Les forums / Un bon manga

Par ThePatrick Le 28/04/2004 - 15:06 (Modifier)
ThePatrick

Pour commencer, une explication convient : je ne pouvais pas mettre 5 étoiles, cette note me paraissant trop faible pour une œuvre d'une telle envergure. Le commentaire accompagnant la note d'1/5 me semblait en revanche plus proche de ce que j'ai ressenti à la lecture de Mariko Parade, d'où mon choix : en effet, je n'ai "vraiment pas aimé !", ne soyons pas timide : j'ai a-do-ré. Je n'en conseille pas non plus l'achat : échanger quelque chose d'aussi beau contre de l'argent, ce serait le salir. Pour cette manga, pour ce bande dessiné, Frédéric Boilet a choisi un sujet audacieux : le quotidien, le vécu, l'intime. Contrairement aux vulgaires préoccupations des fabricants d'univers imaginaires, de personnages fictifs, de scénarii élaborés, qui fournissent à longueur de temps des BD adolescentes et creuses, voire, n'ayons pas peur des mots, grand public, Boilet a compris que le seul genre susceptible de délivrer réellement du sens, c'était la confession intime sentimentalo-sexuelle. Pour être artistique, intelligent, profond et sensible, il faut parler de soi. Une chance : Frédéric Boilet adore ça. Il nous livre donc une manga d'une profondeur et d'une sensibilité inouïes à travers le récit d'un instant de sa vie amoureuse. Contrairement au quotidien des simples mortels, sans intérêt et d'une bassesse tout juste bonne à remplir les émissions vulgaires de Jean-Luc Delarue ou Mireille Dumas, le quotidien des Auteurs de Bande Dessinée est forcément intéressant, voire exceptionnel, tout en restant très simple, car on peut être un Grand Artiste et savoir rester simple. Une preuve de ce caractère éminemment extraordinaire tout en restant simple (n’oublions d’ailleurs jamais les paroles du philosophe scandinave Knaki Hertaä, «Ne passons pas à côté des choses simples») nous saute aux yeux page 129, au travers d'un passage de dialogue adressé à l'objet sexu… euh, je veux dire, au modèle qui pose gratui… euh, je veux dire, à la femme qu'il aime, dialogue évidemment touchant de simplicité (les esprits chagrins n'hésiteront pas à dire "confondant de platitude" ; il ne faut voir là que jalousie de gros connards qui cassent les autres pour se donner l'impression d'exister) et de véracité (donc sensible, artistique, profond, intelligent, etc.) : "J'ai débarqué au Japon il y a cinq ans… Rien que ça, c'est déjà un beau hasard…" Beau hasard, merveilleux hasard, hasard hors du commun. Qui aurait pu croire en effet que, cinq ans avant de prononcer cette phrase, lorsqu'il a décidé de partir s'installer au Japon du fait de l'attirance que ce pays exerçait sur lui, d'acheter un billet d'avion pour le Japon, d'embarquer dans un avion pour le Japon, Frédéric Boilet finirait par débarquer au Japon ? Il est clair que, dans les conditions susdécrites, Boilet aurait pu débarquer n'importe où ailleurs. Magie du hasard, caprice de Dame Fortune, miracle du destin, c'est au Japon qu'il a débarqué. Etourdissant. Et il poursuit : "Là-dessus, je te rencontre… En terme de probabilité, c'est quasiment miraculeux, non ?" L'Artiste, comme tout grand artiste, doute : pour lui, tout cela ne serait que quasiment miraculeux. Superbe modestie face à cet époustouflant pied-de-nez à la loi des probabilités que les lecteurs, et probablement le Vatican, reconnaîtront pourtant comme un authentique miracle : débarqué et installé au Japon, Boilet a rencontré une jeune japonaise qui vivait au Japon. Jésus peut aller se rhabiller (surtout que le pagne, c'est démodé), avec sa multiplication des pains et sa résurrection. Boilet vit des miracles encore plus grands : en prenant un vol pour le Japon, il débarque au Japon. Au Japon, il rencontre une japonaise. En la draguant avec le coup de l'artiste-sensible-qui-sort-d'une-histoire-triste-et-douloureuse, il devient son petit ami. Que de hasards, que de miracles. On regrette un peu la pudeur de Boilet, qui le pousse à nous cacher tous les autres petits miracles qui constituent vraisemblablement sa vie : quand il marche sous la pluie, il est mouillé ; quand il a un rhume, il se mouche ; quand il pense à Fernande, il bande ; etc. A propos de bander, c’est là l’un des thèmes majeurs de Mariko Parade : Boilet nous parle du désir, surtout du sien, uniquement du sien même, flirtant avec ce que certains considéreraient comme de la pornographie mais n’est en fait que de l’érotisme, le vrai, au sens où on voit pas la bite. On comprend là que l'exil de Boilet au Japon était inéluctable, nécessaire : dans l'Occident si pudibond, impossible d'appeler une chatte une chatte, interdiction de représenter la moindre scène de sexe, le plus petit bout de sein, le moindre centimètre carré de fesse. Le Japon, moins arriéré, plus libéré, a donné à ce créateur cette folle liberté, inconcevable dans un pays excessivement prude comme le nôtre, de montrer des femmes à poil (en revanche, la censure japonaise n'autorise quand même pas à montrer les poils de la femme à poil, mais on peut pas tout avoir, hein). Merci, le Japon. Le Japon, Frédéric Boilet en est un expert, puisqu'il y vit depuis 5 ans au moment de cet album. Loin des clichés, loin des stéréotypes qui réduiraient toute la complexité d'un pays et d'un peuple à une série d'images d'Epinal pour Occidentaux en mal de dépaysement et désireux d'être confortés dans leurs idées reçues sur l'Autre, Boilet nous montre que le Japonais, créature triste et fugace, porte des kimonos, boit du thé et cultive des jolies fleurs parfumées (on pardonnera à Boilet d'avoir oublié de préciser qu'en plus de tout cela, le Japonais mange des sushis en faisant du karaté). Boilet nous parle des Japonaises ou plutôt de la Japonaise, ces petits êtres souriants pouvant aisément être réduits à un seul portrait psychologique type sans se montrer ni misogyne ni raciste : la gentille fille un peu fantasque qui aime les histoires d'amour tristes. Evidemment, il y a quand même des choses à prendre au second degré là-dedans. Boilet n'hésite pas à s'apostropher lui-même, se surnommant ironiquement le "pro de la japonaise". Car Boilet n'hésite pas à se moquer de lui-même, comme pour mieux nous rappeler que, dans le fond, le vrai sujet important et intéressant de son œuvre n'est pas le personnage féminin japonais générique avec qui il baise, mais lui-même. L'intrigue (que l'auteur m'autorise à employer, faute d'un meilleur terme, ce mot grossier typique de la BD commerciale, pour désigner la succession de faits anodins mais réellement vécus, donc lourds de significations profondes, relatés dans cet album) de Mariko Parade relève d’ailleurs de la même démarche narciss… euh, nombrili… euh, artistique, sensible, profonde et intelligente : c'est une BD qui raconte le travail préparatoire qui lui a permis d'exister. Une BD qui raconte sa propre gestation. Qui raconte comment Frédéric Boilet s'est rendu sur l'île d’Enoshima pour y effectuer les repérages grâce auxquels il a ensuite pu réaliser une BD qui raconte comment il s'est rendu sur l'île d’Enoshima pour y effectuer les repérages grâce auxquels il a ensuite pu réaliser une BD qui raconte comment il s'est rendu sur l'île d’Enoshima pour y effectuer les repérages grâce auxquels il a ensuite pu réaliser une BD qui raconte comment il s'est rendu sur l'île d’Enoshima etc etc, vous avez compris le principe. C’est vertigineux. Si Mariko Parade était un film, il serait son propre making-of, son propre bonus DVD. D’anciennes histoires de Boilet (donc dessinées par lui-même) sont reprises dans ce livre et intégrées dans l’histoire, parce qu'il faudrait quand même pas que cette petite japonaise qui dessine (avec un talent certain, à croire que cette impudente chipie cherche à faire de l'ombre au véritable Artiste) le reste de l'album y prenne toute la place, quand même. Le connaisseur reconnaîtra la liste en fin d’album. Mais Boilet n'est pas élitiste, et celui qui n'est pas connaisseur, mais qui sait lire quand même, la reconnaîtra aussi : c'est une liste, elle est à la fin de l'album, et elle est écrite avec des mots, en français. L’album se conclut par un bouleversant calembour quasi-lacanien : la fin des Mariko. C’est simple, c’est beau. On a presque envie de pleurer, ne serait-ce que de soulagement d’être enfin parvenu au terme de cette poignante tragédie romantique. Pour tout ce que vous faites, pour tout ce que vous êtes, merci, Monsieur Frédéric Boilet.


Par cac Le 28/04/2004 - 15:04 (Modifier)
cac

j'ai pas eu le temps de lire l'avis de cassidy, il a été censuré Triste


Par Enclume Le 28/04/2004 - 14:09 (Modifier)

Ca fait des mois que je l'ai réservé à ma bibliothèque, Quartier Lointain 2, mais la personne qui l'a emprunté a pas l'air décidée à le rendre ! C'est pas de ma faute !


Par Alix Le 28/04/2004 - 14:07 (Modifier)
Alix

Arf Mais il en manque pas une hein avec sa Spirale Sourire Avant d'acheter, lis bien les avis (surtout celui de AlixSourire) Quartier Lointain franchement, je connais personne qui a pas aimé ... meme kael et Cassidy ont aimé, c'est un signe Sourire (d'ailleur espece d'enclume tu vas me faire le plaisir de lire le 2eme tome et de monter cette note, non mais alors)


Par Enclume Le 28/04/2004 - 14:07 (Modifier)

est très sympa, même si c'est vrai que c'est en plein dans le style "gros yeux et bastons" que nous aimons tous dans les mangas.


Par EXJ900 Le 28/04/2004 - 14:04 (Modifier)

Quartier lointain devrait te plaire. C'est pratiquement certain. Sinon, tu peux toujours essayer le fabuleux Spirale.


Par Thorn Le 28/04/2004 - 12:20 (Modifier)

perso j'ai pas du tout accroché Triste mais bon, ce qui est sûr c'est que ça te changera de Mariko Parade Clin d


Par ThePatrick Le 28/04/2004 - 12:20 (Modifier)
ThePatrick

Au vu de la galerie, tu vas être gâté en ce qui concerne les "tics" grpahiques japonais. Rire


Par Pacman Le 28/04/2004 - 12:18 (Modifier)

j'ai emprumpté GTO, j'ai l'impression que ça va pas encore être ça Confus


Par Thorn Le 28/04/2004 - 12:06 (Modifier)

si t'as pas le choix de ce que tu lis, ça aide pas... il ne reste plus qu'à te souhaiter qu'ils achètent des trucs chouettes Sourire


Par Pacman Le 28/04/2004 - 11:55 (Modifier)

j'ai pas l'impression que tu lises les mangas qu'il faudrais pour te faire aimer ça... je lis les mangas que je trouve à la bibliothèque. il sont pas très fournis. ça arrive petit à petit...Sourire


Par Thorn Le 28/04/2004 - 11:35 (Modifier)

j'ai pas l'impression que tu lises les mangas qu'il faudrais pour te faire aimer ça... J'en ai pas lu assez pour savoir quels sont les mieux, mais il me semble pas que l'homme qui marche ou Mariko parade soient idéaux pour te faire changer d'avis... Si tu veux à tout prix essayer Taniguchi, lit plutôt Quartier lointain. Et sinon tu peux peut-être essayer Mother Sarah. Rien d'extraordinaire, juste une bonne BD de SF apocalyptique, mais ça se lit dans le sens de lecture normal, les yeux sont pas trop grands, bref tu seras pas trop depaysé...


Par ThePatrick Le 28/04/2004 - 10:14 (Modifier)
ThePatrick

Non mais sérieusement, laisse tomber Boilet. C'est très spécial ce qu'il fait, et pour ce que j'en ai lu, toujours dans la même veine (et oui, parler de "scénario" dans son cas est peut-être un peu abusif, "histoire" serait déjà plus juste). Donc si tu n'as pas aimé "Mariko Parade", tu ne risques pas trop d'aimer ses autres bouquins.


Par Pacman Le 28/04/2004 - 10:08 (Modifier)

et j'ai pas trouvé ça genial. Surtout pour le scénario. Qu'est ce qu'il a fait de mieux, Boilet?


Par cac Le 28/04/2004 - 09:34 (Modifier)
cac

c'est que seulement 3 tomes sont parus en France (sur 7 ou 9 ou Japon), ça m'a découragé de les prendre