Une brillante adaptation du chef d’œuvre de George Orwell en bande-dessinée, pardon, « roman graphique » (pour les esprits prout-prout), qui devrait satisfaire ceux ayant lu le roman (comme moi) et qui veulent se rafraîchir la mémoire, aussi bien ceux ne l’ayant jamais parcouru mais désireux de s’en faire une idée rapide.
La lecture fut très agréable, le dessin en rondeur m’évoque une sorte de chaînon manquant entre du Tardi et du Laurent Astier. C’est du propre bien exécuté, on n’en met pas plein la vue (et de toute façon le récit ne s’y prête guère) afin de laisser la prépondérance au texte et aux idée, tout en parvenant à être plaisant à regarder.
Beaucoup de texte donc, j’ai bien aimé également cette coupure avec un extrait tiré directement de plusieurs pages du roman : le livre de Golstein qui est le moment clé du bouquin selon moi.
J’aime beaucoup ce genre de projet de mettre en image des romans cultes. Au rythme de quelques heures étalées sur quelques jours on a lu l’équivalent d’un bouquin de 400 et quelques pages, et quand c’est bien retranscrit comme là on n’y perd pas pour autant toute la puissance des mots ni la compréhension du message politique.
Aujourd’hui on peut trouver 1984 pour quelques centimes dans des vide-grenier mais si vous n’avez pas forcément le temps de lire et que l’envie vous titille néanmoins de parcourir ce monument du récit d’anticipation, alors ça vaut le coup d’investir un peu de sous. De plus c’est un bien bel objet avec une jolie couverture, une fois mise en avant sur l’étagère, vous brillerez lors de vos soirées mondaines.
Aaaah le Baron de Munchhausen ! Je n’ai jamais lu ses aventures loufoques mais qu’est-ce que j’adore son adaptation cinématographique réalisée par Terry Gilliam ! Un film que je n’hésite pas à revoir à chaque fois qu’il passe à la télé !
Mais revenons donc sur cette bande dessinée réalisée par Jean-Luc Mabou, connu pour avoir conçu « De Cape et de Crocs »… En gros, « Le Baron » nous raconte comment le Baron de Munchhausen (eh oui, ce personnage a réellement existé !) a accueilli le roman de ces récits rédigé par un écrivain qu’il ne connaît pas ! En effet, ce dernier, justement, va essayer de rejoindre le Baron de Munchhausen avec l’aide des habitants du village où il réside…
Pour comprendre l’enjeu de cette initiative de l’écrivain, il faut se mettre dans le contexte de l’époque : ça se passe au XVIIIème siècle alors forcément, la population n’était pas si lettrée que ça donc pas vraiment de livres mis à la disposition du peuple et je ne vous parle pas de l’inexistence de la radio et de la télé ! Donc, pour égayer des soirées, des repas entre familles, quoi de mieux que d’écouter des aventures racontées par un bon orateur, et quand on sait que le Baron était un sacré beau-parleur et d’une imagination sans limite… Je peux percevoir sans problème que son public était admiratif de ces récits et fermaient les yeux ou plutôt débranchaient leurs cerveaux pour les écouter… Je peux imaginer aussi qu’ils préféraient se taire plutôt que de contredire ce mytho de Baron ! Ben, quoi de mieux que de se marrer de ses conneries ! Ils auraient pu le prendre pour un imbécile mais ses propos étaient tellement fantasmagoriques et… magiques qu’il a réussi à se faire respecter ainsi et à se faire un nom, d’où ce livre !
Donc, ce décor planté, j’ai finalement passé un excellent moment de lecture avec ce baron ! J’y ai apprécié les historiettes ou plutôt les passages les plus connus de ses aventures dessinées d’une façon différente de la trame principale. J’y ai apprécié également la bonhomie du baron, Masbou l’a rendu ainsi et ce n’est pas plus mal car ça contribue à la poésie et la légèreté que j’ai pu ressentir tout au long de ce récit. J’ai aimé aussi tous ces moments loufoques où je n’ai pu m’empêcher de me marrer franchement !
Quant au coup de patte de Masbou, ce n’est pas ce que j’aime le plus dans le 9ème art car les arrières plans sont –à mon avis- trop chargés mais j’avoue que sa mise en couleurs aux tons chatoyants est bien adaptée à ce genre de récits. Mention spéciale à la narration qui m’est apparue excellente.
Au final, une excellente lecture qui a su m’évader, me faire rêver… Bref, un bel hommage à ce fameux racontar qu’était le Baron de Munchhausen !
J'eus aimé mettre cinq étoiles comme les cinq branches de coton noir mais pour mon deuxième avis je ne puis transgresser immédiatement l'article 1 de la constitution bdthèque, mais c'est à contrecœur !
C'est peut-être grâce à la documentation sur le Mayflower (XIII) et l'histoire des premières années des USA que Y. Sente nous offre un scénario engagé aussi original que bien ficelé à mon goût. Quand on y ajoute les excellents dessins de S. Cuzor et les très belles couleurs de M. Versaevel, on obtient un ouvrage de première qualité. D'autant plus que par sa présentation luxueuse cet œuvre ne déparera aucune bonne (et moins bonne) bibliothèque.
En 1944, deux jeunes afro-américains, Johanna, par ses études, et son frère Lincoln, au front, rêvent comme beaucoup dans leur communauté de rétablir leur juste place, passée et présente, dans l'histoire des USA. Un document familial datant de la guerre d'Indépendance en 1776 va leur en donner l'occasion. Lincoln, Tom(portrait craché de Samy Davis Jr) et Aaron sont considérés comme soldats de deuxième catégorie puisque la ségrégation existe encore en 1944 au sein de l'armée US. C'est en 1948 que le Président Truman l'abolira en signant l'Executive order 9981. C'est aussi le premier Corps fédéral à le faire, les autres suivront petit à petit. Cela explique pourquoi nos trois soldats ne peuvent pas assister au show des girls venues distraire la troupe. Ils n'en ont pas encore le droit !!!! Mais le sang noir ressemble au sang blanc au pire moment de l'action. Catapultés dans les Ardennes Belges, nos Boys vont prendre en pleine face la contre-offensive allemande face à un ennemi remonté comme une pendule, très supérieur en nombre et bien décidé à reprendre le port d'Anvers et de refaire le coup de 1940 pour négocier une paix séparée avec les américains. On comprend pourquoi Schlupf n'a nulle envie de reculer ou de laisser partir des américains qu'il doit anéantir. D'autant plus que le drapeau envié est une pièce de très grande valeur qui pourrait être bien utile comme monnaie d'échange en cas de coup dur.
Pour moi dans cette œuvre, il n'y a aucune fausse note.... ni blanche ni noire ( sauf la mienne).
Je me dépêche, je suis en retard pour mon premier rendez-vous aux "Bdtheques anonymes".
J'arrive dans une pièce mal éclairée. Au centre, des personnes sur des chaises, ils m'attendent. Je m'assois.
Moi : Bonjour je m'appelle Cacal69.
Eux : Bonjour Cacal69.
Moi : Je suis accro à Brubaker/Phillips.
Eux : Comment c'est arrivé ?
Moi : J'ai commencé par un petit Pulp et ensuite par un méga Un été cruel. Le début de la spirale infernale.
Eux : Et après ?
Moi : Je me suis fait une ligne de "Criminal".
Eux : Pourquoi cette dépendance ?
Moi : Criminal c'est des scénarios en béton avec cette impossibilité de m'arrêter dès la lecture de la première page. Un univers sordide. Et le plaisir de retrouver Teeg et ses fils, ainsi que la Grogne.
Eux : Parle nous des personnages.
Moi : Des ordures, des tueurs, des salauds, qu'ils soient hommes ou femmes. Ils sont le rebut de la société, mais toujours attachants, ce qui est paradoxal, avec souvent cette petite touche de tendresse, d'humanité. Mais ne vous méprenez pas, ils restent toujours des êtres "humains" méprisables.
Eux : Et le dessin ?
Moi : Des dessins captivants, d'une noirceur extrême, avec des couleurs sombres à souhaits. Il retranscrit à merveille l'ambiance glauque des récits, un trait fin qui magnifie l'horreur qui défile sous mes yeux. Les hommes ont des sales gueules et les femmes sont sensuelles. Que du plaisir.
J'en redemande.
..........
Moi : Pourquoi vous levez-vous ?
Eux : Nous allons à la librairie pour nous faire "Criminal".
Moi : :-)
Aaron est la bande dessinée qui m’a le plus marqué depuis le début de cette année. Non qu’elle soit parfaite mais son thème central, son personnage principal ainsi que l’intelligence dont fait montre son auteur, Ben Gijsemans -qui parvient à créer une mise en abyme originale, nous mettant au sens propre du terme à la place de son personnage dans de nombreux passages du livre- ont fait en sorte que je ne risque pas d’oublier ce récit.
Il s’agit d’un pur roman graphique qui traite d’un sujet encore extrêmement tabou dans notre société. Et pour en apprécier pleinement le traitement offert par l’auteur, il vaut mieux, je pense, ne pas chercher à savoir de quoi cet album parle avant de le lire. Ce récit propose une plongée très progressive (lente diront beaucoup, chiante diront d’autres, passionnante à mes yeux) dans le tourment d’Aaron et l’impact de la lecture vient aussi du fait que nous, lecteur, comprenons progressivement ce qui tourmente ce personnage.
J’ai aimé :
- L’audace de l’auteur qui parvient à traiter d’un sujet extrêmement sensible avec tact et pudeur mais sans rien occulter ;
- Les mises en abymes créées par les passages fantaisistes qui nous proposent de lire des récits de superhéros… récits qui semblent tomber comme autant de cheveux dans la soupe mais qui ont eu un double intérêt pour moi ;
- Le rythme très lent du récit et son découpage qui permettent de donner beaucoup de matière à l’introspection du personnage.
Franchement bien à mes yeux. Très marquant et soulevant certains questionnements troublants.
Le beau Bernard Prince est un ancien agent d’interpol qui parcourt le monde sur son navire – le cormoran – avec son pote Barnay Jordan, un marin ronchon, querelleur et alcoolique ainsi qu’avec le jeune Djinn. Avec cette série vous allez vivre des aventures enthousiasmantes qui fascineront les petits comme les grands. Les rebondissements sont nombreux. Le suspens est au rendez-vous dans chaque album. Vous ne pourrez que vous attacher à ces personnages nés sous la houlette d’un duo hors norme, Hermann et Greg.
Voilà donc une série qui défie le temps et les styles. Les aventures tumultueuses de Bernard Prince sont remplies d’humanité et d’émotions positives. Si vous rajoutez des décors exotiques – souvent des pays imaginaires mais inspirés de pays existants - et un graphisme incroyablement beau, vous tomberez indéniablement sous le charme de ce héros.
Je suis fan absolu de la série. Vous avez là l’occasion unique de plonger dans un bestseller de la BD ! A (re)découvrir de toute urgence.
L’histoire des studios d’Hérouville, intimement liée au destin de l’artiste Michel Magne, peu de gens la connaissent. Et pourtant, à la lecture de ce formidable one-shot, on a envie de remercier ses auteurs pour nous l’avoir mise en lumière d’aussi belle façon. Michel Magne était surtout connu pour ses musiques de films (Les Tontons Flingueurs, …), bien que sa notoriété n’ait jamais égalé celle d’un Vladimir Cosma ou d’un Maurice Jarre. Pourtant, ce dernier avait bien d’autres cordes à son arc, notamment à travers la peinture. Véritable touche-à-tout à l’appétit insatiable en matière de création artistique, il se situait à l’avant-garde dans une approche pour le moins facétieuse, qui pouvait rappeler celle des Dadaïstes.
Magne a fréquenté l’élite artistique et noué de nombreuses amitiés (François Sagan, Boris Vian, Jean-Paul Sartre, Aragon, Jacques Prévert, Jean Cocteau, la liste est longue…). Il faut dire que l’homme avait une personnalité hors-du-commun, notamment par l’énergie qu’il était capable de déployer pour faire avancer ses projets, même si, las, le succès ne fut pas toujours au rendez-vous.
La création des studios d’Hérouville au début des seventies inaugura une période de foisonnement artistique hors du commun. La partie du château où vivait et travaillait Michel Magne depuis 1962 venait d’être détruite par un incendie, provoquant la perte irrémédiable des documents et enregistrements de l’artiste. C’est sur ce drame que s’ouvre Les Amants d’Hérouville, montrant comment Magne trouva le moyen de rebondir en restaurant l’aile endommagée et en convertissant le château en studio, équipé des dernières technologies de pointe, avec la participation de Dominique Blanc-Francard. Dès lors, le lieu va attirer le gratin de la chanson française et du rock international, profitant d’un contexte jamais vu de libération des mœurs et d’hédonisme psychédélique (on n’oubliera pas de sitôt le passage relatant le concert des Grateful Dead donné aux habitants du village). Dépensant sans compter, Magne continuait à organiser des fêtes excentriques autour de la piscine construite sur sa propriété, aux petits soins avec ses invités (y compris les pique-assiettes…), avec le concours d’un chef cuisinier amateur de poésie… il y aura la même année la rencontre avec sa baby-sitter, Marie-Claude, qui devint rapidement la femme de sa vie et avec qui il vécut un amour passionné. Jusqu’au jour où, après quelques années fastes, le déclin et les coups durs pointèrent de nouveau le bout de leur nez…
Cette biographie romancée n’est rien de moins qu’un conte de fées moderne, et la couverture ne dit pas autre chose en montrant les deux amants sur le toit du château, Magne en train de jouer une ritournelle à la guitare à l’adresse de sa bien-aimée au look hippie médiéval. Pendant ce temps, la fête bat son plein à l’intérieur comme à l’extérieur des murs, et l’on peut apercevoir Bowie en train d’enregistrer des vocaux. La narration de Yann Le Quellec est très bien construite, toute en fluidité, avec une trame principale entrecoupée de passages documentaires agrémentés de photos et d’articles de journaux sur la vie et l’œuvre de Magne. Pour accentuer l’authenticité des faits, des clichés ont été insérés sur certaines cases, répandant des arômes nostalgiques très puissants. Ce kaléidoscope chamarré et dynamique traduit parfaitement l’atmosphère de l’époque et du lieu, tel un tourbillon de folie douce et créativité libératrice sur fond d’amour pur et de substances psychotropes. Romain Ronzeau possède un trait léger et vif, jouant plus sur l’expressivité que sur la technique, avec un sens aigu du mouvement et une mise en page très variée. Son Michel Magne est dépeint comme un personnage bondissant et exubérant, haut en couleurs, mégalomane (voire mythomane) mais profondément généreux et désintéressé, d’abord amoureux de toutes les formes d’art et de leurs promoteurs.
Hélas, l’aura bienveillante et hors-normes de Magne trouvera assez rapidement ses limites, suscitant la rapacité (et la jalousie peut-être) de ses partenaires, qui lui feront payer chèrement ses frasques et son style de vie dispendieux. La frénésie festive et créatrice mis en œuvre pour le projet hérouvillois se transformera alors en chaos destructeur et lugubre. Un dur retour à la réalité pour le démiurge exalté qui finira expulsé de son propre paradis, une aberration cruelle dont il ne se remettra pas. Son côté sombre sera parfaitement représenté, contrastant singulièrement avec le personnage solaire du début, dès lors que le « prince charmant » — et accessoirement prince de la nuit (toujours vêtu de noir) comme on le voit dans une scène au début du livre lorsqu’il pénètre dans la chambre de Marie-Claude — se transformera en ogre démoniaque et violent, fragile aussi, taraudé par la ruine ricanante, comme aspiré de l’intérieur par ses propres gouffres. Ou quand la bête n’est jamais loin de l’ange…
En résumé, Les Amants d’Hérouville, en dehors de la touchante « love story », est le portrait tragique d’un homme dont la vie était entièrement dédiée à l’art et n’aura finalement fait que vivre dans l’ombre du gratin artistique qu’il côtoyait et aidait. Une vie dont les moments d’extase absolue précédaient immanquablement les zones de turbulence brutale où tout partait en cacahuète. Ce splendide roman graphique, chef d’œuvre de pop-culture, en constitue un excellent hommage, contribuant un peu plus à faire entrer le château dans la légende. Et si aujourd’hui les mythiques studios d’Hérouville fonctionnent encore, après plusieurs périodes de fermeture, c’est peut-être parce ses fantômes ne parviennent pas à se résoudre à la fin de cet incroyable âge d’or.
Le scénario de cette BD tient sur un confetti : il raconte le marathon des Jeux Olympiques de 1928, soit un peu plus de deux heures et demi de course. Arrivés à ce stade de la compétition (gag), les passionnés de sport tels que je ne le suis pas commencent logiquement à transpirer. 115 pages...
Et bien c'est absolument captivant, du début à la fin !
Sortie opportunément l'été des JO de Tokyo, on aurait cependant tort d'y voir une démarche marketing. Servi par un dessin cinématographique, tout au crayon gras noir et bénéficiant d'une bichromie très classe, le récit avance sur plusieurs niveaux narratifs. A la fois récit historique, il se fait tour à tour militant, psychologique, et profondément poétique, au point de vous titiller les glandes lacrymales. La simple mise en relation de certains textes, sobres, ramassés, choisis avec un soin d'orfèvre, avec certaines images à la force évocatrice indéniable provoque des effets oniriques bienvenus avec un sens de l'à-propos parfois étonnant.
On ressort de cette lecture avec l'impression d'avoir visionné un film d'époque, mais surtout d'avoir fait un véritable voyage spatiotemporel, autant documentaire qu'introspectif. Le récit commence en effet par une vibrante citation de Pierre de Coubertin (peut-être dans son discours fondateur des JO modernes, mais c'est à vérifier) vantant les valeurs de l'olympisme et s'achève par une partie documentaire qui vient confronter la théorie à la réalité. Cruel ! Et militant, donc ! Façon All Lives Matter...
Nicolas Debon semble avoir trouvé la foulée qui lui convient. Après Le Tour des géants et L'Essai, déjà très chouettes (et L'Invention du Vide que je ne connais pas encore mais que je vais m'empresser de découvrir), il livre une épopée quasi homérique où un petit Ulysse moderne fait face aux a priori et à la bêtise, se confronte à ses propres limites physiques, affronte les monstres de son époque dont les finlandais Laaksonen et Marttelin ou le japonais Yamada... El Ouafi Boughéra rêve-t-il de sa terre natale quand point la fatigue ou le désespoir au cours des 42 kilomètres qui constituent son odyssée ?
Un album de grande grande classe !
Suite aux nombreuses éloges que j'ai pu lire sur ce site ou entendre sur cette série, enfin je me suis décidé à acheter les 4 tomes d'un coup.
Rarement, j'ai été aussi émotionné durant la lecture de bd.
L'auteur nous raconte une histoire ordinaire: la vie banale d'un photographe qui a peur de s'engager et de grandir.
Le pitch est peut-être ordinaire, mais la qualité de cette série ne l'est pas. Elle est extraordinaire. En effet, Marco, le personnage principal est vraiment attachant. Tout de suite, on s'identifie à lui et on partage rapidement avec lui, ses états d'âmes et ses doutes.
Cette BD est extraordinaire, de part les nombreux sujets du quotidien qu'elle aborde: la peur de s'engager, la volonté de faire un métier qui nous plait réellement, la drogue, le suicide, la maladie, la famille, la politique et j'en passe. Mais elle ne fait pas qu'aborder ces sujets, elle les traite avec une certaine profondeur. Chacun des tomes m'ont fait réfléchir et m'ont même parfois, bouleversé.
Je terminerais par dire qu'il s'agit d'une des rares séries de BD qui m'a à la fois fait verser une petite larme, mais qui m'a également fait énormément rire. On est très loin de l'humour caca-prout ou de l'humour facile. Ici, l'humour est vrai, sincère et touchant, et donc hilarant.
5 étoiles
MAUPERTUIS, OSE ET RIT !
Je viens de finir de regarder "Hugo Pratt trait pour trait" et cette expression m'est restée en tête : le plaisir de se perdre.
C'est effectivement comme ça que je résumerais Corto Maltese, ou comme une BD qui incarne parfaitement l'aventure de la lecture. Car pour moi son étiquette de BD d'aventure va bien au-delà des péripéties, faites de piraterie, de mythes, ou de guerres : c'est même inhérent au traitement qu'en fait Pratt (d'ailleurs, les Corto plus éloignés des clichés exotiques conservent cette qualité). C'est-à-dire qu'on ouvre un Corto comme on ouvrirait les yeux sur le monde, partant à l'aventure : avec curiosité, sans trop anticiper ni chercher le contrôle sur l'histoire, en acceptant de ne pas la maîtriser de bout en bout, en acceptant ce qui peut nous échapper, des références ésotériques obscures jusqu'aux motivations parfois floues du marin.
Ce qui favorise cet égarement, ce sont toutes les zones d'ombre à investir : les silences sur deux cases, où les regards en disent long ; Corto qui songe, libre à nous de deviner à quoi ; une réplique intrigante, au sens profond ; ou simplement le trait de Pratt, contrasté, aérien, qui parfois confine à l'abstraction. Ce sont tous ces espaces, ainsi que les petites bizarreries qui à mon sens font le sel de cette BD : Bouche dorée vieille de plusieurs siècles, des années plus longues à Venise, deux lunes dans le ciel de Buenos Aires... Alors, à mesure qu'on lit, on ne s'interroge plus seulement sur les mécaniques de l'intrigue (aussi intéressante soit-elle), mais on s'attache à des symboles, à des thèmes récurrents, on lie les histoires les unes aux autres, et on dégage un maximum de sens sur ce que tout ça nous dit du monde, de la vision qu'en a Pratt.
Et c'est une vision que je trouve plutôt séduisante, dominée par la curiosité, où le trajet vaut toujours plus que la destination. Corto nous le montre bien, lui qui si souvent ne trouve pas de trésor voire le détruit, mais sourit, car le jeu lui a plu. Le plaisir de se perdre, pour lui comme pour nous.
Jamais inutilement toutefois, car en chemin, telle cause ou telle amie auront été aidées, d'autres auront trouvé la résolution qui manque à Corto (ou qu'il ne cherche pas). Son implication partielle dans l'Histoire, de même que le juste dosage de Pratt entre fiction pure et réalité historique, empêchent cette BD de n'être qu'une échappatoire. Ici, la fiction ne prévaut pas sur le réel mais a vocation à le rendre plus intense. Après avoir fini un Corto, je n'ai pas juste envie de le relire ou d'en relire d'autres, mais aussi d'élargir ma culture géopolitique, d'explorer le monde, et, pourquoi pas, de marcher sur les traces du marin. Donc, se perdre, oui, mais activement.
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1984 (Nesti)
Une brillante adaptation du chef d’œuvre de George Orwell en bande-dessinée, pardon, « roman graphique » (pour les esprits prout-prout), qui devrait satisfaire ceux ayant lu le roman (comme moi) et qui veulent se rafraîchir la mémoire, aussi bien ceux ne l’ayant jamais parcouru mais désireux de s’en faire une idée rapide. La lecture fut très agréable, le dessin en rondeur m’évoque une sorte de chaînon manquant entre du Tardi et du Laurent Astier. C’est du propre bien exécuté, on n’en met pas plein la vue (et de toute façon le récit ne s’y prête guère) afin de laisser la prépondérance au texte et aux idée, tout en parvenant à être plaisant à regarder. Beaucoup de texte donc, j’ai bien aimé également cette coupure avec un extrait tiré directement de plusieurs pages du roman : le livre de Golstein qui est le moment clé du bouquin selon moi. J’aime beaucoup ce genre de projet de mettre en image des romans cultes. Au rythme de quelques heures étalées sur quelques jours on a lu l’équivalent d’un bouquin de 400 et quelques pages, et quand c’est bien retranscrit comme là on n’y perd pas pour autant toute la puissance des mots ni la compréhension du message politique. Aujourd’hui on peut trouver 1984 pour quelques centimes dans des vide-grenier mais si vous n’avez pas forcément le temps de lire et que l’envie vous titille néanmoins de parcourir ce monument du récit d’anticipation, alors ça vaut le coup d’investir un peu de sous. De plus c’est un bien bel objet avec une jolie couverture, une fois mise en avant sur l’étagère, vous brillerez lors de vos soirées mondaines.
Le Baron (Masbou)
Aaaah le Baron de Munchhausen ! Je n’ai jamais lu ses aventures loufoques mais qu’est-ce que j’adore son adaptation cinématographique réalisée par Terry Gilliam ! Un film que je n’hésite pas à revoir à chaque fois qu’il passe à la télé ! Mais revenons donc sur cette bande dessinée réalisée par Jean-Luc Mabou, connu pour avoir conçu « De Cape et de Crocs »… En gros, « Le Baron » nous raconte comment le Baron de Munchhausen (eh oui, ce personnage a réellement existé !) a accueilli le roman de ces récits rédigé par un écrivain qu’il ne connaît pas ! En effet, ce dernier, justement, va essayer de rejoindre le Baron de Munchhausen avec l’aide des habitants du village où il réside… Pour comprendre l’enjeu de cette initiative de l’écrivain, il faut se mettre dans le contexte de l’époque : ça se passe au XVIIIème siècle alors forcément, la population n’était pas si lettrée que ça donc pas vraiment de livres mis à la disposition du peuple et je ne vous parle pas de l’inexistence de la radio et de la télé ! Donc, pour égayer des soirées, des repas entre familles, quoi de mieux que d’écouter des aventures racontées par un bon orateur, et quand on sait que le Baron était un sacré beau-parleur et d’une imagination sans limite… Je peux percevoir sans problème que son public était admiratif de ces récits et fermaient les yeux ou plutôt débranchaient leurs cerveaux pour les écouter… Je peux imaginer aussi qu’ils préféraient se taire plutôt que de contredire ce mytho de Baron ! Ben, quoi de mieux que de se marrer de ses conneries ! Ils auraient pu le prendre pour un imbécile mais ses propos étaient tellement fantasmagoriques et… magiques qu’il a réussi à se faire respecter ainsi et à se faire un nom, d’où ce livre ! Donc, ce décor planté, j’ai finalement passé un excellent moment de lecture avec ce baron ! J’y ai apprécié les historiettes ou plutôt les passages les plus connus de ses aventures dessinées d’une façon différente de la trame principale. J’y ai apprécié également la bonhomie du baron, Masbou l’a rendu ainsi et ce n’est pas plus mal car ça contribue à la poésie et la légèreté que j’ai pu ressentir tout au long de ce récit. J’ai aimé aussi tous ces moments loufoques où je n’ai pu m’empêcher de me marrer franchement ! Quant au coup de patte de Masbou, ce n’est pas ce que j’aime le plus dans le 9ème art car les arrières plans sont –à mon avis- trop chargés mais j’avoue que sa mise en couleurs aux tons chatoyants est bien adaptée à ce genre de récits. Mention spéciale à la narration qui m’est apparue excellente. Au final, une excellente lecture qui a su m’évader, me faire rêver… Bref, un bel hommage à ce fameux racontar qu’était le Baron de Munchhausen !
Cinq branches de coton noir
J'eus aimé mettre cinq étoiles comme les cinq branches de coton noir mais pour mon deuxième avis je ne puis transgresser immédiatement l'article 1 de la constitution bdthèque, mais c'est à contrecœur ! C'est peut-être grâce à la documentation sur le Mayflower (XIII) et l'histoire des premières années des USA que Y. Sente nous offre un scénario engagé aussi original que bien ficelé à mon goût. Quand on y ajoute les excellents dessins de S. Cuzor et les très belles couleurs de M. Versaevel, on obtient un ouvrage de première qualité. D'autant plus que par sa présentation luxueuse cet œuvre ne déparera aucune bonne (et moins bonne) bibliothèque. En 1944, deux jeunes afro-américains, Johanna, par ses études, et son frère Lincoln, au front, rêvent comme beaucoup dans leur communauté de rétablir leur juste place, passée et présente, dans l'histoire des USA. Un document familial datant de la guerre d'Indépendance en 1776 va leur en donner l'occasion. Lincoln, Tom(portrait craché de Samy Davis Jr) et Aaron sont considérés comme soldats de deuxième catégorie puisque la ségrégation existe encore en 1944 au sein de l'armée US. C'est en 1948 que le Président Truman l'abolira en signant l'Executive order 9981. C'est aussi le premier Corps fédéral à le faire, les autres suivront petit à petit. Cela explique pourquoi nos trois soldats ne peuvent pas assister au show des girls venues distraire la troupe. Ils n'en ont pas encore le droit !!!! Mais le sang noir ressemble au sang blanc au pire moment de l'action. Catapultés dans les Ardennes Belges, nos Boys vont prendre en pleine face la contre-offensive allemande face à un ennemi remonté comme une pendule, très supérieur en nombre et bien décidé à reprendre le port d'Anvers et de refaire le coup de 1940 pour négocier une paix séparée avec les américains. On comprend pourquoi Schlupf n'a nulle envie de reculer ou de laisser partir des américains qu'il doit anéantir. D'autant plus que le drapeau envié est une pièce de très grande valeur qui pourrait être bien utile comme monnaie d'échange en cas de coup dur. Pour moi dans cette œuvre, il n'y a aucune fausse note.... ni blanche ni noire ( sauf la mienne).
Criminal
Je me dépêche, je suis en retard pour mon premier rendez-vous aux "Bdtheques anonymes". J'arrive dans une pièce mal éclairée. Au centre, des personnes sur des chaises, ils m'attendent. Je m'assois. Moi : Bonjour je m'appelle Cacal69. Eux : Bonjour Cacal69. Moi : Je suis accro à Brubaker/Phillips. Eux : Comment c'est arrivé ? Moi : J'ai commencé par un petit Pulp et ensuite par un méga Un été cruel. Le début de la spirale infernale. Eux : Et après ? Moi : Je me suis fait une ligne de "Criminal". Eux : Pourquoi cette dépendance ? Moi : Criminal c'est des scénarios en béton avec cette impossibilité de m'arrêter dès la lecture de la première page. Un univers sordide. Et le plaisir de retrouver Teeg et ses fils, ainsi que la Grogne. Eux : Parle nous des personnages. Moi : Des ordures, des tueurs, des salauds, qu'ils soient hommes ou femmes. Ils sont le rebut de la société, mais toujours attachants, ce qui est paradoxal, avec souvent cette petite touche de tendresse, d'humanité. Mais ne vous méprenez pas, ils restent toujours des êtres "humains" méprisables. Eux : Et le dessin ? Moi : Des dessins captivants, d'une noirceur extrême, avec des couleurs sombres à souhaits. Il retranscrit à merveille l'ambiance glauque des récits, un trait fin qui magnifie l'horreur qui défile sous mes yeux. Les hommes ont des sales gueules et les femmes sont sensuelles. Que du plaisir. J'en redemande. .......... Moi : Pourquoi vous levez-vous ? Eux : Nous allons à la librairie pour nous faire "Criminal". Moi : :-)
Aaron
Aaron est la bande dessinée qui m’a le plus marqué depuis le début de cette année. Non qu’elle soit parfaite mais son thème central, son personnage principal ainsi que l’intelligence dont fait montre son auteur, Ben Gijsemans -qui parvient à créer une mise en abyme originale, nous mettant au sens propre du terme à la place de son personnage dans de nombreux passages du livre- ont fait en sorte que je ne risque pas d’oublier ce récit. Il s’agit d’un pur roman graphique qui traite d’un sujet encore extrêmement tabou dans notre société. Et pour en apprécier pleinement le traitement offert par l’auteur, il vaut mieux, je pense, ne pas chercher à savoir de quoi cet album parle avant de le lire. Ce récit propose une plongée très progressive (lente diront beaucoup, chiante diront d’autres, passionnante à mes yeux) dans le tourment d’Aaron et l’impact de la lecture vient aussi du fait que nous, lecteur, comprenons progressivement ce qui tourmente ce personnage. J’ai aimé : - L’audace de l’auteur qui parvient à traiter d’un sujet extrêmement sensible avec tact et pudeur mais sans rien occulter ; - Les mises en abymes créées par les passages fantaisistes qui nous proposent de lire des récits de superhéros… récits qui semblent tomber comme autant de cheveux dans la soupe mais qui ont eu un double intérêt pour moi ; - Le rythme très lent du récit et son découpage qui permettent de donner beaucoup de matière à l’introspection du personnage. Franchement bien à mes yeux. Très marquant et soulevant certains questionnements troublants.
Bernard Prince
Le beau Bernard Prince est un ancien agent d’interpol qui parcourt le monde sur son navire – le cormoran – avec son pote Barnay Jordan, un marin ronchon, querelleur et alcoolique ainsi qu’avec le jeune Djinn. Avec cette série vous allez vivre des aventures enthousiasmantes qui fascineront les petits comme les grands. Les rebondissements sont nombreux. Le suspens est au rendez-vous dans chaque album. Vous ne pourrez que vous attacher à ces personnages nés sous la houlette d’un duo hors norme, Hermann et Greg. Voilà donc une série qui défie le temps et les styles. Les aventures tumultueuses de Bernard Prince sont remplies d’humanité et d’émotions positives. Si vous rajoutez des décors exotiques – souvent des pays imaginaires mais inspirés de pays existants - et un graphisme incroyablement beau, vous tomberez indéniablement sous le charme de ce héros. Je suis fan absolu de la série. Vous avez là l’occasion unique de plonger dans un bestseller de la BD ! A (re)découvrir de toute urgence.
Les Amants d'Hérouville - Une histoire vraie
L’histoire des studios d’Hérouville, intimement liée au destin de l’artiste Michel Magne, peu de gens la connaissent. Et pourtant, à la lecture de ce formidable one-shot, on a envie de remercier ses auteurs pour nous l’avoir mise en lumière d’aussi belle façon. Michel Magne était surtout connu pour ses musiques de films (Les Tontons Flingueurs, …), bien que sa notoriété n’ait jamais égalé celle d’un Vladimir Cosma ou d’un Maurice Jarre. Pourtant, ce dernier avait bien d’autres cordes à son arc, notamment à travers la peinture. Véritable touche-à-tout à l’appétit insatiable en matière de création artistique, il se situait à l’avant-garde dans une approche pour le moins facétieuse, qui pouvait rappeler celle des Dadaïstes. Magne a fréquenté l’élite artistique et noué de nombreuses amitiés (François Sagan, Boris Vian, Jean-Paul Sartre, Aragon, Jacques Prévert, Jean Cocteau, la liste est longue…). Il faut dire que l’homme avait une personnalité hors-du-commun, notamment par l’énergie qu’il était capable de déployer pour faire avancer ses projets, même si, las, le succès ne fut pas toujours au rendez-vous. La création des studios d’Hérouville au début des seventies inaugura une période de foisonnement artistique hors du commun. La partie du château où vivait et travaillait Michel Magne depuis 1962 venait d’être détruite par un incendie, provoquant la perte irrémédiable des documents et enregistrements de l’artiste. C’est sur ce drame que s’ouvre Les Amants d’Hérouville, montrant comment Magne trouva le moyen de rebondir en restaurant l’aile endommagée et en convertissant le château en studio, équipé des dernières technologies de pointe, avec la participation de Dominique Blanc-Francard. Dès lors, le lieu va attirer le gratin de la chanson française et du rock international, profitant d’un contexte jamais vu de libération des mœurs et d’hédonisme psychédélique (on n’oubliera pas de sitôt le passage relatant le concert des Grateful Dead donné aux habitants du village). Dépensant sans compter, Magne continuait à organiser des fêtes excentriques autour de la piscine construite sur sa propriété, aux petits soins avec ses invités (y compris les pique-assiettes…), avec le concours d’un chef cuisinier amateur de poésie… il y aura la même année la rencontre avec sa baby-sitter, Marie-Claude, qui devint rapidement la femme de sa vie et avec qui il vécut un amour passionné. Jusqu’au jour où, après quelques années fastes, le déclin et les coups durs pointèrent de nouveau le bout de leur nez… Cette biographie romancée n’est rien de moins qu’un conte de fées moderne, et la couverture ne dit pas autre chose en montrant les deux amants sur le toit du château, Magne en train de jouer une ritournelle à la guitare à l’adresse de sa bien-aimée au look hippie médiéval. Pendant ce temps, la fête bat son plein à l’intérieur comme à l’extérieur des murs, et l’on peut apercevoir Bowie en train d’enregistrer des vocaux. La narration de Yann Le Quellec est très bien construite, toute en fluidité, avec une trame principale entrecoupée de passages documentaires agrémentés de photos et d’articles de journaux sur la vie et l’œuvre de Magne. Pour accentuer l’authenticité des faits, des clichés ont été insérés sur certaines cases, répandant des arômes nostalgiques très puissants. Ce kaléidoscope chamarré et dynamique traduit parfaitement l’atmosphère de l’époque et du lieu, tel un tourbillon de folie douce et créativité libératrice sur fond d’amour pur et de substances psychotropes. Romain Ronzeau possède un trait léger et vif, jouant plus sur l’expressivité que sur la technique, avec un sens aigu du mouvement et une mise en page très variée. Son Michel Magne est dépeint comme un personnage bondissant et exubérant, haut en couleurs, mégalomane (voire mythomane) mais profondément généreux et désintéressé, d’abord amoureux de toutes les formes d’art et de leurs promoteurs. Hélas, l’aura bienveillante et hors-normes de Magne trouvera assez rapidement ses limites, suscitant la rapacité (et la jalousie peut-être) de ses partenaires, qui lui feront payer chèrement ses frasques et son style de vie dispendieux. La frénésie festive et créatrice mis en œuvre pour le projet hérouvillois se transformera alors en chaos destructeur et lugubre. Un dur retour à la réalité pour le démiurge exalté qui finira expulsé de son propre paradis, une aberration cruelle dont il ne se remettra pas. Son côté sombre sera parfaitement représenté, contrastant singulièrement avec le personnage solaire du début, dès lors que le « prince charmant » — et accessoirement prince de la nuit (toujours vêtu de noir) comme on le voit dans une scène au début du livre lorsqu’il pénètre dans la chambre de Marie-Claude — se transformera en ogre démoniaque et violent, fragile aussi, taraudé par la ruine ricanante, comme aspiré de l’intérieur par ses propres gouffres. Ou quand la bête n’est jamais loin de l’ange… En résumé, Les Amants d’Hérouville, en dehors de la touchante « love story », est le portrait tragique d’un homme dont la vie était entièrement dédiée à l’art et n’aura finalement fait que vivre dans l’ombre du gratin artistique qu’il côtoyait et aidait. Une vie dont les moments d’extase absolue précédaient immanquablement les zones de turbulence brutale où tout partait en cacahuète. Ce splendide roman graphique, chef d’œuvre de pop-culture, en constitue un excellent hommage, contribuant un peu plus à faire entrer le château dans la légende. Et si aujourd’hui les mythiques studios d’Hérouville fonctionnent encore, après plusieurs périodes de fermeture, c’est peut-être parce ses fantômes ne parviennent pas à se résoudre à la fin de cet incroyable âge d’or.
Marathon
Le scénario de cette BD tient sur un confetti : il raconte le marathon des Jeux Olympiques de 1928, soit un peu plus de deux heures et demi de course. Arrivés à ce stade de la compétition (gag), les passionnés de sport tels que je ne le suis pas commencent logiquement à transpirer. 115 pages... Et bien c'est absolument captivant, du début à la fin ! Sortie opportunément l'été des JO de Tokyo, on aurait cependant tort d'y voir une démarche marketing. Servi par un dessin cinématographique, tout au crayon gras noir et bénéficiant d'une bichromie très classe, le récit avance sur plusieurs niveaux narratifs. A la fois récit historique, il se fait tour à tour militant, psychologique, et profondément poétique, au point de vous titiller les glandes lacrymales. La simple mise en relation de certains textes, sobres, ramassés, choisis avec un soin d'orfèvre, avec certaines images à la force évocatrice indéniable provoque des effets oniriques bienvenus avec un sens de l'à-propos parfois étonnant. On ressort de cette lecture avec l'impression d'avoir visionné un film d'époque, mais surtout d'avoir fait un véritable voyage spatiotemporel, autant documentaire qu'introspectif. Le récit commence en effet par une vibrante citation de Pierre de Coubertin (peut-être dans son discours fondateur des JO modernes, mais c'est à vérifier) vantant les valeurs de l'olympisme et s'achève par une partie documentaire qui vient confronter la théorie à la réalité. Cruel ! Et militant, donc ! Façon All Lives Matter... Nicolas Debon semble avoir trouvé la foulée qui lui convient. Après Le Tour des géants et L'Essai, déjà très chouettes (et L'Invention du Vide que je ne connais pas encore mais que je vais m'empresser de découvrir), il livre une épopée quasi homérique où un petit Ulysse moderne fait face aux a priori et à la bêtise, se confronte à ses propres limites physiques, affronte les monstres de son époque dont les finlandais Laaksonen et Marttelin ou le japonais Yamada... El Ouafi Boughéra rêve-t-il de sa terre natale quand point la fatigue ou le désespoir au cours des 42 kilomètres qui constituent son odyssée ? Un album de grande grande classe !
Le Combat ordinaire
Suite aux nombreuses éloges que j'ai pu lire sur ce site ou entendre sur cette série, enfin je me suis décidé à acheter les 4 tomes d'un coup. Rarement, j'ai été aussi émotionné durant la lecture de bd. L'auteur nous raconte une histoire ordinaire: la vie banale d'un photographe qui a peur de s'engager et de grandir. Le pitch est peut-être ordinaire, mais la qualité de cette série ne l'est pas. Elle est extraordinaire. En effet, Marco, le personnage principal est vraiment attachant. Tout de suite, on s'identifie à lui et on partage rapidement avec lui, ses états d'âmes et ses doutes. Cette BD est extraordinaire, de part les nombreux sujets du quotidien qu'elle aborde: la peur de s'engager, la volonté de faire un métier qui nous plait réellement, la drogue, le suicide, la maladie, la famille, la politique et j'en passe. Mais elle ne fait pas qu'aborder ces sujets, elle les traite avec une certaine profondeur. Chacun des tomes m'ont fait réfléchir et m'ont même parfois, bouleversé. Je terminerais par dire qu'il s'agit d'une des rares séries de BD qui m'a à la fois fait verser une petite larme, mais qui m'a également fait énormément rire. On est très loin de l'humour caca-prout ou de l'humour facile. Ici, l'humour est vrai, sincère et touchant, et donc hilarant. 5 étoiles MAUPERTUIS, OSE ET RIT !
Corto Maltese
Je viens de finir de regarder "Hugo Pratt trait pour trait" et cette expression m'est restée en tête : le plaisir de se perdre. C'est effectivement comme ça que je résumerais Corto Maltese, ou comme une BD qui incarne parfaitement l'aventure de la lecture. Car pour moi son étiquette de BD d'aventure va bien au-delà des péripéties, faites de piraterie, de mythes, ou de guerres : c'est même inhérent au traitement qu'en fait Pratt (d'ailleurs, les Corto plus éloignés des clichés exotiques conservent cette qualité). C'est-à-dire qu'on ouvre un Corto comme on ouvrirait les yeux sur le monde, partant à l'aventure : avec curiosité, sans trop anticiper ni chercher le contrôle sur l'histoire, en acceptant de ne pas la maîtriser de bout en bout, en acceptant ce qui peut nous échapper, des références ésotériques obscures jusqu'aux motivations parfois floues du marin. Ce qui favorise cet égarement, ce sont toutes les zones d'ombre à investir : les silences sur deux cases, où les regards en disent long ; Corto qui songe, libre à nous de deviner à quoi ; une réplique intrigante, au sens profond ; ou simplement le trait de Pratt, contrasté, aérien, qui parfois confine à l'abstraction. Ce sont tous ces espaces, ainsi que les petites bizarreries qui à mon sens font le sel de cette BD : Bouche dorée vieille de plusieurs siècles, des années plus longues à Venise, deux lunes dans le ciel de Buenos Aires... Alors, à mesure qu'on lit, on ne s'interroge plus seulement sur les mécaniques de l'intrigue (aussi intéressante soit-elle), mais on s'attache à des symboles, à des thèmes récurrents, on lie les histoires les unes aux autres, et on dégage un maximum de sens sur ce que tout ça nous dit du monde, de la vision qu'en a Pratt. Et c'est une vision que je trouve plutôt séduisante, dominée par la curiosité, où le trajet vaut toujours plus que la destination. Corto nous le montre bien, lui qui si souvent ne trouve pas de trésor voire le détruit, mais sourit, car le jeu lui a plu. Le plaisir de se perdre, pour lui comme pour nous. Jamais inutilement toutefois, car en chemin, telle cause ou telle amie auront été aidées, d'autres auront trouvé la résolution qui manque à Corto (ou qu'il ne cherche pas). Son implication partielle dans l'Histoire, de même que le juste dosage de Pratt entre fiction pure et réalité historique, empêchent cette BD de n'être qu'une échappatoire. Ici, la fiction ne prévaut pas sur le réel mais a vocation à le rendre plus intense. Après avoir fini un Corto, je n'ai pas juste envie de le relire ou d'en relire d'autres, mais aussi d'élargir ma culture géopolitique, d'explorer le monde, et, pourquoi pas, de marcher sur les traces du marin. Donc, se perdre, oui, mais activement.