Auteurs et autrices / Interview de Stefan Astier
Avec sa série Negev, qui revient presque aux temps bibliques, on pourrait le croire très sage. Mais en fait Stefan Astier est un joyeux luron virtuose de l’illustration qui cache bien son jeu.
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Je n’ai changé que mon prénom. Et puis Stefan à la place de Stéphane, ce n’est pas une grande révolution. C’est plus beau, plus simple et mes parents ne sont pas choqués.
Vous êtes nombreux les Astier dans la BD. Ton frère Laurent qui dessine aussi, Alexandre qui scénarise Kaamelott, inspiré de sa série télé… Vous avez un plan pour conquérir le monde via la BD ?
Bien sûr ! C’est une conspiration qui est pour le moment hexagonale mais des cellules dormantes sont éparpillées à travers le monde. Mais je ne peux pas en dire plus… Vous verrez le résultat d’ici quelques années ! (rire maléfique)
Tu as débuté en tant qu’illustrateur pour l’édition. Quels ont été tes travaux les plus importants ?
Oh, rien d’important hormis le fait qu’ils m’ont permis de vivre correctement. Mon premier travail consistait à mettre en couleur des personnages Disney et autres licences pour de la carterie. J’ai aussi créé quelques personnages. Mais l’essentiel est que j’ai appris à travailler rapidement et avec méthode. De plus, la couleur est devenue pour moi un axe essentiel de mon travail, un peu ma marque de fabrique.
En 2000 tu réalises ton premier album, Raoul et l'Etrange Carnaval, aux Editions Cœur de Loup. Il s’agit d’une petite aventure trépidante mettant en scène des animaux humanisés. Pourquoi n’y a-t-il eu qu’un tome ?
Tout simplement parce que les éditions Cœur de Loup ont déposé le bilan. Je n’ai reçu à l’époque qu’un tiers de mes avances sur droit. Cela m’a échaudé et j’ai quitté l’univers de la BD un peu déçu.
La « morale » de cet album est l’utilité d’unir ses forces et d’utiliser les ressources de chacun. Ça me rappelle un peu la série Sibylline, de Raymond Macherot…
Je ne connais pas Sibylline mais une autre série de Raymond Macherot : Chlorophylle. Ses histoires sont très belles et bourrées de détails amusants. Son univers me plaît beaucoup. Et sinon, c’est vrai que l’idée d’entre-aide est importante dans mon album. Je trouve que dans la société française actuelle cette notion est en train de disparaître. Le culte de la liberté individuelle conduit, dans ses excès, vers l’égoïsme et le renfermement sur soi. Le groupement humain qu’est la France n’est plus qu’un ensemble de tribus reliées par internet. Mais je reste optimiste car rien n’est immuable !
Aujourd’hui, tu reprendrais cet univers ?
Oui, bien sûr. Il faut juste trouver le temps et l’éditeur.
Ton style était très différent alors. Je t’aurais bien vu faire un Donjon monsters…
A l’époque, cela ne m’aurait pas gêné de faire un Donjon Monsters mais actuellement mes aspirations vont vers d’autres univers, plus personnels. L’âge sans doute.
Tu repars donc sur d’autres chemins, notamment le développement flash. Agence web, boîte de pub, tu promènes ta créativité un peu partout…
En fait, je suis curieux de tout. Mais Flash a été un tournant pour moi. Avec ce logiciel tout est possible : Le dessin animé, les sites internet et même l’illustration...
On peut créer tout un univers interactif avec un mélange de vidéos, d’animations, de photos et de sons. Que rêver de mieux ?
Le dessin animé Valse avec Bachir est la preuve de cette créativité.
En 2005 c’est ton frère Laurent, déjà auteur de Cirk et Gong, qui te ramène vers la BD avec la série Aven ; comment cela s’est-il passé ?
Mon frère voyait que je commençais à m’ennuyer dans la publicité. Il s’est rappelé un scénario que j’avais écrit à l’adolescence. Il s’intitulait « Le pont rouge ». Je l’ai réécrit entièrement et mon frère a fait quelques planches que nous avons proposées à Vents d’Ouest qui s’est montré intéressé. J’ai donc dit adieu à la publicité.
Comment interagissiez-vous ?
En fait, c’était la première fois que j’écrivais un scénario de façon classique. Pour Raoul et l'Etrange Carnaval, j’avais sauté cette étape et directement effectué le story board car je suis à la base un dessinateur. Et je crois que cela est dommage.
Un scénario écrit permet de se consacrer vraiment à l’histoire et à son déroulement. Sans fioritures ni facilités graphiques.
Mais par contre mon scénario ressemble plus à une pièce de théâtre. Je plante le décor, décris les personnages et place les dialogues. La notion de case n’existe pas. Je découpe juste mon scénario en termes de planches. Laurent a eu donc plus de liberté pour le découpage. Il a interprété mon scénario à sa façon et effectué un story board assez rapide.
Ensuite, nous avons fait (par téléphone et mail) quelques réajustements de cadrages et j’ai réécrit ou ajouté quelques dialogues. Et ensuite, que vogue le navire !
Laurent et moi, nous ne prenons pas de gants pour émettre des critiques. Il n’y a pas de bataille d’égo et le travail s’en ressent.
Pourquoi avoir pris ce cadre campagnard pour une intrigue policière ? C’est surprenant...
L’idée de base était de confronter un policier de la ville avec un univers qu’il ne connaît pas. La vie dans un village est particulière. Tout le monde se connaît et en même temps cache des secrets. La nature peut être merveilleuse puis tout à coup inquiétante. Et puis surtout, cela me permettait de créer toute une galerie de personnages hors du commun avec des dialogues colorés et parsemés de jeux de mots.
La série s’est terminée en trois tomes. Tu n’as pas envie de prolonger cette atmosphère, ces personnages ?
Bien sûr. Mais ce n’est pas d’actualité.
Un autre projet en vue avec Laurent ?
Oui. Un projet de série où nous ferions chacun nos albums. Mais pour le moment, nous en sommes au stade du projet.
Vas-tu t’orienter vers la fantasy ? Ton style pourrait t’y amener, tu dessines de très jolis monstres…
Pour le moment, pas de projet dans la fantasy. Je ne suis pas contre mais il faudrait jouer des coudes car il y a du monde dans la place.
Venons-en à Negev, ta série actuelle. Quel a été ton point de départ, ton pitch d’origine ?
Tout d’abord, il y a eu une forte lumière puis un voix qui m’a dit : « Stefan, tu dois faire cette bande dessinée et le monde sera sauvé !!! ». Après une série d’éclairs, j’ai accepté.
Non, en fait, je me suis toujours intéressé aux mythologies et aux religions. Enfant, l’ancien testament m’avait fasciné avec tous ces récits merveilleux dans le désert. J’ai voulu retranscrire dans cette bande dessinée cette fascination et cette naïveté d’enfant.
Un truc qui m’a bien plus dans la série, parmi d’autres, c’est son humour. Les dieux, notamment, sont présentés comme des gamins toujours en train de se chamailler, vision qui est proche de celle de L’Iliade et L’Odyssée...
En fait, même lorsque je fais du policier, je ne peux pas m’empêcher d’y mettre de l’humour.
C’est dans mon caractère.
Et sinon, c’est vrai que l’Iliade et l’Odyssée font partie de mon univers intérieur. J’ai d’ailleurs choisi de placer mon histoire pendant la période grecque de la Palestine. Cela me permet une plus grande liberté de ton.
D’où vient cette idée de faire accompagner ton héros d’une chevrette ?
Le sacrifice de cet animal est un point d’orgue dans la religion juive. J’ai choisi de le laisser vivre et de le faire voyager.
Ce côté « tandem » de tes deux personnages principaux pourrait renvoyer à certaines scènes de la série Lincoln. Connais-tu cette série ?
Je ne connais pas la série. Mais un copain dessinateur m’a fait la même remarque. Je vais donc feuilleter cette bande dessinée.
Quelles ont été tes lectures (ou tes visionnages) pour préparer Negev ?
L’ancien testament pour ne pas raconter de bêtises sur la religion juive et pour l’iconographie, internet m’a bien été utile.
La série sera bientôt bouclée... Que vas-tu faire après ? As-tu d’autres projets ?
Je vais développer le projet que nous avons avec mon frère et réveiller quelques scénarios en attente.
Stefan, merci.
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