un « Waouh ! », au vu de la couverture.
" Goldorak" en définitive, n’appartient plus exclusivement aux gens de 50 ans ou plus, comme moi et tant mieux.
Un grand merci aux auteurs.
J'étais bien curieux de lire cet album, dont l'achat coïncide, à quelques jours près, avec le quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort en France. Je suis le parcours de Marie Bardiaux Vaïente depuis plusieurs années, admiratif de son énergie pour que l'abolition de la peine de mort soit universelle. Car de nombreux pays, et non des moindres, continuent à l'appliquer, dans des conditions qui seraient ridicules si elles n'étaient pas dramatiques et barbares.
Pour en revenir à l'album, il est en effet centré sur le personnage de Robert Badinter, promoteur et lui-même activiste acharné en faveur de cette abolition. La scénariste a choisi de ne pas faire une biographie classique, mais plutôt de se concentrer que quelques évènements qui ont jalonné la vie et la carrière de Badinter, et forgé ses convictions. Deux affaires, symboliques, ont retenu son attention et sont brièvement racontées dans cet album. Celle de Claude Buffet et Roger Bontems, condamnés à mort, non graciés et exécutés, alors que le second n'a tué personne. Celle de Patrick Henry, coupable de l'un des assassinats les plus glauques connus, condamné à mort, gracié. Deux affaires dans lesquelles Badinter est l'avocat de la défense. François Mitterrand élu Président de la république, Badinter est nommé Garde des Sceaux, et a pu plaider l'abolition de la peine capitale devant les deux chambres du Parlement, en septembre 1981. Et obtenir sa récompense, l'issue victorieuse de ce combat essentiel pour la justice et pour la République. Avant de voir le bourreau de son père, déporté pendant la guerre, être condamné à la prison à perpétuité. Des symboles forts que ces affaires, que Marie Bardiaux-Vaïente raconte de manière factuelle, presque froide, afin de toucher le public le plus large possible. Un seule petit regret par rapport à ces choix narratifs, le peu de place laissée aux opposants à l'abolition, dont la rage et la violence furent assez effrayantes à l'époque.
Malo Kerfriden prête son trait classique à ce documentaire aussi proche que possible de la vérité, avec une coloration en bichromie qui laisse la part belle aux paroles, à l'expression des différents personnages. C'est d'une efficacité redoutable, et cela permet à ce one-shot d'être à mon sens un album essentiel pour comprendre les racines d'un combat qui fut gagné, mais qui n'est pas terminé.
Je ne sais pas vous, mais quand j’étais gosse, il y avait un truc que j’adorais… faire un tour de manège et surtout décrocher la queue du Mickey ! Quelle fierté ! Que du bonheur de savourer cette prise qui semblait inaccessible. Avec cet album, j’ai de nouveau ressenti cette jubilation d’antan. Que c’est bon, que c’est délicieux d’être emmené en quelques planches loin de tout.
J’étais pourtant un peu sur la retenue avant de me procurer Tananarive. Le battage médiatique autour de la sortie de cet album ne m’encourageait pas. J’ai pourtant craqué dès que j’ai feuilleté celui-ci. Mais que c’est beau visuellement. Un petit bijou graphique. Le dessin de Sylvain Vallée est juste terrible avec un découpage cinématographique. Les gros plans sont formidables et les personnages expressifs.
Quant à l’histoire, je suis tombé à la renverse. Magnifique. Ce duo improbable, Amédée le notaire à la retraite et Jo l’aventurier bourlingueur, va vous entrainer dans leur sillage. Vous ouvrez l’album et vous ne pourrez pas le fermer avant de connaitre la fin. Hummmm c est exquis. Le scénario est maitrisé de A à Z. Pas une minute de temps mort. L’expédition du notaire en quête de l’héritier de son ami, va vous charcuter jusqu’en dans vos entrailles. C’est bouleversant.
C’est que j’en reprendrais bien un peu de Tananarive.
Oyé oyé chers lecteurs de BDthèque, précipitez vous dans votre librairie pour vous procurer cette pépite. Ce road trip sénior, c’est votre rayon de soleil assuré. Coup de cœur évidemment et un 5 étoiles ! Je ne peux pas mettre moins tellement j’ai aimé.
Une brillante adaptation du chef d’œuvre de George Orwell en bande-dessinée, pardon, « roman graphique » (pour les esprits prout-prout), qui devrait satisfaire ceux ayant lu le roman (comme moi) et qui veulent se rafraîchir la mémoire, aussi bien ceux ne l’ayant jamais parcouru mais désireux de s’en faire une idée rapide.
La lecture fut très agréable, le dessin en rondeur m’évoque une sorte de chaînon manquant entre du Tardi et du Laurent Astier. C’est du propre bien exécuté, on n’en met pas plein la vue (et de toute façon le récit ne s’y prête guère) afin de laisser la prépondérance au texte et aux idée, tout en parvenant à être plaisant à regarder.
Beaucoup de texte donc, j’ai bien aimé également cette coupure avec un extrait tiré directement de plusieurs pages du roman : le livre de Golstein qui est le moment clé du bouquin selon moi.
J’aime beaucoup ce genre de projet de mettre en image des romans cultes. Au rythme de quelques heures étalées sur quelques jours on a lu l’équivalent d’un bouquin de 400 et quelques pages, et quand c’est bien retranscrit comme là on n’y perd pas pour autant toute la puissance des mots ni la compréhension du message politique.
Aujourd’hui on peut trouver 1984 pour quelques centimes dans des vide-grenier mais si vous n’avez pas forcément le temps de lire et que l’envie vous titille néanmoins de parcourir ce monument du récit d’anticipation, alors ça vaut le coup d’investir un peu de sous. De plus c’est un bien bel objet avec une jolie couverture, une fois mise en avant sur l’étagère, vous brillerez lors de vos soirées mondaines.
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Sous les galets la plage
Élégant, émoustillant et malin : Rabaté est en grande forme. Le dessin d'abord : le trait noir et fragile (et tellement humain !) rehaussé d'un ombrage de pèche sur les peaux. La couleur atténuée, presque bicolore bleu pâle et bistre. Dans l'ensemble une sorte de clarté lunaire qui rappelle peut-être un passé glorieux à l'auteur, les années 60. Ce décor surexposé met en scène la confrontation de brocanteurs douteux et issus de parcours peu enviables avec la jeunesse dorée d'un village de bord de mer. Dans ce scénario, vaguement anarchiste, où les enfants des rupins s'encanaillent, un seul se rebelle véritablement contre son avenir de militaire fils de gradé. C'est l'amour impromptu qui fait dérailler les projets et l'ordre social en même temps. Comme on aimerait que cette historiette puisse être vraie... Peut-être l'est-elle finalement ?
La Bibliomule de Cordoue
C'est amusant, en lisant cet album sans voir les auteurs, j'étais persuadé que le dessinateur était Thierry Martin (Le Roman de Renart) dont j'aime beaucoup le style. C'est n'est pourtant pas lui mais bien Léonard Chemineau qui est ici au dessin, dans un style plus doux et mignon que celui que je lui connaissais dans Le Travailleur de la nuit ou Julio Popper. C'est en tout cas un style de dessin que j'apprécie vraiment. Il est à la fois esthétique, épuré et en même très lisible. Les décors sont beaux, lumineux, et les personnages sont très réussis. J'aime surtout la bouille de la mule dont les expressions me font rire presque à chaque fois. L'histoire n'est pas en reste. Son cadre historique est excellent et tellement rare en BD. Quel incroyable contraste entre la finesse de ce califat Andalou du Xe siècle et la barbarie violente du monde Franc et Viking de la même époque. Et quelle plongée intéressante dans cet univers. Quelle surprise d'y voir des gardes musulmans armés, vêtus et coiffés comme des soldats francs, loin des clichés de l'arabe en turban et au sabre courbe. Quelle surprise d'y voir justement quelques vikings aborder les rivages espagnols. Et quel véritable intérêt de découvrir les relations entre les peuples de l'époque, les machinations politiques et leur impact sur la science et la littérature qui ont fait la gloire du monde arabe d'alors. Cela, nous le découvrons par le biais d'une véritable histoire à l'échelle humaine avec quatre protagonistes principaux, dont une mule, lancés dans une aventure pour sauver des livres précieux. C'est un récit qui mêle aventure et humour, avec de bons personnages, des dialogues ciselés, et surtout une très bonne tenue de route tant dans le rythme que dans l'attachement à son intrigue, sa crédibilité et son intelligence. Un vrai plaisir de lecture qui apporte en outre son lot d'informations historiques particulièrement instructives.
Le Pas de la Manu
Le pas de la manu n'a aucun rapport avec notre Président en exercice, il s'agit de la manufacture d'armes de Saint-Étienne qui a fait travailler beaucoup de monde depuis des décennies. C'est d'ailleurs de là comme je l'ai appris que vient le FAMAS, qui s'avère être un acronyme : fusil d'assaut de la manufacture d'armes de Saint-Étienne. Encore un savoir-faire qui se perd et une industrie dont la France a perdu la souveraineté... Pour en revenir à ce récit, parfois cela fait rire et suscite des jalousies dans le monde ouvrier, car pour certains ce sont des planqués, payés à l'heure et pas à la pièce et qui ont parfois pas mal de temps pour des activités personnelles. C'est ce qui s'appelle la perruque et souvent ce sont de petites pièces pour bricoler, mais l'un d'entre eux veut y construire son bateau et ça représente un sacré paquet d'heures de boulot. Mais comment faire pour sortir le moteur discrètement au nez et à la barbe des gardiens de l'entrée ? Bel hommage à ce monde ouvrier, on sent l'affection de l'auteur Baptiste Deyrail pour ce milieu. En tout cas son dessin, whaou. Plus de 200 planches avec une technique expliquée à la fin, comme de l'huile sur des plaques de zinc. De toute beauté. Une ambiance façon films de Renoir où on croise d'ailleurs un sosie de Gabin. Je dis bravo.
Niklos Koda
Le genre fantastique est un exercice difficile. Il a été peu utilisé dans la littérature française à quelques exceptions notables (Maupassant ou Mérimée). La série Niklos Koda présente tous les critères du genre et je trouve que c'est une réussite totale. Pourtant l'introduction d'un élément fantastique en BD peut être une facilité de scénario qui a tendance à m'agacer. C'est le cas dans Jessica Blandy où je trouve le personnage de Razza superfétatoire, débarquant au milieu de la série comme un cheveu sur la soupe. Ici rien de tel, nous sommes plongés dans une ambiance fantastique dès les premières pages du tome 1. Le personnage de Barrio Jésus restera central dans l'esprit du récit jusqu'à la conclusion du tome 15. Le dessin d'Olivier Grenson est parmi ceux que je préfère. L'expression de ses visages, ses positions de corps (Aïcha en tailleur sage sur son bureau jambes croisées devant Niklos, merveille d'érotisme), j'en raffole. Mais le plus pour moi, ce sont toutes ces ambiances un peu glauques de Paris, Prague, Marrakech, Barcelone, Le Caire et autres villes d'Asie ou du Moyen Orient. C'est une vraie invitation à la rêverie et la flânerie un peu frissonnante. Niklos est-il le Nième séducteur qui permet d'introduire une bonne dose d'érotisme dans le récit ? Et bien non. Le personnage murit au fil des épisodes. Il devient papa de Seleni et le rapport père-fille humainement et en magie va apporter énormément au récit. D'ailleurs, il ne fait pas très bon entrer dans le lit du beau Koda, beaucoup y perdront la vie. Cette paternité est une première trouvaille du scénario. La seconde c'est la confrontation de Niklos à deux méchants très intéressants. L'un matériel qui tendra vers le surnaturel Hali Mirvic, et l'autre surnaturel qui finira vers le réel, Barrio. Je trouve chaque tome bon et d'un niveau sensiblement égal. Ce qui est rare dans une série mi-longue comme celle-ci. Les femmes sont magnifiques, sur un modèle de magasines ouest européen mais cela correspond à l'action et à la géographie. Les scènes érotiques sont bien placées, dans la logique de l'action et de la construction de la personnalité ambiguë de Koda. Les personnages secondaires du cercle sont vraiment top avec une véritable influence sur l'histoire. Enfin l'élément fantastique du récit. C'est un parti pris qu'il faut accepter tout de suite. Je trouve que Dufaux respecte tous les codes du genre. C'est vraiment très bien fait. Il y a à la fois unité du récit à travers les cartes et originalité des situations à travers le cercle. J'ai oublié les couleurs... Subliiiiimes
A bord de l'Etoile Matutine
Voilà une adaptation très réussie d’un récit de Pierre Mac Orlan, une histoire de piraterie comme on en lit peu… et pour cause : pas de héros, pas d’abordages tapageurs, pas de personnages extraordinaires. Non, plutôt un journal de bord qui décrit le quotidien bien ordinaire d’un équipage. Divisé en chapitres qui racontent chacun un épisode de la vie finalement assez routinière d’un pirate au 18e siècle, le récit est fluide, bien écrit et sobre. C’est ce qui en fait la force et l’efficacité. Une suite de rencontres, d’événements, de rêves et de désillusions. Pas de héros, pas de trésor (ou si peu…) mais une floppée d’hommes qui traînent leur misérable vie sur les océans. Ajoutons-y une critique de la société de l’époque qui condamne les plus déshérités à une vie de misère et de dangers. Le dessin en bichromie de Riff Reb’s est toujours aussi beau et toujours aussi puissant. On entend craquer le bateau sous le vent, on ressent la terreur des marins épouvantés par les fantômes de leurs victimes et la tension permanente entre eux qui ne demande qu’à tourner en bain de sang… et pourtant, des éclairs d’humanité subsistent. Des vies de pirates racontées crument, sans fard, sans héros, sans beaucoup d’espoir et la puissance de la mer, omniprésente, dont aucun ne peut plus se passer. Un album remarquable.
Jeux sans frontière
En retombant sur les anciennes BD qui trainaient, je me suis rendu compte que celle-ci n'était pas enregistrée dans la base de BDthèque. Il faut dire que l'histoire de la BD est originale, puisque Ptiluc a tout d'abord publié la BD sur le net, sans avoir d'éditeur, puis que Paquet a accepté de le publier en album dans ses collections. La collaboration semble cependant s'être mal passée, mais cela est une autre histoire. La BD est une satire sur les ONG officiant dans les pays d'Afrique, et le moins que l'on puisse dire, c'est que Ptiluc tire à boulets rouges ! Dès le début, on sent sa patte qui revient, dans les personnages (qui fument des pétards dès les premières cases), dans le décor et le trait, mais aussi dans la vulgarité et la crasse pas gratuite pour un sou. Si je dis qu'elle n'est pas gratuite pour un sou, c'est que j'avais eu l'occasion de lire, lorsqu'il avait publié sa BD en blog, quelques commentaires qu'il avait ajoutés à ses planches. Et que ces quelques commentaires sont parfois très éclairants (à tel point que je regrette de ne pas les voir dans la BD éditée). Par exemple, la présence de joints dès les premières pages est expliquée par Ptiluc de la façon suivante : "Alors, je lui ai expliqué que souvent, les logisticiens, sur le terrain, ils vivaient des trucs qu'ils auraient vite trouvés insupportables sans l'aide de substances variables mais qui toutes changent un peu la perception de l'insupportable. Après j'ai du lui expliquer que quand des rebelles prenaient des otages, s'il fallait en tuer un pour faire régner la terreur, c'était toujours un local, pas un blanc, un blanc ça vaut du pognon, un local ça vaut rien, mais si tu le dégommes devant les autres, tu sais qu'ils vont se tenir à carreau." Bref, à travers les petits éclaircissements qu'il apportait, je comprenais mieux l'aspect caricatural qu'il mettait dans son œuvre. Ptiluc ne se contente pas de faire de la provocation gratuite, bien que ce soit assez facilement son style. Il parle ici de choses qu'il a connues, par lui ou par ses amis. La BD se veut une représentation générale de la situation de l'humanitaire en Afrique, et surtout pas une considération juste et exacte d'une opération en particulier. Cela donne lieu à moult situations caricaturales, mais qui donnent une idée de la difficulté de ceux qui tentent d'aider l'Afrique. Sans remettre en question la volonté de ceux-ci, on en découvre les aspects confrontés au réel. Rien que la question de vacciner ou non des enfants soldats est déjà un sacré dilemme éthique. On balaye aussi l'implication des multinationales dans les conflits type Rwanda, l'exploitation de diamants, la question des représentations par les médias (et des liens avec ceux-ci), de la Françafrique et des liens entre dictateurs et politiques, etc ... Mine de rien, je trouve que la BD a un aspect bien sombre, et je ne dis pas cela uniquement par rapport à la fin volontairement pessimiste. A travers les différentes situations, il dresse un portrait acide de l'Afrique et de l'aide humanitaire. Entre les volontés déçues et les réalités dures du terrain, le tout finissant sur cet occident qui préfère voir le cul de ses stars que la pauvreté de l'autre bout du monde ... C'est acide, très acide. En y repensant, j'aime bien cette BD. Elle a quelque chose de méchant, un peu dans le style habituel de Ptiluc, mais avec des considérations derrière. On sent que ce n'est pas juste gratuit, mais réfléchi. Je me demande à quel point tout cela est actuel, mais je crois que la réponse me ferait peur. La BD a un message, pour peu que vous passiez le style de Ptiluc parfois trop provocateur ou trash, mais qui a le mérite d'une certaine franchise. Pas de considérations simples et faciles, on parle crument. Et ça fait du bien, aussi, de parfois se reprendre un peu de la réalité en pleine gueule.
Goldorak
Cinquantenaires de tous pays réjouissez-vous, Goldorak est de retour. Nostalgiques de Recré A2, je vous invite à découvrir le nouvel album de Bajram, Cossu, Dorison, Sentenac et Guillo qui nous font revivre une nouvelle aventure de Goldorak. Et quelle aventure ! Nous retrouvons nos héros vieillis, (la patrouille des aigles) presque désabusés pour certains (Actarus, étrangement barbu, particulièrement éprouvé au début de cet épisode), appelés, encore une fois, à sauver leur pays contre les Golgoths ; mais aussi Procyon, Rigel, Mizar, Banta. Le tour de force est tout de même de ne faire figurer Goldorak qu’à la moitié de l’album, qui compte 136 pages, sans pour autant dénaturer les souvenirs que l’on avait de ce dessin animé. Je dois avouer avoir eu des frissons, lorsque Actarus prononce le mythique " Goldorak Go ! ", une véritable madeleine de Proust, vous dis-je, cet album. Et que dire du fameux « métamorphose ! » , parfaitement dessiné par le trio Bajram, Cossu et Sentenac. Justement côté dessin il faut souligner la qualité du travail, mais aussi les couleurs en parfaites adéquation avec celles du dessin animé et des pages parfois audacieuses (page 64) au niveau du découpage. Quelques clins d’œil sympathiques égrènent la lecture de l’album, comme le disque 45 tours que sort Procyon (page 60). L’album est agrémenté d’un cahier de 16 pages sur la genèse de cette histoire, qui montre, s’il fallait encore le prouver, que les auteurs ont une passion dévorante pour Goldorak depuis leur plus tendre enfance. Cette passion s’est ressentie dans l’album qui, pour moi, est une de mes meilleures lectures de cette année. Finalement, je retire ce que je disais en introduction "cinquantenaires de tous pays réjouissez-vous, Goldorak est de retour !", mes enfants de 20 et 21 ans m’ont emprunté l’album en faisant un « Waouh ! », au vu de la couverture. " Goldorak" en définitive, n’appartient plus exclusivement aux gens de 50 ans ou plus, comme moi et tant mieux. Un grand merci aux auteurs.
L'Abolition - Le Combat de Robert Badinter
J'étais bien curieux de lire cet album, dont l'achat coïncide, à quelques jours près, avec le quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort en France. Je suis le parcours de Marie Bardiaux Vaïente depuis plusieurs années, admiratif de son énergie pour que l'abolition de la peine de mort soit universelle. Car de nombreux pays, et non des moindres, continuent à l'appliquer, dans des conditions qui seraient ridicules si elles n'étaient pas dramatiques et barbares. Pour en revenir à l'album, il est en effet centré sur le personnage de Robert Badinter, promoteur et lui-même activiste acharné en faveur de cette abolition. La scénariste a choisi de ne pas faire une biographie classique, mais plutôt de se concentrer que quelques évènements qui ont jalonné la vie et la carrière de Badinter, et forgé ses convictions. Deux affaires, symboliques, ont retenu son attention et sont brièvement racontées dans cet album. Celle de Claude Buffet et Roger Bontems, condamnés à mort, non graciés et exécutés, alors que le second n'a tué personne. Celle de Patrick Henry, coupable de l'un des assassinats les plus glauques connus, condamné à mort, gracié. Deux affaires dans lesquelles Badinter est l'avocat de la défense. François Mitterrand élu Président de la république, Badinter est nommé Garde des Sceaux, et a pu plaider l'abolition de la peine capitale devant les deux chambres du Parlement, en septembre 1981. Et obtenir sa récompense, l'issue victorieuse de ce combat essentiel pour la justice et pour la République. Avant de voir le bourreau de son père, déporté pendant la guerre, être condamné à la prison à perpétuité. Des symboles forts que ces affaires, que Marie Bardiaux-Vaïente raconte de manière factuelle, presque froide, afin de toucher le public le plus large possible. Un seule petit regret par rapport à ces choix narratifs, le peu de place laissée aux opposants à l'abolition, dont la rage et la violence furent assez effrayantes à l'époque. Malo Kerfriden prête son trait classique à ce documentaire aussi proche que possible de la vérité, avec une coloration en bichromie qui laisse la part belle aux paroles, à l'expression des différents personnages. C'est d'une efficacité redoutable, et cela permet à ce one-shot d'être à mon sens un album essentiel pour comprendre les racines d'un combat qui fut gagné, mais qui n'est pas terminé.
Tananarive
Je ne sais pas vous, mais quand j’étais gosse, il y avait un truc que j’adorais… faire un tour de manège et surtout décrocher la queue du Mickey ! Quelle fierté ! Que du bonheur de savourer cette prise qui semblait inaccessible. Avec cet album, j’ai de nouveau ressenti cette jubilation d’antan. Que c’est bon, que c’est délicieux d’être emmené en quelques planches loin de tout. J’étais pourtant un peu sur la retenue avant de me procurer Tananarive. Le battage médiatique autour de la sortie de cet album ne m’encourageait pas. J’ai pourtant craqué dès que j’ai feuilleté celui-ci. Mais que c’est beau visuellement. Un petit bijou graphique. Le dessin de Sylvain Vallée est juste terrible avec un découpage cinématographique. Les gros plans sont formidables et les personnages expressifs. Quant à l’histoire, je suis tombé à la renverse. Magnifique. Ce duo improbable, Amédée le notaire à la retraite et Jo l’aventurier bourlingueur, va vous entrainer dans leur sillage. Vous ouvrez l’album et vous ne pourrez pas le fermer avant de connaitre la fin. Hummmm c est exquis. Le scénario est maitrisé de A à Z. Pas une minute de temps mort. L’expédition du notaire en quête de l’héritier de son ami, va vous charcuter jusqu’en dans vos entrailles. C’est bouleversant. C’est que j’en reprendrais bien un peu de Tananarive. Oyé oyé chers lecteurs de BDthèque, précipitez vous dans votre librairie pour vous procurer cette pépite. Ce road trip sénior, c’est votre rayon de soleil assuré. Coup de cœur évidemment et un 5 étoiles ! Je ne peux pas mettre moins tellement j’ai aimé.
1984 (Nesti)
Une brillante adaptation du chef d’œuvre de George Orwell en bande-dessinée, pardon, « roman graphique » (pour les esprits prout-prout), qui devrait satisfaire ceux ayant lu le roman (comme moi) et qui veulent se rafraîchir la mémoire, aussi bien ceux ne l’ayant jamais parcouru mais désireux de s’en faire une idée rapide. La lecture fut très agréable, le dessin en rondeur m’évoque une sorte de chaînon manquant entre du Tardi et du Laurent Astier. C’est du propre bien exécuté, on n’en met pas plein la vue (et de toute façon le récit ne s’y prête guère) afin de laisser la prépondérance au texte et aux idée, tout en parvenant à être plaisant à regarder. Beaucoup de texte donc, j’ai bien aimé également cette coupure avec un extrait tiré directement de plusieurs pages du roman : le livre de Golstein qui est le moment clé du bouquin selon moi. J’aime beaucoup ce genre de projet de mettre en image des romans cultes. Au rythme de quelques heures étalées sur quelques jours on a lu l’équivalent d’un bouquin de 400 et quelques pages, et quand c’est bien retranscrit comme là on n’y perd pas pour autant toute la puissance des mots ni la compréhension du message politique. Aujourd’hui on peut trouver 1984 pour quelques centimes dans des vide-grenier mais si vous n’avez pas forcément le temps de lire et que l’envie vous titille néanmoins de parcourir ce monument du récit d’anticipation, alors ça vaut le coup d’investir un peu de sous. De plus c’est un bien bel objet avec une jolie couverture, une fois mise en avant sur l’étagère, vous brillerez lors de vos soirées mondaines.