Les derniers avis (289 avis)

Par pol
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Odyssée d'Hakim
L'Odyssée d'Hakim

Pourquoi tant d’hommes, de femmes, ou de familles entières quittent tout et prennent le risque de mourir en traversant la Méditerranée dans un canoë de fortune ? Parce que la situation dans leur pays est désespérée à tel point qu’ils n’ont plus d’autres alternatives pour continuer leur vie. J’avais déjà été très touché par la lecture de Ce n'est pas toi que j'attendais du même auteur. Fabien Toulmé remet le couvert avec un nouveau récit bouleversant. Il nous raconte au travers de 3 magnifiques albums l’odyssée d’Hakim, un réfugié syrien qui a fuit son pays et la guerre pour rejoindre la France. Et (malheureusement) ce n’est nullement une fiction. Il a rencontré et interviewé à de nombreuses reprises Hakim, et c’est le récit de cette tranche de vie incroyable qu’il nous met entre les mains. Le genre de récit qui vous prends aux tripes, qui fait un gros noeud avec et qui vous retourne pour quelques jours une fois la lecture terminée. L’histoire d’Hakim c’est pas celle d’un pauvre type qui vit dans la misère et qui s’est levé un matin en se disant tiens je vais aller m’installer en Europe et vivre des allocs. L’histoire des réfugiés ce sont des gens qui quittent un pays déchiré par la guerre civile, les bombardements quotidiens, la dictature, la torture. Leur but ? Survivre… Ceux qui fuient, ce sont ceux qui ont les moyens de le faire, ceux qui ne les ont pas restent là bas en attendant la mort. Horrible réalité. En l’occurence notre Hakim est patron de sa petite entreprise, propriétaire de son appartement quand éclate la guerre dans son pays. C’est l’instinct de survie qui va l’amener à se décider à franchir le pas. Pas loin de 800 pages prenantes pour raconter en détail un parcours incroyable, des épreuves terribles, de l’espoir, de l’attente, de la peur, des désillusions, des petites victoires qui se résument parfois à un simple repas où juste un toit pour dormir une nuit. On s’attache tellement à Hakim, on souffre pour lui, on a envie de l’aider, on ressent tellement d’injustices à la lecture de ces pages. Ce récit est incroyable. Il montre la dure réalité des migrants et des réfugiés. Au fil du voyage d’Hakim, on découvre les conditions dans lesquelles ils sont accueillis dans les différents pays européens, si on peut appeler ça un accueil… Le propos est juste, la narration est brillante, le dessin est merveilleusement bien adapté, avec un style jovial qui contraste avec la violence du sujet. Lorsque vient la dernière page, on à l’impression de connaitre Hakim comme un ami. On n’a pas envie que le récit s’arrête là. On a envie de la suite : comment lui et sa famille vont aujourd’hui ? Quelle est sa vie maintenant ? Une série d’utilité publique, à lire de toute urgence. Le genre de livre qui ouvre les yeux sur le monde qui nous entoure. Une lecture marquante dont je ressors indéniablement changé.

05/12/2020 (modifier)
Par DCD
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Transmetropolitan
Transmetropolitan

Arrivé à la moitié du premier volume, la collection en compte six, je m’orientais vers le premier avis tant « Spider Jérusalem » le personnage central est trivial sur la forme, alors que l’histoire peine à avoir du fond. Mais petit à petit, on se prend à aimer suivre les enquêtes de ce journaliste indépendant et sans concession, quand on lit ses premiers articles écrits à l’acide et aux fèces (oui, oui). On comprend mieux la ville futuriste dans laquelle il évolue, qui n’est en réalité qu’une exagération de notre société médiatique actuelle. L’information télévisuelle y est partout et intrusive (comprenez, sur tous les murs de votre logement, sur les trottoirs...), mais n’explique rien et se contente d’énoncer des faits, pour pouvoir mieux placer ses émissions de divertissement très vulgaires et ses pubs. Ce monde est d’ailleurs fantastique, avec ses émissions pornographiques pour enfants, sa fabrication d’humains pour l’alimentation, et oh oui ! ses « faiseurs » ! Des machines capables, à partir d’un bloc de matière densifiée (ou d’ordures pour la classe moyenne), de fabriquer vos vêtements, vos repas et… leur propre drogue. Et si vous la leur retirez, une tête de cheval qu’ils placeront dans votre lit, comme menace de mort quand ils appartiennent à la mafia. Les progrès scientifiques y sont légions, comme l’asexuation, pour ne plus à avoir de rapports sexuels, les médicaments contre le cancer, pour pouvoir énormément fumer, le remplissage de l’estomac par des bactéries, pour ne plus avoir à manger, et d’autres qui seront moins anecdotiques, comme la capacité à réveiller les personnes cryogénisées dans le passé, dont l’arrivée dans ce futur oppressant rendent fous, ou ces humains qui veulent se transformer en « faiseur » ! « Spider Jérusalem » traverse ce décor avec sa rage, sa violence et son humour, pour ouvrir les yeux de ses concitoyens lobotomisés, quitte à les secouer trop vivement et à vous faire souffrir de le lire. Mais si vous passez la lecture du premier volume, vous devriez succomber à cet univers brutal et à son personnage féroce même si l’œuvre reste de premier abord décousue. En seconde lecture, la personnalité surprenante du héros ne jouant plus, c'est réellement une très bonne bande dessinée !

24/11/2020 (modifier)
Par Pirlouit
Note: 5/5
Couverture de la série XIII
XIII

Rien à ajouter aux jugements positifs sur cette série, dont je me rappelle avoir lu d'une traite, la nuit, les 12 premiers épisodes. Auparavant je n'avais même jamais cherché à la lire, car le titre, "XIII", me rebutait. Par contre, je voudrais regretter ici, et ce, encore une fois malgré la qualité du scénario, les invraisemblances assez grosses qui se nichent surtout dans les premiers épisodes, et qui laissent à penser que Van Hamme a construit son scénario au fur et à mesure: On sait au bout du compte que Carington sait depuis le début que XIII est en réalité Jason MacLane, qu'il l'a recruté lui-même pour faire croire aux comploteurs que Steve Rowland n'était pas mort. Or, dans "Où va l'indien", il est bien persuadé d'avoir en face de lui Rowland, ce qui ne tient pas la route. Et on ne voit vraiment pas pourquoi, vu qu'il sait qui est en réalité XIII, il ne le lui dit pas ou ne l'aide pas à se retrouver. Pourquoi il l'envoie retrouver sa pseudo famille Rowland, ce qui ne sert à rien s'il sait qui est XIII, qui n'apporte rien non plus dans la résolution du complot, et ne fait que mettre XIII en danger. Et puis, le couplet sentimental sur Rowland dont la mort l'aurait presque fait pleurer alors que celui-ci est quand même assez proche d'une ordure, ça ne tient pas. Cette invraisemblance dure tout de même un certain nombre d'épisodes. Je pense que Van Hamme a fait aussi de Kim la fille de Carington seulement au bout d'un certain temps. Il n'y avait pas pensé au début, cela se voit. Autre petite invraisemblance: On ne comprend pas bien comment on peut trouver sur le fusil de Rowland (qui a tué Sheridan) les empreintes de XIII, et que celles-ci ne sont pas celles de Rowland. A moins que Rowland ne se soit lui aussi fait changer ses empreintes, et qu'on ait ensuite mis les mêmes à XIII, ce qui est incompréhensible. Le plus normal aurait été qu'on ait changé les empreintes de XIII en les remplaçant justement par celles de Rowland. Mais comme les empreintes de Rowland à la suite d'une verbalisation pour conduite en état d'ivresse sont le moyen de prouver que XIII n'est pas Rowland, tout ça se mord la queue!... ouf! Bref, il y a aussi d'autres petites invraisemblances, mais malgré tout on reste toujours fasciné par cette série, et pour ma part je la relis régulièrement... en m'agaçant à chaque fois des invraisemblances, mais ce n'est pas grave. Comme beaucoup, j'estime qu'après le 12e volume, la série perd de son intérêt, et j'ai arrêté d'acheter après le tome 19 (enfin j''ai acheté les trois ou 4 premiers de la nouvelle série, puis j'ai abandonné. Sans intérêt) Quant aux volumes sur chaque personnage, je les trouve souvent (pas tous quand même) inintéressants, et même souvent trahissant les personnages.

20/11/2020 (modifier)
Par grogro
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Discours de la panthère
Le Discours de la panthère

Jérémie Moreau est décidément un auteur à suivre. S'il n'a (presque) pas toujours réalisé des chefs d’œuvre (Penss et les plis du monde était une déception du point de vue graphique avec ses personnages à moitié mangaïsés), il sait cependant se renouveler. C'est un auteur qui cherche, explore, trouve souvent... On sent le gars généreux, plein d'audace, qui a des choses à dire et à faire voir, et surtout, qui ne s'assoie pas sur le succès. Rien que pour cette raison, avec Le Discours de la panthère, l'ami Moreau confirme tout le bien qu'on pensait de lui et s'impose comme un artiste incontournable. C'est finalement assez rare pour être souligné me semble-t-il. Ce nouvel essai est, une fois encore, marqué d'emblée par un changement de style graphique tout à fait saisissant. Même si l'on retrouve par moments ce goût pour les fonds texturés qui avaient conféré une puissance phénoménale à La Saga de Grimr, les dessins, épurés et chatoyants donnent ici l'impression d'un parti pris très fort et parfaitement assumé. "Penss", son ouvrage précédent, m'avait au contraire laissé un goût d'inachevé. On sentait clairement que l'ami Moreau hésitait alors entre plusieurs voies possibles. Au contraire, la sobriété lumineuse du Discours de la panthère tranche net et nous invite à pénétrer dans un monde merveilleux. L'expressivité des personnages (ici exclusivement des animaux) a toute la place pour s'exprimer. Moreau parvient à capter l'essence de chaque animal et à la fixer dans des gestes et des attitudes tout à fait typiques : mouvements de tête caractéristiques de l'autruche, marche lourde et chaloupée de l'éléphant, pas rapides du pagure (le fameux bernard l'hermite)... Mention spéciale aux vols acrobatiques et si féériques des étourneaux. Le dessin vibre et s'anime comme dans un trip sous LSD. De toute beauté ! Ce livre est d'abord un enchantement pour les yeux, à plus forte raison parce que les éditions 2024 ont su apporter à ce conte animalier l'écrin qui lui sied comme un gant. Mais ce magnifique dépouillement, tout en aplat de couleurs, souvent réduit à une ligne d'horizon, une dune, un arbre, une montagne, un nuage... permet également à l'histoire de s'étirer dans les moindres recoins. Cet ensemble de fables, comme autant de paraboles habilement imbriquées les unes dans les autres, voit son graphisme mis entièrement au service du propos, autant spirituel que philosophique. Au fil du livre, à travers chaque expérience de vie, le lecteur assemble peu à peu ce puzzle dont la dernière pièce (l'histoire du singe, sorte de proto humain en quelque sorte) donne tout son sens à cette réflexion sur la vie et ce qui nous unit à elle de manière intime. C'est beau et profond dans la forme et tout autant, sinon plus, dans le fond. Et tout ça sans jamais verser dans la lourdeur, le pathos ou la morale à papa. Une gageure ! En réalité, Jérémie Moreau choisit bien l'animal en fonction de ce qu'il lui fait vivre. Par exemple, de manière certes un peu convenue mais qu'importe puisque ça fonctionne, l'éléphant illustrera l'Histoire et la mémoire, ainsi que la manière dont on se construit aussi en fonction d'elle. L'autruche, animal a fortiori nettement moins gracieux qu'un chaton, symbolisera quant à elle l'image que l'on a de soi-même... Ainsi, chaque histoire s'attache à un aspect de la vie (et de la mort) pour former un ensemble parfaitement dense et cohérent. Blindée de discrètes références (on songe pêle-mêle au douanier Rousseau, à Kipling, La Fontaine, Esope...), le Discours de la panthère et son style naïf ne manquera pas d'interpeller. Magnifiquement illustrée, soutenue par des textes malins, le lecteur se voit tout entier absorbé par cette histoire d'une originalité certaine. Ajoutons que ce livre s'adresse aussi bien aux adultes qu'aux enfants, et on comprendra que l'on tient ici une bande-dessinée aussi originale qu'universelle. Cette lecture fut un véritable enchantement qui m'a scotché un sourire béat aux commissures toute la journée. Ben moi, j'appelle ça un coup de cœur !

10/11/2020 (MAJ le 12/11/2020) (modifier)
Par pol
Note: 4/5
Couverture de la série Les Frères Rubinstein
Les Frères Rubinstein

Voilà une fresque familiale des plus prometteuses. La collaboration de plusieurs auteurs se fait avec une harmonie remarquable à tous les niveaux. Entre histoire et dessin bien sûr, puisque le visuel nous permet de plonger les deux pieds en avant dans le récit. Mais également entre personnages et décors puisque 2 dessinateurs se partagent ce découpage sans qu'il y ait quoi que ce soit à redire tant le résultat est cohérent et esthétique. Des visages joviaux et expressifs, rendant sympathiques nos deux héros dès les premières cases. L'architecture des villes nous emmène brillamment au siècle dernier. Un sans faute graphique. Et l'histoire n'est pas en reste. On suit les aventures de 2 frères à travers les âges et les lieux, d'un coron du nord de la France, jusqu'au camp de Sobibor en passant par Paris. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il s'en passe des choses dans leur existence. Les difficultés que leur réserve la vie semblent les unir encore plus, et chacun est prêt à tout pour son frère. C'est beau, le lien qui unit cette fratrie fait plaisir à voir, d'autant plus qu'on y croit à fond. Cela ne parait jamais cliché et pour une histoire de juifs pendant la guerre, cela ne parait pas déjà lu cent fois. Les relations familiales sont vraiment au premier plan, bien mises en lumière par les nombreuses péripéties et le contexte historique. Les héros sont vraiment attachants, leurs aventures pleines de rebondissements qu'on prend plaisir à suivre. L'histoire se ballade dans le temps de 1927 à 1942, en revenant régulièrement entre les deux, sans que cela soit confus ou perturbant. Au contraire ces flashbacks amènent un vrai plus à la narration. Les évènements présents trouvant leur source dans le passé, le comportement d'un personnage faisant écho à une péripétie plus ancienne. C'est limpide, cohérent, tout trouve du sens au fur et à mesure que l'histoire avance. On a vraiment envie de connaitre le destin de nos deux héros. La saga semble partie pour durer, il ne reste qu'à espérer que ce soit aussi bon tout au long des tomes à venir.

07/11/2020 (modifier)
Par Ju
Note: 4/5
Couverture de la série Dans la tête de Sherlock Holmes
Dans la tête de Sherlock Holmes

Sans aucun doute un très bon travail que voici. J’ai eu une très courte période d’attrait pour Sherlock Holmes durant mon adolescence, j’ai lu quelques romans et j’aimais beaucoup. Cela n’a pas duré mais j’ai toujours gardé de l’affection pour ce fameux détective, notamment en bd avec Baker Street. Néanmoins, nous sommes dans une bd qui n’a rien à voir avec la précédente nommée. Nous avons ici un Sherlock génial et intuitif, et dont les addictions prennent pas mal de place. Watson est son parfait faire valoire, sérieux, honorable mais beaucoup moins génial et intuitif. L’intrigue est plutôt agréable même si pas extraordinairement originale. Mais pour les amateurs de polar, cela suffit amplement. La véritable originalité de cette bd réside néanmoins dans son aspect graphique. Le dessin est assez agréable, la colorisation aide aussi à rentrer dans l’ambiance, et le découpage des cases, qui prennent différentes formes, apporte de l’originalité. Mais j’ai surtout apprécié certaines planches où la pensée de Sherlock est détaillée, où les liens qui se font dans son esprit sont couchés sur le papier sous formes de dessins. Plus que pour la narration de l’histoire en elle-même, c’est en cela que l’idée de raconter une histoire à la Holmes et non à la Watson est intéressante. Suivre seulement l’intrigue dans une bd classique m’aurait ennuyé. Mais suivre cette intrigue avec ces dessins et cette particularité sur plusieurs planches, là, j’ai vraiment trouvé ça intéressant. J’ai aussi bien aimé jouer avec les pages (plier, voir en transparence) mais pour le coup j’ai trouvé que ça aurait pu aller plus loin (il fait dire que je venais de lire la série entière des Julius Corentin Acquefacques). On sent que Benoît Dahan s’est cassé la tête sur chaque planche pour donner le meilleur résultat possible. Et le résultat est là. Vivement la suite, j’avoue attendre encore plus d’originalité d’un point de vue graphique et "matériel".

26/10/2020 (modifier)
Par Gaendoul
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Marsupilami de Frank Pé et Zidrou - La Bête
Le Marsupilami de Frank Pé et Zidrou - La Bête

Bwouf...je viens de terminer La Bête et c'est excellent. Le dessin et surtout la mise en page sont très bien maîtrisés et parcourir les pages de cet album est un véritable plaisir. La scène d'introduction est parfaite, la cohérence de l'ensemble, le travail de présentation des personnages... du très beau boulot et on ne peut que se prendre d'affection pour Fran(z)çois, sa mère, Monsieur Boniface et autres seconds rôles. Le tout a un côté cinématographique très prononcé, notamment dans les angles de vue et le déroulement. Certaines planches retranscrivent à merveille les émotions des personnages sans avoir besoin de montrer leur visage ou de les faire parler... Bref, une très très bonne surprise et je recommande vivement la lecture de cet album riche en émotions.

24/10/2020 (modifier)
Par Canarde
Note: 4/5
Couverture de la série Serena
Serena

Bonne BD. Longue, inquiétante. C'est l'adaptation d'un roman de Ron Rash, (je ne connaissais pas cet auteur et ne saurais dire si ça surpasse ou non l'inspiration originelle), et l'album garde l'épaisseur psychologique qui souvent se perd au passage du roman à la BD. Le décor sombre et triste, seulement éclairé par la chevelure rousse de Serena, s'étend sur les plaines du far ouest, dans le milieu des exploitations forestières à la grande époque où tout était libre puisqu'on avait dépossédé les peuples autochtones. Les personnages principaux sont peu nombreux, et cela augmente l'attention portée sur eux et contribue à l'atmosphère de tragédie grecque. Les trois personnages de la couverture suffiraient presque à tenir en main le scénario, mais les seconds couteaux apportent leurs variations, et jouent parfaitement leur rôle : le répugnant docteur, la vieille mère voyante, le faible chérif qui réussit l'action de sa vie, la jeune innocente protégeant son enfant illégitime.... Et derrière tous ces rouages du drame, une sorte de chœur antique, ici composé d'ouvriers bucherons qui commentent les évènements, représentés à contre-jour, presque en silhouette sur une tache blanche où les cases disparaissent. La réussite principale de ce scénario est de nous faire glisser de la séduction vers la fascination puis la terreur à l'égard de ce personnage qui donne son nom à l'album et monopolise le pouvoir tout au long de l'histoire. Pour le dessin , il s'efface devant le déroulement de l'action et l'habileté de la mécanique narrative, et des dialogues. Peu de moyens : peu de couleurs, peu de précision, mais une charpente de la grille des cases (je crois que ça a un nom, mais je ne parviens pas à m'en souvenir) bien pensée et variée. Belle œuvre, tentaculaire, qui se referme sur notre gorge à chaque page tournée, mais finit par nous sortir la tête de l'eau à la dernière minute...

15/10/2020 (modifier)
Par Franz
Note: 5/5
Couverture de la série Smart monkey
Smart monkey

L’élégance du singe Comment rendre compte d’un chef-d’œuvre du 9e art et du génie de son auteur ? Pour la quatrième fois, je relis Smart Monkey et je m’extasie encore. D’où Winshluss tire-t-il sa force subversive ? Comment fait-il pour rendre compte, sans une parole, par la seule force du dessin en noir et blanc, de la misère de l’homme, de son insignifiance, de sa cruauté, de son aveuglement mais aussi de son opiniâtreté, de sa quête d’amour, de son talent ? En dépit de la mélancolie qui nimbe toute l’histoire, on rit sans arrêt et parfois très fort car le récit va crescendo. Les séquences s’enchaînent à un rythme élevé. Smart Monkey, singe chétif mais intelligent, prototype de l’homme à venir, réussit à soudoyer en vue d’une copulation expresse, à l’aide d’une seule banane, une femelle gorille du harem contrôlé par un mâle dominant à la masse musculaire impressionnante et à la cervelle inversement proportionnée. Smart Monkey ne perd jamais le nord et sait, à l’occasion, faire preuve de sadisme à l’égard de ses ennemis. Le tigre à dents de sabre va en faire les frais en prenant sur le coin des naseaux un nid de guêpes. Si le singe élégant sauve les oisillons du serpent, c’est pour mieux les manger cru. L’alliance avec le mammouth, la découverte de la neige et du jeu puis la maîtrise du feu humanisent le singe à nez de clown. Au passage, il génocide, sans aucune raison, comme un enfant piétinant une fourmilière, toute une civilisation raffinée de… crevettes. De retour dans son clan, il ramène le feu. Adulé par les femelles, il peut à loisir disposer du harem puisque le chef en a été expulsé. Celui-ci fomente sa vengeance. Ah ! Ces trois cases révélant la cogitation du chef déchu et l’explosion de la lumière entre ses deux yeux ! Qui peut montrer avec autant de force l’émergence de la conscience dans une masse brute ? Un épilogue (avec des phylactères) conte l’amour contrarié entre le vicomte ruiné Hubert Lacloche de Vallombreuse et Hermeline, elle-même issue d’une famille bourgeoise en difficulté. L’arriviste Fauchard, millionnaire des usines Fauchard et fils, a des vues sur Hermeline. Ne susurre-t-il pas à l’oreille du père qui pense que le vicomte pourrait offrir son nom à sa fille : « Ne serait-il pas plus sage de lui offrir mes millions… ? » Le cynisme de l’entrepreneur s’impose face à l’idéalisme du vicomte qui cherche à démontrer que les théories darwiniennes sont fondées. La mise en écho s’impose alors avec la première partie de l’histoire. La chute n’en est que plus brutale. On ne sait pas quelle est l’image la plus désolante, la toute dernière de l’histoire, avec ce pic montagneux, dans la nuit et la neige ou bien, et c’est là un des multiples talents de l’auteur, dans le tableau de famille qui se glisse en toute dernière page de l’album ? On regarde à nouveau la couverture en couleur et on est touché par le visage lunaire et mélancolique de Smart Monkey prêt à découvrir le monde. Oui, Winshluss est un génie de la bande dessinée et les éditions Cornélius lui ont fait honneur ! Les noirs sont rendus avec une profondeur incomparable. Les blancs sont éclatants. Le papier épais, les cahiers cousus ajoutent encore à la valeur de ce livre brûlant et inépuisable.

07/10/2020 (modifier)
Par Titanick
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Aventures de Tintin
Les Aventures de Tintin

Comment débuter ma participation sinon par Tintin. J'ai appris à lire avec Tintin et même bien avant, aux dires de mes parents, car je ne m'en souviens forcément pas, j'ai appris à parler avec les personnages de Tintin. Ils étaient sur le calendrier du mur de la cuisine, il paraît qu'on me les montrait et je disais : « Tintin, Haddock, ... ». Après, je les ai tous lus, relus, re-relus quasiment à les connaître par cœur. À chaque fois c'était une aventure constamment renouvelée. Le plaisir de la découverte des premières lectures est vite remplacé par celui de l'attente impatiente des péripéties suivantes des prochaines pages, on s'en régale d'avance. Aujourd'hui encore, après quelques décennies, si je devais n'emmener qu'UNE série sur une île déserte... bref, on ne touche pas à Tintin ! Maintenant, si j'essaie de me détacher autant que je peux de l'affect pour appréhender l’œuvre d'Hergé, je trouve que, hormis les tout premiers, les récits sont sacrément bien construits. Les déroulements s'enchaînent, l'intensité dramatique se poursuit, entrecoupée de parenthèses d'humour en particulier avec les déboires du capitaine ou la surdité de Tournesol, mais le fil n'est jamais perdu et Hergé nous mène là où il veut. Un modèle du genre est le secret de la Licorne, aucun détail même d'arrière plan n'est laissé au hasard, c'est du grand art. Les bijoux de la Castafiore sont aussi ciselés à souhait. Et le dessin, clair, Essentiel avec un grand E, rien de superflu. Avec la simple ligne claire et les aplats de couleurs, on a la moiteur des forêts tropicales et le sublime des neiges himalayennes. Des personnages tous trop trognons accompagnent Tintin, que demander de plus ? Ah si, même si on pourrait reprocher le journal dans lequel travaillait Hergé, il n'empêche que Tintin est toujours du côté de l'opprimé, et l'affirme de plus en plus au fil des albums. Mes préférés, tous à partir du Lotus bleu, mais surtout, on va dire dans l'ordre : le secret de la Licorne, les bijoux de la Castafiore, Tintin au Tibet, l'affaire Tournesol, l'étoile mystérieuse, l'île noire, le diptyque au Pérou, celui sur la lune... bref tous. Rien que d'en parler, j'ai envie de me refaire la série, tiens, soirée cocooning Tintin aujourd'hui !

30/09/2020 (modifier)