Les derniers avis (271 avis)

Par Benjie
Note: 4/5
Couverture de la série L'Assassin qu'elle mérite
L'Assassin qu'elle mérite

En ce début de XXe siècle, porteur de belles promesses et de progrès techniques, la société européenne se transforme et l’écart entre les classes sociales, entre ceux qui vivent dans l’opulence et ceux qui se débattent dans la misère, éclate au grand jour. Cette fracture sociale et ses conséquences personnelles et politiques sont à la base de cette courte série. L’ambiance de l’époque est vraiment bien restituée avec soin et détails. Les rues, les bâtiments, les vêtements des personnages, tout y est. Le scénario est intelligemment mené. Il ne s’égare pas et retombe parfaitement sur ses pieds à la fin. Malheureusement pour l’un des héros de ce récit, l’argent ne peut tout acheter et surtout pas l’amour. Alors comment faire quand on est très riche et malheureux ? Peut-on aller jusqu’à se servir d’un innocent pour assouvir sa passion et sa vengeance ? Si le personnage principal est manipulé par ce dandy sans scrupules, le lecteur qui suit l’affaire avec intérêt ne s’aperçoit pas que lui aussi est manipulé par l’auteur. Lupano a plus d’un tour dans son sac ! C’est original, plein de questionnements sur les comportements humains et les jugements hâtifs. Le dessin est très soigné et de qualité. A lire et relire avec beaucoup de plaisir.

23/07/2021 (modifier)
Par olma
Note: 5/5
Couverture de la série L'Arabe du futur
L'Arabe du futur

j'avais entendu parler de cette bande dessinée il y a longtemps, et je l'ai enfin découverte et lue à l'occasion de la sortie du quatrième tome. Elle mérite tout à fait son excellente réputation. Riad Sattouf a un talent étonnant, celui de nous faire vivre un véritable voyage dans le temps et dans l'âge, car tout son récit se passe à hauteur d'enfant, sans la moindre niaiserie, et commence au crépuscule des espoirs qu'avaient pu faire naître les "despotes éclairés" dont on avait pu penser qu'ils allaient moderniser leur pays et faire accéder leurs concitoyens à une meilleure qualité de vie. On oublie que Kaddhafi ou même Hafez El Assad (dont la violente répression de la rébellion d'Homs n'était pas connue à l'époque) étaient considérés non pas comme des potentats corrompus et sanguinaires, mais comme des dirigeants rationnels, modernes, ouverts. Puis les années passent, les guerres d'Irak, l'influence de l'Arabie Saoudite, la dureté des conditions de vie et les inégalités en Lybie et en Syrie passent en toile de fond - avec le contraste des pages se déroulant en France où tout n'est pas simple surtout pour un garçon s'appelant Sattouf, mais où notamment l'influence bienfaisante ou malicieuse des grands-parents vient éclairer les souvenirs, mais ce n'est pas un lourd cours de géopolitique qui passe, mais des éléments plus ou moins bien compris par le jeune Riad, et qui éclairent l'évolution de son père, très probablement déçu dans ses espérances initiales de jeune homme, qu'il a ensuite rejetées avec amertume comme une occidentalisation dont il ne voulait plus. Progressivement par la force des choses la mère de Riad devient plus présente et apporte une autre tonalité au récit. Il y a beaucoup de passages très drôles, d'autres plus mélancoliques, certains pourraient être très durs s'ils étaient présentés de façon directe, mais là encore la magie de Riad Sattouf est de nous les faire éprouver tels que lui les a vécues enfants, avec une dose d'innocence et d'incompréhension qui a parfois des effets très comiques. En sus de son talent de conteur et scénariste, Riad Sattouf illustre son histoire avec un trait très juste et très vivant, expressif et drôle. Pour l'anecdote, c'est amusant de découvrir que Riad s'est inspiré des univers de Lovecraft, Moebius et Conan dans ses premières oeuvres d'enfant / ado dessinateur.

14/07/2021 (modifier)
Par damienL
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sara Lone
Sara Lone

Je me suis réellement régalé à la lecture de cette bd. La lecture est fluide et les scénarios s'entremêlent très bien. On se plonge facilement dans l'action et il serait facile d'en dériver une adaptation cinématographique. L'écriture et le dessin sont très justes. Certaines scènes auraient pu être évitées mais n'enlèvent rien et ne prêtent pas à confusion. Peut-être un léger bémol sur la présence de petites expressions anglaises de-ci de-là, certainement justifiables par le contexte américain (les années 60), mais qui n'étaient peut-être pas indispensables en français. J'aurais mis 4.5*, mais j'ai vraiment passé un bon moment, alors ... :)

05/07/2021 (modifier)
Par Josq
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Olivier Rameau
Olivier Rameau

Là où beaucoup, sans doute, choisiraient Achille Talon, si je devais, pour ma part, choisir une seule saga pour incarner l'œuvre de Greg, j'opterais sans trop d'hésitations pour Olivier Rameau. Même si, dans la liste de mes séries préférées de Greg, elle se dispute la première place avec Comanche, je trouve qu'il s'agit de celle qui illustre le mieux l'esprit de l'auteur. Alors qu'Achille Talon est davantage tourné vers l'humour pur, Comanche plonge tout entier dans le domaine de l'aventure, mais Olivier Rameau incarne le juste milieu entre ces deux catégories. Ce qui fait, à mon sens, la supériorité de cette saga, c'est parce que, précisément, tout y est possible. Greg peut y faire absolument tout ce dont il a envie, et pourtant, contrairement à certains tomes d'Achille Talon ou Les As, il ne fait pas n'importe quoi pour autant (même si ça en a parfois certaines apparences). Ainsi, le mécanisme de ses récits est souvent le même d'un tome à l'autre : tout va bien au pays de Rêverose, quand soudain la tranquillité est menacée par un élément extérieur qui pousse Olivier à monter une équipe pour voyager à l'autre bout du pays et découvrir de nouvelles contrées. Jusque-là, rien que de très classique, mais Greg nous montre qu'il maîtrise en tous points l'écriture d'une histoire en veillant à lui garder une cohérence interne extrême, où tous les éléments utiles à l'intrigue sont présentés avant dans le récit, y compris ce qui servira de deus ex machina. Bref, c'est très rigoureux et en cela, ça suit parfaitement le credo d'un Lewis Carroll, tant on peut évidemment rapprocher Olivier Rameau de sa lointaine cousine Alice au pays des merveilles. Un credo d'ailleurs parfaitement résumé par un autre (très) grand auteur britannique, l'immense G.K. Chesterton, qui expliquait : "Le fou, c'est celui qui a tout perdu sauf la raison." Ici, tout est fou : rien n'a de raison d'être, tout ce qui nous fait vivre dans le monde réel (le "monde-où-l'on-s'ennuie") a disparu du pays de Rêverose, mais tout est logique. Une logique apparemment absurde, mais toujours cohérente, et finalement imparable qui nous plonge au sein d'une très jolie folie. Cette folie, nous la connaissons finalement déjà, et les auteurs ne se privent pas de nous le rappeler régulièrement, car nous l'avons déjà visité : la nuit, au sein de nos rêves. Et de fait, Olivier Rameau, c'est cela : un rêve qui prend vie sous nos yeux, conscients et éveillés. Il se dégage alors de la saga un onirisme tout particulier, qui lui donne son sel savoureux et bannit tout ce qui aurait pu être mièvre à l'excès chez un auteur moins onirique. Ainsi, Greg crée un univers unique, fascinant par sa capacité à nous faire vraiment rêver, tout en en profitant pour écrire des récits trop faciles ou affranchis de toute règle. Au contraire, c'est en faisant particulièrement attention aux règles qu'il réussit à porter Olivier Rameau au rang de chef-d'œuvre. C'est aussi grâce au renfort de Dany, dont le trait n'a jamais été aussi bien utilisé qu'ici. En effet, il dessine avec un style très proche du Greg habituel et du style franco-belge classique, mais il y ajoute une touche de réalisme et même de sensualité qui apporte quelque chose en plus à la saga. En plus de dessiner avec un immense talent des paysages fascinants et très variés, ses personnages sont aussi des merveilles de dessin, d'une immense rigueur, soit caricaturaux (M. Pertinent), soit plutôt réaliste et bien proportionnés (Olivier Rameau et Colombe). Le dessinateur crée ainsi un univers graphique à la hauteur de celui inventé par Greg, et c'est bien l'alchimie entre les deux qui permet de faire d'Olivier Rameau une si grande saga, à lire et relire sans modération, qu'on soit enfant, adolescent ou adulte. Car quel que soit notre âge, il y aura toujours une part de nous disponible à la rêverie.

02/07/2021 (modifier)
Par Solo
Note: 5/5
Couverture de la série Le Cri du Peuple
Le Cri du Peuple

Difficile de rester de marbre au sortir de cette lecture tant la mise en situation historique magistrale est aussi crue que militante. Voilà une BD et des auteurs qui proposent d'intégrer de petites histoires dans la Grande ! Et on retiendra surtout la grande. J'ai pu prendre connaissance de la Commune à travers 1 ou 2 livres EXTRAscolaires. Ce qui est navrant, environ 20.000 citoyens français morts par l'État français, ça mérite une explication plutôt qu'une place dans la fosse commune de l'histoire officielle républicaine... J'ai aussi lu les Mémoires d'un révolté, trilogie écrite par Jules Vallès, et je ne doute pas trop à dire que Vautrin a suivi les pas du journaliste communard de l'époque pour écrire son récit, qui permet notamment de retrouver tout le jargon populaire parisien de l'époque. A ce niveau là c'est un régal! Et ça ne me dérange pas d'avoir des discours à rallonge si c'est pour y placer les expressions d'antan. Au niveau du dessin, quel bonheur. Dans l'univers de la BD, l'inconscient collectif nous tourne vers Tardi pour adapter ce roman dans un Paris populaire, franchouillard, où les arrondissements et les rues sillonnent les phylactères. Et ça me paraît juste ! Avec sa patte, Tardi réussit à me faire entrer dans chaque scène, à me faire dégoûter des plus vils individus, à me faire ressentir l'espoir porté par la populace, à me faire haïr les guerres et la fierté de ses vainqueurs égoïstes. Les intrigues des personnages sont plus classiques et se trouveront à la pénombre du récit historique. La Commune prend peu à peu le pas sur le reste, ce qui est pour moi une évolution logique. Tous les personnages sont forcément rivés sur les dernières nouvelles des combats plutôt que sur leur souci personnel. Il n'y aura qu'un personnage qui restera fixé sur sa vengeance, lui qui est contraint de rester caché. Sauf qu'il subira sans cesse l'actualité d'un versaillais qui prend plaisir à raconter la reconquête de Thiers et ses sbires, et ne lésinera pas sur les détails macabres. L'ensemble grouille d'informations, de dialogues, de personnages historiques, etc. On ne risque pas de s'ennuyer lors des relectures... A lire absolument pour connaître l'histoire et les valeurs de la Commune combattante et pour découvrir un point de vue tranché sur cette période qui mérite plus d'études et qui permet de comprendre une partie des péripéties du mouvement anarchiste.

20/06/2021 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série Colt & Pepper
Colt & Pepper

Et bien les aminches, encore un truc pas piqué des hannetons qui me tombe entre les mains ! Car avec ce "Colt & Pepper", ce n'est certainement pas dans ce registre que j'attendais les deux auteurs de Marshal Bass ! Attiré par une couverture que je trouve magnifique, quelle surprise dès la première page ! Nous voilà plongé dans un univers de fantasy en pleine Amérique du XVIIe siècle, avec un graphisme d'une rare finesse, rehaussé par une colorisation un peu surannée qui nous dépayse d'emblée. C'est dans ce monde étrange qu'évolue notre héros, le capitaine de la garde de Paragusa, Salomon Culpepper, "Pepper" pour les intimes. La retraite est proche, et par cette belle matinée qui s'annonce Pepper profite de ses derniers jours de notoriété pour faire le tour de la ville quand éclate une manifestation qui va tout bouleverser. Un des agitateurs n'est autre que son neveu qui, après que la manifestation ait dégénéré, se retrouve dans une situation épouvantable. Pepper va bien malgré lui devoir faire un bras d'honneur à sa retraite paisible pour sortir son neveu Colt de cette situation. Il est étonnant de voir à quel point nos deux auteurs ont réussi à construire un univers complexe et riche qui tient aussi bien la marée malgré tous les ingrédients paraissant si peu compatibles qu'ils ont utilisés. Pourtant, passée la surprise des premières pages, on se laisse porter par ces personnages truculents, ces créatures fantasques qui égayent les cases si riches de détails et qui imposent un univers foisonnant. Plus on avance et plus le fantastique s'impose avec quelques scènes vraiment hallucinantes ! Il n'y a qu'une chose qui m'a dérangé dans cet album, c'est le choix de la police des bulles que je trouve mauvais. D'une part à cause de sa mauvaise lisibilité et aussi à cause du côté un peu ampoulé qu'elle donne aux textes. Alors si le bizarre et l'étrange ne vous font pas peur, voici une série étonnante qui pourrait bien finir sur vos rayonnages ! J'attends la suite avec beaucoup de curiosité ! *** Tome 2 *** Revoilà donc nos deux héros fugitifs dans cet univers fantasque emplis de doutes... Colt après son expérience du côté des morts en est à se demander s'il a toujours une âme, et Pepper qui fuyait Paragusa avec son neveu pensant avoir tuer le Duc se demande quant à lui si ce dernier est bien mort... Lassés de fuir, ils décident donc d'aller affronter leurs incertitudes et le nécromant Ossus en revenant à Paragusa : tout l'art de se jeter dans la gueule du loup ! Mais le chemin vers la capitale est déjà loin d'être un long fleuve tranquille ; de puissantes créatures manquent de les anéantir et vont conforter Colt dans ses angoisses. Paragusa quant à elle n'est plus que l'ombre d'elle même. La vie trépidante et la vitalité qui caractérisent les capitales ont disparues, tout semble bien trop calme, et l'aura d'Ossus le nécromant plane sur la ville. Ce dernier attend de pied ferme nos deux héros pour un affrontement dantesque... C'est donc avec ce deuxième tome que se conclue cette fresque épique et fantastique. C'est un plaisir de retrouver nos deux personnages évoluer dans un monde aussi riche et inventif. Les décors sont toujours aussi magnifiques, les créatures imaginées hallucinantes, et les pouvoirs d'Ossus impressionnants, surtout mis en image de si belle manière. La bataille finale vaut vraiment le détour ! Mes seules petites frustrations tiennent au peu de réponses apportées à l'origine de la transformation de ce monde et à cette fin ouverte. En même temps, ces deux petites choses peuvent laisser espérer qu'une suite voit le jour et qu'on puisse approfondir la découverte de cet univers merveilleux.

10/04/2020 (MAJ le 12/06/2021) (modifier)
Couverture de la série La Patrie des frères Werner
La Patrie des frères Werner

La Patrie des frères Werner est une fiction qui s’enchâsse dans le fil de l’Histoire avec une telle plausibilité que je me suis longuement demandé où s’arrêtaient les faits véridiques et où commençaient les faits inventés. Le match au centre du récit a bien entendu eu lieu et, dans le dossier fouillé offert en fin d’album, plusieurs faits évoqués sont reprécisés (dont une malle qui devait permettre de rapatrier en toute discrétion tout Est-Allemand candidat à la fuite vers l’Ouest vers sa mère patrie). Par contre, ces frères et leur destin sont pures fictions. Et découvrir ce fait m’a finalement quelque peu frustré tant j’ai aimé leur histoire. Ceci dit ! Ceci dit, j’ai adoré ma lecture. L’aspect historique et le contexte politique et sportif, déjà, font partie des sujets qui naturellement m’attirent. Ensuite vient la relation entre ces deux frères, l’endoctrinement, les convictions, les aspirations –soit ce qui doucement va les séparer- les épreuves traversées ensemble, la solidarité, le soutien fraternel –soit ce qui les lie par-dessus tout- sont autant d’éléments qui nourrissent ce récit, rendant cette relation forte et poignante. Et comme j’ai bien aimé le dessin (personnages bien typés, décors riches et soignés, lisibilité jamais prise en défaut) et sa colorisation monochrome (qui simplifie encore la lisibilité de l’album), je ressors de ma lecture ravi. Il s’agit donc à mes yeux d’un très bon récit où les sentiments fraternels qui unissent les frères Werner s’opposent à leurs convictions idéologiques, reflet de ces deux Allemagnes de 1974, frères ennemis d’une coupe du monde historique.

08/06/2021 (modifier)
Par Ubrald
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Brooklyn Dreams
Brooklyn Dreams

C’est typiquement le genre de roman graphique que j’affectionne tant en termes de contenu que de dessin. J’ai tout d’abord savouré la façon dont John Marc DeMatteis introduit son témoignage autobiographique, en philosophant sur le degré limité de vérité que nous réussissons à transmettre, notre perception humaine étant imparfaite. Une fois cette précaution liminaire prise, il se lance dans un récit introspectif, frisant parfois la psychanalyse, pas une démarche purement mentale, mais quelque chose de beaucoup plus vivant, de son enfance jusqu’à son année de terminale. C’est admirablement réalisé, via la superposition de 2 codes graphiques distincts, d’une part un narrateur adulte crayonné ou en aquarelle sombre quelque peu brumeuse, et d’autre part un dessin plus classique ligne claire représentant son enfance, sa vie qui défile. Ces 2 frises s’enchevêtrent de façon subtile et pertinente, l’adulte portant un regard que l’on ressent compréhensif, bienveillant, sur le jeune en souffrance qu’il était alors. L’adulte est d’ailleurs parfois seul dans le noir, assis ou dans une posture pouvant suggérer qu’il est en train de suivre une psychanalyse. J’ai adoré la profondeur et la richesse de cette histoire : toute l’évolution psychique du jeune John Marc DeMatteis, de par les cahots de sa vie, ses expériences notamment psychotropes, ses passions solitaires, ses rencontres déterminantes, ses premiers émois amoureux puis surtout son questionnement mystique et existentiel. Il évoque aussi les 15 années qu’il lui a fallu pour guérir ses souffrances intérieures, ce qui pourrait faire l’objet d’un nouveau roman graphique. Niveau dessin, c’est un superbe noir & blanc, il y a du Eisner dans la façon dont Glenn Barr croque les travers familiaux, c’est jubilatoire, cela m’a rappelé Affaires de famille (Une affaire de famille). Son dessin me fait aussi penser à l’argentin Eduardo Risso, que j’apprécie beaucoup, notamment pour la réalisation de la couverture. J’espère ardemment que l’auteur nous offrira une suite à ce premier opus !

06/06/2021 (modifier)
Par Titanick
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Urgence climatique
Urgence climatique

Que voilà un excellent documentaire sur le sujet. Tout d'abord très agréable à lire, pas lourdingue pour deux sous malgré le sujet, avec une mise en page aérée et colorée. Ceux qui connaissent Lécroart savent ses talents de raconteur et d'illustrateur, tout cela est bel et bien fait. Maintenant sur les tenants et aboutissants de ce dérèglement climatique qui nous concerne tous, il s'est adjoint un mathématicien spécialiste du chaos et de l'économique (qui, soit dit en passant, a inspiré le personnage du Dr Malcolm de Jurassik park). Les auteurs ont entamé l'ouvrage en 2020, ce qui permet d'avoir des données récentes par rapport aux autres bds traitant du sujet, je pense forcément au non moins excellent Saison brune qui n'a que l'inconvénient de dater d'avant Fukushima. Un choix que j'ai grandement apprécié dans ce documentaire, c'est de ne finalement s'attarder que peu sur la « technique » du dérèglement climatique, ainsi que sur ses conséquences physiques. Ces sujets sont maintenant suffisamment évoqués par divers médias, des reportages télé (bon, ça dépend sur quelles chaînes) pour que tout un chacun puisse connaître à peu près ce qui se passe déjà et ce qui nous attend. Là, on a une approche bien historique de l'économie mondialisée. Bien sûr, ce commerce mondial ne date pas d'hier mais l'ouvrage montre bien l'évolution parallèle du commerce, de l'industrie, de la finance et de ce qu'il faut bien appeler le capitalisme effréné. On voit bien ce mouvement qui a conduit à la situation actuelle, mais ce n'est pas manichéen. Les auteurs évoquent bien sûr le progrès que cette progression du commerce a engendré, sur le plan sanitaire (sauf Covid évidemment), sur le confort obtenu dans les pays riches …. au prix bien sûr d'une dépendance de plus en plus forte aux énergies fossiles. Je ne suis nullement une férue de finance et parfois je peine dans les émissions sur l'économie politique à vraiment comprendre le fond des choses. J'ai eu droit ici à un cours que j'ai trouvé extrêmement bien fait. Je n'avais nullement imaginé l'impact des guerres mondiales sur l'essor, post conflit, des industries au XXe siècle par exemple. Les auteurs montrent bien également les freins à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, que ce soit de par notre mode de vie, nos politiques toujours soumises aux impératifs économiques, la publicité, et l'agriculture conventionnelle qui n'est pas épargnée. C'était passionnant, je le relirai. J'ai déjà promis à mon bibliothécaire municipal que je lui prêterai pour qu'il en commande un et le diffuse au maximum. Le seul petit regret que je pourrai avoir : les chiffres et statistiques donnés ne sont pas sourcés directement sur la page concernée, toutes les sources scientifiques sont regroupées en fin d'album, certes ça a le mérite d'aérer la mise en page mais on retrouve moins facilement d'où vient quoi. Je n'ai pas l'habitude de mettre 5 étoiles, « culte » c'est énorme. Mais là, je ne peux pas faire autrement. Donc culte.

26/05/2021 (modifier)
Couverture de la série Le Loup des Mers
Le Loup des Mers

Qu'est-ce qui fait qu'une lecture est remarquable ? Un certain nombre de critères, sans doute. En l'occurrence, quand une lecture a marqué son lecteur et qu'il y pense toujours après quelques temps, quand il se dit que, quand même, il y a dans cette histoire de la richesse, de la matière et ce même si elle n'est pas forcément facile d'accès, quand, ayant lu ce livre il se dit que oui, il va vouloir le relire, et quand l'ayant emprunté il se dit que oui, il va l'acheter, alors sans doute peut-on considérer que cette lecture a été remarquable. Pourtant je ne savais pas à quoi m'attendre. Les ambiances colorées assez monochromatiques par chapitre m'ont tout de suite plu. Le dessin aussi, fin, précis, soigné, avec des personnages ayant de vraies gueules. Même si j'ai plus loin été un peu déçu quand pour les têtes des personnages il devenait plus doux et moins réaliste, j'ai été époustouflé par les scène marines de toute beauté, avec ce bateau aux prises avec les vagues rageuses. Mais ce qui est le plus marquant pour moi, c'est bien sûr le personnage de Loup Larsen. Terrifiant, détestable, insaisissable. Capitaine despote s'arrogeant le droit de vie, de mort et de souffrance sur son équipage, embarquer sur son navire revient à entrer dans un enfer sur mer. Personnage d'une brutalité sans nom, représenté comme une bête sauvage ou un démon ou encore un titan, manipulateur, il s'avérera pourtant cultivé, presqu'autant que Humphrey Van Weyden. Et ce point est très intéressant, car d'abord perçu comme une brute par nature, Loup Larsen se révèle une brute par choix. Désabusé, nihiliste. On aura donc non seulement une dichotomie sur la civilisation et la domination par la force - la loi de la nature - mais aussi et peut-être surtout sur la moralité ou son absence, l'amoralité. Humphrey et le capitaine semblent d'abord être aussi éloignés l'un de l'autre qu'il est possible de l'être. Pourtant ils seront étroitement liés, et Humphrey sera fortement influencé par le capitaine. Personnage poli, civilisé et pour tout dire intellectuel bourgeois imbu de lui-même, il ne sortira de cette histoire qu'en portant la marque indélébile de ce capitaine. Vous ferez peut-être quelque chose de votre vie finalement ! Déjà vous commencez à marcher par vous-même, lui dit d'ailleurs ce dernier. En refermant ce livre aux ambiances fortes, au discours brutal et implacable, aux idées sombres et violentes, j'ai vraiment eu le sentiment d'une lecture riche et marquante. C'est donc avec grand plaisir que je l'ai choisi pour mon 1000ème avis.

20/05/2021 (modifier)