Edit Juin 2021 : une relecture qui a intensifié ma satisfaction de découverte et de curiosité assouvie. On gagne un regard précis sur une partie de l'Histoire et ça, ça n'a pas de prix. Les dessins, bien que discutables par petits moments, collent vraiment parfaitement avec ce récit.
En résumé : 4,5/5. Sur les conseils de mon libraire (après lui avoir dit ô combien j'étais dégoûté de la fin de Barracuda), j'ai acheté cette BD sans connaître les auteurs, ni apprécier le dessin au premier coup d'œil. Et finalement, l'authenticité se trouve partout dans cette aventure et les dessins s'adaptent bien au récit. C'est la meilleure BD historique que j'ai pu lire jusqu'à présent, celle qui ne cherche pas plus d'artifices que l'Histoire elle-même.
Sur la forme, c'est impeccable. Les chapitres sont salvateurs en apportant une structure claire au récit de 260 pages. Chaque page de chapitre donne un résumé et des citations de Voltaire et Rousseau pour paraphraser l'aventure… Et tout au long de l'histoire, l'auteur cherche à prouver la cohérence historique: la narration est en partie tirée du véritable carnet de bord du lieutenant Saumarez et plusieurs tableaux réalisés par l'officier Brett sont admirablement représentés... Et pour finir, à la fin de la BD on trouve un planisphère traçant le périple de l'escadre et quelques pages pour savoir ce que sont devenus les survivants après leur retour en Angleterre. On peut dire que le sujet est traité à part entière !
Pour les dessins, je me suis fais violence et j'ai fini par accepter facilement ce rendu esquissé et ces personnages parfois difformes. A quelques endroits, je me suis quand même dit que le dessinateur n'avait pas "fini son boulot". Par contre, je trouve les plans larges vraiment superbes. Aussi, j'ai tout de suite apprécié l'écriture cursive qui participe à rendre l'ensemble homogène. C'est une affaire de goût mais je conseille vraiment aux plus rebutés de repousser leurs limites pour, au moins, ne pas louper cette page historique criante d'authenticité!
Au niveau du récit donc : pas de sentimentalisme (faut partir du principe que tout le monde peut crever), pas de femme (à 5/6 cases près). Ici, on se base sur des faits! Et le résultat est bluffant : j'ai eu le sentiment incroyable de m'être introduit dans le quotidien d'une escadre de la Royal Navy du XVIIIème siècle. J'trouve ça dingue!!! On apprend et on comprend tout : étapes de navigation, stratégies du Commodore, le jeu hiérarchique, la gestion des hommes, la nourriture, les maladies, le pillage et les parts du butin... C'est un énorme travail de mise en situation historique!
En choisissant le réalisme, les auteurs veulent cibler notre regard sur le travail titanesque, la misère et la mort des marins au quotidien. Finalement, c'est une grande histoire populaire que les auteurs parviennent à nous offrir. A l'inverse, on est désabusé des butins pillés, destinés à remplir les caisses de l'empire britannique. L'histoire telle que racontée appuie sur le fait qu'à cette époque, la guerre n'était rien d'autre que des actes de pure piraterie.
Coup de cœur !
L’album est présenté dans une très jolie boite. A peine ouvert, on se retrouve dans un jardin anglais, dans les années 1920, dans une ambiance aux couleurs chaudes et douces, un rien suranné. Emma G. Wilford est mélancolique, elle attend. Elle espère. Elle espère avoir bientôt des nouvelles de son fiancé parti en exploration dans le grand nord, en quête d’une mystérieuse déesse nordique. Malheureusement, il n’a donné aucune nouvelle depuis plus d’un an. Est-il seulement en vie ?
Emma G. Wilford est une poétesse. Tout au long de l’album, elle écrit des vers. Emma est aussi une femme libre, pleine d’énergie, aux répliques directes et bien envoyées. N’y tenant plus, elle décide de partir à la recherche de son amour perdu en Laponie. La clef de l’énigme se trouve-t-elle dans l’enveloppe qu’il a laissée à son attention avant de partir ? Cette lettre est glissée à l’intérieur de l’album, de même qu'une carte d’embarquement et une photo du disparu.
Cet album est une pépite. Du jardin anglais écrasé par la chaleur étouffante de l’été aux paysages glacés du grand Nord, Emma va en apprendre plus sur les êtres humains, sur la vie et sur elle-même. Du très beau dessin se dégage un romantisme extraordinaire.
Roulement de tambour s’il vous plaît. Oyé Oyé voici le commandant Ernesto « Ché » Guevara ! Faites de la place à cet album admirable dans votre bibliothèque. Je suis encore sous le choc de la lecture de cette BD fantastique. Un pavé de plus de 400 pages. Que vous soyez un fan ou pas de la révolution cubaine, que vous soyez un communiste endurci ou un impérialiste convaincu, vous serez subjugués par la vie de ce révolutionnaire argentin auréolé d’un prestige sans égal dans le monde entier.
Jon Lee Anderson – journaliste au New Yorker, correspondant de guerre et spécialiste de l’Amérique latine - tire un portrait sans concession de ce mythe porté aux nues et sans nul doute plus connu qu’Elvis, que de Ronaldo ou encore que de Madonna. Cette adoration hors norme a son côté obscur et c’est le prisme de ce récit sans concession. Intéressant de livrer une vérité sur ce parangon d’une jeunesse rebelle. Vous ne porterez peut-être plus votre teeshirt avec l’effigie du Ché ! C’est le seul risque que vous prenez à la lecture de cette biographie.
Alors vous faites quoi ?
Vous avez raison, il faut plonger dans ce portrait sans mansuétude, mais ô combien captivant. Vous allez vous régaler. A vous ce personnage que vous allez côtoyer de 1952 quand il quitte Buenos Aires pour parcourir l’Amérique Latine à sa mort le 9 octobre 1967 à La Huguera en Bolivie. 15 ans de sa vie sous les feux des projecteurs avec une kyrielle de personnages haut en couleurs …. Fidel Castro, Nixon, Kennedy, Nasser, Kabila ou en encore Kroutchev. Elle a de la gueule cette galerie. Voilà un cours d’histoire comme vous n’en n’aurez jamais.
Le style narratif est excellent en s’appuyant sur des articles de presse d’époque et sur la correspondance entretenue par le Ché avec sa famille et avec Fidel. Nous sommes dans ses pensées. Dans son intimité. Nous appréhendons ses doutes et ses certitudes. Nous percevons sa personnalité bien complexe. Aucune empathie pour ses parents ou pour les femmes qui ont partagé sa vie et qu’il a délaissé pour vivre égoïstement ses révolutions à Cuba, au Congo ou encore en Bolivie.
Tout ceci est magnifié par la patte du mexicain José Hernández. Que c’est beau ! Le dessin est d’un réalisme époustouflant. Il accompagne les mots d'Anderson. Le côté sombre exalte le plaisir des yeux. Dingue le boulot qu’il a fallu pour réaliser ces 429 planches. Je suis encore abasourdi par ce graphisme. Impressionnant. Les traits de Fidel ou d’Ernesto sont ultra méga stupéfiants. Des photographies. Nous sommes tout simplement dans une sorte de reportage photo. Renversant.
Et vous savez, avec cet album c’est à vous de juger Ernesto Guevara. Doit-il rester une référence iconique pour des adolescents révoltés ou n’est-il en fin de compte qu’un vulgaire révolutionnaire sanguinaire ? Jon Lee Anderson ne fait que restituer des faits en s’interdisant de juger les actions du commandant. Ça va vous bouger, ça va vous perturber, ça va vous déranger mais au bout du bout ça va vous questionner. Quand je vous dis que la lecture de cet album est exquise.
Cela fait bien longtemps que mon petit coeur n’avait pas palpité autant à la lecture d'une BD. Aussi cette biographie documentée enrichissante, je vous la recommande sans réserve.
Je lis (en douce) et j'avise cet album juste avant de l'offrir à une jeune fille de 15 ans. Le dessin faussement naïf laisse penser que ce conte est enfantin. Alors, pas tout à fait. D'abord près de 200 pages, ce n'est pas rien, et ensuite l'histoire est dense et riche. Nous suivons l'évolution d'une ''petite'' fille vers son statut de femme et surtout de femme libre. Le parcours de l'héroïne est particulièrement intéressant. Au fur et à mesure de ses apprentissages et de ses expériences, elle s'affirme à la fois par sa forte personnalité mais aussi grâce à des rencontres avec des guides et des initiateurs (-trices) bienveillants. C'est que le monde est difficile pour tous, mais plus encore pour les filles. Oui, le propos est féministe, mais pas dans l'affrontement, juste dans le respect des autres. Dans chaque chapitre elle a à affronter les intolérances diverses, la place de la femme dans l'éducation, dans la vie familiale et la sexualité, les communautés religieuses... Elle remet tout le monde à sa place de façon magistrale. J'ai bien aimé justement son statut de géante qui lui permet de s'imposer sans qu'on lui en conte, à chacun(e) de devenir symboliquement géant(e) à son tour en suivant son exemple d'indépendance d'esprit. J'espère que la jeune fille à qui je le destine comprendra bien le message.
J'ai beaucoup apprécié le dessin, même les yeux si stylisés, il sert bien le conte. Et l'édition est superbe avec une couverture des plus réussies.
Pour chipoter, deux petits bémols peut-être : une fin un poil trop ''utopique'' mais c'est la suite logique de l'histoire et, ce qui me gêne un peu plus, même si la dénonciation des dogmes religieux est bien présente, il y a (à mon goût) un petit reste de religiosité avec ce ''Haut-puissant'' qui ne semble pas être remis en question.
Une version de Dracula par Georges Bess qui frappe d'abord par sa beauté graphique. Cela fait maintenant quelque années que je connais ce dessinateur et son trait est d'une finesse, on est impressionné par les heures de travail qui ont du être nécessaires pour toutes ces planches en noir et blanc.
Ce gros album est fidèle à l'histoire originale de Bram Stoker. Jonathan Harker se rend en Transylvanie et finit dans les griffes du monstre allant jusqu'à perdre la notion du temps dans un château labyrinthique. Pendant ce temps sa fiancée l'attend à Londres.
On ne sera pas trop surpris par l'histoire, mais on savoure près de 200 pages de claque visuelle.
J'ai cherché sur quelle BD je pourrais poster mon tout premier avis sur ce site, et quel type d'avis je voulais donner.
Mais la réponse est très vite venue. Trônant à côté d'une rétrospective de Gotlib, un magnifique album, estampillé Franquin, me faisait de l'oeil. Une très belle édition de l'intégrale des idées noires de l'auteur de Gaston que j'aime tant, au dessin si unique, que j'ai vite fait d'embarquer au chaud avec moi après être passé à la caisse.
Et quel plaisir! Tout concorde dans cette BD, où Franquin nous fait partager une autre facette de son univers décalé qu'il exprime avec un dessin sublimé par ce noir et blanc pur, brut. Si tous les gags ne déclenchent pas l'éclat de rire, ils restent néanmoins tous profonds, et prennent une véritable ampleur avec cette esthétique soignée parfaite pour illustrer de tels condensés d'horreur et de méchanceté. L'humour ici est noir, autant que les images, et plaira sans nul doute à tous les amateurs du genre.
J'élevais déjà Franquin très haut dans mon estime avec son héros glandeur / rêveur qui a fait sa renommée, mais avec cet album il vient de décrocher une vraie place dans mon coeur, tant j'ai été bluffé par sa qualité.
Je choisis donc la facilité pour mon premier avis, avec un vrai coup de coeur!
A mon tour de rajouter un énième avis sur cette série que je viens seulement de découvrir.
Un chef d'oeuvre...
Ma critique pourrait presque s'arrêter là.
Dès les premières planches du premier tome j'ai été sidéré de la qualité des détails. Non seulement les planches sont belles et élégantes, mais même le décor, l'arrière-plan est incroyable et animé. Chaque tome mérite plusieurs relectures tant on passe à côté de détails succulents à notre première lecture.
Passons au scénario :
Rapidement on est embarqué dans un récit rocambolesque, plein de surprises et rebondissements. J'avais peur que la série s'essouffle à partir du 4e tome. Mais non, ils ont réussi à partir dans une "autre dimension" (pour ne pas spoil où exactement) et le récit a pris une toute autre tournure à ce moment. Nous avons également droit à un peu de tragédie et de combats épiques vers les tomes 8-9 et 10 pour un final grandiose digne des plus grands Marvel.
Et que dire de ces personnages tous les plus attachants les uns que les autres. Nos deux compadres prêts à tout pour leur promise et pour la rime, le savant fou, les méchants qui deviennent gentils et les gentils qui deviennent méchants, le lapin, le LAPIN ! Eusebio le lapin est sans doute le personnage le plus intéressant de toute l'histoire (il a d'ailleurs droit à 2 tomes (le 11 et 12) pour narrer ses origines). Mon seul petit bémol dans les personnages est le grand méchant Mendoza qui est à mon goût trop méchant sans aucune nuance.
Autre point fort de cette série : le nombre de références à la littérature, à la peinture, à la pop culture, aux comptines, à certains personnages historiques et j'en passe. J'ai lu 3 fois la série à ce jour, j'ai sûrement encore des centaines de références que je n'ai pas encore vues ou comprises.
Je pourrai encore parler des heures de cette saga mais je vais terminer par un dernier point : la puissance des mots et des dialogues. Moi qui ai toujours détesté la poésie à l'école, je sors de cette série avec une envie d'alexandrins, de joutes verbales, de rixes et de rimes à n'en plus finir.
Bref, 5 étoiles + un coup de coeur pour les 12 tomes de la série.
MAUPERTUIS OSE ET RIT !
Il n’est pas si courant d’avoir dans les mains une bande dessinée signée d’un auteur australien, et celle-ci constitue assurément une des belles surprises de cette fin d’année. Pat Grant signe là sa seconde bande dessinée (après « Blue », parue en 2012), et c’est une vraie réussite de la part de ce jeune auteur adoubé par Craig Thomson. Avec ce « western dystopique totalement hors-normes », tel que le qualifie très justement l’éditeur Ici Même, Grant nous emmène dans un pays qui pourrait bien être le sien, une Australie entre présent et futur qui nous fait revisiter le mythe de la ruée vers l’or à la sauce Mad Max light, avec de faux airs de « Triplettes de Belleville » et une pincée de Covid-19.
Cette fable haute en couleurs, en apparence bien barrée si l’on ne se fie qu’au style graphique, sorte de croisement entre South Park et les Simpsons, se révèle beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît. Contre toute attente, le scénario reste fluide et bien construit, et malgré des dialogues parfois nonsensiques, la mayonnaise prend assez vite et parvient à captiver le lecteur jusqu’à la dernière page. Malgré la rondeur du trait, les personnages dégagent une hargne et une bêtise primaire, certains apparaissant même inquiétants. Dans cette jungle qu’est Falter City, cette ville surpeuplée, sale et puante où les escrocs sont légion, impossible de ne pas devenir parano… Les scènes de foule évoquent par moment les tableaux de James Ensor et ses visages difformes au rictus effrayant. Dès que les deux jeunes hommes, couvés par leur maman, poseront le pied dans la ville en décrépitude — où une « nouvelle peste » sévit dans les quartiers les plus pauvres, allusion à peine voilée à notre coronavirus —, on se doute que tout finira mal, surtout pour Lippy, d’une honnêteté qui tranche avec l’immoralité de sa mère, représentée telle une mère maquerelle obèse… De ces deux frères, que tout sépare sauf peut-être une certaine bêtise innée — Penn est un beau gosse enjôleur et Lippy apparaît gras et bouffi, constamment inquiet — on comprend vite que le second, le chouchou de maman qui l’a chargé de gérer la petite fortune familiale, se fera bouffer tout cru…
« La Fange », récit tragi-comique sur la déchéance de ceux qui croient pouvoir s’offrir un lit de rose sans les épines, s’avère, sous ses airs de ne pas y toucher, une allégorie sordide et saisissante du capitalisme dans toute sa splendeur. Ce capitalisme qui, tout en prétendant défendre la liberté, précipite les âmes dans la fange de l’avidité et de l’individualisme et transforme l’environnement en cloaque nauséabond, capable de recycler à l’infini la pourriture en comprimant notre temps de cerveau disponible. Loin d’être mainstream, cette œuvre aussi grinçante qu’originale est chaudement recommandée pour prendre un peu de recul par rapport à cette ambiance de fin des temps que nous connaissons depuis bientôt un an…
Super Negra : The Mickey Mutant Show / Winshluss. – Albi : Les Requins Marteaux, 1999.
Dans le précis de décomposition du petit Mickey de chez Disney, le grand Winshluss est passé maître. Jamais une bande dessinée n’a été aussi subversive, corrosive et hilarante en même temps. Mickey et Dingo partent pêcher à la dynamite dans une zone militaire d’essais atomiques. Une bombe explose en représailles. La dernière vignette en page 5 montrant Dingo éberlué et Mickey, clope au bec, lunettes de soleil vissées au museau, conduisant sur le chemin du retour, est à hurler de rire. Les radiations transforment Mickey en « super bad ». La souris devient un gros rat pourchassé par la meute des honnêtes gens, Donald en tête, hystérique et sanguinaire. Les péripéties sont à se tordre de rire. La parodie est démultipliée : Mister Hyde, Frankenstein, Godzilla… 27 feuillets en noir et blanc avec une mise en page inventive, un dessin faussement naïf et une thématique déjà bien en place : le galonné méchant et borné, l’innocence bafouée, l’asservissement et le cynisme omniprésents. On peut lire et relire cette histoire sans jamais l’épuiser. Winshluss est un génie du 9e art.
Super Negra. – Les Requins marteaux, DL 2012 [1999, 2005].
Les éditions albigeoises Les Requins Marteaux remettent pour la troisième fois le couvert à propos du Super Negra de Winshluss (1999, 2005 et 2012). A chaque fois, l’opuscule se trouve modifié par ajout ou suppression d’appendices. L’édition de 2005 proposait en plus cinq planches narrant le parasitage de soirée privée par les trois pas marrants petits canards, Riri, Fifi et Loulou, petits-neveux du vieil avare Balthazar Picsou, bien loin de la bienséance disneyenne, plus proche de la voyouterie décomplexée d’aujourd’hui. Elle incluait aussi en 2e de couverture une superbe reproduction en couleur tirée de la revue Ferraille où Betty Boop s’offusque que les trois petits cochons, roses et grimaçants, s’amoncellent derrière son épaule pour lire la revue Ferraille qu’elle tient ou peut-être veulent-ils tout simplement bigler sur ses superbes seins qu’elle dissimule derrière le « journal préféré des petits cochons ». La 4e de couverture dévoilait les mimiques de Mickey à l’Actor Studio. Tout cela a disparu dans l’édition de 2012 mais d’autres historiettes indépendantes de l’histoire centrale où Mickey et Dingo mutent après avoir goûté aux radiations, la souris de Disney devenant un rat, Dingo virant en monstre gigantesque à l’exemple de Godzilla. On y trouve « Caroline invite ses amis à sa soirée de merde » très librement inspiré d’un album de Pierre Probst « Une fête chez Caroline ». Winshluss se délecte à pourfendre le mythe de la petite fille modèle, ici une « jeune fille sophistiquée », égocentrée qui « aime les trucs kitchs, les beaux mecs et perdre du poids ». Ses pseudo amis, Noiro, Boum et Youpi sont les « rois de l’incruste » et remplacent sans peine les trois canardeaux dépravés. Le véritable et jouissif apport est la parodie du « Temple du soleil » où Tintin devient Jean-Jean, accompagné du « Capitaine » et du chien Dagobère. Six planches extraordinaires proviennent du n° 16 de la revue Jade [1]. Bien que l’édition des Requins Marteaux reproduise les planches avec une belle qualité d’impression, le format est trop petit et le dessin fouillé de Winshluss en pâtit un peu. Nonobstant cette contrainte comme dirait le vieux schnock de professeur, amateur de baronne et de cognac, dans chacune de ses petites mains expertes, racontant les mésaventures de Jean-Jean, la trivialité est excitante, le dessin colle à la peau des personnages, les dialogues sont hilarants, le découpage proche du génie à l’exemple des deux cases où Shirley, offerte nue sur un lit d’hôtel invite Jean-Jean à une partie fine. Elle lui demande son nom et scande dans l’image suivante : « Jean-Jean ! Jean-Jean ! » dans une prise en levrette biaisée alors que le jeune reporter aventurier serait en droit de scander des borborygmes de bûcheron sous forme de « Han-han ! » mais, bien élevé, il se contente de grimacer et d’exsuder en silence sous son Marcel. Besogne accomplie, enfilant son pantalon de golf, il complimentera son amante d'un jour : « Vous êtes une fille fantastique Shirley… Je crois que je vous aime… » Jean-Jean, jeune homme niais, en prend pour son grade, notamment après la découverte de sa cuisante gonorrhée que shirley fait passer pour un coup de chaleur mais Tintin, héros inoxydable, n’en souffre pas. Winshluss est un créateur exceptionnel dont le trait expressif et la narration fluide régénère un média souvent phagocyté par des séries amidonnées. Des boues et des turpitudes humaines, Winshluss en fait de l’or en barre.
[1] Fanzine créé en 1991 puis revue en 1995, stoppée en 2003, relancée en 2006 dans la collection Lépidoptère des éditions 6 Pieds sous terre.
J'avais déjà eu l'occasion de lire "La Mort d'Hitler dans les dossiers secrets du KGB" du même auteur. Dans cet essai, aidé de Lana Parshina, Jean-Christophe Brisard avait enquêté sur ce que savaient les Russes en 1945 de la mort d'Hitler et sur ce que serait devenu son corps. Cette enquête était déjà passionnante, j'étais donc ravi de me plonger dans l'adaptation en BD par le journaliste lui-même.
Nous suivons donc deux équipes et deux enquêtes sur la mort d'Hitler menées par deux organisations d'espionnage de l'URSS : le Smersh (contre-espionnage) et le NKVD qui deviendra plus tard le KGB. Loin de s'entraider c'est une lutte fratricide qui se déroule sous nos yeux où tous les coups sont permis. L'objectif de chaque organisation est d'accomplir sa mission pour que son chef puisse briller auprès de Staline et que la gloire rejaillisse sur eux par écoulement. Le contexte de la fin de la guerre est bien dépeint également avec les exactions commises par les soldats russes ou les échanges d'informations parcellaires entre les alliés.
Le dessin de Pagliaro colle bien à l'histoire. Certains de ses personnages ont des "gueules" et on se prend de sympathie ou d'antipathie instantanément pour certains d'entre eux.
Hâte de découvrir la suite de l'histoire de cette BD qui, contrairement au livre qui s'adresse plus aux passionnés, ravira tous les amateurs de BD historique ou d'enquêtes policières.
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Le Voyage du Commodore Anson
Edit Juin 2021 : une relecture qui a intensifié ma satisfaction de découverte et de curiosité assouvie. On gagne un regard précis sur une partie de l'Histoire et ça, ça n'a pas de prix. Les dessins, bien que discutables par petits moments, collent vraiment parfaitement avec ce récit. En résumé : 4,5/5. Sur les conseils de mon libraire (après lui avoir dit ô combien j'étais dégoûté de la fin de Barracuda), j'ai acheté cette BD sans connaître les auteurs, ni apprécier le dessin au premier coup d'œil. Et finalement, l'authenticité se trouve partout dans cette aventure et les dessins s'adaptent bien au récit. C'est la meilleure BD historique que j'ai pu lire jusqu'à présent, celle qui ne cherche pas plus d'artifices que l'Histoire elle-même. Sur la forme, c'est impeccable. Les chapitres sont salvateurs en apportant une structure claire au récit de 260 pages. Chaque page de chapitre donne un résumé et des citations de Voltaire et Rousseau pour paraphraser l'aventure… Et tout au long de l'histoire, l'auteur cherche à prouver la cohérence historique: la narration est en partie tirée du véritable carnet de bord du lieutenant Saumarez et plusieurs tableaux réalisés par l'officier Brett sont admirablement représentés... Et pour finir, à la fin de la BD on trouve un planisphère traçant le périple de l'escadre et quelques pages pour savoir ce que sont devenus les survivants après leur retour en Angleterre. On peut dire que le sujet est traité à part entière ! Pour les dessins, je me suis fais violence et j'ai fini par accepter facilement ce rendu esquissé et ces personnages parfois difformes. A quelques endroits, je me suis quand même dit que le dessinateur n'avait pas "fini son boulot". Par contre, je trouve les plans larges vraiment superbes. Aussi, j'ai tout de suite apprécié l'écriture cursive qui participe à rendre l'ensemble homogène. C'est une affaire de goût mais je conseille vraiment aux plus rebutés de repousser leurs limites pour, au moins, ne pas louper cette page historique criante d'authenticité! Au niveau du récit donc : pas de sentimentalisme (faut partir du principe que tout le monde peut crever), pas de femme (à 5/6 cases près). Ici, on se base sur des faits! Et le résultat est bluffant : j'ai eu le sentiment incroyable de m'être introduit dans le quotidien d'une escadre de la Royal Navy du XVIIIème siècle. J'trouve ça dingue!!! On apprend et on comprend tout : étapes de navigation, stratégies du Commodore, le jeu hiérarchique, la gestion des hommes, la nourriture, les maladies, le pillage et les parts du butin... C'est un énorme travail de mise en situation historique! En choisissant le réalisme, les auteurs veulent cibler notre regard sur le travail titanesque, la misère et la mort des marins au quotidien. Finalement, c'est une grande histoire populaire que les auteurs parviennent à nous offrir. A l'inverse, on est désabusé des butins pillés, destinés à remplir les caisses de l'empire britannique. L'histoire telle que racontée appuie sur le fait qu'à cette époque, la guerre n'était rien d'autre que des actes de pure piraterie. Coup de cœur !
Emma G. Wildford
L’album est présenté dans une très jolie boite. A peine ouvert, on se retrouve dans un jardin anglais, dans les années 1920, dans une ambiance aux couleurs chaudes et douces, un rien suranné. Emma G. Wilford est mélancolique, elle attend. Elle espère. Elle espère avoir bientôt des nouvelles de son fiancé parti en exploration dans le grand nord, en quête d’une mystérieuse déesse nordique. Malheureusement, il n’a donné aucune nouvelle depuis plus d’un an. Est-il seulement en vie ? Emma G. Wilford est une poétesse. Tout au long de l’album, elle écrit des vers. Emma est aussi une femme libre, pleine d’énergie, aux répliques directes et bien envoyées. N’y tenant plus, elle décide de partir à la recherche de son amour perdu en Laponie. La clef de l’énigme se trouve-t-elle dans l’enveloppe qu’il a laissée à son attention avant de partir ? Cette lettre est glissée à l’intérieur de l’album, de même qu'une carte d’embarquement et une photo du disparu. Cet album est une pépite. Du jardin anglais écrasé par la chaleur étouffante de l’été aux paysages glacés du grand Nord, Emma va en apprendre plus sur les êtres humains, sur la vie et sur elle-même. Du très beau dessin se dégage un romantisme extraordinaire.
Che - Une vie révolutionnaire
Roulement de tambour s’il vous plaît. Oyé Oyé voici le commandant Ernesto « Ché » Guevara ! Faites de la place à cet album admirable dans votre bibliothèque. Je suis encore sous le choc de la lecture de cette BD fantastique. Un pavé de plus de 400 pages. Que vous soyez un fan ou pas de la révolution cubaine, que vous soyez un communiste endurci ou un impérialiste convaincu, vous serez subjugués par la vie de ce révolutionnaire argentin auréolé d’un prestige sans égal dans le monde entier. Jon Lee Anderson – journaliste au New Yorker, correspondant de guerre et spécialiste de l’Amérique latine - tire un portrait sans concession de ce mythe porté aux nues et sans nul doute plus connu qu’Elvis, que de Ronaldo ou encore que de Madonna. Cette adoration hors norme a son côté obscur et c’est le prisme de ce récit sans concession. Intéressant de livrer une vérité sur ce parangon d’une jeunesse rebelle. Vous ne porterez peut-être plus votre teeshirt avec l’effigie du Ché ! C’est le seul risque que vous prenez à la lecture de cette biographie. Alors vous faites quoi ? Vous avez raison, il faut plonger dans ce portrait sans mansuétude, mais ô combien captivant. Vous allez vous régaler. A vous ce personnage que vous allez côtoyer de 1952 quand il quitte Buenos Aires pour parcourir l’Amérique Latine à sa mort le 9 octobre 1967 à La Huguera en Bolivie. 15 ans de sa vie sous les feux des projecteurs avec une kyrielle de personnages haut en couleurs …. Fidel Castro, Nixon, Kennedy, Nasser, Kabila ou en encore Kroutchev. Elle a de la gueule cette galerie. Voilà un cours d’histoire comme vous n’en n’aurez jamais. Le style narratif est excellent en s’appuyant sur des articles de presse d’époque et sur la correspondance entretenue par le Ché avec sa famille et avec Fidel. Nous sommes dans ses pensées. Dans son intimité. Nous appréhendons ses doutes et ses certitudes. Nous percevons sa personnalité bien complexe. Aucune empathie pour ses parents ou pour les femmes qui ont partagé sa vie et qu’il a délaissé pour vivre égoïstement ses révolutions à Cuba, au Congo ou encore en Bolivie. Tout ceci est magnifié par la patte du mexicain José Hernández. Que c’est beau ! Le dessin est d’un réalisme époustouflant. Il accompagne les mots d'Anderson. Le côté sombre exalte le plaisir des yeux. Dingue le boulot qu’il a fallu pour réaliser ces 429 planches. Je suis encore abasourdi par ce graphisme. Impressionnant. Les traits de Fidel ou d’Ernesto sont ultra méga stupéfiants. Des photographies. Nous sommes tout simplement dans une sorte de reportage photo. Renversant. Et vous savez, avec cet album c’est à vous de juger Ernesto Guevara. Doit-il rester une référence iconique pour des adolescents révoltés ou n’est-il en fin de compte qu’un vulgaire révolutionnaire sanguinaire ? Jon Lee Anderson ne fait que restituer des faits en s’interdisant de juger les actions du commandant. Ça va vous bouger, ça va vous perturber, ça va vous déranger mais au bout du bout ça va vous questionner. Quand je vous dis que la lecture de cet album est exquise. Cela fait bien longtemps que mon petit coeur n’avait pas palpité autant à la lecture d'une BD. Aussi cette biographie documentée enrichissante, je vous la recommande sans réserve.
Géante - Histoire de celle qui parcourut le monde à la recherche de la liberté
Je lis (en douce) et j'avise cet album juste avant de l'offrir à une jeune fille de 15 ans. Le dessin faussement naïf laisse penser que ce conte est enfantin. Alors, pas tout à fait. D'abord près de 200 pages, ce n'est pas rien, et ensuite l'histoire est dense et riche. Nous suivons l'évolution d'une ''petite'' fille vers son statut de femme et surtout de femme libre. Le parcours de l'héroïne est particulièrement intéressant. Au fur et à mesure de ses apprentissages et de ses expériences, elle s'affirme à la fois par sa forte personnalité mais aussi grâce à des rencontres avec des guides et des initiateurs (-trices) bienveillants. C'est que le monde est difficile pour tous, mais plus encore pour les filles. Oui, le propos est féministe, mais pas dans l'affrontement, juste dans le respect des autres. Dans chaque chapitre elle a à affronter les intolérances diverses, la place de la femme dans l'éducation, dans la vie familiale et la sexualité, les communautés religieuses... Elle remet tout le monde à sa place de façon magistrale. J'ai bien aimé justement son statut de géante qui lui permet de s'imposer sans qu'on lui en conte, à chacun(e) de devenir symboliquement géant(e) à son tour en suivant son exemple d'indépendance d'esprit. J'espère que la jeune fille à qui je le destine comprendra bien le message. J'ai beaucoup apprécié le dessin, même les yeux si stylisés, il sert bien le conte. Et l'édition est superbe avec une couverture des plus réussies. Pour chipoter, deux petits bémols peut-être : une fin un poil trop ''utopique'' mais c'est la suite logique de l'histoire et, ce qui me gêne un peu plus, même si la dénonciation des dogmes religieux est bien présente, il y a (à mon goût) un petit reste de religiosité avec ce ''Haut-puissant'' qui ne semble pas être remis en question.
Dracula (Bess)
Une version de Dracula par Georges Bess qui frappe d'abord par sa beauté graphique. Cela fait maintenant quelque années que je connais ce dessinateur et son trait est d'une finesse, on est impressionné par les heures de travail qui ont du être nécessaires pour toutes ces planches en noir et blanc. Ce gros album est fidèle à l'histoire originale de Bram Stoker. Jonathan Harker se rend en Transylvanie et finit dans les griffes du monstre allant jusqu'à perdre la notion du temps dans un château labyrinthique. Pendant ce temps sa fiancée l'attend à Londres. On ne sera pas trop surpris par l'histoire, mais on savoure près de 200 pages de claque visuelle.
Idées Noires
J'ai cherché sur quelle BD je pourrais poster mon tout premier avis sur ce site, et quel type d'avis je voulais donner. Mais la réponse est très vite venue. Trônant à côté d'une rétrospective de Gotlib, un magnifique album, estampillé Franquin, me faisait de l'oeil. Une très belle édition de l'intégrale des idées noires de l'auteur de Gaston que j'aime tant, au dessin si unique, que j'ai vite fait d'embarquer au chaud avec moi après être passé à la caisse. Et quel plaisir! Tout concorde dans cette BD, où Franquin nous fait partager une autre facette de son univers décalé qu'il exprime avec un dessin sublimé par ce noir et blanc pur, brut. Si tous les gags ne déclenchent pas l'éclat de rire, ils restent néanmoins tous profonds, et prennent une véritable ampleur avec cette esthétique soignée parfaite pour illustrer de tels condensés d'horreur et de méchanceté. L'humour ici est noir, autant que les images, et plaira sans nul doute à tous les amateurs du genre. J'élevais déjà Franquin très haut dans mon estime avec son héros glandeur / rêveur qui a fait sa renommée, mais avec cet album il vient de décrocher une vraie place dans mon coeur, tant j'ai été bluffé par sa qualité. Je choisis donc la facilité pour mon premier avis, avec un vrai coup de coeur!
De Cape et de Crocs
A mon tour de rajouter un énième avis sur cette série que je viens seulement de découvrir. Un chef d'oeuvre... Ma critique pourrait presque s'arrêter là. Dès les premières planches du premier tome j'ai été sidéré de la qualité des détails. Non seulement les planches sont belles et élégantes, mais même le décor, l'arrière-plan est incroyable et animé. Chaque tome mérite plusieurs relectures tant on passe à côté de détails succulents à notre première lecture. Passons au scénario : Rapidement on est embarqué dans un récit rocambolesque, plein de surprises et rebondissements. J'avais peur que la série s'essouffle à partir du 4e tome. Mais non, ils ont réussi à partir dans une "autre dimension" (pour ne pas spoil où exactement) et le récit a pris une toute autre tournure à ce moment. Nous avons également droit à un peu de tragédie et de combats épiques vers les tomes 8-9 et 10 pour un final grandiose digne des plus grands Marvel. Et que dire de ces personnages tous les plus attachants les uns que les autres. Nos deux compadres prêts à tout pour leur promise et pour la rime, le savant fou, les méchants qui deviennent gentils et les gentils qui deviennent méchants, le lapin, le LAPIN ! Eusebio le lapin est sans doute le personnage le plus intéressant de toute l'histoire (il a d'ailleurs droit à 2 tomes (le 11 et 12) pour narrer ses origines). Mon seul petit bémol dans les personnages est le grand méchant Mendoza qui est à mon goût trop méchant sans aucune nuance. Autre point fort de cette série : le nombre de références à la littérature, à la peinture, à la pop culture, aux comptines, à certains personnages historiques et j'en passe. J'ai lu 3 fois la série à ce jour, j'ai sûrement encore des centaines de références que je n'ai pas encore vues ou comprises. Je pourrai encore parler des heures de cette saga mais je vais terminer par un dernier point : la puissance des mots et des dialogues. Moi qui ai toujours détesté la poésie à l'école, je sors de cette série avec une envie d'alexandrins, de joutes verbales, de rixes et de rimes à n'en plus finir. Bref, 5 étoiles + un coup de coeur pour les 12 tomes de la série. MAUPERTUIS OSE ET RIT !
La Fange
Il n’est pas si courant d’avoir dans les mains une bande dessinée signée d’un auteur australien, et celle-ci constitue assurément une des belles surprises de cette fin d’année. Pat Grant signe là sa seconde bande dessinée (après « Blue », parue en 2012), et c’est une vraie réussite de la part de ce jeune auteur adoubé par Craig Thomson. Avec ce « western dystopique totalement hors-normes », tel que le qualifie très justement l’éditeur Ici Même, Grant nous emmène dans un pays qui pourrait bien être le sien, une Australie entre présent et futur qui nous fait revisiter le mythe de la ruée vers l’or à la sauce Mad Max light, avec de faux airs de « Triplettes de Belleville » et une pincée de Covid-19. Cette fable haute en couleurs, en apparence bien barrée si l’on ne se fie qu’au style graphique, sorte de croisement entre South Park et les Simpsons, se révèle beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît. Contre toute attente, le scénario reste fluide et bien construit, et malgré des dialogues parfois nonsensiques, la mayonnaise prend assez vite et parvient à captiver le lecteur jusqu’à la dernière page. Malgré la rondeur du trait, les personnages dégagent une hargne et une bêtise primaire, certains apparaissant même inquiétants. Dans cette jungle qu’est Falter City, cette ville surpeuplée, sale et puante où les escrocs sont légion, impossible de ne pas devenir parano… Les scènes de foule évoquent par moment les tableaux de James Ensor et ses visages difformes au rictus effrayant. Dès que les deux jeunes hommes, couvés par leur maman, poseront le pied dans la ville en décrépitude — où une « nouvelle peste » sévit dans les quartiers les plus pauvres, allusion à peine voilée à notre coronavirus —, on se doute que tout finira mal, surtout pour Lippy, d’une honnêteté qui tranche avec l’immoralité de sa mère, représentée telle une mère maquerelle obèse… De ces deux frères, que tout sépare sauf peut-être une certaine bêtise innée — Penn est un beau gosse enjôleur et Lippy apparaît gras et bouffi, constamment inquiet — on comprend vite que le second, le chouchou de maman qui l’a chargé de gérer la petite fortune familiale, se fera bouffer tout cru… « La Fange », récit tragi-comique sur la déchéance de ceux qui croient pouvoir s’offrir un lit de rose sans les épines, s’avère, sous ses airs de ne pas y toucher, une allégorie sordide et saisissante du capitalisme dans toute sa splendeur. Ce capitalisme qui, tout en prétendant défendre la liberté, précipite les âmes dans la fange de l’avidité et de l’individualisme et transforme l’environnement en cloaque nauséabond, capable de recycler à l’infini la pourriture en comprimant notre temps de cerveau disponible. Loin d’être mainstream, cette œuvre aussi grinçante qu’originale est chaudement recommandée pour prendre un peu de recul par rapport à cette ambiance de fin des temps que nous connaissons depuis bientôt un an…
Super Negra
Super Negra : The Mickey Mutant Show / Winshluss. – Albi : Les Requins Marteaux, 1999. Dans le précis de décomposition du petit Mickey de chez Disney, le grand Winshluss est passé maître. Jamais une bande dessinée n’a été aussi subversive, corrosive et hilarante en même temps. Mickey et Dingo partent pêcher à la dynamite dans une zone militaire d’essais atomiques. Une bombe explose en représailles. La dernière vignette en page 5 montrant Dingo éberlué et Mickey, clope au bec, lunettes de soleil vissées au museau, conduisant sur le chemin du retour, est à hurler de rire. Les radiations transforment Mickey en « super bad ». La souris devient un gros rat pourchassé par la meute des honnêtes gens, Donald en tête, hystérique et sanguinaire. Les péripéties sont à se tordre de rire. La parodie est démultipliée : Mister Hyde, Frankenstein, Godzilla… 27 feuillets en noir et blanc avec une mise en page inventive, un dessin faussement naïf et une thématique déjà bien en place : le galonné méchant et borné, l’innocence bafouée, l’asservissement et le cynisme omniprésents. On peut lire et relire cette histoire sans jamais l’épuiser. Winshluss est un génie du 9e art. Super Negra. – Les Requins marteaux, DL 2012 [1999, 2005]. Les éditions albigeoises Les Requins Marteaux remettent pour la troisième fois le couvert à propos du Super Negra de Winshluss (1999, 2005 et 2012). A chaque fois, l’opuscule se trouve modifié par ajout ou suppression d’appendices. L’édition de 2005 proposait en plus cinq planches narrant le parasitage de soirée privée par les trois pas marrants petits canards, Riri, Fifi et Loulou, petits-neveux du vieil avare Balthazar Picsou, bien loin de la bienséance disneyenne, plus proche de la voyouterie décomplexée d’aujourd’hui. Elle incluait aussi en 2e de couverture une superbe reproduction en couleur tirée de la revue Ferraille où Betty Boop s’offusque que les trois petits cochons, roses et grimaçants, s’amoncellent derrière son épaule pour lire la revue Ferraille qu’elle tient ou peut-être veulent-ils tout simplement bigler sur ses superbes seins qu’elle dissimule derrière le « journal préféré des petits cochons ». La 4e de couverture dévoilait les mimiques de Mickey à l’Actor Studio. Tout cela a disparu dans l’édition de 2012 mais d’autres historiettes indépendantes de l’histoire centrale où Mickey et Dingo mutent après avoir goûté aux radiations, la souris de Disney devenant un rat, Dingo virant en monstre gigantesque à l’exemple de Godzilla. On y trouve « Caroline invite ses amis à sa soirée de merde » très librement inspiré d’un album de Pierre Probst « Une fête chez Caroline ». Winshluss se délecte à pourfendre le mythe de la petite fille modèle, ici une « jeune fille sophistiquée », égocentrée qui « aime les trucs kitchs, les beaux mecs et perdre du poids ». Ses pseudo amis, Noiro, Boum et Youpi sont les « rois de l’incruste » et remplacent sans peine les trois canardeaux dépravés. Le véritable et jouissif apport est la parodie du « Temple du soleil » où Tintin devient Jean-Jean, accompagné du « Capitaine » et du chien Dagobère. Six planches extraordinaires proviennent du n° 16 de la revue Jade [1]. Bien que l’édition des Requins Marteaux reproduise les planches avec une belle qualité d’impression, le format est trop petit et le dessin fouillé de Winshluss en pâtit un peu. Nonobstant cette contrainte comme dirait le vieux schnock de professeur, amateur de baronne et de cognac, dans chacune de ses petites mains expertes, racontant les mésaventures de Jean-Jean, la trivialité est excitante, le dessin colle à la peau des personnages, les dialogues sont hilarants, le découpage proche du génie à l’exemple des deux cases où Shirley, offerte nue sur un lit d’hôtel invite Jean-Jean à une partie fine. Elle lui demande son nom et scande dans l’image suivante : « Jean-Jean ! Jean-Jean ! » dans une prise en levrette biaisée alors que le jeune reporter aventurier serait en droit de scander des borborygmes de bûcheron sous forme de « Han-han ! » mais, bien élevé, il se contente de grimacer et d’exsuder en silence sous son Marcel. Besogne accomplie, enfilant son pantalon de golf, il complimentera son amante d'un jour : « Vous êtes une fille fantastique Shirley… Je crois que je vous aime… » Jean-Jean, jeune homme niais, en prend pour son grade, notamment après la découverte de sa cuisante gonorrhée que shirley fait passer pour un coup de chaleur mais Tintin, héros inoxydable, n’en souffre pas. Winshluss est un créateur exceptionnel dont le trait expressif et la narration fluide régénère un média souvent phagocyté par des séries amidonnées. Des boues et des turpitudes humaines, Winshluss en fait de l’or en barre. [1] Fanzine créé en 1991 puis revue en 1995, stoppée en 2003, relancée en 2006 dans la collection Lépidoptère des éditions 6 Pieds sous terre.
Hitler est mort
J'avais déjà eu l'occasion de lire "La Mort d'Hitler dans les dossiers secrets du KGB" du même auteur. Dans cet essai, aidé de Lana Parshina, Jean-Christophe Brisard avait enquêté sur ce que savaient les Russes en 1945 de la mort d'Hitler et sur ce que serait devenu son corps. Cette enquête était déjà passionnante, j'étais donc ravi de me plonger dans l'adaptation en BD par le journaliste lui-même. Nous suivons donc deux équipes et deux enquêtes sur la mort d'Hitler menées par deux organisations d'espionnage de l'URSS : le Smersh (contre-espionnage) et le NKVD qui deviendra plus tard le KGB. Loin de s'entraider c'est une lutte fratricide qui se déroule sous nos yeux où tous les coups sont permis. L'objectif de chaque organisation est d'accomplir sa mission pour que son chef puisse briller auprès de Staline et que la gloire rejaillisse sur eux par écoulement. Le contexte de la fin de la guerre est bien dépeint également avec les exactions commises par les soldats russes ou les échanges d'informations parcellaires entre les alliés. Le dessin de Pagliaro colle bien à l'histoire. Certains de ses personnages ont des "gueules" et on se prend de sympathie ou d'antipathie instantanément pour certains d'entre eux. Hâte de découvrir la suite de l'histoire de cette BD qui, contrairement au livre qui s'adresse plus aux passionnés, ravira tous les amateurs de BD historique ou d'enquêtes policières.